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Les enjeux de la régionalisation pour le transport

ferroviaire de voyageurs
Patrick Charabidzé,
Directeur Adjoint (analyses stratégiques)
à la Direction de la Stratégie

Une longue histoire


La loi d’orientation des transports intérieurs
(LOTI) du 30 décembre 1982 amorçait déjà le
mouvement. Elle autorisait la SNCF à conclure

A ux termes de la « Loi relative


à la solidarité et au développement
urbains », votée le 13 décembre 2000,
avec les Régions des conventions, dites
« conventions à la marge », afin d’améliorer les
services ferroviaires régionaux existants.

les Régions se voient chargées En février 1995, la « Loi d’orientation pour


l’aménagement et le développement du terri-
d’organiser le transport ferroviaire toire » tirait les conséquences de l’intérêt gran-
d’intérêt régional à compter dissant suscité par la démarche. Elle posait le prin-
cipe d’un transfert aux Régions des tâches
du 1er janvier 2002. C’est l’aboutissement relatives à l’organisation et au financement des
d’une démarche engagée en 1982 transports collectifs d’intérêt régional. Elle annon-
avec la « LOTI ». L’expérimentation de çait une phase d’expérimentation et renvoyait à un
texte ultérieur le soin d’en préciser les modalités.
la régionalisation a été un franc succès.
C’est ce que fit la loi du 13 février 1997 « portant
Il reste à transformer l’essai. création de l’établissement public « Réseau ferré
Les enjeux sont considérables de France » en vue du renouveau du transport
ferroviaire ». Elle permit de lancer une expéri-
pour la SNCF. mentation, qui devait initialement s’achever le
31 décembre 1999. Cette expérimentation
débuta dans six Régions : Nord-Pas-de-Calais,
Alsace, Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte-
d’Azur, Centre, Pays-de-la-Loire, rejointes le
1er janvier 1999 par une septième : Limousin.
Cette expérimentation donna incontestable-
ment des résultats très positifs. Les Régions s’en-
gagèrent dans une politique de développement
de l’offre et de modernisation du matériel, la
SNCF mit à leur service son expérience et son
savoir-faire, les clients manifestèrent leur satis-
faction lors des enquêtes, et plus encore en pre-
nant davantage le train.
Il en résulta une croissance du trafic en moyenne
deux fois plus rapide dans les Régions expéri-
mentatrices que dans les autres. Il ne restait plus
qu’à en tirer les conséquences en pérennisant
cette nouvelle organisation et en l’étendant à
toutes les Régions : c’est chose faite depuis
l’adoption par le Parlement, le 13 décembre
2000, de la « Loi relative à la solidarité et au
renouvellement urbains » (SRU).

Une gestation laborieuse


La préparation de cette loi, puis de son décret
d’application, daté du 27 novembre 2001,
> Les enjeux de la régionalisation pour le transport ferroviaire de voyageurs

suscita de vifs débats. Il fallait en effet surmon- englobe notamment les dessertes, la tarification,
ter diverses appréhensions et suspicions. la qualité de service et l’information des voya-
geurs.
Les Régions redoutaient notamment que l’État
n’accompagne pas le transfert de compétences Des dispositions sont naturellement prévues
d’un transfert de ressources suffisantes pour pour garantir le respect des prérogatives de
équilibrer durablement l’exploitation des servi- l’État, des départements, des communes et de
ces et permettre le renouvellement du parc de leurs groupements, ainsi que la cohérence et
matériel roulant. Certaines émettaient des dou- l’unicité du système ferroviaire. Les Régions
tes sur la capacité de la SNCF à produire à confient à la SNCF l’exploitation des services
temps, pour chaque activité TER, des comptes ainsi définis et concluent avec elle à cette fin
transparents et attestés, permettant d’évaluer des conventions d’une durée minimale de
correctement la situation de départ. cinq ans. Aucune durée maximum n’est fixée.
La SNCF pour sa part ressentait quelque appré- En compensation du transfert de charges qui
hension devant la perspective de perdre un accompagne le transfert de compétences, l’État
pouvoir d’organisation qu’elle exerçait de facto verse aux Régions une dotation spécifique.
pour le compte de l’État. Calculée à partir des sommes qui étaient ver-
sées préalablement à la SNCF et qui figurent
Il est dès lors compréhensible qu’une année
dans les comptes attestés de chaque activité
n’ait pas suffi pour organiser ce qui constitue
TER pour l’année 2000, cette dotation est cons-
sans conteste une petite révolution. Dans la
tituée de trois éléments :
plupart des régions, les négociations devant
aboutir aux conventions régissant les rapports – une contribution pour l’exploitation des ser-
entre les nouvelles autorités organisatrices et la vices transférés ;
SNCF ont empiété sur le début de l’année – une compensation des tarifs sociaux natio-
2002. De même, la mise au point des derniers naux utilisés pour l’emprunt de services TER ;
textes réglementaires (les arrêtés fixant les – une dotation complémentaire pour le renou-
montants transférés par l’État à chaque Région vellement du matériel roulant.
dans le cadre de la dotation générale de décen-
tralisation) n’a pu être achevée avant le prin- Enfin, il est prévu que l’État contribue à l’effort
temps 2002. de modernisation des gares à vocation ré-
gionale, dans le cadre d’un programme d’inves-
tissements d’une durée de cinq ans.
Des principes assez simples
L’objet de cet article n’est pas de décrire en De forts enjeux pour la SNCF
détails les dispositions de la loi SRU. Il n’est
cependant pas inutile d’en rappeler les grands Les enjeux de cette décentralisation sont consi-
traits avant d’aborder véritablement les enjeux dérables. Ils sont d’ordre économique, poli-
de cette réforme pour la SNCF. tique, stratégique, culturel.
À partir du 1er janvier 2002, toutes les Régions
autres que l’Île-de-France et la Corse – où s’ap- Un enjeu économique : dégager des
pliquent des dispositions particulières – se bénéfices... ou enregistrer des pertes
voient chargées de l’organisation des services
Les conventions conclues avec les Régions
ferroviaires régionaux de voyageurs et de leurs
reposent sur un mécanisme responsabilisant :
services routiers de substitution. Pour les vingt
la SNCF prend des engagements sur un volu-
Régions concernées, c’est une extension ma-
me d’offre, sur les charges correspondantes,
jeure de leurs prérogatives d’autorités organisa-
sur les produits attendus et sur la qualité du
trices des transports collectifs d’intérêt régional,
service.
qui ne portaient jusque-là que sur les services
routiers réguliers non urbains. Ce sont désor- L’équilibre économique de l’activité est assuré
mais elles qui décident du contenu du service par le versement d’une contribution financière
public de transport régional de voyageurs. Cela de la Région. Cette contribution peut s’analyser
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> Les enjeux de la régionalisation pour le transport ferroviaire de voyageurs

140
Base 100 : 1996

130

120

110

100

Trafic régions expérimentales Trafic autres régions


Source DTPRL (FC12K Recettes)
90
1996 1997 1998 1999 2000 2001

Evolution comparée des trafics TER (exprimés en millions de voyageurs-kilomètres)


Régions expérimentales et autres

comme la compensation des missions de servi- tion inscrite au budget. Mais hormis en cas de
ce public ainsi confiées à la SNCF, les presta- circonstances exceptionnelles, ce sera unique-
tions correspondantes n’étant pas payées à leur ment pour des motifs parfaitement identifiés et
Il s’agira par exemple
véritable coût par les voyageurs. Ex ante, elle est bien circonscrits, résultant de l’application des de la prise en compte
calculée de manière à ce que la somme des dispositions contractuelles. de modifications de l’offre
recettes commerciales et de cette contribution ou de la tarification régionale,
Par conséquent, selon qu’elle tient ses engage- décidées par la Région et
couvre les charges. Le compte prévisionnel de entrées en vigueur en cours
ments, qu’elle les dépasse ou qu’elle ne les
chaque activité TER est donc équilibré par cons- d’année ; de l’ajustement
respecte pas, chaque activité TER peut attein- des charges non forfaitisées
truction.
dre l’équilibre, dégager un bénéfice ou enre- à leur valeur réelle ;
gistrer une perte. de l’application des dispositions
Si la SNCF tient tous ses engagements, le compte contractuelles de partage
d’exploitation définitif le sera également. Il peut des risques sur les recettes ;
même faire apparaître un léger excédent, de la prise en compte
Quels sont les facteurs pouvant interférer des pénalités, bonus et malus,
puisque nombre de conventions prévoient expli- sur le résultat attendu ? etc.
citement une rémunération dite « pour risques
industriels ». (Cette expression doit ici s’enten- Tout d’abord, la SNCF est sanctionnée financière-
dre comme l’ensemble des risques économiques ment quand elle n’assure pas la continuité du ser-
usuels, encourus à l’occasion de toute activité vice public.
industrielle et commerciale).
Des pénalités sont prévues lorsque les services
Pour autant, cet équilibre du compte définitif définis dans la convention ne sont pas rendus,
n’est nullement garanti, car contrairement, par en particulier lorsque des trains ou des autocars
exemple, aux dispositions qui prévalaient en sont supprimés, sauf en cas de force majeure.
Île-de-France jusqu’en 1999, il n’est pas prévu Le plus souvent, ces pénalités se calculent à rai-
d’ajuster ex post la contribution de la Région à son du nombre de trains kilomètres non réali-
cette fin. Cela ne signifie pas que la contribu- sés. Elles ne s’appliquent qu’au-delà d’une fran-
tion définitive ne s’écartera pas de la contribu- chise destinée à absorber les aléas inhérents à
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> Les enjeux de la régionalisation pour le transport ferroviaire de voyageurs

Le TER : quelques ordres de grandeur


1,960 milliard d’ee de chiffre d’affaires prévu en 2002 . . . . . . . . . (13 % du chiffre d’affaires de la SNCF)
30 % du chiffre d’affaires proviennent des voyageurs, 70 % des contribuables.
500 000 voyageurs par jour . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . (GL : 365 000 ; Transilien : 1 530 000)
8,8 milliards de voyageurs.kilomètres en 2001 . . . . . . . . . (GL : 53 milliards ; Transilien : 9,9 milliards)
5 600 trains par jour . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . (5 fois le nombre de trains quotidiens de GL)
137 millions de trains.kilomètres en 2001 . . . . . . . . . . . . . . (GL : 189 millions ; Transilien : 55 millions)
2 600 gares desservies
4 200 points d’arrêt routiers

toute exploitation. La pénalité est réduite lors- Une troisième source possible de gains ou de pertes
qu’un service routier de substitution est réside dans le mécanisme de partage des recettes.
organisé. Parfois, des pénalités sont aussi pré-
Il varie d’une convention à l’autre, mais des traits
vues en cas de non-exécution de services
communs à la plupart peuvent être dégagés.
routiers.
En fin d’année, la SNCF s’engage sur un niveau
Le deuxième engagement porte sur la maîtrise des de recettes commerciales pour l’année sui-
charges. vante. Si les recettes réelles s’en écartent, en
En pratique, celles-ci sont décomposées en plus ou en moins, de quelques pour cent, l’écart
deux catégories. est partagé entre la SNCF et la Région. Les
règles de partage diffèrent selon les conven-
Celles qui relèvent uniquement de décisions tions et dépendent fréquemment de l’ampleur
externes à la SNCF ou qui sont parfaitement de l’écart constaté. Au-delà de limites jugées
prévisibles, lui sont remboursées « à l’euro raisonnables, il est prévu que les deux parties se
l’euro ». Entrent dans cette catégorie les péages concertent sur la conduite à tenir, le franchisse-
payés à RFF, les charges de capital sur le maté- ment de ces limites relevant probablement de
riel roulant et la taxe professionnelle se rappor- circonstances exceptionnelles.
tant à ce dernier. Ce partage du risque sur les recettes est
Toutes les autres charges font l’objet d’un enga- logique, dans la mesure où leur maximisation
gement pluriannuel. Un devis est établi pour le relève d’une responsabilité partagée. Par la défi-
Les formules d’indexation sont nition de l’offre et de la tarification, la Région
spécifiques à chaque premier exercice (2002) et une formule
convention. Elles s’efforcent d’indexation composite permet d’en déduire concourt à amener des clients au TER. Par son
de traduire l’évolution générale les charges forfaitaires des années suivantes. action commerciale comme à travers l’efficacité
du coût des principaux facteurs de la distribution et la qualité du service rendu,
de production entrant (Celles-ci sont naturellement corrigées en fonc-
dans le transport ferroviaire, tion des modifications de service décidées par la SNCF conquiert de nouveaux clients et fidé-
tels que la main-d’œuvre l’autorité organisatrice). lise les anciens.
ou l’énergie. Il s’agit bien ici
de l’évolution générale, reflétée Enfin, presque toutes les conventions prévoient des
par des indices publics,
C’est donc la SNCF qui assume le risque indus-
engagements de qualité, portant sur des items
et non de l’évolution triel sur les charges dont elle a la pleine respon-
propre à la SNCF.
variés et assortis d’un système de bonus et malus.
sabilité, telles que les charges de personnel, les
achats, la sous-traitance, les frais généraux. Ils peuvent concerner la ponctualité, la propreté
C’est le corollaire de son autonomie de gestion, dans les gares et dans les trains ou autocars, l’in-
inscrite en toutes lettres dans nombre de formation en situation normale ou perturbée. La
conventions. qualité du service réellement rendu fait l’objet de
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> Les enjeux de la régionalisation pour le transport ferroviaire de voyageurs

mesures objectives, selon des indicateurs pré- dienne, sont au cœur des missions de service
définis. Des objectifs quantifiés sont fixés, ils public de la SNCF. Ils fondent pour une large
traduisent fréquemment une exigence de pro- part sa légitimité d’entreprise publique.
grès au fil du temps. En fin d’année, si la qua-
lité mesurée est supérieure à l’objectif, la SNCF Face aux pressions de plus en plus vives en
bénéficie d’un bonus, dans le cas contraire elle faveur d’une libéralisation du secteur des
se voit infliger un malus. transports, il est donc essentiel que la SNCF
fasse la démonstration de son efficacité et de sa
Cet ensemble de dispositions aboutit à responsabili- capacité à répondre aux attentes de la popula-
ser financièrement la SNCF sur le respect de ses tion et de ses élus dans le cadre instauré par la
engagements conventionnels et sur son efficacité. loi SRU.
Cela concerne aussi bien son efficacité technique On ne peut oublier en effet que ce modèle
(autrement dit sa capacité à assurer un service français original se met en place alors que se
de qualité) que son efficacité économique (c’est- poursuit à Bruxelles le débat autour du projet
à-dire sa capacité à maîtriser ses charges et à aug- de « Règlement du Parlement européen et du
menter ses recettes commerciales). Conseil relatif à l’action des États membres en
matière d’exigences de service public et à
Un enjeu politique et stratégique : l’attribution de contrats de service public dans
faire la preuve de l’efficacité du modèle le domaine des transports de voyageurs par
d’organisation institué par la loi SRU chemin de fer, par route et par voie navigable ».

L’adoption de la loi SRU, puis la négociation


Un débat européen à l’issue incertaine
des conventions régionales qui en découlent,
ont donné aux Pouvoirs publics l’occasion de La proposition initiale de la Commission euro-
manifester leur confiance en l’avenir du péenne date de juillet 2000. Le Parlement
transport public régional, et en la SNCF qui est européen l’a adoptée en première lecture en
chargée de l’assurer. novembre 2001, en y apportant de nombreux
L’État a accru significativement son engage- amendements. La Commission européenne a
ment financier, les sommes qu’il versera aux formulé une nouvelle proposition en février
Régions étant nettement supérieures à celles 2002, en y incorporant une partie des amende-
qu’il versait auparavant directement à la SNCF. ments adoptés par le Parlement.
Pratiquement toutes les Régions ont affirmé de Ce nouveau texte est maintenant en cours
grandes ambitions pour le développement de d’examen par le Parlement et par le Conseil.
leurs TER. Les conventions d’exploitation reflè- Rappelons qu’il doit être adopté dans les
tent ces ambitions, qui se traduisent aussi dans mêmes termes par ces deux institutions, selon Schématiquement :
des conventions de financement d’acquisition la procédure dite de codécision. Rappelons une directive s’adresse
de matériel roulant moderne. aussi que, s’agissant d’un règlement et non aux États membres
d’une directive, il serait d’application immé- et leur prescrit d’inscrire
Les contribuables vont donc être plus large- des dispositions dans leur
diate dans tous les États membres dès son législation nationale, dans
ment impliqués, au niveau national comme au un délai donné. Ce sont
entrée en vigueur, sans qu’il soit besoin de le
niveau régional, pour financer la modernisa- ces dispositions transposées
transposer dans les législations nationales par en droit national qui
tion et le développement des transports publics
voie législative ou réglementaire. s’appliquent ensuite
de proximité. aux différents acteurs.
En contrepartie, les autorités organisatrices et le Or, s’il était adopté en l’état, ce projet de règlement Un règlement s’incorpore dans
remettrait en cause les dispositions de la loi SRU, la législation nationale dès son
public seront plus exigeants à notre égard. entrée en vigueur et il est
puisqu’il instaurerait l’obligation pour les autorités immédiatement et directement
compétentes, en l’occurrence les Régions françaises, applicable par tous les acteurs.
Au cœur de nos missions de recourir à des appels d’offre pour attribuer des
de service public contrats de service public de transport ferroviaire.
Les transports de proximité, aussi appelés par- C’est le principe dit de la « concurrence
fois très justement transports de la vie quoti- régulée », selon lequel plusieurs opérateurs
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> Les enjeux de la régionalisation pour le transport ferroviaire de voyageurs

Les effets attendus de la régionalisation


(prévisions 2002/résultats 2001) (*)
Offre ferroviaire (trains.kilomètres) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . augmentation de 4,1 %
Offre routière (cars. kilomètres) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . augmentation de 3,7 %
Chiffre d’affaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . augmentation de 14 %

(*) Une Région sur 20 n’ayant pas encore trouvé un accord avec la SNCF, au moment de la rédaction de cet article,
les comparaisons statistiques sont effectuées sur les 19 autres.

concourent afin d’obtenir un contrat qui leur voyageurs sur leur territoire tout en conservant
garantit ensuite l’exclusivité, pour une pério- l’unicité d’exploitant, ne pourra que renforcer le
de et sur un territoire délimités. La concur- camp de ceux qui plaident pour que le système
rence ne s’exerce pas dans ce cas sur le d’appels d’offre ne soit pas rendu obligatoire
marché – un seul opérateur est présent en un dans toute l’Union. La décision de recourir à
lieu et à un instant donnés et le voyageur n’a cette forme d’organisation relèverait alors de
donc pas le choix du transporteur – mais pour l’appréciation des États membres, voire des
le marché – pour obtenir de l’autorité compé- autorités régionales ou locales, en application
tente un contrat de service public. C’est une du principe de subsidiarité.
situation intermédiaire entre l’ouverture totale
à la concurrence et le monopole et, selon les À l’inverse, des dysfonctionnements de nos ser-
assertions de la Commission européenne, vices TER ou des difficultés dans nos relations
c’est celle qui donnerait les meilleurs résul- avec les Régions fourniraient des arguments
tats. aux tenants de l’ouverture du marché.

La SNCF milite activement pour que le chemin


de fer soit exclu des dispositions de ce projet de
règlement. C’est aussi la position du Gou- Parer à toute éventualité
vernement français. Hélas, elle n’a pas été
entendue jusqu’ici au Parlement européen,
Si d’aventure ce projet de règlement venait à
comme en témoigne le résultat du vote en
être adopté et que des appels d’offre apparais-
première lecture, et encore moins à la
sent d’ici quelques années pour les TER, la
Commission. De plus, de nombreux États
SNCF n’aurait d’autre solution que de chercher
membres sont opposés à cette exclusion du
Par opposition au ferroviaire à en remporter le maximum.
léger, c’est-à-dire le tramway. chemin de fer lourd.

Il est donc impossible de préjuger aujourd’hui En pareil cas, il est bien évident qu’elle sera
de ce qu’il adviendra de ce projet de règlement. d’autant mieux placée qu’elle aura su aupara-
Il suscite certes de nombreuses objections, vant offrir un service irréprochable aux yeux
mais il s’inscrit dans une tendance de fond : des autorités organisatrices comme des voya-
l’introduction progressive de la concurrence geurs, à un coût maîtrisé. En effet, le projet de
dans toutes les industries de réseaux. règlement prévoit très clairement que la sélec-
tion des candidats et l’attribution des contrats
Une chose est sûre. Le succès de la voie s’effectuent en prenant en compte un ensem-
originale choisie en France, qui permet de ble de critères, parmi lesquels le coût bien sûr,
transférer aux Régions la responsabilité d’orga- mais aussi la qualité globale du service offert
niser les transports ferroviaires régionaux de aux consommateurs.
10
> Les enjeux de la régionalisation pour le transport ferroviaire de voyageurs

Un enjeu managérial : de répartition des capacités, un organisme de


la transformation du fonctionnement régulation, une agence ferroviaire européenne,
et de la culture de l’entreprise une autorité nationale de sécurité, voire dans cer-
tains domaines avec de nouveaux entrants.
Les évolutions nécessaires pour s’adapter à la
La réussite de la régionalisation et le dévelop-
nouvelle donne du transport régional sont
pement du TER impliquent encore bien d’au-
emblématiques de celles que réclame la cons-
tres adaptations et changements : une plus
truction de la nouvelle SNCF.
grande proximité avec nos clients ; une créativi-
En ce sens, la régionalisation du TER peut consti- té renforcée pour imaginer des solutions inno-
tuer un puissant levier de transformation et de vantes permettant, entre autres, une véritable
modernisation de l’entreprise. intermodalité, par l’utilisation successive de
plusieurs modes de transport ; une capacité
La relation avec une autorité organisatrice accrue à expliquer nos positions et à les faire
suppose tout d’abord de s’inscrire totalement partager par les élus. Il nous faudra notamment
dans une logique de service et une culture de convaincre les Régions que le légitime dévelop-
résultat. pement de l’offre TER ne peut s’effectuer au
Ce que l’autorité organisatrice attend de détriment des autres activités, Grandes Lignes
l’exploitant, ce ne sont pas des engagements et Fret, qui partagent avec elle une ressource
sur des moyens (c’est d’ailleurs pour une part rare : la capacité d’infrastructure.
elle qui décide de ces moyens, que l’on songe
par exemple au matériel roulant). Ce qu’elle
attend, c’est un résultat, autrement dit un La négociation des conventions :
service rendu aux voyageurs qui soit en tout une expérience enrichissante
point conforme à la commande passée, en
quantité, en qualité et en prix. La SNCF se L’année 2001 et le début de l’année 2002 ont
trouve ici totalement au service de la collecti- été consacrés à la négociation des conventions
vité, chargée par elle d’assurer un service avec les Régions, qu’il a d’abord fallu préparer
public. soigneusement à l’intérieur de la SNCF. Pour
cela, l’entreprise a dû établir une doctrine, trai-
L’intervention d’autorités organisatrices modifie
ter de nombreuses questions juridiques, fisca-
profondément la donne.
les et financières, estimer les risques. Il a sur-
Auparavant, nous décidions seuls. Désormais, tout fallu concilier deux impératifs a priori anti- La composition de ce comité
nous sommes toujours force de proposition et nomiques : veiller au respect d’un cadrage est prévue par le décret
d’application de la loi SRU.
nous restons chargés de mettre en œuvre les national – indispensable pour assurer un mini- Il est présidé par le Président
décisions. Mais ce n’est plus nous qui les mum de cohérence au sein de l’entreprise et du conseil régional et comporte
prenons. prévenir les surenchères – et éviter une immix- des conseillers régionaux,
des représentants du conseil
tion du niveau central dans vingt négociations économique et social régional,
Cela nous impose de développer notre capacité
régionales qui se déroulaient chacune avec un des conseillers généraux,
d’écoute et de dialogue, et pas seulement avec des maires, des représentants
partenaire différent, ayant ses objectifs et ses
l’exécutif régional et ses services techniques, des autorités organisatrices
conceptions propres. de transport urbain,
mais aussi avec les différentes composantes du
de la direction régionale
« comité régional des partenaires du transport Un dispositif original de préparation et de prise de l’équipement, de la SNCF,
public », qui peut être installé auprès de chaque des décisions a été mis en place pendant cette de RFF, des salariés de la SNCF,
Région, ou encore des « comités de ligne ». période, qui a associé bien sûr la direction du des salariés des autres
entreprises de transport
Transport public régional et local et les direc- collectif, des organisations
Cela implique des changements d’attitude, de
tions d’activité TER, mais aussi la direction patronales des transports
modes de pensée, voire d’organisation. collectifs, des associations
Grandes Lignes, la direction Économie et finan-
d’usagers des transports
C’est, mutatis mutandis, le pendant de ce que ces, la direction de la Stratégie… Des structures collectifs, des chambres
nous vivons par ailleurs en matière de gestion de de pilotage appropriées, avec notamment un de commerce et d’industrie.
l’infrastructure depuis la création de RFF ou de comité des engagements qui s’est réuni chaque
ce que nous vivrons demain lorsque nous semaine pendant la période de négociation
devrons apprendre à travailler avec un organisme active, ont permis de ne porter devant le comité
11
> Les enjeux de la régionalisation pour le transport ferroviaire de voyageurs

exécutif que les questions essentielles et de Il s’agit maintenant de les mettre en œuvre
faire preuve d’une grande réactivité. et, au jour le jour, de mériter la confiance des
nouvelles autorités organisatrices que sont
La mobilisation de tous les acteurs a permis de
devenues les Régions. Nous disposons d’a-
résoudre un grand nombre de problèmes en un
touts incontestables : un capital de confiance
temps relativement court. L’expérience acquise
important auprès des élus et de l’opinion
pourra être mise à profit dans d’autres circons-
publique, l’expérience acquise pendant l’expé-
tances.
rimentation, le savoir-faire de KÉOLIS, qui
dispose d’une expérience très riche de tous
Le début d’une ère nouvelle les modes de transport de proximité et d’une
longue pratique du travail avec des autorités
Après le temps de l’expérimentation, qui a organisatrices.
constitué une phase d’apprentissage, nous
entrons véritablement dans une ère nouvelle Et par-dessus tout, une claire conscience des
pour le transport ferroviaire régional enjeux : nous avons une chance de développement
La signature des conventions, si elle est l’aboutisse- à saisir, nous ne pouvons pas la manquer, car il est
ment d’un long travail préparatoire, est plus encore probable qu’il n’y aurait pas alors de session de
un point de départ. rattrapage ■

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