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CORDOU Elodie
Résumé
Relational help – CMPP – language skills – peer cooperation – intellectual inhibition – oral
interactions – motivation – educational psychologist – mythological stories – structuration of
thought
Abstract
1. Introduction ................................................................................................................................... 1
1.1. Contexte institutionnel et professionnel............................................................................... 2
1.1.1. Des textes institutionnels qui régissent les CMPP ............................................................ 2
1.1.2. Un contexte professionnel singulier .................................................................................. 3
1.2. Des questionnements professionnels au choix d’un objet d’étude ...................................... 4
2. Revue de littérature....................................................................................................................... 5
2.1. Motivation et apprentissages ................................................................................................ 5
2.1.1. Les théories de la motivation ........................................................................................ 5
2.1.2. L’état émotionnel et le rapport au savoir.................................................................... 13
2.1.3. L'écho des préoccupations identitaires des enfants et de leurs questions sur la
condition humaine dans les récits mythologiques ………………………………………………………………………. 15
4. Résultats et discussion................................................................................................................. 31
4.1. Des ingrédients nécessaires à la motivation ....................................................................... 31
4.1.1. Un cadre stable, structurant et sécurisant .................................................................. 31
4.1.2. Des thèmes forts .......................................................................................................... 37
4.1.3. La possibilité de faire des choix et d’éprouver des émotions ..................................... 39
4.2. Les interactions orales au sein du groupe ........................................................................... 43
4.2.1. La quantité des interactions ........................................................................................ 43
4.2.2. La qualité des interactions ........................................................................................... 44
4.2.3. L’étayage de la parole des enfants par le psychopédagogue ...................................... 49
4.3. Le transfert des compétences vers la classe........................................................................ 53
4.3.1. Le processus métacognitif ........................................................................................... 53
4.3.2. Les échanges avec les enseignants .............................................................................. 55
Annexe 1 …………………………………………………………………………………………………………………………………63
Annexe 2 …………………………………………………………………………………………………………………………………67
Annexe 3 …………………………………………………………………………………………………………………………………68
Annexe 4 …………………………………………………………………………………………………………………………………70
Annexe 5 …………………………………………………………………………………………………………………………………72
1. Introduction
Après avoir enseigné quinze ans en école élémentaire, j’ai occupé un poste de
coordonnatrice d’ULIS collège pendant six mois avant de rejoindre mon poste d’enseignante
spécialisée dans les aides à dominante relationnelle au Centre Médico-Psycho-Pédagogique
d’Alès en mars 2019. Ces deux étapes ont constitué pour moi un véritable changement
professionnel – qui bien qu’il soit mûrement réfléchi – ne s’est pas fait sans questionnement
ni difficulté.
Au cours de mes deux dernières années d’enseignement en classe de CE1-CE2, j’ai choisi
de placer la mythologie grecque au cœur du projet de classe annuel. Forte de la lecture des
ouvrages de Serge Boimare, L’enfant et la peur d’apprendre et Ces enfants empêchés de
penser, chaque journée de classe débutait selon le même rituel : lecture offerte d’un épisode
du feuilleton d’Hermès, de Thésée ou d’Ulysse - ouvrages de Muriel Szac- suivie d’un moment
d’échange oral pouvant être induit par un questionnement puis d’un moment de production
individuelle sous forme de dessin, de phrase ou de texte à propos de l’épisode du jour.
L’ensemble de ces trois étapes représentait quotidiennement une séance de trente à quarante
minutes consacrée à la mythologie grecque à laquelle venaient s’ajouter ponctuellement des
projets de littérature, de sciences et d’art sur le même thème. Chaque année, j’ai été surprise
par l’ampleur de l’adhésion et de l’intérêt que suscitait la mythologie pour l’ensemble de la
classe pourtant très hétérogène. Il me semblait aussi que ce projet contribuait à la constitution
d’un groupe classe plus fédéré.
Lorsque j’ai rejoint le collège, je me suis attachée à concevoir pour chaque élève du
dispositif ULIS un programme personnalisé correspondant au mieux à ses besoins et à son
niveau autour de thèmes communs se rapprochant de la vie quotidienne. Je n’avais pas
mesuré à quel point il serait difficile de mobiliser ces adolescents âgés de douze à seize ans
sur des connaissances et des tâches scolaires de base auxquelles ils se heurtaient sans grand
succès depuis de nombreuses années déjà et qui les renvoyaient immanquablement à leurs
limites. La première semaine, tout ce que je proposais suscitait au mieux de l’indifférence au
pire de l’agitation et de l’agressivité selon les personnalités et les capacités à se contrôler de
chacun. Au matin du cinquième jour de classe, lorsque les élèves sont entrés dans la salle, j’ai
réalisé que je n’avais ni l’énergie ni le courage de leur proposer les activités prévues. Et c’est
surtout pour éviter de lutter pendant plusieurs heures contre leur découragement, leurs
plaintes, leur manque d’écoute et leurs conflits que j’ai sorti de mon armoire timidement et
sans grande conviction « Le feuilleton d’Hermès ». Je leur ai demandé de s’asseoir sans sortir
leurs affaires et leur ai annoncé que j’allais leur lire le premier épisode de ce livre qui parlait
de mythologie grecque. Certains avaient des souvenirs de l’école élémentaire. A ma grande
surprise ce thème leur parlait… La lecture du premier épisode ne s’est pas déroulée sans
quelques soufflements ou commentaires du genre : « C’est n’importe quoi ! », « ça peut pas
exister Madame ! » mais personne ne s’est levé ni n’a fait autre chose et tout le monde a
écouté. J’ai ensuite posé quelques questions sur l’épisode que l’on venait de lire. Seuls un ou
deux élèves ont pris la parole mais la classe était calme. De nombreuses questions ont fusé
sur la Grèce, le mont Olympe, les dieux mais aussi les autres pays d’Europe. Tous ensemble,
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nous sommes allés observer le planisphère et le globe puis nous avons fait des recherches sur
internet. A partir du jour suivant, j’instaurai le même rituel qu’à l’école élémentaire auquel
j’ajoutai des activités de recherche ou d’enrichissement du lexique. Cela demeura à peu
d’exceptions près la seule entrée dans les apprentissages acceptée et investie par tous les
élèves du dispositif. En six mois, j’ai pu constater une amélioration des compétences en
langage oral, au niveau lexical et syntaxique, ainsi qu’en lecture chez des élèves réputés non
lecteurs ou mauvais lecteurs refusant quasi systématiquement un entraînement
phonologique. Les adolescents ont également progressé dans leurs capacités à débattre et à
argumenter à l’oral ainsi qu’au niveau de leur engouement à produire de courts écrits.
Pour l’avoir donc beaucoup utilisé en classe ordinaire ainsi qu’en dispositif ULIS collège,
et avoir constaté, de manière empirique et intuitive, son efficacité pour susciter l’intérêt et la
réflexion des élèves ; le récit mythologique représentait déjà pour moi une valeur sûre en
pédagogie. C’est donc assez naturellement que j’ai souhaité explorer comment le récit
mythologique pouvait constituer une médiation efficiente dans l’aide relationnelle en CMPP.
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trouvent ou retrouvent un statut d’élève et les aide à s’approprier les attitudes et
comportements nécessaires pour apprendre dans le cadre d’un projet établi en fonction
des capacités et non des manques de l’enfant. »
• 1 directeur administratif ;
• 2 pédopsychiatres ;
• 3 psychologues ;
• 2 orthophonistes ;
• 4 psychomotriciens ;
• 3 psychopédagogues ;
• 3 secrétaires médicales.
Selon les besoins de la prise en charge, les soins proposés par le CMPP ont pour objectifs
de :
3
1.2. Des questionnements professionnels au choix d’un objet d’étude
En aide relationnelle, les récits mythologiques sont depuis longtemps proposés comme
médiation car ils sont à la fois supports d’un travail pédagogique mais aussi plus indirectement
d’une activité psychique intense en faisant écho aux questions et fantasmes des enfants. A
l’instar de ce que développe Serge Boimare, cette démarche s’appuie sur l’idée que
l’appropriation d’objets culturels proches des questions vives des enfants leur permettra une
sorte de réanimation intellectuelle, un accès à la pensée et la possibilité de susciter le désir
d’apprendre.
Dans ce contexte où je peux avoir affaire à des enfants très inhibés comme très agités
ou opposants mais en tout cas tous « fâchés » avec la scolarité, comment réussir mettre en
œuvre des séances à médiation récits mythologiques qui suscitent leur adhésion ?
L’utilisation des récits mythologiques peut-elle amener ces enfants à éprouver le désir
et le plaisir d’apprendre et peut-elle les faire progresser sur le plan de l’acquisition de
compétences langagières et de la structuration de la pensée ?
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Enfin, le fait de ne recevoir ces enfants que quarante-cinq minutes à une heure par
semaine et de former des groupes avec des enfants qui ne se connaissent pas et ne partagent
aucun temps commun en dehors de la séance hebdomadaire au CMPP peut-il constituer un
obstacle ? Ces contraintes qui amènent un contexte bien différent de ce qui peut se passer au
sein d’une classe où l’enseignant mène un projet annuel sur la mythologie n’empêcheront-
elles pas d’atteindre les objectifs poursuivis ?
2. Revue de littérature
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Une personne motivée de façon extrinsèque ne fait pas l’activité pour cette dernière, mais
plutôt pour en retirer quelque chose de plaisant ou pour éviter quelque chose de déplaisant une
fois l’action terminée. (R.J. Vallerand, Introduction à la psychologie de la motivation, VIGOT,
1993, p.255.)
On parle de motivation intrinsèque lorsque l’on pratique une activité pour le plaisir et la
satisfaction qu’on en retire. Elle dépend de facteurs internes. Elle prend sa source dans les
besoins et les désirs de l’apprenant. Elle se renforce par des manifestations symboliques de
reconnaissance, d’estime, d’honneur.
Les travaux de Maslow (1954) permettent de classer les besoins humains par ordre
d’importance en cinq niveaux. Ce classement correspond à l’ordre dans lequel ils apparaissent
à l’individu ; la satisfaction des besoins d’un niveau engendrant les besoins du niveau suivant.
Ces besoins peuvent être déclinés du point de vue de l’élève au sein d’une classe ainsi
qu’au sein d’une séance de rééducation au CMPP. Il faut s’assurer que les besoins
fondamentaux de l’enfant soient satisfaits avant d’envisager la manière de prendre en compte
ses besoins éducatifs particuliers.
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On peut préciser les besoins fondamentaux d’un enfant à l’école selon le modèle de la
pyramide de Maslow de la façon suivante :
Niveau 1 : A l’école, l’enfant doit bénéficier de conditions d’environnement acceptables,
ses besoins physiologiques doivent être pris en compte et satisfaits.
Niveau 2 : L’enfant doit percevoir l’école comme un milieu non menaçant où il est
possible de bénéficier d’une stabilité, d’être informé et de se sentir soutenu.
Niveau 3 : A l’école, l’enfant doit avoir l’occasion de communiquer et de coopérer avec
autrui.
Niveau 4 : A l’école, tout enfant doit pouvoir faire un travail utile, visible et apprécié. Il
doit avoir l’occasion d’exprimer sa compétence, d’être apprécié et de se l’entendre dire. Il est
important qu’il ait une marge d’initiative et de responsabilité et qu’il puisse participer à la
définition de ses objectifs.
Niveau 5 : A l’école, tout enfant doit pouvoir apprendre et continuer son
développement. Il doit pouvoir donner son avis, être écouté, décider et ainsi bénéficier de
plus en plus d’autonomie
Pour que la classe fonctionne correctement, il est nécessaire que les besoins individuels
de chaque élève soient satisfaits, mais aussi que les besoins du groupe soient reconnus et pris
en compte.
Le groupe classe a besoin de sécurité grâce à l’existence d’une loi qui s’incarne par des
règles de fonctionnement clairement explicitées.
Il a besoin de cohésion en ayant la possibilité de partager les mêmes normes, les mêmes
valeurs susceptibles de faire émerger un esprit de coopération et de solidarité.
Le groupe classe a besoin de reconnaissance de la part de l’enseignant, d’autres adultes
de la communauté éducative et d’autres élèves de l’école.
Enfin, il a besoin d’expression et de communication entre pairs et entre élèves et
professeur.
Le désir est lié au souvenir de satisfactions antérieures que l’on veut éprouver à
nouveau. Si l’expérience vécue amène un sentiment positif de plaisir ou de satisfaction, elle
entraîne une recherche, si au contraire elle s’accompagne d’un sentiment négatif de
souffrance ou d’insatisfaction, elle entraîne l’évitement.
Nous voyons là l’importance des premières expériences dans la scolarité dont la tonalité
sera déterminante pour l’engagement de l’élève mais aussi la nécessité de faire de chaque
moment d’apprentissage une expérience où le plaisir sera préservé afin d’entretenir la
persévérance. (Meirieu, 2014)
La demande correspond à ce que le sujet attend d’autrui. Cette notion est fortement
connotée par la dimension du désir, désir d’être aidé, entendu, considéré et reconnu. L’élève
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doit percevoir la demande émanant de son professeur qui attend quelque chose de lui en
croyant en son éducabilité et en faisant preuve à la fois d’exigence et de bienveillance.
(Meirieu, 2014)
Nous pouvons penser que les enseignants peuvent favoriser le phénomène de motivation
si les conditions d’apprentissage qu’ils proposent remplissent les trois engagements suivants :
A l’école, l’enfant doit évoluer dans un « cadre » qu’il perçoit comme « hors menace ». Ce
cadre va au-delà d’un cadre pédagogique bienveillant et structuré. Pour autant, ce n’est pas un
cocon qui préserve l’élève de toutes les frustrations et qui devrait rendre désirables ou récréatifs
des savoirs parfois rébarbatifs. Il s’agit en réalité d’un espace psychique qui « a comme propriété
paradoxale que nous pouvons y affronter toutes sortes de menaces qui pèsent sur nous, tout
en étant hors menace » (Lévine, Moll, Je est un autre, Edition ESF, p77).
Cette ligne éthique encourage également les enseignants à sortir du « regard photo »,
autrement dit figé pour regarder l’élève dans sa dynamique, sa globalité, son évolution, en
« regard cinéma ». Le passage du « regard photo » qui emprisonne l’autre dans l’image qu’on
lui prête au « regard cinéma » qui donne toute sa place à l’avènement d’une autre façon d’être
permet de remettre l’élève en difficulté en trajectoire de vie. (Lévine, 2001)
De la même façon, l’enseignant doit prendre garde aux jugements définitifs avec l’emploi
du verbe « être ». Chez l’élève, cela peut provoquer une relation de dépendance et de fidélité
vis-à-vis de certains comportements et de certaines idées (Favre, 2010). Par exemple,
s’entendre dire qu’il n’est pas fait pour les maths peut entraîner chez l’élève la croyance qu’il
est nul en maths et se percevoir ainsi comme exempté à vie de faire des efforts en maths.
Tout enfant a spontanément le désir de savoir mais vouloir savoir ne signifie pas vouloir
apprendre. Apprendre c’est accepter de perdre de vue, au moins un moment, la satisfaction
immédiate. C’est accepter de ne pas savoir, c’est prendre le risque de ne pas arriver à
apprendre. C’est surseoir à la volonté de réussir dans l’instant. Pour transformer le désir de
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savoir en désir d’apprendre, il faut s’appuyer, à l’école, sur la curiosité qui est un besoin
naturel de l’être humain comme d’une dynamique pour les apprentissages (Meirieu, 2014).
Rolland Viau a défini dix conditions pour qu’une activité d’apprentissage suscite la
motivation des élèves. Trois de ces conditions ont particulièrement retenu mon attention par
rapport au profil des enfants en difficulté avec le rapport au savoir que j’accompagne en aide
relationnelle.
L’activité doit être signifiante aux yeux de l’élève : elle doit correspondre à ses champs
d’intérêt, s’harmoniser avec ses projets personnels et répondre à ses préoccupations. (Viau,
2000)
L’activité doit exiger un engagement cognitif de la part de l’élève. Cette condition alimente
la perception que l’élève a de sa compétence car elle lui demande d’investir toutes ses capacités
dans la réussite d’une activité. (Viau, 2000)
L’activité doit comporter des consignes claires : l’élève doit savoir exactement ce que
l’enseignant attend de lui. Des consignes claires contribuent à réduire l’anxiété et le doute de
certains élèves quant à leurs capacités à accomplir ce qu’on leur demande. (Viau, 2000)
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On peut imaginer le dialogue qui a lieu dans la tête de l’apprenant au moment de la
déstabilisation de la façon suivante : « Je rencontre le problème, je suis confronté à l’inconnu, à
la difficulté, au non-sens, au doute sur moi, vais-je y arriver ? Je risque de faire des erreurs
puisque je ne sais pas, en ai-je le droit ? Serai-je encore digne d’estime, que va devenir mon
image auprès des autres ? »
C’est pour éviter ce dialogue intérieur, que certains élèves que Boimare (2016) appellent
les phobiques du temps de suspension, inhibent leur capacité de réflexion et d’élaboration pour
n’être plus capables que de réponses immédiates par association.
Le système de motivation d’innovation SM2 : le plaisir a pour origine les conduites par
lesquelles un être humain gagne de l’autonomie (physique, intellectuelle ou affective),
surmonte des difficultés, fait preuve de création et d’innovation. Ce plaisir est indissociable
d’une position de responsabilité. Les satisfactions qu’il procure à travers différentes conduites
(apprendre, créer, échanger des points de vue différents, résoudre un problème…) ne sont
souvent pas immédiates et nécessitent des efforts et un investissement.
En SM2, l’élève est en référence interne car il n’y a pas d’intermédiaire entre le plaisir (ou la
frustration) et l’élève.
Chez l’élève, ces trois systèmes de motivation interagissent selon un processus illustré
dans le schéma suivant.
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Un sujet avec trois systèmes de motivation, Favre, 2013, p 41
Daniel Favre (2010) préconise d’accorder plus de place à la dimension affective dans les
apprentissages pour préparer les élèves à rencontrer les émotions qui les jalonnent et éviter
une perte de motivation voire un décrochage.
Pour Favre (2010) comme pour Boimare (2000, 2016), l’écoute de textes lus par le
maître permet de transformer les mots en images, d’augmenter la quantité de représentations
internes et donc de faciliter l’accès au sens. Ils soutiennent également que l’entraînement à
l’argumentation orale est le meilleur exercice pour remettre en mouvement une pensée figée
en établissant des liens de causalité et de temporalité.
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Cette démarche pourrait permettre à l’élève de sortir d’une spirale négative pour en
intégrer une autre plus fructueuse qui lui permette de trouver sa place à l’école et de grandir
en toute sécurité. Il s’agit de quitter le cercle vicieux des difficultés d’apprentissage pour
enclencher le cercle vertueux de l’investissement dans les apprentissages qui entraînera
motivation et curiosité intellectuelle.
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2.1.2. L’état émotionnel et le rapport au savoir
Le monde se présente tout d’abord comme extérieur à l’enfant avant d’être incorporé
et donner forme au développement de son esprit (Vygotsky)
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d’attachement de représenter un support à partir duquel l’enfant peut s’éloigner et explorer
le monde avec confiance.
Dans cette perspective, tous les enfants ont tendance à établir des liens avec des adultes
qui s’occupent d’eux, indépendamment du type de traitement qu’ils reçoivent (Bowlby,
1969/1982). Les études éthologiques et humaines suggèrent que l’attachement se développe
même dans un contexte de mauvais traitements (Ainsworth, 1967). Dans ces circonstances,
c’est la qualité de cette relation d’attachement qui est en cause, et pas sa présence ou son
intensité (Ainsworth, 1972). Les processus psychiques qui permettent la construction de
l’identité, de l’estime de soi, du contrôle des pulsions, de la socialisation ne se déroulent
normalement que si le sujet a acquis une sécurité de base. Dans le cas contraire, ces processus
sont infiltrés par l’angoisse (Berger, 2016)
Le style d’attachement de l’enfant a une influence sur son rapport au savoir et sur sa
scolarité. Aller à l’école implique une séparation avec la figure d’attachement. Etre capable de
se séparer nécessite d’avoir une confiance suffisante en soi et en l’autre pour nourrir l’espoir
de se retrouver. En cela, c’est un processus difficile pour un enfant au style d’attachement
insécure. Les défis d’apprentissages cognitifs et relationnels génèrent également de
l’insécurité en provocant des moments d’exploration de l’inconnu, de confrontation à
l’incertitude et d’inconfort émotionnel et activent donc le système d’attachement. Un style
d’attachement insécure constitue donc pour l’enfant un facteur de vulnérabilité dans le
contexte scolaire. Pour que les apprentissages se fassent dans de bonnes conditions, l’enfant
doit éprouver en classe un sentiment de sécurité interne qui dépend de son style
d’attachement mais également de l’ambiance de la classe et de la relation avec l’enseignant
qui constitue une figure d’attachement auxiliaire.
Nous comprenons que le rapport au savoir correspond à une rencontre entre les
caractéristiques d’un environnement social précis et les spécificités du développement
psychique d’un sujet particulier. Il s’agit bien d’une appropriation singulière qui se joue dans
l’interaction. Cela implique une action du côté d’un sujet qui se rejouera à travers chaque
nouvelle rencontre avec des objets de connaissances sur la base d’un format initial incorporé
dès la prime enfance. En cas de difficultés d’apprentissages repérées à l’école, les
remédiations consisteront à sortir de la répétition à l’œuvre dans la confrontation aux savoirs
scolaires. Pour substituer un cercle vertueux à un cercle vicieux, il faudra qu’un adulte se fasse
partenaire de l’élève pour lui offrir la possibilité d’un faire-avec inédit. Au-delà de la médiation
utilisée, c’est l’expérience partagée qui permettra à l’enfant d’éprouver qu’une autre
inscription est possible dans son rapport au savoir. (Pittiglio, 2018)
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L’enseignant spécialisé dans l’aide relationnelle travaille à obtenir des modifications du
comportement de l’élève. Il ne s’agit pas d’une injonction qu’on lui adresse mais d’un
accompagnement qui vise par des médiations symboliques et langagières à remettre en jeu
les manières possibles de faire lien avec le monde et par cela à autoriser le jeune sujet à vivre
l’expérience d’un nouvel équilibre dans son propre rapport au savoir (Pittiglio, 2018).
Pourquoi partir du mythe pour susciter l’investissement des enfants dans les
apprentissages, développer leurs compétences langagières et structurer leur pensée ? Le
mythe n’est–il pas de l’ordre de la pensée magique alors que la finalité pour les enfants est
d’exercer, d’élaborer leur raisonnement ?
M. Tozzi (2010) soutient que le mythe fait indéniablement penser : c’est un tremplin
pour la pensée par son pouvoir de connotation, par la polyphonie de ses significations
potentielles, la puissance de ses associations d’idées. Sa spécificité est de nous parler de
l’origine, il métaphorise le commencement, le temps d’avant le temps mais aussi celui du
rapport à notre temps, de toutes ses chutes et ses rechutes. Par sa référence aux Dieux, il est
saturé de sens humain. Son imaginaire est fortement articulé sur du symbolique. Le mythe
répond ainsi à la soif de comprendre le monde des enfants en nourrissant le « vouloir savoir »
de la condition humaine et, grâce au phénomène d’identification, au « vouloir savoir »
identitaire (Lévine, 2001). Par cela, le mythe est un levier de motivation permettant de susciter
l’intérêt et l’adhésion des enfants.
Par ailleurs, Bettelheim (1976) voit dans le conte de fée et le mythe une opportunité
pour l’enfant de faire travailler inconsciemment, de façon projective, ses conflits
intrapsychiques. Il affirme que le conte et le mythe, en tenant un discours de vérité à l’enfant
dans un registre symbolique, peuvent apporter une réponse imaginaire à un conflit réel en
mettant ce dernier à bonne distance pour mieux le traiter et pense que la simple lecture des
contes et mythes suffit pour que ce travail se fasse.
M. Tozzi (2010) soutient que l’exercice supplémentaire d’une réflexion organisée à partir
des mythes permettant l’exercice de la raison sur le récit apporte une dimension
supplémentaire d’ordre consciente, interprétative et réflexive. Il rejoint par-là les travaux de
Serge Boimare qui utilise pédagogiquement le mythe pour sa portée anthropologique qui
accroche existentiellement les enfants et les adolescents.
Le mythe possède donc des qualités intrinsèques qui fait de lui une médiation de choix
pour faire évoluer l’enfant dans son rapport à soi, à l’autre et au savoir : la richesse des
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représentations du monde et de la condition humaine qu’il contient lui permet de construire
des repères, de s’identifier au héros et d’espérer surmonter comme lui les épreuves. Il peut
aider l’enfant à mettre de l’ordre dans sa maison intérieure, à grandir pour atteindre la
maturité, à vaincre ses peurs et donc à se construire un monde interne suffisant riche et fiable
pour affronter la contrainte, le doute, la frustration inhérents à toute situation
d’apprentissage.
C’est en cela que l’utilisation des mythes est particulièrement adaptée avec les élèves
en échec scolaire.
En effet, l’échec scolaire sévère n’est pas seulement à définir en termes de manque,
c’est aussi une organisation psychique singulière qui est à la recherche de son équilibre dans
l’évitement de penser. Dans beaucoup de situations, l’échec n’est pas dû à un déficit de
l’instrument cognitif mais à un rapport problématique à l’école et plus globalement au monde
qui fait que ces enfants ou ces adolescents ont envie de savoir mais peur d’apprendre
(Boimare, 2000).
Si l’on veut que ces enfants en échec retrouvent un peu de liberté de pensée, il faut aussi
leur donner la possibilité de s’appuyer sur ces préoccupations identitaires et ces craintes
archaïques sans lesquelles ils ne renoueront jamais pleinement avec leur capacité à
apprendre. Cette ambition est tout à fait compatible avec le cadre pédagogique si l’on utilise
pour ce faire une médiation culturelle.
Le but de cette médiation est double : donner du sens et de l’intérêt dans un premier
temps aux savoirs proposés, en ne les coupant plus des racines pulsionnelles ; et jouer le rôle
de pare-feu devant les craintes qui sont déclenchées par l’apprentissage, en leur offrant une
possibilité de représentation enfin compatible avec le travail de la pensée.
Pour faire cette approche, les textes les plus porteurs sont ceux qui nous parlent des
origines, d’un commencement, d’un début avec les conflits, les angoisses, l’espoir qu’ils
génèrent. Les récits mythologiques constituent en cela un terreau fertile pour initier la
réanimation intellectuelle d’enfants jusqu’alors empêchés de penser (Boimare, 2000).
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Ces enfants empêchés de penser, Serge Boimare, Dunod, 2016
Comment relancer la pensée - Les quatre points forts du nourrissage culturel
- En donnant des outils pour confronter son point de vue à celui des autres.
Revitaliser les savoirs
- En les restituant dans un récit qui devient une culture commune pour le groupe,
- En favorisant le questionnement qui va permettre de leur donner du sens.
A l’instar de Vygotsky, de nombreux auteurs ont mis en avant le rôle effectif du langage
dans l’élaboration de la pensée. Les activités langagières ne constituent pas une simple
transcription d’idées préexistantes mais contribuent à la construction des connaissances et à
l’activation des représentations mentales. (Crinon, 2002)
En effet, s’il paraît évident que la pensée sert le langage puisqu’il faut penser pour
mettre en mots, il est également important de souligner que le langage sert la pensée car il la
structure et l’organise. L’interaction est cognitive : le discours fait avancer le raisonnement car
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le fait même de mettre en mots aide à penser. C’est donc aussi en parlant que l’on apprend à
penser.
Jean-Charles Chabanne et Dominique Bucheton (2002) ont regroupé plusieurs articles
scientifiques rédigés par une équipe de recherche de l’IUFM de Montpellier. Le postulat
commun à tous les articles de l’ouvrage est le suivant : « Les activités langagières, orales et
écrites, ne constituent pas une simple transcription d’idées préexistantes mais contribuent à
la construction des connaissances et à l’activation des représentations mentales. Le langage,
instrument médiateur de la pensée, est le lieu de l’interaction sociale, de l’élaboration
cognitive et de la construction identitaire et affective. » (Bucheton, Chabanne, 2002)
Dans cet ouvrage, l’article de Marie-Thérèse Chemla et Martine Dreyfus intitulé « L’oral
intermédiaire dans la lecture littéraire en cycle 2 » a particulièrement retenu mon attention
car les séances pédagogiques étudiées par les chercheurs sont assez semblables à ce que je
propose dans le cadre du groupe à médiation « Récits Mythologiques ». Il s’agit d’un travail
exploratoire sur le rôle des interactions verbales dans les apprentissages en général, et plus
particulièrement dans ceux concernant l’accès à la lecture littéraire. L’hypothèse est que
l’identité du lecteur capable de s’investir dans un texte complexe se construit, les interactions
verbales jouant pour cela un rôle médiateur essentiel (médiations entre pairs, et surtout
étayage du maître), et en retour cette construction bénéficie de l’investissement particulier
qu’appelle le texte littéraire. (Chemla, Dreyfus, 2002)
Les séances étudiées par Chemla et Dreyfus (2002) cherchent aussi à développer des
compétences discursives orales qui s’élaborent tout au long de l’interaction dans l’effort
de restitution du récit et de négociation du sens du récit entendu. Elles permettent
également de travailler des compétences de prise de parole et d’écoute. Les tours de
parole sont constitués de fragments d’énoncés qui s’enchaînent et se complètent. Ces
oraux servent les avancées notionnelles et cognitives. Ils sont constitutifs de
18
l’apprentissage et apparaissent également comme des révélateurs possibles des
processus d’apprentissage.
L’expérience permet de saisir que le langage sert à comprendre, en même temps qu’il
sert à s’exprimer. Des résultats de cet article, je retiens l’importance du choix d’un récit
suffisamment fort et complexe pour susciter l’intérêt de tous, du rôle de l’enseignant
dans les conduites d’étayage de la parole des enfants, de la possibilité pour les enfants
de coopérer pour construire du sens et de la nécessité de répétitions régulières sur une
période suffisamment longue pour que les progrès s’opèrent et perdurent.
Lors d’une activité pédagogique, lorsque les élèves sont invités à parler pour apprendre,
il faut avant d’apprendre qu’ils s’engagent à penser et même à penser avec d’autres, à
coopérer, à collaborer. (Bucheton, Chabanne, 2002)
On parle pour raconter, donner une information, une explication, pour essayer de
convaincre ou pour exprimer une émotion, une réaction.
A l’école, l’oral s’avère un moment où l’élève doit apprendre à parler avec l’autre pour
penser avec lui, apprendre à tirer bénéfice des interactions avec ses pairs et le maître pour co-
construire ses savoirs. Cette co-construction des savoirs ne peut se réaliser que dans un climat
d’apprentissage suffisamment sécurisant intégrant la qualité de la relation à l’autre. (Caillier,
2003)
Chabanne et Bucheton (2002) insistent sur le rôle identitaire et affectif du langage « pour
se construire ». Les interactions langagières dans des contextes chaque fois spécifiques
permettent aux sujets d’élaborer progressivement les formes sémiotiques de leurs
représentations. Ce que renvoie le discours au sujet, c’est d’abord sa propre existence, sa
propre place dans l’échange. Parler, c’est projeter une image de soi. C’est donc prendre le
risque de se constituer en tant que personne, d’où la mise en danger que constitue toute prise
de parole ; mais c’est aussi faire exister, entre moi et les autres, une différence qui me
construit.
Toute prise de parole obéit ainsi à des enjeux inconscients qui peuvent barrer ou aider
l’efficacité du discours. Les choix langagiers sont souvent parasités par des enjeux personnels
tels que se faire admettre, reconnaître, aimer, vouloir démontrer sa valeur, sa compétence,
son charme ou son pouvoir. De ce fait, toute communication orale est toujours une prise de
risques. Dès qu’un enfant prend la parole, il met en jeu l’image que les autres avaient de lui et
il risque ainsi de la détruire ou de la dévaloriser. Il a autant de chance de réussir ce qu’il espère
que de perdre ce qu’il avait avant de parler. (Charmeux, 1998)
Travailler à l’oral avec les élèves constitue aussi une situation d’écoute. La
communication requiert que les partenaires prennent en compte ce qui vient d’être dit avant
de prendre la parole à leur tour. Ecouter pour pouvoir répondre implique d’avoir su à la fois
mobiliser son attention et formuler des hypothèses qui serviront de référent à ce qui est
écouté, afin de permettre d’avoir quelque chose à répondre. (Charmeux, 1998)
19
Les travaux de Jacky Caillier (2003) ont tenté de déterminer en quoi un dispositif
didactique permet à l’enfant l’accès à la parole et d’identifier dans les interactions verbales
les traces de l’activité cognitive et langagière de l’élève. Il a centré son analyse sur des
dispositifs pédagogiques où l’enseignant se place volontairement en retrait, adoptant une
position d’étayage dans la construction des savoirs et offrant ainsi un espace d’échanges
privilégiant les interactions entre pairs.
Les résultats de son étude montrent que ces dispositifs permettent à l’élève
d’apprendre dans sa singularité en développant ses propres stratégies d’interaction. Prendre
en compte la parole de chacun, lui permettre de prendre la parole, de s’autoriser à parler, de
prendre conscience du pouvoir de sa parole en tant qu’acteur de ses apprentissages
favorisent la circulation des savoirs, l’évolution des représentations dans et par les
interactions et la construction sociale de concepts, mais aussi la capacité à varier l’utilisation
des formes linguistiques et discursives. Cela favorise également la prise en compte du
discours, des attitudes et des savoirs de l’autre ainsi que la capacité de l’élève à prendre du
recul et à se décentrer. (Caillier, 2003)
Nous pouvons donc conclure en disant que les situations pédagogiques où l’objectif
d’apprentissage est l’interaction orale entre pairs permettent une évolution cognitive, un
développement des compétences linguistiques et discursives ainsi qu’un accès au
métalinguistique et au métacognitif.
Pour privilégier les interactions entre pairs dans le cadre d’une activité de langage oral,
il est nécessaire que l’enseignant se place volontairement en retrait. Ce geste professionnel
du maître, loin de tout laxisme, lui permet de quitter la posture hégémonique de distributeur
de savoir pour adopter une position d’étayage dans la construction des savoirs. Cette
décentration de l’enseignant facilite également l’observation des postures de ses élèves dans
des formes de communication authentique. (Caillier, 2003)
Sur le plan de l’acquisition du langage par le jeune enfant, Bruner (1975, 1983) parle
d’interaction de tutelle pour désigner les interactions routinières mère-enfant qui s’appuient
sur le retour des règles conversationnelles et qui revenant régulièrement finissent par
constituer des schémas d’interaction structurés.
20
En contexte scolaire, l’étayage recouvre toutes les manières dont l’enseignant accorde
ses interventions aux capacités des enfants, tous les processus d’ajustement. Pour faciliter la
tâche de l’élève, il importe d’abord de mettre en place des situations diverses et de gérer les
activités d’apprentissage, mais aussi de maîtriser des modes d’intervention oraux permettant
de soutenir les discours oraux des élèves et de favoriser les échanges entre pairs, afin de
permettre des négociations et des prises de conscience sur l’activité. (Garcia Debanc, 2004)
C. Garcia Debanc (2004) fournit des pistes pour aider les enseignants à la gestion des
interactions orales en situation d’oral scolaire collectif. Le premier piège à éviter est de vouloir
absolument clarifier tous les énoncés des enfants ou de vouloir qu’ils expliquent tout par eux-
mêmes. De manière générale, pour laisser la place aux interactions entre enfants, il faut que
l’enseignant diminue ses prises de parole en utilisant le langage non verbal (gestes, regard),
en s’autorisant à laisser des silences nécessaires à certains moments et en privilégiant des
interactions brèves pour gérer la parole dans le groupe.
Viser à diminuer la quantité des prises de paroles de l’enseignant n’est pas en contradiction
avec l’importance que revêtent ces interventions verbales. En somme, il faut intervenir moins
mais mieux et notamment en ayant le souci de :
- Soutenir la prise de parole par la sollicitation éventuelle sans pression, par la validation
des propos ou la demande de validation par les enfants,
- Soutenir l’écoute en prenant garde de ne pas demander une écoute excessive, en
recentrant ou en arrêtant l’échange,
- Soutenir la tâche cognitive en clarifiant ou rappelant le contrat didactique, en
intervenant ou en demandant une intervention collective pour rectifier une fausse
interprétation. ( Garcia Debanc, 2004)
21
3. Cadre théorique et méthodologique
Pour Varela (1996), dans une situation, ces différents agents de l’activité sont en
coopération et en compétition pour imposer différents modes d’interprétation. L’action et la
cognition ne sont donc pas hiérarchisées (Theureau, 1992).
Dans le cadre de notre étude cela signifie qu’un enfant dans un groupe d’aide spécialisée
à médiation culturelle ne vit pas que l’action visible. L’activité et la situation se co-définissent.
Elles sont couplées et interagissent. La situation agit sur l’action qui, en retour, modifie la
situation. Nous nous adaptons à un monde que nous créons et non pas à un monde qui nous
préexiste.
Lave (1988) distingue le donné, l’« aréna », et le créé, le « setting ». L’aréna constitue
pour l’environnement spatial objectif, la situation donnée. Il se compose de différents
éléments et peut être décrit de manière précise. Le setting est la situation construite du fait
de l’activité du sujet. La situation au sens large (environnement matériel et humain) agit sur
l’activité individuelle qu’elle modifie en retour.
Dans le cadre de notre étude cela signifie que la salle de psychopédagogie contient du
mobilier, des jeux symboliques, des jeux de construction, des jeux de société, du matériel
pédagogique, des affichages didactiques. C’est l’environnement spatial descriptible et
objectif.
Lorsque les enfants pénètrent dans la salle de psychopédagogie, celle-ci prend « vie » et
chaque élément, chaque déplacement d’élève modifie la situation. Le jeu ou le matériel
pédagogique n’est plus, pour l’enfant, uniquement l’objet servant à réaliser la tâche imposée
par l’enseignant, il devient un partenaire qui rend visible l’expression symbolique et
langagière.
Pour Suchman (1987), toute activité est située. Elle ne s’explique que dans le contexte
dans lequel elle prend vie. Elle saisit ou non des opportunités offertes par l’environnement et
22
les configurations produites par l’action elle-même. Le contexte est indissociable de l’action
et influe sur l’acteur.
Dans le cadre de notre étude cela signifie que le groupe d’aide spécialisée à médiation
culturelle constitue pour chaque enfant un potentiel d’expression, un champ de possibles.
L’homme est un acteur responsable et autonome. Il vit dans un monde qui lui est propre.
Son rapport au monde (ses émotions, ses sensations, ses perceptions, ses actions, ses
attentions, ses pensées) est unique et dépend de ses expériences passées. Ce qu’il vit dans
une situation lui est propre et singulier. Chaque situation se distingue de celle d’un autre acteur
plongé dans un même aréna. Chacun crée son propre setting (Lave, 1988). L’action est dite «
incarnée ».
Ainsi, dans le cadre de notre étude cela signifie qu’un enfant qui écoute et prend la
parole ne ressentira pas les mêmes sensations et n’éprouvera pas les mêmes émotions qu’un
autre enfant écoutant le même épisode et participant au même échange oral. Le premier qui
ne réussit pas à se concentrer sur l’écoute, qui ne comprend pas bien l’épisode ou qui ne
réussit pas à s’exprimer au sein du groupe éprouvera, peut-être, un sentiment d’échec. A
l’inverse, le second qui vient d’observer son camarade en difficulté et qui comprend bien
l’épisode et le restitue et l’explique bien à l’oral prendra plaisir à participer à la séance et
éprouvera des émotions positives.
Pour Hutchins (1995), la cognition est distribuée. Elle est distribuée entre l’homme et les
objets. De la cognition est déposée dans les artefacts (Norman, 1993) qui composent
l’environnement. Ils sont « actifs » et s’acquittent de fonctions cognitives : représentation,
mémorisation, guidage de l’action.
Dans le cadre de notre étude cela signifie que chaque enfant du groupe est une ressource
pour les autres. Le questionner, l’écouter, l’observer peut aider les autres enfants.
23
3.1.4. Vers une définition de l’activité
L’activité est expérience : Toute activité est expérience puisque génératrice d’émotions
et de perceptions. L’expérience constitue le contenu de la conscience donc l’acteur peut la
raconter.
Theureau (2004) considère ainsi que l’acteur peut observer, décrire, expliquer de
manière valide et utile son activité. Nous privilégierons donc le primat de l’intrinsèque.
Dans le cadre de notre étude cela signifie que toutes les activités des enfants et du
psychopédagogue enrichissent leur activité à venir. Chaque séance de lecture-feuilleton
réalisée modifie le rapport qu’ils auront par la suite avec la séance suivante. Il modifiera
l’interaction future avec cet artefact. Ce présupposé théorique justifie le recours aux
entretiens d’auto-confrontation menés pour recueillir nos données.
Pour notre étude, nous avons mené une activité de lecture-feuilleton de récits
mythologiques au sein d’un groupe d’aide spécialisée qui a eu lieu le mercredi de 13h30 à
14h30 à compter du 8 janvier au CMPP d’Alès. Les enfants arrivent et repartent du CMPP en
taxi, le temps qu’ils passent ensemble avant le début de la séance ne dépasse pas quelques
minutes dans la salle d’attente. Avant le début du projet, chaque enfant a bénéficié d’au moins
trois séances individuelles au cours desquelles j’ai pu réaliser des observations de manière à
cibler les besoins et définir les objectifs d’aide de chacun. Ces séances préliminaires ont
également été l’occasion de leur parler du projet de groupe pour lequel ils ont eu le choix de
s’engager.
Initialement, le projet comprenait seize séances d’une heure s’étalant entre le 8 janvier
et le 1er juillet. Le confinement secondaire à la pandémie de Covid 19 n’a permis de réaliser
que cinq séances. L’activité se poursuivra à partir de la rentrée scolaire 2020 avec le même
groupe d’enfants jusqu’en décembre 2020.
08/01/2020 Séance 1 1er épisode : où l’on assiste à la Les 4 enfants
naissance d’Hermès Mme Cordou
15/01/2020 Séance 2 2ème épisode : où Hermès invente le feu Les 4 enfants
Mme Cordou
ème
26/02/2020 Séance 3 3 épisode : où l’on assiste à une Les 4 enfants
énorme colère d’Apollon Mme Cordou
M Darnaud
ème
04/03/2020 Séance 4 3 épisode : où l’on assiste à une Les 4 enfants
énorme colère d’Apollon Mme Cordou
M Blaise
ème
11/03/2020 Séance 5 4 épisode : où Hermès découvre le Les 4 enfants
palais de son père Mme Cordou
Mme Sagne
24
3.2.2. Les participants
Le groupe d’aide spécialisée réunit quatre enfants scolarisés en CE2 : deux filles et deux
garçons. Les objectifs du projet d’aide sont différents et individualisés pour chacun d’entre
eux mais ce sont tous les quatre des enfants en grande difficulté scolaire pour qui différentes
formes d’aide dans le milieu scolaire n’ont pas suffi. Dans ce projet de groupe à médiation
« Récits Mythologiques », les objectifs d’aide relationnelle sont le développement de la
confiance en soi, le développement de l’autonomie, la reconnaissance et la gestion des
émotions et l’apprentissage de la coopération au sein d’un groupe. Les objectifs cognitifs sont
le maintien de l’attention, la structuration du raisonnement et le développement du langage
oral.
25
L’expérience comprend également huit adultes professionnels de l’enseignement.
Moi-même, Mme Cordou, psychopédagogue au CMPP. Les enseignants de chaque
enfant du groupe : Mme Commandri enseignante d’Evan, M Ferraud enseignant de Joachim,
Mme Vigne enseignante de Laureen et Mme Daumais enseignante de Léana.
Trois formateurs sont venus tour à tour observer les séances d’aide relationnelle à
médiation récits mythologiques pendant trois semaines consécutives : M Darnaud, M Blaise
et Mme Sagne.
26
à l’introspection, j’identifierai donc certaines traces particulièrement marquantes et je
procèderai à partir de celles-ci.
Concrètement, immédiatement après chaque séance, j’ai pris le soin de prendre des
notes détaillées, sur le déroulement de la séance, les remarques et les réactions des enfants
ainsi que les miennes. J’ai également noté mes impressions et sentiments. Au moment de
rédiger ce mémoire et notamment de trouver des points de résultats, j’ai relu toutes ces notes
ainsi que les fiches de préparation et de projet mais également les traces produites par les
enfants.
27
Notes rédigées après la séance 4
28
- Des données d’enregistrements audio
J’ai également réalisé un enregistrement audio des entretiens avec les formateurs qui
ont suivi les séances 3, 4 et 5. Je me suis servie de ces enregistrements pour prendre des notes
détaillées utiles à l’ajustement des séances suivantes.
J’ai appelé à deux reprises les enseignants de chaque enfant : la première fois avant le
début du projet, la deuxième fois au terme des cinq séances. Pendant les appels j’ai enregistré
ma voix et j’ai ensuite pris des notes détaillées de la conversation.
29
Questionnaire d’auto-confrontation suite à la séance 5 au sujet du jeu symbolique
J’ai ensuite exploité et analysé les enregistrements audio des séances, des entretiens avec
les enseignants et les formateurs et des entretiens d’auto-confrontation avec les enfants pour
illustrer ces unités de sens. J’ai écouté attentivement les différents enregistrements audio et
j’ai retranscrit les moments apparaissant comme saillants. Les entretiens d’auto-
confrontation ont également été retranscrits. Pour expliciter les résultats, j’emploie
fréquemment la première personne du singulier afin de mettre en avant le caractère
introspectif de la recherche.
30
4. Résultats et discussion
Lorsque j’ai commencé à exercer au CMPP, j’ai compris qu’il était important de
structurer mes séances. En effet, en raison de leur manque de repères spatio-temporels et de
leurs difficultés scolaires, les enfants que j’accompagne sont souvent anxieux par rapport à la
gestion du temps de la séance et à la rencontre d’enjeux cognitifs. De plus, même s’ils sont
globalement très contents de venir, ils ne mettent pas spontanément de sens sur l’aide reçue.
Moi : Est-ce que vous savez ce que vous venez faire ici ?
Léana : On vient pour écouter des histoires.
Joachim : Faire des trucs de… euh comment ça s’appelle ?
Laureen : Des histoires d’avant
Joachim : La mythologie
Moi : C’est vrai vous venez pour le groupe Mythologie dans lequel on va lire des histoires
très anciennes, en parler et s’en servir pour faire des activités. Mais est-ce que vous savez
pourquoi vous venez au CMPP avec moi le mercredi après-midi ?
Joachim, Evan, Laureen, Léana : ……..
Moi : Est-ce que c’est la même chose qu’aller au foot ou au roller ?
….
Evan : Moi je sais pas trop écrire c’est pour ça.
Léana : J’ai une AVS…
Joachim, Laureen : …..
Moi : Tous les 4 vous êtes là pour pouvoir réussir à travailler en classe et réussir aussi à
en avoir envie puisque vous en avez tous les capacités. Ici vous allez apprendre à vous
servir de vos ressources pour pouvoir ensuite les utiliser à l’école. Comme vous êtes tous
les quatre différents, vous prendrez chacun des chemins différents pour progresser sous la
forme de petits défis mais ça on en parlera la semaine prochaine.
31
L’exigence de la mise en place d’un « cadre bien défini et invariant » est d’ailleurs bien
soulignée dans la fiche de poste du psychopédagogue fournie par le CMPP. Il ne s’agit pas de
se contenter de faire exister ce cadre en faisant un rappel sur les horaires et les règles lors de
chaque séance mais de le rendre explicite pour que son rôle structurant et sécurisant soit
efficient auprès des enfants. Les séances se déroulent toujours selon un même schéma : phase
de rituels d’entrée dans la séance, cœur de la séance et phase de bilan. Les rituels d’entrée
dans la séance rendent le cadre explicite par la parole, le symbolisent matériellement et
permettent à l’enfant d’en être acteur.
32
différents temps de la séance, affichage matérialisant les différents espaces de la salle (table
de travail, coin parole), trajectoires individuelles.
33
Les extraits des notes ci-dessous montrent que si la phase de rituels présente le
désavantage d’être longue et de dépasser souvent les dix minutes prévues pour atteindre
plutôt quinze minutes, son caractère invariant est opérant pour donner des repères aux
enfants, leur permettre de s’engager spontanément dans la tâche et leur conférer une
autonomie grandissante au fur et à mesure des séances.
34
Séance 5
Mission : Reconnaître, nommer et jouer les émotions des personnages
Défi Laureen : Réfléchir avant de répondre pour que la réponse corresponde bien à la consigne, demander de
l’aide si besoin
Défi Evan : Parler devant les autres pour jouer un personnage
Défi Léana : Repérer les différentes émotions et les différentes sensations d’Hermès et Apollon
Défi Joachim : Se mettre d’accord pour choisir un personnage. Parler devant les autres pour jouer un personnage
Trajectoires
Mes notes mettent en exergue le fait que l’utilisation de ces trajectoires n’est pas aisée.
Le défi doit être formulé simplement pour être immédiatement compréhensible par l’enfant
tout en correspondant le plus possible à l’objectif spécifique visé. Il doit être accessible mais
suffisamment exigeant pour nécessiter un engagement cognitif et relationnel de l’enfant. Le
défi doit servir de point de repère à l’enfant pour savoir ce qui est attendu de sa part mais ne
doit pas l’enfermer et l’empêcher de déployer d’autres compétences. Pour autant, cet outil a
de nombreux avantages. J’ai constaté que les termes « mission » et « défi » ont un effet
stimulant immédiat, de même que la remise en mains propres du post-it de couleur et le gain
d’une gommette à la clé attestant de la réussite. De plus, la trajectoire permet de focaliser
l’attention de l’enfant et de l’enseignant sur ce qui est attendu ce qui permet de faire un bilan
plus précis et de pointer des éléments de progression.
Au cours de la deuxième séance, les enfants ont construit eux-mêmes leur trajectoire
avec le matériel donné. En lisant eux-mêmes, au prix d’efforts certains, la liste de leurs
ressources et de leurs objectifs les remarques consignées ci-dessous et formulées
spontanément montrent également l’effet réparateur sur le plan narcissique de la mise en
place de cet outil
Extrait séance 2
- Joachim, d’un ton satisfait, immédiatement après avoir lu la liste de ses ressources :
Ah oui, ça c’est vraiment moi. Je me reconnais bien !
35
Les règles de fonctionnement sont rappelées à chaque début de séance, d’abord par
moi puis au fur et à mesure les enfants sont capables de les restituer de manière autonome.
« On ne se fait pas mal et on ne casse pas le matériel exprès. On s’écoute les uns les
autres. On attend que quelqu’un ait fini de parler pour prendre la parole ou se lancer dans
une activité. A la fin de la séance, on range. »
Je suis là pour réguler si besoin, notamment les tours de parole ou les tentatives pour
distraire les camarades.
L’entretien d’auto-confrontation suite à la séance 5 avec Evan, qui est un garçon très
inhibé souvent en posture de repli corporel, fait ressortir l’absence de sentiments d’insécurité
lorsqu’il a dû rejouer devant le groupe Hermès faisant le trajet avec son frère Apollon pour
aller rencontrer leur père Zeus sur le Mont Olympe.
Moi : Comment tu t’es senti quand tu as joué le rôle d’Hermès avec les playmobils ?
Evan : Normal.
Moi : Vous avez fait comment avec Joachim pour vous préparer ?
Evan : Il voulait faire Apollon et moi Hermès, on a choisi le matériel, après on s’est entraîné
à parler
Moi : Une seule fois ?
Evan : Non plusieurs parce qu’il fallait montrer qu’Hermès énerve Apollon
Moi : Est-ce que tu as eu peur de te tromper quand tu as dû le faire devant tout le groupe ?
Evan : Non
Moi : Pourquoi ?
Evan : On pouvait recommencer pour le faire mieux…
Le fait que les activités soient placées sous le signe de l’entraide et de la coopération et
que les enfants aient la possibilité d’expérimenter, de s’essayer, de recommencer si besoin
dédramatise l’enjeu de la performance et semble créer un espace sécurisé et bienveillant.
36
4.1.2. Des thèmes forts
37
De même, j’ai relevé l’intervention suivante de Léana sur l’enregistrement de la séance
5 lorsqu’Hermès qui connaît enfin l’identité de son père, se met en route avec son frère
Apollon pour se rendre au palais de l’Olympe afin de rencontrer Zeus. On imagine encore que
le récit fait écho avec sa propre histoire, ses interrogations et inquiétudes personnelles, tout
en gardant une forme négociable et acceptable pour sa pensée puisque mis à distance dans
un monde imaginaire.
Evan est un garçon extrêmement inhibé à l’école et au CMPP. Sa voix est si faible qu’on
a vraiment de la peine à l’entendre, il adopte souvent une posture de repli corporel. Il ne
contredit pas les autres lorsqu’ils se trompent mais se contente d’une discrète mimique. A la
maison par contre, il fait des crises, se dispute et se bat quotidiennement avec son frère ainé
qui a 12 ans. Les parents font état d’une rivalité fraternelle omniprésente qui envahit et
entache l’ambiance familiale.
Lors des séances 3, 4 et 5, il est question de rivalité fraternelle entre Apollon et Hermès.
Apollon n’est pas ravi d’apprendre qu’il a un nouveau petit frère que Zeus, son père, a eu avec
une autre femme. Il est très en colère de savoir qu’Hermès lui a volé son troupeau de vaches
et manifestement jaloux que celui-ci soit curieux, malin et intelligent. Hermès quant à lui est
impressionné par son grand frère, il l’admire et a envie de se faire accepter par lui. Il se révèle
finalement assez doué pour le séduire et même s’il fait mine d’être encore agacé Apollon
commence à apprécier la compagnie de ce petit frère.
J’ai perçu qu’Evan était particulièrement intéressé par la relation entre Hermès et
Apollon. A la séance 5, parmi trois possibilités, il fait le choix de jouer la saynète où les deux
frères font ensemble le trajet jusqu’au palais de leur père pour que celui-ci tranche leur
différend à propos du troupeau de vaches. Evan choisit également spontanément de jouer le
rôle d’Hermès, le frère cadet, tandis que Joachim choisit le rôle du frère ainé, Apollon.
D’habitude si inhibé, Evan n’hésitera pas à demander à son partenaire de répéter plusieurs
fois la scène pour s’entraîner puis souhaitera recommencer une deuxième fois la scène devant
le groupe pour essayer de mieux la jouer. Dans l’extrait de l’enregistrement audio ci-dessous,
on peut remarquer comment Evan, dans le rôle d’Hermès, s’implique à la fois pour se défendre
face à son grand frère et pour essayer de se faire accepter par lui. On peut imaginer que cela
38
lui permet inconsciemment de mettre un peu d’ordre dans la relation complexe et
ambivalente qui l’unit à son frère dans la réalité.
Apollon partage son repas avec Hermès puis ils marchent en silence jusqu’au palais.
Mes notes rapportent que les deux premières séances étaient beaucoup trop chargées
en activités pour laisser la possibilité aux enfants de choisir et de ressentir. Au moment du jeu
symbolique, j’ai noté « C’est difficile. Pas d’imagination. Pas d’émotion. ». J’ai alors pris
conscience qu’il était nécessaire que je modifie la structure de mes séances pour aller
davantage au fond des choses. Après hésitation et demande de conseil auprès de ma tutrice,
j’ai choisi de garder la lecture entière de l’épisode à chaque séance pour ne pas perdre la force
et la richesse du récit mais de consacrer deux séances au même épisode sous la forme
suivante :
Séance 1 : lecture de l’épisode – temps de restitution oral – jeu symbolique (rejouer une scène
pour développer la construction de représentation mentales, la capacité à changer de point
de vue et l’empathie)
Séance 2 : relecture du même épisode – temps de restitution oral pendant lequel on anticipe
la production individuelle – production individuelle d’un écrit (dessin et/ou trace écrite) qui
39
permet de construire du sens par la symbolisation pour émettre des hypothèses et en garder
une trace.
Cette nouvelle organisation a permis d’avoir plus de temps et m’a conduite à être moins
guidante. J’ai laissé le temps aux enfants de choisir le passage qu’ils voulaient jouer, le
personnage qu’ils voulaient incarner. Ils ont pu essayer, recommencer plusieurs fois, écouter
les remarques de leurs camarades et donc être davantage touchés par leur rôle. J’ai également
souhaité faciliter l’implication des enfants en enrichissant ce moment de jeu symbolique par
des images et des pictogrammes représentant les personnages, les différents lieux ainsi que
les émotions ressenties.
40
En effet, beaucoup d’enfants en difficulté sur le plan des apprentissages ne disposent
pas de représentations internes de qualité suffisante pour alimenter le travail de la pensée.
Les images fabriquées ne sont pas assez riches, pas assez variées ou encore pas assez
détachées des émotions pour pouvoir être le support du fonctionnement intellectuel. Les
supports fournis ont pour but d’aider à développer le stock de leurs représentations mentales
pour permettre le fonctionnement intellectuel en les aidant à imaginer ce qu’ils ont entendu
et ce qu’ils vont rejouer. Ces supports facilitent l’accès au sens mais vont aussi pouvoir les
aider à supporter les sentiments d’anxiété qui arrivent chez eux au moment de l’engagement
cognitif.
Je peux penser que le temps supplémentaire laissé aux enfants pour faire des choix et
restituer les émotions des personnages ainsi que l’appui des images supports ont joué un rôle
dans l’engagement des enfants dans le jeu symbolique car je retrouve dans mes notes de la
séance 5 à propos des saynètes que les enfants ont joué :
« Réussite ++. Dialogues se développent et deviennent + fluides. Evan et Joachim : envie de
recommencer pour que ce soit mieux. Laureen admiration ok. Léana peur ok. »
41
Synthèse et discussion
42
4.2. Les interactions orales au sein du groupe
L’enregistrement du temps d’échange oral collectif qui fait suite à l’écoute de l’épisode
lors des séances 1 et 5 m’a permis la réalisation des tableaux ci-dessous.
Séance 1 Séance 5
Séance 1 Séance 5
Temps de parole du 49 % 28 %
psychopédagogue
Temps de silence 9% 14 %
Au cours de la séance 1, le temps de parole des enfants est inférieur au temps de parole
du psychopédagogue à hauteur de 7 %. Au cours de la séance 5, le temps de parole des enfants
est supérieur de 30 % au temps de parole du psychopédagogue.
Entre la séance 1 et la séance 5, le temps de parole des enfants a augmenté passant de
42 à 58 % tandis que celui du psychopédagogue a diminué passant de 49 à 21 %. Le temps de
silence a progressé passant de 9 à 14%. Le temps d’enregistrement, lui, a augmenté d’une
minute.
43
Les observations des formateurs au cours des séances 3 et 4 m’ont permis de
comprendre qu’il était nécessaire que je diminue mon temps de parole afin de permettre aux
enfants de s’exprimer davantage. Freiner la quantité et modifier la forme de mes interventions
a effectivement généré une augmentation du temps de parole des enfants.
De même, la diminution du nombre d’activités prévues au cours de la séance a permis
de consacrer plus de temps au moment d’échange oral collectif permettant la compréhension
du récit. L’apport de matériel (images et pictogrammes des personnages, lieux et émotions)
sur lesquels les enfants peuvent s’appuyer a permis d’augmenter le temps de réflexion (que
j’associe au temps de silence) avant la prise de parole. Les remarques des formateurs m’ont
permis de respecter ces temps de silence et même de les proposer aux enfants comme des
étapes nécessaires à l’élaboration de la pensée.
Pour les deux séances, on remarque que le début de l’interaction est marqué par assez
peu de réponses aux sollicitations de la psychopédagogue : il faut du temps pour que les
enfants entrent dans la tâche et prennent leur place dans le dialogue. Les échanges sont plus
soutenus lors de l’évocation du moment où Hermès sort de la grotte pour aller découvrir le
Monde (séance 1) et au moment où les enfants restituent le trajet d’Hermès et d’Apollon pour
se rendre dans le palais de leur père (séance 5). Lorsque les enfants, avec l’aide du matériel,
doivent identifier les émotions des différents personnages et expliquer pourquoi ils ont tel ou
tel ressenti, on note un échange entre pairs assez long (un peu plus de 2 minutes) sans
intervention de la psychopédagogue.
Je constate toutefois que le temps de parole de chaque enfant n’est pas forcément
proportionnel à la maîtrise des contenus cognitifs de la séance. L’enregistrement de la séance
1 nous permet d’illustrer ce constat par des données précises. Laureen est celle parmi les
quatre enfants du groupe qui s’exprime le plus (presque 2 minutes) et qui souhaite toujours
prendre la parole en premier alors que ses interventions montrent qu’elle n’a pas retenu les
éléments essentiels du récit et qu’elle comprend difficilement ce qui est attendu dans ce
moment de restitution orale collective de l’histoire. A contrario, Evan est celui qui parle le
moins (moins d’une minute) avec une voix très faible qui le rend difficilement audible pour ses
camarades et moi-même alors qu’il a parfaitement compris et retenu les différentes étapes
du récit et qu’il est capable de les restituer dans l’ordre chronologique. Joachim a tendance à
intervenir intempestivement, coupant la parole à ses camarades et n’écoutant pas ce que
disent les autres. Le contenu de ses prises de parole est dans l’ensemble pertinent mais son
attitude l’empêche d’être dans un réel dialogue, il ne bénéficie pas de la réflexion des autres.
Léana fait preuve d’une agitation motrice importante depuis le début de la séance. Malgré
une labilité attentionnelle importante lors de la phase d’écoute, elle a intégré certains
éléments essentiels du récit. Toutefois ses interventions ne font pas forcément écho aux
interventions des autres enfants et suivent rarement la direction que la psychopédagogue
souhaite impulser.
44
concentration, les enjeux affectifs pour trouver sa place au sein du groupe mais aussi
l’empressement de l’adulte à mener la séance constituent des freins à l’établissement d’un
dialogue efficace.
Pour autant, l’extrait de l’enregistrement de la séance 1 ci-dessous montre que le tout
début de l’échange oral qui suit l’écoute du récit est déjà l’occasion, en groupe, de dissiper
des malentendus et des obstacles grâce à un travail d’interprétation de ce que dit l’autre.
Dans cet extrait, on voit que Laureen souhaite prendre la parole en premier et très
rapidement elle dit devant le groupe que « c’est l’histoire d’une pie » sans être capable
d’argumenter son propos. Il s’avère alors que Laureen :
- a fait une confusion entre le mot « pis » (de la vache) qu’elle ne connaissait pas et le
mot « pie » (le volatile)
- a construit le sens du récit et en a dégagé le thème à partir de ce seul mot placé dans
les dernières lignes du passage et qui n’était qu’un détail
- s’est lancée dans une production orale de façon impulsive sans avoir pris le temps
d’aller intérieurement au bout de son raisonnement pour en vérifier la pertinence.
Il est probable, au cours de cette première séance, que si j’avais compris immédiatement
d’où provenait le contre-sens de Laureen je serais intervenue avant d’en laisser l’opportunité
45
au groupe. Mon moment de doute a donc bénéficié aux autres enfants dont les interventions
et les explications successives ont permis de montrer à Laureen en quoi elle se trompait.
Laureen semblait tout à fait à l’écoute au cours de cette phase d’interactions orales et lors du
court moment de formalisation pendant lequel j’ai écrit les deux mots au tableau en les
accompagnant d’un petit croquis. Grâce à ses camarades, elle a pu se rendre compte qu’il était
nécessaire de réguler son impulsivité, elle a également pu se confronter au concept
d’homonymie et apprendre que le mot « pis » désignait la mamelle de la vache ; enfin elle a
eu l’occasion de se rendre compte qu’écouter ses camarades pouvait l’aider à comprendre et
à apprendre.
Dès les premières séances, les enfants ont tous bien adhéré au projet et se sont
majoritairement engagés avec volonté dans les tâches proposées. Mais le bilan que j’ai pu
faire à chaque fin de séance grâce à mes notes, à des enregistrements audio et surtout grâce
aux remarques de mes observateurs (formateur, conseiller, tutrice) est que les interactions
entre pairs restaient trop pauvres et trop limitées. Peu à peu, grâce à des procédés que je
détaillerai dans la partie concernant l’étayage de la parole des enfants par le
psychopédagogue, j’ai constaté une amélioration de la qualité des interactions entre pairs.
Les échanges et les prises de parole sont également devenus plus fluides et plus spontanés.
L’extrait de l’enregistrement de la séance 5 ci-dessous permet d’illustrer la progression de la
qualité des interactions orales entre pairs par rapport à la séance 1. Toutefois, je pense qu’il
est important de rester humble et lucide en soulignant que beaucoup de temps et
d’entraînement sont nécessaires pour que les interactions orales au sein du groupe
permettent des progrès observables et durables dans les domaines du langage oral et du
raisonnement.
Les enfants commencent spontanément par associer les pictogrammes des émotions aux
images des personnages d’Hermès et Apollon.
46
Les autres acquiescent
Moi : Est-ce qu’il aurait pu avoir peur ?
Evan : Oui il pourrait avoir peur de la punition de son père car il y va parce qu’il a volé les
vaches.
Joachim : En fait il y pense pas du tout…
Moi : Pourquoi il ne pense pas à la punition à votre avis ?
Laureen : Il est trop pressé, il a envie de voir le palais et de connaître son père.
Léana (se saisissant d’un autre pictogramme) : Oui voilà excité il faut le mettre aussi à
Hermès
Evan : Apollon il est en colère.
Moi : Vous êtes d’accord ?
Les autres : Oui
Moi : Vous savez pourquoi ?
Laureen : A cause du troupeau de vaches
Joachim : Oui il sait que c’est Hermès qui l’a volé du coup il est vraiment énervé contre lui.
Evan : En plus il a pas avoué.
Moi : C’est tout pour Apollon ?
Léana : Non il est aussi jaloux.
Evan : C’est de son petit frère qu’il est jaloux
Joachim : Ah oui ça l’énerve qu’il soit né.
Moi : Vous savez pourquoi ?
Laureen : Non
Léana : Il l’aime pas
Evan : Parce que son père il fait plein d’enfants avec des femmes et Apollon il est pas
content à cause de ça…
……
Dans cet extrait, on voit que tous les enfants s’écoutent, coopèrent et parviennent à
construire du sens ensemble. On ne note pas d’interventions qui sortent du propos, les prises
de parole de la psychopédagogue viennent guider l’échange mais restent courtes et neutres.
Les tours de parole sont constitués de fragments d’énoncés qui s’enchaînent et se complètent.
Les interactions entre les enfants témoignent de leur compréhension et de leur recherche du
sens du récit entendu et également de la mobilisation et de l’interprétation d’informations
entendues lors des épisodes précédents (le vol du troupeau, la tendance de Zeus à faire des
enfants avec de nombreuses femmes différentes). Des compétences discursives et cognitives
s’élaborent tout au long de l’interaction dans l’effort de restitution du récit et de négociation
du sens du récit entendu. Des compétences de prise de parole et d’écoute s’installent
également pour que chacun parvienne à prendre sa place dans la succession des tours de
parole, à compléter l’énoncé précédent, à le reformuler, à rester dans le thème, à poser une
question ou à provoquer un déplacement du dialogue.
Dans l’extrait suivant, on remarque que les interactions orales permettent aussi
d’exprimer spontanément des attentes en terme de sens sur le lexique qui peuvent être
résolues par le groupe.
47
Extrait enregistrement audio séance 5
Les enfants évoquent le moment où Hermès et Apollon s’arrêtent pendant leur trajet.
Apollon mange de l’ambroisie, nourriture réservée aux Dieux, et ne veut pas en donner à
Hermès.
Laureen : Apollon il se met à manger, Hermès il lui en demande mais Apollon il veut pas lui
en donner.
Joachim : Oui parce qu’il dit que ce qu’il mange c’est que pour les Dieux.
Evan : Sauf qu’en fait Hermès c’est un Dieu aussi alors c’est pas une excuse.
Joachim : Une excuse bidon en fait.
Moi : Mais c’est quoi qu’il mange Apollon ?
Léana : C’est le truc pour les Dieux.
Moi : Comment ça s’appelle ?
Léana : C’est comme du vomi je crois.
Les autres : Non !
Moi (en relisant le texte) : Il mange de l’ambroisie ; c’est une bouillie de couleur mordorée.
Léana : C’est quoi mordoré ?
Joachim : On l’avait dit la dernière fois.
Laureen : C’est quand ça brille.
Léana : C’est doré alors.
Evan : Non on avait dit que ça faisait marron mais brillant.
Joachim (montrant une petite partie d’un coussin pris comme référence lors de la séance
précédente) : On avait dit un peu comme ça.
Moi : Oui mordoré c’est un peu comme ça, brun avec des reflets brillants.
…..
Ainsi, on observe ici des indices de développement des compétences langagières dans
les conduites de définition ou d’exemplification des termes inconnus, dans les questions
posées par les enfants pour vérifier la compréhension et dans les demandes de précisions.
On voit une nette évolution dans les échanges entre la séance 1 et la séance 2. Au cours
de la séance 5, les enfants ont réussi à se confronter à des expériences difficiles pour eux :
être attentif, oser prendre la parole, donner leur avis, apporter des précisions sur leur pensée,
coopérer avec leurs pairs. D’un point de vue cognitif, le groupe crée une situation étayante :
la parole et les idées des uns stimulent peu à peu celles des autres. A plusieurs, les idées sont
plus nombreuses et plus variées ce qui incite naturellement à l’échange et donc à l’interaction.
Comprendre et interpréter le texte ensemble est plus aisé, les erreurs sont limitées et peuvent
la plupart du temps être corrigées sans l’intervention de la psychopédagogue.
48
Gestion de l’échange
Joachim Evan Léana Laureen
Conservation de la thématique (ne pas dévier) x x x x
Ecouter l’interlocuteur jusqu’au bout (ne pas couper la x x x x
parole)
Intonation favorisant l’écoute (être audible) x x x
Efficacité de l’interaction
Joachim Evan Léana Laureen
Enchaînement pour compléter le discours de l’autre x x x x
Ajustements lexicaux, reformulations x x
Pertinence des prises de parole de chaque interlocuteur
Joachim Evan Léana Laureen
Ecoute et prise en compte des paroles d’un pair x x x x
Reformulation du raisonnement d’un pair pour le x x
valider
Intervention ouvrant l’échange vers une nouvelle x x
direction
Réfutation des paroles d’un pair x x x
Pertinence des justifications
Joachim Evan Léana Laureen
Formulation d’un argument pertinent x x x
Formulation d’un argument repris ensuite par les x
autres
Présence d’un exemple pertinent x x
49
de prendre de la distance pour pouvoir très vite rectifier mes erreurs, mes manques et réduire
mes interventions à ce qui est efficace et indispensable.
Ci-dessous, un condensé de la liste établie :
- Ne pas vouloir absolument clarifier tous les énoncés des enfants
- Ne pas attendre qu’ils expliquent tout par eux-mêmes
- Utiliser le langage non verbal (gestes, regard, expression du visage)
- Laisser des temps de silence nécessaires à certains moments
- Privilégier des interventions brèves
Il m’a fallu être très attentive à la fois à ne pas être trop guidante et à stimuler la parole
et la pensée des enfants. Un des leviers pour améliorer la qualité de mon étayage et faire
diminuer la quantité des interactions élèves-enseignant a été de demander pour chaque prise
de parole l’avis, l’aide des autres enfants du groupe sur ce qui venait d’être dit en prenant
garde à ne pas induire ce que je pense par mes paroles ou mon attitude corporelle (regard,
geste, mimique, posture). Mon objectif était d’amener progressivement les enfants à prendre
l’habitude de rebondir spontanément en les sollicitant mais sans être trop dirigiste.
Peu à peu, j’ai appris à ne plus faire le genre d’erreur repérée lors de la séance 3 par
mon observateur et par moi-même :
Séance 3
Chaque enfant présente à tour de rôle le dessin qu’il a produit pour imaginer la suite de
l’histoire. Laureen s’est trompée, elle a dessiné ce qui s’est passé dans l’épisode lu mais ne
s’en rend pas compte. Elle prend la parole pour décrire son dessin. Je la laisse finir sa
présentation puis je demande aux autres :
« Est-ce que c’est la suite ça ? »
Ma question et surtout mon ton induisent immanquablement la réponse : « Non ! ».
Dans une situation comparable je prendrai garde désormais de demander d’une manière la
plus neutre possible : « Qui peut rappeler la consigne ? Que pensez-vous de ce qu’a fait
Laureen ? »
Je me suis ainsi peu à peu rendue compte que l’étayage du psychopédagogue avait une
importance cruciale dans la création de l’interaction et de la collaboration. Le défi à relever
semble paradoxal : comment laisser au maximum les enfants faire les choses par eux-mêmes
tout en demandant une grande implication de la part de l’adulte qui mène la séance ?
50
« Qu’avez-vous envie de dire sur l’histoire ? », « Et vous ? », « Et toi, qu’est-ce que tu
en penses ? »
- De favoriser la clarté des échanges (recentrer les sorties de thème, demander un
langage plus explicite, plus précis)
« Que nous dit l’histoire à propos de… ? », « Qui peut rappeler ce que l’on doit faire ? »,
« Comment ça s’appelle ? »
- De soutenir la tâche cognitive en aidant à la compréhension du récit entendu
(clarification, rectification ou demande de rectification collective pour éviter l’ancrage
d’une fausse représentation, acceptation d’énoncés sans rapport immédiat avec le
propos pour prendre en compte l’investissement affectif)
« C’est dans l’histoire », « Les Dieux mangent de l’ambroisie, c’est une bouillie de
couleur mordorée », « Dans Dragon Ball, …. »
- De soutenir l’écoute en prenant garde à ne pas demander une écoute excessive, en
essayant de sentir les flottements de manière à rétablir le contact par le regard, un
geste ou en prononçant le prénom de l’enfant.
51
Synthèse et discussion
L’analyse des productions orales des enfants au cours des cinq premières séances du
groupe « Récits mythologiques » montre que ce projet de lecture feuilleton est générateur
d’interactions. Il est selon moi difficile de repérer spontanément des traces d’apprentissage
lorsque les enfants parlent entre eux pour résoudre une tâche donnée. Les nombreuses
écoutes de l’enregistrement des séances 1 et 5, l’analyse de mes notes ainsi que les
remarques de mes observateurs ont quand même permis de relever des indices permettant
d’attester que les interactions orales au sein du groupe ont été profitables aux enfants en
terme de développement de leurs compétences langagières et cognitives.
Entre la première et la cinquième séance du projet, on a pu noter une augmentation de
la quantité et de la qualité des interactions. Plusieurs paramètres ont sans doute permis de
favoriser cette progression : la diminution du nombre d’activités prévues au cours de la
séance permettant plus de temps pour le dialogue entre pairs qui devient de plus en plus
soutenu au fur et à mesure que le moment d’échange avance et la mise à disposition de
matériel permettant de développer les représentations mentales des enfants et d’étayer
leur raisonnement. On est passé d’une situation peu spontanée où les échanges se faisaient
quasi systématiquement entre un enfant du groupe et la psychopédagogue à une
expérience de coopération authentique au cours de laquelle les enfants ont fourni
ensemble de réels efforts pour co-construire de la signification. Le repérage des procédés
linguistiques permettant la co-construction de sens, la co-interprétation, la variété des
conduites langagières de définition, d’explication, la continuité et la cohérence des propos
corroborent l’hypothèse de la présence d’apprentissages langagiers, cognitifs et narratifs
au cours de ces séances d’écoute et d’interprétation de récits mythologiques (Chemla,
Dreyfus, 2002). Pour autant, les progrès observés dans la maîtrise du langage et du
raisonnement restent limités en cinq séances et il est important de souligner que ce genre
d’activité doit être menée de façon régulière sur un temps suffisamment long pour que les
compétences se développent et s’ancrent de manière solide (Bucheton, Chabanne, 2002).
Par ailleurs, l’amélioration de la quantité, de la qualité et de la fluidité des interactions
orales au cours des séances n’a pu être possible que par une évolution de ma posture. Les
remarques de mes observateurs m’ont fait prendre conscience que je devais fortement
limiter mes interventions orales tout en développant des habiletés professionnelles en
terme d’étayage et de régulation de la parole des enfants. Réfléchir à ma pratique,
l’observer comme si j’étais une spectatrice, lister les tâches à accomplir et les erreurs à
éviter en amont m’a conduite en situation à mieux distinguer les moments où l’utilisation
du regard, des gestes, des mimiques, de simples mots suffisaient à réguler l’échange de
ceux où il était nécessaire que j’intervienne de manière plus structurée pour faire avancer
la compréhension et les apprentissages (Garcia Debanc, 2004). Quitter la posture
hégémonique de distributeur de savoir pour adopter une position d’étayage dans la
construction des savoirs a permis la création d’un espace d’échanges stimulant les
interactions entre pairs et a facilité également pour ma part l’observation, l’analyse et donc
la régulation des conduites langagières et cognitives de chaque enfant du groupe (Caillier,
2003).
52
4.3. Le transfert des compétences vers la classe
Mon objectif d’enseignante spécialisée dans l’aide relationnelle exerçant en CMPP est
que les enfants construisent des compétences d’élève pour devenir plus efficients dans les
apprentissages scolaires. Il est donc indispensable, au cours des séances, de faire le plus de
lien possible avec la situation de classe pour que les compétences qui se construisent au sein
du groupe Mythologie se transfèrent dans le contexte scolaire. J’ai donc également souhaité
analyser les résultats de cette recherche dans l’optique de déceler la présence ou l’absence
de possibilités de transfert.
Pour utiliser ses ressources et réinvestir ce qu’il est capable de faire à l’école, l’enfant
doit avoir conscience des connaissances et des savoirs faire qu’il possède et de la façon dont
il peut les construire et les utiliser. Pour atteindre cet objectif, il s’agit de parvenir à développer
chez les enfants des capacités de métacognition : ils doivent peu à peu devenir capables de
distinguer ce qu’ils savent faire de ce qu’ils ne savent pas encore faire, de penser et de
verbaliser leurs procédures. J’ai rapidement pu expérimenter que cette démarche qui est
plutôt aisée en séance individuelle était beaucoup plus complexe à mettre en œuvre en
présence de quatre enfants qui proviennent de quatre écoles différentes et qui ont chacun
des ressources et des objectifs d’aide différents.
Ce temps de bilan m’a mise en difficulté au départ. Les enfants avaient beaucoup de
mal à revenir sur ce qu’ils avaient fait, à le mettre en mots, à avoir un regard objectif.
Mes notes au sujet du bilan de la séance 1 reflètent bien ce phénomène :
« Difficultés pour tous de parler de ce que l’on a fait. Tout le monde dit s’être senti « bien »,
« normal », personne n’exprime de difficultés mais Laureen, Léana et Joachim : grande
labilité attentionnelle ; Laureen et Léana : difficultés de compréhension ; Evan : grande
inhibition, difficulté à être audible »
53
Avec le recul, je comprends que les enfants ont de bonnes raisons de dire qu’ils se sont
sentis « bien » ou « normal » puisque la séance s’est déroulée dans une ambiance
bienveillante et rassurante. Je comprends également qu’ils ne soient pas capables à ce stade
de verbaliser leurs difficultés puisque c’est leur état habituel et que sans doute dans ce
contexte ils se sont sentis moins en difficulté que dans la plupart des situations
d’apprentissage à l’école. Pour pallier à cet obstacle, c’est donc moi qui dans un premier temps
ai guidé le bilan en proposant des modèles langagiers, en verbalisant et en faisant des
hypothèses sur leur procédure et leur ressenti pour que cela se fasse de manière plus
autonome par la suite. Je me suis aperçue que cette tâche n’était ni naturelle ni facile pour
moi et pour réussir à impulser un bilan plus riche je me suis appuyée sur l’utilisation d’un outil,
la trajectoire, dont j’ai détaillé le fonctionnement dans la partie des résultats mettant en avant
la nécessité d’un cadre structurant et sécurisant pour susciter l’engagement actif des enfants.
Revenir sur la « mission » écrite au départ sur le tableau et sur le « défi » de chacun rédigé
sous forme d’une phrase simple sur un petit papier de couleur personnalisé a permis de rendre
la situation plus concrète et donc beaucoup plus accessible pour les enfants qu’une simple
discussion en fin de séance. Pour faire progresser les enfants sur le plan métacognitif, j’ai petit
à petit laissé les enfants prendre la parole en premier sur ce temps de bilan. En suivant un tour
de parole, chaque enfant devait s’exprimer successivement sur l’objectif de la séance et sur
son défi individuel et écouter ce que les autres pensaient à propos de ce qu’il avait fait pendant
la séance.
Mes notes au sujet du bilan des séances 3, 4 et 5 montrent que les compétences
métacognitives commencent à se mettre en place.
Séance 3 : « Le défi facilite le retour mais attention les faire verbaliser d’abord. »
Séance 4 : « J’ai laissé s’exprimer les enfants d’abord. Tous ont pu dire quelque chose,
tendance à être satisfaits. Pour E et Lau, je pointe les manques en restant positive.
Demander l’avis des autres. »
Séance 5 : « Bilan pour l’objectif général : A-t-on réussi ? Difficultés ? Comment on a
pu y arriver ? Tous s’expriment, réussite / Bilan pour chaque objectif individuel : chacun
s’exprime + avis des autres. C’est ok mais long, prévoir temps sup pour l’avis des
autres. Faire lien avec classe »
54
4.3.2. Les échanges avec les enseignants
55
Eléments d’information apportés par Mme Commandri à Mme Cordou :
Sur le plan comportemental : très passif en classe, ne fait rien seul, ne demande pas
d’aide mais travaille un peu si la maîtresse vient à côté de lui. A tendance à vouloir
distraire les autres, jouer mais son agitation reste discrète.
Sur le plan relationnel : Parle peu à la maîtresse, parle très peu en classe. Très gentil,
apprécié par tout le monde, a des copains, joue dans la cour.
Sur le plan des apprentissages : capacités de compréhension en lecture, seule
activité pour laquelle il participe spontanément. Ne s’investit dans les autres
disciplines ni à l’écrit ni à l’oral. Retard scolaire important.
RASED aide pédagogique : groupe lecture 2 fois/semaine avec Mme Correla depuis
octobre, semblait accrocher au début mais pas d’investissement + APC lecture avec
une autre maîtresse 1 fois/semaine
Rdv pris avec la maman pour voir si elle a fait appel de la décision de la MDPH
(refus aide humaine en juin 2019)
56
La durée et la fluidité des deux entretiens montrent que chaque professionnel est
fortement engagé dans son travail auprès de l’enfant et que leur objectif commun même s’il
reste implicite est que l’élève puisse faire des apprentissages. Cependant, on ne perçoit pas
de discussion sur les moyens d’y parvenir ensemble ni de réflexion commune sur un
engagement dans des actions qui permettraient à l’enfant de faire le lien entre ce qu’il
apprend au CMPP et à l’école et d’optimiser le transfert des compétences.
Au CMPP, le psychopédagogue assure le suivi hebdomadaire d’une trentaine d’enfants
et d’adolescents. Ils sont scolarisés en maternelle, à l’école élémentaire et au collège dans des
établissements différents. Le partenariat doit donc se faire avec plus de trente enseignants
différents. Sur le temps de travail du psychopédagogue, quarante-cinq minutes par semaine
sont dévolues aux contacts avec les partenaires. Il est donc très difficile de pouvoir travailler
étroitement avec l’enseignant de chaque enfant de façon à faire coïncider les objectifs d’aide
relationnelle avec le projet de classe.
Même s’il n’est pas aisé d’assurer une continuité entre les activités du CMPP et celles
de la classe, je suis très attentive en séance à faire le plus de lien possible avec les situations
scolaires. Je souligne tout ce que l’enfant est capable de faire avec moi au CMPP et qu’il
pourrait réinvestir en classe. Je l’informe toujours des contacts que j’ai eus avec son
enseignant, je lui explique ce que nous nous sommes dits à son sujet. Pour autant, je trouve
cela encore insuffisant et j’aimerais pour le groupe Mythologie parvenir à mettre en place un
projet permettant de faire le lien entre le CMPP et l’école dans lequel les enfants pourraient
se sentir valorisés en mobilisant auprès de leurs camarades de classe leurs compétences et
leurs connaissances. Si les enfants parviennent au fil des séances à bien investir l’écrit et l’oral,
il pourrait s’agir par exemple de présenter en classe un personnage ou une histoire de la
mythologie grecque sous forme de courts exposés conçus en groupe au CMPP.
57
Synthèse et discussion
L’enseignant spécialisé qui exerce au CMPP vise pour les enfants la construction de
compétences d’élève pour qu’ils deviennent plus efficients dans les activités proposées en
classe et dans les apprentissages. Il doit donc être attentif à ce que l’enfant puisse mobiliser
en situation scolaire ce qu’il apprend à faire au CMPP. Cet objectif m’a conduit à prendre
en compte une dimension de mon métier qui jusqu’alors ne faisait pas partie d’un
raisonnement conscient : la métacognition. La compétence métacognitive ou capacité de
l’élève à réfléchir sur ses connaissances et à comprendre les raisonnements qu’il engage
pour utiliser et construire de nouvelles connaissances est un prédicateur de la réussite
scolaire (Grangeat, 1999). L’enseignant spécialisé doit donc avoir le souci permanent
d’accompagner les élèves en grande difficulté vers la prise de conscience et la maîtrise des
attitudes et des méthodes de travail qui conduisent à la progression dans les savoirs et les
compétences, en visant toujours un transfert de cette dynamique d’apprentissage vers la
classe (Duval Héraudet, 2001). La modification de ma posture afin de laisser la place aux
interactions entre pairs m’a permis d’observer le fonctionnement du groupe lors du travail
coopératif et de revenir sur ces observations lors de temps de discussion avec les élèves
avant et après le travail coopératif. Cela favorise la réflexion métacognitive des élèves sur
leur propre pratique coopérative, indispensable à une évolution positive du groupe, et ainsi
des acquisitions de chaque élève. En outre, c’est une manière d’obtenir des informations
permettant l’ajustement et une amélioration de l’organisation des prochaines séances
(Hervé, 2006).
Le transfert des compétences acquises en aide spécialisée vers le milieu scolaire
ordinaire dépend également de la cohérence et de la cohésion entre ce qui se passe pour
l’enfant au CMPP et à l’école. La communication entre l’enseignante spécialisée et
l’enseignante de l’enfant existe et permet la circulation d’informations utiles aux deux
professionnelles pour ajuster leurs pratiques respectives. Pour autant, celles-ci ne sont pas
dans une démarche de co-réflexion pour mettre en place une action conjointe qui
optimiserait peut-être le processus d’évolution de l’enfant. Le partenariat entre le CMPP et
l’école reste encore à améliorer.
58
5. Perspectives et conclusion
A mon arrivée au CMPP, j’ai compris que ma principale mission serait d’accompagner des
enfants et des adolescents en souffrance scolaire qui ont des difficultés de relation au sens
large : relation aux autres (adultes et pairs), relation aux règles et au cadre scolaire, relation
au savoir et aux apprentissages. Ces élèves ont des capacités cognitives dans la norme et ont
déjà bénéficié au sein de l’institution scolaire d’aménagements pédagogiques et de
remédiations spécialisée mais cela n’a pas permis d’amélioration de leur scolarité. Malgré mes
années d’expérience dans l’enseignement, je me suis alors demandée : « Que faire pour ces
enfants-là ? ». En effet, il n’est pas question de leur proposer un entraînement de type scolaire
supplémentaire en continuant dans la voie des remédiations cognitives pour faire encore plus
de ce qui n’a pas fonctionné jusqu’alors.
Pour l’avoir beaucoup utilisé en milieu ordinaire, je m’étais rendue compte que le récit
mythologique possède des qualités intrinsèques pour faire évoluer l’enfant dans son rapport
à soi, à l’autre et au savoir et j’avais déjà l’intuition qu’il pouvait constituer une médiation
efficiente dans l’aide relationnelle en CMPP. Mon étude a donc eu pour objet de rechercher
si l’utilisation des récits mythologiques dans un groupe d’aide spécialisée pouvait permettre
de transformer la relation aux apprentissages chez des enfants empêchés de satisfaire aux
exigences de l’école en suscitant leur adhésion et leur investissement et en favorisant le
développement de leurs compétences langagières ainsi que l’élaboration et la structuration
de leur pensée.
59
la régulation fine et l’étayage contrôlé de la parole des enfants par l’enseignant spécialisé
constitue une habileté professionnelle décisive pour l’installation d’une dynamique
d’échanges efficiente. Les enfants font ainsi l’expérience que le langage sert à comprendre,
en même temps qu’il sert à s’exprimer mais il est nécessaire que ce genre d’activité soit menée
de façon régulière et durable pour que les progrès langagiers et cognitifs qui s’opèrent
s’installent et perdurent.
Enfin, il est difficile d’évaluer dans quelle mesure l’enfant est capable de mobiliser en
situation d’apprentissage à l’école les compétences acquises au sein du groupe d’aide
relationnelle au CMPP. Pour que ce transfert s’opère, l’enseignant spécialisé doit être
soucieux de développer chez les enfants des capacités de métacognition de manière à ce qu’ils
deviennent peu à peu conscients de leurs procédures et qu’ils puissent les réutiliser dans
d’autres contextes. Il s’agit d’un objectif ambitieux et de long terme. Par ailleurs, malgré
l’existence d’une communication entre l’enseignant spécialisé en aide relationnelle et
l’enseignant de l’enfant, un développement et une optimisation du partenariat entre l’école
et le CMPP amélioreraient sans doute les possibilités de transfert des compétences.
60
Bibliographie
CAILLIER (Jacky), Apprendre à l’oral entre pairs, Les Actes de la DESCO, 2003
FAVRE (Daniel), Cessons de démotiver les élèves : 18 clés pour favoriser l’apprentissage,
Dunod, 2010
MEIRIEU (Philippe), Entrer dans le récit - L’enfant et le langage, Sciences Humaines n°274,
2015
PITTIGLIO (Serge), L’aide relationnelle une composante à part entière de l’école inclusive, La
nouvelle revue Education et société inclusives, INSHEA, 2018
TERENO (Susana), SOARES (Isabel), MARTINS (Eva), SAMPAIO (Daniel) , CARLSON (Ellizabeth),
La théorie de l’attachement : son importance dans un contexte pédiatrique, revue Devenir,
volume 19 n°2, p 151 à 188, 2007
VIAU (Rolland), Des conditions à respecter pour susciter la motivation des élèves, revue
Correspondance, volume 5 n°3, février 2000
61
Ouvrages consultés
GARCIA DEBANC (Claudine), Comment enseigner l’oral à l’école primaire?, Hatier pédagogie,
2004, p 174 à 182
METRA (Maryse), Les repères que nous a laissés Jacques Lévine, 2017, p 27, 56, 71,96, 98
62
Annexe 1 : Projet d’aide spécialisée du groupe Mythologie
I- RENSEIGNEMENTS ADMINISTRATIFS
Nom Prénom B. Evan (M) F. Léana (F) M.Laureen (F) C.Joachim (M)
Date de 02/01/2010 04/12/2010 29/10/2011 09/04/2010
Naissance
Classe CE2 Mme C. CE2 Mme D. CE2 Mme W. CE2 M F.
Enseignant Romain Rolland Germain David Alès Ecole du Saut du Ecole L. Wallon St
Ecole Alès Loup à Rousson Martin
Assiduité Absences Régulière Régulière Régulière
ponctuelles
justifiées ( soucis
de santé)
Parcours scolaire De la PS au CE2 : De la PS au CE2 : De la PS au CE2 : De la PS au CE2 :
antérieur R. Rolland G.David Rousson L.Wallon
Ecoles Maintien en CE1 Maintien en CE2 Maintien en CE1
précédentes,
maintien
Langue(s) Français Français Français Français
parlée(s)
Composition Vit avec ses 2 Parents séparés Parents mariés Vit avec ses deux
familiale parents, son frère Vit avec sa maman et Vit avec ses deux parents
Bryan 11 ans, ses ses trois ½ frères ainés parents et ses ½ sœur de 20 ans,
½ sœurs (filles de Ne va pas au domicile trois frères fille du papa ne vit
la maman) Anaïs de son papa, le voit Antoine 17 ans pas au domicile.
17 ans et Océane occasionnellement en (interne la
23 ans. présence d’un tiers. semaine), Diego 9
Ne vivent pas au ans et Jonathan 5
domicile : ans.
Christophe fils de
la maman et les 4
enfants du papa.
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Réussites Classe : participe à Classe : Classe : s’exprime Classe : participation
Dans la classe bon escient lors participation orale bien par le dessin orale fréquente
Dans le cadre des moments de fréquente Cadre de l’aide : Cadre de l’aide :
de l’aide lecture offerte Cadre de l’aide : dynamique, bonnes connaissances
Cadre de l’aide : décide, ose, donne enthousiaste générales, habiletés
compréhension son avis sociales satisfaisantes,
d’un texte littéraire manifeste de la
et capacité de curiosité
restitution
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IV- RENCONTRES/ECHANGES
65
VI- PROJET D’AIDE
66
Annexe 2 : Séquence Les récits Mythologiques / Le feuilleton d’Hermès
67
Annexe 3 : Fiche de préparation séance 5
4) 4) Assemblage du puzzle et
explicitation des objectifs Pour former le groupe
individuels : réussir son défi et se mettre en projet
Laureen : Réfléchir avant de répondre
pour que la réponse corresponde bien
à la consigne. Demander de l’aide si
besoin
Evan : Parler devant les autres pour
jouer un personnage
Léana : Repérer les différentes
émotions et les différentes sensations
d’Hermès et Apollon
Joachim : Se mettre d’accord pour
choisir un personnage. Parler devant
les autres pour jouer un personnage.
25 min
Phase 1 : Lecture offerte Pour comprendre un Au coin
5 min Ecoute de l’épisode 4 du texte lu par un adulte parole
« Feuilleton d’Hermès »
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Phase 3 : Temps de production Pour imaginer les Timer 10
collectif pensées et vivre les min
Jeu symbolique avec des émotions des
playmobils pour rejouer les personnages
Pour développer la
éléments essentiels du récit :
capacité à changer de
chaque enfant va jouer jouer point de vue
un personnage à un moment
10 min précis de l’histoire.
Trajet : Hermès (curieux), Apollon
(agacé)
Hermès découvre le
palais(admiratif)
Hermès voit son père entouré de
tous les dieux et déesses (peur)
Imaginer et écrire la phrase
que l’on va dire (étayage,
dictée à l’adulte) puis mise en
scène
- Temps métacognitif de Pour se rendre compte A la table
verbalisation et de ses progrès et se de travail
d’explicitation sur les situer par rapport aux
objectifs
réussites et les difficultés
rencontrées, liens avec le
vécu scolaire : retour à
l’objectif de la séance, aux
10 min Bilan de la
défis individuels
séance
- Prévision de la séance
suivante : relecture
épisode 4, temps Pour se projeter dans le
d’échange oral et dessin + temps et donner du
trace écrite « On imagine sens aux rencontres
la rencontre »
…….
…….
69
Annexe 4 : Fiche différenciation pédagogique et aménagements individuels
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Joachim : Identifier Se saisit de l’outil Prendre en compte Etablir un contact,
Ecouter les autres précisément les trajectoire / défi la fatigue permettre des
et donner son avis. émotions des Respecte attentionnelle temps de pause
Parvenir à personnages. davantage le Prendre conscience structurante
symboliser par Jouer le rôle d’un temps de parole de ce qu’il sait faire Choix : dessin et/ou
l’écrit (dessin, personnage en de l’autre, reste Pause structurante écrit, proposition
trace écrite) en verbalisant à sa dans le thème et modélisation dictée à l’adulte.
allant au bout de la place. lorsqu’il prend la avant la production Rassurer, valoriser
tâche. parole à son tour. individuelle et favoriser la
visualisation des
progrès (défi et
trajectoire)
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Annexe 5 : Notes personnelles
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