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EDITION No 3

SZH/CSPS 2021

Recherches sur
le polyhandicap
De l'élève au centre à l'acteur
Prestations logopédiques indirectes
Sommaire
Juliane Dind
Éditorial 3

Tour d’horizon 4

D’une revue à l’autre 6

DOSSIER

Thania Corbeil
Soutenir l’apprentissage de l’élève polyhandicapé :
comment relever les défis ? 9

Juliane Dind et Lorette Thiévent


Les curricula pour apprenants polyhandicapés :
un outil au service de l’enseignement ? 15

Chloé Aguet et Anne Rolfo


Soutenir les apprentissages de la personne polyhandicapée
dans le domaine du fonctionnement visuel 22

Stéphane Jullien
Soutenir la communication des personnes polyhandicapées :
les moyens de CAA 30

Groupe Romand sur le Polyhandicap (GRP)


Importance du partage de pratiques pour l’accompagnement
des personnes avec un polyhandicap 37

Documentation du dossier 42

VARIA

Saoussan Bendjaballah, Séverine Paquette, Valérie Angelucci et Laurent Bovey


Les élèves de l’enseignement spécialisé au centre des
intentions, mais à la marge des décisions ? 44

Anne-Françoise de Chambrier et Serge Ramel


Soutenir les enseignant·e·s dans leur pratique inclusive
par des prestations logopédiques indirectes 52

TRIBUNE LIBRE

Simone Marty
L’orthographe rectifiée :
un bénéfice pour l’ensemble des élèves 66

Livres et films / Ressources / Agenda et formation continue 60

Impressum 21

Revue suisse de pédagogie spécialisée, 3 / 2021


ÉDITORIAL 3

Juliane Dind

La personne polyhandicapée :
une apprenante comme une autre ?

Le droit à l’apprentissage pour les p­ ersonnes outils et proposer des interventions fondées
polyhandicapées leur a longtemps été nié – sur des données probantes. On assiste
il l’est encore dans de nombreuses régions ­actuellement à un essor de ces recherches,
du monde. Si les opportunités d’apprentis- menées notamment par le réseau de cher-
sage sont considérablement limitées par les cheurs « Special Interest Research Group in
déficiences profondes et multiples intrin- People with Profound Intellectual and Multi-
sèques au polyhandicap, elles le sont égale- ple Disabilities ». L’accès aux résultats de ces
ment par les obstacles que ces personnes recherches et aux nouveaux outils, pour les
rencontrent dans leur environnement. Dans professionnels et les proches de personnes Dre Juliane Dind
son modèle écologique pour créer un envi- polyhandicapées, n’est toutefois pas aisé. Le Lectrice et
ronnement éducatif optimal destiné aux Petit Conservatoire du Polyhandicap a pour chercheuse
élèves polyhandicapés, Maes (2020) met en missions de faciliter cet accès, ainsi que l’im- Département de
évidence de nombreux facteurs qui y contri- plémentation de ces nouvelles connais- Pédagogie
buent, à différents niveaux : les facteurs sances et outils dans les pratiques. Spécialisée,
­individuels, contextuels, et ceux liés au pro- Université de
cessus pédagogique. Concernant ces der- Ce dossier thématique vise à donner des Fribourg
niers, la qualité du projet éducatif indivi- pistes concrètes de soutiens aux apprentis- Directrice du Petit
dualisé, du programme d’enseignement, sages des personnes polyhandicapées. La Conservatoire du
des compétences des professionnels, des première contribution (Corbeil) s’intéresse Polyhandicap
outils pédagogiques, le climat de classe et au « comment », aux médiations pédago- juliane.dind@unifr.ch
le haut niveau des soins sont considérés giques à offrir. L’article suivant (Dind et
comme cruciaux. La formation et l’accom- Thiévent) se focalise sur le « quoi », les conte-
pagnement du personnel par la direction nus des apprentissages dans les curricula
sont également relevés, de même que la pour apprenants polyhandicapés. Enfin, des
qualité du partenariat avec les parents. soutiens concrets dans deux domaines cen-
traux du développement que sont la vision
Soutenir les apprentissages des personnes (Aguet et Rolfo) et la communication (Jullien)
polyhandicapées tout au long de la vie est un sont proposés, à la fois sur le plan de l’éva-
processus complexe. Des connaissances luation et de l’intervention. Une interview de
­approfondies concernant ce public et des membres du Groupe R ­ omand sur le Polyhan-
techniques d’enseignement spécifiques sont, dicap (GRP) clôt ce dossier en vue de
entre autres, nécessaires. L’apport de la connaître la vision de professionnels et de
­recherche sur le polyhandicap est indispen- parents sur les enjeux actuels autour du
sable pour renseigner de manière plus polyhandicap en Suisse romande.
­exhaustive le fonctionnement des personnes
polyhandicapées, développer de nouveaux Bonne lecture !

Revue suisse de pédagogie spécialisée, 3 / 2021 www.szh-csps.ch/r2021-09-00


4 TOUR D’HORIZON

Tour d’horizon
Special Olympics World Winter Suisse – Postulat Pleine participation
Games 2029 en Suisse politique pour les personnes qui ont
Le conseil d’administration de Special Olym- un handicap intellectuel
pics International a pris la décision de main- Dans la plupart des cantons et au niveau f­é-
tenir l’organisation des World Winter Games déral, les personnes placées sous certaines
pour les personnes en situation de handicap formes de curatelle sont privées du droit de
mental en Suisse en 2029. Ceux-ci dureront vote et d’élection. Cette situation va changer
douze jours et réuniront 2500 athlètes de puisque le 6 juin dernier, le Conseil d’État a
110 nations pour des compétitions sportives adopté le postulat Carrobbio (21.3296).
dans 9 disciplines. Les World Winter Games ­Celui-ci charge le Conseil fédéral de présen-
sont bien plus que du sport. Ils offrent une ter un rapport qui déterminera les mesures à
expérience unique pour une Suisse inclusive, prendre pour que les personnes présentant
où chacun·e a un accès égal au sport, à l’édu- une déficience intellectuelle puissent, elles
cation, à la santé et à tous les aspects de la aussi, participer pleinement à la vie politique
vie. Pour ce faire, Special Olympics Switzer- et publique et qu'elles puissent voter et être
land travaille en étroite collaboration avec élues, conformément au principe de non-­
les fédérations sportives et les clubs sportifs discrimination.
suisses pour mettre en œuvre la Convention www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/suche-­curia-
de l’ONU relative aux droits des personnes vista/geschaeft?AffairId=20213296
handicapées (CDPH).
https://switzerland2029.ch/fr/ Suisse – Statistique de l’AI 2020
La statistique annuelle de l’AI pour l’année
Agence Européenne – Impact de la 2020 a été publiée en mai dernier. Elle donne
COVID-19 sur l’éducation inclusive une vue d’ensemble du volume et de l’évolu-
La pandémie de coronavirus a mis en évi- tion des prestations dans les différents
dence des inégalités préexistantes et a accé- ­domaines de l’AI. Elle porte sur la structure
léré les changements systémiques dans et l’évolution des bénéficiaires de rentes en
l'éducation dans le monde entier. C’est pour- Suisse et à l’étranger, mais aussi sur les pre­s­
quoi, l’Agence européenne pour l’éducation ­tations en nature de l’AI.
adaptée et inclusive a publié en fin mai der- w w w. b s v. a d m i n.c h / b s v / f r/ h o m e /a s su -
nier une revue de littérature examinant l’im- rances-sociales/iv/statistik.html
pact de la pandémie sur l'éducation en géné-
ral et sur l'éducation inclusive en particulier Suisse – Accessibilité des offres de
aux niveaux européen et nationaux. Si l'ana- vaccination Covid-19
lyse documentaire vise à fournir une vue En Suisse, environ 80 % de la population sou-
d'ensemble des messages clés pour les pays haite se faire vacciner contre le coronavirus.
membres de l'Agence, elle constitue aussi un Pour que les personnes les plus vulnérables –
aperçu utile pour les acteurs de l'éducation. notamment celles en situation de handicap –
www.european-agency.org/news/covid-19-­ ne restent pas sur le carreau, la Croix-Rouge
literature-review# suisse (CRS) et le Bureau fédéral pour l’égali-

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TOUR D’HORIZON 5

té pour les personnes handicapées (BFEH) ser les Repères et indicateurs statistiques
ont élaboré des recommandations expliquant (RIS) relatifs à la certification de niveau se-
comment promouvoir l’accès de tou·te·s aux condaire II. Ces RIS montrent qu'après trois
centres de vaccination. Ces recommanda- ans de relative stabilité, le nombre de per-
tions sont destinées aux responsables des sonnes ayant acquis une certification secon-
offres de vaccination et aux autorités canto- daire II a très fortement augmenté en 2020.
nales. Ainsi, près de 5500 personnes ont obtenu –
https://assets.ctfassets.net/fclxf7o732gj/313D- au plus tard à 25 ans – un diplôme secon-
mNUOczKIq6su3mDUoW/39b55da6a95815b- daire II pour la première fois en 2020 (soit
759b66bb304d82a93/SRK_Empfehlungen_ près de 400 de plus qu'en 2019).
Impfzentren_F_EBGB_210527_barrierefrei.pdf www.ge.ch/actualite/2020-pres-5-500-per-
sonnes-ont-acquis-leur-premiere-certification-
CIIP – Réforme de l’orthographe secondaire-ii-au-plus-tard-25-ans-22-06-2021
De manière convergente avec d’autres pays
francophones, la Conférence intercantonale VS – Loi sur les droits et l’inclusion
de l’instruction publique (CIIP) a estimé qu’il des personnes en situation de
est temps d’ancrer dans l’enseignement de la handicap
langue française à l’école romande certains Le 4 mai dernier, le Grand Conseil du canton
usages désormais bien reconnus. La produc- du Valais a approuvé à l'unanimité, une mo-
tion d’une nouvelle collection romande de dification de la Loi sur les droits et l'inclusion
moyens d’enseignement du français lui en des personnes en situation de handicap. La
donne l’occasion. Elle a donc publié « Le pe- loi, qui portait à l'origine sur les services aux
tit livre d’OR » qui présente brièvement les personnes handicapées, définit désormais
14 principes de l’orthographe rectifiée qui également les droits des personnes handica-
deviendront la référence enseignée dans les pées dans la perspective des droits de
nouveaux moyens d’enseignement du fran- l'homme. Après Bâle-Ville, le Valais devient
çais dès 2023. le deuxième canton suisse à créer une base
www.ciip.ch/files/199/Comm_Presse_CIIP_ juridique complète pour la mise en œuvre de
Evolang/02_Petit-livre-d-OR.pdf la CDPH. Un nouveau Centre pour les droits
des personnes en situation de handicap a
SRED – Certification de niveau également été créé pour promouvoir et coor-
secondaire II dans le canton de donner la mise en œuvre de la loi.
Genève https://parlement.vs.ch/app/fr/parl_session/
Permettre à un maximum de jeunes d’obte- 157319?date=2021- 05 - 06&transaction_
nir une certification secondaire II est l’un des id=166457
objectifs du Conseil d’État, en lien avec celui
de la Confédération et des cantons (que
95 % des jeunes de 25 ans possèdent un di-
plôme du secondaire II). Le Service de la re-
cherche en éducation (SRED) vient d'actuali-

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6 D ’ U N E R E V U E À L’ A U T R E

D’une revue à l’autre


Un échantillon des articles parus dans
la Schweizerische Zeitschrift für Heilpädagogik

Andreas Eckert und Sandra Kamm Jehli (2021). Schule und Quelles ont été les répercussions des fermetures d’écoles
Autismus : Was können wir aus der Corona-Krise lernen ? de mars à mai 2020, d’une part sur la scolarité des enfants
Schweizerische Zeitschrift für Heilpädagogik, (5-6), 26-32. et adolescents autistes, d’autre part sur la vie familiale du-
rant cette période ? Cet article présente les résultats d’une
enquête menée auprès de parents (N=246) sur la période
du confinement. Les expériences et défis y sont décrits de
leur point de vue. Quelles leçons peut-on en tirer à l’avenir
pour mieux soutenir et accompagner les élèves ainsi que
leurs parents ?
Permalink : www.szh-csps.ch/z2021-05-03

Andreas Fröhlich (2021). Menschen mit schwerster Behin- La pandémie due à la Covid-19 fait courir le risque pour les
derung während der Covid-19-Pandemie. Schweizerische personnes qui présentent un handicap sévère et leurs
Zeitschrift für Heilpädagogik, (5-6), 39-42. ­familles d’être oubliées. Le risque d’infection est particu-
lièrement élevé lors des quatre situations que sont l’ali-
mentation, les soins liés à l’incontinence, les transferts,
ainsi que la communication. Il n’en reste pas moins qu’il est
important de ne pas oublier ni reporter la mission de sou-
tien au développement et à l’éducation. Cet article montre
comment les approches basées sur la communication cor-
porelle, la stimulation basale ainsi que l’éducation avec
ForMat peuvent être adaptées aux conditions particulières
que nous connaissons actuellement.
Permalink: www.szh-csps.ch/z2021-05-05

Romain Lanners (2021). Wie gerecht ist die heutige Bildung Une élève indigène sans difficulté d’apprentissage d'un
in der Schweiz ? Schweizerische Zeitschrift für Heilpäda­ canton alpin a plus de chances de fréquenter une classe
gogik, (7-8), 48-56. ­ordinaire de l’école obligatoire qu'un élève sans passeport
suisse et ayant des besoins éducatifs particuliers. Cet article
examine l'équité éducative sur la base des statistiques de
formation suisses actuelles et met en évidence les moyens
de promouvoir l'inclusion scolaire, tels que la transforma-
tion des écoles spécialisées en centres de compétence, la
différenciation pédagogique et la conception universelle de
l'apprentissage (CUA).
Permalink: www.szh-csps.ch/z2021-07-06

Revue suisse de pédagogie spécialisée, 3 / 2021


THÈMES 2021 7

Thèmes des dossiers 2021


Revue suisse de pédagogie spécialisée

Numéro Dossier
1 (mars, avril, mai 2021) Covid-19 et pédagogie spécialisée
2 (juin, juillet, août 2021) Perspectives inclusives sur les comportements difficiles en milieu éducatif
3 (sept., oct., nov. 2021) Recherches sur le polyhandicap
4 (déc. 2021, janv., fév. 2022) Les défis de l’évaluation

Une description des thèmes 2021 est disponible sur le site Internet du CSPS :
www.csps.ch/revue/themes-2021

Informations auteurs-e-s : merci de prendre contact avec la rédaction avant l’envoi d’une contribution
sur l’un de ces thèmes ou sur un sujet de votre choix : redaction@csps.ch

Lignes directrices rédactionnelles : www.csps.ch/revue

Themenschwerpunkte 2021
Schweizerische Zeitschrift für Heilpädagogik

Heft Schwerpunkt Ankündigung Einsendeschluss


1 – 2 / 2021 Sport und Behinderung 10.08.2020 10.10.2020
3 / 2021 Vermitteln von Kulturtechniken 10.09.2020 10.11.2020
4 / 2021 Doppelt diskriminiert 10.10.2020 10.12.2020
5 – 6 / 2021 Corona-Krise 10.11.2020 10.01.2021
7 – 8 / 2021 Förderdiagnostik 10.01.2021 10.03.2021
9 / 2021 Kulturelle Teilhabe 10.03.2021 10.05.2021
10 / 2021 Frühe Bildung: Spiel 10.04.2021 10.06.2021
11 / 2021 Behinderung und Kriminalität 10.05.2021 10.07.2021
12 / 2021 Behinderung in der Familie 10.06.2021 10.08.2021

Autorinnen und Autoren werden gebeten, so früh wie möglich einen Artikel per Mail anzukündigen.
Die Redaktion entscheidet erst nach der Sichtung eines Beitrages über dessen Veröffentlichung.
Bitte beachten Sie vor dem Einreichen Ihres Artikels unsere Redaktionsrichtlinien unter www.szh.ch/zeitschrift.

Freie Artikel
Nebst Beiträgen zum Schwerpunkt publizieren wir regelmässig auch freie Artikel. Die Redaktion nimmt gerne
laufend Ihre Artikel zu einem heilpädagogischen Thema nach Wahl entgegen: redaktion@szh.ch

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8 R E C H E R C H E S S U R L E P O LY H A N D I C A P

Dossier – Recherches sur le polyhandicap

Illustration : Peggy Adam

Revue suisse de pédagogie spécialisée, 3 / 2021


R E C H E R C H E S S U R L E P O LY H A N D I C A P 9

Thania Corbeil

Soutenir l’apprentissage de l’élève polyhandicapé :


comment relever les défis ?

Résumé
Comment l’enseignant peut-il voir l’élève polyhandicapé au-delà de ses difficultés afin de repérer ses capacités ? C ­ omment
peut-il lui offrir des médiations pédagogiques qui tiennent compte de ses capacités afin de rendre accessible le but de
­l’apprentissage ? Cet article explore ces deux défis et propose un dispositif d’observation assistée par la vidéo et partagée
entre plusieurs acteurs comme piste pour aider à les surmonter.

Zusammenfassung
Wie gelingt es einer Lehrperson, bei einer Schülerin oder einem Schüler mit Mehrfachbehinderung die Fähigkeiten
jenseits der Beeinträchtigungen zu erkennen ? Wie kann die Lehrperson für diese Schülerinnen und Schülern ange-
passte Lernvoraussetzungen schaffen, damit die Lernziele erreichbar werden ? Der Artikel geht diesen beiden Fragen
nach und stellt als möglichen Lösungsansatz ein spezielles, von Videoaufnahmen gestütztes und unter mehreren Ak-
teurinnen und Akteuren aufgeteiltes Beobachtungsverfahren vor.

Permalink : www.szh-csps.ch/r2021-09-01

Apprendre est une activité naturelle qui se dès lors l’enseignant peut-il soutenir les ap-
produit en de nombreuses occasions quoti- prentissages de l’élève polyhandicapé ?
diennes. Tous les êtres humains apprennent,
tous les jours, et ce, tout au long de la vie. Le défi de voir au-delà de ses
En contexte scolaire, l’apprentissage ne difficultés
pourrait être isolé de l’enseignement. Ce Faire la connaissance d’un élève polyhandi-
sont deux partenaires indissociables entre capé, c’est d’abord faire une première ren-
lesquels une certaine harmonie règne et qui contre avec cet autre si étrangement diffé-
se peaufine au fur et à mesure que les par- rent de soi. Cette première rencontre passe
tenaires apprennent à se connaître. par un premier regard, lequel se pose sur les
Cette harmonie peut s'établir plus aspects visibles de l’autre. La difformité de
­difficilement lorsque l’un des partenaires son corps, ses mouvements saccadés, ses
présente un polyhandicap. Comme l’élève gestes maladroits et ses sons grinçants sont
polyhandicapé présente une intrication de quelques images qui constituent le « rap-
déficiences sur les plans cognitif, moteur, port spontané » (Saulus, 2007) qui s’établit
sensoriel, affectif et de la communication, entre l’enseignant et son élève. Ce rapport
auxquelles s’ajoutent d’importants pro- spontané met en avant « l’extrême » de
blèmes de santé (Nakken et Vlaskamp, l’autre dans sa pauvreté, sa dépendance, et
2007), le processus d’« enseignement-­ vulnérabilité (Saulus, 2007). Ce rapport
apprentissage » se trouve souvent contrarié n’est pas sans conséquence dans la relation
et achoppe sur plusieurs défis. Comment pédagogique, car il conduit l’enseignant à

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10 R E C H E R C H E S S U R L E P O LY H A N D I C A P

poser un regard orienté vers les déficits de Le défi de voir au-delà des difficultés se
l’élève polyhandicapé. Pour voir au-delà des pose avec la question du temps, car la d­ urée
difficultés, l’enseignant doit transformer et le rythme des activités d’apprentissage
son regard afin « de penser le capable » qui servent ordinairement de repères tem-
(Ebersold, 2006). Penser le capable, c’est porels dans une classe ne trouvent pas tou-
reconnaître en amont que tous les enfants, jours d’écho lorsqu’il s’agit d’enseigner à
sans exception, ont des capacités. Cela sup- l’élève polyhandicapé. Pensons à cet élève
pose donc de considérer chez l’élève ses qui dort au moment même où l’enseignant
moindres gestes, sourires, cris, mimiques s’apprêtait à débuter une activité pédago-
comme étant une initiative de sa part pour gique ou encore à cet autre élève qui n’a pas
« faire », pour « dire », pour « comprendre », l’occasion d’amorcer une réponse avant que
pour « jouer ». l’enseignant « fasse » à sa place. Les capa-
cités de l’élève polyhandicapé ne s’expri-
Pour voir au-delà des difficultés, ment pas toujours de façon spontanée. Par
l’enseignant doit transformer son regard conséquent, elles peuvent facilement
afin « de penser le capable ». échapper au regard de l’enseignant si ce
dernier ne s’ajuste pas au temps de l’élève.
Enseigner à l’élève polyhandicapé amène Cela implique d’apprendre à observer en
inévitablement l’enseignant à vivre des supportant l’attente et le silence. Observer
doutes et des incertitudes. Comme les capa- l’élève polyhandicapé demande une atten-
cités de l’enfant polyhandicapé se dévoilent tion de tous les instants. Il faut savoir tirer
par des réactions qui se manifestent dans parti de ces moments où rien ne semble se
l’infiniment petit, celles-ci peuvent facile- passer, mais qui sont particulièrement
ment passer inaperçues ou ne pas être déco- riches pour découvrir des capacités insoup-
dées avec justesse. Par exemple, une même çonnées (Corbeil & Normand-Guérette,
réaction peut prendre des sens différents : le 2011).
rire peut être à la fois une manifestation de Pour que puissent se dévoiler les capa-
joie et de douleur. Le sens des réactions n’est cités de l’élève, l’enseignant doit placer ce
donc pas donné a priori, il se doit d’être dernier dans des conditions d’émergence
construit. Or, cette construction de sens possible. Il doit lui permettre d’appréhender
n’est pas toujours correcte, car l'enseignant de différentes manières son environnement
ne dispose d'aucun repère précis. Les capa- en mettant le monde à sa portée puisque
cités de l’élève se présentent à lui tel un fil l’élève polyhandicapé a peu de possibilités
d'Ariane qu'il doit dénouer. Pour autant, de l’explorer activement s’il est livré à lui-
l’enseignant doit donner de la valeur à ce même. Pour rendre accessible cet environne-
qu’il voit chez l’élève. En prenant le risque de ment et, par conséquent, que soit possible
donner du sens aux réactions de l’élève, l’apprentissage, l’enseignant doit mettre en
comme si elles étaient intentionnelles et si- place des médiations pédagogiques.
gnificatives, l’enseignant lui envoie un mes-
sage particulier : celui d’être une personne à
part entière qui a une manière singulière
d’être au monde (Moussy et al., 2008).

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R E C H E R C H E S S U R L E P O LY H A N D I C A P 11

Les enjeux des médiations avoir recours ou non. Cela veut dire que
pédagogiques l’élève peut accepter ou refuser les média-
Pour mieux comprendre les enjeux des mé- tions offertes. Or, en situation de polyhan-
diations pédagogiques comme soutien à dicap, il n’est pas simple de comprendre si
l’apprentissage, tentons de construire le l’élève n’agit pas, car il refuse l’aide, ou s’il
sens à donner à cette notion lorsqu’elle n’a pas encore agi parce que le délai de sa
s’inscrit dans une situation de polyhandi- réponse est long (temps de latence). Malgré
cap. Selon Raynal et Rieunier (2012), la les incertitudes, offrir l’opportunité à l’élève
« médiation » consiste en l’« ensemble des polyhandicapé d’effectuer un choix ouvre la
aides qu’une personne peut offrir à une voie pour favoriser son autodétermination.
autre en vue de lui rendre plus accessible un Soutenir l’autodétermination de l’élève
savoir quelconque » (p. 314). polyhandicapé nécessite que l’enseignant
En faisant référence à « l’ensemble des mette en place les conditions pour rendre
aides », ces auteurs désignent une vaste ré- accessible l’environnement afin que l’élève
alité. Selon eux, ces aides peuvent être le puisse y jouer un rôle actif.
langage, l’affectivité, les produits culturels,
les situations, les relations de même que les Offrir l’opportunité à l’élève polyhandicapé
normes sociales. Meirieu (1987) contribue à d’effectuer un choix ouvre la voie pour
allonger cette liste en soulignant que ces favoriser son autodétermination.
aides peuvent prendre la forme d’objets et
de ressources mis à la disposition de l’ap- Afin de « rendre accessible l’environne-
prenant, de conditions d’apprentissage ment », l’enseignant doit s’assurer que
mises en place, du matériel et des structures l’élève bénéficie du soutien nécessaire pour
disponibles dans l’environnement. Merri et le comprendre et pour agir sur lui. L’ensei-
Vannier (2008) soulignent également que gnant portera alors attention au position-
les aides peuvent être d’ordre relationnel et nement du corps de l’élève, à son niveau
s’inscrire plus largement au sein de la rela- d’éveil, aux stimuli présents ou non dans
tion enseignant-élève. Il n’y a donc pas une l’environnement. Il tiendra compte de cer-
seule forme d’aide possible, mais bien plu- taines stratégies éducatives qui permettent
sieurs. Par conséquent, « LA » médiation d’optimiser l’apprentissage. À cette fin, il
permettant de soutenir les apprentissages utilisera des contextes d’apprentissage
de l’élève polyhandicapé en toutes circons- ­signifiants, il modulera la complexité des
tances, en tous lieux, en présence de qui tâches, il attirera et maintiendra l’attention
que ce soit, n’existe pas. Trouver des média- de l’élève, il soutiendra sa motivation, il pro-
tions adaptées à chaque élève s’inscrit dans posera des contextes diversifiés dans les-
un processus itératif et continu où il s’agit quels consolider ses apprentissages (MELS,
de réfléchir à la manière dont l’enfant utilise 2011). Bien que ces stratégies se montrent
l’aide offerte. pertinentes et efficaces dans l’enseigne-
« Offrir », renvoie à l’idée de mettre les ment auprès de l’élève polyhandicapé, elles
médiations à la disposition de l’élève de ne sauraient l’être si l’objet d’apprentissage
sorte que ce dernier ait la possibilité d’y n’est pas à la portée de l’élève, c’est-à-dire

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si celui-ci ne se situe pas dans sa zone proxi- posait sur trois approches de l’observation :
male de développement (ZPD). Pour délimi- « participante », « assistée » par la vidéo et
ter cet espace, il s’agit pour l’enseignant de « partagée » entre plusieurs acteurs. La pro-
repérer le niveau actuel de l’élève afin de chaine partie s’intéresse à ce dispositif pour
proposer des activités qu’il ne peut réaliser montrer qu’il représente une piste intéres-
seul, mais qui deviennent accessibles grâce sante pour mieux repérer les capacités de
à l’aide de l’adulte (Vygotski, 1997). l’élève polyhandicapé et proposer des mé-
L’accessibilité du « savoir » nécessite de diations adaptées.
se questionner sur les finalités poursuivies
par les aides offertes, car c’est avant tout L’observation participante pour être
pour tendre vers un but d’apprentissage au plus près de l’élève polyhandicapé
(lui-même en lien avec le projet éducatif de L’observation en situation peut être définie
l’élève) qu’elles doivent s’inscrire. L’ensei- comme « un outil de collecte de données où
gnant doit être en mesure de répondre à la le chercheur devient le témoin des compor-
question suivante : comment cette média- tements des individus et des pratiques au
tion contribuera-t-elle à atteindre le but de sein de groupes en séjournant sur les lieux
l’apprentissage ? Répondre à cette question même où ils se déroulent » (Martineau,
ne signifie pas pour autant de devoir s’y te- 2005, p. 6). Si l’observateur n’est plus le
nir à tout jamais. Apprendre est un proces- chercheur, mais bien l’enseignant, l’obser-
sus qui nécessite des ajustements en cours vation en situation implique que ce dernier
de route. Par conséquent, les médiations se observe et intervienne auprès de l’élève. En
doivent d’être flexibles afin qu’elles puissent ce sens, l’observation en situation permet
s’ajuster, se transformer, se renouveler de voir et d’entendre le plus fin détail, car
au cours du processus d’enseignement-­ elle donne la possibilité d’observer l’élève
apprentissage. Ainsi, les médiations mises polyhandicapé en étant au plus près et per-
en place auprès de l’élève polyhandicapé ne met de partager des moments de son quo-
peuvent être proposées qu’à la suite d’un tidien en y participant. La richesse et la per-
processus réflexif. Ce processus peut être tinence de l’observation en situation font
soutenu par l’utilisation d’un dispositif d’ob- cependant naître certains risques.
servation assistée par la vidéo et partagée En portant attention aux détails, le
entre plusieurs acteurs. chercheur (ici, l’enseignant) peut faire
preuve d’une attention trop sélective ris-
L’importance de l’observation quant de lui faire perdre de vue la globalité
Les défis posés précédemment pour décou- de la situation (Martineau, 2005). En ten-
vrir les capacités de l’élève polyhandicapé tant de comprendre le sens à donner à un
et proposer des médiations permettant de sourire ou aux mouvements des yeux d’un
soutenir ses apprentissages confrontent élève polyhandicapé, l’enseignant peut
quotidiennement l’enseignant à l’acte d’ob- perdre de vue d’autres situations qui se dé-
server. Il existe diverses approches de l’ob- roulent au même moment dans la classe,
servation (Berthiaume, 2016). Dans le cadre lesquelles pourraient représenter des clés
de notre étude doctorale (Corbeil, 2016), de compréhension. Par ailleurs, l’ensei-
nous avons mis à l’essai un dispositif qui re- gnant doit être avisé que la lecture qu’il fait

Revue suisse de pédagogie spécialisée, 3 / 2021


R E C H E R C H E S S U R L E P O LY H A N D I C A P 13

de la situation passe à travers des lunettes servent ou s’entendent. Le recours à la vi-


teintées de son expérience professionnelle, déo offre l’avantage de pouvoir capter cette
de ses valeurs et de ses convictions. Autant complexité pour mieux la comprendre. Le
le dire, la neutralité n’existe pas dans l’ob- fait que la vidéo permette de revoir les
servation participante et la subjectivité fait mêmes réactions autant de fois que l’ensei-
partie prenante de l’activité. Or, plutôt que gnant le souhaite offre l’avantage de dé-
de considérer ces faits comme des limites, couvrir des éléments qu’il n’avait pas pu voir
ils peuvent se présenter comme des avan- sur le terrain ou auxquels il n’avait pas prê-
tages pour observer l’élève polyhandicapé. té de sens initialement. La vidéo rend alors
En n’enfermant pas l’observation dans l’ob- possible une analyse très fine et détaillée et
jectivité et l’évidence (« il pleure, donc il celle-ci peut être enrichie si l’observation
ressent de la douleur », « il sourit, donc il est est croisée entre plusieurs regards.
content »), elle permet d’aller à la rencontre
de l’élève en « laissant venir » ce qui va se L’observation apparaît une voie
présenter et en accueillant l’inattendu. incontournable pour aider à surmonter
ces défis.
L’observation assistée par la vidéo
pour la micro-observation et la L’observation « partagée » pour
micro-analyse confronter les points de vue de
L’observation assistée est une approche de plusieurs acteurs et construire un
l’observation qui permet l’utilisation d’un sens partagé
outil pour consigner ou enregistrer les ob- L’observation « partagée » se veut un mo-
servations (Berthiaume, 2016). Les avan- ment pour croiser les regards de différents
tages de recourir à la vidéo apparaissent acteurs (professionnels, parents, fratrie et
nombreux considérant les possibilités parfois, l’élève polyhandicapé) qui gravitent
qu’elle offre sur le plan de la micro-observa- autour de l’enfant. Ce partage permet de
tion et de la micro-analyse pour repérer les mettre en commun les doutes, non pour
plus subtiles réactions des élèves. Imagi- trouver une « vérité », mais pour tenter de
nons ce que donne à voir une courte sé- dégager le sens de ce qui est observé. C’est
quence vidéo d’à peine 20 secondes qui donc à travers la convergence et la diver-
se déroule au sein d’une classe d’élèves gence des hypothèses interprétatives qu’il
polyhandicapés. Non seulement il y a
­ est possible de donner un sens aux réac-
l’inter­action entre l’enseignant et l’élève et tions observées. Or, il ne suffit pas de réu-
par le fait même, leurs réactions, mais il y a nir tous les acteurs devant des enregistre-
aussi tout ce qui peut influencer ces réac- ments vidéo pour que se coconstruise un
tions : le rire d’un autre élève ou un éternue- sens partagé. Certaines conditions doivent
ment, le son d’une porte qui grince, la lu- être réunies pour qu’il y ait co-construction :
mière qui entre dans la classe et qui peut créer un climat de confiance entre les ac-
nuire à la vision des élèves, etc. Il ne faut teurs, favoriser les rapports égalitaires et
pas voir ces éléments comme étant juxtapo- mettre à profit l’expertise détenue par cha-
sés les uns aux autres, car le plus souvent, cun (Corbeil, 2016). En milieu scolaire, ces
c’est dans leur simultanéité qu’ils s’ob- conditions ne sont pas toujours réunies et

Revue suisse de pédagogie spécialisée, 3 / 2021


14 R E C H E R C H E S S U R L E P O LY H A N D I C A P

sont souvent mises à mal, mais il importe de Corbeil, T., & Normand-Guérette, D. (2011).
travailler à créer cette dynamique considé- Analyse de pratique assistée par vidéo
rant son importance pour soutenir les ap- pour l'enseignement aux élèves polyhan-
prentissages de l’élève polyhandicapé. dicapés. Revue francophone de la défi­
cience intellectuelle, 23, 13-21.
Pour conclure Ebersold, S. (2006). La nouvelle loi change ra-
Soutenir les apprentissages de l’élève poly­ dicalement la place du handicap pour
handicapé nécessite que l’enseignant relève l’école. Reliance, 22, 37-39.
des défis complexes: voir au-delà des diffi- Meirieu, P. (1987). Apprendre... oui, mais
cultés de l’élève pour repérer ses capacités comment ? ESF.
et proposer des médiations adaptées à Merri, M., & Vannier, M. P. (2008). Enrôlement
celles-ci afin de rendre accessible le but de et dévolution dans des classes d’adolescents
l’apprentissage. L’observation apparaît une en difficulté. La nouvelle revue de l’adapta­
voie incontournable pour aider à surmonter tion et de la scolarisation, 42, 129-143.
ces défis, en particulier, si cette observation Martineau, S. (2005). L’observation en situa-
se veut : participante pour être au plus près tion : enjeux, possibilités et limites. Re­
de l’élève ; assistée par la vidéo pour per- cherches qualitatives, hors-série (2), 5-17.
mettre une analyse très fine et détaillée ; et Ministère de l’Éducation, du Loisir et du
partagée pour multiplier les regards et co- Sport, Gouvernement du Québec (MELS).
construire le sens de ce qui est observé. (2011). Programme éducatif adapté aux
élèves handicapés par une déficience in­
Références tellectuelle profonde. Les Publications du
Berthiaume, D. (2016). L'Observation de l'enfant Québec.
en milieu éducatif (2e éd). La Chenelière. Moussy, B., Castaing, T., Chokler, M., Creuzet,
Corbeil, T. (2016). Relevé le pari de l’éducabi­ F., Gras-Philibert, L., Plivard, C., & Wolf, C.
lité de l’élève polyhandicapé : l’émergence (2008). L’approche d’Emmi Pickler confron­
d’un accompagnement [Thèse de docto- tée au polyhandicap. CESAP Formation.
rat non publiée]. Université du Québec à Nakken H., & Vlaskamp C. (2007). A Need for
Montréal. a taxonomy for profound intellectual and
Multiple Disabilities. Journal of policy and
practice in intellectual disabilities, 4(2),
83-87.
Dre Thania Corbeil Raynal, F., & Rieunier, A. (2012). Pédagogie,
Professeure en adaptation scolaire et sociale dictionnaire des concepts clés. Apprentis­
et responsable de la formation pratique sages, formation, psychologie cognitive.
Directrice du comité modulaire en ensei­ ESF.
gnement en adaptation scolaire et sociale Saulus, G. (2007). La clinique du polyhandi-
Unité départementale des sciences de cap comme paradigme des cliniques de
l'éducation l'extrême, Champ psy, 1(45), 125-139.
Université du Québec à Rimouski Vygotski, L. (1997). Pensée et Langage. La
Thania_corbeil@uqar.ca dispute.

Revue suisse de pédagogie spécialisée, 3 / 2021


R E C H E R C H E S S U R L E P O LY H A N D I C A P 15

Juliane Dind et Lorette Thiévent

Les curricula pour apprenants polyhandicapés :


un outil au service de l’enseignement ?

Résumé
Les curricula sont des programmes d’enseignement ou plans d’études qui prescrivent le parcours éducatif d’un groupe
d’apprenants partageant des caractéristiques communes. Ceux qui ont été créés pour les apprenants polyhandicapés sont
fondés sur des visions et orientations conceptuelles différentes. Toutefois, les principaux domaines d’apprentissages prio-
ritaires qu’ils recensent sont les mêmes. L’appui sur ces curricula peut constituer une ressource précieuse pour assurer que
les projets éducatifs individualisés soient suffisamment vastes et exhaustifs. Il convient toutefois de les utiliser en adap-
tant toujours les objectifs d’apprentissage aux besoins spécifiques de chaque apprenant polyhandicapé.

Zusammenfassung
Curricula sind Lehrprogramme oder Lehrpläne, die für alle Lernenden gleiche Bildungswege vorschreiben. Für Lernen-
de mit Mehrfachbehinderung gibt es Curricula, die auf unterschiedlichen Visionen und konzeptuellen Ausrichtungen
basieren, jedoch bleiben die Lernbereiche grundsätzlich gleich. Curricula können eine wertvolle Ressource sein, um
im Rahmen von individuellen pädagogischen Projekten eine ausreichende Breite und Vielfalt sicherzustellen. Aller-
dings sollten bei ihrer Anwendung die Lernziele immer den spezifischen Bedürfnissen jedes einzelnen Schülers und
jeder einzelnen Schülerin mit Mehrfachbehinderung angepasst werden.

Permalink : www.szh-csps.ch/r2021-09-02

Introduction groupe d’élèves aux besoins si particuliers.


Toute personne en situation de handicap a Le curriculum ne doit pas être confondu
droit à l’éducation et à la formation dans la avec le projet éducatif individualisé (PEI), un
majeure partie des pays européens, y « support défini sur mesure, qui fixe les
compris les personnes polyhandicapées
­ contenus d’apprentissage d’un apprenant
(Petitpierre & Rolfo, 2019). Au cours de ces singulier en tentant de respecter ses spéci-
vingt dernières années, des curricula, c’est- ficités personnelles » (Petitpierre & Rolfo,
à-dire des programmes d’enseignement 2019, p. 83). Il faut plutôt inscrire curriculum
adaptés, ont été mis au point pour ce et PEI dans un processus (Figure 1).

Curriculum

Projet éducatif
Évaluation
individualisé
Stratégies
pédagogiques

Figure 1 : Processus pédagogique

Revue suisse de pédagogie spécialisée, 3 / 2021


16 R E C H E R C H E S S U R L E P O LY H A N D I C A P

Le curriculum prescrit les priorités de l’inter- Les enjeux sous-jacents à


vention pédagogique, sur lesquelles le PEI l’élaboration des curricula
va être construit, qui à son tour influence les Les visions véhiculées dans les curricula re-
stratégies d’enseignement privilégiées pour flètent la nature des connaissances, des
soutenir ces apprentissages, lesquelles in- théories de l’apprentissage, des valeurs
fluencent finalement le type d’évaluation culturelles, et les besoins des élèves, sur les-
approprié pour mesurer la progression de quels ils sont fondés. Dans le mouvement
l’apprenant dans ses apprentissages. Dans actuel vers une meilleure inclusion des
les faits, il est souvent difficile de séparer le élèves à besoins éducatifs particuliers, il
quoi (le contenu), le comment (la manière existe un dilemme entre le souhait, d’un cô-
dont le contenu est enseigné) et les résul- té, d’inclure ces élèves dans le curriculum
tats évalués (le produit), car le curriculum, « ordinaire » (mainstream) afin de leur per-
la pédagogie et l’évaluation sont fortement mettre d’accéder à un apprentissage inclu-
interconnectés (Lawson et al., 2015). En ré- sif et, d’un autre côté, le souci qu’ils aient
alité, l’évaluation devrait se faire main dans accès à un curriculum approprié, adapté à
la main avec le curriculum qui est proposé leurs besoins. Autrement dit, une tension
aux élèves : si le curriculum est approprié et entre curriculum commun (à tous les élèves)
rencontre les besoins des élèves, la progres- et curriculum spécifique (à un groupe
sion des élèves devrait être claire et mesu- d’élèves à besoins éducatifs particuliers)
rable. Ainsi, l’accès à un curriculum de qua- (Imray & Hinchcliffe, 2014 ; Lawson et al.,
lité, qui est un droit fondamental y compris 2015 ; Norwich & Lewis, 2007).
pour l’apprenant polyhandicapé, est de Norwich et Lewis (2007) ont mis en
grande importance. Un curriculum est de évidence les cinq options possibles dans
qualité si le choix des domaines d’appren- l’élaboration d’un curriculum, étendues sur
tissage est vaste et exhaustif, et si la taille un continuum qui irait du « tout inclusif »
de ces domaines est équilibrée (Curriculum (option 1) au « tout spécialisé » (option 5 ;
and Qualifications Group, 2006). voir Tableau 1).

Buts / principes Domaines Objectifs du Stratégies


Option
généraux d’apprentissage programme d’enseignement

1 Communs Communs Communs Communes

Communes ou
2 Communs Communs Communs
différentes

3 Communs Communs Différents Différentes

4 Communs Différents Différents Différentes

5 Différents Différents Différents Différentes

Tableau 1 : Options possibles dans l’élaboration d’un curriculum

Revue suisse de pédagogie spécialisée, 3 / 2021


R E C H E R C H E S S U R L E P O LY H A N D I C A P 17

La première, la deuxième et la dernière op- aux élèves ayant une déficience intellec-
tion ne sont plus d’actualité dans les discus- tuelle profonde » (Éducation et enseigne-
sions actuelles au sujet des apprentissages ment supérieur Québec, 2020), ou du « Sou-
des élèves polyhandicapés. D’habitude, ce th L­ anarkshire Framework for Supporting
sont les options 3 et 4 qui sont privilégiées. Pupils with Severe and Profound Learning
Dans ces deux options, les buts/principes gé- Needs » (South Lanarkshire Council, 2015).
néraux sont communs à tous les curricula :
• fixer des défis pédagogiques pertinents L’accès à un curriculum de qualité, qui est
(situés dans la zone proximale de déve- un droit fondamental y compris pour
loppement de l’élève) ; l’apprenant polyhandicapé, est de grande
• répondre aux besoins d’apprentissage
importance.
variés des élèves ;
• surmonter les obstacles potentiels à l’ap- Chaque type de curriculum a ses avantages
prentissage. et inconvénients. Les curricula adaptés de
plans d’études ordinaires négligent cer-
En revanche, le débat porte sur les domaines taines dimensions du fonctionnement et ne
d’apprentissage prioritaires : doivent-ils être proposent par conséquent pas une vision
communs à ceux du curriculum ordinaire ou holistique des besoins de la personne. Les
spécifiques ? Les curricula pour apprenants curricula spécialisés perdent, quant à eux,
polyhandicapés basés sur les matières et le lien avec les plans d’études ordinaires et
connaissances scolaires optent pour l’option rendent plus difficile la participation aux
3, c’est le cas du PER-EDISP : adaptation du classes ordinaires de ces élèves (Maes,
Plan d’Etudes Romand pour les enfants avec 2020 ; Petitpierre & Squillaci, 2020).
une DI Sévère/Profonde ou un Polyhandicap Nous avons voulu vérifier si ces diffé-
(Rodi, 2013). Les autres curricula privilégient la rences conceptuelles avaient une incidence
spécialisation des domaines d’apprentissage. sur les contenus d’apprentissage priori-
On en recense deux catégories principales : taires identifiés dans ces curricula : dif-
1. les curricula basés sur une approche dé- fèrent-ils fondamentalement ou, au contraire,
veloppementale, qui s’appuient sur la sé- certains domaines sont-ils transversaux,
quence développementale typique, tels d’un curriculum à l’autre ? Pour ce faire,
que Routes for Learning (Routes for Lear- nous avons procédé à une analyse compa-
ning Advisory Group, 2020) ; rative des domaines d’apprentissage pres-
2. les curricula basés sur une approche crits au sein des trois curricula basés sur une
fonctionnelle, où le choix des apprentis- approche fonctionnelle précédemment ci-
sages est fait plutôt selon la fonctionnalité tés, et dans le curriculum basé sur les ma-
des habiletés à enseigner, c’est-à-dire leur tières scolaires (le PER-EDISP)1.
importance et leur utilité au quotidien.
C’est le cas de la « Mallette pédagogique
pour l’accompagnement des personnes
1
Analyse réalisée dans le cadre d’un travail de Bachelor
adultes avec un polyhandicap ou une défi-
en pédagogie spécialisée : Thiévent, L. (2020). Les
cience intellectuelle ­sévère » (Petitpierre, contenus d’apprentissage prioritaires pour les per­
2014), du « Programme éducatif destiné sonnes polyhandicapées. Université de Fribourg.

Revue suisse de pédagogie spécialisée, 3 / 2021


18 R E C H E R C H E S S U R L E P O LY H A N D I C A P

Domaines prioritaires dans les À l’intérieur de chacun des domaines priori-


curricula taires, les curricula répertorient plusieurs
Bien que ces curricula soient structurés dif- sous-domaines. Nous avons procédé à
féremment les uns des autres, et que les l’analyse comparative de ces sous-­domaines
termes employés varient parfois pour nom- dans l’un des six domaines prioritaires, afin
mer un même domaine, des domaines d’ap- de vérifier si un certain consensus peut être
prentissage communs sont identifiables. Ils également dégagé à ce niveau-là. Les
sont listés dans le tableau 2, de même que sous-domaines de la communication identi-
les termes y correspondant, tels qu’utilisés fiés dans les curricula sont listés et illustrés
dans les curricula. dans le tableau 3.

Domaines prioritaires communs Noms des domaines dans les curricula

Habiletés intellectuelles
Comportement adaptatif : pôle conceptuel
S’adapter à son environnement
Cognition Littéracie
Numératie
Mathématiques et sciences de la nature
S’engager dans les activités de son milieu

Comportement adaptatif : pôle social


Communication Communiquer efficacement avec son entourage
Langage et communication

Habiletés sensorimotrices
Agir efficacement sur le plan sensorimoteur
Fonctionnement sensorimoteur Habiletés physiques
Corps et mouvement
Développement sensorimoteur

Soins et maintien de la santé


Santé et bien-être
Soins
Autonomie et indépendance
Comportement adaptatif : pôle pratique

Comportement adaptatif : pôle social


Interagir avec son entourage
Interactions sociales
Communication sociale et interaction
Socialisation

Habiletés affectives
Affectivité Exprimer adéquatement ses besoins et ses émotions
Affectivité

Tableau 2 : Domaines communs dans les divers curricula

Revue suisse de pédagogie spécialisée, 3 / 2021


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Sous-domaines Exemples d’objectifs issus des curricula

Babiller en réponse à des vocalisations ou verbalisations


Habiletés expressives :
d’autres personnes
Produire des messages
Vocaliser ou chercher un contact physique pour initier une interaction
Habiletés d’initiation
Utiliser un mode d’expression approprié
Vouloir communiquer
Utiliser un code oui/non

Réagir en cessant son activité/action lorsque le partenaire de


communication dit « non »
Habiletés réceptives : Montrer une compréhension du lien entre un objet de référence
Comprendre des messages et l’événement qui y est lié
Habiletés de réponses Appliquer des consignes
Manifester une sensibilité à la communication non verbale
(intonation, mimiques)

Interactions :
Habiletés prosociales
Établir un contact visuel pendant l’interaction
Usages sociaux
Partager l’attention conjointement sur un objet ou
Entrer en relation avec différentes
une activité avec autrui
personnes
Participer à un jeu de groupe
Suivre les règles de vie de groupe
Prendre son tour dans l’interaction
Manifester de l’intérêt pour la vie
de groupe

Tableau 3 : Domaine de la communication

L’analyse du contenu de chaque domaine prio- sants de l’enseignement proposé aux appre-
ritaire dans les curricula est précieuse pour en nants polyhandicapés (Imray & Hinchcliffe,
connaître les habiletés sous-­jacentes constitu- 2014 ; Lacey et al., 2015). Une vue d’en-
tives. Cette analyse peut faciliter la formula- semble des aptitudes, limites, besoins d’as-
tion dans les PEI d’objectifs intermédiaires, sistance et centres d’intérêt de tout appre-
alors que les exemples d’objectifs constituent nant polyhandicapé devrait être réalisée
une source d’inspiration pour formuler des ob- dans ces domaines à l’aide d’évaluations ré-
jectifs spécifiques d’apprentissage. gulières, afin de fixer les objectifs d’appren-
tissage à court, moyen et long terme. Ainsi,
Conclusion l’appui sur un ou plusieurs curricula au sein
Six domaines ont pu être identifiés comme des structures scolaires spécialisées et éta-
prioritaires dans ces curricula : la cognition, blissements pour adultes polyhandicapés
la communication, le fonctionnement sen- peut-il servir de cadre de référence pour ba-
sorimoteur, les soins, les interactions so- liser les interventions prioritaires. Les curri-
ciales et l’affectivité. Ces domaines sont cula contiennent en outre de nombreuses et
également cités dans les ouvrages de réfé- précieuses indications sur les différentes
rence concernant les tenants et aboutis- stratégies pédagogiques à privilégier avec

Revue suisse de pédagogie spécialisée, 3 / 2021


20 R E C H E R C H E S S U R L E P O LY H A N D I C A P

ce public singulier, ainsi que sur le déroule- pagnent et permette d’étendre leur accès aux
ment des évaluations. Ils proposent égale- apprentissages (Lawson et al., 2015).
ment des supports et outils d’apprentissage,
ainsi que des références bibliographiques Références
pour approfondir certaines thématiques. Curriculum and Qualifications Group. (2006).
Routes for Learning. Assesment materials
Cependant, il convient d’utiliser de manière for learners with profound learning diffi­
réfléchie les curricula. Ces derniers ne culties and additional disabilities. Welsh
doivent pas être suivis à la lettre, les objec- Assembly Government.
tifs et stratégies choisis devant être toujours Éducation et enseignement supérieur Québec.
adaptés aux besoins spécifiques de chaque (2020). Programme éducatif destiné aux
apprenant, et faire sens dans leur contexte élèves ayant une déficience intellectuelle
de vie. L’utilisation de progressions pédago- profonde. Programme de formation de
giques ne doit pas non plus enfermer les ap- l’école québécoise.
prenants dans la nécessité de passer à telle Imray, P., & Hinchcliffe, V. (2014). Curricula
ou telle nouvelle étape – qui ne sera pas for- for Teaching Children and Young People
cément appropriée pour chacun (Maes, with Severe or Profound and Multiple
2020 ; Petitpierre & Rolfo, 2019). De plus, le Learning Difficulties. Routledge.
processus d’apprentissage ne devrait pas Lacey, P., Ashdown, R., Jones, P., Lawson, H.,
être considéré comme un processus linéaire & Pipe, M. (Eds.). (2015). The Routledge
de progrès, mais inclure également le trans- Companion to Severe, Profound and Mul­
fert de compétences existantes dans d’autres tiple Learning Difficulties. Routledge.
situations, une diminution des soutiens dans Lawson, H., Byers, R., Rayner, M., Aird, R., &
certaines activités, ou encore une augmen- Pease, L. (2015). Curriculum models, issues
tation de la participation active de l’appre- and tensions. In P. Lacey, R. Ashdown,
nant, voire l’entretien des compétences en P. Jones, H. Lawson, & M. Pipe (Eds.), The
cas de trouble évolutif (Maes, 2020). Routledge Companion to Severe, Profound
Il serait judicieux que les établissements and Multiple Learning Difficulties (pp. 233-
accueillant des apprenants polyhandicapés 245). Routledge Companions.
qui voudraient créer leur propre curriculum Maes, B. (2020). De l’éducation des élèves pré-
s’inspirent des curricula existants, en connais- sentant un polyhandicap. La Nouvelle Revue
sant le cadre conceptuel sur lequel ils sont ba- Éducation et Société Inclusives, (88), 121-134.
sés, ainsi que leurs avantages et inconvé- Norwich, B., & Lewis, A. (2007). How specia-
nients. L’essentiel est de garder à l’esprit que lized is teaching children with disabilities
« nous devons aménager le ­curriculum pour and difficulties? Journal of Curriculum
qu'il s'adapte à l’apprenant plutôt que d'amé- Studies, 39(2), 127–150. https://doi.
nager l'apprenant pour qu'il s'adapte au curri- org/10.1080/00220270601161667
culum » (Imray & H ­ inchcliffe, 2014, p. 29). La Petitpierre, G. (2014). Mallette socio-péda­
réflexion sur le contenu du curriculum doit gogique pour l’accompagnement des
constituer un agitateur stimulant au sein des personnes adultes avec un polyhandicap
équipes, afin qu’il réponde aux besoins des ou une déficience intellectuelle sévère.
apprenants polyhandicapés qu’elles accom- Lausanne : Fondation Eben-Hézer ; Fribourg :

Revue suisse de pédagogie spécialisée, 3 / 2021


R E C H E R C H E S S U R L E P O LY H A N D I C A P 21

Université de Fribourg : Genève : Université


Impressum
de Genève.
Revue suisse de pédagogie spécialisée
Petitpierre, G., & Rolfo, A. (2019). Les inter- 3 / 2021, septembre 2021, 11e année
ISSN 2235-1205
ventions éducatives dans le champ du
polyhandicap. In P. Brun & D. Mellier Éditeur
Fondation Centre suisse
(Eds.), 12 interventions en psychologie du de pédagogie spécialisée (CSPS)
développement (pp. 16-31). Dunod. Maison des cantons
Speichergasse 6, Case postale, CH-3001 Berne
Petitpierre, G., & Squillaci, M. (2020). Pédago- Tél. +41 31 320 16 60
gie et polyhandicap: quels enjeux et condi- csps@csps.ch, www.csps.ch

tions pour l’apprentissage de la personne Rédaction et production


Contact : redaction@csps.ch
polyhandicapée? La Nouvelle Revue Édu­
Responsable : Romain Lanners
cation et Société Inclusives, (88), 51–65. Rédaction : François Muheim, Melina Salamin
Coordination du dossier  : Juliane Dind
Rodi, A. (2013). Projet «PER-EDISP». Projet
Documentation et relecture : Géraldine Ayer
d’adaptation du Plan d’Etude Romand pour Layout : Werd & Weber Verlag AG
les élèves ayant une déficience intellectuelle Parution
sévère/profonde ou un polyhandicap. Mars, juin, septembre, décembre

Routes for Learning Advisory Group. (2020). Délai rédactionnel


Pour le no 1, mars 2022 : 1er novembre 2021
Routes for Learning: Guidance. Welsh Go- Pour le no 2, juin 2022 : 1er février 2022
vernment.
Annonces
South Lanarkshire Council. (2015). The South annonces@csps.ch
Lanarkshire Framework for Supporting Prix : dès 220.– TVA exclue
Tarifs et infos : www.csps.ch/annonces
Pupils with Severe and Profound Learning
Tirage
Needs. Curriculum for excellence. Educa- 500 exemplaires
tion Resources.
Impression
Ediprim SA, Bienne

Abonnement annuel
Dre Juliane Dind Numérique : CHF 37.40 (TVA incluse)
Papier : CHF 42.40 (TVA incluse)
Lectrice et chercheuse Combiné : CHF 47.40 (TVA incluse)
Département de Pédagogie Spécialisée,
Numéro unique
Université de Fribourg Papier : CHF 11.– (TVA incluse), plus port
Numérique : CHF 10.– (TVA incluse)
Directrice du Petit Conservatoire du
Polyhandicap Reproduction
Reproduction des articles autorisée avec
juliane.dind@unifr.ch accord préalable de l’éditeur.

Informations
Les textes publiés dans cette revue sont de
la responsabilité de leurs auteur-e-s. Ils ne
reflètent pas forcément l’avis de la rédaction.

Pour plus d’information


www.csps.ch/revue
Lorette Thiévent
Éducatrice spécialisée
Fondation les Perce-Neige
lorette.thievent@unifr.ch

Revue suisse de pédagogie spécialisée, 3 / 2021


22 R E C H E R C H E S S U R L E P O LY H A N D I C A P

Chloé Aguet et Anne Rolfo

Soutenir les apprentissages de la personne polyhandicapée


dans le domaine du fonctionnement visuel

Résumé
Cet article aborde la problématique des troubles visuels chez les personnes polyhandicapées et la manière dont ils peuvent
interagir avec les autres domaines du développement, en particulier avec les troubles de la posture et du tonus. Des be-
soins spécifiques en découlent en termes de stimulations, de soutiens aux apprentissages et d’adaptations de l’environ-
nement. Des pistes de travail et des exemples issus de la pratique sont proposés pour améliorer la vision fonctionnelle et
la participation de ces personnes.

Zusammenfassung
Der Artikel behandelt die Frage von Sehbeeinträchtigungen bei Menschen mit Mehrfachbehinderung und wie diese
Beeinträchtigungen mit anderen Entwicklungsbereichen – insbesondere mit Störungen von Haltung und Tonus – in-
teragieren können. Damit verbunden sind spezifische Bedürfnisse bezüglich Stimulation, Unterstützung beim Lernen
und Anpassung an das Umfeld. Es werden Arbeitsvorschläge und Beispiele aus der Praxis vorgestellt, die das funkti-
onelle Sehen und die Teilhabe der betroffenen Personen verbessern können.

Permalink : www.szh-csps.ch/r2021-09-03

Introduction suelles dans le polyhandicap : les atteintes


Une grande partie des personnes polyhan- d’origine oculaire et les atteintes d'origine
dicapées, 85 % selon Roemer et al. (2018), cérébrale. Par ailleurs, les deux types d’at-
présente des troubles visuels qui génèrent teintes peuvent coexister chez une même
des difficultés sur le plan du développe- personne. Les atteintes d’origine oculaire
ment, de l’apprentissage, de la communica- concernent l’œil ­(cataracte, décollement de
tion et impactent leur participation dans la la rétine, glaucome, etc.). Les déficiences vi-
vie quotidienne. Les troubles visuels ­limitent suelles d’origine cérébrale entraînent des dif-
les expériences et compliquent l’accès aux ficultés pour traiter et intégrer les informa-
informations (Nijs et al., 2019). Ces difficul- tions visuelles ainsi que des variations fré-
tés sont pourtant fréquemment négligées, quentes de la vision fonctionnelle (Good et al.,
car d’autres problèmes de santé sont prédo- 2001 ; Levy, 2009 ; Nijs et al., 2019). Elles
minants. peuvent conduire une personne à percevoir
Les personnes polyhandicapées peuvent un objet à un moment donné et à ne pas le
présenter diverses atteintes visuelles engen- percevoir à un autre moment ou à interpréter
drant notamment une acuité visuelle limitée ou localiser de manière erronée ce qu’elle voit.
et/ou un champ visuel déficitaire (Ney & Le fonctionnement visuel devrait systé-
­Clenet, 2014). Les mouvements oculaires matiquement être exploré dans cette popu-
sont fréquemment touchés, par exemple en lation. L’évaluation de la vision fonction-
cas de strabisme ou de nystagmus. On dis- nelle permet d’analyser et de trouver des
tingue deux principaux types d’atteintes vi- pistes de compréhension sur la manière

Revue suisse de pédagogie spécialisée, 3 / 2021


R E C H E R C H E S S U R L E P O LY H A N D I C A P 23

Vignette illustrative d’un trouble visuel d’origine cérébrale

Au quotidien, Élise privilégie d’autres modalités sensorielles que la vision. Elle inves-
tit principalement le canal auditif et elle a besoin d’être stimulée pour utiliser sa
­vision. Il est régulièrement nécessaire de lui rappeler de regarder ou de rechercher
avec ses yeux le stimulus, sinon elle fonctionne comme si elle ne voyait pas. Elle est
pourtant capable de détecter un stimulus visuel, de le fixer et même de le suivre des
yeux. Elle éprouve par ailleurs des difficultés à traiter les objets et les images : elle les
perçoit, mais ne semble que très difficilement leur donner du sens. Elle confond, par
exemple, une cuillère rouge avec une clé en plastique orange de même dimension.
Elle a donc besoin d’expérimenter, de manipuler chacun des objets dans le contexte
de la vie quotidienne (p. ex. manipuler une cuillère au moment du repas) pour pro-
gressivement en extraire des images mentales.

dont la personne utilise sa vision au quoti- modifications de l’environnement produites


dien. Une telle évaluation permet par la lorsque le sujet ou les objets bougent (sen-
suite de procéder à des aménagements sibilité aux flux visuels). Elle se coordonne
pour faciliter l’accès aux informations vi- avec les sensations proprioceptives et vesti-
suelles, en offrant un confort maximal à la bulaires. Elle participe à la construction co-
personne (Levy, 2009). Cette évaluation gnitive de repères spatiaux qui permettent
permet par ailleurs de fournir des conseils d’orienter les parties du corps dans l’espace
sur la manière de stimuler la vision de la et à l’élaboration du schéma corporel.
personne concernée. Il est indispensable Chez la personne polyhandicapée, les
que les résultats et les pistes de travail troubles tonico-posturaux interfèrent néga-
soient transmis à l’entourage familial et pro- tivement avec l’utilisation de la vision dont
fessionnel de la personne, pour la soutenir résultent des difficultés d’instrumentation
au quotidien. des systèmes sensorimoteurs. La présence
Dans la suite de l’article, nous propo- de déficits visuels d'origine oculaire et/ou
sons quelques bonnes pratiques pour sti- cérébrale complexifie la situation. Il est im-
muler les apprentissages dans le domaine portant d’identifier ces interférences et
du fonctionnement visuel. d’organiser les soutiens posturaux, l’envi-
ronnement et la présentation des stimuli vi-
Tenir compte des liens étroits entre la suels de manière à favoriser la régulation du
posture, la motricité et la vision tonus postural, une coordination efficiente
La posture et la vision sont étroitement liées de la vision et des mouvements ainsi que la
et ne peuvent se construire sans s’appuyer construction des notions spatiales et la
l’une sur l’autre. En effet, la vision constitue connaissance de l’objet. Trois éléments spé-
un soutien à la construction posturale, tout cifiques au polyhandicap devraient, en
comme la posture sert d’étayage à l’instru- outre, être pris en considération.
mentation visuelle. La vision périphérique Le déséquilibre de l’instrumentation du
intervient dans le contrôle de la posture et système visuel constitue le premier élé-
des mouvements, car elle est sensible aux ment. Il se manifeste par une asymétrie du

Revue suisse de pédagogie spécialisée, 3 / 2021


24 R E C H E R C H E S S U R L E P O LY H A N D I C A P

champ de détection périphérique, entre le sation de panneaux structurés (texture de


haut et le bas du champ visuel (par rapport type « Vichy ») procure un appui sur les flux
à l’axe horizontal du regard), par exemple visuels périphériques qui permet de réguler
en cas de persistance d’un schème tonique le tonus (Jacquier, 2010). Les réafférences
symétrique en extension ou, si c’est le fournies par les flux visuels lors d’un mou-
schème tonique asymétrique qui domine, vement de l’enfant participent à la régula-
un déséquilibre entre les hémichamps vi- tion tonico-posturale. Le système visuel pé-
suels droit et gauche. Il importe de détermi- riphérique induit en effet des réactions pos-
ner les conséquences de l’instrumentation turales d’alerte et d’orientation (Bullinger,
particulière du système visuel sur la posture 2011). Le recours aux flux visuels périphé-
et les mouvements de la personne, d’en riques est d’autant plus bénéfique pour les
comprendre les causes et de définir une in- personnes polyhandicapées qui ont subi
tervention qui permette une meilleure ca- des interventions orthopédiques durant
pacité d’action et de participation. leur croissance. En effet, les modifications
Lorsqu’un déficit visuel entravant la physiques brusques causées par ces inter-
détection des stimuli est présent, des com- ventions se répercutent sur leur schéma cor-
pensations posturales (2e élément à consi- porel et la possibilité de mettre en œuvre les
dérer) spécifiques peuvent être dévelop- habiletés sensorimotrices préalablement ac-
pées par la personne polyhandicapée pour quises. Le recours aux flux visuels périphé-
utiliser au mieux ses capacités visuelles. Par riques les aide à intégrer ces modifications
exemple, une acuité visuelle très réduite corporelles dans leurs schèmes d’action.
peut l'amener à rapprocher l’œil de la cible.
En position assise, une posture en flexion Stabiliser la tête de la personne
peut en résulter. Une position de blocage du polyhandicapée
globe oculaire pour stabiliser l’image per- Les troubles du tonus exerçant une in-
çue, dans le cas d’un nystagmus, est com- fluence sur la fonction visuelle de la per-
pensée par une rotation de la tête ou de sonne polyhandicapée, son positionnement
tout le corps, pour aligner le regard avec la est crucial, car il permet ou, au contraire, il
cible. Un champ visuel restreint peut entraî- entrave la libération du regard et l’augmen-
ner une rotation de la tête afin de pouvoir tation des compétences visuelles. Lorsque
regarder devant soi lors de déplacements la tenue de tête est difficile, le regard ne
par exemple, ou d’accéder à des informa- peut pas fixer harmonieusement. Il s’agit
tions visuelles qui seraient inaccessibles alors de prévoir une stabilisation de la tête
sans cela. Ces positions particulières, à leur à l'aide d'un moyen auxiliaire (Jacquier,
tour, entravent l’instrumentation du champ 2010). Cette dernière peut toutefois limiter
périphérique et peuvent donner lieu à des la possibilité, pour la personne, de compen-
déformations physiques pathologiques. ser un champ visuel incomplet ou un pas-
Du fait de leurs importantes difficultés sage de la ligne médiane difficile (Bullinger,
à contrôler leur posture, les personnes 2011). C’est pourquoi le choix d’un appui-­
polyhandicapées ont un important besoin tête doit se faire sur la base d’évaluations
de s’appuyer sur les flux visuels périphé- les plus précises et exhaustives, en s’ap-
riques (3e élément) (Bullinger, 2011). L’utili- puyant sur l'équipe pluridisciplinaire.

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R E C H E R C H E S S U R L E P O LY H A N D I C A P 25

Difficultés rencontrées Aménagements et


Variables
dans le polyhandicap soutiens possibles

Éclairage général indirect,


avec variateur
Stores ou rideaux
Difficultés d’adaptation Privilégier les surfaces mates
Éblouissement Éviter le contre-jour
Lumière
Photophobie Visière et/ou verres filtrants
Besoin de lumière accru de protection
Éclairage direct orienté sur la tâche
Respecter un délai d’adaptation au
changement de luminosité

Augmenter les contrastes de


tonalité (noir/blanc)
Augmenter les contrastes de
Sensibilité diminuée aux faibles
Contrastes couleurs saturées
contrastes
Utiliser des contrastes inversés
(clair/foncé)
Verres filtrants spéciaux si indiqué

Par rapprochement : utiliser un


support réglable en hauteur et
en inclinaison (plan incliné, lutrin)
Acuité visuelle diminuée Par agrandissement de taille : de
Grossissement
Fixation brève l’objet en 3D ; imprimé pour les
pictogrammes et photos ;
électronique sur écran
Ajuster la distance de présentation

Lunettes correctrices selon pres-


Correction optique Défauts de réfraction cription et indication relative à
l’exigence visuelle de la tâche

Tableau 1 : Aménagements et soutiens pour certaines difficultés

L’entraînement de stratégies visuelles telles des personnes polyhandicapées en amélio-


que la fixation ou les poursuites verticales rant la visibilité de l’environnement. Le ta-
peuvent, quant à elles, contribuer à amélio- bleau 1 propose des aménagements et des
rer le contrôle volontaire de la tête ­(Jacquier, soutiens en réponse à certaines difficultés.
2010).
Stimuler la détection, la fixation et
Améliorer l’accès aux informations la poursuite d’une cible visuelle
visuelles La stimulation visuelle proposée aux per-
Au quotidien, en équipe pluridisciplinaire, il sonnes polyhandicapées se concentre prin-
est nécessaire d’étayer la fonction visuelle cipalement sur des exercices de détection,

Revue suisse de pédagogie spécialisée, 3 / 2021


26 R E C H E R C H E S S U R L E P O LY H A N D I C A P

de fixation et de poursuite d’une cible en 2001 ; Jacquier, 2010). Pour que la personne
mouvement afin de guider l’ancrage du re- détecte plus facilement un objet, on peut
gard (Ney & Clenet, 2014 ; Salati et al., exercer des mouvements d’ampleur va-
2002). Si la personne est capable de diriger riable avec l’objet (Bullinger, 2011 ; Good et
et de maintenir son regard sur la cible pen- al., 2001 ; Institut Nazareth et Louis Braille,
dant quelques secondes, il s’agit d’une fixa- 2015 ; Wolfahrt Schillinger, 2003).
tion. Si elle parvient à maintenir son regard
sur l’objet lorsqu’il est déplacé lentement Proposer des stimulations
devant son visage, il s’agit de poursuite vi- multimodales
suelle. Pour observer si la personne détecte La vision se développe grâce à un appren-
un stimulus, on peut par exemple présenter tissage multimodal. En effet, le petit enfant
dans l’obscurité une balle non opaque éclai- dirige son regard vers un objet parce qu’il
rée par une lampe de poche à environ 30 cm entend le bruit qu’il produit ou parce qu’il
du visage de la personne. Il est nécessaire l’explore avec ses mains (Fintz et al., 2015).
de laisser un délai suffisant à la personne Il est dès lors judicieux d’ajouter des infor-
pour qu’elle puisse percevoir et réagir à la mations tactiles ou auditives aux stimuli vi-
stimulation. En effet, on observe souvent un suels pour capter l’attention de la personne
temps de latence important (parfois jusqu’à polyhandicapée (Good et al., 2001 ; Institut
une minute) entre la présentation du stimu- Nazareth et Louis Braille, 2015 ; Royer et
lus visuel et l’obtention d’une réaction. Les ­Yanez, 2013). Ces aides pourront progressi-
exercices peuvent être reconduits avec vement être abandonnées selon les capa­
d’autres objets lumineux ainsi qu’avec du cités visuelles de la personne (Wolfahrt
matériel brillant, en noir et blanc ou de cou- S­ chillinger, 2003).
leur vive (Royer & Yanez, 2013 ; Wolfahrt Traiter deux informations simultané-
Schillinger, 2003). L’essentiel est d’utiliser ment ou utiliser sa vision centrale s’il y a des
un matériel qui soit visuellement attractif et distracteurs périphériques peut toutefois
de proposer des activités intéressantes sur représenter un défi pour certaines per-
le plan visuel pour donner envie à la per- sonnes polyhandicapées. Si l'on présente un
sonne d’utiliser sa vision et ainsi favoriser seul stimulus à la fois, la personne pourra
son développement (Doulcet & Delavaux, mieux focaliser son attention sur ce dernier.

Illustrations de stimulations multimodales

Proposer à Valérie de tenir un objet en main afin d’attirer son attention visuelle vers
celui-ci l’aide beaucoup. Tenir l’objet en main et le déplacer lentement en guidance
permet à Henri de le suivre du regard. Quant à Fabien, c’est le fait d’entendre un son
associé au stimulus visuel (en utilisant un objet à grelots, par exemple) qui le stimule
à diriger son regard sur l’objet. En revanche, Marion est incapable de combiner la vi-
sion avec un autre sens : lorsqu’une personne parle dans la salle où elle effectue des
exercices de stimulation visuelle, elle dirige toute son attention vers ces stimulations
auditives et n’arrive pas à utiliser son canal visuel.

Revue suisse de pédagogie spécialisée, 3 / 2021


R E C H E R C H E S S U R L E P O LY H A N D I C A P 27

L’utilisation d’un fond uni derrière l’objet à corps, d’une amorce de mouvement, d’un
regarder facilite sa perception en limitant le sourire (Fintz et al., 2015). Il est également
nombre d’informations visuelles (Dalens et intéressant de relever si la personne a un
al., 2006 ; Institut Nazareth et Louis Braille, côté préférentiel (Wolfahrt Schillinger,
2015 ; Jacquier, 2010). Si une stimulation 2003).
auditive peut capter l’attention de la per-
sonne, il est ensuite nécessaire de la cesser Donner des opportunités
pour qu’elle puisse traiter l’information vi- d’imitation et de socialisation
suelle. Les activités de stimulation visuelle en pe-
tits groupes permettent de développer la
Observer les modifications de socialisation, l’attention à l’autre, le tour de
comportements de la personne rôle et fournissent des opportunités d’imi-
Une part essentielle de la stimulation vi- tation. Ainsi, lors d’un jeu à trois, par
suelle consiste en l’observation des réac- exemple, faire tomber une pyramide de go-
tions de la personne lors de la présentation belets fluorescents avec un ballon sonore
du stimulus. Il est primordial d’accorder une ou observer un camarade en train de le faire
attention particulière à toute modification en guidance peut susciter l'engagement des
de comportement. Il peut s’agir d’une modi- autres participants. Réaliser une même ac-
fication du tonus ou de la respiration, d’une tion à tour de rôle contribue aussi à la prise
diminution des bruitages ou des stéréoty- de conscience de la différence entre être ac-
pies, d’un mouvement de la tête ou du teur et être spectateur.

Vignette illustrative des effets d’une intervention en stimulation visuelle


sur l’investissement de cette modalité sensorielle par un adolescent poly­
handicapé

Kevin est un adolescent polyhandicapé en situation de basse vision. Sur le plan mo-
teur, il ne peut effectuer que des mouvements volontaires horizontaux avec les yeux.
Il présente un déficit visuel sévère et une photophobie. Kevin s’exprime par des mi-
miques et des vocalises. Il est dépendant pour tous les actes de la vie quotidienne. Il
est installé dans un fauteuil roulant inclinable.
L’objectif de l'intervention est d’instrumenter ses mouvements de tête pour
qu’il puisse produire des comportements intentionnels d'exploration visuelle,
d’orientation et de maintien du regard en direction d'une cible structurée. Le déve-
loppement d'un mouvement volontaire orienté constitue en effet un préalable au
développement d'habiletés de communication et s'inscrit dans un projet d'autono-
mie et de participation sociale du sujet. Le transfert des habiletés acquises sera tra-
vaillé via l’activation de contacteurs avec la tête afin que Kevin apprenne à exprimer
un choix, communiquer et agir sur son environnement.
Dispositif de soutien : éclairage ambiant faible produit par un flux visuel lumi-
neux (lampe à projections), lampe frontale portée par Kevin pour éclairer ponctuel-
lement l'environnement en fonction des déplacements de la tête et favoriser l'ac-

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28 R E C H E R C H E S S U R L E P O LY H A N D I C A P

croche visuelle, cibles visuelles contrastées. Appui sur des informations multimodales
(faisant appel à l’audition et le toucher). Une préparation motrice, pour libérer la
nuque et permettre une rotation active de la tête, précède les entraînements.

Ses habiletés vont évoluer de la manière suivante au fil des séances :


• absence de réaction, lors des premiers essais ;
• alternance de mouvements de la tête orientant le faisceau de la lampe frontale
d’abord sur l’angle de la pièce, puis sur un visage noir/blanc présenté dans le fais-
ceau de la lampe ;
• alternance de mouvements de la tête orientés, à la présentation d’une cible dans
l’hémichamp gauche et d’une cible dans l'hémichamp droit ;
• augmentation de la fréquence de ces conduites orientées ;
• affinement des amplitudes d’orientation.

Dans une deuxième phase d’entraînement, à la lumière du jour, les flux visuels sont
produits par des rideaux en tissus Vichy, placés de chaque côté de Kevin. Un contac-
teur à gauche, sur l’appui-tête, permet d’enclencher/déclencher une guirlande lumi-
neuse. L’entraînement se poursuit avec un contacteur à droite, puis avec deux
contacteurs déclenchant des effets différents.
Dans un environnement adapté à ses besoins, Kevin peut désormais utiliser sa
vision et prendre appui sur des signaux visuels périphériques. Il est en outre capable
d’utiliser un contacteur avec la tête pour activer des moyens de communication al-
ternative et améliorée.

Conclusion Dalens, H., Solé, M., & Neyrial, M. (2006). Les


Il est essentiel d’investiguer les troubles vi- pathologies neuro-visuelles chez l’enfant
suels chez les personnes polyhandicapées, cérébrolésé. À propos de 4 cas. Journal
étant donné leur prévalence dans ce public Français d’Ophtalmologie, 29(1), 24-31.
cible et le rôle central joué par la vision dans h t t p s : / / d o i . o r g / 1 0 .1 0 1 6 / S 0 1 8 1 -
le développement. Des soutiens pertinents 5512(06)73743-3
peuvent être mis en place pour améliorer la Doulcet, F., & Delavaux, C. (2001). Création
vision fonctionnelle de ces personnes. La d’un atelier de stimulation visuelle pour
complexité des situations nécessite une col- enfants polyhandicapés. Une expérience
laboration pluridisciplinaire pour com- réalisée dans le cadre du Foyer Clair Bois
prendre comment la personne peut utiliser de Chambésy (Genève) [Travail de re-
au mieux sa vision et lui proposer des acti- cherche en vue de l’obtention du certifi-
vités qui lui procurent plaisir et motivation. cat d’instructrice en basse vision non pu-
blié]. UCBA.
Références Fintz, A.-C., Colin, E., Schwartz, D.,
Bullinger, A. (2011). Le développement sen­ ­Vermot-Desroches, J., Peter-Faucher, C.,
sori-moteur de l’enfant et ses avatars. Un & Minoret, C. (2015). Eveil visuel à l’image
parcours de recherche (2e éd.). Érès. chez de jeunes enfants cérébrolésés :

Revue suisse de pédagogie spécialisée, 3 / 2021


R E C H E R C H E S S U R L E P O LY H A N D I C A P 29

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disciplinaire pour une intégration multi- multiple disabibities. Journal of Applied
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cer.2015.01.003 org/10.1111/jar.12436
Good, W. V., Jan, J. E., Burden, S. K., Skoczenski, Royer, H., & Yanez, I. (2013). Accompagne­
A., & Candy, R. (2001). Recent advances ment éducatif et thérapeutique d’un petit
in cortical visual impairment. groupe de jeunes enfants polyhandicapés
­Developmental Medicine & Child Neurolo­ présentant des difficultés visuelles.
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stimulation visuelle des enfants d’âge tion in cerebral visual impairment fol-
préscolaire qui ont une déficience visuelle lowing perinatal hypoxia. Developmental
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évidences disposons-nous ? www.inlb.qc. 550. https://doi.org/10.1017/s0012162
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corticale_2015-09-30_V-adaptee.pdf Wolfahrt Schillinger, F. (2003). Pistes pour
Jacquier, M.-T. (2010). Pathologies ophtalmolo- une prise en charge autour du jeune en­
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Levy, G. (2009). Sight is might : vision and vi- fonctionnelle et de ses suppléances [Tra-
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intellectual and multiple disabilities. In
J. Pawlyn & S. Carnaby (Eds.), Profound In­
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Complex Needs (pp. 147-167). Blackwell
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teur de paralysie cérébrale infantile. In Enseignante spécialisée
M.-F. Clenet & C. Hervault (Eds.), Guide de Centre pédagogique pour élèves
l’orthoptie (pp. 212-216). Elsevier Masson. handicapés de la vue (CPHV), Lausanne
Nijs, S., Schouten, B., & Maes, B. (2019). Visual chloe.aguet@fa2.ch
functioning of persons with severe and
profound intellectual disabilities : observa-
tions by direct support workers and staff
members and information available in per-
sonal files. Journal of Policy and Practice in
Intellectual Disabilities, 16(4), 287-295. Anne Rolfo
https://doi.org/10.1111/jppi.12316 Ergothérapeute
Roemer, M., Verheul, E., & Velthausz, F. École et foyer Clair Bois-Lancy
(2018). Identifying perception behaviours anne.rolfo@bluewin.ch

Revue suisse de pédagogie spécialisée, 3 / 2021


30 R E C H E R C H E S S U R L E P O LY H A N D I C A P

Stéphane Jullien

Soutenir la communication des personnes polyhandicapées :


les moyens de CAA

Résumé
Les interventions pour soutenir la communication des personnes polyhandicapées sont basées sur différentes approches :
sensorielles, comportementales, interactionnelles/développementales et celles ayant recours à des moyens de Communi-
cation Alternative et Améliorée (CAA). Ces interventions, comme les moyens déployés, imposent une collaboration trans-
disciplinaire entre les professionnel·le·s et un accompagnement des familles comme leur implication dans les projets.

Zusammenfassung
Interventionen zur Kommunikation von Menschen mit Mehrfachbehinderung basieren auf unterschiedlichen Ansätzen:
sensorische, interaktionelle/entwicklungsbezogene oder auf das Verhalten bezogene Ansätze, und auch jene, die auf
die Unterstützte Kommunikation (UK) zurückgreifen. Diese Interventionen und die dabei eingesetzten Mittel erfor-
dern eine transdisziplinäre Zusammenarbeit zwischen den Fachpersonen. Ebenso wichtig ist die Begleitung der Fami-
lien und deren Einbezug in das Projekt.

Permalink : www.szh-csps.ch/r2021-09-04

Introduction dant de l’interprétation des partenaires de


La communication est multimodale. Dès les communication et du contexte.
premiers instants de la vie, le nourrisson Pour les partenaires de communica-
communique par des mouvements du tion, cette interprétation des comporte-
corps, des vocalises et des cris. Il réagit, de ments, parfois non intentionnels ou
manière intentionnelle ou non, à des sensa- ­réflexes, s’avère ardue et repose sur une
tions internes comme à des stimulations ex- ­observation fine (Singh et al., 2015). Les
térieures et les parents interprètent ces professionnel·le·s comme les proches
comportements. L’entrée dans le symbo- doivent bénéficier d’un accompagnement
lique se fait progressivement. afin : (1) d’identifier les comportements
communicatifs, parfois idiosyncrasiques et
Les personnes polyhandicapées peuvent produits avec un temps de latence et (2) d’y
communiquer et exprimer plusieurs répondre de manière adéquate. L’objectif
fonctions de communication. est de développer la spontanéité et l’auto-
nomie de la communication et l’autodéter-
Bien qu’elles puissent difficilement accéder mination des personnes polyhandicapées
au niveau symbolique (Dhondt et al., 2019), en développant leur capacité à agir sur leur
les personnes polyhandicapées peuvent environnement.
communiquer et exprimer plusieurs fonc-
tions de communication – des refus, des de- L’évaluation de la communication
mandes, l’expression de plaisir et de déplai- Les différents partenaires de communica-
sir, etc. Leur communication dépend cepen- tion, professionnel·le·s comme familles,

Revue suisse de pédagogie spécialisée, 3 / 2021


R E C H E R C H E S S U R L E P O LY H A N D I C A P 31

doivent être impliqués dans l’évaluation de de mener des observations qualitatives.


la communication. ­Savolainen et al. (2020) s’inspirent de l’ana-
Les questionnaires permettent d’avoir lyse conver­ sationnelle pour étudier des
accès aux différents contextes de vie de la ­interactions i­mpliquant des personnes pré-
personne et de s’accorder sur des obser- sentant une paralysie cérébrale. Cette ap-
vables pertinents. La matrice de communi- proche insiste sur la nature collaborative et
cation de Rowland (2004) situe le niveau de multimodale de la communication. Les
communication de la personne en fonction comportements sont décrits dans leur tem-
du développement typique. Les comporte- poralité en prenant en compte leur déroule-
ments involontaires sont distingués des ment séquentiel et les activités dans les-
comportements intentionnels non orientés quelles sont e­ ngagées les personnes. Des
vers autrui et les comportements orientés régularités peuvent se dégager des collec-
vers autrui non conventionnels des compor- tions établies. Cette approche pourrait être
tements symboliques. Quatre fonctions de déployée à profit dans le cadre du polyhan-
communication sont distinguées : les refus, dicap et les vidéos analysées pourraient
les demandes, la recherche et la fourniture être utilisées pour l’accompagnement des
d’informations et l’engagement dans des partenaires de communication, familles
­interactions. Routes For Learning (Welsh comme professionnel·le·s.
­Government, 2020) est une autre grille qui
propose 12 thèmes d’évaluation : la commu- Les interventions
nication et l’interaction sociale (l’initiation Les méthodes d’intervention dans le poly­
et la réponse aux partenaires de communi- handicap se situent selon un continuum
cation, l’expression de préférences et de ­allant des approches qui se contentent de
choix), le développement cognitif (la capa- stimulations multisensorielles (Snoezelen ©)
cité de poursuite d’un objet et de change- à des approches qui prennent le modèle du
ment de focus attentionnel, la maîtrise du développement typique. La stimulation ba-
lien de cause à effet) et les capacités d’inte- sale prend l’exemple des premières routines
raction avec l’environnement (la capacité sensorielles du nourrisson (Fröhlich, 2014).
d’agir sur le monde extérieur, de résoudre L’intensive interaction s’appuie sur les
des problèmes et de répondre à des stimu- premiers épisodes d’attention conjointe
­
lations extérieures, etc.). Des pistes d’inter- (Hewett, 2018). Dans une même approche
vention sont proposées. Une évaluation dy- sociointeractionniste, d’autres approches
namique permet d’évaluer l’évolution de la comportementales se proposent de renfor-
communication et l’efficacité des interven- cer et de guider des comportements de
tions. communication. Des approches comme le
En plus des grilles d’observation, PROMPT pour les personnes présentant une
­Pepper (2019) propose des situations struc- paralysie cérébrale, qui proposent des in-
turées pour évaluer l’attention conjointe dices tactiles afin de développer les mouve-
des personnes polyhandicapées. Le recueil ments de la parole (Ward et al., 2014), pour-
de vidéos dans le contexte quotidien de la raient être adaptées à certaines personnes
personne, avec ses partenaires de commu- polyhandicapées. Enfin, des approches
nication habituels, permet également peuvent combiner stimulation sensorielle et

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32 R E C H E R C H E S S U R L E P O LY H A N D I C A P

basale en attribuant un rôle actif aux capacités de rappel et leur réalisation peut
­personnes polyhandicapées. Des moyens être approximative. En revanche, leur pro-
­d’assistance permettant de contrôler l’envi- duction par les partenaires de communica-
ronnement et des moyens de communica- tion peut se révéler possible. Ils peuvent les
tion alternative et améliorée (CAA) sont employer pour attirer le regard de la per-
proposés à la personne (Lancioni et al., sonne lorsqu’ils sont produits dans son
2018). champ visuel, signaler qu’ils s’adressent à
elle et aider à ­repérer des éléments lexicaux
Les contacteurs et les objets référentiels de la parole. En outre, ils peuvent être utili-
favorisent leur participation sociale et sés pour stimuler la compréhension des
augmentent leur niveau d’éveil et d’attention. mots produits et leur utilisation en contexte
en fournissant un « bain de langage multi-
Les moyens de communication modal ». C’est la modélisation.
alternative et augmentée (CAA)
La CAA favorise le développement de la Les pictogrammes et les objets
communication des personnes polyhandi- référentiels
capées. Les contacteurs (Roche et al., 2015) Les pictogrammes mobilisent en production
et les objets référentiels (Roche et al., 2014) un effort cognitif de reconnaissance
favorisent leur participation sociale et aug- moindre que le rappel demandé par la pro-
mentent leur niveau d’éveil et d’attention. duction de gestes, mais supposent des
La communication intentionnelle et des ­capacités d’attention et de compréhension
compétences cognitives, comme le lien de visuelle. La discrimination peut être entraî-
cause à effet ou l’entrée dans le niveau sym- née par une approche comportementale,
bolique, ne sont pas des prérequis à l’implé- comme le PECS ©, reposant sur l’échange
mentation de ces moyens. Le modèle de de pictogrammes. Dans une approche inte-
participation de Beukelman et Light (2020) ractionnelle/développementale, les parte-
propose au contraire de présumer de la naires de communication peuvent égale-
­capacité de développer ces compétences de ment proposer une ­modélisation en asso-
communication avec l’implémentation de ciant pointage sur des pictogrammes et
moyens de CAA adaptés à la personne. production de mots en contexte. Lorsque le
niveau cognitif et l’acuité visuelle le per-
Les gestes mettent, des tableaux de pictogrammes
Il existe plusieurs types de gestes tirés de la peuvent être proposés. La disposition des
langue des signes (Key Word Signing en pictogrammes est adaptée à l’amplitude
­anglais). Le soutien gestuel et les gestes du des mouvements pour le pointage. Dans les
Makaton sont utilisés en Suisse Romande. cas de troubles de la vision, les picto-
En Belgique, les gestes de la Coghamo sont grammes peuvent être agrandis, contrastés
adaptés aux déficiences motrices. Les ou marqués par des reliefs.
gestes paraissent peu indiqués dans le Les objets référentiels plus concrets
polyhandicap du fait des déficiences que les pictogrammes peuvent attirer plus
­motrices et ­cognitives. Ils impliquent des facilement l’attention et pallier également

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R E C H E R C H E S S U R L E P O LY H A N D I C A P 33

les déficits d’acuité visuelle et de discrimi- sur la taille des icônes, qui sont adaptées
nation. En réception, l’association entre un aux capacités cognitives et motrices.
objet référentiel et un pictogramme est fré- Chaque icône est associée à un mot et
quemment recommandée pour développer ­n’implique que la reconnaissance. D’autres
la compréhension des pictogrammes. ­modèles de grilles, par compactage séman-
tique, dites centrées sur la localisation des
Les moyens de moyenne et de haute icônes, comme le système Minspeak ©,
technologie sont moins transparents et supposent des
Des moyens comme le Go Talk © ou les capacités de rappel. De plus, ils sont asso-
contacteurs (microswitch en anglais), avec ciés au système LAMP ©, qui repose sur
sortie vocale permettent l’expression de l’apprentissage d’automatismes moteurs
choix et la capacité d’interpeler. Comme qui peut également être difficile. Ces mo-
tout autre moyen de CAA, leur implémenta- dèles sont moins indiqués pour le polyhan-
tion passe par une évaluation et une pro- dicap.
gression dans les objectifs d’intervention. Les scènes visuelles constituent une al-
Le Switch Progression Roadmap (Bean, ternative aux grilles. Ce sont des photogra-
2011) propose une première phase avec des phies sur lesquelles des messages ont été
stimulations ­visuelles et/ou auditives, sus- associés à propos d’un événement vécu, ou
ceptibles de motiver et d’attirer l’attention d’un élément saillant du contexte. Elles
de la personne. Ensuite, le lien de cause à peuvent être rapidement réalisées en situa-
effet est enseigné avec le déclenchement tion et font appel à la mémoire épisodique
d’une stimulation par un appui avec la main et non à la mémoire sémantique.
ou une autre partie du corps. Plusieurs com-
pétences peuvent alors être entraînées : Aménagement de l’accès des
l’appui et le maintien de l’appui, le relâche- moyens de CAA
ment, l’appui répété pour compléter une En plus du choix de moyens de CAA adap-
­action ou une séquence d’actions et pour tés aux personnes, des aménagements de
éteindre et allumer un appareil électrique. l’accès à ces moyens doivent parfois être
L’appui après un signal est également en- proposés pour pallier les déficiences mo-
traîné pour limiter la latence des appuis. trices.
L’emploi de deux contacteurs permet le dé- Lorsque le pointage sur des tableaux
clenchement et l’arrêt d’une stimulation ou de pictogrammes est impossible, le parte-
la réalisation de choix. Chaque contacteur naire de communication peut proposer un
peut aussi permettre d’accomplir une action balayage. Il pointe successivement les diffé-
différente. Une attention particulière doit rents pictogrammes du tableau et attend
être portée sur la position des contacteurs que la personne polyhandicapée lui signale
et la posture de la personne. lorsque le pictogramme cible est pointé.
Les téléthèses et des applications Un balayage peut également être pro-
­numériques, dites de haute technologie, posé pour les moyens technologiques. Une
proposent des grilles d’icônes. Un premier lumière surligne chaque icône de la grille en
modèle propose des grilles, dites centrées progressant icône par icône, par lignes, par

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34 R E C H E R C H E S S U R L E P O LY H A N D I C A P

colonnes ou par secteurs de grilles. Les CAA implique la collaboration avec les er-
contacteurs permettent de contrôler ce gothérapeutes et physiothérapeutes pour le
­balayage. Avec un seul contacteur, un pre- positionnement de la personne et des
mier appui fait progresser le balayage et un moyens de CAA, la motricité fine (pointage,
second appui sélectionne l’icône. Un se- appui sur un contacteur, etc.) ou globale
cond contacteur peut être introduit pour la (extension du bras, mouvements de la tête,
sélection tandis que le premier permet le etc.). Les éducateurs, éducatrices et ensei-
balayage. gnant·e·s spécialisé·e·s qui travaillent avec
la personne au quotidien peuvent observer
Plusieurs moyens de CAA devraient être les comportements de communication, fixer
proposés à la personne polyhandicapée. des objectifs d’apprentissage et déployer
les interventions. Ces projets sont donc
Lorsque l’utilisation de contacteurs est ­nécessairement transdisciplinaires.
­impossible, le pointage oculaire peut égale- L’implication des différents partenaires
ment être proposé. Un cadre de communi- de communication, professionnel·le·s et
cation en plexiglas avec des pictogrammes ­familles, est indiquée pour développer le
aux points cardinaux (E-Tran frames en lexique en contexte avec les moyens de
­anglais) permet au partenaire de communi- CAA. Ils peuvent aménager le contexte phy-
cation de repérer la direction du regard sique de la personne, identifier ses tenta-
pour pointer un pictogramme. La quantité tives de communication, offrir des opportu-
de pictogrammes est adaptée aux capacités nités de communication en laissant le temps
de la personne. Les moyens de haute tech- à la personne d’intervenir ou en ne limitant
nologie, comme les téléthèses et les appli- pas ses interventions à des questions en
cations sur tablette numériques peuvent oui/non, mais en induisant d’autres types
également disposer d’un contrôle par poin- d’intervention par des questions ouvertes.
tage oculaire. Les partenaires de communication peuvent
Le pointage oculaire doit également modéliser l’utilisation des moyens de CAA
faire l’objet d’une évaluation et d’un entraî- et déployer les méthodes d’intervention
nement. L’échelle EpCS (Eye-pointing Clas- dans les différents contextes sociaux de la
sification Scale ; Clarke et al., 2020) permet personne.
à la fois d’évaluer la fixation du regard et Plusieurs moyens de CAA devraient
le désengagement de cette fixation avant être proposés à la personne polyhandica-
une nouvelle fixation. Cette évaluation est pée, puisque la communication est multi-
­prévue dans le contexte quotidien de la per- modale. En effet, il est parfois difficile d’être
sonne. Cette échelle développée pour la certain de la modalité la plus favorable. Par
paralysie cérébrale bilatérale, peut être
­ ailleurs, les apprentissages dans une moda-
­déployée dans le polyhandicap. lité peuvent avoir des effets sur une autre
modalité. Ensuite, l’implémentation de
Quelques remarques conclusives moyens de CAA ne peut faire l’économie du
Si les logopédistes sont les profession- choix d’une méthode d’intervention comme
nel·le·s spécialistes de la communication, la des activités et des stimulations proposées.

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R E C H E R C H E S S U R L E P O LY H A N D I C A P 35

La capacité limitée d’acquisition de lexique Lancioni, G. E., O’Reilly, M. F., Sigafoos, J.,
dans le polyhandicap implique une ré- D’Amico, F., Buonocunto, F., Devalle, G.,
flexion à propos des objectifs d’interven- ­Trimarchi, P. D., Navarro, J., & Lanzilotti, C.
tion. Le vocabulaire de base, qui peut être (2018). A Further Evaluation of Microswitch-­
utilisé dans différents contextes, comme Aided Intervention for Fostering Responding
« encore » ou « fini », permet d’avoir un rôle and Stimulation Control in Persons in a Mini-
actif dans l’interaction. Ces mots sont donc mally Conscious State. Advances in Neuro­
à favoriser dans les projets individualisés developmental Disorders, 2, 322–331.
par rapport à un vocabulaire plus spécifique Pepper, L. (2019). Assessing pre-linguistic
à un contexte donné. Il est également im- communication in young people with pro­
portant que les mots choisis permettent de found intellectual and multiple disabilities
remplir différentes fonctions de communi- (PIMD) [Thèse de Doctorat non publiée].
cation. University College London.
Roche, L., S­ igafoos, J., Lancioni, G. E., O’Reilly,
Références M. F., Green, V. A., Sutherland, D., van der
Bean, I. (2011). Switch Progression Road Map. Meer, L., Schlosser, R. W., Marschik, P. B., &
Inclusive Technology. www.inclusive.co.uk/ Edrisinha, C. D. (2014). Tangible Symbols as
Lib/Doc/pubs/switch-progression-­r oad- an AAC option for individuals with Deve-
map.pdf. lopmental Disabilities : A Systematic Re-
Beukelman, D. R., & Light, J. C. (2020). Aug­ view of Intervention Studies. Augmenta­
mentative & Alternative Communication : tive and Alternative Communication, 30,
Supporting children and adults with com­ 1, 28-39.
plex communication needs. Brookes. Roche, L., Sigafoos, J., Lancioni, G. E., O’Reilly,
Clarke, M. T., Sargent, J., Cooper, R., A
­ berbach, M. F., & Green, V. A. (2015). Microswitch
G., McLaughlin, L., Panesar, P., Woghiren, Technology for Enabling Self-Determined
A., Griffiths, T., Price, K., Rose, C., & Responding in Children with Profound and
Swettenham, J. (2020). Development and Multiple Disabilities : A Systematic Review.
Testing of the Eye-pointing Classification Augmentative and Alternative Communica­
Scale for Children with Cerebral Palsy. Disa­ tion, 31(3), 246-258.
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Dhondt, A., Van keer, I., Putten, A., & Maes, B. org/Content / Translations/Matrice_de_
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Fröhlich, A. (2014). Activités de la vie journalière Teaching and Therapy, 36(3), 195-21.
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Hewett, D. (Ed.) (2018). The Intensive Interac­ Interactions of pre-symbolic children with
tion Handbook (2nd ed.). Sage. developmental disabilities with their mo-

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36 R E C H E R C H E S S U R L E P O LY H A N D I C A P

thers and siblings. International Journal of Welsh Government. (2020). Routes For Lear­
Language and Communication Disorders, ning. Assessment Booklet. Crown Copy-
50, 202-214. right. https://hwb.gov.wales/api/storage/
Ward, R., Leitão, S., & Strauss, G. (2014). An e c 5 2e14 b - 6 2d 4 - 4 b b 0 - 9 617-
evaluation of the effectiveness of PROMPT 0a315662c671/curriculum-2022-routes-
therapy of improving speech production for-learning-assessment-booklet-final-
accuracy in six children with cerebral web-ready-e-130720.pdf.
palsy. International Journal of Speech-Lan­
guage Pathology, 16(4), 355-371.

Dr Stéphane Jullien
Chargé d’enseignement
Institut des Sciences Logopédiques,
Université de Neuchâtel
Logopédiste
H.E.R. – Fondation Les Buissonnets &
Cité du Genévrier – Fondation Eben-Hezer
stephane.jullien@unine.ch

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Groupe Romand sur le Polyhandicap (GRP)

Importance du partage de pratiques pour l’accompagnement


des personnes avec un polyhandicap

Entretien avec Caroline Pages (CP), coordinatrice du GRP et éducatrice spécialisée


à la Fondation Les Perce-Neige ; ­Manuela Gomberti (MGo), éducatrice s­ pécialisée
à la Fondation Les Buissonnets ; Laetitia Hanser (LH), praticienne formatrice
­certifiée en Stimulation basale et éducatrice sociale à l’Institution de Lavigny ; et
Martine Gagnebin (MGa), maman d’une personne avec un polyhandicap. Cet
entretien a été réalisé par François Muheim, collaborateur scientifique au Centre
suisse de pédagogie spécialisée et également membre du GRP.

Permalink : www.szh-csps.ch/r2021-09-05

Pouvez-vous présenter le Groupe Le GRP ne s’adresse donc pas unique-


­Romand sur le Polyhandicap, très sou- ment aux professionnel·le·s ?
vent abrégé par son acronyme « GRP » ?
— CP : Non ! Le GRP a été créé en 1987.
— CP : Le GRP rassemble des personnes qui Composé à l’origine de praticien·ne·s de di-
sont concernées par le polyhandicap, que ce verses institutions, le groupe s’est ouvert en
soient des professionnel·le·s, éducateurs et 1994 aux parents de personnes avec un
éducatrices, thérapeutes ou parents d’en- polyhandicap.
fants polyhandicapé·e·s. Nous nous rencon-
trons pour parler de nos réalités, dans l’idée — MGa : En tant que parent, je suis arrivée
d’améliorer les conditions de vie et d’accom- dans le groupe parce que les autres
pagnement des personnes polyhandicapées. ­associations de soutien aux parents d’en-
fant en situation de handicap ne répon-
daient pas à mes besoins. Je cherchais un
groupe qui abordait la réalité institution-
nelle à laquelle ma fille et moi étions
confrontées. Il n’y a malheureusement pas
beaucoup de parents dans le groupe, car
les rencontres ont lieu en semaine durant
les heures de travail, c’est un peu dom-
mage.

— LH : Il est aussi probable que certains pa-


rents hésitent à participer, car ils appré-
Caroline Pages hendent de se retrouver à nouveau face à

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38 R E C H E R C H E S S U R L E P O LY H A N D I C A P

des professionnel·le·s, comme une ren- breux ! Ils découlent souvent d’une situa-
contre en institution. tion particulière vécue en institution.

— CP : Il y a aussi des parents qui ne — MGa : Je dois dire que la situation parti-
viennent pas aux séances, mais qui re- culière des parents et des familles n’est pas
çoivent les procès-verbaux des séances et toujours abordée comme elle le devrait. Je
les diverses informations. me dis de temps en temps : « Mais de quoi
parlent-ils… » ! La situation des parents est
Combien des personnes sont membres trop souvent absente.
du GRP ?

— CP : Nous comptons une quarantaine de


membres et une dizaine viennent régulière-
ment aux rencontres. Le GRP est vraiment ou-
vert à toutes les personnes qui veulent parta-
ger des informations sur le polyhandicap.

Vous avez entre huit à dix séances par


année. Comment choisissez-vous les
thèmes de discussions ?

— CP : D’abord en fonction de nos besoins. Martine Gagnebin


C’est vraiment entre nous que cela se
­décide. Par exemple, Martine a proposé — CP : C’est pour cela que nous avons besoin
d’aborder la question du droit de vote des de toi ! Tu as toute ta place dans le groupe.
personnes avec un polyhandicap à Genève1.
D’autres sujets ont été abordés : la qualité Pourquoi est-il particulièrement im-
de vie, le PER-EDISP (adaptation du Plan portant de se rencontrer pour votre
d’Études Romand (PER) pour des enfants profession ?
présentant une déficience intellectuelle ou
un polyhandicap), l’intégration, la stimula- — MGo : Nous avons besoin d’échanger avec
tion basale, l’application de la Convention des gens qui ne sont pas de la même équipe
relative aux droits des personnes handi­ de travail. Nous profitons ainsi d’un regard
capées (CDPH) pour les personnes avec un extérieur sur notre pratique, et en même
polyhandicap, l’apport des neurosciences, temps nous parlons le même langage, nous
le deuil, etc. Les sujets sont vastes et nom- avons les mêmes problématiques. Nous pou-
1
Le 29 novembre 2020, les citoyen·ne·s genevoi·se·s
vons ainsi faire remonter nos échanges dans
ont accepté de réhabiliter les droits politiques des nos équipes pour que nos collègues puissent
personnes placées sous curatelle et jugées inca- aussi profiter de ce regard extérieur.
pables de discernement. Le canton de Genève de-
venait alors le seul canton Suisse a respecté la
Convention de l'ONU relative aux droits des per-
sonnes handicapées.

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R E C H E R C H E S S U R L E P O LY H A N D I C A P 39

Cela vous arrive-t-il de présenter vos L’échange est donc fondamental ?


pratiques institutionnelles comme des
projets novateurs ? — CP : Oui, le polyhandicap est un do-
maine de niche très particulier. Notre po-
— CP : Oui, des visites ont été organisées pulation est très spécifique et les forma-
dans des institutions. Par exemple, nous tions que nous avons sont nombreuses et
sommes allées à la Fondation Echaud dé- pointues. Pour avoir accès aux outils, il
couvrir un travail réalisé pour améliorer la faut aller les chercher et le GRP facilite ces
communication avec les résident·e·s qui recherches.
n’ont pas de langage verbal et pour qui il
est difficile de communiquer. L’équipe a ré- Les formations ne suffisent pas ?
alisé une sorte de passeport de communi-
cation qui explique comment chaque per- — CP : Non. Il y a encore tellement de
sonne communique. choses que nous ignorons dans ce do-
maine !
— MGa : Nous sommes aussi allées aux
Buissonnets à Fribourg découvrir leur salle — MGa : Historiquement, c’est la raison
Snoezelen. principale pour laquelle ce groupe est ap-
paru. Il y avait peu de formations et peu de
— LH : J’ai beaucoup apprécié la théma- ­recherches. À l’origine il y avait des gens
tique du deuil. Nous avons abordé diffé- passionnés comme Danièle Wolf 2 qui nous
rentes réalités cantonales et outils à ce a beaucoup épaulés.
­sujet. Des intervenant·e·s sont venu·e·s de
l’extérieur. Nous avons pu ainsi constituer — LH : Les praticien·ne·s et les familles sont
une petite base de données sur le sujet. trop isolé·e·s et chaque personne avec un
Mais l’objectif du GRP est avant tout de par- polyhandicap est particulière, c'est pour-
tager, pour avoir un fond commun en quoi les échanges sont indispensables.
­Romandie, et d’être au service des per- Amener de la pédagogie et de la cognition
sonnes avec un polyhandicap. pour ces personnes reste un énorme défi.
Fröhlich disait « ces enfants sont capables
d'apprendre si nous… ». C'est pourquoi un
projet pédagogique est indispensable pour
mettre en place les conditions favorables
pour que ces personnes fassent émerger
leurs compétences. Si nous mettons en
place une pédagogie « lambda », ces per-
sonnes fragiles et très particulières restent
de côté ; elles ont vraiment besoin d'un
cadre adapté.
2
Voir notamment : Wolf, D. (1998). Veuillez consul-
ter la notice : le GRP, un remède contre l'isole-
Laetitia Hanser ment. Pédagogie spécialisée, (1), 26-27.

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40 R E C H E R C H E S S U R L E P O LY H A N D I C A P

Comment vos institutions accueillent-­ — LH : Nous connaissons les spécialistes


elles les connaissances que vous rame- du polyhandicap, elles sont peu nomb­reuses :
nez du GRP ? Geneviève Petitpierre, Myriam Squillaci,
­Danièle Wolf, Juliane Dind, ... Georges Saulus
— CP : C'est très souvent bien reçu, car c'est par adoption. Nous avons besoin que les ré-
également une ressource pour les collègues. sultats de leurs recherches soient accessibles
J'envoie les informations importantes à toute et applicables sur le ­terrain. Le reste de la lit-
l'équipe pédagogique. Parfois nous aime- térature sur les recherches récentes est par-
rions aller plus loin ; par exemple, nous au- fois inaccessible et peu vulgarisé.
rions aimé mettre en place une commission
sur le deuil, mais cela ne s'est pas concrétisé. — MGa : Le GRP a aussi pour fonction de
conserver le savoir de ces personnes afin
Quel lien entretenez-vous avec le mi- qu'il ne disparaisse pas !
lieu académique et de la recherche ?
— CP : Tout cela est possible aussi grâce à
— MGo : Nous sommes régulièrement par- toi François qui a su créer des liens entre les
tie prenante de recherches menées par le différents acteurs : le GRP, le milieu acadé-
­Département de pédagogie spécialisée de mique et le CSPS.
l'Université de Fribourg. Juliane Dind nous
envoie aussi des informations via le « Le Faut-il avoir une vocation pour durer
­Petit Conservatoire du Polyhandicap » et dans le milieu du polyhandicap ?
elle s'intéresse à nos besoins.
— CP : Il faut bien souligner que le milieu du
polyhandicap n'est pas très « glamour » ! Ce
sont souvent des professionnel·le·s enthou-
siastes qui transmettent la passion. C'est
Germaine Gremaud qui m'a insufflé cette
passion, lors de son cours sur le polyhandi-
cap – Communication - Stimulations senso-
rielles.

— LH : Je suis tombée dans ce milieu par


hasard grâce à Thérèse Musitelli, lors de la
première année de mon stage avec des en-
Manuela Gomberti fants polyhandicapé·e·s. J'ai apprécié la
beauté du travail, la juste observation, la
— CP : Nous participons aussi au Congrès ­remise en question de soi, la créativité qu'il
biennal du Centre suisse de pédagogie spé­ faut mettre en œuvre. Il faut également
cialisée et nous visitons les ateliers pertinents beaucoup de patience pour se renouveler et
pour le polyhandicap. Cela nous permet de ne pas tomber dans la routine et ne voir que
­réfléchir autrement, de porter un autre regard des actes de soins. Si nous arrivons à re­
sur notre pratique et de nous faire connaître. nouveler notre regard sur la richesse et

Revue suisse de pédagogie spécialisée, 3 / 2021


R E C H E R C H E S S U R L E P O LY H A N D I C A P 41

l­ ’ex­igence qu’offre l’accompagnement dans avons réalisé un tableau des enseignements


le milieu du polyhandicap, alors on peut de la pandémie pour voir ce qui a bien fonc-
« durer » dans ce domaine. tionné et ce qui a manqué.
— MGo : Je ne crois pas qu'il faille une
­vocation, mais il est vrai que c'est une pas- — MGo : Ça a d'abord été un choc quand
sion qui se construit au fur et à mesure que on nous a annoncé la fermeture de l'école.
tu entres en relation avec les personnes. Il y Heureusement nous avons pu garder un
a aussi des difficultés : ces personnes vulné- contact avec les familles. J'ai aussi bien pro-
rables nous renvoient à nos propres fragili- fité des moments d'échanges proposés par
tés et certain·e·s professionnel·le·s ne sup- le GRP durant cette période.
portent pas cela. Notre travail est aussi un
travail de l'ombre, car les résultats sont par- — CP : J'ai trouvé cette situation compliquée,
fois minimes. car les élèves étaient chez leurs parents 24
heures sur 24 et je me suis sentie impuis-
Pour conclure, qu'est-ce que le GRP sante. On a pu heureusement développer un
vous a apporté durant cette période lien fort avec ces familles. Le GRP m'a permis
de pandémie ? de parler de mes difficultés et de mes peurs.

— LH : Par chance nous avons pu rester en — MGa : J'ai appris beaucoup de choses
contact grâce aux visioconférences. Nous grâce au groupe. J'ai toujours pu visiter ma
avons observé une grande disparité dans fille malgré des conditions d'accueil très
nos institutions. J'ai vécu une des périodes compliquées. J'ai apprécié entendre ce que
les plus pertinentes dans l'accompagne- les membres du GRP partageaient, leurs
ment depuis longtemps. Nous avons dû difficultés et leurs pratiques. J'ai apprécié
nous adapter à la situation, être dans une entendre que le port du masque n'était pas
juste présence, et nous approprier les dramatique et que beaucoup de communi-
moyens à disposition. Avec le GRP nous cation pouvait passer par le regard !

Pour aller plus loin avec le Groupe Romand sur le Polyhandicap

Il est possible de rejoindre le GRP en faisant une demande à Mme Caroline Pages.
Vous trouverez toutes les informations nécessaires sur la page du CSPS :
https://www.csps.ch/grp

Vous trouverez également sur cette page les dates et les thèmes des prochaines ren-
contres, une plaquette de présentation du GRP, une liste de références bibliogra-
phiques sur le polyhandicap et les archives des réalisations du GRP.

Revue suisse de pédagogie spécialisée, 3 / 2021


42 D O C U M E N TAT I O N D U D O S S I E R

Documentation du dossier
Recherches sur le Haute Autorité de Santé (HAS). Liens Internet
polyhandicap (2020). L’accompagnement de la
personne polyhandicapée dans sa Groupe Romand sur le Polyhandi-
spécificité. https://www.has-sante. cap (GRP) : https://blogs.rpn.ch/
Références bibliographiques fr/upload/docs/application/ grouperomandpolyhandicap/
pdf/2020-11/polyhandicap_
Bataille, A. (2011). Pour les enfants preambule.pdf Le Petit Conservatoire du Polyhan-
polyhandicapés : une pédagogie dicap : https://polyhandicap.ch/
innovante. Érès. Hirsch, E., & Zucman, E. (2015). La
personne polyhandicapée : www.credas.ch/ (voir les d
­ ivers
Camberlein, P., & Ponsot, G. (Eds.) éthique et engagements au quoti­ comptes-rendus)
(2021). La personne polyhandica­ dien. Érès.
pée. La connaître, l'accompagner, https://www.szh.ch/adresses-et-
la soigner (2e éd.). Dunod. Inserm. (2013). Polyhandicap sé- liens/reseaux/groupe-ro-
vère (chapitre 11). In Handicaps mand-polyhandicap (voir Bibliogra-
Crunelle, D. (2018). Évaluer et rares - Contextes, enjeux et pers­ phie du GRP sur le polyhandicap ;
­faciliter la communication des per­ pectives (pp. 321-347). https:// sous « En savoir plus »)
sonnes en situation de handicap www.ipubli.inserm.fr/han-
complexe. Polyhandicap, syn­ dle/10608/4555 https://handiconnect.fr/fiches-
drome d'Angelman, syndrome de conseils (voir les 4 fiches sur le
Rett, autisme déficitaire, AVC Le Penglaou, J. (2020). 40 activités polyhandicap)
­sévère, traumatisme crânien, dé­ pour personnes polyhandicapées
mence. De Boeck Supérieur. ou atteintes de déficiences multi­
ples. Editions Phalente.
Dalla Piazza, S., & Godfroid, B.
(2015). La personne polyhandica­ Patte, K., Porte, M., Schifano, L.,
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Scelles, R., & Petitpierre, G. (Dir.)
Derouette, C. (2020). Le polyhan­ (2013). Polyhandicap : processus
dicap au quotidien. Guide à d'évaluation cognitive. Outils,
l’usage des professionnels (4e éd.). théories et pratiques. Dunod.
ESF Editeur.
Toubert-Duffort, D., & Atlan, E.
Dind, J. (2020). La conscience de (Dir.) (2020). Polyhandicap et pro-
soi au prisme du polyhandicap. cessus d’apprentissage. Enjeux,
Mieux la connaître, l'observer et concepts, dispositifs et pratiques.
stimuler son développement. La nouvelle revue. Éducation et
­Edizioni Fondazione ARES. société inclusives, (88). INSHEA.

Revue suisse de pédagogie spécialisée, 3 / 2021


ANNONCE SZH/CSPS 43

Prix du mérite en
pédagogie spécialisée 2022
DU CEN T RE SUISSE D E PÉDAGO GIE SPÉCI A L ISÉE

Description Conditions
Avec le « prix du mérite en pédago- Les travaux de Master (allemand
gie spécialisée », le Centre suisse ou français) doivent être terminés
de pédagogie spécialisée souhaite et avoir été validés avant leur sou-
promouvoir de jeunes chercheurs mission (31 janvier 2022). Les pro-
et chercheuses. Le meilleur travail positions doivent être soumises
de Master dans le domaine de la sous la forme d‘un dossier en
pédagogie spécialisée sera récom- version électronique. Celui-ci con-
pensé. Le prix comprend la publi- tient : le travail complet, un ré-
cation du travail aux éditions sumé d‘une demi-page, un curri-
SZH/CSPS, « le principal éditeur culum vitae et un rapport
d’ouvrages de référence en péda- contenant l‘évaluation du travail.
gogie spécialisée en Suisse ». La
date limite pour les inscriptions
est le 31 janvier 2022. Après l’exa-
men détaillé des travaux, une com-
mission composée de différent-e-s
expert-e-s sélectionnera le ou la
gagnant-e.

Inscription et informations
Melina Salamin (fr) : redaction@csps.ch
Barbara Egloff (de) : redaktion@szh.ch

Revue suisse de pédagogie spécialisée, 3 / 2021


44 DE L'ÉLÈVE AU CENTRE À L'ACTEUR

Saoussan Bendjaballah, Séverine Paquette, Valérie Angelucci et Laurent Bovey

Les élèves de l’enseignement spécialisé au centre des


intentions, mais à la marge des décisions ?

Résumé
Les discours politiques et pédagogiques sont basés sur le postulat selon lequel l’élève doit être placé « au centre » du
­système éducatif, sans toutefois en faire un acteur pleinement « actif ». Des entretiens compréhensifs menés avec des
élèves de l’enseignement spécialisé questionnent le paradoxe d’une centralité des élèves dans les intentions, mais d’une
absence de participation dans les faits. Alors que ceux-ci ne sont ni écoutés ni informés lorsqu’il s’agit de prendre des dé-
cisions visant l’octroi de mesures en enseignement spécialisé, ils développent diverses stratégies d’accommodation pour
faire face à un avenir scolaire incertain.

Zusammenfassung
Der politische und pädagogische Diskurs stützt sich auf das Postulat, dass Schülerinnen und Schüler «im Zentrum»
des Bildungssystems stehen; ohne dass sie tatsächlich als «aktive» Beteiligte einbezogen werden. Im Austausch mit
Sonderschülerinnen und Sonderschülern wird diesem Widerspruch – einer zugewiesenen Rolle und fehlender Teil­habe
in der Praxis – nachgegangen. Da sie bei Entscheiden zur Gewährung von sonderschulischen Massnahmen weder
­angehört noch informiert werden, entwickeln sie verschiedene Anpassungsstrategien, um mit ihrer ungewissen schu-
lischen Perspektive Umgang zu finden.

Permalink : www.szh-csps.ch/r2021-09-06

Introduction cialisé et comment ils composent avec les


Cet article a pour point de départ une étude mesures d’enseignement spécialisé qui leur
menée dans le cadre de notre mémoire de sont attribuées.
Master en enseignement spécialisé à la HEP Pour retracer le vécu des élèves au
Vaud (Bendjaballah & Paquette, 2019) 1. ­sujet de leur orientation en enseignement
Nous avons choisi de nous intéresser au spécialisé, nous avons choisi de donner la
processus d’orientation des élèves désignés parole à six élèves scolarisés dans des
à besoins éducatifs particuliers en partant classes régulières du canton de Vaud (école
de leur point de vue. Nous avons conduit obligatoire et post-obligatoire). Trois d’entre
une recherche de type « étude de cas » et eux (Ardi2, 10 ans ; David, 7 ans ; et Zoé,
avons mené des entretiens semi-directifs 9 ans) ont été diagnostiqués dysphasiques.
avec des élèves au bénéfice de mesures Deux autres élèves présentent un handicap
d’enseignement spécialisé intégrés en auditif (Dhalia, 22 ans et Denisa, 10 ans) et
classe ordinaire. Notre volonté est de com- la dernière présente un handicap auditif
prendre comment ils perçoivent le proces- et une dyscalculie (Dora, 14 ans). Ils béné­
sus qui les a conduits à l’enseignement spé- ficient tous de deux à quatre heures d’ensei-
gnement spécialisé par semaine.
1 Le travail a été réalisé par Saoussan Bendjaballah
et Séverine Paquette, sous la direction de Valérie 2 Des prénoms d’emprunt ont été choisis pour garan-
Angelucci et Laurent Bovey. tir l’anonymat des participantes et participants.

Revue suisse de pédagogie spécialisée, 3 / 2021


DE L'ÉLÈVE AU CENTRE À L'ACTEUR 45

Notre recherche s’inscrit dans le paradigme du système éducatif (Rayou, 2000a). Cette
de la sociologie compréhensive. Ces six intention et le consensus dont elle fait l’ob-
élèves ne sont pas représentatifs à un jet aujourd’hui se sont construits étape par
­niveau statistique, mais ils sont représenta- étape, notamment à travers le courant pé-
tifs sociologiquement (Hamel, 2000) dans dagogique de l’Éducation Nouvelle depuis
le sens où leurs parcours scolaires per- la fin du 19e siècle. Ce principe de centrali-
mettent de rendre visibles des processus so- té de l’élève est à remettre dans un
ciaux à l’œuvre à l’école et répondent à une contexte plus large de participation de
littérature scientifique déjà existante. Assu- l’enfant – en tant qu’être social et futur ci-
mant des « positions enchevêtrées » de pra- toyen – aux débats et à l’action sociale.
ticiennes-chercheuses (Kohn, 2001), nos Cette considération pour la « voix » des en-
propos s’appuient également sur nos ex­ fants est particulièrement présente dans la
périences professionnelles d’enseignantes Convention des droits de l’enfant de 1989
spécialisées. et notamment dans l’article 3 qui acte que
Il ressort des entretiens que ces élèves « l’intérêt supérieur de l’enfant doit être
n’ont pas été entendus lorsqu’il a été ques- une considération primordiale » (ONU,
tion des décisions scolaires qui ont jalonné 1989, art. 3). L’article 12 de cette même
leur parcours d’écolier. Ils n’ont pas non plus Convention nous intéresse particulière-
assisté aux différentes rencontres durant ment pour les propos qui suivent. Il y est
lesquels ils étaient représentés par leurs pa- indiqué que :
rents. Au regard de la volonté de mettre les Les États parties garantissent à l’enfant qui est
élèves au centre des dispositifs, la sous-­ capable de discernement le droit d’exprimer li-
participation de ces derniers pose question. brement son opinion sur toute question l’inté-
Nous proposons de traiter dans cet ar- ressant […] À cette fin, on donnera notam-
ticle de la place centrale de l’élève dans les ment à l’enfant la possibilité d’être entendu
discours politiques et pédagogiques. Nous dans toute procédure judiciaire ou administra-
reviendrons ensuite sur quelques propos tive l’intéressant, soit directement, soit par
issus de la recherche, puis nous nous
­ l’intermédiaire d’un représentant ou d’un or-
­appuierons sur notre étude pour montrer ganisme approprié. (ONU, 1989, art. 12)
comment ces élèves sont éloignés des
­réseaux et comment ils développent des Au regard de la volonté de mettre les élèves
stratégies pour s’accommoder d’une scola- au centre des dispositifs, la sous-participation
rité dont ils semblent dessaisis. Nous termi- de ces derniers pose question.
nerons en interrogeant les enjeux liés au
passage de « l’élève au centre » du système Un tel document est conçu dans l’objectif
éducatif à l’élève pleinement acteur. qu’une grande partie des États le signe. Par
respect pour le principe de souveraineté,
L’élève au centre : une implication une grande marge de manœuvre est donc
« dans la mesure du possible » réservée aux signataires. Si la prise en
Depuis les années 1980, les discours péda- compte de l’opinion des enfants est valori-
gogiques et politiques scolaires (re)placent sée, il reste des questions (notamment en
de manière insistante « l’élève au centre » lien avec notre terrain de l’enseignement

Revue suisse de pédagogie spécialisée, 3 / 2021


46 DE L'ÉLÈVE AU CENTRE À L'ACTEUR

spécialisé) que la Convention ne règle pas : PES3 par exemple) prévoient une rubrique
à partir de quel moment et sur quels critères laissant une place à l’avis de l’enfant.
un élève n’est-il plus capable de discerne-
ment ? Considère-t-on les élèves de l’ensei- Du côté de la recherche : une
gnement spécialisé comme capables de participation en trompe-l’œil
­discernement et aptes à donner leur avis ? Le sociologue Pierre Périer (2015) note que
Les parents, comme seuls détenteurs de peu de recherches se sont intéressées direc-
l’autorité sur leur enfant, constituent-ils des tement à l’enfant ou à l’élève lui-même. Il
représentants légitimes lors des prises de relève un constat paradoxal : « l’enfant est
décision ? bien celui dont parlent et se préoccupent
Dans le canton de Vaud, la centralité parents et enseignants, celui également au
de l’élève apparaît également dans le ré- travers duquel ils se parlent […] mais sa pa-
cent concept cantonal (Concept 360°) de role, précisément, n’est guère analysée ni
mise en œuvre et de coordination des me- même entendue » (p. 106). C’est particuliè-
sures spécifiques en faveur des élèves des rement le cas lorsque les élèves sont dési-
établissements ordinaires de la scolarité gnés à besoins éducatifs particuliers. Lors-
obligatoire (DFJC, 2019). Concernant la qu’il s’agit d’élèves en situation de handi-
possibilité d’entendre et de consulter les cap, de précarité ou en difficulté scolaire,
élèves lorsque des mesures d’enseigne- les recherches font appel aux représenta-
ment spécialisé sont envisagées, le texte tions et points de vue des parents, ensei-
s’avère toutefois peu contraignant. La for- gnants, spécialistes, ou même des cama-
mulation « dans la mesure du possible » rades, mais la voix des élèves concernés est
permet aux acteurs de légitimer une mise peu relayée dans la littérature scientifique.
à l’écart des élèves dans les prises de déci- Cette non-sollicitation souligne « l’illégiti-
sions : « Les parents sont entendus, puis in- mité présumée de leur parole » (Bovey,
formés de la décision [...] Le conseil de di- 2015, p. 33).
rection veille à entendre les parents et, Comme évoqué précédemment, l’élève
dans la mesure du possible, l’élève » (DFJC, tient une place centrale dans les intentions
2019, p. 34). politiques sans qu’on lui donne concrète-
Dans le contexte de l’enseignement ment la possibilité d’être actif dans les déci-
spécialisé, cette préoccupation visant à sions liées à son parcours scolaire. Rayou
­placer l’élève au centre se décline dans les (2000a) relève que « si l’élève au centre a pu
discours des directions d’établissement lors être un thème militant […], il ressemble
des différentes réunions qui rythment beaucoup plus aujourd’hui à une sorte de
­l’année scolaire telles que les conférences ‹ pédagogiquement correct › qui gagne en
des maîtres ou les colloques d’équipe, mais extension ce qu’il perd en teneur concep-
également dans les différents canevas et tuelle » (p. 271). L’auteur se demande par
protocoles à disposition des enseignants ailleurs s’il suffit d’instituer les élèves « en
spécialisés dans lesquels il est demandé sujets de droit pour leur conférer les compé-
que l’élève soit au centre de l’analyse. Les
différents canevas, bilans et procédures (la 3 Pour plus d’informations sur la Procédure d’éva-
luation standardisée (PES), voir le site Internet du
CSPS : www.csps.ch/themes/pes

Revue suisse de pédagogie spécialisée, 3 / 2021


DE L'ÉLÈVE AU CENTRE À L'ACTEUR 47

tences d’une parole politique » (Rayou, de ne pas avoir été conviée à ces rencontres
2000b, p. 48). Plusieurs auteurs soulignent en raison de son jeune âge (mineure au mo-
quant à eux des effets pervers d’un principe ment de son orientation en spécialisé), au-
de centralité de l’élève : « En demandant au cun des élèves avec lesquels nous nous
système éducatif de placer l’enfant au sommes entretenus (cf. Introduction) n’a été
centre, cette conception égocentrée [...] invité à prendre part à ces moments.
­accrédite l’idée que l’élève est le seul à avoir Si ces élèves ne sont pas consultés lors
des besoins auxquels les professionnels des réseaux, ils ne sont pas non plus infor-
doivent satisfaire » (Ebersold & Detraux, més des raisons sous-jacentes aux décisions
2013, p. 108). impliquant la mise en place de mesure en
Enseignants et élèves semblent « pié- enseignement spécialisé. Ainsi, Ardi ne sait
gés » dans une distribution de rôles hiérarchi- pas qui a décidé de ses mesures en ensei-
quement figés : les premiers éduquent, trans- gnement spécialisé ni quelles sont les rai-
mettent, protègent, décident, orientent, sons qui ont présidé à cette décision. Dora
cadrent, les deuxièmes apprennent, se pour sa part exprime de l’incertitude quant
conforment, etc. Pour Denis Laforgue (2009, à la manière dont les choses se sont pas-
p. 7), ce serait le signe de la per­pétuation d’un sées. Hormis le fait que sa maman ait parti-
« travail sur autrui » plutôt que d’un « travail cipé à des réseaux et qu’une enseignante
avec autrui », c’est « l’institution qui définit, les ait « beaucoup aidées », elle « ne sait pas
de manière asymétrique, les modes de leur vraiment » comment et sur quelles bases les
prise en charge ». Il paraît difficile dans ces décisions ont été prises.
conditions de laisser une (véritable) place à la
voix et à la participation des élèves. Ces élèves restent en marge des décisions
qui sont prises quant à leur avenir scolaire.
Faire sans les enfants :
le cas des réseaux Ces élèves restent en marge des décisions
La décision d’octroi de mesures en enseigne- qui sont prises quant à leur avenir scolaire,
ment spécialisé est le résultat d’une ­activité comme s’ils assistaient en spectateurs aux
collective, dynamique et étendue dans le décisions institutionnelles sans y participer
temps. Ce processus est jalonné de nom- activement. On peut dès lors s’interroger
breuses procédures administratives ­(Sicot, sur les « conséquences » de cette non-parti-
2005) parmi lesquelles figure la tenue de ré- cipation sur la suite de leur scolarité. Com-
seaux pluridisciplinaires durant lesquels les ment ces élèves poursuivent-ils malgré les
mesures en enseignement spécialisé sont incertitudes ? Quelles stratégies dé-
« négociées » et décidées. Si les parents, of- ploient-ils pour faire face ou donner du sens
ficiellement considérés comme les « parte- à ces mesures qui leur sont imposées ?
naires » du réseau, sont conviés à certaines
rencontres, nos observations indiquent qu’il Des stratégies d’accommodation
est en revanche bien rare que l’enfant, pour- pour faire face
tant au centre des intentions et premier Pour naviguer dans ce monde incertain, ces
concerné, bénéficie du même traitement. En élèves déploient différentes stratégies d’ac-
effet, à l’instar de Dahlia qui est convaincue commodation qui relèvent soit d’un type

Revue suisse de pédagogie spécialisée, 3 / 2021


48 DE L'ÉLÈVE AU CENTRE À L'ACTEUR

que l’on peut qualifier d’« intégratif » soit des ­mesures d’enseignement spécialisé qui
d’un autre type dit « appropriatif » (dans leur sont proposées. En classe, ces élèves
une démarche inductive, ces types ont cherchent à rester au plus proche de l’en-
émergé à la suite de l’analyse des données). seignante spécialisée afin de pouvoir la
À l’instar du contexte de migration et d’ac- mobiliser en cas de besoin, comme Dora
culturation de leur famille en Suisse, Ardi, qui n’hésite pas à solliciter de l’aide : « je
Zoé et David semblent s’adapter à leurs me- me manifeste, soit je demande à la prof,
sures en enseignement spécialisé en cher- soit je demande à une amie ». Quant à
chant eux aussi à « s’intégrer » au mieux, se leurs parents (souvent les mamans), elles
« conformant » aux attentes et normes sont très impliquées dans la relation
­scolaires et en restant discrets : ces élèves école-famille. Elles notent des mots dans
« s’appliquent », travaillent « bien » en l’agenda de leur enfant, connaissent les
classe, et reconnaissent les bénéfices liés à notes et les thèmes des tests, et, si cela
l’aide apportée par l’enseignante spéciali- s’avère nécessaire, mobilisent leurs ré-
sée. Ils expriment également comment seaux afin de ne pas laisser échapper une
leurs parents cherchent à développer des mesure qui pourrait être bénéfique pour
comportements et habitudes qui corres- leur enfant.
pondent aux attentes et normes sociales Sans chercher à « naturaliser » les dif-
vis-à-vis des familles migrantes. Au risque férentes stratégies d’accommodation dé-
d’apparaître comme « passifs » du point de veloppées par les élèves et leur famille, il
vue des enseignants, ces parents inter- nous semble toutefois opportun d’interro-
viennent peu dans le parcours de leur en- ger le rôle du type de handicap sur le déve-
fant (Périer, 2015) et ont peu d’échanges loppement d’une stratégie ou d’une autre.
avec l’enseignant. Les trois élèves qui mobilisent des straté-
gies de type « intégratif » présentent une
Quelle cohérence y a-t-il à acquérir la dysphasie alors que les trois élèves qui mo-
bilisent des stratégies de type « appropria-
parole pour s’exprimer et pour gagner en
tif » présentent un handicap auditif. Des
autonomie alors que cette même parole études ont montré que la nature du handi-
n’est pas entendue ? cap véhiculait des registres de représenta-
tions et des modalités de prise en charge
Les élèves qui s’accommodent dans une lo- différentes (Zaffran, 2007). Nous pouvons
gique d’intégration peuvent vivre leur scola- faire l’hypothèse que le diagnostic de
rité dans une certaine solitude, à l’image trouble auditif, souvent posé tôt chez l’en-
d’Ardi qui, dans les situations où il aurait fant permet à la famille – une fois qu’elle a
­besoin de l’enseignante, ne la sollicite pas. accepté l’idée que son enfant est « diffé-
Les stratégies développées par Dhalia, rent » et qu’il y aura une prise en charge
Denisa et Dora s’apparentent pour leur spécialisée (Sicot, 2005) – de changer rapi-
part à une logique d’« appropriation ». Ces dement sa manière d’appréhender l’école.
élèves et leur famille cherchent à « tirer Elle pourra ainsi prendre en compte tous
parti » de tout ce qui peuvent les aider et les facteurs qui peuvent optimiser la scola-
« s’emparent », d’une certaine manière, rité de son enfant (en discutant avec les in-

Revue suisse de pédagogie spécialisée, 3 / 2021


DE L'ÉLÈVE AU CENTRE À L'ACTEUR 49

tervenants, en mobilisant les aides néces- de prendre part aux décisions concernant
saires, etc.), et s’approprier les outils de leur avenir scolaire.
l’école. Bien qu’ils développent des stratégies
Tenus à l’écart des décisions concer- d’accommodation, la relégation de ces
nant leur avenir scolaire, ces élèves déve- élèves tend à augmenter le risque qu’ils « se
loppent des stratégies leur permettant de sentent dépossédés de leurs choix tout au-
s’accommoder de leurs mesures d’enseigne- tant que de leurs parcours » (Bodin & Douat,
ment spécialisé. On peut toutefois s’interro- 2015, p. 105). Pourtant, impliquer les élèves
ger sur le « coût » que représente le déve- dans leur trajectoire scolaire en leur offrant
loppement de telles stratégies et dans les ressources nécessaires leur permettant
quelle mesure cette mise à l’écart rendrait de comprendre les enjeux d’une orientation
la création de sens plus complexe et l’inves- en enseignement spécialisé semble primor-
tissement des élèves plus fragile. dial (Dempsey & Dunst, 2004). Ce serait leur
permettre d’évoluer dans un climat
Conclusion : ­sécurisant et surtout transparent. Comme le
de l’élève au centre à l’acteur relève la citation attribuée à Françoise
Ces constats de non-participation des élèves ­Dolto : « l’enfant a toujours l’intuition de
aux décisions les concernant sont v­ alables son histoire. Si la vérité lui est dite, cette vé-
pour tous les élèves. Ils revêtent toutefois un rité le construit ».
enjeu particulier pour les élèves de l’ensei-
gnement spécialisé pour qui les orienta- Références
tions, les diagnostics et les mesures ont un Bendjaballah, S., & Paquette, S. (2019). Car­
poids déterminant sur leur parcours de vie. rières d’élèves dans l’enseignement spé­
Bien que l’enfant soit placé au centre des cialisé vaudois : de l’orientation unilatérale
discours pédagogiques et politiques, le à l’accommodation [Mémoire profession-
processus « concret » menant à décider de nel en enseignement spécialisé non pu-
mesures en enseignement spécialisé place blié]. Haute école pédagogique du canton
celui-ci en marge des échanges. La façon de Vaud.
habituelle de procéder ne lui permet pas Bodin, R., & Douat, E. (2015). Un âge refusé.
d’être « pleinement acteur » en participant Le difficile accès au statut d’adulte des
activement et en exprimant son avis. En jeunes handicapés. Agora débats/jeu­
­regard du travail réalisé avec les élèves nesse, 71, 99-110.
­présentant un trouble du langage et pour Bovey, L. (2015). Des élèves funambules :
lesquels l’apprentissage de la langue fran- Être, faire, trouver et rester à sa place en
çaise demeure un objectif prioritaire, le pa- situation d’intégration. Université de Ge-
radoxe devient d’autant plus apparent : nève, FPSE.
quelle cohérence y a-t-il à acquérir la parole Dempsey, I., & Dunst, C. J. (2004). Helpgiving
pour s’exprimer et pour gagner en auto-­ styles and parent empowerment in fami-
nomie alors que cette même parole n’est lies with a young child with a disability.
pas entendue ? Les élèves qui investissent Journal of Intellectual and Developmental
de l’énergie à travailler leur langage sont fi- Disability, 29(1), 40-51. https://doi.org/10
nalement réduits au silence lorsqu’il s’agit .1080/13668250410001662874

Revue suisse de pédagogie spécialisée, 3 / 2021


50 DE L'ÉLÈVE AU CENTRE À L'ACTEUR

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et de la culture (DFJC). (2019). Concept ligne]. https://doi.org/10.4000/socio-lo-
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Kohn, R. C. (2001). Les positions enchevê- Derouet (dir.), L’école dans plusieurs
trées du praticien-qui-devient-chercheur. mondes (pp. 39-54). De Boeck.
In M.-P. Mackiewicz (dir.), Praticien et Sicot, F. (2005). Intégration scolaire : le han-
chercheur. Parcours dans le champ social dicap socioculturel a-t-il disparu ? Revue
(pp. 15-40). L’Harmattan. française des affaires sociales, 2, 273-293.
Laforgue, D. (2009). Pour une sociologie des Zaffran, J. (2007). Quelle école pour les
institutions publiques contemporaines. élèves handicapés ? La Découverte.
Pluralité, hybridation et fragmentation du

Réseau Études et handicap au secondaire II /


Netzwerk Lernen mit Behinderung in der Sek II /
Rete Studi e handicap nel secondario II

Prochaine rencontre :
Mercredi 10 novembre 2021, 14h – 17h (en ligne)

Programme et inscription :
www.szh.ch/reseaux/reseau-etudes-et-handicap-au-secondaire-ii

Revue suisse de pédagogie spécialisée, 3 / 2021


DE L'ÉLÈVE AU CENTRE À L'ACTEUR 51

Saoussan Bendjaballah
Enseignante spécialisée
Établissement Entre-Bois
saoussan.bendjaballah@edu-vd.ch

Séverine Paquette
Enseignante spécialisée
ECES Lausanne
severine.paquette@edu-vd.ch

Valérie Angelucci
Chargée d’enseignement
HEP Vaud
valerie.angelucci@hepl.ch

Laurent Bovey
Assistant diplômé
HEP Vaud
laurent.bovey@hepl.ch

Revue suisse de pédagogie spécialisée, 3 / 2021


52 P R E S TAT I O N S L O G O P É D I Q U E S I N D I R E C T E S

Anne-Françoise de Chambrier et Serge Ramel

Soutenir les enseignant·e·s dans leur pratique inclusive par des


prestations logopédiques indirectes

Résumé
Dans le contexte d’une école inclusive et d’une meilleure prévention des difficultés d’apprentissage, certaines régions pré-
conisent la mise en place de prestations indirectes de la part de spécialistes à l’intention des enseignant·e·s. Dans ce cadre,
le présent article expose les ressources des logopédistes pouvant être utiles aux enseignant·e·s pour favoriser la prise en
charge scolaire des élèves rencontrant des difficultés ou troubles langagiers, mais aussi les précautions à prendre à l’oc-
casion de telles formes de collaborations.

Zusammenfassung
IIm Rahmen einer inklusiven Schule und gezielten Vorbeugung von Lernschwierigkeiten plädieren einige Regionen die
Einführung von indirekten Leistungen durch den Einsatz von Fachleuten zugunsten der Lehrpersonen. In diesem Kontext
stellt der Artikel die Ressourcen von Logopädinnen und Logopäden vor, die von Lehrpersonen für eine verbesserte schu-
lische Förderung von Schülerinnen und Schülern mit sprachlichen Schwierigkeiten oder Störungen genutzt werden kön-
nen. Gleichzeitig wird aufgezeigt, welche Vorsichtsmassnahmen es bei solchen Kooperationen zu treffen gilt.

Permalink : www.szh-csps.ch/r2021-09-07

École inclusive et prestations de bénéfique tant pour les apprentissages que


soutien pour le développement social, et ce pour les
Depuis 1994 et la célèbre Déclaration de élèves avec et sans besoins particuliers.
­Salamanque (UNESCO, 1994), les systèmes En Suisse, l’Accord intercantonal sur la
éducatifs se sont progressivement attachés ­pédagogie spécialisée (CDIP, 2007) privilé-
à accueillir au sein de l’école ordinaire les gie les solutions intégratives sans pour
enfants ayant des besoins particuliers. autant souhaiter à terme l’inclusion de
­
Cette volonté a pris des formes diverses, tou·te·s les élèves. Plusieurs cantons ro-
­allant de l’intégration de ces élèves – par- mands comme Genève et Vaud ont fait un
tielle ou complète, mais toujours condition- pas supplémentaire, le premier en parlant
nelle – à une école résolument inclusive d’école inclusive dans sa Loi scolaire et le
dans laquelle chaque apprenant·e a de droit second d’école à visée inclusive dans un
sa place. Concept cantonal dit à 360° (DFJC, 2019).
Dans les deux cas, il est question de ré-
À la complexification du travail avec les pondre aux besoins spécifiques de tou·te·s
élèves s’est ajouté le défi des collaborations les élèves, s’agissant de « tenir compte de
interprofessionnelles. tous les apprenants et ne pas cibler unique-
ment les exclus » (UNESCO, 2005, p. 15).
Comme le relèvent Vienneau et T­ hériault Qu’il s’agisse d’intégration ou d’inclu-
(2015) dans leur recension des effets de l’in- sion, l’école ordinaire doit donc relever
clusion scolaire, celle-ci est majoritairement ­aujourd’hui le défi d’une hétérogénéité crois-

Revue suisse de pédagogie spécialisée, 3 / 2021


P R E S TAT I O N S L O G O P É D I Q U E S I N D I R E C T E S 53

sante des élèves et les prestations de soutien les soutenir dans des pratiques pédago-
sont un atout essentiel pour répondre aux giques inclusives.
­différents besoins. En effet, « l’inclusion sco-
laire n’efface ni les handicaps ni les difficultés Prévention des difficultés
des élèves, pas plus qu’elle ne fait disparaitre d’apprentissage
les besoins éducatifs particuliers de ceux-ci » De telles pratiques collaboratives sont éga-
(Vienneau & Thériault, 2015, p. 123). lement appelées par un plus fort accent mis
Si la Déclaration de Salamanque ces deux dernières décennies sur la préven-
(UNESCO, 1994) associait initialement les tion des troubles. Celle des troubles en
besoins éducatifs spéciaux aux seules per- ­langage oral et écrit – dans lesquels les lo-
sonnes handicapées, cette désignation s’est gopédistes sont spécialisé·e·s – mérite une
élargie ces deux dernières décennies à une ­attention particulière étant donné que les
plus large population d’élèves, avec pour performances des élèves à ce niveau
­incidence une augmentation des demandes ­influencent considérablement leur réussite
d’interventions pédago-thérapeutiques et scolaire.
donc du nombre de spécialistes dans le Les compétences langagières les plus
champ scolaire (Trépanier & Paré, 2010). déterminantes de la réussite ultérieure – et
Ainsi, à la complexification du travail avec qui peuvent constituer des signes avant-­
les élèves s’est ajouté le défi des collabora- coureurs de troubles lorsqu’elles ne sont
tions interprofessionnelles. Mais à l’heure pas a­ tteintes – sont désormais bien identi-
actuelle, ces dernières se limitent souvent à fiées : conscience phonologique, correspon-
déléguer à autrui, perçu·e comme plus dances graphèmes-phonèmes, fluence en
­compétent·e, la prise en charge d’élèves lecture, richesse du vocabulaire et compré-
rencontrant une problématique. Or, si les hension syntaxique (Desrochers, 2021). Les
spécialistes ont un rôle essentiel à jouer connaissances scientifiques sur les pra-
dans la réponse à apporter à des besoins tiques éducatives les plus à même de favo-
particuliers, celui de l’enseignant·e dit régu- riser ces compétences, notamment chez les
lier·ère reste primordial. Une absence d’ac- élèves à risque, ont également considéra-
cessibilité de l’enseignement – qui devrait blement augmenté ces dernières années.
s’inscrire notamment dans des pratiques de La concrétisation la plus manifeste de
différenciation pédagogique, d’aménage- ce récent accent mis sur la prévention des
ment ou d’adaptation – pourrait même troubles et sur les pratiques éducatives
rendre inopérantes les interventions spécia- dites efficaces est l’adoption, essentielle-
lisées. Dans ce contexte, il est attendu que ment en Amérique du Nord, du modèle de
la collaboration entre spécialistes et ensei- Réponse à l’Intervention (RàI, voir Fuchs &
gnant·e·s s’étende à des pratiques permet- Fuchs, 2006). Ce modèle préconise de dis-
tant de favoriser les apprentissages de penser à tou·te·s les élèves un enseigne-
tou·te·s les élèves. Autrement dit, aux pres- ment fondé sur les données de la recherche
tations directes dispensées par les spécia- (intervention de niveau 1) et d’évaluer régu-
listes à l’intention d’élèves diagnostiqué·e·s, lièrement leurs progrès afin de prodiguer
il s’agirait d’ajouter des prestations indi- rapidement à ceux·celles qui en ont besoin
rectes à l’intention des enseignant·e·s pour un soutien pédagogique supplémentaire

Revue suisse de pédagogie spécialisée, 3 / 2021


54 P R E S TAT I O N S L O G O P É D I Q U E S I N D I R E C T E S

plus intensif (intervention de niveau 2). Collaboration entre logopédistes et


Dans ce cadre, un diagnostic de trouble enseignant·e·s
d’apprentissage est éventuellement posé Cet appel à développer des prestations in-
s’agissant des élèves ne répondant pas de directes semble toutefois pour l’heure se
manière satisfaisante à ces deux premiers heurter à deux types d’obstacles, institu-
niveaux d’intervention, et qui auront alors tionnel pour l’un et attitudinal pour l’autre.
besoin d’une intervention de niveau 3, plus Jusqu’en 2008, le financement de la logo­
ciblée et plus intensive. pédie relevait essentiellement de l’assu-
rance invalidité qui attribuait des presta-
La collaboration entre enseignant·e·s et tions individuelles sur la base d’un diagnos-
logopédistes est connue pour occasionner tic. En reprenant cette tâche de la Confédé-
des bénéfices, mais également des tensions. ration pour les 0 – 20 ans, les cantons ont
essentiellement poursuivi cette pratique,
Or, il n’est pas si aisé d’évaluer avec une cer- sans ouvrir l’opportunité de développer des
taine précision les compétences fondamen- prestations indirectes. Cette situation évo-
tales susmentionnées ni de mettre en lue heureusement et la Loi sur la pédagogie
œuvre les pratiques pédagogiques recom- spécialisée du canton de Vaud (2015) pré-
mandées pour un·e enseignant·e dans une cise par exemple que des prestations
classe de plus de vingt élèves. Sous cet peuvent être dispensées de façon indirecte
angle, les prestations indirectes des logopé- aux professionnel·le·s dans le but de leur
distes à l’intention des enseignant·e·s permettre de mobiliser les ressources com-
prennent aussi leur sens dans la complé- plémentaires pertinentes et d’assumer leur
mentarité des formations initiales reçues mandat de formation (LPS, 2015, art. 14).
par ces deux groupes professionnels. En ef- Malgré cette ouverture institution-
fet, les enseignant·e·s primaires, principale- nelle, les prestations directes restent pour
ment concerné·e·s par l’acquisition du lan- le moment de loin les plus courantes, une
gage, sont généralement formé·e·s, en raison de ce constat pouvant être liée aux
Suisse, dans le cadre d’un Bachelor pour en- attitudes. En effet, la collaboration entre
seigner de nombreuses disciplines aux enseignant·e·s et logopédistes est connue
élèves de plusieurs degrés scolaires. Les lo- pour occasionner des bénéfices, mais éga-
gopédistes sont pour leur part spécifique- lement des tensions. Celles-ci peuvent venir
ment formé·e·s, dans le cadre d’un Master des frontières parfois confuses entre la
en Suisse romande, aux difficultés lan- logopédie et la pédagogie (Barusse &
­
gagières. Pour les différentes raisons évo- ­Vilboux, 2016) ou de la complexité du lan-
quées, les ressources dont disposent les lo- gage médico-psychologique utilisé par les
gopédistes peuvent donc bénéficier aux en- logopédistes (Emery, 2014). Dans certaines
seignant·e·s, et les principes fondamentaux régions plus particulièrement, les diffé-
du modèle RàI ne vont d’ailleurs pas sans rences « radicales » entre les systèmes dont
rappeler les préventions universelle, sélec- sont issus ces groupes, et notamment le
tive et ciblée (Gordon, 1983) familières à la « modèle médical » auquel se réfèrent les
culture médicale à laquelle les logopédistes logopédistes et le secret professionnel au-
sont attaché·e·s. quel il·elle·s sont tenu·e·s, sont également à

Revue suisse de pédagogie spécialisée, 3 / 2021


P R E S TAT I O N S L O G O P É D I Q U E S I N D I R E C T E S 55

l’origine de tensions rapportées par les ration nécessite d’accepter une forme
un·e·s et les autres (Borri-­Anadon, 2014 ; d’intrusion de l’autre dans son espace
­
McCartney, 1999). Dans ce sens, il est par ­professionnel. Mises en œuvre dans un cli-
exemple compréhensible que les logopé- mat serein et sous forme symétrique, les
distes s’interrogent sur le rôle pédagogique prestations indirectes s’avéreront une op-
qui leur est demandé dans un contexte portunité de consolider et de dynamiser la
­inclusif, eux·elles qui se destinaient à remé- collaboration entre ces deux groupes pro-
dier à des troubles sans lien avec un ensei- fessionnels.
gnement inadéquat (APA, 2016).
Concernant les prestations indirectes Les prestations indirectes que les logo­
plus particulièrement, il importe que de pédistes peuvent fournir aux enseignant·e·s
telles collaborations n’induisent pas un dé- d’élèves non suivi·e·s en logopédie sont
séquilibre dans la relation professionnelle. pour le moment encore à développer.
Un exemple de ce type de prestation est la
consultation collaborative, développée au Quelles prestations logopédiques
Canada (Tremblay, 2017 ; Trépanier & Paré, indirectes envers les
2010) et préconisée par le Concept 360° du enseignant·e·s ?
canton de Vaud. Pour qu’elle soit fonction- Les prestations dont les logopédistes
nelle, celle-ci implique de travailler dans peuvent faire bénéficier les enseignant·e·s
une relation égalitaire et non hiérarchique peuvent être classées en deux catégories
(Kampwirth, 2006). Un sentiment d’inégali- essentielles, la première étant plus coutu-
té pouvant survenir lorsque l’expertise est à mière que la seconde. Ces prestations
sens unique, il s’agit que la prestation indi- peuvent d’une part concerner des élèves
recte soit aussi l’occasion pour le·la logopé- suivi·e·s en logopédie, qu’on peut dès lors
diste de bénéficier des compétences de rapporter au niveau 3 du modèle RàI, et
­l’enseignant·e. Ainsi, si les logopédistes d’autre part se mettre en place autour
peuvent mettre à profit des enseignant·e·s d’élèves non suivi·e·s en logopédie, en réfé-
leurs connaissances pointues sur un enfant rence au niveau 2 de ce même modèle.
en contexte individuel, le développement Dans le premier cas, le·la logopédiste,
ordinaire du langage, ou la prévention et la qui travaille pour l’heure majoritairement
prise en charge des difficultés langagières, en individuel avec les enfants, transmet gé-
les enseignant·e·s peuvent faire bénéficier néralement aux enseignant·e·s des astuces
les logopédistes de leurs grandes connais- qui conviennent bien à tel·le élève. Il peut
sances de leurs élèves dans le groupe s’agir de stratégies concrètes, comme de lui
classe, du programme scolaire, ou de la ges- poser des questions à choix pour favoriser
tion de classe. sa participation orale en classe, l’encoura-
En somme, les bienfaits et les risques ger à écrire un mot phonétiquement avant
inhérents à cette collaboration interprofes- de le chercher dans le dictionnaire, etc. Il
sionnelle méritent d’être pris en considéra- peut aussi s’agir de co-élaborer, entre le·la
tion lorsqu’un établissement ou une région logopédiste et l’enseignant·e, ainsi qu’avec
encourage la mise en place de prestations l’enfant concerné·e et parfois ses parents,
indirectes. Expérimenter une telle collabo- des supports auxquels l’élève sera encoura-

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56 P R E S TAT I O N S L O G O P É D I Q U E S I N D I R E C T E S

gé·e à se référer, et qui seront alors les connaissent que trop bien étant donné leur
mêmes dans les différents contextes où ils expérience avec les élèves présentant des
pourront être utilisés. Les aménagements troubles – serviront aussi aux élèves ren-
péda­gogiques à mettre en place en classe contrant de simples difficultés. Seront no-
pour s­ oulager un·e élève de ses difficultés tamment utiles des progressions dans les
sont également à déterminer de concert acquisitions à réaliser (p. ex. familiarisation
entre les différent·e·s acteur·trice·s. En ef- au registre de l’écrit à travers des textes des
fet, pour que l’enseignant·e puisse réaliste- plus proches aux plus éloignés du registre
ment mettre en place de tels aménage- de l’oral, développement de la conscience
ments à chaque fois qu’ils doivent l’être, phonologique de la syllabe au phonème,
ceux-ci doivent être limités en nombre, ac- etc.) et des stratégies pour remédier à des
ceptés par l’enfant et ses parents, et sur- difficultés fréquentes, par exemple pour
tout porter leurs fruits. Tous ces échanges distinguer des sons proches, mémoriser
autour d’élèves dont les troubles sont avé- l’orthographe lexicale, ou systématiser le
rés sont fort utiles étant donné que les raisonnement grammatical. Ajoutons aussi
élèves ne transfèrent pas forcément par à ces prestations relevant du niveau 2 les
eux·elles-mêmes des ressources d’un lieu à expériences dans lesquelles les logopé-
l’autre. distes interviennent auprès d’un groupe
Les prestations indirectes que les logo- d’élèves aux côtés d’un·e enseignant·e,
pédistes peuvent fournir aux enseignant·e·s dans le but de faire profiter plusieurs élèves
d’élèves non suivi·e·s en logopédie sont ayant des compétences fragiles de res-
pour le moment encore à développer. Rela- sources initialement développées pour des
tivement au modèle RàI, il s’agit là de res- élèves avec trouble 1. Ces initiatives peuvent
sources en matière d’identification d’élèves permettre aux enseignant·e·s, à terme, de
à risque et en matière de renforcement, au mener seul·e·s des interventions qui
sein de la classe, des compétences de ces conviennent bien aux élèves rencontrant
dernier·ère·s par des interventions dont l’ef- des difficultés langagières. Soulignons que
ficacité a été attestée. Par exemple, les la mise en place en classe de ces différents
connaissances des logopédistes sur les types de pratiques aidera tant les ensei-
compétences langagières fondamentales gnant·e·s que les logopédistes à mieux
selon les degrés scolaires (p. ex. richesse du identifier les élèves pour lesquel·le·s un bi-
vocabulaire et compréhension de textes lus lan logopédique complet est de mise, la pré-
par l’adulte à l’école enfantine, fluence en sence d’un trouble étant mieux suggérée
lecture et mémorisation de l’orthographe par la résistance d’enfants à des interven-
lexicale en 5H, etc.) et sur la manière de les tions ciblées que par des difficultés à un
évaluer pourront aider les enseignant·e·s moment donné.
dans le repérage des élèves nécessitant une
intensification de l’enseignement de ces
compétences.
1
Le·la lecteur·trice trouvera quelques exemples de
Une fois les élèves concerné·e·s identi-
ce type de prestations dans le n° 109 de la revue
fié·e·s, des stratégies pour renforcer ces ANAE (2009) : Enseignants/Orthophonistes : par-
compétences – que les logopédistes ne tenariats, interactions et complémentarités.

Revue suisse de pédagogie spécialisée, 3 / 2021


P R E S TAT I O N S L O G O P É D I Q U E S I N D I R E C T E S 57

Conclusion Chatenoud, C., Ramel, S., Trépanier, N. S.,


Dans cet article, nous avons essentielle- Gombert, A., & Paré, M. (2018). De l’édu-
ment abordé les ressources des logopé- cation inclusive à une communauté édu-
distes pouvant être utiles pour des inter- cative pour tous. Revue des sciences de
ventions pédagogiques relevant des ni- l’éducation, 44(1), 3 11.
veaux 2 et 3 du modèle RàI. Celles-ci cor- Département de la formation, de la jeunesse
respondent en effet aux principales et de la culture (DFJC). (2019). Concept
attentes du système scolaire tout en étant 360°. Concept cantonal de mise en œuvre
relativement proches des pratiques ac- et de coordination des mesures spécifiques
tuelles des logopédistes. Après une expéri- en faveur des élèves des établissements or­
mentation fructueuse de ces échanges par dinaires de la scolarité obligatoire.
les un·e·s et les autres, il est probable que Desrochers, A. (2021, sous presse). Les fon-
les ressources partagées s’élargiront au ni- dements de l’approche de la réponse à
veau 1, par exemple en support à la diffé- l’intervention appliquée à l’enseignement
renciation pédagogique à l’intention de de la lecture et de l’écriture. In A. Desrochers
tou·te·s les élèves. La poursuite des ré- (dir.), L’approche de la réponse à l’Inter­
flexions qu’il reste à mener sur ce sujet vention et l’enseignement de la lec­
pourrait permettre de développer, à terme, ture-écriture. Presses de l’Université du
une véritable « communauté éducative in- Québec.
clusive » (Chatenoud et al., 2018). Emery, R. (2014). Un langage commun, condi-
tion du travail en équipe multiprofession-
Références nelle ? La Nouvelle Revue de l'Adaptation
American Psychiatric Association (APA). et de la Scolarisation, 65(1), 41-53.
(2016). DSM-5 ® : manuel diagnostique et Fuchs, D., & Fuchs, L. S. (2006). Introduction
statistique des troubles mentaux (5e éd., to RTI : What, why and how valid is it ?
trad. sous la dir. de P. Boyer et M.-A. Reading Research Quarterly, 41(1), 93-99.
Crocq). Elsevier Health Sciences France. Gordon, R. S. (1983). An operational classifi-
Barrusse, V., & Vilboux, R. (2016). Chapitre I. cation of disease prevention. Public
L’émergence de l’orthophonie : à la croi- Health Rep, 98(2), 107 109.
sée des chemins (1930-1940). In I. Tain Kampwirth, T. J. (2006). Collaborative
(dir.). Le métier d’orthophoniste. Lan­ Consultation in the Schools : Effective
gage, genre et profession (2e éd., pp. 23- Practices for Students with Learning and
33). Presses de l’EHESP. Behavior Problems. Prentice Hall.
Borri-Anadon, C. (2014). Pratiques évaluatives Loi sur la pédagogie spécialisée du 1 sep-
des orthophonistes à l’égard des élèves is­ tembre 2015 décrétée par le Grand
sus de minorités culturelles : Une recherche Conseil du canton de Vaud (2015).
interprétative-critique [Thèse de doctorat, McCartney, E. (1999). Barriers to collabora-
Université du Québec à Montréal]. https:// tion: An analysis of systemic barriers to
core.ac.uk/download/pdf/77616834.pdf collaboration between teachers and
CDIP. (2007). Accord intercantonal sur la col­ speech and language therapists. Interna­
laboration dans le domaine de la pédago­ tional Journal of Language & Communica­
gie spécialisée. tion Disorders, 34(4), 431-440.

Revue suisse de pédagogie spécialisée, 3 / 2021


58 P R E S TAT I O N S L O G O P É D I Q U E S I N D I R E C T E S

Tremblay, P. (2017). Inclusion scolaire : Dispo­ UNESCO. (2005). Principes directeurs pour
sitifs et pratiques pédagogiques. De l’inclusion : Assurer l’accès à « l’Education
Boeck (Pédagogie et Formation). Pour Tous ».
Trépanier, N., & Paré, M. (2010). Des modèles Vienneau, R., & Thériault, C. (2015). Les ef-
de service pour favoriser l’intégration sco­ fets de l’inclusion scolaire. Une recension
laire. Presses de l’Université du Québec. des écrits (2000 à 2014). In N. Rousseau
UNESCO. (1994). Déclaration de Salamanque (Éd.), La pédagogie de l’inclusion scolaire
et cadre d’action pour l’éducation et les (3e éd., pp. 89 130). Presses Universitaires
besoins spéciaux. du Québec.

Dre Anne-Françoise de Chambrier


Professeure associée
HEP Vaud
anne-francoise.de-chambrier@hepl.ch

Prof. Dr Serge Ramel


Professeur ordinaire
HEP Vaud
serge.ramel@hepl.ch

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ANNONCE SZH/CSPS 59

EDITION SZH / CSPS


DÉSO
RMA
IS
EN V D I SP O N I B
ER SI O LE
IMPR N
I M ÉE
!

Olga Meier-Popa
Espace auteurs et Géraldine Ayer
Olga Meier-Popa et Géraldine Ayer
La compensation des désavantages et sa place dans l’éducation inclusive

2 lignes d'auteurs (peut se produire, mais rarement)

3 lignes de Titre (une chose rare)

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dans l’éducation inclusive


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nelesfont
autres
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mesures existantes,
que rêver.la compensation des désavantages
pleine participation à l’éducation, sans discrimination, des per-
s en situation de handicap. Il ne s’agit pas de faciliter la tâche de
ns apprenants au détriment d’autres apprenants, mais de créer
Olga Meier-Popa et Géraldine Ayer

nditions d’apprentissage inclusives, afin d’assurer l’égalité des


es et d’encourager le développement du potentiel de tous. Mieux
endre la compensation des désavantages permet sa diffusion, son
ation et sa mise en œuvre dans l’ensemble du système éducatif
nière adaptée à chaque situation. Ce livre apporte une contribu-
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tions, comme en témoignent les nombreuses demandes adressées ces dernières années au
Centre suisse de pédagogie spécialisée (CSPS) par les autorités, les écoles et instituts de
­formation, les enseignant-e-s, les parents ainsi que les personnes concernées. Avec cette
publication, les auteures tentent de répondre aux incertitudes : elles fournissent des infor-
mations conceptuelles et pratiques sur la compensation des désavantages et sa mise en
oeuvre à tous les degrés de l’éducation.
Parmi les autres mesures existantes, la compen­sation des désavantages vise la pleine parti-
cipation à l’éducation, sans discrimination, des personnes en situation de handicap. Il ne
s’agit pas de faciliter la tâche de certains apprenants au détriment d’autres apprenants, mais
de créer des conditions d’apprentissage inclusives, afin d’assurer l’égalité des chances et
d’encourager le développement du potentiel de tous. Mieux comprendre la compensation
des désavantages permet sa diffusion, son acceptation et sa mise en oeuvre dans l’ensemble
du système éducatif de manière adaptée à chaque situation. Ce livre apporte une contribu-
tion importante à cet égard.

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Revue suisse de pédagogie spécialisée, 3 / 2021


60 LIVRES ET FILMS

Livres et films

Chatelain, N., Miserez-Caperos, C., Dillé, M. (2021) Garié L.-A. (2021)


Steffen, G. (Dir.) (2021)
La classe flexible : Guide pra- Pratique orthophonique avec
Interagir dans la diversité à tique pour repenser sa classe les enfants et adolescents
l'école. Regards pluriels présentant un TSA
Paris : Vuibert
Lausanne : HEP-BEJUNE Louvain-la-Neuve et Paris :
Après une présentation des enjeux De Boeck Supérieur
Le présent ouvrage se donne le de la classe flexible, ce livre pro-
­défi de laisser une trace, la der- pose des outils inspirants, visuelle- À utiliser comme une boîte à ou-
nière, de l'Unité de Recherche 3 ment riches, et directement exploi- tils, ce livre est un support précieux
Éducation, société et cultures.[…]. tables pour mettre en place votre pour la pratique orthophonique
Il réunit des contributions inscrites classe idéale étape par étape : des auprès des enfants ou adolescents
dans l'une et/ou l'autre perspective conseils adaptés aux réalités de présentant un TSA. Il fournit aux
portant un regard pluriel sur l'inter-­ votre classe, des fiches pratiques orthophonistes, professionnel(le)s
agir à l'école s'actualisant dans la pour vous aider à aménager et étudiant(e)s, les appuis théo-
diversité. Il se veut aussi « cahier de concrètement votre classe et y en- riques et cliniques pour une pra-
souvenirs » d'une expérience scien- seigner (l'autonomie, le travail tique à la fois structurée et pleine-
tifique stimulante qui a duré plus ­différencié, l'évaluation, la gestion ment individualisée. Après une
de quinze ans. […] Cette ultime du temps...) ; des études de cas di- synthèse des connaissances sur les
­publication veut inciter à ouvrir le rectement issues du quotidien TSA, l’auteure livre les clés pour la
regard à un public d'enseignant·e·s d'une enseignante expérimentée. démarche du bilan orthophonique
et de chercheur·e·s concerné·e·s Dans ce guide pratique, vous et la construction des axes théra-
par la pluralité à l'école et intéres- ­trouverez les réponses à vos ques- peutiques.
sé·e·s à exploiter le potentiel et la tions pour repenser votre classe
richesse de cette pluralité et la et la modeler à votre image.
complexité qu'elle représente.

Les présentations sont basées


sur celles des éditeurs.

Revue suisse de pédagogie spécialisée, 3 / 2021


LIVRES ET FILMS 61

Pessin, D. (2021) Sandrin-Bui, M.-A. (2021) Hagen, E. (2019)

Dys sur dix – Dylan a un Enseigner le vivant à l’école « Qui sommes-nous ? »


secret... Il est dyslexique (cycles 1, 2 et 3). Élèves (documentaire)
malades et/ou en situation de
Paris : Pocket Jeunesse Bâle : Cineworx
handicap
La « dyslexie », un mot étrange et Suresnes : INSHEA Comment faire face à une situation
impossible à prononcer, pourtant qui est différente de celle que nous
c'est bien ce qu'on m'a diagnosti- Comment enseigner le vivant dans avions imaginée ? Helena, une
qué. Moi, Dylan, quatorze ans, le cadre de l’école inclusive ? Cet jeune fille de 19 ans et Jonas, un
j'ai des problèmes de connexion, ouvrage s’adresse aux enseignants garçon de 11 ans, sont handicapés
je suis dys-connecté. Cette particu- de maternelle ou d’élémentaire, et ont besoin d’un soutien impor-
larité ne m'empêche pas de vivre, aux étudiants préparant un master tant de la part de leurs proches.
par contre elle ne me facilite pas Métiers de l’enseignement, de Jour après jour, ils sont ainsi gran-
les choses, surtout à l'école... l’éducation et de la formation et dement aidés par leurs parents,
« Dylan, arrête de faire le guignol ». aux formateurs d’enseignants. La leur famille, leur école et leur envi-
«Dylan, tu pourrais t'appliquer !». première partie du livre aborde ronnement. À travers ce magni-
Personne ne doit découvrir mon des questions générales : réflexion fique documentaire, le réalisateur
secret, c'est ce que je me suis juré ! pédagogique et didactique autour suisse Edgar Hagen accompagne
Roman finaliste des P’tits Cham- du vivant, accompagnement des Helena et Jonas dans leur vie quoti-
pions de la lecture 2018 et prix des élèves malades et/ou en situation dienne et décrit avec sensibilité les
lecteurs jeunesse Dyslexie Anchan de handicap. La seconde présente joies et les difficultés auxquelles ils
2019. des activités scientifiques concrètes doivent faire face. Il pose aussi la
pour favoriser la démarche d’inves- question des échanges avec leur
tigation et faciliter la différencia- entourage et montre que ceux-ci
tion pédagogique et l’adaptation sont tout à fait possibles grâce à
des situations d’apprentissage. des formes de communication al-
ternatives.

Bande-annonce :
https://vimeo.com/427003183 ;
date de sortie : 23 juin 2021

Revue suisse de pédagogie spécialisée, 3 / 2021


62 RESSOURCES

Ressources

Revue : A.N.A.E. Apport de les acteurs impliqués et les forma- L’accessibilité numérique est au
l’ergothérapie dans l’accompa- tions et les pratiques profession- cœur d’une société qui se veut
gnement des enfants avec nelles inclusives. inclusive. Où se situe la Suisse à
troubles du neurodéveloppe- https://www.cairn.info/revue-la-­ ce niveau-là ? Que met-elle
ment (2021, N°172) nouvelle-revue-education-et-so­ concrètement en œuvre ? Quelles
ciete-inclusives.htm sont les normes qui existent ?
Comment et par qui l’accessibilité
Revue : Cahiers pédagogiques. est-elle testée ? Ce numéro
Apprendre dehors (2021, N°570) ­s’attelle à ces questions.
www.pagesromandes.ch

AQPC – Webinaire
Le webinaire « L’accessibilité : défi
ou opportunité ? » de l’Association
québécoise de pédagogie collé-
giale (AQPC) est disponible en
replay. Il montre comment l’acces-
sibilité permet de maximiser les
ressources et de favoriser l’éduca-
Ce dossier s’intéresse à l’accompa- tion inclusive, en répondant à la
gnement ergothérapeutique des diversité des apprenant·e·s.
enfants qui présentent des https://www.aqpc.qc.ca/fr/detail-­
troubles neurodéveloppementaux. webinaires/l-accessibilite-defi-ou-­
Divers outils et diverses approches Les pratiques d’éducation en plein opportunite
d’intervention sont présentés. air suscitent un intérêt grandis-
www.anae-revue.com sant, particulièrement suite aux CHU Sainte-Justine –Vidéos
confinements. Mises en œuvre Le Centre Hospitalier Universitaire
Revue : La nouvelle revue – ­régulièrement ou sporadiquement (CHU) mère-enfant Sainte-Justine
Éducation et société inclusives. en milieux scolaire et périscolaire, propose des vidéos animées sur
Varia (2021, N°3) elles s’inscrivent dans le champ les différents troubles d’apprentis-
de la pédagogie. Qu’apprend-t-on sage.
de spécifique à l’extérieur ? Ce www.chusj.org/fr/soins-services/T/
dossier fait le tour de la question. Troubles-de-l-apprentissage/
www.cahiers-pedagogiques.com Videos/Explications-animees

Revue : Pages romandes – FNO Prévention – Site Internet


HandicapS & société. Accessibi- La Fédération Nationale des
lité numérique (2021, N°2) Orthophonistes (FNO) propose un
site Internet dédié à la prévention
des troubles du langage et à la
lutte contre l’illettrisme. De nom-
breuses ressources sont mises à
disposition, notamment un nou-
Ce numéro rassemble des articles veau livret « Prévention langage
soumis spontanément à la Revue, 0 – 3 ans » (sous l’onglet « Mon
sans thématique préalablement enfant commence à parler »).
soumise aux auteur·e·s. Néanmois, www.fno-prevention-orthopho­
ils s’articulent autour de trois axes nie.fr/
de recherche centraux dans l’édu-
cation inclusive : les freins et les le-
viers à la participation sociale pour
les jeunes, les interrelations entre

Revue suisse de pédagogie spécialisée, 3 / 2021


RESSOURCES 63

HEP Valais – MÉMOS https://soundcloud.com/ user-329 aux besoins des personnes


431907/ame-a-lire-handicap concernées. La seconde, plus
prospective, se penche sur les
Le Messageur – Pratiques enseignements à en tirer pour la
inclusives en visio-conférence gestion de futures pandémies,
À l’heure où le télétravail s’accroît, les bonnes pratiques à adopter
il est essentiel d’adopter des pra- et les aides à apporter.
tiques inclusives lors des visio-­ https://www.unccas.org/covid-et-
conférences. « Le Messageur » handicap-au-quotidien-un-guide-
donne quelques conseils. pour-comprendre-4182#.YQFjGr­
www.lemessageur.com/les- pxeUk
bonnes-pratiques-en-visio-confe­
rence-2/ FIRAH - Webdocumentaire
En collaboration avec Autisme
Réseau Lucioles – Application France et le Centre Ressources
Dans le cadre du projet « Ensemble « Tab’Lucioles 2.0 » est une appli- Rhône-Alpes, la Firah a produit
on est plus fort », la HEP Valais a cation pour tablette destinée aux le webdocumentaire «Autisme –
publié 8 mémos pratiques sur les personnes en grande dépendance. Les premiers signes». Il vise à
difficultés que certain·e·s élèves Disponible gratuitement sur l’App soutenir les parents et les pro­
sont susceptibles de rencontrer à Store et Google play, elle permet fessionnel dans le repérage pré-
l’école ordinaire. Le but de ces mé- aux personnes de se divertir et coce des signes de l’autisme
mos est de sensibiliser les ensei- de tisser du lien avec leur entou- chez un enfant dès 12 mois.
gnant·e·s à la diversité, tout en leur rage en échangeant des photos, https://www.autisme-les-pre­
fournissant des indices pour le re- vidéos, etc. Son utilisation est miers-signes.org/#Choix_langue
pérage, des stratégies d’accompa- simple et intuitive.
gnement et des ressources pour https://tablucioles.reseau-lucioles.
accompagner ces élèves. org/index.php
www.hepvs.ch/memos
UNCCAS – Guide
HyperSupers TDAH –
Webdocumentaire
« Plongez En Nos Troubles » (PENT)
est un webdocumentaire sur la
scolarité des enfants et des jeunes
présentant un Trouble du Déficit
de l’Attention avec ou sans Hyper­
activité (TDAH). Il retrace leur
quotidien par des entretiens et des PHBern et CSPS –
scènes de vie captées en temps Carte interactive
réel. Un éclairage scientifique sur « Covid et handicap, du parcours Forts de leur collaboration et
le TDAH est également donné via du combattant au parcours du grâce au soutien du Bureau fé-
« La chaîne thématique ». survivant » est le nouveau guide déral de l'égalité pour les per-
www.plongezennostroubles.com/ publié par l’Union Nationale des sonnes handicapées (BFEH), la
Centres Communaux et Inter- HEP Berne et le CSPS mettent à
L’âme à lire – Podcast communaux d'Action Sociale disposition la carte InSeMa.
Laurie, enseignante spécialisée à (UNCCAS). Basé sur des témoi- Cette carte interactive apporte
la fondation de Verdeil, parle du gnages de terrrain, il est consti- la première vue d’ensemble na-
handicap et de la manière d’en tué de deux parties. La première tionale sur les mesures sco-
parler au sein des familles ou à est une rétrospective retraçant laires intégratives et sépara-
l'école pour mieux informer et en- des initiatives prises au niveau de tives (la version française est en
courager une éducation inclusive. la luttre contre l’isolement, de la cours d’élaboration).
Le podcast est disponible en ligne. solidarité et celles pour répondre www.csps.ch/fr/phberninsema#/

Revue suisse de pédagogie spécialisée, 3 / 2021


64 A G E N D A E T F O R M AT I O N C O N T I N U E

Agenda et formation continue

SEPTEMBRE 2021 OCTOBRE 2021

22. – 23.09.2021 13.10.2021 et 04.05.2022 autisme/syndrome d’Asperger,


dans le domaine social. Les aides
Zurich Lausanne
visuelles concernées peuvent être
IntegrART – Colloque Repenser HETSL – « Premiers-signes », utilisées dans les ­actions du quoti-
les structures la langue des signes pour les dien et/ou intégrées dans un pro-
enfants préverbaux gramme d’habiletés sociales et se
Sur les scènes des théâtres, on voit
rapportent à différents types de si-
plus régulièrement des produc- Lors d'une journée de formation,
tuations s­ ociales (interactions au-
tions créées et interprétées par les professionnel·le·s apprendront
tour de jeux/d’activités, communi-
des artistes en situation de handi- les signes courants de la Langue
cation/ conversation, autonomie
cap. Mais les méthodes de travail des Signes Française à utiliser dans
sociale à l’extérieur, etc.).
des institutions culturelles se leurs institutions, avec les enfants
basent encore sur la reconnais- préverbaux. Les chansons, comp- www.autisme.ch/activites/forma-
sance d’une norme, si bien que les tines et mots usuels seront abor- tions/formations-proposees-
personnes qui n’y correspondent dés avec des thèmes comme la par-autisme-suisse-romande
pas n’y sont pas représentées et nourriture, les animaux, l'environ-
que l’exclusion se (re)produit. Quel nement de bébé. Une animatrice
type de travail est nécessaire pour sourde et deux animatrices de NOVEMBRE 2021
établir durablement de nouveaux « Premiers-Signes » se partageront
modèles et comment y intégrer cette communication gestuelle à
des approches intersectionnelles ? la portée des tout petits. 03.11.2021

www.integrart.ch/fr/conference www.hetsl.ch/formation-continue/ Fribourg

UNIFR – Autodéterminez-vous !
23.09.2021 21 – 23.10.2021 Autodétermination. C’est le mot
Nyon Suresnes, France magique de notre temps. Tout le
monde a « droit à l’autodétermi-
Insieme Vaud – Nos fils, nos INSHEA – Colloque d’inaugura- nation ». Mais qu’entend-on au
filles, leur handicap, leur vie tion de la Chaire Handicap, juste par autodétermination ? Ce
affective, intime et sexuelle : Éducation et Numérique séminaire entend d’abord interro-
quelles réponses possibles ? ger le sens précis de ce concept,
https://chairehen.inshea.fr
Cette soirée-rencontre permettra Formation courte > Rechercher mais plus encore la légitimité de
à la fois de s’informer et d’échan- par mots-clés son usage dans des domaines
ger sur la vie affective, intime et ­aussi divers que l’école, les soins,
sexuelle des personnes en situa- ou la chose publique, et qui sait,
tion de handicap mental. 30.10.2021 déplacer le regard sur cette
­injonction sociétale.
https://insiemevaud.ch/actualites/ Valais
conference-sexualite-intimite www.unifr.ch/formcont/fr/forma-
Autisme Suisse Romande –
tions/detail.html?cid=2216
Comment créer et utiliser les
scénarios sociaux et les aides
visuelles dans les situations
sociales 2021

Ce cours vise à donner des pistes


pratiques pour la création et
Annoncez gratuitement vos ­l’utilisation de supports visuels Consultez la liste des congrès,
formations continues sur notre permettant de favoriser la com- colloques, symposiums et
site : www.csps.ch/annon- préhension et les compétences autres manifestations sur :
cer-un-evenement des enfants ou adolescent·e·s avec www.csps.ch/congres-colloques

Revue suisse de pédagogie spécialisée, 3 / 2021


A G E N D A E T F O R M AT I O N C O N T I N U E 65

DÉCEMBRE 2021

04.11.2021 et 11.11.2021 12.11.2021 02.12.2021


Lausanne Fribourg Sierre
HETSL – Violence en UNIFR – Éloge de la HES-SO Valais – Internet –
Institution dans la déficience dépendance Accessibilité Web
intellectuelle
La civilisation moderne a dévelop- Qu’est-ce que l’accessibilité Web ?
La formation s'articule autour des pé une conception de la personne Comment les utilisateurs en situa-
ressources et des déficits de la centrée sur l’individualisme, la tion de handicap utilisent-ils Inter-
personne et de son environne- compétitivité, la rentabilité : net ? Qu’est-ce que cela implique
ment, pour contribuer à structurer soyons performants (et jeunes !). pour les contributeurs Web ?
un accompagnement qui se centre Cette conception de la personne Quels sont les principes de base
sur la prise en compte de la per- entrevoit la dépendance et la pour concevoir et éditer des
sonne et de son environnement, ­fragilité exclusivement comme des contenus accessibles à tous ?
rechercher des adaptations du tares. Et si notre fragilité était une
contexte qui peuvent soutenir le aubaine ? La dépendance est-elle https://www.hevs.ch/fr/hautes-
fonctionnement de la personne et synonyme de vieillesse, de handi- ecoles/haute-ecole-de-gestion/­
ainsi faire face à la violence. cap, en un mot de mutilation de informatique-de-gestion/
l’être humain ? La réalité ne nous autres-formations/forma-
www.hetsl.ch/formation-continue/ tion-continue/cours-pour-infor-
enseigne-t-elle pas que de ne dé-
Formation courte > Rechercher par maticiens/internet/accessibi-
pendre de personne fait de nous
mots-clés lite-web-21978
des atrophiés d’humanité, des
­inhumains ? Ce séminaire vous
11.11.2021 et 09.02.2022 proposera d’entrer dans l’appré- 04.12.2021
ciation de la dépendance.
Lausanne Lausanne
https://www.unifr.ch/formcont/fr/
HETSL – Comment comprendre formations/detail.html?cid=2217 Autisme Suisse Romande –
et accompagner les jeunes en Autisme et particularités
situation de décrochage ? sensorielles
24.11.2021
Avec l’appui de vidéos et de Ce cours donnera des outils pour
­témoignages de jeunes et moins Fribourg débuter l’analyse des besoins
jeunes, ce cours permettra de ­sensoriels d’une personne avec
UNIFR – Atelier FALC (Facile à
comprendre ce qui peut aider les autisme ainsi que des exemples
lire et à comprendre) : évaluer
jeunes en rupture scolaire ou pratiques et concrets pour la mise
et valider l’accessibilité des
­professionnelle à les accompagner en place de certaines adaptations
textes
vers un avenir construit et à pré­ et aménagements afin d’aider les
venir le décrochage chez celles et Le Facile à Lire et à Comprendre personnes avec autisme à avoir
ceux que l'on sent en situation (FALC) est une méthode dévelop- un état d’autorégulation plus har-
de fragilité. pée par Inclusion Europe pour monieux.
rendre les informations accessibles
www.hetsl.ch/formation-continue/ www.autisme.ch/activites/forma-
pour toutes et tous. Cet atelier
Formation courte > Rechercher par tions/formations-proposees-par-
présente et permet d’expérimen-
mots-clés autisme-suisse-romande
ter la méthodologie pour évaluer
et valider l’accessibilité des textes
en FALC.

www.unifr.ch/formcont/fr/forma-
tions/detail.html?cid=2138

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66
TRIBUNE LIBRE TRIBUNE LIBRE

Simone Marty

L’orthographe rectifiée : un bénéfice pour


l’ensemble des élèves
Permalink : www.szh-csps.ch/r2021-09-08

Ce 9 juin 2021, la Conférence intercantonale siècle peut s’avérer difficile. Certaines mo-
de l’Instruction publique de la Suisse ro- difications ont d’ailleurs été introduites par
mande et du Tessin (CIIP) annonçait que l’Académie française dans le but de com-
l’orthographe « rectifiée » du français deve- plexifier la langue de façon arbitraire et ce
nait la norme de référence pour l’enseigne- afin d’en restreindre l’accès aux seules per-
ment du français en Suisse romande. Elle se- sonnes qui pouvaient investir de nom-
ra ainsi intégrée dès 2023 dans les nou- breuses années à l’apprentissage de la
veaux manuels d’enseignement du français. langue écrite, à savoir les hommes des
Dre Simone Marty La réforme de l’orthographe du f­ rançais classes sociales favorisées.
Logopédiste date de 1990 et dans les écoles r­omandes, « [l’Académie] déclare qu’elle désire
Chargée elle coexiste avec la graphie « tradition- suivre l’ancienne orthographe qui distingue
d’enseignement et nelle » depuis 1996. Les changements visent les gens de lettres d’avec les ignorants et les
adjointe à la à r­éduire les exceptions et à augmenter la simples femmes » (François-­Eudes de Méze-
direction de ­cohérence du système. Ainsi par exemple, ray, membre de l’Académie française, 1673,
l’Institut des pour simplifier, tous les mots qui composent cité par Benzitoun, 2021, p. 47) 2.
sciences logopé­ les nombres composés sont désormais reliés Simplifier l’orthographe et donc en fa-
diques (ISLo) de par un trait d’union (deux-cent-trente-six et ciliter un peu l’apprentissage offre la possi-
l’Université de non plus deux cent trente-six) et les circon- bilité aux enseignant·e·s d’allouer davan-
Neuchâtel flexes sur les i et les u disparaissent (on tage de temps au développement de l’ex-
simone.marty@ ­enseignera abime – comme cime – et non pression orale et écrite, à l’argumentation,
unine.ch plus abîme); ils sont maintenus uniquement à l’analyse de texte, aux aspects poétiques
pour marquer la conjugaison et distinguer et littéraires, plutôt qu’à la mémorisation de
les homophones. Les nouveaux manuels se- règles orthographiques arbitraires. Écrire
ront également rédigés dans un langage ne se réduit pas à utiliser une orthographe
épicène qui favorise des formulations qui correcte. Par conséquent, j’affirme ici que
respectent la diversité et assurent la visibili- l’intégration de l’orthographe rectifiée dans
té des genres et des cultures. Je ne traiterai les écoles romandes représente avant tout
pas de cet aspect ici, mais tout comme l’or- un bénéfice pour tou·te·s les élèves. Quant
thographe a été à une époque volontaire- aux enfants qui rencontrent des difficultés
1
Candea, M., & Véron, L.
(2018). Le français est à
ment complexifiée, elle a également été d’apprentissage du langage écrit, ils vont
nous ! Petit manuel masculinisée1. également profiter des modifications intro-
d’émancipation lingui­ En tant que pratique sociale, la langue duites, mais seule une réforme bien plus ra-
stique. La découverte.
2 Benzitoun, C. (2021).
évolue. L’orthographe qui est une compo- dicale permettrait de réduire l’impact de
Qui veut la peau du sante de la langue écrite ne fait pas excep- leurs difficultés sur leur scolarité.
français ? Le Robert. tion à ce principe et lire un texte du XVe

Revue suisse de pédagogie spécialisée, 3 / 2021


Thèmes 2022
Revue suisse de pédagogie spécialisée
No. Mois Thème Délai de rédaction

1 Mars, avril, mai Pratiques éducatives novatrices 01.11.2021

Comment susciter la curiosité et la motivation des apprenant·e·s ? À quelles stratégies recourir pour
favoriser le bien-être et le plaisir d’apprendre, tout en stimulant les connaissances et les compétences ?
Ce dossier thématique s’intéresse à ces questions en se focalisant sur les pratiques éducatives et les
méthodes pédagogiques qui sortent des sentiers battus ou qui demeurent encore peu ­exploitées, tout
en questionnant leur efficacité.

2 Juin, juil., août Éducation précoce spécialisée 01.02.2022

Pour marquer le dixième anniversaire de la création de la maîtrise en éducation précoce ­spécialisée en


­Romandie, ce numéro met en lumière les résultats issus de mémoires de recherche d’étudiant·e·s
­diplômé·e·s en lien avec trois axes essentiels du développement de communautés éducatives inclusives
pour tous les jeunes enfants et leur famille. Il présente les enjeux qui se dessinent quant aux ­actions
concrètes à mettre en œuvre, afin de développer une éducation précoce spécialisée de qualité fondée
sur les avancées de la recherche dans ce domaine. (Dossier coordonné par Britt-Marie Martini-Willemin et
Céline Chatenoud)

3 Sept., oct., nov. Inclusion postscolaire 01.05.2022

Dans l’idéal, le droit à l’éducation (art. 24) à tous les niveaux du système éducatif et tout au long de la
vie et celui au travail et à l’emploi (art.27) pour tou·te·s, tels que stipulés dans la Convention relative aux
droits des personnes handicapée (ONU, 2006), ne devraient plus être rappelés. Dans les faits, ­l’accès
aux formations du degré tertiaire et au monde professionnel demeure un défi pour les personnes en
­situation de handicap. Comment remédier à cette situation ? Quelles initiatives entreprendre ?

4 Déc., Conceptions et dispositifs de formation 01.08.2022


janv., fév. (2023) en pédagogie spécialisée

Le mouvement de l’éducation inclusive a impliqué la création de formations de niveau master en édu­


cation précoce et en enseignement spécialisés. Dans un contexte plus large de société inclusive, il
­appelle aussi la formation de professionnels poursuivant l’éducation d’adultes à besoins éducatifs parti-
culiers au-delà de 18 ans. Ce dossier présente des conceptions et dispositifs de formation aux déclinai-
sons ­variables en Suisse romande, mais répondant tous à des finalités et critères de haute qualité.
­(Dossier coordonné par Greta Pelgrims et Coralie Delorme)
68 ANNONCES

11 e ann é e, 3 | 2021
Annonce préalable

MAR 6.9. et MER 7.9.2022


À L’UNIVERSITÉ DE FRIBOURG

APPEL À CONTRIBUTION
3.9. - 7.11.2021 : csps.ch/congres

L’ÉDUCATION INCLUSIVE –
Qu’est-ce qui ne fonctionne pas encore ?

Au cours des 15 dernières années, le taux de sépa-


ration scolaire a diminué de moitié en Suisse. L’édu-
cation inclusive est devenue une réalité pour un
grand nombre d’apprenant-e-s ayant des besoins
éducatifs particuliers et / ou en situation de handi-
cap. Cependant, l’intégration se heurte encore à
des limites. Lors du 12e Congrès suisse de pédago-
gie spécialisée, les partenaires de l’éducation dis-
cuteront de ces obstacles sur le chemin vers une
éducation pour tous et des éventuelles solutions.

SZH/CSPS, Maison des cantons, Speichergasse 6, Case postale, CH-3001 Berne


Téléphone +41 31 320 16 60, congres@csps.ch, www.csps.ch/congres

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