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DE
QUATRIÈME
– PAR YANN HOURY –
2
• Séance 1 •
La marquise de Sévigné
(Marie de Rabutin-Chantal)
(1626 -1696)
À lire également
Un recueil d'écritures
Une petite historiette
Versailles, de Louis XIII
à la Révolution
Mme de Sévigné : femme
De Madame de Sévigné à M. de Pomponne apprennent comme il s'y faut prendre. Il fit
l'autre jour un petit madrigal, que lui-même ne
Une lettre après l’autre Lundi 1er décembre 1664 trouva pas trop joli. Un matin, il dit au maréchal
Les correspondances de Gramont : « Monsieur le maréchal, je vous
Qu’est-ce que l’épistolaire ? [...] il faut que je vous conte une petite prie, lisez ce petit madrigal, et voyez si vous en
Madame de Sévigné historiette, qui est très vraie et qui vous avez jamais vu un si impertinent. Parce qu'on
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divertira. Le roi se mêle depuis peu de faire des sait que depuis peu j'aime les vers, on m'en
vers ; MM. de Saint-Aignan et Dangeau lui apporte de toutes façons. » Le maréchal, après
3
avoir lu, dit au Roi : « Sire, Votre Majesté juge divinement bien de 6. Observez la ponctuation. De quoi est essentiellement composée
toutes choses ; il est vrai que voilà le plus sot et le plus ridicule cette lettre ? Pourquoi ?
madrigal que j'aie jamais lu. » Le Roi se mit à rire, et lui dit :
« N'est-il pas vrai que celui qui l'a fait est bien fat ? - Sire, il n'y a Des vers
pas moyen de lui donner un autre nom. - Oh bien ! dit le Roi, je suis
ravi que vous m'en ayez parlé si bonnement ; c'est moi qui l'ai fait. 7. Qu’est-ce que le roi montre au maréchal de Gramont ? Que lui
- Ah ! Sire, quelle trahison ! Que votre majesté me le rende ; je l'ai dit-il exactement ?
lu brusquement. - Non, monsieur le maréchal ; les premiers 8. Que lui répond le maréchal ?
sentiments sont toujours les plus naturels. » Le Roi a fort ri de cette 9. De quelle façon le roi influence-t-il la réponse du maréchal ?
folie, et tout le monde trouve que voilà la plus cruelle petite chose 10. Comment appelle-t-
que l'on puisse faire à un vieux courtisan. Pour moi, qui aime on l’un de ces
toujours à faire des réflexions, je voudrais que le Roi en fît là- personnages toujours
dessus, et qu'il jugeât par là combien il est loin de connaître jamais soucieux de plaire au
la vérité. roi ?
11. Pourquoi cette
historiette est-elle
Questions : drôle ?
12. Quelle leçon Mme de
Une historiette
Sévigné tire-t-elle de
cette histoire ?
1. Qu’est-ce qu’une historiette ? Donnez un synonyme.
13. Quelle est la valeur
2. À quoi s’amuse le roi ? Citez la phrase qui le montre.
du présent dans « il est
3. De quel roi s’agit-il ? Où la scène se passe-t-elle à votre avis ?
loin de connaître jamais
la vérité » ?
Une lettre
4
Réécrivez la phrase ci-dessous en remplaçant « moi » par « nous ».
Les diminutifs
Pour moi, qui aime toujours à faire des réflexions, je voudrais que
le Roi en fît là-dessus.
Vocabulaire :
Une historiette est une petite histoire.
5
• Séance 2 •
Le vocabulaire de la lettre
1. L’histoire du mot poste : rester lettre morte, recevoir une lettre de recommandation, une lettre de
cachet.
Cherchez le mot « poste » dans le dictionnaire, et notez ses différentes
significations.
Rédigez une phrase pour chacun des sens du mot « poste ».
3. Le courrier :
a) Donnez l’origine du mot courrier. Relevez l’ancienne et l’actuelle
Une voiture hippomobile destinée au transport du courrier
signification du mot courrier. Employez le mot dans deux phrases
exprimant ces différentes significations.
b) Qu’est-ce qu’un courrier électronique ? Donnez des synonymes.
c) Qu’est-ce qu’un long-courrier ? Quel est son contraire ? 5. Terminer une lettre
Classez ces formules en allant du plus familier au plus soutenu :
4. Le vocabulaire de la lettre :
Cordialement.
a) Trouvez dix synonymes du mot « lettre ». Avec toute ma gratitude, je vous prie d'agréer, Monsieur le Président,
b) Donnez le sens de ces expressions contenant le mot « lettre » et l'expression de mon profond respect.
rédigez une phrase pour chacun de ces mots : Croyez, Madame, à ma respectueuse amitié.
Espérant avoir bientôt le plaisir de vous revoir, je vous adresse mon très
Écrire en lettres de feu, écrire en toutes lettres, avoir des lettres, écrire une cordial souvenir.
lettre ouverte, prendre une expression au pied de la lettre (ou à la lettre), À bientôt !
6
• Récitation •
G é r a r d d e Ne r v a l
( 18 0 8 - 18 5 5 )
À voir également
Histoire en ligne
L’affaire des poisons
L’affaire
Wikipédiades poisons
À Madame de Grignan communication des petits esprits, il nous
YouTube À Paris, ce vendredi 17ème juillet 1676. prendra quelque humeur empoisonnante dont
nous serons tous étonnés. Elle fut jugée dès
Enfin c’en est fait, la Brinvilliers est en l’air. Son hier. Ce matin, on lui a lu son arrêt, qui était de
pauvre petit corps a été jeté, après l’exécution, faire amende honorable à Notre-Dame et
dans un fort grand feu, et les cendres au vent, de d’avoir la tête coupée, son corps brûlé, les
sorte que nous la respirerons, et par la cendres au vent.
9
On l’a présentée à la question ; elle a dit qu’il n’en était pas d’Escars ; jamais il ne s’est vu tant de monde, ni Paris si ému ni si
besoin, et qu’elle dirait tout. En effet, jusqu’à cinq heures du soir attentif. Et demandez-moi ce qu’on a vu, car pour moi je n’ai vu
elle a conté sa vie, encore plus épouvantable qu’on ne le pensait. qu’une cornette, mais enfin ce jour était consacré à cette tragédie.
Elle a empoisonné dix fois de suite son père (elle ne pouvait en J’en saurai demain davantage, et cela vous reviendra.
venir à bout), ses frères et plusieurs autres. Et toujours l’amour et [...]
les confidences mêlés partout. Elle n’a rien dit contre Penautier.
Après cette confession, on n’a pas laissé de lui donner la
question dès le matin, ordinaire et extraordinaire ; elle n’en a pas Questions :
dit davantage. Elle a demandé à parler à Monsieur le Procureur
général ; elle a été une heure avec lui. On ne sait point encore le Une tragédie
sujet de cette conversation. À six heures on l’a menée, nue en
chemise et la corde au cou, à Notre-Dame faire l’amende 1. « la Brinvilliers est en l’air »
honorable. Et puis on l’a remise dans le même tombereau, où je Que signifie cette expression ?
l’ai vue, jetée à 2. Dans les deux premières lignes, quels termes montrent la
reculons sur de la compassion qu’éprouve Mme de Sévigné pour cette femme ?
paille, avec une 3. Dans les deux premières lignes toujours, relevez une antithèse
cornette basse et sa qui confirme votre réponse.
chemise, un docteur 4. Pour quel motif, la Brinvilliers a-t-elle empoisonné ses
auprès d’elle, le victimes ? Relevez l’adverbe qui montre que c’est l’unique motif.
bourreau de l’autre 5. Qu’a vu Mme de Sévigné de l’exécution ?
côté. En vérité, cela 6. Citez deux exemples qui montrent que, malgré toute l’horreur
m’a fait frémir. Ceux que cette histoire inspire, Mme de Sévigné la traite avec humour.
qui ont vu l’exécution
disent qu’elle a monté Jugement et condamnation
sur l’échafaud avec
bien du courage. Pour 7. Quelles sont les différentes étapes de la condamnation de la
moi, j’étais sur le pont Brinvilliers ?
Portrait de la Marquise de Brinvilliers
Notre-Dame avec la 8. À quoi sert la « question » ?
bonne 9. Comment sont rapportées les paroles de la Brinvilliers ?
10
10. Cette méthode vous paraît-elle efficace ?
11. Mme de Sévigné est-elle la seule à être émue par la
condamnation de la Brinvilliers ?
Exercice de réécriture :
Réécrivez le passage ci-dessous en remplaçant « elle » par
« elles ».
11
• Séance 4 •
Qui est Damiens ?
Vocabulaire
13
détachés des cordages des chevaux ont été jetés sur un bûcher à plusieurs endroits par un
préparé dans l’enceinte en ligne droite de l’échafaud, puis le tronc instrument tranchant. Qui est le chevalier de la
Barre ?
et tout ont été ensuite couverts de bûches et de fagots, et le feu mis L’émotion dans la cité
dans la paille mêlée à ce bois. » (La Gazette d’Amsterdam) picarde est immense car, Ce jeune homme de 19 ans
selon l’Église catholique, par vivait chez sa tante à
Abbeville lorsqu’éclate une
ce geste, c’est Dieu, et non
affaire de dégradation d’une
pas seulement une statue, qui statue.
est frappé.
Le chevalier de la Barre Vocabulaire
L’affaire commence par un acte de dégradation. Le 9 août 1765, la Qui a commis ce sacrilège ? 1. C h e r c h e z d a n s u n
statue du Christ s’élevant sur le pont neuf d’Abbeville a été tailladée Les rumeurs vont bon train
dictionnaire ce que
mais, faute de preuve, il faut
signifient les mots
recourir aux interrogations
«sacrilège», «impie» et
pour réparer l’offense. Les
curés incitent même à «libertines».
dénoncer le coupable lors des 2. Quel est le contraire de
messes du dimanche. « irrespectueux » ?
Finalement, l’enquête est 3. Relevez le vocabulaire de
menée par Duval de Soicour, la justice.
lieutenant de police
d’Abbeville, qui s’implique
avec acharnement, n’hésitant
pas à fournir de fausses accusations et de faux témoignages, et par
le lieutenant du tribunal d’élection Belleval, qui est un ennemi
personnel du chevalier de La Barre, depuis que sa tante, l’abbesse
Statue du chevalier de la Barre à Montmartre de Willancourt, a repoussé ses avances.
14
libertines irrespectueuses à l’égard de la religion et d’être passés Voici ce qu’écrit Voltaire au sujet de cette histoire :
devant une procession en juillet 1765 sans enlever leur couvre-chef.
Ils les accusent également d’avoir refusé de s’agenouiller lors du « Lorsque le chevalier de La Barre, petit-fils d’un lieutenant général
passage de cette même des armées, jeune homme de beaucoup d’esprit et d’une grande
procession. Après espérance, mais ayant toute l’étourderie d’une jeunesse effrénée,
dénonciation, une fut convaincu d’avoir chanté des chansons impies, et même d’avoir
perquisition menée au passé devant une procession de capucins sans avoir ôté son
domicile de La Barre chapeau, les juges d’Abbeville, gens comparables aux sénateurs
amène à la découverte romains, ordonnèrent, non seulement qu’on lui arrachât la langue,
de trois livres interdits qu’on lui coupât la main, et qu’on brûlât son corps à petit feu ; mais
(dont le Dictionnaire ils l’appliquèrent encore à la torture pour savoir précisément
philosophique de combien de chansons il avait chantées, et combien de processions il
Voltaire) qui achève de avait vues passer, le chapeau sur la tête.
le discréditer en dépit Ce n’est pas dans le XIIIe ou dans le XIVe siècle que cette aventure
d’un solide alibi. est arrivée ; c’est dans le XVIIIe. »
15
II - Le pluriel des noms composés
Les noms composés
Le dernier élément prend la marque du
I - Qu’est-ce qu’un nom composé ?
pluriel : des portefeuilles, des
NOMS COMPOSÉS
portemanteaux, etc.
Un nom composé est un mot formé de plusieurs éléments. Ainsi, le S’ÉCRIVANT EN UN
Il y a cependant quelques exceptions :
SEUL MOT.
mot « portemonnaie » est composé du verbe « porter » et du nom monsieur s’écrit messieurs, madame s’écrit
« monnaie ». mesdames...
Les deux mots prennent la marque du
De nombreux noms sont ainsi composés d’éléments soudés en pluriel :
NOM + NOM,
un seul mot (portemanteau, portefeuille). Parfois, on oublie que ADJECTIF + NOM
le mot a jadis été composé : gens d’arme s’écrit aujourd’hui • des portes-fenêtres,
(OU NOM +
gendarme ; mon sire (seigneur) s’écrit aujourd’hui monsieur. ADJECTIF),
• des grands-mères, des ronds-points, des
Mais un nom composé peut être formé de plusieurs mots séparés ADJECTIF + coffres-forts,
par un trait d’union (arc-en-ciel, coffre-fort, porte-avion, rez-de- ADJECTIF
• des sourds-muets.
chaussée).
Le nom composé s’écrit parfois sans trait d’union (eau de vie, NOM + Le premier nom prend la marque du pluriel :
hôtel de ville, pomme de terre). COMPLÉMENT DU des chefs-d’œuvre, des chemins de fer, des
NOM pommes de terre, des salles à manger.
En fait, il n’y a pas de règle de composition ni d’orthographe pour Le verbe est invariable. Le nom prend le
les noms composés. Il est alors nécessaire de s’en remettre au pluriel selon le sens. On écrit des chasse-
neige (on chasse la neige), des pare-soleil
dictionnaire.
VERBE + NOM (on pare le soleil), mais des porte-avions (le
bateau porte des avions), des lance-pierres
(on lance des pierres), des pèse-bébés (on
pèse des bébés).
Le mot composé est invariable : des cache-
VERBE + VERBE cache, des laissez-passer, des savoir-faire,
des va-et-vient.
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Exercice 3
Exercices Quelle est la bonne orthographe ?
Exercice 1
Écoutez et écrivez les noms composés dictés.
Question 1 sur 10
Au pluriel, on écrit
Exercice 2
Mettez au pluriel les noms composés.
A. Des ouvre-bouteilles
B. Des ouvres-bouteille
Répondre
17
• Séance 5 •
18
À chaque changement de personnage, on va à la ligne, on met un
alinéa et un tiret.
Enfin, on n’oublie pas d’indiquer qui parle à chaque fois en Comment construire un dialogue ?
mettant une phrase introductive.
Exemple :
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Voici une phrase rapportée directement (aisément b) Transformer les paroles rapportées directement en
identifiable aux guillemets) : paroles rapportées indirectement
Sancho dit : « Ce sont des moulins à vent, et non pas des géants,
que vous allez attaquer ! » Exemple :
La même rapportée indirectement : Elle dit : « Je passe en troisième ! » => Elle dit qu’elle passe en
Sancho dit que c'étaient des moulins à vent, et non pas des géants, troisième.
qu'il allait attaquer.
Exemple :
20
« elle ») et parfois le temps des verbes (on appelle cela la c) lisez demanda le roi ce petit madrigal que l'on m'a donné
concordance des temps).
- s'il est au présent, il se conjugue à l'imparfait, Lisez les deux phrases ci-dessous et répondez aux
- s'il est au passé composé, il se conjugue au plus-que-parfait, questions :
- s'il est au futur, il se conjugue au conditionnel.
Le roi a demandé au maréchal : « Que pensez-vous de ce
Exemple : madrigal ? »
Le roi a demandé au maréchal ce qu’il pensait de ce madrigal.
Il a dit : « Je suis parti »/ « Je pars »/ « Je partirai ». => Il a dit
qu'il était venu/qu'il partait/qu'il partirait a) Quelles différences remarquez-vous entre ces deux phrases ?
b) Laquelle rapporte des paroles directement ? Laquelle rapporte
des paroles indirectement ? À quoi le voyez-vous ?
Exercices sur les paroles rapportées
4. La transformation
1. Rétablissez les majuscules et la ponctuation dans les
phrases ci-dessous. Réécrivez les phrases ci-dessous de façon à obtenir des
paroles rapportées directement.
a) le roi demanda lisez ce petit madrigal que l'on m'a donné
b) lisez ce petit madrigal que l'on m'a donné demanda le roi
21
Le maréchal affirme que le roi juge divinement bien de toutes
choses. Évaluation sur les paroles
Le roi dit qu'on lui apporte toutes sortes de poèmes.
Le roi a prétendu que celui qui avait fait le poème était bien fat. rapportées
Je pense que le roi ne connaît jamais la vérité.
5. Le dialogue
La comtesse de Ségur
Ce petit dialogue a été mal écrit. Réécrivez-le en ajoutant tout ce
qui lui manque (alinéas, tirets, guillemets, retour à la ligne).
Monsieur le Prince alla jusque dans sa chambre et lui dit : Vatel, Réécrivez le dialogue ci-dessous en respectant les règles
tout va bien ; rien n'était si beau que le souper du Roi. (alinéas, guillemets, tirets, retour à la ligne). Attention, la
Monseigneur, lui répondit-il, votre bonté m'achève ; je sais que le première phrase n’appartient pas au dialogue.
rôti a manqué à deux tables. Point du tout, rétorqua Monsieur le
Prince, ne vous fâchez point : tout va bien. Vers le soir, deux hommes entrèrent dans la prairie. Frère, dit le
plus grand des deux, si nous rentrions les bœufs cette nuit ? On dit
qu’il y a des loups dans le bois. Des loups ? Qu’est-ce qui t’a dit
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cette bêtise ? Des gens de Laigle. On raconte que l’âne de la ferme III - Réécrivez les phrases ci-dessous de
des Haies a été emporté et dévoré dans la forêt. Bah ! laisse donc. façon à obtenir des paroles rapportées
Ils sont si méchants, les gens de cette ferme, qu’ils auront fait indirectement (10 points)
mourir leur âne à force de coups. Et pourquoi donc qu’ils diraient
que le loup l’a mangé ? Pour qu’on ne sache pas qu’ils l’ont tué.
a) La cuisinière me demanda à voix basse : « Qu’est-ce qu’il y
Tout de même faudrait mieux rentrer nos bœufs. Fais comme tu
a ? Qu’est-ce que tu as fais ? »
voudras, frère ; je ne tiens ni à oui ni à non.
b) Je répondis : «Je suis puni. Ma cousine est heureuse quand elle
me fait du mal.»
(Mémoires d’un âne de la comtesse de Ségur)
c) Betty me dit : « Sois bon, sois sage ! Je vais te délivrer. »
d) Charles rétorqua : « Sage ! C’est impossible avec ma cousine,
II - Les paroles rapportées directement (5
elle n’est jamais contente ! »
points)
e) Betty demanda : « As-tu d’autres parents ? »
Recopiez les phrases ci-dessous et soulignez les phrases
introductives contenant un verbe de parole. (D’après Un bon petit diable de la comtesse de Ségur)
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• Séance 6 •
Jean-Jacques
Rousseau
(1712-1778)
Jean-Jacques
Rousseau, le À Monsieur le comte de Lastic
commencement d'un
monde À Monsieur le comte de Lastic J’apprends que Mademoiselle de Cléry a envoyé
(Bande-annonce) Paris, le 20 décembre 1754 de Blois un panier à une bonne vieille femme,
nommée madame Le Vasseur, et si pauvre qu’elle
demeure chez moi ; que ce panier contenait,
Sans avoir l’honneur, monsieur, d’être connu de entre autres choses, un pot de vingt livres de
vous, j’espère qu’ayant à vous offrir des excuses beurre ; que le tout est parvenu, je ne sais
et de l’argent, ma lettre ne saurait être mal reçue. comment, dans votre cuisine ; que la bonne
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vieille, l’ayant appris, a eu la simplicité de vous envoyer sa fille, Questions :
avec la lettre d’avis, vous redemander son beurre, ou le prix qu’il a
Une requête
coûté ; et qu’après vous être moqué d’elle, selon l’usage, vous et
madame votre épouse, vous avez, pour toute réponse, ordonné à
1. En ne lisant que les deux premières lignes, dites quelles sont les
vos gens de la chasser.
raisons qui poussent Rousseau à écrire cette lettre ?
J’ai tâché de consoler la bonne femme affligée, en lui expliquant les 2. « J’apprends que Mademoiselle de Cléry a envoyé de Blois un panier
règles du grand monde et de la grande éducation ; je lui ai prouvé à une bonne vieille femme »
que ce ne serait pas la peine d’avoir des gens, s’ils ne servaient à Donnez la nature de la proposition subordonnée. À quoi sert cette
chasser le pauvre quand il vient réclamer son bien ; et, en lui proposition subordonnée ainsi que celles qui suivent ?
montrant combien justice et humanité sont des mots roturiers, je 3. Pourquoi madame Le Vasseur vit-elle chez Rousseau ? Qu’a-t-elle
lui ai fait comprendre, à la fin, qu’elle est trop honorée qu’un comte égaré ? Qu’est-il arrivé à la chose égarée ?
ait mangé son beurre. Elle me charge donc, monsieur, de vous 4. Que devrait alors demander Rousseau dans cette lettre ? Le fait-il ?
témoigner sa reconnaissance de l’honneur que vous lui avez fait,
son regret de l’importunité qu’elle vous a causée, et le désir L’ironie
qu’elle aurait que son beurre vous eût paru bon.
Que si, par hasard, il vous en a coûté quelque chose pour le port du 5. Que signifie l’expression « selon l’usage » ? Est-ce l’usage de se
moquer de quelqu’un ?
paquet à elle adressée, elle offre de vous le rembourser, comme il
6. Donnez d’autres exemples de phrases dans lesquelles Rousseau dit le
est juste. Je n’attends là-dessus que vos ordres pour exécuter ses
contraire de ce qu’il
intentions, et vous supplie d’agréer les sentiments avec lesquels j’ai
pense pour se
l’honneur d’être, etc.
moquer. Dans les pas de Jean-Jacques
7. À qui Rousseau Rousseau
Jean-Jacques Rousseau, Correspondance, lettre 349 s’adresse-t-il ? Genève, l'enfance - épisode 1
Cherchez ce qu’est
un titre de noblesse.
8. La lettre de
Rousseau n’est-elle
qu’une simple lettre
de réclamation ? Que
veut-il démontrer ?
25
• Séance 7 •
L’énonciation
Lisez cette lettre : l'accident de leur maîtresse.
À Madame de Grignan
Ma bonne, quelle espèce de lettre est-ce ici ? Je pense que la
Aux Rochers, mercredi 24e juin 1671
douleur de cette nouvelle m'a tourné la tête. Les réveils de la nuit
ont été noirs et si je suis ce matin sans fièvre et sans douleur, je
Je m'en vais vous narrer la chose la plus affreuse qu'on puisse
suis demeurée couchée. Il est vrai que la nouvelle ne se peut
imaginer, en attendant la réunion des États de Bretagne : Madame
évoquer sans que l'on soit ému...
de Gison a été trouvée morte hier au soir.
Mme de Sévigné
Quel moyen de vous décrire la chose sans partir de tristesse ?
Je fus hier au service du soir et j'avais dessein
ensuite de vous narrer quelque anecdote plaisante
Questions :
lorsque Vaillant me vint trouver et me dit que notre
voisine, dont je vous ai déjà entretenu, est arrivée 1. Qui écrit cette lettre ? Quel pronom personnel
au dernier jour de sa vie. le désigne ?
2. À qui cette lettre s’adresse-t-elle ? Quel
C'est après souper que Monsieur de Gison, que pronom personnel le désigne ?
vous savez fort sanguin, se retira en son cabinet 3. Quand cette lettre a-t-elle été écrite ?
et que Madame entreprit une promenade dans 4. «Madame de Gison a été trouvée morte hier
le parc : elle va seule sur un petit pont, on tire à au soir»
l'aventure un malheureux coup de pistolet, qui la Quand a eu lieu « hier au soir » ?
touche au cœur, son pauvre petit corps reste là 5. « C'est Pilois qui le premier vint à passer là »
pendant deux heures, attendant qu'on la découvre. Quel lieu est désigné par le mot « là » ? Quelle est sa
C'est Pilois qui le premier vint à passer là, il lui porte nature ?
secours mais il ne peut qu'avertir la maisonnée de 6. Quels sont les temps essentiellement utilisés ?
26
La situation de communication comprend donc les
Qu’est-ce que l’énonciation ? éléments suivants :
F = formulation de l'énoncé
I = interprétation de l'énoncé
27
II - Les indices de l'énonciation premières personnes d'un dialogue se construisent en opposition à
une troisième personne. il, c'est non pas celui à qui l'on parle, mais
dont on parle : « Tu sais quand il vient ? »
1. Les pronoms personnels de la première et deuxième
personnes :
2. Les indications de temps et de lieu :
28
3. Lisez la lettre ci-dessous, et répondez aux questions.
Une histoire d’amour en
Provence À Madame de Grignan
À Paris, mercredi 1er avril 1671.
29
• Dictée •
L'archevêque de Reims
Les mots suivants vous sont donnés : Conseils pour mieux réussir votre dictée :
L'archevêque de Reims 1. Relisez-vous très attentivement en vous posant un certain nombre
Saint-Germain de questions de grammaire.
Nanterre
tra tra tra 2. Ces questions peuvent concerner les homophones grammaticaux
laquais (faut-il écrire « ses » ou « ces » ? « et » ou « est » ?...).
cocher
3. Vous pouvez aussi vous demander si vous avez bien accordé le sujet
et son verbe. Si le premier est au pluriel, le second aussi (qui se
relève miraculeusement ?) !
1. Écoutez simplement le texte :
Wikipédia
J'en perds mon français
Louvre-passion La boîte
Le Figaro
1 2 3 4 5 6
32
Rédaction Pour réussir votre rédaction :
En vous inspirant du tableau de Jean Raoux «La liseuse», imaginez le Soignez l’orthographe. Vérifiez le vocabulaire dans un dictionnaire,
contenu de la lettre lue par la jeune fille. Pour cela, il faut prendre en vérifiez la conjugaison dans un Bescherelle, etc.
compte les objets figurant sur le tableau et qui peuvent fournir des Évitez les répétitions.
indices pour imaginer ce que dit la lettre. Vérifiez que votre texte est bien une lettre et que vous avez bien
précisé le cadre spatiotemporel. Nommez le destinataire. Faites que le
Vous devez donc rédiger une lettre dans laquelle vous inclurez un bref destinateur apparaisse en fin de lettre. Le temps essentiellement
dialogue. utilisé doit être le présent de l’indicatif.
Pensez à inscrire votre lettre dans une époque (utilisez par exemple le
Barème : vocabulaire étudié).
Composez votre texte en faisant au moins deux paragraphes.
copie propre (non déchirée et correctement présentée) : 1 point Construisez votre dialogue (il ne doit pas être trop long) en respectant
l’écriture est appliquée, bien formée, sans ratures : 1 point toutes les règles.
la ponctuation est respectée (il y a des points à la fin des phrases, les Faites des hypothèses :
virgules sont utilisées pour séparer certains constituants de la phrase) : 2
points
Pour bâtir votre rédaction, en vous appuyant sur le tableau de Jean
le texte est une lettre comprenant le cadre spatiotemporel, le destinataire et
Raoux, vous devez prendre le temps de réfléchir à ce que vous voyez.
le destinateur : 2 points
Vous pouvez, entre autres, vous poser les questions suivantes :
le texte est composé de paragraphes signalés par un alinéa : 2 points
la lettre contient un bref dialogue composé selon les règles étudiées : 2
Que lit le personnage ?
points
L’orthographe est correcte : 3 points Pourquoi sourit-il ?
Que contient la lettre ?
la lettre s’inscrit dans une époque (le XVIIe ou le XVIIIe). Le vocabulaire Cette lettre est-elle bien adressée au personnage qui lit la lettre ?
étudié est donc utilisé, des recherches ont été faites : 2 points À quoi servent les objets sur le tableau ?
la lettre prend appui sur les éléments du tableau et développe une Comment est habillé le personnage ? Qui est-ce ?
hypothèse cohérente : 3 points Quels éléments du tableau sont mis en valeur par la lumière
la rédaction est bien écrite (le vocabulaire est recherché, soutenu) et (l’éclairage) ?
intéressante, les phrases bien construites, etc. : 2 points Qu'est-ce qu'une «liseuse» ? Est-ce la même chose qu'une «lectrice» ?
33
• Séance 9 •
Montesquieu
(1689-1755)
34
mon ouvrage, comme celui de leurs ouvriers, et, avant que tu mauvais plaisants, les filles se trouvent autrement faites que leurs
eusses reçu ma lettre, tout serait changé. mères.
Une femme qui quitte Paris pour aller passer six mois à la Il en est des manières et de la façon de vivre comme des modes : les
campagne en revient aussi antique que si elle s’y était oubliée trente Français changent de mœurs selon l’âge de leur roi. Le monarque
ans. Le fils méconnaît le portrait de sa mère, tant l’habit avec lequel pourrait même parvenir à rendre la nation grave, s’il l’avait
elle est peinte lui paraît étranger ; il s’imagine que c’est quelque entrepris. Le Prince imprime le caractère de son esprit à la Cour ; la
Américaine qui y est représentée, ou que le peintre a voulu Cour, à la Ville ; la Ville, aux provinces. L’âme du souverain est un
exprimer quelqu’une de ses fantaisies. moule qui donne la forme à toutes les autres.
Quelquefois, les coiffures montent insensiblement, et une
révolution les fait descendre tout à coup. Il a été un temps que leur De Paris, le 8 de la lune de Saphar, 1717.
hauteur immense mettait le visage d’une femme au milieu d’elle- (Lettre 99)
même. Dans un autre, c’étaient les pieds qui
occupaient cette place : les talons faisaient un
piédestal qui les tenait en l’air. Qui pourrait le
croire ? Les architectes ont été souvent obligés
de hausser, de baisser et d’élargir leurs
portes, selon que les parures des femmes Questions :
exigeaient d’eux ce changement, et les règles de
I — Une lettre
leur art ont été asservies à ces caprices. On voit
quelquefois sur un visage une
1. Citez avec précision les indices qui montrent que ce texte est une
quantité prodigieuse de
lettre.
mouches, et elles disparaissent
toutes le lendemain. 2. Une correspondance est un échange épistolaire.
Autrefois, les femmes Quelle est l’origine latine du mot souligné ? Que signifie-t-il ? Quel
avaient de la taille et des mot a-t-il donné en français ?
dents ; aujourd’hui, il n’en 3. « avant que tu eusses reçu ma lettre » (ligne 7).
est pas question. Dans Quel est le verbe dans cette proposition subordonnée ? Quel est son
cette changeante nation, mode ? Quel est son temps ? Conjuguez-le.
quoi qu’en disent les
35
II — La mode Exercice de réécriture :
Réécrivez le passage ci-dessous en remplaçant « une » par « des ».
4. « Je trouve les caprices de la mode, chez les Français,
étonnants. »
Une femme qui quitte Paris pour aller passer six mois à la
Quelle est la classe grammaticale du mot « je » ? Qui désigne-t-il ?
campagne en revient aussi antique que si elle s’y était oubliée
5. Dès le premier paragraphe, relevez deux mots qui s’opposent.
trente ans.
Trouvez une autre opposition dans le reste du texte.
6. Relevez une exagération.
7. Que cherche à faire l’auteur à travers ces oppositions et
exagérations ?
Maisons d’écrivains
36
Exercice : Rédaction 1 :
Relevez, dans chaque phrase ci-dessous, les exagérations et les Rédigez une lettre dans laquelle vous vous moquerez de la mode
oppositions. actuelle.
Le ciel est dans ses yeux, l’enfer est dans son cœur. (Henriade, Comme Montesquieu, faites preuve d’ironie, et utilisez des
Voltaire) oppositions et des
Pendant trois mois, trois mois dont chaque jour durait un siècle ! exagérations. Composez votre lettre
l’Abraham Lincoln sillonna toutes les mers septentrionales du Suivez les règles de l’écriture
Pacifique [...]. (Vingt mille lieues sous les mers, Jules Verne) épistolaire (cadre L’écriture d’une lettre est
Elle est le mystère et la clarté, la grande énigme et la grande spatiotemporel, présence d’un codifiée. Biens sûr, vous devez
explication... (L'Île aux trente cercueils, Maurice Leblanc) destinataire, etc.). mentionner le cadre
Elle-même commençait presque à oublier, et à mesure que les spatiotemporel ainsi que le
abîmes du passé se perdaient dans l’ombre, les sommets de destinataire (Cher monsieur,
l’avenir se coloraient d’un jour nouveau. (Pauline, Alexandre Rédaction 2 : chère amie...) et le
Dumas) destinateur (en principe,
En vous appuyant sur les
L’intérieur de sa poitrine eût été inondé de plomb fondu qu’il eût vous-même).
différentes lettres que vous avez
moins souffert. (Le Rouge
lues, et même en trouvant
et le Noir, Stendhal) Mais la composition de la lettre
d’autres exemples, répondez à
Il récite des historiettes Itinéraire de doit également contenir les
cette question : pourquoi écrit-
qui y sont arrivés ; il les Montesquieu parties suivantes :
on une lettre ?
trouve plaisantes, et il en
rit le premier jusqu’à en Un paragraphe
Pour chaque raison donnée,
éclater (Arrias, La d’introduction (ce peut
faites un paragraphe dans lequel
Bruyère) être quelques formules de
vous expliquez pourquoi on
écrit une lettre. Appuyez-vous sur des exemples précis de lettres
étudiées ou trouvées sur ce site.
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La partie principale
37
• Séance 10 •
Les adverbes
I - D’où vient l’adverbe ? L’adverbe peut même modifier un autre adverbe :
En français, l’adverbe est un mot qui est né du désir d’abréger son Ce livre est vraiment très intéressant.
propos (c’est-à-dire de moins parler, d’utiliser moins de mots). On
pourrait en effet utiliser, par exemple, une préposition (avec) et un Un adverbe peut modifier toute la phrase. Pour vous en
nom (sagesse), mais un adverbe permet de dire la même chose en convaincre, comparez ces deux phrases. Dans la première,
un seul mot (sagement). De très nombreux adverbes sont le l’adverbe modifie le verbe, dans la deuxième, l’adverbe modifie la
résultat de cette volonté d’abréger : naguère vient de n’a guère (Il phrase :
n’y a guère de temps) ; longtemps vient de long temps (Il y a un
long temps). Elle a parlé naturellement.
Naturellement, elle a parlé.
II - Comment s’emploie l’adverbe ?
III - Comment reconnaître un adverbe ?
Parce qu’il se joint généralement au verbe pour en modifier le sens,
on appelle ces mots adverbes. La classe des adverbes est une classe très vaste. On y range tous les
mots ou expressions invariables qui ne sont ni des prépositions (à,
Il parle sincèrement. de, par, pour, sur… ) ni des conjonctions (mais, ou, et, donc… que,
parce que, alors que…) ni des interjections (eh ! oh ! hélas !, etc.).
L’adverbe est le mot «qui se joint au verbe» L’adverbe est donc au
verbe ce que l’adjectif est au nom. C’est du moins ce qui explique Pour identifier un adverbe, on peut utiliser le test de substitution.
l’origine du mot adverbe. Cependant, l’adverbe n’est pas seulement Prenons une phrase dans laquelle nous savons que naturellement
utilisé pour modifier un verbe, il peut aussi modifier un adjectif : est un adverbe :
38
Là où nous avons un adverbe, nous n’aurons rien d’autre qu’un
adverbe : Exercices
Elle parle trop ; Elle parle beaucoup ; Elle parle fort ; Elle parle
1. Trouvez les adverbes
énormément ; Elle parle peu ; Elle parle peu à peu ; Elle parle
dans les phrases.
bien ; Elle parle à merveille…
39
gaiement ou gaîment. Les deux sont possibles.
Les adverbes de manière en aveuglément, confusément, passionnément, précisément… Ces
adverbes s’écrivent avec un -é à la place du -e final de l’adjectif.
-ment
III - «-emment» ou «-amment» ?
I - Formation de l’adverbe de manière
Pour finir, précisons une règle indispensable et très utile.
Ils s’obtiennent généralement en ajoutant le suffixe -ment à un Les adjectifs en -ent donnent des adverbes en -emment (différent/
adjectif qualificatif féminin. différemment, prudent/prudemment…) ; les adjectifs en -ant
donnent des adverbes en -ant (courant/couramment, savant/
Ainsi l’adjectif doux, au féminin douce, aura pour équivalent savamment…)
adverbial doucement (c’est-à-dire douce plus le suffixe -ment).
On peut multiplier les exemples : gracieuse/gracieusement,
franche/franchement, lente/lentement, etc. Exercices
II - Quelques exceptions
1. Retrouvez les adverbes
À cette règle vient s’ajouter tout une série d’exceptions, formés d'après les adjectifs
d’irrégularités. Disons cependant que l’orthographe de certains qualificatifs.
adverbes de manière diffère quelque peu de la règle exprimée ci-
dessus.
En effet, on écrit :
gentiment et non gentillement, qui s’écrivait probablement ainsi
il y a plus de huit siècles.
joliment qui, lui aussi, a perdu son e il y a fort longtemps.
Dûment, goulûment ont également perdu leur e mais ont gagné
un accent circonflexe. Cependant on écrit éperdument, Touchez pour faire l’exercice
résolument, ingénument, etc. sans accent.
40
2. Les adverbes en - 4. Tous les adverbes en -
emment ou -amment ment, -emment, etc.
41
• Évaluation finale •
Lettres de la
religieuse
portugaise
42
n’attendrais pas en Portugal l’effet de vos promesses : j’irais, sans 8. Quel temps est essentiellement utilisé ? Donnez trois exemples.
garder aucune mesure, vous chercher, vous suivre, et vous aimer (2 points)
par tout le monde : je n’ose me flatter que cela puisse être, je ne
veux point nourrir une espérance, qui me donnerait assurément
quelque plaisir, et je ne veux plus être sensible qu’aux douleurs. III - Le discours amoureux (8 points)
43
Chapitre II
JEANNOT ET COLIN
Objectifs :
45
• Séance 1 •
Jeannot et Colin
d e Vo l t a i r e
46
abaisse les hommes à son gré, les présenta à la femme d'un 4. Que sait-on d’autre sur
entrepreneur des hôpitaux des armées, homme d'un grand talent, les personnages
et qui pouvait se vanter d'avoir tué plus de soldats en un an que le principaux ? Avons-nous
canon n'en fait périr en dix. Jeannot plut à madame ; la femme de beaucoup d’informations
Jeannot plut à monsieur. Jeannot fut bientôt de part dans sur leur caractère, leur
l'entreprise ; il entra dans d'autres affaires. description, etc. ?
Dès qu'on est dans le fil de l'eau, il n'y a qu'à se laisser aller ; on fait
sans peine une fortune immense. Les gredins, qui du rivage vous Les étapes du conte
regardent voguer à pleines voiles, ouvrent des yeux étonnés ; ils ne
savent comment vous avez pu parvenir ; ils vous envient au hasard, 5. Comment appelle-t-
et font contre vous des brochures que vous ne lisez point. C'est ce on, dans un conte, cette
qui arriva à Jeannot le père, qui fut bientôt monsieur de La première partie dans
Jeannotière, et qui ayant acheté un marquisat au bout de six laquelle tout se passe
mois, retira de l'école monsieur le marquis son fils, pour le mettre à bien ? Est-ce, ici,
Paris dans le beau monde. vraiment le cas ?
Colin, toujours tendre, écrivit une lettre de compliments à son 6. Quel événement met
ancien camarade ; et lui fit ces lignes pour le congratuler. Le petit fin à l’amitié des deux
marquis ne lui fit point de réponse : Colin en fut malade de protagonistes ? Relevez
douleur. la phrase qui annonce cet
élément perturbateur.
7. Comment se comporte
Questions : alors Jeannot ? Donnez
un ou deux adjectifs
Les personnages et leur époque
permettant de qualifier
son comportement. La roue de la fortune d’Edward
1. À quelle époque cette histoire se passe-t-elle ? Relevez quelques Burne-Jones
8. Cherchez dans le
termes qui vous ont permis de répondre.
dictionnaire ce que
2. Quels sont les deux personnages principaux ?
signifie être « anobli ».
3. Quel métier exerce leur père ?
47
La fortune Qu’est-ce que la noblesse ?
Exercice de réécriture :
Réécrivez la phrase ci-dessous en remplaçant le passé simple par le
passé composé.
L’organisation de la société en trois ordres
48
jeu de dé puis le hasard. En somme, la déesse Fortune représente le
La fortune sort, le destin, ce que nous appelons aujourd’hui le hasard, mais le
hasard heureux ou malheureux. Ainsi quand on parle des fortunes
Si l’on emploie le mot dans son sens actuel, on commet une erreur. de mer, on entend par là
Aujourd’hui le mot est synonyme de richesse. Il désigne un tous les risques dus au
ensemble de biens possédés par un individu ou un groupe hasard qu’un navire peut
d’individus. avoir à supporter. Une autre
expression montre que la
Or, dans « Jeannot et Colin », ce n’est pas du tout dans ce sens que fortune n’est pas toujours
le mot est utilisé. favorable, c’est Faire contre
mauvaise fortune bon cœur
Pour s’en rendre compte, un exemple provenant d’Antigone nous (Montrer du courage même
sera utile : quand il vous arrive
malheur, l'accepter, se
« On voit tous les jours la Fortune précipiter les heureux, relever résigner).
les misérables, et son inconstance déjoue les plus sûres
prévisions ». Ainsi le sens moderne de
fortune est un sens restreint.
Il faut, pour commencer, remarquer l’emploi de la majuscule. Ici, S’il est plutôt synonyme de
Fortune est un nom propre. C’est la déesse distribuant le bonheur bonheur aujourd’hui, il
ou le malheur selon son bon vouloir, sans règle apparente. Elle est pouvait tout aussi bien
représentée comme une femme tenant une roue (la roue de la désigner le malheur
fortune…) qui tantôt vous propulse au sommet (c’est le bonheur) autrefois. La fortune d’Hans Sebald Beham
tantôt vous écrase (c’est évidemment le malheur).
Les peintres la représentent aussi avec une sphère tournant
aléatoirement.
49
Quand il lui plaît, Fortune fait avoir
50
• Récitation •
La Bastille
La Bastille
51
• Séance 2 •
Jeannot et Colin
d e Vo l t a i r e
1. P r e m i e r e x t r a i t :
Jeannot anobli
2. Deuxième extrait :
L’éducation du petit
marquis
3. Troisième extrait :
Splendeur et misère
du marquis
4. Quatrième extrait : Le
Germe du bon naturel
52
hommes ; leurs lettres sont écrites avec cent fois plus de grâce ; Madame fut entièrement de l'avis du gouverneur. Le petit marquis
elles n'ont sur nous cette supériorité que parce qu'elles ne savent était au comble de la joie ; le père était très indécis. « Que faudra-t-
pas le latin. il donc apprendre à mon fils ? disait-il. - À être aimable, répondit
l'ami que l'on consultait ; et s'il sait les moyens de plaire, il saura
- Eh bien ! n'avais-je pas raison ? dit madame. Je veux que mon fils tout : c'est un art qu'il apprendra chez madame sa mère, sans que
soit un homme d'esprit, qu'il réussisse dans le monde ; et vous ni l'un ni l'autre se donnent la moindre peine. »
voyez bien que, s'il savait le latin, il serait perdu. Joue-t-on, s'il
vous plaît, la comédie et l'opéra en latin ? Plaide-t-on en latin Madame, à ce discours, embrassa le gracieux ignorant, et lui dit :
quand on a un procès ? Fait-on l'amour en latin ? » Monsieur, «On voit bien, monsieur, que vous êtes l'homme du monde le plus
ébloui de ces raisons, passa condamnation, et il fut conclu que le savant ; mon fils vous devra toute son éducation : je m'imagine
jeune marquis ne perdrait point son temps à connaître Cicéron, pourtant qu'il ne serait pas mal qu'il sût un peu d'histoire. - Hélas !
Horace, et Virgile. Mais qu'apprendra-t-il donc ? car encore faut-il madame, à quoi cela est-il bon ? répondit-il ; il n'y a certainement
qu'il sache quelque chose ; ne pourrait-on pas lui montrer un peu d'agréable et d'utile que l'histoire du jour. Toutes les histoires
de géographie ? «À quoi cela lui servira-t-il ? répondit le anciennes, comme le disait un de nos beaux esprits, ne sont que des
gouverneur. Quand monsieur le marquis ira dans ses terres les fables convenues ; et pour les modernes, c'est un chaos qu'on ne
postillons ne sauront-ils pas les chemins ? ils ne l'égareront peut débrouiller. Qu'importe à monsieur votre fils que
certainement pas. On n'a pas besoin d'un quart de cercle pour Charlemagne ait institué les douze pairs de France, et que son
voyager, et on va très commodément de Paris en Auvergne, sans successeur ait été bègue ?
qu'il soit besoin de savoir sous quelle latitude on se trouve.
- Rien n'est mieux dit ! s'écria le gouverneur : on étouffe l'esprit des
- Vous avez raison, répliqua le père ; mais j'ai entendu parler d'une enfants sous un amas de connaissances inutiles ; mais de toutes les
belle science qu'on appelle, je crois, l'astronomie. - Quelle pitié ! sciences la plus absurde, à mon avis, et celle qui est la plus capable
repartit le gouverneur ; se conduit-on par les astres dans ce d'étouffer toute espèce de génie, c'est la géométrie. Cette science
monde ? et faudra-t-il que monsieur le marquis se tue à calculer ridicule a pour objet des surfaces, des lignes, et des points, qui
une éclipse, quand il la trouve à point nommé dans l'almanach, qui n'existent pas dans la nature. On fait passer en esprit cent mille
lui enseigne de plus les fêtes mobiles, l'âge de la lune, et celui de lignes courbes entre un cercle et une ligne droite qui le touche,
toutes les princesses de l'Europe ? » quoique dans la réalité on n'y puisse pas passer un fétu. La
géométrie, en vérité, n'est qu'une mauvaise plaisanterie. »
53
Monsieur et madame n'entendaient pas trop ce que le gouverneur que lui apprendra-t-on ? Car il est bon qu'un jeune seigneur puisse
voulait dire ; mais ils furent entièrement de son avis. briller dans l'occasion, comme dit monsieur mon mari. Je me
souviens d'avoir ouï dire à un abbé que la plus agréable des
« Un seigneur comme monsieur le marquis, continua-t-il, ne doit sciences était une chose dont j'ai oublié le nom, mais qui
pas se dessécher le cerveau dans ces vaines études. Si un jour il a commence par un B. - Par un B, madame ? ne serait-ce point la
besoin d'un géomètre sublime pour lever le plan de ses terres, il les botanique ? - Non, ce n'était point de botanique qu'il me parlait ;
fera arpenter pour son argent. S'il veut débrouiller l'antiquité de elle commençait, vous dis-je, par un B, et finissait par un on. - Ah!
sa noblesse, qui remonte aux temps les plus reculés, il enverra j'entends, madame ; c'est le blason : c'est, à la vérité, une science
chercher un bénédictin. Il en est de même de tous les arts. Un fort profonde ; mais elle n'est plus à la mode depuis qu'on a perdu
jeune seigneur heureusement né n'est ni peintre, ni musicien, ni l'habitude de faire peindre ses armes aux portières de son carrosse ;
architecte, ni sculpteur ; mais il fait fleurir tous ces arts en les c'était la chose du monde la plus utile dans un État bien policé.
encourageant par sa magnificence. Il vaut sans doute mieux les D'ailleurs, cette étude serait infinie : il n'y a point aujourd'hui de
protéger que de les exercer ; il suffit que monsieur le marquis ait du barbier qui n'ait ses armoiries ; et vous savez que tout ce qui
goût ; c'est aux artistes à travailler pour lui ; et c'est en quoi on a devient commun est peu fêté. » Enfin, après avoir examiné le fort et
très grande raison de dire que les gens de qualité (j'entends ceux le faible des sciences, il fut décidé que monsieur le marquis
qui sont très riches) savent tout sans avoir rien appris, parce qu'en apprendrait à danser.
effet ils savent à la longue juger de toutes les choses qu'ils
commandent et qu'ils payent. »
L'aimable ignorant prit alors la parole, et dit : « Vous avez très bien
remarqué, madame, que la grande fin de l'homme est de réussir
dans la société. De bonne foi, est-ce par les sciences qu'on obtient
ce succès ? S'est-on jamais avisé dans la bonne compagnie de parler
de géométrie ? Demande-t-on jamais à un honnête homme quel
astre se lève aujourd'hui avec le soleil ? S'informe-t-on à souper si
Clodion le Chevelu passa le Rhin ? - Non, sans doute, s'écria la
marquise de La Jeannotière, que ses charmes avaient initiée
quelquefois dans le beau monde ; et monsieur mon fils ne doit
point éteindre son génie par l'étude de tous ces fatras, mais enfin
54
Questions : 7. Qui dans la société du XVIIIe siècle peut se passer d’apprendre
quoi que ce soit ? Quels termes, dans le texte, les désignent ?
Un dîner
L’ironie voltairienne
1. Qui le père et la mère de Jeannot invitent-ils à dîner ? Pour
quelle raison précisément ?
8. Pourquoi est-il inutile d’apprendre le latin ? Les raisons données
2. Relevez les deux propositions subordonnées qui décrivent le
vous paraissent-elles convaincantes ? Pourquoi ?
gouverneur. Que penser d’un tel personnage ?
9. Quels termes désignant l’auteur invité à dîner montrent que
3. Quels personnages posent les questions ? Pour quelle raison ?
Voltaire se moque de lui ?
Qui y répond ?
10 Comment appelle-t-on un écrit qui s’attaque à quelqu’un ou
4. Comment sont rapportées les paroles des personnages ?
quelque chose en s’en moquant ?
Pourquoi ?
Exercice de réécriture :
Qu’apprendre ?
Réécrivez la phrase ci-dessous en rapportant les paroles
5. Quelles sont les différentes matières dont parlent les indirectement :
personnages lors du repas ?
Laquelle devra apprendre Jeannot ? Madame, à ce discours, embrassa le gracieux ignorant, et lui dit :
6. Faites un tableau en deux parties. Dans la première, placez les « On voit bien, monsieur, que vous êtes l'homme du monde le plus
différents savoirs évoqués. Dans la seconde, placez les arguments savant ».
contre leur apprentissage.
55
Rédaction : Vocabulaire :
Comme l’auteur invité par les parents de Jeannot, vous pensez qu’il Dans les extraits 1 (Jeannot anobli) et 2 (L’éducation du petit
ne faut rien apprendre. marquis), vous avez rencontré les mots suivants :
Vous défendrez l’idée que la lecture ne sert à rien en utilisant des • Privauté
arguments contre la lecture. • Agrément
Vos arguments seront aussi ridicules que ceux de l’auteur (lire • Postillon
abîme les yeux, etc.). • Chaise
• Pompe
• Fortune
• Marquisat
• Arpenter
• Bénédictin
• Fatras
• Policer
• Armoiries
3. Vous pouvez aussi vous demander si vous avez bien accordé les
2. Écrivez maintenant le texte dicté : sujets et leurs verbes (qu’est-ce qui «couvre» ? Qu’est-ce qui est
« public » ?).
Mais, le charme de l’ironie tient au fait qu’on ne sait pas toujours si 2. La litote
le locuteur est ironique ou ne l’est pas. Parfois on ne sait pas. Le
titre d’un texte peut être ironique... ou pas ! Il faut lire le texte pour Ce qui fait que l’énumération relève de l’ironie est qu’elle s’achève
le savoir (Pensez, par exemple, au titre du texte de Pierre ici sur une litote. Le père, « après avoir payé la taille, le taillon, les
Desproges « Les enfants sont des cons » dans son Manuel de aides et gabelles, le sou pour livre, la capitation et les vingtièmes,
savoir-vivre à l’usage des rustres et des malpolis). ne se trouvait pas puissamment riche au bout de l'année ». La
58
litote est l’art de paraître affaiblir par l’expression une pensée qu’on puisque l’ignorant en question ne saurait être « aimable » ou même
veut laisser dans toute sa force. On dit moins qu’on ne pense, mais « gracieux ». Ces adjectifs s’opposent au nom « ignorant ».
on sait qu’on sait qu’on ne sera pas pris à la lettre. Voltaire souligne
donc, par cette litote, que le laboureur est pauvre (il n’est pas 5. L’antiphrase jointe à l’hyperbole
puissamment riche). Précisément, il est rendu pauvre par les
impôts énumérés. « un entrepreneur des hôpitaux des armées, homme d'un grand
talent, et qui pouvait se vanter d'avoir tué plus de soldats en un an
3. Le paradoxe que le canon n'en fait périr en dix »
Le paradoxe est une affirmation qui choque l’idée habituelle que Nous l’avons dit au début de ce cours. La figure d’élection de
l’on se fait de quelque chose. Elle exprime le contraire de ce que l’ironie est l’antiphrase : on dit le contraire de ce que l’on pense.
l’on pense couramment. Dans l’exemple ci-dessus, l’entrepreneur des hôpitaux est tout sauf
Voltaire explique que les femmes tireraient leur supériorité de un «homme d’un grand talent». En fait, il est même le contraire ;
l’ignorance du latin. C’est paradoxal : on n’est pas supérieur parce ou alors son talent consiste à tuer, et non pas à soigner. En ce cas,
que l’on ignore quelque chose. On l’est, en principe, parce que l’on le mot « talent » peut être pris à la lettre, mais dans un sens
sait quelque chose. Autre paradoxe : « les gens de qualité (j'entends différent de celui auquel on aurait pensé naturellement.
ceux qui sont très riches) savent tout sans avoir rien appris ». On L’ironie est à son comble dans la proposition subordonnée relative
ne peut tout savoir sans avoir rien appris. « qui pouvait se vanter d'avoir tué plus de soldats en un an que le
canon n'en fait périr en dix ». Elle contient une hyperbole, laquelle
4. L’oxymore est une exagération construite elle-même sur une opposition (« un
an » et « dix »).
Plusieurs moyens existent pour désigner un personnage. On peut
utiliser les substituts pronominaux (« il », « celui-ci », etc.) ou des Le conte s’ouvre d’ailleurs sur une antiphrase à la fois hyperbole
groupes nominaux comme « L'aimable ignorant », « le gracieux lorsque le narrateur parle de la ville d’Issoire « fameuse dans tout
ignorant » qui tous deux désignent le gouverneur de Jeannot. On l’univers ».
parle alors de substituts lexicaux.
On remarquera que ces substituts lexicaux sont oxymoriques. En
effet, ils contiennent un oxymore. Cette figure de style consiste à
allier deux mots de sens opposé. C’est le cas dans notre texte
59
Exercices sur les figures de style
Question 1 sur 10
Le taudis où son regard plongeait en ce moment était abject, sale, fétide, infect,
ténébreux, sordide (Les Misérables de Victor Hugo)
A. Énumération
B. Paradoxe
C. Oxymore
D. Litote
E. Antiphrase
Répondre
60
• Séance 4 •
Jeannot et Colin
d e Vo l t a i r e
1. P r e m i e r e x t r a i t :
Jeannot anobli
2. Deuxième extrait :
L’éducation du petit
marquis
3. Troisième extrait :
Splendeur et misère du
marquis
4. Quatrième extrait : Le
germe du bon naturel
Le verrou de Jean-Honoré Fragonard
61
dans L'Année littéraire au rang des La Fare, des Chaulieu, des Il était, un matin, aux genoux de la charmante épouse que l'amour,
Hamilton, des Sarrasin et des Voiture. l'estime, et l'amitié, allaient lui donner ; ils goûtaient, dans une
conversation tendre et animée, les prémices de leur bonheur ; ils
Madame la marquise crut alors être la mère d'un bel esprit, et s'arrangeaient pour mener une vie délicieuse, lorsqu'un valet de
donna à souper aux beaux esprits de Paris. La tête du jeune homme chambre de madame la mère arrive tout effaré. « Voici bien
fut bientôt renversée ; il acquit l'art de parler sans s'entendre, et se d'autres nouvelles, dit-il ; des huissiers déménagent la maison de
perfectionna dans l'habitude de n'être propre à rien. Quand son monsieur et de madame ; tout est saisi par des créanciers ; on
père le vit si éloquent, il regretta vivement de ne lui avoir pas fait parle de prise de corps, et je vais faire mes diligences pour être
apprendre le latin, car il lui aurait acheté une grande charge dans la payé de mes gages. - Voyons un peu, dit le marquis, que c'est que
robe. La mère, qui avait des sentiments plus nobles, se chargea de ça, ce que c'est que cette aventure-là. - Oui, dit la veuve, allez punir
solliciter un régiment pour son fils ; et en attendant il fit l'amour. ces coquins-là, allez vite. » Il y court, il arrive à la maison ; son père
L'amour est quelquefois plus cher qu'un régiment. Il dépensa était déjà emprisonné : tous les domestiques avaient fui chacun de
beaucoup, pendant que ses parents s'épuisaient encore davantage à leur côté, en emportant tout ce qu'ils avaient pu. Sa mère était
vivre en grands seigneurs. seule, sans secours, sans consolation, noyée dans les larmes ; il ne
lui restait rien que le souvenir de sa fortune, de sa beauté, de ses
Une jeune veuve de qualité, leur voisine, qui n'avait qu'une fortune fautes et de ses folles dépenses.
médiocre, voulut bien se résoudre à mettre en sûreté les grands
biens de monsieur et de madame de La Jeannotière, en se les Après que le fils eut longtemps pleuré avec la mère, il lui dit enfin :
appropriant, et en épousant le jeune marquis. Elle l'attira chez elle, « Ne nous désespérons pas ; cette jeune veuve m'aime
se laissa aimer, lui fit entrevoir qu'il ne lui était pas indifférent, le éperdument ; elle est plus généreuse encore que riche, je réponds
conduisit par degrés, l'enchanta, le subjugua sans peine. Elle lui d'elle ; je vole à elle, et je vais vous l'amener. » Il retourne donc
donnait tantôt des éloges, tantôt des conseils ; elle devint la chez sa maîtresse, il la trouve tête à tête avec un jeune officier fort
meilleure amie du père et de la mère. Une vieille voisine proposa le aimable. « Quoi ! c'est vous, monsieur de La Jeannotière ; que
mariage ; les parents, éblouis de la splendeur de cette alliance, venez-vous faire ici ? abandonne-t-on ainsi sa mère ? Allez chez
acceptèrent avec joie la proposition : ils donnèrent leur fils unique cette pauvre femme, et dites-lui que je lui veux toujours du bien :
à leur amie intime. Le jeune marquis allait épouser une femme qu'il j'ai besoin d'une femme de chambre, et je lui donnerai la
adorait et dont il était aimé ; les amis de la maison les félicitaient ; préférence. - Mon garçon, tu me parais assez bien tourné, lui dit
on allait rédiger les articles, en travaillant aux habits de noce et à l'officier ; si tu veux entrer dans ma compagnie je te donnerai un
l'épithalame. bon engagement. »
62
Le marquis stupéfait, la rage dans le cœur, alla chercher son ancien Questions :
gouverneur, déposa ses douleurs dans son sein, et lui demanda des
Splendeur
conseils. Celui-ci lui proposa de se faire, comme lui, gouverneur
d'enfants. « Hélas ! je ne sais rien, vous ne m'avez rien appris, et
1. À quoi Jeannot doit-il son « succès prodigieux » ? A-t-il
vous êtes la première cause de mon malheur » ; et il sanglotait en
véritablement du « talent » comme dit l’auteur ?
lui parlant ainsi. « Faites des romans, lui dit un bel esprit qui était
2. Quel don possède-t-il cependant à la perfection ?
là ; c'est une excellente ressource à Paris. »
3. La jeune veuve aime-t-elle sincèrement Jeannot ? Justifiez votre
réponse en citant les paragraphes 3 et 4.
Le jeune homme, plus désespéré que jamais, courut chez le
confesseur de sa mère : c'était un théatin très accrédité, qui ne
Et misère
dirigeait que les femmes de la première considération ; dès qu'il le
vit, il se précipita vers lui. « Eh! mon Dieu ! monsieur le marquis,
4. Qu’est-ce qui provoque la ruine de la famille de Jeannot ?
où est votre carrosse ? comment se porte la respectable madame la
Relevez les termes qui le montrent.
marquise votre mère ? » Le pauvre malheureux lui conta le
5. Sur qui Jeannot compte-t-il pour surmonter ses difficultés ?
désastre de sa famille. À mesure qu'il s'expliquait, le théatin prenait
Trouve-t-il de l’aide ? Pourquoi ?
un mine plus grave, plus indifférente, plus imposante : « Mon fils,
6. Quelle leçon peut-il tirer de ses mésaventures ?
voilà où Dieu vous voulait ; les richesses ne servent qu'à corrompre
7. Quelles phrases du conte pourraient servir de moralité ?
le cœur ; Dieu a donc fait la grâce à votre mère de la réduire à la
mendicité ? - Oui monsieur. - Tant mieux, elle est sûre de son salut.
- Mais, mon père, en attendant, n'y aurait-il pas moyen d'obtenir
quelque secours dans ce monde ? - Adieu, mon fils ; il y a une dame
de la cour qui m'attend. »
63
Le vocabulaire du plaisir et de la 3. Écrivez un court texte exprimant la souffrance (que procure une
chose, une situation, une personne…) en utilisant au moins trois
Le plaisir
La souffrance
64
• Séance 5 •
Étonnante ville !
Ensuite on vint poser un mort dans cette ouverture, et on remit Les propositions d’une même phrase peuvent être soit juxtaposées,
la pierre par-dessus. soit coordonnées, soit subordonnées.
65
1. La juxtaposition b) Les adverbes
Deux propositions sont unies par un simple signe de ponctuation Les adverbes permettent d’exprimer la relation logique entre deux
(virgule, point-virgule, deux points). Le lien qui unit ces deux propositions (ainsi, aussi, en effet, par conséquent, au contraire,
propositions est alors implicite : d’ailleurs... ). Ils sont très utilisés dans l’argumentation. Ils
indiquent également une progression dans le texte (premièrement,
Il passait pour riche, il était pauvre en réalité. d’abord, ensuite, puis, enfin, finalement... ).
En d’autres termes, ce n’est pas parce qu’aucun mot ne signifie c) L’emploi des conjonctions de coordination
explicitement le lien logique entre les deux propositions qu’il
n’existe pas. On pourrait d’ailleurs facilement le rajouter : mais exprime l’opposition : Ce lettré fuyait toujours la foule
mais connaissait les hommes.
Il passait pour riche, mais il était pauvre en réalité. ou exprime l’alternative : Montrez-moi patte blanche, ou je
n’ouvrirai point.
2. La coordination et exprime l’addition : Ituriel est un génie de premier rang et il a
le département de la haute Asie.
Un mot coordonnant - une conjonction de coordination ou un donc exprime la conséquence : Vous avez vu notre armée, donc
adverbe - exprime explicitement la relation entre les deux vous savez que nos jeunes officiers se battent très bien.
propositions. or introduit un nouvel argument ou une nouvelle idée
importants pour la suite du raisonnement ou du récit : Le petit
Ensuite, on vint poser un mort dans cette ouverture, et on remit la chaperon rouge prit le chemin de la forêt, or le loup y rôdait.
pierre par-dessus. ni généralement répété exprime l’alternative (c’est l’équivalent
négatif de « et ») : Il ne pensait pas qu’il viendrait ni qu’il serait
Ensuite, on vint poser un mort dans cette ouverture, puis on accompagné.
remit la pierre par-dessus. car exprime la cause, une explication voire une justification : Le
repas fini, chacun d’eux s’en alla car pas un ne pouvait souffrir
a) Les conjonctions de coordination l’autre.
66
Une proposition subordonnée peut être reliée à la proposition
Résumons : principale soit par un pronom relatif soit par une conjonction de
subordination.
Qui, que, quoi, dont, où sont les principaux pronoms relatifs. Il faut
ajouter à cela les pronoms relatifs composés lequel, laquelle,
lesquel(le)s parfois précédés de la préposition de (duquel,
desquel(le)s) ou à (auquel, auxquel(le)s).
Il rencontra l’armée persane qui allait combattre l’armée 3. Faire la différence entre un pronom relatif et une
indienne. conjonction de subordination
Dans cet exemple, la proposition « qui allait combattre l’armée a) Le pronom relatif
indienne » est dite proposition subordonnée, car elle est
dépendante de la première proposition que l’on appelle proposition Le pronom relatif reprend un nom. C’est la raison pour laquelle on
principale. En effet, elle ne peut exister toute seule ; on ne peut pas le trouve souvent après un nom :
dire « qui allait combattre l’armée indienne » tout seul, sans la
première proposition (« Il rencontra l’armée persane »). L’antichambre était remplie de gens qui se plaignaient.
67
Le pronom relatif reprend le nom « gens » (que l’on appelle alors
l’antécédent). Exercices :
b) La conjonction de subordination I - La phrase verbale et la phrase non
La conjonction de subordination est souvent placée après un verbale
verbe :
1. Les phrases ci-dessous sont-elles verbales ou non
verbales ? Justifiez vos réponses.
Il dit que la guerre est déclarée.
68
avait de plus sale et de plus laid dans les deux sexes. c - Voyant que 3. Dites si les propositions suivantes sont juxtaposées,
plusieurs femmes se mettaient à genoux, en faisant semblant de coordonnées ou subordonnées ; donnez le lien unissant
regarder fixement devant elles, il s’aperçut qu’il était dans un chaque proposition.
temple. d - Des voix aigres, rauques, sauvages, discordantes, a - Les folies et les excès des Perses ont attiré notre colère, si bien
faisaient retentir la voûte de sons mal articulés. e - Ensuite, on vint qu’il s’est tenu une assemblée hier des génies. b - Ituriel est un
poser un mort dans cette ouverture, et on remit la pierre par- génie de premier rang et il a le département de la haute Asie. c - Va
dessus. f - Il vit d’autres temples mieux bâtis et mieux ornés, dans cette ville, examine tout. d - Mais, Seigneur, je n’ai jamais été
remplis d’un peuple poli, et retentissants d’une musique en Perse ; je n’y connais personne. e - Ne crains rien, car tu seras
harmonieuse. g - Il s’aperçut que la dame, qui avait commencé par partout bien reçu. f - Babouc monta sur son chameau puis partit
lui demander tendrement des nouvelles de son mari, parlait plus avec ses serviteurs. g - Il rencontra l’armée persane qui allait
tendrement encore à un jeune mage. combattre l’armée indienne. h - Il s’adressa d’abord à un soldat
qu’il trouva écarté. i - J’entends dire que la guerre est déclarée. j -
2. Dites si les propositions suivantes sont juxtaposées ou Babouc craignit que le génie Ituriel n’eût raison.
coordonnées. Justifiez vos réponses.
a - La maison était propre et ornée, le repas était délicieux. b - Il III - Les propositions coordonnées
jeta au feu tous ces détestables écrits et sortit pour aller le soir à la
1. Reliez les propositions par une conjonction de
promenade. c - Ce lettré fuyait toujours la foule, mais connaissait
coordination.
les hommes. d - Le repas fini, chacun d’eux s’en alla, car pas un ne
pouvait souffrir l’autre. e - Vous avez vu notre armée, donc vous
a - Ne sachant comment vous avez pu réussir, ils vous envient ; ils
savez que nos jeunes officiers se battent très bien. f - Il le mena le
font contre vous des brochures que vous ne lisez point. b - Le petit
lendemain au tribunal ; on y rendait un arrêt important. g - Il
marquis ne lui fit point de réponse : Colin en fut malade de
excusait la folie de se ruiner pour juger et pour se battre. h - Le
douleur. c - Ce gouverneur qui ne savait rien, ne put rien enseigner
ministre lui avoua son malheur : il passait pour riche, il était
à son pupille. d - Monsieur voulait que son fils apprît le latin,
pauvre en réalité.
madame ne le voulait pas. e - Le nain de Saturne suivait de loin en
haletant ; il fallait qu’il fît douze pas, quand l’autre faisait une
enjambée.
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2. Retrouvez les conjonctions de coordination marquant 4. Relevez les adverbes indiquant une relation logique
les étapes du raisonnement. ou une progression dans le texte.
Il n’entendait point parler nos atomes, ... il supposait qu’ils ne
parlaient pas. [...] Pour parler, il faut penser ou à peu près ; ... , D’abord, il ne put, en voyant la petitesse du globe et de ses
s’ils pensaient, ils auraient ... l’équivalent d’une âme. ... , attribuer habitants, se défendre d’un sourire de supériorité. En effet,
l’équivalent d’une âme à cette espèce, cela lui paraissait absurde. Saturne n’est guère que neuf cents fois plus gros que la terre ! Les
citoyens sont d’ailleurs des nains qui n’ont que mille toises de
3. Relevez la conjonction de coordination ou l’adverbe haut. Aussi s’en moqua-t-il un peu avec ses gens ! Puis, comme le
qui relient chaque proposition. Syrien avait bon esprit, il comprit bien vite qu’un être pensant
peut fort bien n’être pas ridicule pour n’avoir que six mille pieds
a - Un jeune seigneur heureusement né n'est ni peintre, ni de haut. Micromégas se familiarisa alors avec les Saturniens.
musicien, ni architecte, ni sculpteur. b - Monsieur et madame Enfin, il lia une étroite amitié avec le secrétaire de l’Académie de
n'entendaient pas trop ce que le gouverneur voulait dire ; mais ils Saturne.
furent entièrement de son avis. c - On vint poser un mort dans
cette ouverture, puis on remit la pierre par-dessus. d - Il regretta
vivement de ne lui avoir pas fait apprendre le latin, car il lui aurait IV - Propositions subordonnées relatives
acheté une grande charge dans la robe. e - Mon métier est d’être ou propositions subordonnées
tué ou d’être tué. f - Peut-être ne daignerait-on pas vous regarder conjonctives
à ma cour ; pourtant je ne méprise personne, et je vous offre ma
1. Relevez les propositions et dites si elles sont relatives
protection. g - Ce sont des barbares sédentaires qui, du fond de
ou conjonctives en entourant le mot subordonnant.
leur cabinet, ordonnent, dans le temps de leur digestion, le
massacre d’un million d’hommes, et qui ensuite en font remercier
a - L’antichambre était remplie de gens qui se plaignaient. b - Il
Dieu solennellement.
vit que les richesses des financiers, qui l’avaient tant révolté,
pouvaient produire un effet excellent. c - Après qu’il eut dîné, il
alla dans un des plus superbes temples de la ville. d - Sachez que
mon mari est le meilleur que j’aie au monde. e - Elle n’est occupée
que de sa gloire. f - Il s’aperçut qu’il oublierait Ituriel pour Téone.
g - Tandis qu’il parlait au ministre, entre brusquement la belle
dame.
70
palefreniers étaient ses piqueurs. d - Ils l’appelaient tous
Évaluation Monseigneur, et ils riaient quand il faisait des contes.
1. P r e m i e r e x t r a i t :
Jeannot anobli
2. Deuxième extrait :
L’éducation du petit
marquis
3. Troisième extrait :
Splendeur et misère
du marquis
4. Quatrième extrait : Le
germe du bon naturel
Vinaigrette
72
et court embrasser son ancien camarade. Jeannot reconnut Colin ; affaires ; ses créanciers, voyant qu'il n'a plus rien,
la honte et les pleurs couvrirent son visage. « Tu m'as abandonné, s'accommoderont pour peu de chose ; je me charge de tout. » Colin
dit Colin ; mais tu as beau être grand seigneur, je t'aimerai fit tant qu'il tira le père de prison. Jeannot retourna dans sa patrie
toujours. » Jeannot, confus et attendri ; lui conta en sanglotant une avec ses parents, qui reprirent leur première profession. Il épousa
partie de son histoire. « Viens dans l'hôtellerie où je loge me une sœur de Colin, laquelle, étant de même humeur que le frère, le
conter le reste, lui dit Colin ; embrasse ma petite femme, et allons rendit très heureux. Et Jeannot le père, et Jeannotte la mère, et
dîner ensemble. » Jeannot le fils, virent que le bonheur n'est pas dans la vanité.
Ils vont tous trois à pied, suivis du bagage. «Qu'est-ce donc que
tout cet attirail ? vous appartient-il ? - Oui, tout est à moi et à ma Questions :
femme. Nous arrivons du pays ; je suis à la tête d'une bonne
Malheur et bonheur
manufacture de fer étamé et de cuivre. J'ai épousé la fille d'un
riche négociant en ustensiles nécessaires aux grands et aux
1. Dans le premier paragraphe, relevez le champ lexical du
petits ; nous travaillons beaucoup ; Dieu nous bénit ; nous n'avons
malheur.
point changé d'état ; nous sommes heureux, nous aiderons notre
2. Qui Jeannot rencontre-t-il à ce moment ?
ami Jeannot. Ne sois plus marquis ; toutes les grandeurs de ce
3. Comment ce personnage est-il décrit ? Relisez le deuxième
monde ne valent pas un bon ami. Tu reviendras avec moi au pays,
extrait, et dites à quel personnage il s’oppose.
je t'apprendrai le métier, il n'est pas bien difficile ; je te mettrai de
part, et nous vivrons gaiement dans le coin de terre où nous
La fin du conte
sommes nés. »
73
9. D’après votre lecture du conte entier, et en reprenant l’ensemble
de vos réponses précédentes, dites ce qu’est un conte
philosophique.
L’affaire Calas
74
• Séance 7 •
75
I – Les propositions subordonnées relatives c) Quoi est généralement COI
Il est, le plus souvent, précédé d’une préposition (à, sur, de...)
Elles sont appelées relatives, car elles commencent par un pronom
Ce sont des choses à quoi vous ne prenez pas garde. (COI de
relatif. Il y a des pronoms relatifs simples (qui, que, quoi, dont, où)
prenez garde)
et des pronoms relatifs composés (lequel qui s’amalgame avec les
prépositions à, de pour former auquel, à laquelle, duquel, etc.).
d) Où est complément circonstanciel de temps ou de lieu
Complément circonstanciel de temps : L’espoir d’un bal, dans
1. Le pronom relatif cumule trois rôles
une saison où il y en a si peu, firent diversion à mes terreurs
insensées.
Il introduit la relative. C’est la raison pour laquelle il vient se
Complément circonstanciel de lieu : Il retomba d’un seul bond
placer en tête de la relative quelle que soit sa fonction
au milieu de notre société usée, où tout est mesquin, crimes et
grammaticale.
vertus.
Il a un antécédent et le remplace. Il équivaut donc à un nom ou à
un groupe nominal voire à un autre pronom. Notez que les
e) Dont peut remplir plusieurs fonctions
pronoms qui et que commandent les mêmes accords que
Complément du nom : Vous ne saurez jamais quelles angoisses
l’antécédent (Pauline qui est venue...)
une jeune fille, dont le cœur est pur, éprouve. (complément du
Il possède une fonction dans la relative (sujet, COD, COI, etc.)
nom = le cœur d’une jeune fille)
Complément d’un adjectif : Il m’a montré le cheval dont il était
2. La fonction des principaux pronoms relatifs
fier. (complément de l’adjectif = fier du cheval)
Complément d’objet indirect : Horace en vint au sujet dont il
a) Qui est sujet
voulait me parler. (parler du sujet)
Le seul souvenir qui resta fut celui de cette chasse. (sujet du verbe
Complément d’agent : Pauline regardait les livres dont la
resta)
bibliothèque était remplie. (était remplie de livres)
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La proposition dont la bibliothèque était remplie est complément II – Les propositions subordonnées complétives
de l'antécédent les livres dans la phrase Pauline regardait les livres
dont la bibliothèque était remplie. Ce sont des propositions qui se substituent, dans la plupart des cas,
à un groupe nominal.
4. Déterminative ou explicative ? Les propositions subordonnées complétives sont généralement
Il reste à dire si la relative est déterminative (elle est nécessaire à la introduites par la conjonction de subordination que :
compréhension de la phrase et ne peut être supprimée) ou
explicative (elle n’est pas indispensable au sens de la phrase, elle Je sentis que le comte s’était rapproché de mon côté.
peut donc être supprimée) : La conjonction que est un pur instrument de subordination. Il n’a
aucune fonction dans la subordonnée.
a) Les chevaux, qui savaient leur route, étaient arrivés à
Ranville. Beaucoup de verbes ont la propriété de se construire avec une
complétive : dire, raconter, déclarer, craindre, vouloir, etc.
La proposition subordonnée relative peut être supprimée. La Certaines complétives dépendent de verbes impersonnels : il
phrase conserve une signification : Les chevaux étaient arrivés à arrive, il semble, il faut : Il faut que notre rencontre reste un secret
Ranville. La proposition subordonnée relative est donc explicative. pour tout le monde.
b) La seule chose qui m’inquiétât était un certain tiraillement D’autres ont un fonctionnement plus complexe :
d’estomac (Le narrateur n’avait rien pris depuis dix heures du
matin). Les complétives dépendant d’une construction verbale
attributive : Il est vrai que, Il est dommage que, Il est probable
La proposition ne peut pas être supprimée, car la phrase ne veut que : Il est vrai que c’était la nuit.
plus rien dire : La seule chose était un certain tiraillement Les complétives dépendant d’un présentatif : C’est que Max est
d’estomac. La proposition subordonnée relative est donc un véritable bandit.
déterminative. Les complétives placées en tête de phrase : Qu’il vienne
m’étonnerait beaucoup (= cela m’étonnerait qu’il vienne).
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III – Les propositions subordonnées
circonstancielles Exercices
I - Les phrases subordonnées
La notion de circonstance est pour le moins vague. Les
circonstances sont à peu près les mêmes que celles des 1. Relevez les propositions subordonnées et dites si elles sont
compléments circonstanciels de la phrase (le temps, la cause, le relatives ou conjonctives.
but, etc.). On distingue donc les circonstances exprimant : a - Apprenez que, me promenant dans les routes de ce bois, j’ai aperçu
les marques de fers d’un cheval. b - Je me suis dit : voilà un cheval qui a
Le temps : Lorsque je rentrai chez moi, je n’eus plus le courage un galop parfait. c - Ce cheval a une queue qui, par ses mouvements de
de déchirer ce papier. droite et de gauche, a balayé la poussière. d - J’ai remarqué que ce
cheval avait cinq pieds de haut, puisque les feuilles des branches étaient
La cause : Vous avez eu beaucoup de chance puisqu’il vous a
tombées. e - J’ai jugé enfin, par les marques que ses fers ont laissées,
trouvé.
qu’il était ferré d’argent à onze deniers de fin. f - Tous les juges
La condition : Il nous ferait plaisir s’il venait.
admirèrent l’intelligence de Zadig, et la nouvelle vint jusqu’au roi et à la
La conséquence : Nous sommes restés trois jours sans boire ni
reine.
manger, si bien que nous parlions déjà de tirer au sort pour
savoir celui qui alimenterait les autres. 2. Relevez les conjonctions de subordination.
Le but : Il t’aide pour que tu réussisses. a - Je veux que mon fils soit un homme d'esprit pour qu'il réussisse
La comparaison : Molière en prit soin comme de son propre fils. dans le monde. b - On va très commodément de Paris en Auvergne, sans
qu'il soit besoin de savoir sous quelle latitude on se trouve. c - Faudra-t-
Les propositions subordonnées circonstancielles sont donc il que monsieur le marquis se tue à calculer une éclipse, quand il la
introduites par une conjonction de subordination (quand, comme, trouve à point nommé dans l'almanach ? d - Les gens de qualité savent
tout sans avoir rien appris, parce qu'ils savent à la longue juger de
si, puisque, parce que, pour que, dès que, alors que...). À la
toutes les choses qu'ils commandent et qu'ils payent. e - Il dépensa
différence des propositions subordonnées complétives, la
beaucoup, pendant que ses parents s'épuisaient encore davantage à
conjonction de subordination a une signification. Elles précise le
vivre en grands seigneurs. f - Après que le fils eut longtemps pleuré avec
lien qui unit la proposition au reste de la phrase (le temps, la cause,
la mère, il lui dit enfin : « Ne nous désespérons pas ». g - Dès qu'il vit le
etc. ).
théatin, il se précipita vers lui. h - Comme il était plongé dans
l'accablement du désespoir, il vit avancer une chaise roulante à
l'antique. i - S'il sait les moyens de plaire, il saura tout.
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3. Relevez les propositions subordonnées et dites si elles sont cette supériorité, car elles ne savent pas le latin. c - Les passagers et les
relatives ou conjonctives. Si elles sont conjonctives, précisez gens de l’équipage s’étaient crus enlevés par un ouragan, mais ce n’était
si elles sont complétives ou circonstancielles. que Micromégas qui avait étendu la main.
a - Sétoc réclama cinq cents onces d’argent à un Hébreu auquel il les
avait prêtées. b - Or c’était le plus mauvais payeur qu’il connaisse ! c - Il 3. Relevez les propositions subordonnées circonstancielles et
n’y avait plus de témoins qui puissent prouver que l’argent avait été dites quelle circonstance est exprimée (temps, cause,
prêté. d - Zadig dit alors : «Permettez que je défende votre cause devant condition, but, conséquence ou comparaison).
le juge». e - « Il n’y a pas de témoins, mais il reste une large pierre sur a - Le temps de leurs études était sur le point de finir, quand un tailleur
laquelle l’argent fut compté ». f - L’Hébreu répondit qu’il faudrait apporta à Jeannot un habit de velours. b - On fait ces grandes fortunes
quinze hommes pour la remuer ! g - Zadig s’écria que la pierre était bien parce qu’on est heureux. c - Dès qu’on est dans le fil de l’eau, il n’y a
un témoignage du prêt, puisque l’homme savait où elle se trouvait. h - Il plus qu’à se laisser aller. d - Je veux que mon fils soit un homme d’esprit
avoue que c’est sur elle que l’argent fut compté ! i - Le juge ordonna pour qu’il réussisse dans le monde. e - S’il savait le latin, il serait perdu.
qu’il serait lié à la pierre sans boire ni manger jusqu’à ce qu’il eût rendu f - Ils ne comprenaient pas trop ce que le gouverneur voulait dire, si
les cinq cents onces, qui furent bientôt payées. bien qu’ils furent entièrement de son avis. g - Après qu’ils eurent
examiné le fort et le faible des sciences, ils décidèrent que monsieur le
II - Les propositions subordonnées marquis apprendrait à danser. h - Monsieur, comme vous savez le latin,
circonstancielles et que vous êtes un homme de la cour, je veux que vous l’appreniez à
mon fils. i - Toutes les histoires anciennes, comme le disait un de nos
1. Recopiez les phrases ci-dessous, soulignez les propositions
beaux esprits, ne sont que des fables convenues.
subordonnées circonstancielles et entourez la conjonction de
subordination. 4. Même exercice
a - Il était plongé dans ces idées funestes, quand il se présenta à la porte a - Elle fut souffletée par madame la baronne dès qu’elle fut revenue à
un homme grave. b - Ce jeune homme a une grande charge, parce que elle-même. b - Il veut se jeter après lui dans la mer : le philosophe
son père est riche. c - Dès que la fête fut finie, il voulut voir la principale Pangloss l'en empêche, en lui prouvant que la rade de Lisbonne avait été
reine de ce beau palais. d - Tandis que ce frère lui montrait les formée exprès pour que cet anabaptiste s'y noyât. c - Tandis qu'il le
magnificences de cette maison, un bruit se répandit qu’il était venu pour prouvait a priori, le vaisseau s'entr'ouvre ; tout périt, à la réserve de
réformer. e - Il vit une maison où régnaient tous les plaisirs. Pangloss, de Candide, et de ce brutal de matelot qui avait noyé le
vertueux anabaptiste. d - Le coquin nagea heureusement jusqu'au
2. Remplacez la conjonction de coordination par une
rivage, où Pangloss et Candide furent portés sur une planche. e - Quand
conjonction de subordination de sens équivalent.
ils furent revenus un peu à eux, ils marchèrent vers Lisbonne. f - Le roi
a - Un terrien lui enfonça un bâton ferré dans l’index ; il jugea donc, par
des Bulgares passe dans ce moment, s’informe du crime du patient ; et
ce picotement, que cette planète était habitée. b - Elles ont sur nous
comme ce roi avait un grand génie, il comprit.
79
• Séance 8 •
La vanité
Dans le conte
philosophique «Jeannot
et Colin», Voltaire nous
dit que «le bonheur n’est
pas dans la vanité».
La richesse, les
chansons, le paraître, les Vanité de Philippe de Champaigne
mondanités, les
nombreuses amours
sont les vanités (les
choses vaines) qui
empêchent Jeannot
d’accéder au bonheur. La vanité
D'où vient la vanité ? « Vanité des vanités, dit Qohélet ; vanité des
vanités, tout est vanité. »
Le thème de la vanité est fort répandu dans la
littérature ou dans la peinture. Il trouve son
Dans ce texte, Qohélet — fils de David et roi de
origine dans un passage de la Bible intitulé
Jérusalem — s’interroge sur le sens de la vie,
L’Ecclésiaste :
laquelle ne nous mène qu’à la mort et à l’oubli :
« Il n’y a pas de souvenir d’autrefois, et même
80
pour ceux des temps futurs : il n’y aura d’eux aucun souvenir La vanité dans la peinture
auprès de ceux qui les suivront. »
La vie est donc vanité.
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Parfois, l’allégorie fait disparaître le sens propre au profit du sens pas traîner dehors, et de ne pas parler aux inconnus qui « suivent
figuré. C’est particulièrement vrai dans certains proverbes. Quand les Demoiselles Jusque dans les maisons ». «Le Corbeau et le
on dit « Qui va à la chasse, perd sa place » ou encore « Tant va la Renard» est un autre exemple. Le renard, par ruse, obtient le
cruche à l’eau qu’à la fin elle se casse », personne — ou presque — fromage qu’il désire. C’est le sens propre. Le sens allégorique nous
ne pense à la chasse ou à la cruche, mais au sens figuré : si l’on s’en dit que l’orgueil nous rend accessible à la flatterie.
va ou si on exagère, on court un risque. Le conte philosophique de Voltaire présente également un sens
allégorique. À travers l’histoire de Jeannot et de Colin est exprimée
Le tableau de Philippe de Champaigne présente trois objets en l’idée que le bonheur n’est pas dans les choses vaines.
apparence hétéroclites : un sablier, un crâne et une fleur. Au sens
propre, ce tableau est incompréhensible, à moins de penser qu’il
s’agit d’une brocante… Seul leur rassemblement permet de Notes :
comprendre qu’il existe un autre sens. Le tableau signifie autre
chose que ce qu’il semble dire. Chaque objet symbolise quelque 1 - Il est fréquent que dans un tableau apparaisse une figure
chose. Le crâne représente la mort. Elle est au centre du tableau. À cachée, comme dans le tableau de Salvador Dali, Marché aux
droite, un sablier représente l’écoulement du temps, le temps qui esclaves avec disparition d’un buste de Voltaire.
passe et mène à la mort. À gauche, une fleur coupée représente la 2 - Par métonymie, un tableau traitant du thème de la vanité est
vie belle mais éphémère (le temps est compté, il s’écoule). Mis appelée une vanité.
ensemble, ces trois objets ont donc une signification particulière. 3 - Les vanités sont très souvent des natures mortes, mais pas
Ils expriment l’idée que la vie est vanité. Le tableau de Philippe de toujours.
Champaigne est donc une allégorie. Cette fois encore, il s’agit d’une 4 - C’est, au reste, ce que suggèrent de nombreux tableaux. Voir le
vanité. tableau de Hans Baldung Grien.
82
Diaporama Les vanités
«Vanité des vanités, dit Qohélet ; vanité des vanités, tout est vanité.»
83
• Évaluation finale •
Micromégas, un géant venu de Sirius, accompagné d’un habitant homme qu’on nomme Sultan, ou à un autre qu’on nomme, je ne
de Saturne découvrent la terre et ses minuscules habitants. Une sais pourquoi, César. Ni l’un ni l’autre n’a jamais vu ni ne verra
conversation commence entre les hommes et les deux voyageurs. jamais le petit coin de terre dont il s’agit ; et presque aucun de ces
animaux qui s’égorgent mutuellement n’a jamais vu l’animal pour
« Ô atomes intelligents, dans qui l’Être éternel s’est plu à vous lequel ils s’égorgent.
manifester son adresse et sa puissance, vous devez sans doute
goûter des joies bien pures sur votre globe : car, ayant si peu de - Ah ! malheureux ! s’écria le Sirien avec indignation, peut-on
matière, et paraissant tout esprit, vous devez passer votre vie à concevoir cet excès de rage forcenée ! Il me prend envie de faire
aimer et à penser ; c’est la véritable vie des esprits. Je n’ai vu nulle trois pas, et d’écraser de trois coups de pied toute cette fourmilière
part le vrai bonheur ; mais il est ici, sans doute. » À ce discours, d’assassins ridicules. – Ne vous en donnez pas la peine, lui
tous les philosophes secouèrent la tête ; et l’un d’eux, plus franc répondit-on ; ils travaillent assez à leur ruine. Sachez qu’au bout de
que les autres, avoua de bonne foi que, si l’on en excepte un petit dix ans, il ne reste jamais la centième partie de ces misérables ;
nombre d’habitants fort peu considérés, tout le reste est un sachez que, quand même ils n’auraient pas tiré l’épée, la faim, la
assemblage de fous, de méchants et de malheureux. « Nous avons fatigue ou l’intempérance les emportent presque tous. D’ailleurs, ce
plus de matière qu’il ne nous en faut, dit-il, pour faire beaucoup de n’est pas eux qu’il faut punir, ce sont ces barbares sédentaires qui
mal, si le mal vient de la matière ; et trop d’esprit, si le mal vient de du fond de leur cabinet ordonnent, dans le temps de leur digestion,
l’esprit. Savez-vous bien, par exemple, qu’à l’heure que je vous le massacre d’un million d’hommes, et qui ensuite en font
parle, il y a cent mille fous de notre espèce, couverts de chapeaux, remercier Dieu solennellement. »
qui tuent cent mille autres animaux couverts d’un turban, ou qui
sont massacrés par eux, et que, presque par toute la terre, c’est Le voyageur se sentait ému de pitié pour la petite race humaine,
ainsi qu’on en use de temps immémorial ? » Le Sirien frémit, et dans laquelle il découvrait de si étonnants contrastes. « Puisque
demanda quel pouvait être le sujet de ces horribles querelles entre vous êtes du petit nombre de sages, dit-il à ces messieurs, et
de si chétifs animaux. « Il s’agit, dit le philosophe, de quelque tas qu’apparemment vous ne tuez personne pour de l’argent, dites-
de boue grand comme votre talon. Ce n’est pas qu’aucun de ces moi, je vous en prie, à quoi vous vous occupez. – Nous disséquons
millions d’hommes qui se font égorger prétende un fétu sur ce tas des mouches, dit le philosophe, nous mesurons des lignes, nous
de boue. Il ne s’agit que de savoir s’il appartiendra à un certain assemblons des nombres ; nous sommes d’accord sur deux ou trois
84
points que nous entendons, et nous disputons sur deux ou trois 7. Pour quelle raison se battent-ils ? Que désigne l’expression que
mille que nous n’entendons pas. » Il prit aussitôt fantaisie au Sirien vous venez de relever ? Comment appelle-t-on la figure de style
et au Saturnien d’interroger ces atomes pensants, pour savoir les utilisée ? (1,5 point)
choses dont ils convenaient. 8. Quel est le résultat de cette guerre ? Relevez le champ lexical du
massacre. (1 point)
Micromégas de Voltaire 9. « Sachez qu’au bout de dix ans, il ne reste jamais la centième
partie de ces misérables » Quel est l’infinitif, le temps et le mode du
Questions verbe souligné ? Conjuguez-le. (2 points)
IV - Réécriture (3 points)
4. Comment le philosophe appelle-t-il les hommes qui se font la
guerre ? (1 point) Réécrivez la phrase suivante en remplaçant « le voyageur » par
5. Qu’est-ce qui oppose ces hommes ? (1 point) « les voyageurs » et en conjuguant les verbes au passé simple. (3
6. « Le Sirien frémit, et demanda quel pouvait être le sujet de ces points)
horribles querelles entre de si chétifs animaux. » Quel est type de
discours rapporté est utilisé ? Transposez cette phrase dans le Le voyageur se sentait ému de pitié pour la petite race humaine,
discours inverse. (2,5 points) dans laquelle il découvrait de si étonnants contrastes.
85
• Séance 9 •
Babouc monta sur son chameau et partit avec ses serviteurs. Au bout de
quelques journées, il rencontra vers les plaines de Sennaar l’armée
persane, qui allait combattre l’armée indienne. Il s’adressa d’abord à un
soldat qu’il trouva écarté. Il lui parla, et lui demanda quel était le sujet
de la guerre. « Par tous les dieux, dit le soldat, je n’en sais rien ; ce n’est
pas mon affaire : mon métier est de tuer et d’être tué pour gagner ma
vie ; il n’importe qui je serve. Je
Persépolis
pourrais bien même dès demain
passer dans le camp des Le monde comme il va
Indiens, car on dit qu’ils
I donnent près d’une demi-
1. Lisez ce conte de Voltaire,
drachme de cuivre par jour à
leurs soldats de plus que nous 2. Répondez au
Parmi les génies qui président aux empires du monde, Ituriel tient un
des premiers rangs, et il a le département de la haute Asie. Il descendit n’en n’avons dans ce maudit questionnaire page 94,
un matin dans la demeure du Scythe Babouc, sur le rivage de l’Oxus, service de Perse. Si vous voulez 3. Expliquez le titre du
et lui dit : « Babouc, les folies et les excès des Perses ont attiré notre savoir pourquoi on se bat, parlez
conte.
colère : il s’est tenu hier une assemblée des génies de la haute Asie pour à mon capitaine. »
savoir si on châtierait Persépolis, ou si on la détruirait. Va dans cette
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Babouc, ayant fait un petit présent au soldat, entra dans le camp. Il fit leurs maîtres. La querelle s’échauffa. On mit de part et d’autre en
bientôt connaissance avec le capitaine, et lui demanda le sujet de la campagne une armée d’un million de soldats. Il faut recruter cette
guerre. « Comment voulez-vous que je le sache ? dit le capitaine, et que armée tous les ans de plus de quatre cent mille hommes. Les meurtres,
m’importe ce beau sujet ? J’habite à deux cents lieues de Persépolis ; les incendies, les ruines, les dévastations se multiplient ; l’univers
j’entends dire que la guerre est déclarée ; j’abandonne aussitôt ma souffre, et l’acharnement continue. Notre premier ministre et celui des
famille, et je vais chercher, selon notre coutume, la fortune ou la mort, Indes protestent souvent qu’ils n’agissent que pour le bonheur du genre
attendu que je n’ai rien à faire. — Mais vos camarades, dit Babouc, ne humain ; et à chaque protestation il y a toujours quelques villes
sont-ils pas un peu plus instruits que vous ? — Non, dit l’officier, il n’y a détruites et quelque province ravagée. »
guère que nos principaux satrapes qui savent bien précisément
pourquoi on s’égorge. » Le lendemain, sur un bruit qui se répandit que la paix allait être
conclue, le général persan et le général indien s’empressèrent de donner
Babouc étonné s’introduisit chez les généraux ; il entra dans leur bataille ; elle fut sanglante. Babouc en vit toutes les fautes et toutes les
familiarité. L’un d’eux abominations ; il fut témoin des manœuvres des principaux satrapes,
lui dit enfin : « La qui firent ce qu’ils purent pour faire battre leur chef. Il vit des officiers
cause de cette guerre, tués par leurs propres troupes ; il vit des soldats qui achevaient
qui désole depuis vingt d’égorger leurs camarades expirants pour leur arracher quelques
ans l’Asie, vient lambeaux sanglants, déchirés et couverts de fange. Il entra dans les
originairement d’une hôpitaux où l’on transportait les blessés, dont la plupart expiraient par
querelle entre un la négligence inhumaine de ceux mêmes que le roi de Perse payait
eunuque d’une chèrement pour les secourir. « Sont-ce là des hommes, s’écria Babouc,
femme du grand roi de ou des bêtes féroces ? Ah ! je vois bien que Persépolis sera détruite. »
Perse et un commis
du bureau du grand roi Occupé de cette pensée, il passa dans le camp des Indiens ; il y fut aussi
des Indes. Il s’agissait bien reçu que dans celui des Perses, selon ce qui lui avait été prédit,
d’un droit qui revenait mais il y vit tous les mêmes excès qui l’avaient saisi d’horreur. « Oh, oh !
à peu près à la dit-il en lui-même, si l’ange Ituriel veut exterminer les Persans, il faut
trentième partie d’une donc que l’ange des Indes détruise aussi les Indiens. » S’étant ensuite
darique. Le premier informé plus en détail de ce qui s’était passé dans l’une et l’autre armée,
ministre des Indes et le il apprit des actions de générosité, de grandeur d’âme, d’humanité, qui
nôtre soutinrent l’étonnèrent et le ravirent. « Inexplicables humains, s’écria-t-il,
dignement les droits de Harem comment pouvez-vous réunir tant de bassesse et de grandeur, tant de
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vertus et de crimes ? » dans les plaines des Pictaves, au cornet à bouquin qui les appelle. Il
se bouchait les oreilles ; mais il fut près de se boucher encore les yeux et
Cependant la paix fut déclarée. Les chefs des deux armées, dont aucun le nez, quand il vit entrer dans ce temple des ouvriers avec des pinces et
n’avait remporté la victoire, mais qui, pour leur seul intérêt, avaient fait des pelles. Ils remuèrent une large pierre, et jetèrent à droite et à gauche
verser le sang de tant d’hommes, leurs semblables, allèrent briguer une terre dont s’exhalait une odeur empestée ; ensuite on vint poser un
dans leurs cours des récompenses. On célébra la paix dans des écrits mort dans cette ouverture, et on remit la pierre par-dessus.
publics, qui n’annonçaient que le retour de la vertu et de la félicité sur
la terre. « Dieu soit loué ! dit Babouc ; Persépolis sera le séjour de « Quoi ! s’écria Babouc, ces peuples enterrent leurs morts dans les
l’innocence épurée ; elle ne sera point détruite, comme le voulaient ces mêmes lieux où ils adorent la Divinité ! Quoi ! leurs temples sont pavés
vilains génies : courons sans tarder dans cette capitale de l’Asie. » de cadavres ! Je ne m’étonne plus de ces maladies pestilentielles
qui désolent souvent Persépolis. La pourriture des morts, et celle de tant
II de vivants rassemblés et pressés dans le même lieu, est capable
d’empoisonner le globe terrestre. Ah ! la vilaine ville que Persépolis !
Il arriva dans cette ville immense par l’ancienne entrée, qui était toute Apparemment que les anges veulent la détruire pour en rebâtir une plus
barbare et dont la rusticité dégoûtante offensait les yeux. Toute cette belle, et la peupler d’habitants moins malpropres, et qui chantent
partie de la ville se ressentait du temps où elle avait été bâtie ; car, mieux. La Providence peut avoir ses raisons ; laissons-la faire. »
malgré l’opiniâtreté des hommes à louer l’antique aux dépens du
moderne, il faut avouer qu’en tout genre les premiers essais sont III
toujours grossiers.
Cependant le soleil approchait du haut de sa carrière. Babouc devait
Babouc se mêla dans la foule d’un peuple composé de ce qu’il y avait de aller dîner à l’autre bout de la ville, chez une dame pour laquelle son
plus sale et de plus laid dans les deux sexes. Cette foule se précipitait mari, officier de l’armée, lui avait donné des lettres. Il fit d’abord
d’un air hébété dans un enclos vaste et sombre. Au bourdonnement plusieurs tours dans Persépolis ; il vit d’autres temples mieux bâtis et
continuel, au mouvement qu’il remarqua, à l’argent que quelques mieux ornés, remplis d’un peuple poli, et retentissant d’une musique
personnes donnaient à d’autres pour avoir droit de s’asseoir, il crut être harmonieuse ; il remarqua des fontaines publiques, lesquelles, quoique
dans un marché où l’on vendait des chaises de paille ; mais bientôt, mal placées, frappaient les yeux par leur beauté ; des places où
voyant que plusieurs femmes se mettaient à genoux, en faisant semblant semblaient respirer en bronze les meilleurs rois qui avaient gouverné la
de regarder fixement devant elles et en regardant les hommes de côté, il Perse ; d’autres places où il entendait le peuple s’écrier : « Quand
s’aperçut qu’il était dans un temple. Des voix aigres, rauques, sauvages, verrons-nous ici le maître que nous chérissons ? » Il admira les ponts
discordantes, faisaient retentir la voûte de sons mal articulés, qui magnifiques élevés sur le fleuve, les quais superbes et commodes, les
faisaient le même effet que les voix des onagres quand elles répondent, palais bâtis à droite et à gauche, une maison immense, où des milliers
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de vieux soldats blessés et vainqueurs rendaient chaque jour grâces au Parties IV à VI
Dieu des armées. Il entra enfin chez la dame, qui l’attendait à dîner
avec une compagnie d’honnêtes gens. La maison était propre et ornée, le
repas délicieux, la dame jeune, belle, spirituelle, engageante, la IV
compagnie digne d’elle ; et Babouc disait en lui-même à tout
moment : « L’ange Ituriel se moque du monde de vouloir détruire une Cependant il s’aperçut que la dame, qui avait commencé par lui
ville si charmante. » demander tendrement des nouvelles de son mari, parlait plus
tendrement encore, sur la fin du repas, à un jeune mage. Il vit un
magistrat qui, en présence de sa femme, pressait avec vivacité une
veuve ; et cette veuve indulgente avait une main passée autour du cou
du magistrat, tandis qu’elle tendait l’autre à un jeune citoyen très beau
et très modeste. La femme du magistrat se leva de table la première,
pour aller entretenir dans un cabinet voisin son directeur qui arrivait
trop tard, et qu’on avait attendu à dîner ; et le directeur, homme
éloquent, lui parla dans ce cabinet avec tant de véhémence et
d’onction que la dame avait, quand elle revint, les yeux humides, les
joues enflammées, la démarche mal assurée, la parole tremblante.
89
V s’empêcher de condamner dans son cœur un pays où l’on mettait à
l’encan les dignités de la paix et de la guerre ; il conclut
Il était plongé dans ces idées funestes, quand il se présenta à la porte un précipitamment que l’on y devait ignorer absolument la guerre et les
homme grave, en manteau noir, qui demanda humblement à parler au lois, et que, quand même Ituriel n’exterminerait pas ces peuples, ils
jeune magistrat. Celui-ci, sans se lever, sans le regarder, lui donna périraient par leur détestable administration.
fièrement, et d’un air distrait, quelques papiers, et le congédia. Babouc
demanda quel était cet homme. La maîtresse de la maison lui dit tout Sa mauvaise opinion augmenta encore à l’arrivée d’un gros homme, qui,
bas : « C’est un des meilleurs avocats de la ville ; il y a cinquante ans ayant salué très familièrement toute la compagnie, s’approcha du jeune
qu’il étudie les lois. Monsieur, qui n’a que vingt-cinq ans, et qui est officier, et lui dit : « Je ne peux vous prêter que cinquante mille dariques
satrape de loi depuis deux jours, lui donne à faire l’extrait d’un d’or, car, en vérité, les douanes de l’empire ne m’en ont rapporté que
procès qu’il doit juger demain, et qu’il n’a pas encore examiné. — Ce trois cent mille cette année. » Babouc s’informa quel était cet homme
jeune étourdi fait sagement, dit Babouc, de demander conseil à un qui se plaignait de gagner si peu ; il apprit qu’il y avait dans Persépolis
vieillard ; mais pourquoi n’est-ce pas ce vieillard qui est juge ? — Vous quarante rois plébéiens qui tenaient à bail l’empire de Perse, et
vous moquez, lui dit-on ; jamais ceux qui ont vieilli dans les emplois qui en rendaient quelque chose au monarque.
laborieux et subalternes ne parviennent aux dignités. Ce jeune homme
a une grande charge, parce que son père est riche, et qu’ici le droit de VI
rendre la justice s’achète comme une métairie. — Ô mœurs ! ô
malheureuse ville ! s’écria Babouc ; voilà le comble du désordre ; sans Après dîner, il alla dans un des plus superbes temples de la ville ; il
doute, ceux qui ont acheté le droit de juger vendent leurs jugements : je s’assit au milieu d’une troupe de femmes et d’hommes qui étaient venus
ne vois ici que des abîmes d’iniquité. » là pour passer le temps. Un mage parut dans une machine élevée, qui
parla longtemps du vice et de la vertu. Ce mage divisa en plusieurs
Comme il marquait ainsi sa douleur et sa surprise, un jeune guerrier, parties ce qui n’avait pas besoin d’être divisé ; il prouva
qui était revenu ce jour même de l’armée, lui dit : « Pourquoi ne voulez- méthodiquement tout ce qui était clair ; il enseigna tout ce qu’on savait.
vous pas qu’on achète les emplois de la robe ? J’ai bien acheté, moi, Il se passionna froidement, et sortit suant et hors d’haleine. Toute
le droit d’affronter la mort à la tête de deux mille hommes que je l’assemblée alors se réveilla, et crut avoir assisté à une instruction.
commande ; il m’en a coûté quarante mille dariques d’or cette année, Babouc dit : «Voilà un homme qui a fait de son mieux pour ennuyer
pour coucher sur la terre trente nuits de suite en habit rouge, et pour deux ou trois cents de ses concitoyens ; mais son intention était bonne,
recevoir deux bons coups de flèche dont je me sens encore. Si je me et il n’y a pas là de quoi détruire Persépolis.»
ruine pour servir l’empereur persan que je n’ai jamais vu, M. le
satrape de robe peut bien payer quelque chose pour avoir le plaisir de Au sortir de cette assemblée, on le mena voir une fête publique qu’on
donner audience à des plaideurs. » Babouc, indigné, ne put donnait tous les jours de l’année ; c’était dans une espèce de
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basilique, au fond de laquelle on voyait un palais. Les plus belles
citoyennes de Persépolis, les plus considérables satrapes rangés avec
ordre formaient un spectacle si beau, que Babouc crut d’abord que
c’était là toute la fête. Deux ou trois personnes, qui paraissaient des rois
et des reines, parurent bientôt dans le vestibule de ce palais ; leur
langage était très différent de celui du peuple ; il était mesuré,
harmonieux, et sublime. Personne ne dormait, on écoutait dans un
profond silence, qui n’était interrompu que par les témoignages de la
sensibilité et de l’admiration publique. Le devoir des rois, l’amour de la
vertu, les dangers des passions étaient exprimés par des traits si vifs et
si touchants que Babouc versa des larmes. Il ne douta pas que ces héros
et ces héroïnes, ces rois et ces reines qu’il venait d’entendre, ne fussent
les prédicateurs de l’empire. Il se proposa même d’engager Ituriel à
les venir entendre, bien sûr qu’un tel spectacle le réconcilierait pour
jamais avec la ville.
Dès que cette fête fut finie, il voulut voir la principale reine qui avait
débité dans ce beau palais une morale si noble et si pure ; il se fit
La Comédie-Française
introduire chez sa Majesté ; on le mena par un petit escalier, au second
étage, dans un appartement mal meublé, où il trouva une femme mal
vêtue, qui lui dit d’un air noble et pathétique : « Ce métier-ci ne me
donne pas de quoi vivre ; un des princes que vous avez vus m’a fait un combien on le trompait. Babouc mit sur ses tablettes le nom du
enfant ; j’accoucherai bientôt ; je manque d’argent, et sans argent on marchand, pour le faire distinguer par Ituriel au jour de la punition de
n’accouche point. » Babouc lui donna cent dariques d’or, en la ville. Comme il écrivait, on frappa à sa porte ; c’était le marchand lui-
disant : « S’il n’y avait que ce mal-là dans la ville, Ituriel aurait tort de même qui venait lui rapporter sa bourse que Babouc avait laissée par
tant se fâcher. » mégarde sur son comptoir. « Comment se peut-il, s’écria Babouc, que
vous soyez si fidèle et si généreux, après n’avoir pas eu honte de me
De là il alla passer sa soirée chez des marchands de magnificences vendre des colifichets quatre fois au-dessus de leur valeur ? — Il n’y a
inutiles. Un homme intelligent, avec lequel il avait fait connaissance, l’y aucun négociant un peu connu dans cette ville, lui répondit le
mena ; il acheta ce qui lui plut, et on le lui vendit avec politesse marchand, qui ne fût venu vous rapporter votre bourse ; mais on vous a
beaucoup plus qu’il ne valait. Son ami, de retour chez lui, lui fit voir trompé quand on vous a dit que je vous avais vendu ce que vous avez
91
pris chez moi quatre fois plus qu’il ne vaut, je vous l’ai vendu dix fois Parties VII à X
davantage et cela est si vrai, que si dans un mois vous voulez le
revendre, vous n’en aurez pas même ce dixième. Mais rien n’est plus
juste ; c’est la fantaisie passagère des hommes qui met le prix à ces
VII
choses frivoles ; c’est cette fantaisie qui fait vivre cent ouvriers que
j’emploie ; c’est elle qui me donne une belle maison, un char commode,
Babouc, fort incertain sur ce qu’il devait penser de Persépolis, résolut de
des chevaux ; c’est elle qui excite l’industrie, qui entretient le goût, la
voir les mages et les lettrés ; car les uns étudient la sagesse, et les autres
circulation, et l’abondance. Je vends aux nations voisines les mêmes
la religion ; et il se flatta que ceux-là obtiendraient grâce pour le reste du
bagatelles plus chèrement qu’à vous, et par là je suis utile à l’empire. »
peuple. Dès le lendemain matin il se transporta dans un collège de
Babouc, après avoir un peu rêvé, le raya de ses tablettes.
mages. L’archimandrite lui avoua qu’il avait cent mille écus de rente
pour avoir fait vœu de pauvreté, et qu’il exerçait un empire assez étendu
en vertu de son vœu d’humilité ; après quoi il laissa Babouc entre les
mains d’un petit frère qui lui fit les honneurs.
92
qui enseignaient l’humilité et le désintéressement ; il conclut qu’Ituriel
avait de bonnes raisons pour détruire toute cette engeance.
VIII
Retiré chez lui, il envoya chercher des livres nouveaux pour adoucir son
chagrin, et il pria quelques lettrés à dîner pour se réjouir. Il en vint deux
fois plus qu’il n’en avait demandé, comme les guêpes que le miel attire.
Ces parasites se pressaient de manger et de parler ; ils louaient deux
sortes de personnes, les morts et eux-mêmes, et jamais leurs
contemporains, excepté le maître de la maison. Si quelqu’un d’eux disait
un bon mot, les autres baissaient les yeux et se mordaient les lèvres de
douleur de ne l’avoir pas dit. Ils avaient moins de dissimulation que les
mages, parce qu’ils n’avaient pas de si grands objets d’ambition. Chacun
d’eux briguait une place de valet et une réputation de grand homme ; ils
se disaient en face des choses insultantes, qu’ils croyaient des traits
d’esprit. Ils avaient eu quelque connaissance de la mission de Babouc.
L’un d’eux le pria tout bas d’exterminer un auteur qui ne l’avait pas
assez loué il y avait cinq ans ; un autre demanda la perte d’un citoyen
qui n’avait jamais ri à ses comédies ; un troisième demanda l’extinction
de l’Académie, parce qu’il n’avait jamais pu parvenir à y être admis. Le
Table ronde d’Adolph Menzel repas fini, chacun d’eux s’en alla seul, car il n’y avait pas dans toute la
troupe deux hommes qui pussent se souffrir, ni même se parler
ailleurs que chez les riches qui les invitaient à leur table. Babouc jugea
qu’il n’y aurait pas grand mal quand cette vermine périrait dans la
libre, et nous n’en croyons rien ; nous avons écrit contre lui de petits destruction générale.
livres qu’il ne lit pas ; à peine a-t-il entendu parler de nous, il nous a
seulement fait condamner comme un maître ordonne qu’on échenille IX
les arbres de ses jardins. » Babouc frémit de la folie de ces hommes qui
faisaient profession de sagesse, des intrigues de ceux qui avaient Dès qu’il se fut défait d’eux, il se mit à lire quelques livres nouveaux. Il y
renoncé au monde, de l’ambition et de la convoitise orgueilleuse de ceux reconnut l’esprit de ses convives. Il vit surtout avec indignation ces
93
gazettes de la médisance, ces archives du mauvais goût, que l’envie, la n’étaient pas envieux, et que parmi les mages même il y en avait de
bassesse et la faim ont dictées ; ces lâches satires où l’on ménage le vertueux. Il conçut à la fin que ces grands corps, qui semblaient en
vautour, et où l’on déchire la colombe ; ces romans dénués se choquant préparer leurs communes ruines, étaient au fond des
d’imagination, où l’on voit tant de portraits de femmes que l’auteur ne institutions salutaires ; que chaque société de mages était un frein à
connaît pas. ses rivales ; que si ces émules différaient dans quelques opinions, ils
enseignaient tous la même morale, qu’ils instruisaient le peuple, et
Il jeta au feu tous ces détestables écrits, et sortit pour aller le soir à la qu’ils vivaient soumis aux lois, semblables aux précepteurs qui veillent
promenade. On le présenta à un vieux lettré qui n’était point venu sur le fils de la maison, tandis que le maître veille sur eux-mêmes. Il en
grossir le nombre de ses parasites. Ce lettré fuyait toujours la foule, pratiqua plusieurs, et vit des âmes célestes. Il apprit même que parmi
connaissait les hommes, en faisait usage, et se communiquait avec les fous qui prétendaient faire la guerre au grand-lama, il y avait eu de
discrétion. Babouc lui parla avec douleur de ce qu’il avait lu et de ce qu’il très grands hommes. Il soupçonna enfin qu’il pourrait bien en être des
avait vu. mœurs de Persépolis comme des édifices, dont les uns lui avaient paru
dignes de pitié, et les autres l’avaient ravi en admiration.
« Vous avez lu des choses bien méprisables, lui dit le sage lettré ; mais
dans tous les temps, dans tous les pays et dans tous les genres, le X
mauvais fourmille, et le bon est rare. Vous avez reçu chez vous le
rebut de la pédanterie, parce que, dans toutes les professions, ce qu’il Il dit à son lettré : « Je connais très bien que ces mages, que j’avais crus
y a de plus indigne de paraître est toujours ce qui se présente avec le si dangereux, sont en effet très utiles, surtout quand un gouvernement
plus d’impudence. Les véritables sages vivent entre eux retirés et sage les empêche de se rendre trop nécessaires ; mais vous m’avouerez
tranquilles ; il y a encore parmi nous des hommes et des livres dignes de au moins que vos jeunes magistrats, qui achètent une charge de juge dès
votre attention. » Dans le temps qu’il parlait ainsi, un autre lettré les qu’ils ont appris à monter à cheval, doivent étaler dans les tribunaux
joignit ; leurs discours furent si agréables et si instructifs, si élevés au- tout ce que l’impertinence a de plus ridicule, et tout ce que l’iniquité a
dessus des préjugés et si conformes à la vertu, que Babouc avoua n’avoir de plus pervers ; il vaudrait mieux sans doute donner ces places
jamais rien entendu de pareil. « Voilà des hommes, disait-il tout bas, à gratuitement à ces vieux jurisconsultes, qui ont passé toute leur vie à
qui l’ange Ituriel n’osera toucher, ou il sera bien impitoyable. » peser le pour et le contre. »
Raccommodé avec les lettrés, il était toujours en colère contre le reste de Le lettré lui répliqua : « Vous avez vu notre armée avant d’arriver à
la nation. « Vous êtes étranger, lui dit l’homme judicieux qui lui Persépolis ; vous savez que nos jeunes officiers se battent très bien,
parlait ; les abus se présentent à vos yeux en foule, et le bien qui est quoiqu’ils aient acheté leurs charges : peut-être verrez-vous que nos
caché, et qui résulte quelquefois de ces abus mêmes, vous échappe. » jeunes magistrats ne jugent pas mal, quoiqu’ils aient payé pour juger. »
Alors il apprit que parmi les lettrés il y en avait quelques-uns qui
94
Il le mena le lendemain au grand tribunal, où l’on devait rendre un Parties XI à XII
arrêt important. La cause était connue de tout le monde. Tous ces vieux
avocats qui en parlaient étaient flottants dans leurs opinions ; ils
alléguaient cent lois, dont aucune n’était applicable au fond de la
XI
question ; ils regardaient l’affaire par cent côtés, dont aucun n’était dans
son vrai jour : les juges décidèrent plus vite que les avocats ne
Insensiblement Babouc faisait grâce à l’avidité du financier, qui n’est
doutèrent. Leur jugement fut presque unanime ; ils jugèrent bien, parce
pas au fond plus avide que les autres hommes, et qui est nécessaire. Il
qu’ils suivaient les lumières de la raison ; et les autres avaient opiné
excusait la folie de se ruiner pour juger et pour se battre, folie qui
mal, parce qu’ils n’avaient consulté que leurs livres.
produit de grands magistrats et des héros. Il pardonnait à l’envie des
lettrés, parmi lesquels il se trouvait des hommes qui éclairaient le
Babouc conclut qu’il y avait souvent de très bonnes choses dans les
monde ; il se réconciliait avec les mages ambitieux et intrigants, chez
abus. Il vit dès le jour même que les richesses des financiers, qui
lesquels il y avait plus de grandes vertus que de petits vices ; mais il lui
l’avaient tant révolté, pouvaient produire un effet excellent, car,
restait bien des griefs, et surtout les galanteries des dames, et les
l’empereur ayant eu besoin d’argent, il trouva en une heure, par leur
désolations qui en devaient être la suite le remplissaient d’inquiétude et
moyen, ce qu’il n’aurait pas eu en six mois par les voies ordinaires ; il vit
d’effroi.
que ces gros nuages, enflés de la rosée de la terre, lui rendaient en pluie
ce qu’ils en recevaient. D’ailleurs, les enfants de ces hommes nouveaux,
Comme il voulait pénétrer dans toutes les conditions humaines, il se fit
souvent mieux élevés que ceux des familles plus anciennes, valaient
mener chez un ministre ; mais il tremblait toujours en chemin que
quelquefois beaucoup mieux ; car rien n’empêche qu’on ne soit un bon
quelque femme ne fût assassinée en sa présence par son mari. Arrivé
juge, un brave guerrier, un homme d’État habile, quand on a eu un père
chez l’homme d’État, il resta deux heures dans l’antichambre sans
bon calculateur.
être annoncé, et deux heures encore après l’avoir été. Il se promettait
bien dans cet intervalle de recommander à l’ange Ituriel et le ministre et
ses insolents huissiers. L’antichambre était remplie de dames de tout
étage, de mages de toutes couleurs, de juges, de marchands, d’officiers,
de pédants ; tous se plaignaient du ministre. L’avare et l’usurier
disaient : « Sans doute, cet homme-là pille les provinces » ; le capricieux
lui reprochait d’être bizarre ; le voluptueux disait : « Il ne songe qu’à
ses plaisirs » ; l’intrigant se flattait de le voir bientôt perdu par une
cabale ; les femmes espéraient qu’on leur donnerait bientôt un ministre
95
plus jeune. Tandis qu’il parlait au ministre, entre brusquement la belle dame chez
qui Babouc avait dîné ; on voyait dans ses yeux et sur son front les
Babouc entendait leurs discours ; il ne put s’empêcher de dire : « Voilà symptômes de la douleur et de la colère. Elle éclata en reproches contre
un homme bien heureux, il a tous ses ennemis dans son antichambre ; il l’homme d’État, elle versa des larmes ; elle se plaignit avec amertume de
écrase de son pouvoir ceux qui l’envient ; il voit à ses pieds ceux qui le ce qu’on avait refusé à son mari une place où sa naissance lui permettait
détestent. » Il entra enfin ; il vit un petit vieillard courbé sous le poids d’aspirer, et que ses services et ses blessures méritaient ; elle s’exprima
des années et des affaires, mais encore vif et plein d’esprit. avec tant de force, elle mit tant de grâce dans ses plaintes, elle détruisit
les objections avec tant d’adresse, elle fit valoir les raisons avec tant
Babouc lui plut, et il parut à Babouc un homme estimable. La d’éloquence, qu’elle ne sortit point de la chambre sans avoir fait la
conversation devint intéressante. Le ministre lui avoua qu’il était un fortune de son mari.
homme très malheureux,
qu’il passait pour riche, et Babouc lui donna la main : « Est-il possible, madame, lui dit-il, que
qu’il était pauvre ; qu’on le vous vous soyez donné toute cette peine pour un homme que vous
croyait tout-puissant, et qu’il n’aimez point, et dont vous avez tout à craindre ? — Un homme que je
était toujours n’aime point ! s’écria-t-elle ; sachez que mon mari est le meilleur ami
contredit ; qu’il n’avait que j’aie au monde, qu’il n’y a rien que je ne lui sacrifie, hors mon
guère obligé que des amant ; et qu’il ferait tout pour moi, hors de quitter sa maîtresse. Je
ingrats, et que dans un veux vous la faire connaître : c’est une femme charmante, pleine
travail continuel de quarante d’esprit, et du meilleur caractère du monde ; nous soupons ensemble
années il avait eu à peine un ce soir avec mon mari et mon petit mage, venez partager notre joie. »
moment de consolation.
Babouc en fut touché, et La dame mena Babouc chez elle. Le mari, qui était enfin arrivé plongé
pensa que, si cet homme dans la douleur, revit sa femme avec des transports d’allégresse et de
avait fait des fautes, et si reconnaissance : il embrassait tour à tour sa femme, sa maîtresse, le
l’ange Ituriel voulait le punir, petit mage et Babouc. L’union, la gaieté, l’esprit et les grâces, furent
il ne fallait pas l’exterminer, l’âme de ce repas. « Apprenez, lui dit la belle dame chez laquelle il
mais seulement lui laisser sa soupait, que celles qu’on appelle quelquefois malhonnêtes femmes ont
place. presque toujours le mérite d’un très honnête homme, et pour vous en
Jonas et la baleine
convaincre, venez demain dîner avec moi chez la belle Téone. Il y a
XII quelques vieilles vestales qui la déchirent ; mais elle fait plus de
bien qu’elles toutes ensemble. Elle ne commettrait pas une légère
96
injustice pour le plus grand intérêt ; elle ne donne à son amant que des
conseils généreux ; elle n’est occupée que de sa gloire : il rougirait
devant elle, s’il avait laissé échapper une occasion de faire du bien ; car
rien n’encourage plus aux actions vertueuses que d’avoir pour témoin et
pour juge de sa conduite une maîtresse dont on veut mériter l’estime. » Questionnaire Le monde comme il va
Babouc ne manqua pas au rendez-vous. Il vit une maison où régnaient Question 1 sur 20
tous les plaisirs. Téone régnait sur eux ; elle savait parler à chacun son Babouc est
langage. Son esprit naturel mettait à son aise celui des autres ; elle
plaisait sans presque le vouloir ; elle était aussi aimable que
bienfaisante ; et, ce qui augmentait le prix de toutes ses bonnes qualités,
elle était belle.
Babouc, tout Scythe et tout envoyé qu’il était d’un génie, s’aperçut que,
s’il restait encore à Persépolis, il oublierait Ituriel pour Téone. Il
A. Un ange
s’affectionnait à la ville, dont le peuple était poli, doux et bienfaisant,
quoique léger, médisant, et plein de vanité. Il craignait que Persépolis
B. Un persan
ne fût condamnée ; il craignait même le compte qu’il allait rendre.
C. Un paysan
Voici comme il s’y prit pour rendre ce compte. Il fit faire par le meilleur
fondeur de la ville une petite statue composée de tous les métaux, des D. Un voyageur
terres et des pierres les plus précieuses et les plus viles ; il la porta à
Ituriel : « Casserez-vous, dit-il, cette jolie statue, parce que tout n’y est
pas or et diamants ? » Ituriel entendit à demi-mot ; il résolut de ne pas
même songer à corriger Persépolis, et de laisser aller le monde comme il
va « car, dit-il, si tout n’est pas bien, tout est passable ». On laissa donc
subsister Persépolis, et Babouc fut bien loin de se plaindre, comme Répondre
Jonas, qui se fâcha de ce qu’on ne détruisait pas Ninive. Mais quand on
a été trois jours dans le corps d’une baleine, on n’est pas de si bonne
humeur que quand on a été à l’opéra, à la comédie, et qu’on a soupé en
bonne compagnie.
97
• Séance 10 •
Histoire des
arts
1. Voir le tableau.
« Les hasards heureux de l'escarpolette »
2. À quelle époque
vivait Jean-Honoré
Fragonard ?
3. Qu’est-ce qu’une
escarpolette ?
La lumière
4. Chercher le sens
des mots
«badinage» et
« libertin ». La corde
La chaussure
5. Qu’est-ce qu’on La jeune femme
appelle le rococo ?
1 2 3 4 5 6
98
Chapitre III
LE CID
Objectifs :
100
• Séance 1 •
Les personnages
Acte I, scène 1
Chimène Elvire
Elvire, m’as-tu fait un rapport bien sincère ? Tous mes sens à moi-même en sont encor charmés :
Ne déguises-tu rien de ce qu’a dit mon père ? Il estime Rodrigue autant que vous l’aimez,
101
Et si je ne m’abuse à lire dans son âme, Don Rodrigue surtout n’a trait en son visage
Il vous commandera de répondre à sa flamme. Qui d’un homme de cœur ne soit la haute image,
Et sort d’une maison si féconde en guerriers,
Chimène Qu’ils y prennent naissance au milieu des lauriers.
Dis-moi donc, je te prie, une seconde fois La valeur de son père en son temps sans pareille,
Ce qui te fait juger qu’il approuve mon choix ; Tant qu’a duré sa force, a passé pour merveille ;
Apprends-moi de nouveau quel espoir j’en dois prendre ; Ses rides sur son front ont gravé ses exploits,
Un si charmant discours ne se peut trop entendre ; Et nous disent encore ce qu’il fut autrefois.
Tu ne peux trop promettre aux feux de notre amour Je me promets du fils ce que j’ai vu du père ;
La douce liberté de se montrer au jour. Et ma fille, en un mot, peut l’aimer et me plaire. »
Que t’a-t-il répondu sur la secrète brigue Il allait au conseil, dont l’heure qui pressait
Que font auprès de toi don Sanche et don Rodrigue ? A tranché ce discours qu’à peine il commençait ;
N’as-tu point trop fait voir quelle inégalité Mais à ce peu de mots je crois que sa pensée
Entre ces deux amants me penche d’un côté ?
Entre vos deux amants n’est pas fort balancée.
Le roi doit à son fils élire un gouverneur,
Elvire
Et c’est lui que regarde un tel degré d’honneur ;
Non, j’ai peint votre cœur dans une indifférence
Ce choix n’est pas douteux, et sa rare vaillance
Qui n’enfle d’aucun d’eux ni détruit l’espérance,
Ne peut souffrir qu’on craigne aucune concurrence.
Et sans les voir d’un œil trop sévère ou trop doux,
Comme ses hauts exploits le rendent sans égal,
Attend l’ordre d’un père à choisir un époux.
Dans un espoir si juste il sera sans rival ;
Ce respect l’a ravi, sa bouche et son visage
Et puisque don Rodrigue a résolu son père
M’en ont donné sur l’heure un digne témoignage,
Au sortir du conseil à proposer l’affaire,
Et puisqu’il vous en faut encore faire un récit,
Je vous laisse à juger s’il prendra bien son temps,
Voici d’eux et de vous ce qu’en hâte il m’a dit :
Et si tous vos désirs seront bientôt contents.
« Elle est dans le devoir, tous deux sont dignes d’elle,
Tous deux formés d’un sang noble, vaillant, fidèle,
Chimène
Jeunes, mais qui font lire aisément dans leurs yeux
Il semble toutefois que mon âme troublée
L’éclatante vertu de leurs braves aïeux. Refuse cette joie, et s’en trouve accablée :
102
Un moment donne au sort des visages divers, la joie.
Et dans ce grand bonheur je crains un grand revers. 10. La scène se termine-t-elle dans la joie ? Justifiez votre réponse.
Elvire
Vous verrez cette crainte heureusement déçue.
Chimène
Allons, quoi qu’il en soit, en attendre l’issue.
Questions :
Les personnages
103
L’intrigue Les héroïnes tragiques
104
Diaporama Les héroïnes tragiques
Phèdre
105
• Séance 2 •
Rédaction
106
• Séance 3 •
Réciter la
scène 4 de
l’acte I
Écouter le monologue
de Don Diègue sur Don Diègue
litteratureaudio.com.
107
Et ton jaloux orgueil, par cet affront insigne, Vocabulaire :
Malgré le choix du roi, m’en a su rendre indigne.
Dans la scène suivante, Don Diègue demande à son fils :
Et toi, de mes exploits glorieux instrument,
Mais d’un corps tout de glace inutile ornement,
Rodrigue, as-tu du cœur ?
Fer, jadis tant à craindre, et qui, dans cette offense,
M’as servi de parade, et non pas de défense, 1. Dans cette phrase, qu’est-ce que le cœur ?
Va, quitte désormais le dernier des humains, 2. Le mot cœur est l’un des mots les plus polysémiques de la langue
Passe, pour me venger, en de meilleures mains. française. Donnez sa signification dans les phrases suivantes :
108
• Séance 4 •
Les stances
La scène 6 de l’acte I
est souvent appelée les
stances du Cid.
Au pluriel, c’est un
monologue dans
lequel le personnage
exprime des
sentiments graves.
C’est donc un poème
lyrique. Francis Huster dans le rôle de Rodrigue
Acte I, scène 6
Percé jusques au fond du cœur Et l'offenseur le père de Chimène !
D'une atteinte imprévue aussi bien que mortelle,
Misérable vengeur d'une juste querelle, Que je sens de rudes combats !
Et malheureux objet d'une injuste rigueur, Contre mon propre honneur mon amour s'intéresse :
Je demeure immobile, et mon âme abattue Il faut venger un père, et perdre une maîtresse:
Cède au coup qui me tue. L'un m'anime le cœur, l'autre retient mon bras.
Si près de voir mon feu récompensé, Réduit au triste choix ou de trahir ma flamme,
Ô Dieu, l'étrange peine ! Ou de vivre en infâme,
En cet affront mon père est l'offensé, Des deux côtés mon mal est infini.
109
Ô Dieu, l'étrange peine ! D'avoir mal soutenu l'honneur de ma maison !
Faut-il laisser un affront impuni ? Respecter un amour dont mon âme égarée
Faut-il punir le père de Chimène ? Voit la perte assurée !
N'écoutons plus ce penser suborneur,
Père, maîtresse, honneur, amour, Qui ne sert qu'à ma peine.
Noble et dure contrainte, aimable tyrannie, Allons, mon bras, sauvons du moins l'honneur,
Tous mes plaisirs sont morts, ou ma gloire ternie. Puisqu'après tout il faut perdre Chimène.
L'un me rend malheureux, l'autre indigne du jour.
Cher et cruel espoir d'une âme généreuse, Oui, mon esprit s'était déçu.
Mais ensemble amoureuse, Je dois tout à mon père avant qu'à ma maîtresse :
Digne ennemi de mon plus grand bonheur, Que je meure au combat, ou meure de tristesse,
Fer qui cause ma peine, Je rendrai mon sang pur comme je l'ai reçu.
M'es-tu donné pour venger mon honneur ? Je m'accuse déjà de trop de négligence :
M'es-tu donné pour perdre ma Chimène ? Courons à la vengeance ;
Et tout honteux d'avoir tant balancé,
Il vaut mieux courir au trépas. Ne soyons plus en peine,
Je dois à ma maîtresse aussi bien qu'à mon père ; Puisqu'aujourd'hui mon père est l'offensé,
J'attire en me vengeant sa haine et sa colère ; Si l'offenseur est père de Chimène.
J'attire ses mépris en ne me vengeant pas.
À mon plus doux espoir l'un me rend infidèle,
Et l'autre indigne d'elle. Interview de Francis Huster
Mon mal augmente à le voir guérir ;
Tout redouble ma peine.
Allons, mon âme ; et puisqu'il faut mourir,
Mourons du moins sans offenser Chimène.
110
La versification dans les stances En enlevant le « e » de « encore », on fait l’économie d’une syllabe.
On en a quatre alors qu’on en aurait cinq avec cette orthographe :
La versification est l’étude des vers, donc de la poésie. Comme Le
Cid est une pièce de théâtre en vers, on l’étudie comme un poème : en/co/re/ char/més
II - La règle du « e » muet
Ce vers, extrait des stances (acte I, scène 6) est un octosyllabe (il
contient 8 syllabes), alors que les vers dans cette pièce sont en 1. Le «e» devant consonne
principe des alexandrins :
Mi/sé/ra/ble/ ven/geur/ d’u/ne/ jus/te/ que/relle
N’ai/-je/ donc/ tant/ vé/cu/ que/ pour/ ce/tte in/fa/mie ?
Le « e » de « misérable » (mais aussi de « une » ou de « juste »)
Pour compter les syllabes de ces vers, il est nécessaire de connaître compte et forme une syllabe supplémentaire quand il est placé
certaines règles comme la règle du «e» muet ou la licence poétique. devant un mot commençant par une consonne. Cependant le « e »
du dernier mot (à la fin du vers) ne compte jamais (« querelle » fait
deux syllabes et non trois).
I - La licence poétique
2. Le « e » devant voyelle
Le poète peut modifier l’orthographe d’un mot pour obtenir le
nombre voulu de syllabes. Ainsi, dans l’octosyllabe ci-dessus, la Je/ de/meu/re i/mmo/bi/le, et/ mon/ â/me a/ba/ttue
conjonction de subordination « jusque » est orthographiée
« jusques ». En créant ainsi la liaison du « s » avec « au », on gagne Le « e » de « demeure » (mais aussi de « immobile » ou de
une syllabe supplémentaire (on prononce « jus/ques/ au/ fond » « âme ») ne compte pas quand il est devant un mot commençant
au lieu de « jus/que au/ fond »). par une voyelle. Il s’élide (de la même façon que l’on prononce, par
exemple, « j’allais » et non « je allais »).
On a un autre exemple de licence poétique dans cet alexandrin :
111
III - Le mètre (le type de vers) IV - Les rimes
En principe, on ne trouve dans la tragédie classique que des 1. La disposition
alexandrins. En revanche, dans la scène 6 de l’acte I que l’on
appelle également les stances (ce sont des strophes), on trouve Dans l’ensemble de la pièce, les rimes sont suivies (selon un
différents mètres (types de vers). schéma très simple : aa, bb, cc, etc.).
Cependant, dans les stances, les rimes ont une disposition un peu
En effet, nous avons aussi bien des vers de 6 syllabes (des différente :
hexasyllabes) :
Percé jusques au fond du cœur a
Cè/de au/ coup/ qui/ me/ tue D’une atteinte imprévue aussi bien que mortelle, b
Misérable vengeur d’une juste querelle, b
On a également des vers de 8 syllabes (des octosyllabes) : Et malheureux objet d’une injuste rigueur, a
Je demeure immobile, et mon âme abattue c
Il/ vaut/ mieux/ cou/rir/ au/ tré/pas. Cède au coup qui me tue. c
Si près de voir mon feu récompensé, d
Des vers de 10 syllabes (des décasyllabes) :
Ô Dieu! l’étrange peine ! e
En cet affront mon père est l’offensé, d
Si/ près/ de/ voir/ mon/ feu/ ré/com/pen/sé
Et l’offenseur le père de Chimène ! e
112
ont trois sons ou plus (« récompensé » et « offensé »). Bien sûr, les 3. L’opposition
lettres muettes ne comptent pas.
L’opposition (ou antithèse) permet d’opposer deux mots ou deux
groupes de mots de sens contraires (« offenseur » et « offensé »,
V - Les figures de style « impuni » et « punir », etc.). Elle souligne le choix que Rodrigue
doit faire entre vengeance et amour :
On trouve énormément de figures telles la métaphore, la
comparaison mais aussi la synecdoque, la répétition, l’opposition.
M’es-tu donné pour venger mon honneur ?
M’es-tu donné pour perdre ma Chimène ?
1. La synecdoque
2. La répétition
Je dois à ma maîtresse aussi bien qu’à mon père
Conclusion
Mon bras, qu’avec respect toute l’Espagne admire,
Mon bras, qui tant de fois a sauvé cet empire, Les stances sont des strophes dans lesquelles le héros monologue.
Il exprime sa peine, sa tristesse, ses hésitations, et suscite ainsi la
Lorsqu’un mot répété est disposé à la même place (au début de pitié du spectateur.
chaque vers par exemple), on parle d’anaphore. Les stances forment alors un contraste avec le rythme des
alexandrins à rimes plates que l’on trouve tout au long de la pièce.
Composées de vers variés (octosyllabes, alexandrins, hexasyllabes,
décasyllabes), composées de rimes variées (embrassées, plates,
113
croisées), les stances se terminent invariablement par un refrain 3. Recopiez le troisième vers et placez les barres obliques séparant
rappelant le nom de l’être aimé. les syllabes. (1,5 point)
114
• Séance 5 •
Le subjonctif et
l’impératif
I. Quand trouve-t-on
Conjugaison
le subjonctif et
l’impératif ?
1. À quel temps et à quel mode sont 1. À quel temps et à quel mode sont
II. Pourquoi employer
conjugués les verbes soulignés ? conjugués les verbes soulignés ?
le subjonctif et
l’impératif ?
2. Quelle est la nature du mot qui précède 2. Conjuguez ces verbes.
1. Exprimer un souhait le sujet ?
115
Subjonctif signifie «attaché sous» en d’autres termes
Le subjonctif et l’impératif «subordonné». Littéralement, le subjonctif est subordonné à une
phrase principale. Pour cette raison, on le trouve le plus souvent
Le subjonctif est un mode qui possède quatre temps : deux temps dans une proposition subordonnée complétive, relative,
simples (le présent et l’imparfait) et deux temps composés (le passé circonstancielle voire indépendante.
et le plus-que-parfait).
II - Pourquoi employer le subjonctif et
I - Quand trouve-t-on le subjonctif ? l’impératif ?
Le plus souvent, le subjonctif s’emploie après que C’est d’ailleurs 1. Exprimer un souhait
pour cette raison qu’on le conjugue précédé du mot que :
Le subjonctif présent s’emploie pour dire une action que l’on veut
Que j’aille réaliser dans un futur proche :
Que tu ailles
Qu’il aille Il faut que je fasse mes devoirs.
etc.
Il ne faut cependant pas confondre le présent du subjonctif ci-
Cela parce que le subjonctif s’emploie, en général, dans une dessus avec le futur simple de l’indicatif dans Demain, je ferai mes
proposition subordonnée conplétive : Je souhaite qu’il vienne. devoirs.
On peut dire que que le mot que annonce très souvent le subjonctif. En effet, le futur simple sert ici à exprimer une certitude (Je suis
(Il permet même de distinguer l’indicatif du subjonctif quand le sûr et certain de faire mes devoirs demain), alors que dans le
verbe est identique au présent des deux modes : Je redoute qu’elle premier exemple (Il faut que je fasse mes devoirs), le verbe au
chante/Hélas, elle chante !) subjonctif n’exprime pas une certitude, au contraire : Je dois faire
mes devoirs. Je les ferai ou ... peut-être pas !
On peut aussi le trouver dans d’autres types de propositions
subordonnées : relatives (On cherche un livre qui lui plaise), Ainsi le subjonctif permet de dire ce qui arrivera... ou n’arrivera
circonstancielles (Les vampires se couchent avant que le soleil soit pas. C’est ce qu’on appelle l’éventualité. On est alors dans l’univers
levé) ou, plus rarement, indépendantes (Qu’il entre !). des possibles.
116
Voyons un autre exemple : III - Conjugaison du subjonctif et de
l’impératif
Qu’il pleuve ou qu’il neige, j’irai au collège demain.
Le subjonctif est un mode qui possède quatre temps : deux temps
simples (le présent et l’imparfait) et deux temps composés (le passé
Dans cet exemple, on imagine le temps qu’il fera ou qu’il ne fera
et le plus-que-parfait).
pas le lendemain, mais qui ne m’empêchera pas de me rendre à
L’impératif est un mode qui ne possède que deux temps : le présent
mon travail. Qu’il pleuve ou qu’il neige traduit une éventualité ; il
et le passé.
ne pleuvra ou ne neigera peut-être pas. Il n’y a aucune certitude.
1. Le subjonctif présent
2. Exprimer un ordre
a) Les auxiliaires :
Ici, le subjonctif exprime un ordre : Qu’il sorte !
117
b ) Quelques verbes fréquemment utilisés Les verbes du troisième groupe :
que vous finissiez que vous réfléchissiez Comme tout temps composé, le subjonctif passé se compose d’un
auxiliaire (« être » ou « avoir ») et du participe passé du verbe que
qu’ils finissent qu’ils réfléchissent l’on souhaite conjuguer.
118
Ainsi, si l’on souhaite conjuguer « jouer » au subjonctif passé, il
suffit de conjuguer l’auxiliaire « avoir » au subjonctif présent PARTIR VENIR
(« que j’aie ») et de lui ajouter le participe passé de
« jouer » (« joué »). que je sois parti (e) que je sois venu (e)
a)Les auxiliaires
En somme, la seule difficulté consiste alors à trouver le participe
passé :
ÊTRE AVOIR
é pour les verbes du premier groupe (que j’aie apprécié), sois aie
i pour les verbes du deuxième groupe (que j’aie fleuri),
i, it ou u pour les verbes du troisième groupe (que je sois parti, soyons ayons
que j’aie dit, que j’aie cru).
soyez ayez
119
b ) Quelques verbes fréquemment utilisés vas-y (et non *va y),
chantes-en une autre (et non *chante en une autre).
SE DEMANDER SE DÉPÊCHER
demande-toi dépêche-toi
demandons-nous dépêchons-nous
120
2. Conjuguez les verbes entre parenthèses au subjonctif 4. Conjuguez les verbes entre parenthèses à l’impératif
présent. présent.
121
• Séance 6 •
Un duel
Au temps de Corneille
(au XVIIe siècle), les
duels sont interdits.
C’est alors une
véritable mode
meurtrière. On se bat,
en effet, pour un rien.
Pourtant, en 1967, en
sortant de l’Assemblée
La mort du comte de Gormas
nationale, Gaston
Defferre et René Ribière
se battent encore. Ce
seront les derniers.
122
Don Rodrigue Don Rodrigue
Parlons bas, écoute. Mes pareils à deux fois ne se font point connaître
Sais-tu que ce vieillard fut la même vertu, Et pour leurs coups d’essai veulent des coups de maître.
La vaillance et l’honneur de son temps, le sais-tu ?
Le Comte
Le Comte Sais-tu bien qui je suis ?
Peut-être.
Don Rodrigue
Don Rodrigue Tout autre que moi
Cette ardeur que dans les yeux je porte, Au seul bruit de ton nom pourrait trembler d’effroi.
Sais-tu que c’est son sang, le sais-tu ? Les palmes dont je vois ta tête si couverte
Semblent porter écrit le destin de ma perte.
Le Comte J’attaque en téméraire un bras toujours vainqueur,
Que m’importe ! Mais j’aurais trop de force, ayant assez de coeur.
A qui venge son père il n’est rien d’impossible :
Don Rodrigue Ton bras est invaincu, mais non pas invincible.
À quatre pas d’ici je te le fais savoir.
Le Comte
Le Comte
Ce grand cœur qui paraît aux discours que tu tiens,
Jeune présomptueux !
Par tes yeux, chaque jour, se découvrait aux miens
Et croyant voir en toi l’honneur de la Castille,
Don Rodrigue
Mon âme avec plaisir te destinait ma fille.
Parle sans t’émouvoir.
Je sais ta passion et suis ravi de voir
Je suis jeune, il est vrai, mais aux âmes bien nées
Que tous ses mouvements cèdent à ton devoir,
La valeur n’attend pas le nombre des années.
Qu’ils n’ont point affaibli cette ardeur magnanime,
Que ta haute vertu répond à mon estime
Le Comte
Te mesurer à moi ! qui t’a rendu si vain, Et que voulant pour gendre un cavalier parfait,
Toi qu’on a jamais vu les armes à la main ? Je ne me trompais point au choix que j’avais fait.
123
Mais je sens que pour toi Le Comte
ma pitié s’intéresse, Es-tu las de vivre ?
J’admire ton courage, et
je plains ta jeunesse. Don Rodrigue
Ne cherche point à faire As-tu peur de mourir ?
un coup d’essai fatal,
Dispense ma valeur d’un Le Comte
combat inégal ; Viens, tu fais ton devoir et le fils dégénère
Trop peu d’honneur pour Qui survit un moment à l’honneur de son père.
moi suivrait cette
victoire :
À vaincre sans péril, on Questions :
triomphe sans gloire.
Parler
On te croirait toujours
abattu sans effort 1. Pour quelle raison Rodrigue veut-il parler au
Et j’aurais seulement le comte ? Pour répondre, relisez les scènes 5 et 6
regret de ta mort. de l’acte I si cela est nécessaire.
2. Quel type de phrase revient fréquemment
Don Rodrigue dans les trois premières répliques de Rodrigue ?
D’une indigne pitié ton 3. Quel mot répète-t-il à plusieurs reprises ?
audace est suivie : 4. Quelle réaction le jeune homme attend-il ?
Qui m’ose ôter l’honneur 5. Comment lui répond le comte ? Pourquoi
craint de m’ôter la vie ? répond-il ainsi ? Relevez les trois premières
répliques du comte pour traiter cette question.
Le Comte 6. Rodrigue et le comte ont-ils le même âge ?
Retire-toi d’ici. Par quels termes (pronoms, verbes...) le premier
veut-il signifier au second qu’il s’adresse à un
Don Rodrigue égal ?
Marchons sans discourir.
124
Se battre On reproche à Corneille de n’avoir rien inventé, et d’avoir copié un
auteur espagnol, Guillén de Castro. On lui reproche également des
7. Quelles phrases montrent tout le courage du jeune Rodrigue ? erreurs de versification, des erreurs de langue, et de ne pas
8. Pour quelles raisons devrait-il craindre le comte ? respecter certaines règles, comme la règle des trois unités qui veut
9. Le comte accepte-t-il tout de suite de se battre ? Quels qu’une pièce se déroule dans un même lieu, une même journée, en
sentiments éprouve-t-il pour Rodrigue ? Justifiez votre réponse en une même action. Enfin, le comportement de Chimène (qui aime le
vous appuyant sur le texte. meurtrier de son propre père) est condamné.
10. Que va-t-il se passer à la fin de ce dialogue ? Corneille montre-
t-il ce qui se passe entre Rodrigue et le comte ? L’affaire prenant une telle ampleur, le cardinal Richelieu se fait
11. Lisez l’acte II, et dites quand les personnages de la pièce l’arbitre de cette querelle.
apprennent l’issue de ce dialogue.
Pour en savoir davantage :
125
• Séance 7 •
La tragédie
Du théâtre Le spectacle tragique agit comme une mise en
garde : il montre ce qui arrive à des
Selon les Grecs, l’art imite le réel. Il existe
personnages (ni bons ni méchants) qui
deux façons d’imiter le réel :
tombent dans le malheur.
Cependant, il arrive qu’une tragédie se
par le récit raconté (c’est la diégésis),
termine bien. On l’appelle alors une tragi-
par la représentation de personnages
comédie.
agissants (c’est la mimésis).
Le héros tragique
La première façon d’imiter la réalité peut être
l’épopée, la fable ou encore le roman. La Le personnage tragique est toujours de haute
deuxième façon est le théâtre. condition. La tragédie grecque emprunte ses
personnages dans le cercle très restreint de
La tragédie est donc une forme théâtrale qui, quelques grandes familles (les Labdacides, les
selon Aristote, est « l’imitation faite par des Atrides). Les personnages sont donc des rois,
personnages en action et non par le moyen des princes, des chefs de guerre ou de grands
d’une narration ». seigneurs, etc.
126
homme devenu roi qui tombe d’un très grand bonheur dans un
grand malheur :
La fatalité
Le mot fatalité vient du latin « fatalis », de « fatum » signifiant le
destin. C’est la fatalité qui fait que les hommes passent d’un grand
bonheur à un grand malheur. Souvent, ce sont les dieux qui
interviennent pour punir une faute, fût-elle commise par des
générations auparavant (voir encore, par exemple, la famille des
Labdacides à laquelle appartient Œdipe).
Œdipe et le Sphinx
127
L’épopée • Séance 8 •
L’épopée raconte les exploits
guerriers d’un héros.
128
L'ordre qu'on me voit suivre et que je donne à tous. Ô combien d'actions, combien d'exploits célèbres
Cette obscure clarté qui tombe des étoiles Sont demeurés sans gloire au milieu des ténèbres,
Enfin avec le flux nous fait voir trente voiles ; Où chacun, seul témoin des grands coups qu'il donnait,
L'onde s'enfle dessous, et d'un commun effort Ne pouvait discerner où le sort inclinait !
Les Maures et la mer montent jusques au port.
On les laisse passer ; tout leur paraît tranquille :
Point de soldats au port, point aux murs de la ville. Questions :
Notre profond silence abusant leurs esprits,
Ils n'osent plus douter de nous avoir surpris ;
Une règle du théâtre classique
Ils abordent sans peur, ils ancrent, ils descendent,
Et courent se livrer aux mains qui les attendent.
1. Comment appelle-t-on un long passage dit par un seul
Nous nous levons alors, et tous en même temps
personnage ?
Poussons jusques au ciel mille cris éclatants.
2. Imaginez pourquoi, au lieu de la représenter sur la scène,
Les nôtres, à ces cris, de nos vaisseaux répondent ;
Corneille fait raconter la bataille par Rodrigue ?
Ils paraissent armés, les Maures se confondent,
L'épouvante les prend à demi descendus ;
Une bataille
Avant que de combattre ils s'estiment perdus.
Ils couraient au pillage, et rencontrent la guerre ;
3. Qui sont les Maures ?
Nous les pressons sur l'eau, nous les pressons sur terre,
4. Comment Rodrigue et ses hommes prennent-ils l’avantage sur
Et nous faisons courir des ruisseaux de leur sang,
les Maures ?
Avant qu'aucun résiste ou reprenne son rang.
5. «Cette obscure clarté qui tombe des étoiles»
Mais bientôt, malgré nous, leurs princes les rallient ;
Pourquoi cette formulation est-elle étonnante ?
Leur courage renaît, et leurs terreurs s'oublient :
6. Qu’est-ce que Rodrigue voit à ce moment ? Quel mot le désigne ?
La honte de mourir sans avoir combattu
Combien y en a-t-il ?
Arrête leur désordre, et leur rend leur vertu.
7. Combien Rodrigue et ses hommes sont-ils ?
Contre nous de pied ferme ils tirent leurs alfanges ;
De notre sang au leur font d'horribles mélanges.
Et la terre, et le fleuve, et leur flotte, et le port,
Sont des champs de carnage où triomphe la mort.
129
Un style épique
Pierre Corneille
130
• Séance 9 •
Les interjections
Qu’est-ce qu’une interjection ? I - Formes des interjections
Souvent, les interjections sont des mots d'une seule syllabe, et qui 1. Ce sont de simples cris ou des onomatopées (mot imitant un
sont suivis d'un point d'exclamation. Ces mots-phrases expriment bruit) :
un sentiment (l'étonnement, l'admiration, la douleur…), un cri ou
un appel : Ah ! Eh ! Euh ! Ouais ! Ouf ! Bah ! Pouah ! Chut ! Holà ! Pst ! Paf !
Boum ! Aïe !
Ah ! que j'aimerais réussir ce contrôle !
Hein ? Que dis-tu ? 2. Ce sont des noms employés seuls ou précédés d'un déterminant,
Ouf ! Enfin tranquille ! d'une préposition ou encore suivi d'une épithète :
Ces mots invariables peuvent même s'employer seuls : Attention ! Courage ! Horreur ! Juste ciel ! Bonté divine ! Ma foi !
Mon œil ! Par exemple ! Sans blague !
Ouf !
Euh ! 3. Ce sont des adjectifs :
Chut !
Bon ! Chic ! Mince !
Une réunion de mots équivalant à une interjection est une locution
interjective : 4. Ce sont des adverbes (ou locutions adverbiales) :
Eh bien ! Qu'attends-tu pour venir ? Alors ! Bien ! Doucement ! En avant ! Tant mieux !
Mon Dieu ! Dire qu'on a failli passer à ce moment !
5. Ce sont des verbes à l'impératif :
131
6. Ce sont des phrases figées :
Hep ! Tu viens ou pas ?
Sauve qui peut ! Le diable l'emporte ! Fouette cocher ! Vogue la
galère ! 5. Ô exprime l'admiration, la douleur, etc. :
2. Eh ! expriment la surprise :
Eh ! toi ici !
4. Hep ! est également d'un emploi familier. Il permet d'appeler : Ô miracle d’amour !
132
2. Trouvez les interjections et dites ce qu’elles vous
Exercices semblent signifier.
133
• Séance 10 •
Georges Fourest
Ce poète français, né en
1867, mort en 1945, est
« Qu'il est joli garçon l'assassin de papa ! »
surtout connu pour son
recueil La Négresse blonde. Va, je ne te hais point.
Corneille
L’un de ses pseudonymes
était Triboulet (bouffon de Le palais de Gormaz, comte et gobernador,
Louis XII, entre autres).
est en deuil : pour jamais dort couché sous la pierre
Dans ses poèmes, il rit des
grands modèles de la l’hidalgo dont le sang a rougi la rapière
littérature (Phèdre, de Rodrigue appelé le Cid Campeador.
Andromaque, Iphigénie...).
Chimène
134
Rédaction :
Rédigez un court paragraphe d’une dizaine de lignes environ qui
Jacques Martin dans une parodie de
film américain « The Cid » soit la parodie d’un combat épique.
Pour cela, utilisez tout ce que vous avez appris dans les trois
dernières séances :
135
• Séance 11 •
Retrouvez les références de ces célèbres citations en donnant l’acte et la scène dans lesquels elles se trouvent.
« Cette obscure clarté qui tombe des étoiles » « À vaincre sans péril, on triomphe sans
gloire »
« Rodrigue as tu du cœur ? »
« Ô rage ! ô désespoir ! ô vieillesse ennemie ! /
« Je suis jeune il est vrai, mais aux âmes bien N'ai-je donc tant vécu que pour cette infamie »
nées / La valeur n'attend point le nombre des
années » « Va, cours, vole, et nous venge »
« Va, je ne te hais point » « Qu'il meure pour mon père, et non pour la
patrie »
« Nous partîmes cinq cents, mais par un
prompt renfort / Nous nous vîmes trois mille « Son sang sur la poussière écrivait mon
en arrivant au port » devoir »
Le Cid
136
• Séance 12 •
Question 1 sur 28
Qui Chimène espère-t-elle épouser (acte I) ?
A. Don Rodrigue
B. Don Sanche
C. Don Arias
D. Don Alonse
Répondre
À quatre pas d’ici je te le fais savoir
137
Chapitre IV
LA VOIX D’ORPHÉE
Objectifs :
139
• Séance 1 •
Orphée
1. C h e r c h e z l e s m o t s
« prélude », « expirer »,
« éloquence » et
« tribut ».
140
d’un reptile pénètre dans son pied délicat. Elle expire. Quand le que je demande. Ah ! si les destins me refusent la grâce d’une
chantre du Rhodope l’eut assez pleurée à la face du ciel, résolu épouse, je l’ai juré, je ne veux pas revoir la lumière. Réjouissez-vous
de tout affronter, même les ombres, il osa descendre vers le Styx de frapper deux victimes ! »
par la porte du Ténare, à travers ces peuples légers, fantômes
honorés des tributs funèbres ; il aborda Perséphone et le maître Il disait, et les frémissements de sa lyre se mêlaient à sa voix, et les
de ces demeures désolées, le souverain des mânes. Les cordes de sa pâles ombres pleuraient. Il disait, et Tantale ne poursuit plus
lyre frémissent ; il chante : l’onde fugitive, et la roue d’Ixion s’arrête étonnée, et les vautours
cessent de ronger le flanc de Tityus, et les filles de Bélus se reposent
« Ô divinités de ce monde souterrain où retombe tout ce qui naît sur leurs urnes, et toi, Sisyphe, tu t’assieds sur ton fatal rocher.
pour mourir, souffrez que laissant les détours d’une éloquence Alors, pour la première fois, des larmes, ô triomphe de l’harmonie !
artificieuse, je parle avec sincérité. Non, ce n’est pas pour voir le mouillèrent, dit-on, les joues des Euménides. Ni la souveraine
ténébreux Tartare que je suis descendu sur ces bords. Non, ce des morts, ni celui qui
n’est pas pour enchaîner le monstre dont la triple tête se hérisse règne sur les mânes ne
des serpents de Méduse. Ce qui m’attire, c’est mon épouse. Une peuvent repousser sa
vipère, que son pied foula par malheur, répandit dans ses veines un prière. Ils appellent
poison subtil, et ses belles années furent arrêtées dans leur cours. Eurydice. Elle était là
J’ai voulu me résigner à ma perte ; je l’ai tenté, je ne le nierai pas : parmi les ombres
l’Amour a triomphé. L’Amour ! il est bien connu dans les régions nouvelles, et d’un pas
supérieures. L’est-il de même ici, je l’ignore : mais ici même je le ralenti par sa blessure,
crois honoré, et si la tradition de cet antique enlèvement n’est elle s’avance. Il l’a
pas une fable, vous aussi, l’Amour a formé vos nœuds. Oh ! par ces retrouvée, mais c’est à
lieux pleins de terreur, par ce chaos immense, par ce vaste et une condition. Le
silencieux royaume, Eurydice ! ... de grâce, renouez ses jours trop chantre du Rhodope ne
tôt brisés ! Tous nous vous devons tribut. Après une courte halte, doit jeter les yeux
un peu plus tôt, un peu plus tard, nous nous empressons vers le derrière lui qu’au sortir
même terme... C’est ici que nous tendons tous... Voici notre des vallées de
dernière demeure, et vous tenez le genre humain sous votre éternel l’Averne : sinon la
empire. Elle aussi, quand le progrès des ans aura mûri sa beauté, grâce est révoquée. Orphée et Eurydice
elle aussi pourra subir vos lois. Qu’elle vive ! c’est la seule faveur
141
Ils suivent, au milieu d’un morne silence, un sentier raide, escarpé, Orphée demeure glacé. Perdre deux fois sa compagne ! Il est là,
ténébreux, noyé d’épaisses vapeurs. Ils n’étaient pas éloignés du comme ce berger pusillanime à la vue des trois têtes de Cerbère
but ; ils touchaient à la surface de la terre, lorsque, tremblant enchaîné. La terreur n’abandonne l’infortuné qu’avec la vie. Son
qu’elle n’échappe, inquiet, impatient de voir, Orphée tourne la tête. corps se transforme en pierre. Tel encore cet Olénus qui appela
Soudain elle est rentraînée dans l’abîme. Il lui tend les bras, il sur sa tête le châtiment de ton crime, ô Lethaea, trop fière de ta
cherche son étreinte, il veut la saisir ; elle s’évanouit, et l’infortuné malheureuse beauté. Cœurs naguère tendrement unis, vous n’êtes
n’embrasse que son ombre. C’en est fait ! elle meurt pour la plus que des rochers insensibles au sommet humide de l’Ida ! Il
seconde fois : mais elle ne se plaint pas de son époux. Et de quoi se prie ; il veut en vain repasser l’Achéron. Le nocher le repousse.
plaindrait-elle ? Il l’aimait. Adieu ! ce fut le dernier adieu, et à peine Et pourtant, sept jours entiers, couvert de poussière, sevré des dons
parvint-il aux oreilles d’Orphée : déjà l’Enfer a reconquis sa proie. de Cérès, il reste sur la rive du fleuve, immobile, se repaissant du
trouble de son âme, de sa douleur et de ses larmes. Il accuse de
cruauté les dieux de l’Erèbe. Enfin, il se réfugie au haut du
Rhodope, de l’Hémus que battent les Aquilons. Trois fois, sur
les pas du Soleil, les célestes Poissons avaient fermé le cercle de
l’année, et nulle femme n’avait ramené à Vénus son cœur indocile,
soit prudence, soit fidélité. Plusieurs cependant brûlaient de s’unir
au chantre divin ; plusieurs essuyèrent la honte d’un refus. [...]
La barque de Charon
142
Une colline s’élevait, et sur cette colline, le sol, mollement aplani,
Orphée (deuxième partie) nourrissait une herbe verte et touffue : mais l’ombre manquait en
ces lieux. Sitôt que, se reposant à cette place, le chantre fils des
immortels toucha les cordes sonores, l’ombre y vint d’elle-même.
Soudain parurent et l’arbre de Chaonie, et les Héliades du
bocage, et le chêne au feuillage superbe, et le gracieux tilleul, et le
hêtre, et le laurier virginal. On vit paraître en même temps le
coudrier fragile et le frêne guerrier, et le sapin sans nœuds, et
l’yeuse courbée sous le poids de ses glands, et le platane ami de la
joie, et l’érable aux nuances variées, et le saule des fleuves, et le
lotus des eaux, et le buis toujours vert, et les bruyères timides, et les
myrtes à deux couleurs, et le tinus aux baies d’azur. Vous
accourûtes à l’envi, lierres dont les pieds se tordent ; vignes
chargées de pampres, ormeaux que la vigne décore, frênes
sauvages, arbres résineux. Puis vinrent l’arboisier couvert de fruits
rouges, le palmier flexible, prix glorieux de la victoire, le pin, dont
la tête se hérisse d’une âpre chevelure, le pin cher à Cybèle, à la
mère des dieux. Car son Attis, dépouillé de la forme humaine, est là
enfermé dans sa prison d’écorce. On vit, au milieu de cette foule
empressée, le cyprès pyramidal, arbre désormais, jadis enfant aimé
du puissant dieu qui fait résonner à la fois la corde de l’arc et
celles de la lyre.
[...]
Parmi ces arbres qu’il attire, parmi les habitants des bois et des
Orphée charme les animaux airs, qui forment son cortège, le chantre était assis. Il essaie du
doigt les cordes émues, et jugeant que de la variété des accords
143
résulte une parfaite harmonie, il rompt le silence, il élève sa voix tel, le matin, aux yeux des spectateurs, un cerf qui doit périr dans
pure. l’arène est livré en proie à une meute féroce : ainsi les Ménades
entourent Orphée, le frappent de leurs thyrses verdoyants, faits
[…] pour un autre usage. Celles-ci s’arment de glèbes ; celles-là, de
branches arrachées : d’autres lancent d’énormes cailloux. Tout sert
Tandis que, par ses accents, le chantre de Thrace entraîne sur d’arme à leur fureur. Non loin de là des bœufs traçaient avec le soc
ses pas les forêts, les bêtes féroces et les rochers émus, voici que, du des sillons dans
haut d’une colline, les bacchantes furieuses, au sein couvert de la plaine, et de
sanglantes dépouilles, aperçoivent Orphée qui marie ses chants aux robustes
accords de sa lyre. Une d’elles, les cheveux épars et flottant dans les laboureurs
airs : « Le voilà, s’écrie-t-elle, le voilà, celui qui nous méprise » ; et confiaient à la
elle frappe de son thyrse la bouche harmonieuse du prêtre terre l’espoir de
d’Apollon. Le trait enveloppé de feuillage laisse sans blesser une la moisson et le
empreinte légère. Une autre s’arme d’un caillou qui, lancé dans les prix de leurs
airs, est vaincu par les accords de la lyre et des chants, et comme sueurs. A la vue
pour implorer le pardon d’une si criminelle audace, vient tomber de la troupe
suppliant aux pieds du poète. La fureur des Ménades s’en accroît : furieuse, ils
elles ne connaissent plus de bornes : l’aveugle Erinnys les possède ; s’enfuient,
les chants divins auraient émoussé tous leurs traits ; mais une abandonnant les
horrible clameur s’élève, la flûte de Phrygie, les tymbales, le bruit instruments de
des mains frappées, les hurlements des bacchantes étouffent de leur travail ; de
leurs sons discordants les sons harmonieux de la lyre : alors tous côtés
seulement les rochers se teignirent du sang du chantre dont ils demeurent
n’entendaient plus la voix. Les innombrables oiseaux, les serpents, dispersés dans
les bêtes féroces qu’avait attirés la lyre, et qui semblaient être les champs et les
encore sous le charme de la voix d’Orphée, la troupe furieuse des sarcloirs, et les
Ménades les disperse. Puis elles tournent contre le chantre leurs longs hoyaux, et
mains criminelles. Tel l’oiseau de la nuit, si le jour l’a surpris dans les râteaux
la plaine, est entouré d’une foule d’oiseaux attirés par sa vue : ou pesants. Les La mort d’Orphée
144
bacchantes s’en emparent, arrachent jusqu’aux cornes des bœufs,
et retournent, en furie, achever les destins du chantre de la Thrace.
Il leur tendait ses mains suppliantes, et sa voix, pour la première
fois impuissante, leur adressait des prières inutiles. Leurs mains
sacrilèges lui donnent la mort, et cette bouche, ô Jupiter ! cette
bouche dont les accents s’étaient fait entendre des rochers, et
avaient ému les monstres des forêts, laisse passer son âme qui
s’exhale dans les airs.
Les oiseaux attristés, Orphée, les bêtes féroces, les durs rochers, les
forêts, si souvent entraînées par tes chants, te pleurèrent ; les
arbres dépouillèrent leur feuillage, et on dit que les fleuves
s’accrurent de leurs larmes. Les Naïades, les Dryades se
couvrirent de voiles funèbres, et laissèrent flotter leurs cheveux en
signe de douleur.
145
Les membres d’Orphée sont dispersés en divers lieux. Hèbre glacé,
tu reçois sa tête et sa lyre, et, ô prodige ! tandis que le fleuve les
entraîne, sa lyre fait entendre des plaintes, sa langue inanimée en
murmure, et les échos du rivage y répondent. Déjà ces tristes débris
ont quitté le fleuve, et la mer les dépose sur le rivage de Méthymne.
Là, un serpent s’apprête à dévorer cette tête abandonnée sur un
sable étranger : il lèche ses cheveux encore dégouttants de l’onde
amère, et, la gueule ouverte, il va déchirer cette bouche
harmonieuse. Mais enfin Apollon paraît, détourne la morsure et
change en un dur rocher le serpent, dont la gueule s’arrête et se
durcit béante. L’ombre descend dans la demeure des morts, et
reconnaît ces lieux qu’elle a déjà visités : dans les champs réservés
aux justes, elle cherche, elle trouve Eurydice, et la serre avec amour
dans ses bras. Là, tantôt les deux ombres s’unissent dans leur
marche ; tantôt Orphée suit son épouse, tantôt il la précède, et il
peut regarder en arrière sans perdre son Eurydice. Mais Bacchus ne
laisse pas le crime impuni : touché du sort de son ministre, il
attache soudain à la terre, au milieu des forêts, les pas des Ménades
criminelles. Les doigts de leurs pieds s’allongent en noueuses
racines, et
s’enfoncent dans le
Questions :
sol, suivant le
degré de fureur qui
1. Quels sont les pouvoirs d’Orphée
lorsqu’il joue de la lyre ? naguère anima les
coupables. Tel, si
2. Qu’arrive-t-il à Orphée ? Pourquoi ? son pied s’est
engagé dans les
3. Qui le venge ? Comment ? lacs qu’a disposés Jeune fille thrace portant la tête d'Orphée
un adroit chasseur,
146
l’oiseau qui se sent retenu se débat, et par ses secousses, ne fait que
resserrer ses liens. Ainsi ces femmes, saisies d’effroi, cherchent à
fuir ; mais la racine tenace les arrête et retient leur élan. Elles
cherchent où sont leurs pieds, leurs doigts, leurs ongles, et elles
voient un tronc arrondi qui a pris la place de leurs jambes ; elles
veulent frapper leurs cuisses en signe de douleur, et elles ne
frappent qu’un bois insensible ; déjà leur sein, leurs épaules ne sont
plus que bois : on prendrait leurs bras étendus pour des rameaux,
et ce ne serait pas se méprendre.
Orfeu Negro
de Marcel Camus
147
• Séance 2 •
Charles d’Orléans
( 13 9 4 - 14 6 5 )
Charles d’Orléans
148
Questions : est alors mis en valeur ?
11. Quel type de phrase revient fréquemment ? Quel sentiment
I - Le type de vers
exprime ce type de phrase ?
12. De quel mal souffre le poète ? Qu’espère-t-il ?
1. Lisez le premier et le dernier vers. Que remarquez-vous ?
2. Où retrouve-t-on encore ce vers ? Comment appelle-t-on la
répétition d’un vers ?
Exercice de versification
3. Combien les vers comptent-ils de syllabes ? Comment les
appelle-t-on ? Comme Charles d’Orléans, adressez-vous à Mélancolie ou à
4. Combien ce poème compte-t-il de rimes ? Plaisance.
Pour cela, rédigez une
II - Un ennuyeux voisin strophe composée
uniquement
5. Quel terme désigne le poète ? d’octosyllabes à rimes
6. À qui s’adresse-t-il ? embrassées.
7. Est-ce quelqu’un à qui l’on parle ? Quelle figure de style a-t-on ?
8. Qu’est-ce qui montre qu’il lui parle comme à une personne
d’importance ?
9. Que lui reproche-t-il
cependant ? Relevez les Azincourt 1415
termes qui permettent de
le dire.
10. Où la phrase,
commencée dans le
premier vers, se termine-t-
Touchez pour voir la vidéo
elle ? Pourquoi ? Quel mot
149
Mais il existe des rondeaux beaucoup plus simples comme celui de
Le rondeau Jean Froissart (XIVe siècle) dont vous trouvez ensuite la
traduction :
Le rondeau est un court poème qui doit son nom à la ronde (que Tant crain Refus que je n’ose aprochier
l’on dansait et chantait à l’origine). Il est apparu au XIIIe siècle, et Celle qui est ma santé et ma vie
Or me convient fuïr ce que j’ai chier :
il est généralement composé de trois strophes en octosyllabes ou en
Tant crain Refus que je n’ose aprochier.
décasyllabes sur deux rimes seulement. Le rondeau est rythmé par
Si me faut il passer par ce dangier :
un refrain.
Or prie Amours qu’il me soit en aïe ;
Ce rondeau de Vincent Voiture (XVIIe siècle) en donne les règles. Il
Tant crain Refus que je n’ose aprochier
tire le refrain du premier hémistiche du premier vers (et qui Celle qui est ma santé et ma vie.
s’ajoute aux deux autres strophes) :
Je crains tant Refus que je n’ose approcher
Ma foi, c'est fait de moi. Car Isabeau Celle qui est ma santé et ma vie
M'a conjuré de lui faire un rondeau. Or il me convient de fuir ce qui m’est cher :
Cela me met en une peine extrême. Je crains tant Refus que je n’ose approcher.
Quoi ! treize vers : huit en eau, cinq en ême ! Il me faut pourtant passer par ce danger :
Je lui ferais aussitôt un bateau. Je prie donc Amour de me venir en aide ;
Je crains tant Refus que je n’ose approcher
En voilà cinq pourtant en un monceau. Celle qui est ma santé et ma vie.
Faisons-en sept, en invoquant Brodeau,
Et puis mettons : par quelque stratagème : La figure du rond est donnée par la forme, puisque le poème
Ma foi, c'est fait.
s’achève sur les vers qui l’ont commencé. La simplicité du poème
exprime un sentiment léger, spontané qui convient bien à la
Si je pouvais encor de mon cerveau
déclaration amoureuse. Il semble presque improvisé, d’une
Tirer cinq vers, l'ouvrage serait beau.
Mais cependant me voilà dans l'onzième,
sensibilité naturelle.
Et si je crois que je fais le douzième,
En voilà treize ajusté de niveau.
Ma foi, c'est fait !
150
• Séance 3 •
151
Questions : 12. Dans la dernière strophe, quelle est la nature du mot «donc» ?
Quand l’emploie-t-on ? Que propose le poète à la jeune fille ?
I - Le type de poème
Pourquoi ?
II - L’invitation
152
L’ode Dans son recueil Odes et ballades, Victor Hugo revient à l’ode, en
lui donnant des formes très variées. Dans sa préface de 1823, il dit
de l’ode que : « c’était sous cette forme que les inspirations des
premiers poètes apparaissaient jadis aux premiers peuples ».
Une odelette est une petite ode. En principe composée d’une seule
strophe, elle est, chez Gérard de Nerval, un poème court de
quelques strophes :
Il s’agit généralement d’un poème divisé en strophes semblables « Le point noir » de Gérard de Nerval
par le nombre de vers mais aussi par le vers. Ainsi, « Mignonne,
allons voir si la rose » est composé de trois strophes contenant Quelle que soit la forme adoptée, chez Ronsard, chez Hugo ou
toutes six vers, lesquels sont tous des octosyllabes. Nerval, l’ode est le poème lyrique par excellence.
153
• Séance 4 •
Les rimes
I - Qu'est-ce qu'une rime ?
Un poème est (souvent) composé de vers se terminant par des Qu’est-ce qu’une rime ?
rimes. Plus précisément, le dernier mot d'un vers rime avec le
dernier mot du suivant. C'est en tout cas l'exemple le plus fréquent
dans un poème à rimes plates :
II - La qualité de la rime
Ô rage ! ô désespoir ! ô vieillesse ennemie !
N'ai-je donc tant vécu que pour cette infamie On parle également de la richesse de la rime. Elle se mesure au
nombre de sons répétés.
« ennemie » rime avec « infamie ». On retrouve les lettres « mie »
dans les deux mots, mais cela ne fait que deux sons étant donné • Si deux mots ont un seul son en commun, on dit que la rime est
que la lettre « e » est muette. On a le son [m] et le son [i]. pauvre :
154
Dans cet exemple, « dépourvue » rime avec « venue » et n'ont que
le son [y] en commun (c'est ainsi que l'on note le son produit par la Une Grenouille vit un Bœuf
lettre «u»). Qui lui sembla de belle taille.
Elle, qui n'était pas grosse en tout comme un œuf,
Envieuse, s'étend, et s'enfle, et se travaille,
• Si deux mots ont deux sons en commun, on dit que la rime est
suffisante :
Dans cet exemple, « chanté » rime avec « Été ». Les deux mots ont Dans ce poème, elles sont croisées :
deux sons communs, les sons [t] et [e].
Bœuf A
taille B
• Si deux mots ont trois sons ou plus en commun, on dit que la rime
œuf A
est riche :
travaille B
155
Résumons : V - Exercices
Les rimes croisées ont la disposition suivante : ABAB.
Les rimes plates ont cette disposition : AA BB (CC DD...).
Les rimes embrassées ont celle-ci : ABBA.
Dans les fables de Jean de La Fontaine, on dit que les rimes sont Exercice 1 Donnez la qualité des
mêlées, car on trouve souvent plusieurs voire les trois dispositions rimes.
dans un même poème.
Question 1 sur 7
Pleurez, doux alcyons ! ô vous, oiseaux sacrés,
IV - La nature des rimes Oiseaux chers à Thétis, doux alcyons, pleurez !
Leurs yeux sont morts et leurs lèvres sont molles, A. rimes pauvres
Et l'on entend à peine leurs paroles.
B. rimes suffisantes
« molles » et « paroles » sont donc des rimes féminines.
C. rimes riches
Toutes les autres sont des rimes masculines :
Répondre
156
Exercice 2 Même exercice Exercice 3 Dites si les rimes sont
féminines ou masculines.
Question 1 sur 6
Je veux peindre la France une mère affligée, Question 1 sur 5
Qui est, entre ses bras, de deux enfants Dans le frais clair-obscur du soir charmant qui
chargée. tombe,
L'une pareille au cygne et l'autre à la colombe,
A. rimes pauvres
A. rimes féminines
B. rimes suffisantes
B. rimes masculines
C. rimes riches
Répondre Répondre
157
VI - Rédiger
Rédigez une strophe sur le temps qui passe, et invitez la personne
Exercice 4 Dites comment les rimes de votre choix à profiter de votre jeunesse.
sont disposées.
Comme
Question 1 sur 6 Ronsard,
Fardée et peinte comme au temps des bergeries, utilisez des
Frêle parmi les nœuds énormes de rubans, interjections,
Elle passe, sous les ramures assombries,
Dans l'allée où verdit la mousse des vieux bancs, des phrases
exclamatives,
et des verbes à
l’impératif.
A. Rimes croisées
Choisissez des
B. Rimes plates rimes
croisées,
C. Rimes embrassées plates ou
embrassées.
Alternez les
rimes
féminines et
Répondre
les rimes
masculines,
et essayez de
faire des rimes
suffisantes
voire riches.
158
• Séance 5 •
André Chénier
Élégie
( 17 6 2 - 17 9 4 )
160
Au XIXe siècle, Alphonse de Lamartine renouvelle l’élégie avec les
L’élégie Méditations. Voici les deux premières strophes du poème « Le
lac » :
Le mot élégie, en grec, signifie « plainte ». Durant l'Antiquité,
l’élégie désigne une forme poétique : c'est un poème composé de Ainsi, toujours poussés vers de nouveaux rivages,
distiques (réunion de deux vers). Dans la nuit éternelle emporté sans retour,
Ne pourrons-nous jamais sur l’océan des âges
En France, au XVIe siècle, l’élégie n’est plus une forme obéissant à Jeter l’ancre un seul jour ?
des règles précises, mais un poème lyrique fondé sur le thème du
malheur. La nostalgie, la mélancolie, l’amour malheureux, le temps Ô lac ! l’année à peine a fini sa carrière,
qui passe sont les thèmes de prédilection de l’élégie. Et près des flots chéris qu’elle devait revoir,
Regarde ! je viens seul m’asseoir sur cette pierre
La poésie moderne se réclame peu de l’élégie, mais, au XVIIIe Où tu la vis s’asseoir !
161
• Séance 6 •
Conjugaison
Dans son œil, ciel livide où germe l'ouragan,
La douceur qui fascine et le plaisir qui tue.
Boulevard Montmartre
Répondez aux questions :
1. Donnez le temps et le mode des verbes en gras.
La rue assourdissante autour de moi hurlait. 2. Conjuguez-les.
Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse, 3. Relevez un exemple de verbe pouvant être suivi d’un
Une femme passa, d'une main fastueuse complément d’objet, et un exemple de verbe ne pouvant avoir
Soulevant, balançant le feston et l'ourlet ; de complément d’objet.
162
Qu’est-ce qu’un mode ? a) L’indicatif est généralement utilisé pour affirmer quelque chose
de réel, une chose dont on est certain et que l’on peut situer dans le
Lorsque l’on conjugue un verbe, l’on donne de nombreuses temps (le passé, le présent ou le futur) :
indications. Par exemple, si on dit «tu chantes». On indique la
personne (la deuxième), le nombre (le singulier), le temps (le Il est venu / Il vient / Il viendra.
présent), la forme (la forme active). On indique également le mode.
C’est ici l’indicatif. b) Le subjonctif, entre autres, exprime le souhait ou la crainte de ce
qui peut arriver ou ne pas arriver :
163
b) Le participe (présent ou passé) s’emploie souvent pour faire des
Les modes et les temps
adjectifs :
La conjugaison française compte donc cinq modes. L'indicatif
Le prince charmant (du verbe charmer) / L’enfant endormi (du compte dix temps, le subjonctif quatre, l'impératif, l'infinitif et le
verbe endormir). participe deux.
Le participe passé, dans les autres cas, permet de faire des temps Chaque mode contient deux types de temps : les temps simples et
composés comme le passé composé (j’ai joué), le plus que parfait les temps composés.
(j’avais joué), le futur antérieur (j’aurai joué), etc.
Un temps simple est en un seul mot («je change» par exemple).
Le participe présent connaît aussi un emploi verbal. Il est alors Naturellement, on ne compte pas le pronom personnel. Un temps
noyau de proposition : Le prince, courant vers la princesse, a composé est fait de deux mots. En effet, un temps composé est...
trébuché sur une racine. composé d'un auxiliaire (« être » ou « avoir ») ainsi que du verbe
au participe passé.
Si courant est précédé de la préposition en, il devient un
gérondif : en courant (En courant vers la princesse, le prince a Prenons un exemple.
trébuché). Si l'on veut conjuguer le verbe « changer » au passé composé
(temps évidemment composé), on va utiliser un auxiliaire
(« avoir ») auquel on ajoute le participe passé du verbe
Résumons : les modes et leurs temps
« changer » (c'est-à-dire « changé »). Cela donne, à la première
personne du singulier, « j'ai changé ».
Vous obtiendrez ainsi tous les temps composés. Une seule chose va
varier : le temps de l'auxiliaire. Si vous connaissez les temps
simples, vous trouverez facilement les temps composés. Il suffira
ensuite de savoir les nommer, car vous comprendrez rapidement
qu'il existe une correspondance entre les temps simples et les
temps composés.
165
V - Le participe Les verbes transitifs et les verbes
intransitifs
TEMPS SIMPLE TEMPS COMPOSÉ
Exemple :
Orphée vient.
Sujet verbe
166
Enfin, il ne faut pas confondre COD et attribut du sujet. Ainsi, dans Pour savoir si le verbe est transitif ou s’il est intransitif, on peut
la phrase « Ils sont affreux », « affreux » est attribut du sujet poser la question «quoi ?» juste après le verbe : « Il bondit quoi ? »
« ils ». « sont » n’est donc pas un verbe transitif. ne veut rien dire ; le verbe est intransitif. La question « Nous
découvrons quoi ? » est correcte, elle peut être posée. Le verbe est
L’attribut du sujet se trouve après un verbe d’état : être, devenir, donc transitif.
paraître, sembler, demeurer, avoir l’air, passer pour, etc.
III - Transitif direct et transitif indirect
II - Les verbes transitifs
Si le verbe est immédiatement suivi du complément d’objet, le
Le verbe ne peut pas être employé seul. Il est suivi par un groupe de verbe est transitif direct.
mots qui le complète. Ce complément précise l’objet sur lequel
s’exerce l’action. Exemple : M. Loisel imagine une solution.
On parle de verbe transitif. verbe complément d’objet
167
Exercices : Exercice 3.
Dites si les verbes ci-dessous sont transitifs ou intransitifs.
Exercice 1.
Trouvez le mode des verbes en gras.
Exercice 2.
Même exercice.
168
La forme passive III - Passer de la forme active à la forme
passive
La phrase active, en devenant passive, subit quelques
I - Forme active et forme passive transformations : ce qui est au début est mis à la fin, et ce qui est à
La forme passive s’oppose à la forme active. la fin est mis au début :
Exemple de phrase à la forme active :
169
IV - Conjugaison de la forme passive l'auxiliaire au passé simple : il fut mangé. Pour obtenir l’imparfait,
l'auxiliaire est à l'imparfait : il était mangé, etc.
Seuls les verbes transitifs (c’est-à-dire ceux qui acceptent un COD)
peuvent se conjuguer à la forme passive.
Le verbe manger à la forme passive
(première personne du sg et du pl)
170
• Séance 7 •
1. De quel nom vient l’adjectif «saturnien» ? Poèmes saturniens (1866), Paul Verlaine
171
Questions : L’absence
Le genre de ce poème
10. Que sait-on de la femme dont il est question dans ce poème ?
Appuyez-vous sur le texte en citant les passages qui vous
1. Combien de strophes compte ce poème ? Combien y a-t-il de vers
permettront de justifier votre réponse.
par strophe ? Comment appelle-t-on ce type de poème ?
11. Dans la dernière strophe, relevez ce qui est dit du regard et de la
2. a) Recopiez le dernier vers en séparant chaque syllabe. Combien
voix de la femme.
y en-a-t-il ? 12. a) Quelle est la classe grammaticale du mot «tues» ?
b) Quelles sont les deux règles de versification permettant de b) Avec quel mot rime-t-il ? Donnez la qualité de la rime et justifiez
trouver le nombre exact de syllabes ? votre réponse.
3. Observez la disposition des rimes de la première strophe. 13. À quels mots de la strophe précédente, le mot «tues» peut-il
Comment l’appelle-t-on ? être rapproché ?
Exercice de réécriture :
4. Combien y a-t-il de phrases dans la première strophe ?
5. Dans la première strophe, relevez les pronoms personnels. Qui Réécrivez la deuxième strophe en remplaçant « elle » par « elles ».
désignent-ils ?
6. Toujours dans la première strophe, quels mots sont répétés ? Car elle me comprend, et mon cœur, transparent
7. Relevez aussi la répétition d’un même son dans les deux Pour elle seule, hélas ! cesse d'être un problème
premiers vers. Comment s’appelle ce procédé ? Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême,
8. a) Relevez les pronoms personnels de la deuxième strophe. Qui Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant.
désignent-ils ?
b) Où sont-ils placés ? Comment appelle-t-on la figure de style qui
consiste à répéter un même mot ou un même groupe de mots en
début de vers ?
9. D'après les deux premières strophes, quel est le sujet de ce
poème ?
172
Le sonnet
Plus mon Loir gaulois, que le Tibre latin, e
Plus mon petit Liré, que le mont Palatin, e
Et plus que l'air marin la doulceur angevine. d
173
• Séance 8 •
Recueillement
Sois sage, ô ma douleur, et tiens-toi plus tranquille.
Tu réclamais le Soir ; il descend ; le voici :
Une atmosphère obscure enveloppe la ville,
Aux uns portant la paix, aux autres le souci.
174
Questions : 12. Comment faut-il prononcer « l’orient » pour avoir le compte
voulu de syllabes ? Trouvez dans le poème un autre exemple.
I - Le type du poème
13. Le poète parvient-il à trouver la paix souhaitée ?
14. Relevez le champ lexical de la mort.
1. Combien le poème compte-t-il de strophes ?
2. Combien ces strophes comptent-elles de vers ?
3. Comment les rimes sont-elles disposées ?
Exercice de réécriture :
4. Comment appelle-t-on ce type de poème ?
Réécrivez les deux premiers vers à la deuxième personne du pluriel.
II - Le soir
Sois sage, ô ma douleur, et tiens-toi plus tranquille.
5. À qui le poète s’adresse-t-il ? Quels sont, dans l’ensemble du Tu réclamais le Soir ; il descend ; le voici [...]
poème, les termes qui le désignent ? Quelle figure de style a-t-on ?
6. Quel est le temps et le mode du premier verbe ? Trouvez deux
autres exemples dans le poème.
7. Relevez les termes qui désignent le soir. Qu’apporte ce moment
au poète ?
8. Par quels termes sont désignés les autres personnages du texte ?
Ces termes sont-ils mélioratifs ou péjoratifs ? Qu’est-ce que
cherchent ces personnages ? Pourquoi ?
9. La deuxième strophe se termine par l’adverbe « ici ». À quel mot
s’oppose-t-il ? Où est-il placé ? Quel effet cela crée-t-il ?
III - Le regret
175
Qu’est-ce que le lyrisme ? 2. Cherchez, dans le poème ci-dessous, des exemples de ce que
vous avez affirmé dans l’exercice précédent.
1. Complétez les phrases ci-dessous.
Salut ! bois couronnés d’un reste de verdure !
Lyrisme vient du mot ... . Feuillages jaunissants sur les gazons épars !
C’est un instrument de musique ayant appartenu au dieu ... ou Salut, derniers beaux jours; Le deuil de la nature
à ..., le mari d’Eurydice. La Muse ... en a une également.
Convient à la douleur et plaît à mes regards.
La poésie lyrique est l’expression des ... ,
comme ... ou ... . Je suis d’un pas rêveur le sentier solitaire ;
Les phrases ... ou ... soulignent l’émotion J’aime à revoir encor, pour la dernière fois,
du poète. Ce soleil pâlissant, dont la faible lumière
Très souvent, le poète utilise le pronom Perce à peine à mes pieds l’obscurité des bois.
personnel ... .
Les principaux thèmes de la poésie Oui, dans ces jours d’automne où la nature
lyrique sont ... , ... ou ... . expire,
Les figures de ... et le jeu sur les ... À ses regards voilés je trouve plus d’attraits :
donnent à la poésie lyrique sa musicalité. C’est l’adieu d’un ami, c’est le dernier sourire
Des lèvres que la mort va fermer pour jamais.
176
• Séance 9 •
Les Muses
Filles de Zeus et de Mnémosyne, la déesse de la mémoire, les neuf Muses. Le mont Hélicon abritait un sanctuaire, le Muséion
Muses savent tout et voient tout : le passé, le présent mais aussi le (mouseîon) qui a donné notre actuel mot musée (après un passage
futur. Elles possèdent un trésor immense de connaissances : la chez les romains : museum). Littéralement, le musée est le lieu
musique, la danse, l’histoire, l’astronomie, etc. consacré aux Muses.
L’art des Muses est la musique (du latin musica, mot venant du
grec mousikê).
177
distinguait deux grandes parties. L’une concernait le « pouvoir de
la langue » et se divisait en grammaire, dialectique et rhétorique.
L’autre se rapportait au « pouvoir des nombres » et se composait
de l’arithmétique, la musique, la géométrie et l’astronomie.
« Parfois il est distrait, ses Muses sont absentes ; Puis, tout à coup,
il dit des choses ravissantes ! », écrit Edmond Rostand dans
Cyrano.
Hésiode et la Muse
178
Les neuf muses
179
Diaporama Les neuf Muses
Terpsichore
180
• Séance 10 •
Versification
I - Le mètre Le e de campagne ne compte pas. Le mot compte donc pour deux
syllabes cam-pagne (et non cam-pa-gne).
Il est défini par le nombre des syllabes. Ainsi l’alexandrin est un
vers de douze syllabes :
Il reste alors deux cas à étudier : soit le e est devant une consonne,
soit le e est devant une voyelle.
Il se faut entraider, // c’est la loi de nature
a) Le e devant consonne
Le mètre est donc le type de vers. S’il ne compte qu’une syllabe,
Si, dans un vers, un mot se terminant par un e est suivi d’un autre
c’est un monosyllabe ; deux, c’est un dissyllabe ; trois, trisyllabe,
mot commençant par une consonne, alors ce mot comptera une
etc.
syllabe supplémentaire. En effet, devant une consonne, le e sera
prononcé et compté, et formera donc une syllabe.
II - Le compte des syllabes
1. Le e muet Exemple :
Le e, très mal dit « muet », est l’un des seuls véritables points J’ai vu fondre la neige (J’ai vu fon-dre la neige)
d’achoppement dans le calcul des syllabes d’un vers. La diction Le mot « fondre » compte pour deux syllabes « fon » et « dre », le
quotidienne a tendance à « manger » les e, soit à la fin d’un mot e final du mot se trouvant devant un mot (« la ») commençant par
soit au milieu d’un mot : « Ell’ m’pass’ le cur’dent » (au lieu de une consonne (le « l »).
« Elle me passe le cure-dent »).
b) Le e devant voyelle
Quand vous lisez un vers, vous devez faire très attention aux e Si un mot se terminant par un e est suivi d’un mot commençant
muets : il faut les dire et donc les compter, tous sauf le dernier du par une voyelle, alors le e ne comptera pas.
vers. Le e final d’un vers ne compte jamais :
Exemple :
Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne L’opaque obscurité fermait le ciel béant ;
181
Le mot «opaque» est suivi d’un mot commençant par une voyelle Un Animal paît dans nos prés,
(« obscurité »). « opaque » compte alors pour deux syllabes « o- Beau, grand ; j’en ai la vue encor toute ravie
paque ».
Le e d’« opaque » s’élide (il disparaît) si bien qu’on dit le vers En écrivant « encor » sans e, on perd une syllabe (« en-co-re »
ainsi : « L’o-pa-quo-bscu-ri-té ». devant consonne faisant trois syllabes).
182
La césure a donc une place qui varie selon la longueur du vers, mais
elle se trouve presque toujours après une syllabe accentuée.
L’accent porte sur la dernière syllabe sans e muet d’un mot
(attention, le e final ne forme pas une syllabe) : enDROIT,
proCHAIne, couRAge...
183
VI - Le rejet et le contre-rejet Par sa position, le contre-rejet, comme le rejet, met en relief le mot
placé à la fin ou au début du vers.
1. Le rejet
On appelle le rejet un mot ou un groupe de mots brefs placé au
VII - Le jeu sur les sonorités
début d’un vers et qui appartient à la phrase commencée au vers
précédent : 1. Les rimes
Pour ce qui est des rimes, je vous renvoie au cours précédent sur la
Le Loup, par ce discours flatté, qualité des rimes afin de savoir si elles sont riches, suffisantes ou
S’approcha. Mais sa vanité lui pauvres ainsi que sur leur disposition.
Lui coûta quatre dents : le Cheval lui desserre
Un coup ; et haut le pied. Voilà mon loup par terre 2. L’allitération et l’assonance
Dans un vers, il n’est pas rare qu’un même son consonantique ou
Deux rejets ont été soulignés. « s’approcha » appartient bien à la vocalique (consonne ou voyelle) soit répété. Quand c’est une
phrase commencée au vers précédent (le sujet du verbe « Le consonne, on parle d’allitération ; lorsque c’est une voyelle, on
Loup » se trouve dans le vers précédent) ; de même, le groupe parle d’assonance.
nominal « Un coup » est complément du verbe « desserre » placé La répétition d’un son a un effet d’harmonie, de rythme voire de
précédemment. sens.
Le rejet met en valeur un mot ou un groupe de mots en les plaçant
ainsi en début de vers. a) L’allitération
L’allitération est la répétition de consonnes :
2. Le contre-rejet
Le contre-rejet est l’inverse du rejet. Pour qui sont ses serpents qui sifflent sur vos têtes ?
Au lieu que le rejet est situé en début de vers, le contre-rejet est un
mot ou groupe de mots bref placé en fin de vers. Le contre-rejet est Un effroyable cri sorti du fond des flots
évidemment lié, par la construction de la phrase, au vers qui suit :
Elle a parfois une signification (la répétition du son s imite le
Après quelques moments, l’appétit vint : l’Oiseau, sifflement du serpent), mais il est parfois difficile de la préciser.
S’approchant du bord, vit sur l’eau Ainsi, dans le deuxième exemple, la répétition du son f peut
[...]
184
suggérer un sentiment de peur, d’effroi ou du bouillonnement des b) L’assonance
flots... La répétition d’une même voyelle a également un effet rythmique :
Plus simplement, l’allitération a un effet rythmique : Tout m’afflige et me nuit // et conspire à me nuire
Elle n’écoute ni les gouttes, dans leurs chutes, Dans ce vers de Racine (Phèdre), l’assonance porte sur les quatre
Tinter d’un siècle vide au lointain le trésor... accents de l’alexandrin.
Elle produit une évidente harmonie sonore, et n’est pas dénuée de
Elle souligne le rythme ternaire (composé de trois parties) du sens : la répétition du son i met en relief le sentiment d’affliction
vers. (peine profonde).
185
• Séance 11 •
Le pont Mirabeau
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure
« Le pont Mirabeau » de Guillaume Apollinaire est un
poème d’abord publié en 1912 dans la revue Les soirées de Passent les jours et passent les semaines
Paris puis dans le recueil Alcools en 1913.
Ni temps passé
Ni les amours reviennent
Sous le pont Mirabeau coule la Seine Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Et nos amours
Vienne la nuit sonne l'heure
Faut-il qu'il m'en souvienne Les jours s'en vont je demeure
La joie venait toujours après la peine
Guillaume Apollinaire
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure
Vienne la nuit sonne l'heure 1. Lorsque vous lisez ce poème pour la première fois, que
Les jours s'en vont je demeure remarquez-vous avant toute chose ? Cela gêne-t-il la lecture ?
Pourquoi ?
L'amour s'en va comme cette eau courante 2. Combien le poème compte-t-il de strophes ? Combien de vers
L'amour s'en va ces strophes comptent-elles ? Combien ces vers comptent-ils de
Comme la vie est lente syllabes ? Nommez-les.
Et comme l'Espérance est violente
186
3. Quels vers sont répétés ? Comment appelle-t-on ces répétitions ? 7. Dans la première strophe, relevez les rimes féminines. Combien
Combien ces vers ont-ils de syllabes ? y a-t-il de rime masculine ? Citez-la.
4. Écoutez le poème lu par Guillaume Apollinaire, et dites quelle 8. Relevez les verbes de mouvement.
impression se dégage de cette lecture. 9. Qu’est-ce qui, contrairement à l’amour et à l’eau, ne passe pas ?
10. Dans la troisième strophe, relevez un jeu sur les mots.
III - Le temps
Exercice de réécriture :
Recopiez la première strophe en rétablissant la ponctuation
Le pont Mirabeau (attention ! il y a plusieurs possibilité).
187
• Évaluation finale •
Gérard de Nerval
Le jardin du Luxembourg
188
Questions : comparée la jeune fille ? (0,5 point)
9. Relevez, dans la première strophe, les adjectifs qualificatifs. (1,5
I - Le type du poème (3 points)
point)
10. Relevez le vocabulaire de la musique. (1 point)
1. Combien ce poème compte-t-il de strophes ? (0,5 point)
11. En vous appuyant sur les questions 6 à 10, dites ce que
2. Comment appelle-t-on une strophe de quatre vers ? (0,5 point)
représente la jeune fille. (1 point)
3. Quel est le mètre utilisé ? (0,5 point)
4. Comment sont disposés les rimes ? Justifiez votre réponse. (0,5
point)
III - Le bonheur a fui (10 points)
5. Est-ce un rondeau, une ode ou un sonnet. Justifiez votre réponse
en vous appuyant sur vos réponses précédentes. (1 point)
12. Quel type de phrase clôt les deux dernières strophes ? Quels
sentiments sont exprimés ? (1,5 point)
13. Quels termes, dans la deuxième strophe, expriment
II - Une apparition (7 points)
l’incertitude ? (1 point)
14. Relevez le verbe dans le premier vers. Où est-il répété ? Quels
6. Relevez le champ lexical de la lumière. (2 points)
sont les autres verbes exprimant la même idée ? (2 points)
7. D’où vient cette lumière ? À quoi s’oppose-t-elle ?
15. En même temps que la jeune fille, qu’est-ce qui a passé ? (1
(1 point)
point)
8. À quoi est
16. Dans la dernière strophe, quelle est la
qualité de la rime ? Dans quel vers la
même voyelle est-elle répétée ? Comment
appelle-t-on cette répétition ? (1,5 point)
17. Pourquoi est-ce un poème lyrique ?
Justifiez votre réponse en vous appuyant
sur vos réponses précédentes. (3 points)
189
Chapitre V
LA PARURE
Objectifs :
191
• Séance 1 •
La parure
de Guy de
Maupassant L'incipit (premier extrait)
L’incipit (premier
extrait) C'était une de ces jolies et charmantes filles, nées, aperçue, la torturaient et l'indignaient. La vue de
comme par une erreur du destin, dans une la petite Bretonne qui faisait son humble ménage
L’invitation famille d'employés. Elle n'avait pas de dot, pas éveillait en elle des regrets désolés et des rêves
(deuxième extrait)
d'espérances, aucun moyen d'être connue,
Le désastre (troisième comprise, aimée, épousée par un homme riche et
extrait) distingué ; et elle se laissa marier avec un petit
commis du ministère de l'Instruction
La chute (quatrième publique.
extrait)
Elle fut simple, ne pouvant être parée ; mais
malheureuse comme une déclassée ; car les
femmes n'ont point de caste ni de race, leur
La parure beauté, leur grâce et leur charme leur servant de
naissance et de famille. Leur finesse native, leur
adaptée par Claude
instinct d'élégance, leur souplesse d'esprit sont
Chabrol
leur seule hiérarchie, et font des filles du peuple
les égales des plus grandes dames.
Elle souffrait sans cesse, se sentant née pour
toutes les délicatesses et tous les luxes. Elle
souffrait de la pauvreté de son logement, de la
misère des murs, de l'usure des sièges, de la
Touchez pour voir la vidéo laideur des étoffes. Toutes ces choses, dont une
La parure (couverture du Gil Blas)
autre femme de sa caste ne se serait même pas
192
éperdus. Elle songeait aux antichambres muettes, capitonnées Or, un soir, son mari rentra, l'air glorieux et tenant à la main une
avec des tentures orientales, éclairées par de hautes torchères de large enveloppe.
bronze, et aux deux grands valets en culotte courte qui dorment - Tiens, dit-il, voici quelque chose pour toi.
dans les larges fauteuils, assoupis par la chaleur lourde du Elle déchira vivement le papier et en tira une carte qui portait ces
calorifère. Elle songeait aux grands salons vêtus de soie ancienne, mots :
aux meubles fins portant des bibelots inestimables, et aux petits « Le ministre de l'Instruction publique et Mme Georges
salons coquets, parfumés, faits pour la causerie de cinq heures avec Ramponneau prient M. et Mme Loisel de leur faire l'honneur de
les amis les plus intimes, les hommes connus et recherchés dont venir passer la soirée à l'hôtel du ministère, le lundi 18 janvier. »
toutes les femmes envient et désirent l'attention.
Quand elle s'asseyait, pour dîner, devant la table ronde couverte Questions :
d'une nappe de trois jours, en face de son mari qui découvrait la
soupière en déclarant d'un air enchanté : « Ah! le bon pot-au-feu ! Les personnages
je ne sais rien de meilleur que cela... », elle songeait aux dîners fins,
aux argenteries reluisantes, aux tapisseries peuplant les murailles 1. Quel est le personnage principal de cette histoire ? Connaît-on
de personnages anciens et d'oiseaux étranges au milieu d'une forêt son nom ?
de féerie ; elle songeait aux plats exquis servis en des vaisselles 2. Qu’est-ce qui provoque la souffrance de ce personnage ? Relevez
merveilleuses, aux galanteries chuchotées et écoutées avec un le champ lexical de cette souffrance.
sourire de sphinx, tout en mangeant la chair rose d'une truite ou 3. À quoi rêve le personnage ?
des ailes de gélinotte. 4. Qu’est-ce qui provoque ses rêveries ? Pourquoi ? Relevez le
champ lexical du rêve.
Elle n'avait pas de toilettes, pas de bijoux, rien. Et elle n'aimait 5. Quelles sont les seules paroles rapportées de cet extrait ?
que cela ; elle se sentait faite pour cela. Elle eût tant désiré plaire, Comment sont-elles rapportées ?
6. Pourquoi le narrateur rapporte précisément les paroles de ce
être enviée, être séduisante et recherchée.
personnage ?
Elle avait une amie riche, une camarade de couvent qu'elle ne
voulait plus aller voir, tant elle souffrait en revenant. Et elle
pleurait pendant des jours entiers, de chagrin, de regret, de
désespoir et de détresse.
193
Un conte
7. Quels sont les deux premiers mots du conte ? À quel temps est le
verbe ? À quelle formule célèbre ces deux mots font-ils penser ?
8. « Or, un soir, son mari rentra »
Quelle est la nature du mot « or » ?
Quelle est la nature du groupe « un soir » ? Quelle est sa fonction ?
Donnez le temps et le mode du verbe « rentra ».
9. Quel événement va apporter un tour nouveau à l’histoire ? Dans
le schéma narratif, quelle partie de l’histoire annonce cette phrase ?
10. A-t-on affaire à un conte merveilleux ? Répondez à cette
question en reprenant l’ensemble de vos réponses précédentes.
Exercice de réécriture:
Réécrivez ce passage en conjuguant les verbes au passé simple.
Le Gaulois
194
• Dictée •
195
• Séance 2 •
196
Enfin, elle répondit en hésitant : Elle poussa un cri de joie.
- Je ne sais pas au juste, mais il me semble qu'avec quatre cents - C'est vrai. Je n'y avais point pensé.
francs je pourrais arriver. Le lendemain, elle se rendit chez son amie et lui conta sa détresse.
Il avait un peu pâli, car il réservait juste cette somme pour acheter Mme Forestier alla vers son armoire à glace, prit un large coffret,
un fusil et s'offrir des parties de chasse, l'été suivant, dans la plaine l'apporta, l'ouvrit, et dit à Mme Loisel :
de Nanterre, avec quelques amis qui allaient tirer des alouettes, par - Choisis, ma chère.
là, le dimanche. Elle vit d'abord des bracelets, puis un collier de perles, puis une
Il dit cependant : croix vénitienne, or et pierreries, d'un admirable travail. Elle
- Soit. Je te donne quatre cents francs. Mais tâche d'avoir une belle essayait les parures devant la glace, hésitait, ne pouvait se décider
robe. à les quitter, à les rendre. Elle demandait toujours :
Le jour de la fête approchait, et Mme Loisel semblait triste, - Tu n'as plus rien d'autre ?
inquiète, anxieuse. Sa toilette était prête cependant. Son mari lui - Mais si. Cherche. Je ne sais pas ce qui peut te plaire.
dit un soir : Tout à coup elle découvrit, dans une boîte de satin noir, une
- Qu'as-tu ? Voyons, tu es toute drôle depuis trois jours. superbe rivière de diamants ; et son cœur se mit à battre d'un
Et elle répondit : désir immodéré. Ses mains tremblaient en la prenant. Elle l'attacha
- Cela m'ennuie de n'avoir pas un bijou, pas une pierre, rien à autour de sa gorge, sur sa robe montante. et demeura en extase
mettre sur moi. J'aurai l'air misère comme tout. J'aimerais presque devant elle-même.
mieux ne pas aller à cette soirée. Puis, elle demanda, hésitante, pleine d'angoisse :
Il reprit : - Peux-tu me prêter cela, rien que cela ?
- Tu mettras des fleurs naturelles. C'est très chic en cette saison-ci.
- Mais oui, certainement.
Pour dix francs tu auras deux ou trois roses magnifiques.
Elle sauta au cou de son amie, l'embrassa avec emportement, puis
Elle n'était point convaincue. s'enfuit avec son trésor.
- Non... il n'y a rien de plus humiliant que d'avoir l'air pauvre au
milieu de femmes riches.
Mais son mari s'écria :
- Que tu es bête ! Va trouver ton amie Mme Forestier et demande-
lui de te prêter des bijoux. Tu es bien assez liée avec elle pour faire
cela.
197
Questions : Exemple : abattement → abattu
Tristesse et bonheur
accablement, affliction, aigreur, amertume, chagrin, dépression,
désolation, deuil, ennui, mélancolie, morosité, peine, souci.
1. La réaction de l’héroïne est-elle celle attendue par son mari ?
2. Relevez le champ lexical qui montre le désespoir de sa femme. 2. Reprenez le vocabulaire (du texte ainsi que de
3. Comment réagit le mari lorsqu’il voit sa femme pleurer ? Que l’exercice précédent), et exprimez votre tristesse face à un
dit-il ? À quel moment répète-t-il à peu près la même phrase ? événement qui vous chagrine.
4. Comment le mari résout-il les problèmes qui chagrinent sa
femme ? II - La joie
Vocabulaire :
I - La tristesse
198
• Récitation •
Chanson
Le second fit pour moi des vers. Il disait que mes cheveux sont
noirs comme ceux de la nuit sur la mer et mes yeux bleus comme
ceux du matin.
199
• Séance 3 •
200
II - Deux groupes a - ... jour, il va à l’école. b - Non pas ... jours, car le samedi et le
dimanche, il n’y a pas cours. c - Le dimanche, enfin ... dimanches, il
À défaut d'en dresser une liste complète (ils sont trop nombreux),
part à la pêche. d - Son père avait cette passion. ... père... fils ! e - Il
on peut répartir les principaux déterminants indéfinis en deux
attrape des poissons avec ... appât. f - ... pêcheur aimerait être aussi
groupes :
doué que lui.
201
Il y a deux routes pour venir jusque chez moi. L’une est en 2. Complétez par l’un de ces pronoms indéfinis
travaux, et l’autre est un peu plus longue.
Les invités sont venus nombreux chez moi. Chacun a apporté un Complétez avec l’un de ces pronoms : tous, certains, tout, on,
plat. On a passé une très bonne soirée. quelque chose, aucun, peu de chose, quelqu’un.
J’ai vu trois films à la suite, mais aucun ne m’a plu.
a - Je vais faire des courses. As-tu besoin de ... ? b - J’ai vu ... entrer
dans la maison ! c - ... s’amuse comme on peut. d - Nous sommes
II - Les principaux pronoms indéfinis tous mortels. On est bien ... ! e - Les pièces de cet appartement sont
jolies, mais ... est à refaire. f - ... veulent aider, mais ... n’est
La liste des pronoms indéfinis fait penser à celle des déterminants.
disponible.
C’est que, la plupart du temps, le pronom indéfini remplace un
nom introduit par un déterminant indéfini (chacun a apporté un
plat = chaque invité a apporté un plat).
Exercice
Voici les principaux pronoms indéfinis. Déterminant ou pronom ?
aucun, autre, chacun, grand-chose, peu de chose, nul, n’importe Question 1 sur 14
qui, on, pas un, personne, plus d’un, plusieurs, quelqu’un, quelque Mes parents, mes grands-parents, mes
chose, quiconque, tout, tout le monde... frères, tous sont allés au cinéma avec moi.
Exercices :
A. Déterminant
1. Relevez les pronoms indéfinis
B. Pronom
a - On a toujours besoin d’un plus petit que soi. b - Nul n’est censé
ignorer la loi. c - Je veux bien qu’ils viennent, mais chacun devra
aider. d - Certains prétendent que la fin du monde approche. e -
Plusieurs viendront quand même manger. f - Il se peut que pas un Répondre
n’y croit.
202
d’autres déterminants (possessifs ou démonstratifs) : tous mes,
« Tout », déterminant, pronom,
tous ces, toute cette, etc.
adverbe et même nom !
Dernier exemple extrait du roman Paul et Virginie :
Le mot tout, qui bien souvent se prononcent [tu], pose un
problème. Faut-il l’écrire tous comme dans «tous les élèves» ? Tous les matelots s’étaient jetés à la mer. Il n’en restait plus qu’un
Faut-il l’écrire tout comme dans «Ils sont tout contents» ? Faut-il sur le pont, qui était tout nu et nerveux comme Hercule.
l’écrire tout comme dans «tout le monde» ?
On aura garde de confondre tous (les), qui est un déterminant et
La difficulté peut être résolue si l’on sait que tout peut être un tout, qui est un adverbe.
déterminant, un adverbe, un pronom et même un nom. Résolvez la
question de la nature de ce mot et vous saurez l’écrire
correctement. II — L’adverbe
Comme n’importe quel adverbe tout est invariable. Ah non, pas
I — Le déterminant
cette fois ! Dans la plupart des cas, tout est effectivement
Le déterminant indéfini tout peut être accompagné d’un autre invariable :
déterminant. :
Cette fille est tout émue.
tous les élèves, toute la journée, tout le monde, toute ma famille...
tout est un adverbe synonyme de complètement, entièrement.
Si le groupe tout le monde véhicule l’idée de pluriel (tout le monde,
c’est potentiellement des milliers voire des milliards de gens…), il Autre exemple : ils sont partis tout contents.
s’écrit cependant au singulier.
On remarquera que notre adverbe est toujours placé devant un
Observez l’article défini. S’il est au singulier (le), tout s’écrira au adjectif commençant par une voyelle, mais si l’on place le même
singulier (tout le travail) ; s’il est au pluriel (les), tout s’écrira au adverbe devant un adjectif féminin commençant par une consonne,
pluriel (tous les garçons). C’est évidemment la même chose avec alors il s’accorde :
203
Je m’excuse, dit elle, toute rougissante.
Exercice
III — Le pronom
Donnez la nature de « tout »
Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés
Question 1 sur 6
Dans le second hémistiche de ce vers de La Fontaine, tous n’est ni Ce n’est pas difficile. Le tout est d’être
un déterminant ni un adverbe. Comment le dire avec certitude ? Si patient.
tous était un déterminant, il se trouverait devant un nom voire un
adjectif antéposé au nom, ce qui n’est pas le cas (tous est devant le
verbe étaient). Si tous était un adverbe, on pourrait le remplacer A. Adverbe
par un adverbe de même sens comme complètement,
entièrement… ce qui n’est pas le cas non plus. On ne peut pas dire B. Déterminant
*complètement étaient frappés. Donc tous n’est pas non plus un
adverbe. C. Nom
tous est en fait un pronom. Comme tout pronom, il reprend un
nom voire un groupe nominal, les animaux malades de la peste en D. Pronom
l’occurrence.
IV — Le nom Répondre
204
Révisons les déterminants
205
Tableau des déterminants
DÉTERMINANTS
DÉTERMINANTS
ARTICLES ARTICLES ARTICLES ARTICLES DÉTERMINANTS DÉTERMINANTS DÉTERMINANTS EXCLAMATIFS
NUMÉRAUX
DÉFINIS INDÉFINIS PARTITIFS CONTRACTÉS POSSESSIFS DÉMONSTRATIFS INDÉFINIS ET
CARDINAUX
INTERROGATIFS
206
• Séance 4 •
Les points de
vue
2. L e p o i n t d e v u e
interne : le lecteur voit
ce que voit le
personnage. Il connaît
ses sentiments et les
pensées du personnage.
Le personnage n’est
jamais décrit de
l’extérieur. Un des portraits du «facteur» Joseph-Étienne Roulin
3. L e p o i n t d e v u e
externe : le personnage
agit devant nous sans
que nous ne Les points de vue
connaissions jamais
ses pensées ou ses
Lisez ces trois extraits du « crime au père Attention ! Parfois, il n’y a pas qu’un seul
sentiments. Le récit est
mené à la troisième Boniface » et tâchez de donner le point de point de vue utilisé, mais plusieurs
personne. vue utilisé (zéro, externe ou interne) en (interne puis externe ou inversement…).
justifiant votre réponse.
207
Extrait 1 Alors Boniface, ne doutant plus qu'un crime s'accomplissait en ce
moment-là même, chez le percepteur, partit à toutes jambes […]
L'homme, vêtu de sa blouse bleue et coiffé d'un képi noir à galon
rouge, traversait, par des sentiers étroits, les champs de colza,
d'avoine ou de blé, enseveli jusqu'aux épaules dans les récoltes ; et
sa tête, passant au-dessus des épis, semblait flotter sur une mer Les points de vue
calme et verdoyante qu'une brise légère faisait mollement onduler.
Extrait 2
Extrait 3
208
Sa bouche en bec de lièvre, fendue à cinq ou six centimètres du nez,
Exercices sur les points de ses yeux ronds, son air à la fois satisfait et ahuri, le faisaient
ressembler à une oie grasse qui digère dans la salutaire crainte du
vue cuisinier.
(Émile Zola, La Fortune des Rougon)
I - Tous les extraits ci-dessous contiennent
un point de vue externe. Vous devez Extrait 3
simplement le justifier en relevant et Le Tranche-montagne, lui, était maigre, hâve, noir et sec comme un
expliquant les passages descriptifs. pendu d’été. Sa peau semblait un parchemin collé sur des os ; un
grand nez recourbé en bec d’oiseau de proie, et dont l’arête mince
luisait comme de la corne, élevait sa cloison entre les deux côtés de
Extrait 1
sa figure aiguisée en navette, et encore allongée par une barbiche
Cette supérieure s'appelle Mme ***. Je ne saurais me refuser à
pointue. Ces deux profils collés l’un contre l’autre avaient beaucoup
l'envie de vous la peindre avant que d'aller plus loin. C'est une
de peine à former une face, et les yeux pour s’y loger se
petite femme toute ronde, cependant prompte et vive dans ses
retroussaient à la chinoise vers les tempes.
mouvements : sa tête n'est jamais assise sur ses épaules ; il y a
(Théophile Gautier, Le Capitaine Fracasse)
toujours quelque chose qui cloche dans son vêtement ; sa figure est
plutôt bien que mal ; ses yeux, dont l'un, c'est le droit, est plus haut
et plus grand que l'autre, sont pleins de feu et distraits : quand elle
II - Tous les extraits ci-dessous contiennent
marche, elle jette ses bras en avant et en arrière. Veut-elle parler ?
un point de vue interne. Relevez tout ce qui
elle ouvre la bouche, avant que d'avoir arrangé ses idées ; aussi
prouve qu’il s’agit bien d’un point de vue
bégaye-t-elle un peu.
interne.
(Denis Diderot, La Religieuse)
Extrait 2 Extrait 1
Il y avait là trois ou quatre négociants retirés qui tremblaient pour Quelques heures se passèrent. Un silence profond régnait autour de
leurs rentes, et qui appelaient de tous leurs vœux un gouvernement nous, un silence de tombeau. Rien n’arrivait à travers ces murailles
sage et fort. Un ancien marchand d’amandes, membre du conseil dont la plus mince mesurait cinq milles d’épaisseur.
municipal, M. Isidore Granoux, était comme le chef de ce groupe. Cependant, au milieu de mon assoupissement, je crus entendre un
bruit ; l’obscurité se faisait dans le tunnel. Je regardai plus
209
attentivement, et il me sembla voir l’Islandais qui disparaissait, la Mais, ayant ouï soupirer pour la seconde fois, il ne douta plus que
lampe à la main. ce ne fût une chose réelle ; et bien qu’il ne vit personne dans la
Pourquoi ce départ ? Hans nous abandonnait-il ? Mon oncle chambre, il ne laissa pas de s’écrier : Qui diable soupire ici ?
dormait. Je voulus crier. Ma voix ne put trouver passage entre mes (Alain-René Le Sage, Le Diable boiteux)
lèvres desséchées. L’obscurité était devenue profonde, et les
derniers bruits venaient de s’éteindre.
(Jules Verne, Voyage au centre de la terre) III - Un texte contenant un point de vue
interne peut être réécrit à la première
Extrait 2 personne.
II est nuit.
Je m'en aperçois tout d'un coup. Combien y a-t-il de temps que je Réécrivez les extraits ci-dessous à la
suis dans ce livre ? Quelle heure est-il ?
première personne, et dites si c’est un point
de vue interne qui est utilisé ou pas.
Je ne sais pas, mais voyons si je puis lire encore ! Je frotte mes
Justifiez votre réponse.
yeux, je tends mon regard, les lettres s'effacent, les lignes se
mêlent, je saisis encore le coin d'un mot, puis plus rien.
J'ai le cou brisé, la nuque qui me fait mal, la poitrine creuse ; je suis Extrait 1
resté penché sur les chapitres sans lever la tête, sans entendre rien, Alors, il pensa à sa maison, puis à sa mère, et, pris d'une grande
dévoré par la curiosité, collé aux flancs de Robinson, pris d'une tristesse, il recommença à pleurer. Des frissons lui passaient dans
émotion immense, remué jusqu'au fond de la cervelle et jusqu'au les membres ; il se mit à genoux et récita sa prière comme avant de
fond du cœur […] s'endormir. Mais il ne put l'achever, car des sanglots lui revinrent si
(Jules Vallès, L’Enfant) pressés, si tumultueux, qu'ils l'envahirent tout entier. Il ne pensait
plus ; il ne voyait plus rien autour de lui et il n'était occupé qu'à
Extrait 3 pleurer.
Il rêvait au péril que son bonheur lui avait fait éviter, et délibérait (Guy de Maupassant, «Le papa de Simon»)
en lui-même s’il demeurerait là jusqu'au lendemain, ou s'il
prendrait un autre parti, quand il entendit pousser un long soupir Extrait 2
auprès de lui. Il s'imagina d'abord que c'était quelque fantôme de Aussi, beaucoup moins flegmatique que Mr. Fogg, il était beaucoup
son esprit agité, une illusion de la nuit ; c'est pourquoi, sans s'y plus inquiet. Il comptait et recomptait les jours écoulés, maudissait
arrêter, il continua ses réflexions. les haltes du train, l’accusait de lenteur et blâmait in petto Mr. Fogg
210
de n’avoir pas promis une prime au mécanicien. Il ne savait pas, le édifice, élevé dans Pall-Mall, qui n’a pas coûté moins de trois
brave garçon, que ce qui était possible sur un paquebot ne l’était millions à bâtir.
plus sur un chemin de fer, dont la vitesse est réglementée. (Jules Verne, Le Tour du monde en quatre-vingts jours)
(Jules Verne, Le Tour du monde en quatre-vingts jours)
Extrait 2
Extrait 3 Vers le milieu du mois d’octobre 1829, monsieur Simon Babylas
Lorsque sept heures du soir s’approchèrent, les angoisses de Latournelle, un notaire, montait du Havre à Ingouville, bras dessus
Dantès commencèrent véritablement. Sa main, appuyée sur son bras dessous avec son fils, et accompagné de sa femme, près de
cœur, essayait d’en comprimer les battements, tandis que de l’autre laquelle allait, comme un page, le premier clerc de l’Etude, un petit
il essuyait la sueur de son front qui ruisselait le long de ses tempes. bossu nommé Jean Butscha. Quand ces quatre personnages, dont
De temps en temps des frissons lui couraient par tout le corps et lui deux au moins faisaient ce chemin tous les soirs, arrivèrent au
serraient le cœur comme dans un étau glacé. Alors il croyait qu’il coude de la route qui tourne sur elle-même comme celles que les
allait mourir. Les heures s’écoulèrent sans amener aucun Italiens appellent des corniches, le notaire examina si personne ne
mouvement dans le château, et Dantès comprit qu’il avait échappé pouvait l’écouter du haut d’une terrasse, en arrière ou en avant
à ce premier danger ; c’était d’un bon augure. d’eux, et il prit le médium de sa voix par excès de précaution.
(Alexandre Dumas, Le Comte de Monte-Cristo) (Honoré de Balzac, Modeste Mignon)
Extrait 3
IV - Expliquez pourquoi, dans les extraits Heureusement pour lui, ce soir-là, ses discours touchants et
ci-dessous, le narrateur est omniscient emphatiques trouvèrent grâce devant Mme Derville, qui très
(c’est donc le point de vue zéro qui est souvent le trouvait gauche comme un enfant, un peu amusant.
utilisé). Pour Mme de Rênal, la main dans celle de Julien, elle ne pensait à
rien ; elle se laissait vivre. Les heures qu’on passa sous ce grand
tilleul que la tradition du pays dit planté par Charles le Téméraire,
Extrait 1
furent pour elle une époque de bonheur. Elle écoutait avec délices
Phileas Fogg avait quitté sa maison de Saville-row à onze heures et
les gémissements du vent dans l’épais feuillage du tilleul, et le bruit
demie, et, après avoir placé cinq cent soixante-quinze fois son pied
de quelques gouttes rares qui commençaient à tomber sur ses
droit devant son pied gauche et cinq cent soixante-seize fois son
feuilles les plus basses. Julien ne remarqua pas une circonstance
pied gauche devant son pied droit, il arriva au Reform-Club, vaste
qui l’eût bien rassuré ; Mme de Rênal, qui avait été obligée de lui
211
ôter sa main, parce qu’elle se leva pour aider sa cousine à relever un Extrait 2
vase de fleurs que le vent venait de renverser à leurs pieds, fut à Lucien leva les yeux et vit une grande maison, moins mesquine que
peine assise de nouveau, qu’elle lui rendit sa main presque sans celles devant lesquelles le régiment avait passé jusque-là ; au milieu
difficulté, et comme si déjà c’eût été entre eux une chose convenue. d’un grand mur blanc, il y avait une persienne peinte en vert
(Stendhal, Le Rouge et le Noir) perroquet. « Quel choix de couleurs voyantes ont ces marauds de
provinciaux ! »
Lucien se complaisait dans cette idée peu polie lorsqu’il vit la
V - Qui voit qui ? persienne vert perroquet s’entrouvrir un peu ; c’était une jeune
femme blonde qui avait des cheveux magnifiques et l’air
Dites quel est le personnage dont le point dédaigneux : elle venait voir défiler le régiment. Toutes les idées
de vue oriente la narration. tristes de Lucien s’envolèrent à l’aspect de cette jolie figure ; son
âme en fut ranimée.
Extrait 1 (Stendhal, Lucien Leuwen)
Frédéric pensait à la chambre qu’il occuperait là-bas, au plan d’un
drame, à des sujets de tableaux, à des passions futures. Il trouvait Extrait 3
que le bonheur mérité par l’excellence de son âme tardait à venir. Il Il occupait une chaise tournante, devant une grande table couverte
se déclama des vers mélancoliques ; il marchait sur le pont à pas de livres, de cartes, de diagrammes. Au moment où j’entrais, il
rapides ; il s’avança jusqu’au bout, du côté de la cloche ; et, dans un pivota sur son siège pour me faire face. Son aspect me coupa le
cercle de passagers et de matelots, il vit un monsieur qui contait souffle. J’étais préparé à quelque chose d’étrange, mais non point à
des galanteries à une paysanne, tout en lui maniant la croix d’or une personnalité aussi formidable. Il vous impressionnait par sa
qu’elle portait sur la poitrine. C’était un gaillard d’une quarantaine taille, par sa prestance, par l’énormité de sa tête, la plus grande que
d’années, à cheveux crépus. Sa taille robuste emplissait une j’eusse jamais vue sur un corps humain : son chapeau, si je m’étais
jaquette de velours noir, deux émeraudes brillaient à sa chemise de avisé de l’essayer, me fût descendu aux épaules ! Il avait une de ces
batiste, et son large pantalon blanc tombait sur d’étranges bottes figures qui pour moi s’associent à l’idée d’un taureau assyrien :
rouges, en cuir de Russie, rehaussées de dessins bleus. toute rouge, avec une barbe d’un noir presque bleu qui lui roulait
(Gustave Flaubert, L’Éducation sentimentale) en ondes sur la poitrine.
(Conan Doyle, Le Monde perdu)
212
Rédaction Évaluation
Voici un extrait du début de Mme Bovary de Gustave Flaubert : Lisez les extraits ci-dessous et dites si vous avez affaire à
un point de vue interne, externe ou zéro.
« Resté dans l’angle, derrière la porte, si bien qu’on l’apercevait à
peine, le nouveau était un gars de la campagne, d’une quinzaine Vos réponses devront être justifiées avec précision.
d’années environ, et plus haut de taille qu’aucun de nous tous. Il Pensez à citer le texte et à expliquer vos citations.
avait les cheveux coupés droit sur le front, comme un chantre de
village, l’air raisonnable et fort embarrassé. Quoiqu’il ne fût pas
large des épaules, son habit-veste de drap vert à boutons noirs Extrait 1
devait le gêner aux entournures et laissait voir, par la fente des Louis Lambert naquit, en 1797, à Montoire, petite ville du
parements, des poignets rouges habitués à être nus. Ses jambes, en Vendômois, où son père exploitait une tannerie de médiocre
bas bleus, sortaient d’un pantalon jaunâtre très tiré par les importance et comptait faire de lui son successeur ; mais les
bretelles. Il était chaussé de souliers forts, mal cirés, garnis de dispositions qu’il manifesta prématurément pour l’étude
clous. » modifièrent l’arrêt paternel. D’ailleurs le tanneur et sa femme
chérissaient Louis comme on chérit un fils unique et ne le
Comme Gustave Flaubert, racontez l'arrivée d'un élève dans votre contrariaient en rien. L’Ancien et le Nouveau Testament étaient
classe. Celui-ci sera accompagné du chef d’établissement venu le tombés entre les mains de Louis à l’âge de cinq ans ; et ce livre, où
présenter. sont contenus tant de livres, avait décidé de sa destinée. (Louis
Vous devrez écrire trois versions de cette histoire selon trois points Lambert d’Honoré de Balzac)
de vue différents, le point de vue externe, puis interne et enfin zéro.
Chaque version fera un paragraphe environ. Extrait 2
Dans les premiers jours du mois d’octobre 1815, une heure environ
avant le coucher du soleil, un homme qui voyageait à pied entra
dans la petite ville de Digne. Les rares habitants qui se trouvaient
en ce moment à leurs fenêtres ou sur le seuil de leurs maisons
regardaient ce voyageur avec une sorte d’inquiétude. Il était
213
difficile de rencontrer un passant d’un aspect plus misérable. (Les j’entendis un léger bruit derrière moi ; je me retournai ; c’était le
Misérables de Victor Hugo) Malais. (Pauline d’Alexandre Dumas)
Extrait 3
Parmi les douze filles qui étaient enchaînées six à six par le milieu
du corps, il y en avait une dont l’air et la figure étaient si peu
conformes à sa condition, qu’en tout autre état je l’eusse prise pour
une princesse. Sa tristesse et la saleté de son linge et de ses habits
l’enlaidissaient si peu, que sa vue m’inspira du respect et de la pitié.
Elle tâchait néanmoins de se tourner autant que sa chaîne pouvait
le permettre, pour dérober son visage aux yeux des spectateurs.
(Manon Lescaut de L’abbé Prévost)
Extrait 4
Lorsque je me trouvai seule dans cette grande salle à manger, ma
terreur s’augmenta : il me semblait voir s’agiter les rideaux blancs
qui pendaient devant les fenêtres, pareils à des linceuls. Cependant
ce n’était pas la crainte des morts qui m’agitait : les moines et les
abbés dont j’avais foulé en passant les tombes dormaient de leur
sommeil béni, les uns dans leur cloître, les autres dans leurs
caveaux ; mais tout ce que j’avais lu à la campagne, tout ce qu’on
m’avait raconté à Caen me revenait à la mémoire, et je tressaillais
au moindre bruit. Le seul qu’on entendît cependant était le
frémissement des feuilles, le murmure lointain de la mer, et ce
bruit monotone et mélancolique du vent qui se brise aux angles des
grands édifices et s’abat dans les cheminées, comme une volée
d’oiseaux de nuit. Je restai ainsi immobile pendant dix minutes à
peu près, n’osant regarder ni à droite ni à gauche, lorsque Manon Lescaut enchaînée avec des prostituées
214
Extrait 5 même minute, sur le même banc. (Bouvard et Pécuchet de Gustave
Cependant les jours, les semaines s’écoulaient ; Cacambo ne Flaubert)
revenait point, et Candide était si abîmé dans sa douleur qu’il ne fit
pas même réflexion que Paquette et frère Giroflée n’étaient pas Extrait 8
venus seulement le remercier. (Candide de Voltaire) Attirée, peut-être à son insu, par la force de l’un ou par la beauté de
l’autre, mademoiselle Taillefer partageait ses regards furtifs, ses
Extrait 6 pensées secrètes, entre ce quadragénaire et le jeune étudiant ; mais
Un jeune homme... traçons son portrait d’un seul trait de plume : aucun d’eux ne paraissait songer à elle, quoique d’un jour à l’autre
figurez-vous don Quichotte à dix-huit ans, don Quichotte, le hasard pût changer sa position et la rendre un riche parti.
décorcelé, sans haubert et sans cuissards, don Quichotte revêtu D’ailleurs aucune de ces personnes ne se donnait la peine de
d’un pourpoint de laine dont la couleur bleue s’était transformée en vérifier si les malheurs allégués par l’une d’elles étaient faux ou
une nuance insaisissable de lie de vin et d’azur céleste. Visage long véritables. Toutes avaient les unes pour les autres une indifférence
et brun ; la pommette des joues saillante, signe d’astuce ; les mêlée de défiance qui résultait de leurs situations respectives. (Le
muscles maxillaires énormément développés, indice infaillible Père Goriot d’Honoré de Balzac)
auquel on reconnaît le Gascon, même sans béret, et notre jeune
homme portait un béret orné d’une espèce de plume [...] (Les trois
mousquetaires d’Alexandre Dumas)
Extrait 7
Comme il faisait une chaleur de tente-trois degrés, le boulevard
Bourdon se trouvait absolument désert.
[...]
Deux hommes parurent.
L'un venait de la Bastille, l'autre du Jardin des Plantes. Le plus
grand, vêtu de toile, marchait le chapeau en arrière, le gilet
déboutonné et sa cravate à la main. Le plus petit, dont le corps
disparaissait dans une redingote marron, baissait la tête sous une
casquette à visière pointue.
Quand ils furent arrivés au milieu du boulevard, ils s'assirent à la
215
• Séance 5 •
216
se mirent à chercher, criant après les cochers qu'ils voyaient passer Son mari, à moitié dévêtu déjà, demanda :
de loin. - Qu'est-ce que tu as ?
Ils descendaient vers la Seine, désespérés, grelottants. Enfin ils Elle se tourna vers lui, affolée :
trouvèrent sur le quai un de ces vieux coupés noctambules qu'on - J'ai... j'ai... je n'ai plus la rivière de Mme Forestier.
ne voit dans Paris que la nuit venue, comme s'ils eussent été Il se dressa, éperdu :
honteux de leur misère pendant le jour. - Quoi !... comment !... Ce n'est pas possible !
Il les ramena jusqu'à leur porte, rue des Martyrs, et ils remontèrent Et ils cherchèrent dans les plis de la robe, dans les plis du manteau,
tristement chez eux. C'était fini, pour elle. Et il songeait, lui, qu'il dans les poches, partout. Ils ne la trouvèrent point.
lui faudrait être au ministère à dix heures. Il demandait :
Elle ôta les vêtements dont elle s'était enveloppé les épaules, devant - Tu es sûre que tu l'avais encore en quittant le bal ?
la glace, afin de se voir encore une fois dans sa gloire. Mais soudain - Oui, je l'ai touchée dans le vestibule du ministère.
elle poussa un cri. Elle n'avait plus sa rivière autour du cou ! - Mais si tu l'avais perdue dans la rue, nous l'aurions entendue
tomber. Elle doit être dans le fiacre.
- Oui. C'est probable. As-tu pris le numéro ?
- Non. Et toi, tu ne l'as pas regardé ?
- Non.
Ils se contemplaient atterrés. Enfin Loisel se rhabilla.
- Je vais, dit-il, refaire tout le trajet que nous avons fait à pied, pour
voir si je ne la retrouverai pas.
Et il sortit. Elle demeura en toilette de soirée, sans force pour se
coucher, abattue sur une chaise, sans feu, sans pensée.
Son mari rentra vers sept heures. Il n'avait rien trouvé.
Il se rendit à la Préfecture de police, aux journaux, pour faire
promettre une récompense, aux compagnies de petites voitures,
partout enfin où un soupçon d'espoir le poussait.
Elle attendit tout le jour, dans le même état d'effarement devant
Après la faute de Jean Béraud cet affreux désastre.
Loisel revint le soir, avec la figure creusée, pâlie ; il n'avait rien
217
découvert. de prêteurs. Il compromit toute la fin de son existence,
- Il faut, dit-il, écrire à ton amie que tu as brisé la fermeture de sa risqua sa signature sans savoir même s'il pourrait y faire honneur,
rivière et que tu la fais réparer. Cela nous donnera le temps de nous et, épouvanté par les angoisses de l'avenir, par la noire misère qui
retourner. allait s'abattre sur lui, par la perspective de toutes les privations
Elle écrivit sous sa dictée. physiques et de toutes les tortures morales, il alla chercher la
rivière nouvelle, en déposant sur le comptoir du marchand trente-
Au bout d'une semaine, ils avaient perdu toute espérance. six mille francs.
Et Loisel, vieilli de cinq ans, déclara : Quand Mme Loisel reporta la parure à Mme Forestier, celle-ci lui
- Il faut aviser à remplacer ce bijou. dit, d'un air froissé :
Ils prirent, le lendemain, la boîte qui l'avait renfermé, et se - Tu aurais dû me la rendre plus tôt, car je pouvais en avoir besoin.
rendirent chez le joaillier, dont le nom se trouvait dedans. Il Elle n'ouvrit pas l'écrin, ce que redoutait son amie. Si elle s'était
consulta ses livres : aperçue de la substitution, qu'aurait-elle pensé ? qu'aurait-elle dit ?
- Ce n'est pas moi, madame, qui ai vendu cette rivière ; j'ai dû Ne l'aurait-elle pas prise pour une voleuse ?
seulement fournir l'écrin.
Alors ils allèrent de bijoutier en bijoutier, cherchant une parure
pareille à l'autre, consultant leurs souvenirs, malades tous deux de
chagrin et d'angoisse.
Ils trouvèrent, dans une boutique du Palais-Royal, un chapelet de
diamants qui leur parut entièrement semblable à celui qu'ils
cherchaient. Il valait quarante mille francs. On le leur laisserait à
trente-six mille.
Ils prièrent donc le joaillier de ne pas le vendre avant trois jours. Et
ils firent condition qu'on le reprendrait pour trente-quatre mille
francs, si le premier était retrouvé avant la fin de février.
Loisel possédait dix-huit mille francs que lui avait laissés son père.
Il emprunterait le reste.
Il emprunta, demandant mille francs à l'un, cinq cents à l'autre,
cinq louis par-ci, trois louis par-là. Il fit des billets, prit des
engagements ruineux, eut affaire aux usuriers, à toutes les races
218
Questions : Une vie de misère
Un jour de fête
7. Dans quelle rue Mme Loisel habite-t-elle ? Que signifie ce mot ?
8. Comment réagissent les Loisel lorsqu’ils constatent la
1. Quels sont les sentiments de Mme Loisel lors de ce bal ? Relevez
disparition de la parure ?
un champ lexical confirmant votre réponse.
9. À ce moment, qu’expriment les points de suspension et les
2. Dans le premier paragraphe, les phrases sont-elles longues ou
phrases exclamatives ? Le rythme du dialogue est-il lent ou rapide ?
courtes ? Et dans le second ? Pourquoi
10. « Au bout d'une semaine, ils avaient perdu toute espérance. »
3. Pourquoi Mme Loisel est-elle si heureuse ?
Quelle est la fonction du groupe de mots souligné ? Le narrateur a-
4. Pourquoi, vers quatre heures, veut-elle s’enfuir ?
t-il raconté toute la semaine passée ? Pourquoi ?
5. En rentrant chez elle, que constate Mme Loisel ?
11. Quelle décision prennent alors les Loisel ?
6. À quel personnage de conte s’enfuyant d’un bal Mme Loisel fait-
elle penser ?
Vocabulaire :
« Ils descendaient vers la Seine, désespérés, grelottants. »
1. Le mot « désespérés »
Quelle est la nature de ce mot ? Quel est le radical de ce mot ? Quel
est le préfixe ? Quel est le contraire de « désespérés » ?
219
• Séance 6 •
220
sait ? qui sait ? Comme la vie est singulière, changeante ! Comme il Mme Forestier s'était arrêtée.
faut peu de chose pour vous perdre ou vous sauver ! - Tu dis que tu as acheté une rivière de diamants pour remplacer la
Or, un dimanche, comme elle était allée faire un tour aux Champs- mienne ?
Élysées pour se délasser des besognes de la semaine, elle aperçut - Oui. Tu ne t'en
tout à coup une femme qui promenait un enfant. C'était Mme étais pas aperçue,
Forestier, toujours jeune, toujours belle, toujours séduisante. Mme hein ! Elles étaient
Loisel se sentit émue. Allait-elle lui parler ? Oui, certes. Et bien pareilles.
maintenant qu'elle avait payé, elle lui dirait tout. Pourquoi pas ? Et elle souriait d'une
Elle s'approcha. joie orgueilleuse et
- Bonjour, Jeanne. naïve.
L'autre ne la reconnaissait point, s'étonnant d'être appelée ainsi Mme Forestier, fort
familièrement par cette bourgeoise. émue, lui prit les
Elle balbutia : deux mains.
- Mais... madame !... Je ne sais... Vous devez vous tromper. - Oh! ma pauvre
- Non. Je suis Mathilde Loisel. Mathilde ! Mais la
Son amie poussa un cri : mienne était fausse.
- Oh !... ma pauvre Mathilde, comme tu es changée !... Elle valait au plus
- Oui, j'ai eu des jours bien durs, depuis que je ne t'ai vue ; et bien cinq cents francs !...
des misères... et cela à cause de toi !...
- De moi . . . Comment ça ?
- Tu te rappelles bien cette rivière de diamants que tu m'as prêtée
pour aller à la fête du ministère.
- Oui. Eh bien ?
- Eh bien, je l'ai perdue. L’absinthe d’Edgar Degas
- Comment ! puisque tu me l'as rapportée.
- Je t'en ai rapporté une autre toute pareille. Et voilà dix ans que
nous la payons. Tu comprends que ça n'était pas aisé pour nous,
qui n'avions rien... Enfin c'est fini et je suis rudement contente.
221
Questions : Exercice de réécriture :
Dix années de vie horrible Réécrivez les lignes ci-dessous en conjuguant les verbes au futur
simple.
1. Combien de temps dure « la vie horrible des nécessiteux » ? En
combien de lignes le narrateur raconte-t-il cette vie ? Mme Loisel connut la vie horrible des nécessiteux. Elle prit son
2. Quels détails vous paraissent révélateur de la dureté de la vie des parti, d'ailleurs, tout d'un coup, héroïquement. Il fallait payer
Loisel ? cette dette effroyable. Elle payerait. On renvoya la bonne ; on
3. À quelle classe sociale appartiennent désormais les Loisel ? changea de logement ; on loua sous les toits une mansarde.
4. Une fois la dette payée, à quoi ressemble Mme Loisel autrefois si
belle ?
5. Quelles phrases montrent que, pourtant, elle n’a pas changé ? Le rythme du récit :
Ses mésaventures lui ont-elles appris quelque chose ? Pourquoi ?
Une histoire peut être racontée en variant le rythme, c’est-à-dire en
accélérant ou en ralentissant. On peut même choisir de ne pas
Une rencontre
raconter un passage.
222
Exercices sur le réalisme : Chacun de nous se fait donc simplement une illusion du monde,
illusion poétique, sentimentale, joyeuse, mélancolique, sale ou
lugubre suivant sa nature.
Voici quelques extraits de la préface de Pierre et Jean de Guy de
Maupassant. L’auteur y explique ce qu’est, pour lui, le réalisme.
La réalité est donc différente selon les individus. Ce que l’on voit est
Lisez les extraits de cette préface, et faites les exercices qui suivent.
d’ailleurs différent selon que l’on est heureux ou malheureux.
Décrivez un lieu que vous choisirez. Rédigez une première
Extrait 1
description d’un lieu vu par un personnage heureux, puis rédigez
une autre par un personnage malheureux.
Le réaliste, s’il est un artiste, cherchera, non pas à nous montrer la
photographie banale de la vie, mais à nous en donner la vision
Extrait 3
plus complète, plus saisissante, plus probante que la réalité même.
Raconter tout serait impossible, car il faudrait alors un volume au Quelle que soit la chose qu’on veut dire, il n’y a qu’un mot pour
moins par journée, pour énumérer les multitudes d’incidents l’exprimer, qu’un verbe pour l’animer et qu’un adjectif pour la
insignifiants qui emplissent notre existence. qualifier. Il faut donc chercher, jusqu’à ce qu’on les ait découverts,
Un choix s’impose donc [...] ce mot, ce verbe et cet adjectif, et ne jamais se contenter de l’à peu
près [...]
Être réaliste, c’est donc faire un choix. On ne peut pas tout Ayons moins de noms, de verbes et d’adjectifs aux sens presque
raconter. insaisissables, mais plus de phrases différentes, diversement
Imaginez que vous êtes assis à la terrasse d’un café. Racontez ce construites, ingénieusement coupées, pleines de sonorités et de
que vous voyez. Ne donnez que les événements les plus importants rythmes savants.
susceptibles de créer l’impression de réalité.
Écrivez le début d’un conte réaliste (une dizaine de lignes tout au
Extrait 2 plus), ne cherchez pas de mots compliqués, et faites des phrases
« différentes, diversement construites, ingénieusement coupées,
Quel enfantillage, d’ailleurs, de croire à la réalité puisque nous pleines de sonorités et de rythmes savants ».
portons chacun la nôtre dans notre pensée et dans nos organes. Souvenez-vous de ce que vous avez appris dans le chapitre sur la
Nos yeux, nos oreilles, notre odorat, notre goût différents créent poésie (allitérations, assonances, nombre de syllabes, etc.).
autant de vérités qu’il y a d’hommes sur la terre. [...]
223
Emma Bovary, une autre Mathilde ? Elles allaient donc maintenant se suivre ainsi à la file, toujours
pareilles, innombrables, et n’apportant rien ! Les autres existences,
si plates qu’elles fussent, avaient du moins la chance d’un
1. Lisez cet extrait.
événement. Une aventure amenait parfois des péripéties à l’infini,
2. Faites des recherches, et dites ce qu’on appelle le bovarysme.
et le décor changeait. Mais, pour elle, rien n’arrivait, Dieu l’avait
3. Mathilde est-elle atteinte de bovarysme ?
voulu ! L’avenir était un corridor tout noir, et qui avait au fond sa
porte bien fermée.
224
• Séance 7 •
Les homophones
1. des/dès
des est un article indéfini (une, une, des). Il se place devant un
nom (des livres).
Les homophones (révision)
dès est une préposition (à, de, par, pour, sur...) qui se place
devant un groupe nominal (dès mon retour) ou un adverbe (dès
aujourd’hui). Dès que est une locution conjonctive employée
dans une proposition subordonnée circonstancielle (dès qu’il
partira, vous pourrez sortir).
Exercice :
Complétez par des ou dès.
225
2. sur/sûr 3. les/l’ai (lait/laid)
Sur est une préposition (à, de, par, pour...) qui se place souvent Les est un article défini (le, la, les). Il se place donc devant un
devant un groupe nominal (être allongé sur le dos), un nom nom (les voitures) voire un adjectif qualificatif (les belles
(avoir les pieds sur terre), un pronom (n’avoir rien sur soi), etc. voitures).
Cet article ne doit pas être confondu avec l’ai (le pronom le +
Sûr est un adjectif qualificatif (sûre au féminin) : il est sûr et l’auxiliaire avoir au présent) : cette voiture me plaît, je l’ai
certain. On peut d’ailleurs souvent le remplacer par certain (ce achetée.
qui est sûr, c’est que je n’irai pas). Le nom lait (l’aliment) ne doit pas non plus être confondu avec
l’adjectif qualificatif laid (au féminin laide) : Il boit du lait au
Exercice : petit déjeuner/Mais qu’il est laid !
Complétez par sur ou sûr.
Exercice :
Complétez par les ou l’ai.
226
4. on/on n’ 5. quand/quant/qu’en
Le pronom indéfini on est placé devant un verbe : on aime le lait. Quand est utilisée dans les propositions subordonnées
Quand on lit cette phrase, on fait la liaison entre le pronom et le circonstancielles de temps (quand il fait beau, on va à la plage)
verbe. ou dans les phrases interrogatives (quand va-t-on à la plage ?).
Cette liaison ne doit pas faire oublier le n’ de la négation ne... pas La liaison fait toujours entendre un t (quand on), mais on écrit
à la forme négative : on n’aime pas le lait. bien un d.
Quant (avec un t) est suivi de la préposition à. Il est synonyme de
Exercice : à propos de, en ce qui concerne : quant à toi, tu n’iras pas à la
Complétez par on ou on n’. plage.
Qu’en est composé du pronom interrogatif que élidé et du
pronom personnel en : qu’en penses-tu ?
Exercice :
Complétez par quand, quant ou qu’en.
227
6. plutôt/plus tôt 7. près/prêt
Plutôt est un adverbe qui exprime une préférence : Plutôt thé ou Près est synonyme de à côté de : il habite près de Paris.
café ? Plutôt est également synonyme de assez : ce film est plutôt Prêt est un adjectif qualificatif (au féminin prête) signifiant être
intéressant. préparé pour : je suis prêt à partir.
Plus tôt (en deux mots) est le comparatif (plus) de tôt (le
contraire de tard) : viens le plus tôt possible ; pourquoi ne l’as-tu Exercice :
pas dit plus tôt. Complétez par près ou prêt.
Exercice :
Complétez par plutôt/plus tôt.
228
• Séance 8 •
Rédaction
Mme Forestier, fort émue, lui prit les deux Barème :
mains.
La copie est propre (non déchirée et
- Oh! ma pauvre Mathilde ! Mais la mienne
correctement présentée) : 1 point
était fausse. Elle valait au plus cinq cents
L’écriture est soignée, il n’y a pas de ratures :
francs !…
1 point
2. À quelle époque
vivait Gustave
Caillebotte ?
2. 3 rue de Paris,
temps de pluie
4. Paris, Avant-Après
230
• Évaluation finale •
Évaluation sur
le conte
réaliste
La Confession
Elles vécurent ensemble tous les jours de leur existence, sans se séparer agitées comme si des paroles terribles lui fussent montées du cœur,
une seule fois. Elles allèrent côte à côte, inséparablement unies. Mais sans pouvoir sortir, le regard affolé d’épouvanté, effroyable à voir.
Marguerite sembla toujours triste, accablée, plus morne que l’aînée Sa sœur, déchirée par la douleur, pleurait éperdument, le front sur le
comme si peut-être son sublime sacrifice l’eût brisée. Elle vieillit plus bord du lit et répétait :
vite, prit des cheveux blancs dès l’âge de trente ans et, souvent — Margot, ma pauvre Margot, ma petite !
souffrante, semblait atteinte d’un mal inconnu qui la rongeait. Elle l’avait toujours appelée : « ma petite », de même que la cadette
Maintenant elle allait mourir la première. l’avait toujours appelée : « grande sœur ».
Elle ne parlait plus depuis vingt-quatre heures. Elle avait dit seulement, On entendit des pas dans l’escalier. La porte s’ouvrit. Un enfant de
aux premières lueurs de l’aurore : chœur parut, suivi du vieux prêtre en surplis. Dès qu’elle l’aperçut, la
— Allez chercher monsieur le curé, voici l’instant. mourante s’assit d’une secousse, ouvrit les lèvres, balbutia deux ou
Et elle était demeurée ensuite sur le dos, secouée de spasmes, les lèvres trois paroles, et se mit à gratter ses ongles comme si elle eût voulu y
231
faire un trou. Questions :
L’abbé Simon s’approcha, lui prit la main, la baisa sur le front et, d’une
Un conte malheureux (11 points)
voix douce :
— Dieu vous pardonne, mon enfant ; ayez du courage, voici le moment
1. Dans les dix premières lignes, quelle formule rappelle la fin des
venu, parlez.
contes ? Les personnages sont-ils heureux pour autant ? Pour justifier
Alors, Marguerite, grelottant de la tête aux pieds, secouant toute sa
votre réponse, relevez le champ lexical de la souffrance (donnez au
couche de ses mouvements nerveux, balbutia :
moins 5 termes). (3 points)
— Assieds-toi, grande sœur, écoute.
2. Toujours dans les dix premières lignes, dites quel est le point de vue
Le prêtre se baissa vers Suzanne, toujours abattue au pied du lit, la
utilisé (zéro, externe ou interne). Justifiez votre réponse en donnant au
releva, la mit dans un fauteuil et, prenant dans chaque main la main
moins deux indices qui vous ont permis de répondre. (2 points)
d’une des deux sœurs, il prononça :
3. Quelle phrase montre que Marguerite vit ses derniers instants ? (0,5
— Seigneur, mon Dieu ! envoyez-leur la force, jetez sur elles votre point)
miséricorde. 4. Qu’est-ce qu’une confession ? Relevez trois mots en rapport avec la
Et Marguerite se mit à parler. Les mots lui sortaient de la gorge un à un, parole pour appuyer votre réponse. (2,5 points)
rauques, scandés, comme exténués. 5. À votre avis, que va révéler Marguerite ? Justifiez votre réponse en
vous appuyant sur le texte. (2 points)
⁂ 6. Pourquoi, dans cet extrait, peut-on parler de conte réaliste ? Justifiez
votre réponse avec précision. (1 point)
Pardon, pardon, grande sœur, pardonne-moi ! Oh ! si tu savais comme
j’ai eu peur de ce moment-là, toute ma vie !… Le rythme de la narration (9 points)
Suzanne balbutia, dans ses larmes :
— Quoi te pardonner, petite ? Tu m’as tout donné, tout sacrifié ; tu es un 7. « Et Marguerite se mit à parler. Les mots lui sortaient de la gorge un à
ange… un, rauques, scandés, comme exténués. »
Mais Marguerite l’interrompit : a - Relevez les verbes et conjuguez-les au temps où ils sont. (2 points)
— Tais-toi, tais-toi ! Laisse-moi dire… ne m’arrête pas… C’est affreux… b - Justifiez leur emploi. (2 points)
laisse-moi dire tout… jusqu’au bout, sans bouger… Écoute… Tu te 8. Quelles lignes constituent un sommaire ? Donnez-en une définition
rappelles… tu te rappelles… Henry… et dites ce qui vous a permis de le trouver. (2,5 points)
9. Au contraire, quelles lignes constituent une scène. De quoi s’agit-il ?
« La Confession » de Guy de Maupassant in Les Contes du jour et de la Quel est l’intérêt de recourir à une scène en cet instant précis ? (2,5
nuit points)
232
233
Chapitre VI
LE FANTASTIQUE
Objectifs :
235
• Séance 1 •
La mort rouge
d’Egar Allan Poe
La peste que l’on
nomme la Mort rouge
s’est abattue sur le
pays et fait des ravages
d’une ampleur inouïe.
Le riche prince Prospero
décide alors de se retirer
dans une abbaye
fortifiée avec mille
amis choisis pour y
vivre une vie de plaisir
en attendant que le
mal passe. Au bout de
quelques mois, le
prince propose un bal
masqué dans sept
salles de couleurs Danse macabre
différentes.
236
personnes parmi cette foule, avant que les derniers échos du Dans une réunion de fantômes telle que je l’ai décrite, il fallait sans
dernier coup fussent noyés dans le silence, avaient eu le temps de doute une apparition bien extraordinaire pour causer une telle
s’apercevoir de la présence d’un masque qui jusque-là n’avait sensation [...] Toute l’assemblée parut alors sentir profondément le
aucunement attiré l’attention. Et, la nouvelle de cette intrusion mauvais goût et l’inconvenance de la conduite et du costume de
l’étranger. Le personnage était grand et décharné, et enveloppé
d’un suaire de la tête aux pieds. Le masque qui cachait le visage
représentait si bien la physionomie d’un cadavre raidi, que
l’analyse la plus minutieuse aurait difficilement découvert l’artifice.
Et cependant, tous ces fous joyeux auraient peut-être supporté,
sinon approuvé, cette laide plaisanterie. Mais le masque avait été
jusqu’à adopter le type de la Mort rouge. Son vêtement était
barbouillé de sang, - et son large front, ainsi que tous les traits de
sa face, étaient aspergés de l’épouvantable écarlate.
Quand les yeux du prince Prospero tombèrent sur cette figure de
spectre [...], on le vit d’abord convulsé par un violent frisson de
terreur et de dégoût ; mais, une seconde après, son front
s’empourpra de rage.
- Qui ose, demanda-t-il, d’une voix enrouée, aux courtisans debout
près de lui, - qui ose nous insulter par cette ironie
blasphématoire ? Emparez-vous de lui, et démasquez-le - que
nous sachions qui nous aurons à pendre aux créneaux, au lever du
soleil !
Le fantôme de l’opéra
[...] Mais, par suite d’une certaine terreur indéfinissable que
l’audace insensée du masque avait inspirée à toute la société, il ne
se trouva personne pour lui mettre la main dessus ; si bien que, ne
s’étant répandue en un chuchotement à la ronde, il s’éleva de toute trouvant aucun obstacle, il passa à deux pas de la personne du
l’assemblée un bourdonnement, un murmure significatif prince ; et pendant que l’immense assemblée, comme obéissant à
d’étonnement et de désapprobation, - puis, finalement, de terreur, un seul mouvement, reculait du centre de la salle vers les murs, il
d’horreur et de dégoût. continua sa route sans interruption, de ce même pas solennel et
237
mesuré qui l’avait tout d’abord caractérisé, de la chambre bleue à la ce dernier, arrivé à l’extrémité de la salle de velours, se retourna
chambre pourpre, - de la chambre pourpre à la chambre verte, - de brusquement et fit face à celui qui le poursuivait. Un cri aigu partit,
la verte à l’orange, - de celle-ci à la blanche, et de celle-là à la - et le poignard glissa avec un éclair sur le tapis funèbre où le prince
violette, avant qu’on eût fait un mouvement décisif pour l’arrêter. Prospero tombait mort une seconde après.
Ce fut alors, toutefois, que le prince Prospero, exaspéré par la rage Alors, invoquant le courage violent du désespoir, une foule de
et la honte de sa lâcheté d’une minute, s’élança précipitamment à masques se précipita à la fois dans la chambre noire ; et, saisissant
travers les six chambres, où nul ne le suivit ; car une terreur l’inconnu, qui se tenait, comme une grande statue, droit et
mortelle s’était emparée de tout le monde. Il brandissait un immobile dans l’ombre de l’horloge d’ébène, ils se sentirent
poignard nu, et s’était approché impétueusement à une distance suffoqués par une terreur sans nom, en voyant que sous le linceul
de trois ou quatre pieds du fantôme qui battait en retraite, quand et le masque cadavéreux, qu’ils avaient empoignés avec une si
violente énergie, ne logeait aucune forme palpable.
On reconnut alors la présence de la Mort rouge. Elle était venue
Le masque de la mort rouge comme un voleur de nuit. Et tous les convives tombèrent un à un
dans les salles de l’orgie inondées d’une rosée sanglante, et chacun
mourut dans la posture désespérée de sa chute.
Et la vie de l’horloge d’ébène disparut avec celle du dernier de ces
êtres joyeux. Et les flammes des trépieds expirèrent. Et les
Ténèbres, et la Ruine, et la Mort rouge, établirent sur toutes choses
leur empire illimité.
238
Questions : Exercice de réécriture :
L’horloge Réécrivez ces lignes en remplaçant « le prince Prospero » par le
pronom personnel « nous ».
1. Quelle heure est-il lorsque commence cet extrait ?
2. Relevez les termes en rapport avec le thème de la fête. Ce fut alors, toutefois, que le prince Prospero, exaspéré par la rage
3. Dans le premier paragraphe, lorsque sonne l’horloge, qu’est-ce et la honte de sa lâcheté d’une minute, s’élança précipitamment à
qui s’arrête ? travers les six chambres, où nul ne le suivit.
4. À la fin de l’extrait, qu’est-ce qui s’arrête ?
239
• Séance 2 •
Répondez aux questions : Ce pronom « il » ne désigne personne (on parle donc de verbes
1. Quel est le sujet du verbe « fallait » ? impersonnels), et ne peut être remplacé par un autre pronom
2. Peut-on remplacer ce sujet par un autre pronom ? personnel. On ne peut donc pas dire :
3. Trouvez, dans le début de l’extrait, deux autres exemples de
verbes conjugué de la même façon : Tu pleus.
Nous sommes tard.
Alors, comme je l’ai dit, la musique s’arrêta ; le
tournoiement des valseurs fut suspendu ; il se fit partout, On ne peut donc pas les employer avec d’autres personnes, si bien
comme naguère, une anxieuse immobilité. Mais le timbre de qu’on les appelle parfois les verbes unipersonnels.
l’horloge avait cette fois douze coups à sonner ; aussi, il se
peut bien que plus de pensées se soit glissée dans les Les principaux verbes impersonnels
méditations de ceux qui pensaient parmi cette foule
festoyante. En plus du verbe « falloir », on trouve essentiellement les verbes
météorologiques :
4. À votre avis, que signifie « impersonnel » ?
Il gèle, il grêle, il pleut, il neige, il vente, etc.
240
Les verbes personnels employés comme 2. Rédigez, pour chaque verbe, deux phrases. L’une dans laquelle le
verbes impersonnels verbe est impersonnel, l’autre dans laquelle le verbe est personnel.
Exercices :
1. Dites si le verbe est personnel ou impersonnel (ou employé
comme verbe impersonnel).
241
• Séance 3 •
Pour relever un
champ lexical
1. Lisez attentivement
chaque texte.
2. Surlignez
uniquement les mots
en rapport avec le
thème de la peur.
3. Rédigez entièrement
votre réponse.
La peur
242
la tâche que le devoir m’imposait de nouveau. (« Ligeia » d’Edgar
Poe) Le fantastique et le merveilleux
Extrait 2 Tous les extraits ci-dessous font le récit d’un événement surnaturel.
Lisez-les et dites lesquels, selon vous, ressortissent au fantastique
Tout à coup le feu prit un étrange degré d’activité ; une lueur ou au merveilleux. Justifiez précisément vos réponses en vous
blafarde illumina la chambre, et je vis clairement que ce que j’avais appuyant sur le texte.
pris pour de vaines peintures était la réalité ; car les prunelles de
ces êtres encadrés remuaient, scintillaient d’une façon singulière ;
leurs lèvres s’ouvraient et se fermaient comme des lèvres des gens Extrait 1
qui parlent [...]
Une terreur insurmontable s’empara de moi, mes cheveux se Le petit chaperon rouge partit aussitôt pour aller chez sa mère-
hérissèrent sur mon front, mes dents s’entre-choquèrent à se grand, qui demeurait dans un autre Village. En passant dans le bois
briser, une sueur froide inonda tout mon corps. elle rencontre compère le Loup, qui eut bien envie de la manger ;
mais il n’osa, à cause de quelques Bûcherons qui étaient dans la
La pendule sonna onze heures. Le vibrement du dernier coup
Forêt. Il lui demanda où elle allait ; la pauvre enfant, qui ne savait
retentit longtemps, et, lorsqu’il fut éteint tout à fait...
pas qu’il est dangereux de s’arrêter à écouter un Loup, lui dit : « Je
Oh! non, je n’ose pas dire ce qui arriva, personne ne me croirait, et
vais voir ma Mère-grand, et lui porter une galette avec un petit pot
l’on me prendrait pour un fou. (« La cafetière » de Téophile
de beurre que ma Mère lui envoie. »
Gautier)
(« Le Petit chaperon rouge » de Charles Perrault)
Rédaction Extrait 2
Faites une liste de tous les mots ou expressions exprimant La plus grande partie de la terrible nuit était passée, et celle qui
la peur que vous avez relevés dans l’exercice précédent. Puis, en était morte remua de nouveau, - et cette fois-ci, plus
une quinzaine de lignes, utilisez-les à votre tour afin énergiquement que jamais quoique se réveillant d'une mort plus
d’exprimer la peur face à un événement surnaturel. effrayante et plus irréparable. J'avais depuis longtemps cessé tout
effort et tout mouvement et je restais cloué sur l'ottomane,
243
désespérément englouti dans un tourbillon d'émotions violentes, (« Cendrillon » de Charles Perrault)
dont la moins terrible peut-être, la moins dévorante, était un
suprême effroi. Le corps, je le répète, remuait, et, maintenant plus Extrait 4
activement qu'il n'avait fait jusque-là. Les couleurs de la vie
montaient à la face avec une énergie singulière, - les membres se Un prêtre, M. Bezuel, voit le fantôme de son meilleur ami
relâchaient, - et, sauf que les paupières restaient toujours d’enfance Desfontaines.
lourdement fermées, et que les bandeaux et les draperies funèbres
communiquaient encore à la figure leur caractère sépulcral, j'aurais Je fus près de trois quarts d’heure à causer avec Desfontaines.
rêvé que Rowena avait entièrement secoué les chaînes de la Mort. - Je vous ai promis, me dit-il, que si je mourais avant vous, je
(« Ligeia » d'Edgar Allan Poe in Histoires extraordinaires) viendrais vous le dire. Je me noyai avant-hier à la rivière de Caen, à
peu près à cette heure-ci ; j’étais à la promenade avec tels et tels, il
Extrait 3 faisait grand chaud, il nous prit envie de nous baigner, il me vint
une faiblesse dans la rivière, et je tombai au fond [...]
Elle la mena dans sa chambre, et lui dit : « Va dans le jardin, et Desfontaines me conta ensuite tout ce qui leur était arrivé dans la
apporte-moi une citrouille. » Cendrillon alla aussitôt cueillir la plus promenade, et de quoi ils s’étaient entretenus. J’avais beau lui faire
belle qu’elle put trouver, et la porta à sa marraine, ne pouvant des questions, s’il s’était sauvé, s’il était damné, s’il était en
deviner comment cette citrouille la pourrait faire aller au bal. Sa Purgatoire, si j’étais en état de grâce, et si je le suivrais de près, il
marraine la creusa et, n’ayant laissé que l’écorce, la frappa de sa continua son discours comme s’il ne m’avait point entendu et
baguette, et la citrouille fut aussitôt changée en un beau carrosse comme s’il n’eût point voulu m’entendre.
tout doré. Ensuite elle alla regarder dans la souricière, où elle Je m’approchai plusieurs fois pour l’embrasser, mais il me parut
trouva six souris toutes en vie. Elle dit à Cendrillon de lever un peu que je n’embrassais rien. Je sentais pourtant bien qu’il me tenait
la trappe de la souricière, et à chaque souris qui sortait, elle lui fortement par le bras et que lorsque je tâchais de détourner la tête
donnait un coup de sa baguette, et la souris était aussitôt changée pour ne plus le voir, parce que je ne le voyais qu’en m’affligeant, il
en un beau cheval : ce qui fit un bel attelage de six chevaux, d’un me secouait le bras, comme pour m’obliger à le regarder et à
beau gris de souris pommelé. Comme elle était en peine de quoi elle l’écouter. (« Des nouvelles de l’autre monde » d’Augustin Calmet)
ferait un cocher :
« Je vais voir, dit Cendrillon, s’il n’y a pas quelque rat dans la
ratière, nous en ferons un cocher. » « Tu as raison, dit sa marraine,
va voir. »
244
• Évaluation •
I - Relevez le champ lexical de la peur dans pour la bouche lépreuse de tes lutins ou pour toi-
Évaluation
l’extrait ci-dessous. Rédigez bien votre même.
portant sur les
séances 1et 2 réponse !
Melmoth de Charles Robert Maturin
1. Vous devez être Il ferma la porte et y mit le verrou. J’étais tombé,
capable de relever un et je vis une figure effrayante placée au-dessus de
champ lexical. moi, et qui me dit d’une voix de tonnerre :
Qui es-tu ? que viens-tu faire ici ?
2. Vous devez savoir
rédiger de façon Je ne savais comment répondre. Je jetai un
ordonnée votre regard fixe et muet sur les squelettes et sur le
réponse. reste des meubles de ce terrible caveau.
- Arrête, dit l’inconnu, si tu es réellement épuisé,
3. Vous devez, enfin, et si tu as besoin de te rafraîchir, bois de cette
être capable de
coupe : la liqueur qu’elle contient te fera autant
distinguer un
événement surnaturel de bien que si c’était du vin. Elle sera de l’eau
qui relève du pour tes entrailles, et de l’huile pour tes os.
merveilleux d’un En disant ces mots, il m’offrit à boire ; mais je
événement surnaturel repoussai son verre avec une horreur
relevant du
inexprimable, ne doutant pas qu’il ne contînt
fantastique.
quelque composition magique. Dans la frayeur
dont j’étais accablé, j’invoquai le Sauveur et tous
ses saints, et, faisant le signe de la croix à chaque
phrase que prononçais, je lui dis : Entrée de cimetière
- Non, tentateur, garde tes infernales potions
245
II - Dites dans les extraits suivants lequel relève du Extrait 2
merveilleux et lequel du fantastique. Justifiez
précisément vos réponses en citant le texte et en vous L’assesseur de collège Kovaliov se réveilla d’assez bonne heure en
aidant du cours. murmurant : « Brrr ! » suivant une habitude qu’il aurait été bien en
peine d’expliquer. Il s’étira et se fit donner un miroir dans
Extrait 1 l’intention d’examiner un petit bouton qui, la veille au soir, lui avait
poussé sur le nez. A son immense stupéfaction, il s’aperçut que la
Un Meunier ne laissa pour tous biens à trois enfants qu’il place que son nez devait occuper ne présentait plus qu’une
avait, que son Moulin, son Ane, et son Chat. Les surface lisse ! Tout alarmé, Kovaliov se fit apporter de
partages furent bientôt faits, ni le Notaire, ni le l’eau et se frotta les yeux avec un essuie-mains : le
Procureur n’y furent point appelés. Ils auraient eu nez avait bel et bien disparu ! Il se palpa, se pinça
bientôt mangé tout le pauvre patrimoine. L’aîné même pour se convaincre qu’il ne dormait point :
eut le Moulin, le second eut l’Ane, et le plus mais non, il paraissait bien éveillé. Kovaliov
jeune n’eut que le Chat. Ce dernier ne pouvait sauta à bas du lit, s’ébroua : toujours pas de
se consoler d’avoir un si pauvre lot : « Mes nez !... Il s’habilla séance tenante et se rendit
frères, disait-il, pourront gagner leur vie tout droit chez le maître de police.
honnêtement en se mettant ensemble ; pour [...]
moi, lorsque j’aurai mangé mon chat, et que je Soudain il s’arrêta, cloué sur place : un
me serai fait un manchon de sa peau, il faudra événement incompréhensible se passait sous
que je meure de faim. » Le Chat qui entendait ses yeux : un landau venait de s’arrêter devant
ce discours, mais qui n’en fit pas semblant, lui la porte d’une maison ; la portière s’ouvrit ; un
dit d’un air posé et sérieux : « Ne vous affligez personnage en uniforme sauta tout courbé de la
point, mon maître, vous n’avez qu’à me donner un voiture et grimpa l’escalier quatre à quatre. Quels
Sac, et me faire faire une paire de Bottes pour aller ne furent pas la surprise et l’effroi de Kovaliov en
dans les broussailles, et vous verrez que vous n’êtes reconnaissant dans ce personnage... son propre nez !
pas si mal partagé que vous croyez. »
« Le Nez » de Nicolas Gogol
« Le Maître Chat ou Le Chat botté » de Charles Perrault
246
• Séance 4 •
Les Mystères
d’Udolphe
d ’A n n R a d c l i f f e
Émilie Saint-Aubert,
une jeune Française
orpheline, se retrouve
emprisonnée dans le
château d’Udolphe. Elle
est aux mains du
Signor Montoni, un
voleur italien qui, grâce
à ses talents Illustration des Mystères d’Udolphe
d'usurpateur, a réussi à
épouser sa tante et
tutrice, Madame Chéron.
Le surnaturel expliqué
Extrait 1 L’apparition rêverie par des sons fort extraordinaires ; ce n’était pas une
harmonie, mais les murmures secrets d’une personne désolée. En
La jeune orpheline Émilie est enfermée dans le sinistre château
écoutant, le cœur lui manqua de terreur, et elle demeura
d’Udolphe. Une nuit, elle entend de la musique.
convaincue que les premiers accords n’avaient été qu’imaginaires.
Par intervalles elle entendait de faibles lamentations, et cherchait à
À ce moment, tous les bruits éloignés qui murmuraient dans
découvrir d’où elles venaient. Il y avait au-dessous d’elle un grand
l’enceinte du château s’assoupirent presque à la fois, et le sommeil
nombre de chambres fermées depuis longtemps, et il était probable
sembla régner partout. Émilie se mit à la fenêtre, et fut tirée de sa
que le bruit en devait sortir. Elle se pencha sur la fenêtre pour
247
découvrir quelque lumière : les chambres, autant qu’elle en pouvait Extrait 2 Le mystère éclairci
juger, étaient dans les ténèbres ; mais à peu de distance, sur le
Quelque temps après, Émilie fait la connaissance d’un autre
rempart, elle crut apercevoir quelque chose en mouvement.
prisonnier du château, le chevalier Dupont. Il raconte à Émilie de
quelle façon il obtenu la permission de sortir le soir.
Le faible éclat que donnaient les étoiles ne lui permettait pas de
distinguer précisément : elle jugea que c’était une sentinelle de
Ma santé souffrait extrêmement du défaut d’air et d’exercice, et
garde, et mit de côté la lumière pour observer avec loisir, sans être
j’obtins à la fin, ou de la pitié ou de l’avarice, le moyen de me
elle-même remarquée.
promener la nuit sur la terrasse.
248
pouvait être le vôtre, et dans l’espérance de vous voir, je me plaçai promptement, et cet homme m’avait vu. Il me suivit ; il allait me
vis-à-vis de la fenêtre ». joindre, si un stratagème ridicule n’eût en ce moment fait ma
sûreté. Je connaissais la superstition de ces gens-là ; je poussai un.
Émilie, se rappelant la figure qu’elle avait vue sur la terrasse, et qui cri lugubre, dans l’espérance qu’on cesserait de me poursuivre.
l’avait jetée dans une perplexité si grande, s’écria tout-à-coup : Heureusement je réussis. L’homme était sujet à se trouver mal ; la
frayeur que je lui fis lui procura un de ces accès, ce qui assura ma
« C’était donc vous, monsieur Dupont, qui me causiez une si retraite ».
ridicule terreur ? De longues souffrances avaient tant affaibli ma
tête, que le moindre incident m’alarmait ».
Questions :
Dupont se reprocha de lui avoir occasionné quelque crainte ; puis il
Premier extrait
ajouta :
1. « À ce moment » (ligne 1)
Quelle est la nature de ce groupe de mots ? Quelle est sa fonction ?
« Appuyé sur le parapet, en face de votre fenêtre, la considération
2. À quel moment l’histoire se passe-t-elle ? Trouvez deux autres
de votre situation mélancolique et de la mienne m’arracha
expressions confirmant votre réponse.
d’involontaires gémissements qui vous attirèrent à la fenêtre, du
3. Pourquoi l’histoire se passe-t-elle à ce moment ? Quels
moins je l’imagine. Je vis une personne que je crus être vous. 0h ! je
sentiments cela provoque chez l’héroïne ? Justifiez votre réponse.
ne vous dirai rien de mon émotion à ce moment. Je désirais
4. Que pense voir l’héroïne ?
parler ; la prudence me retint, et un mouvement de la sentinelle
5. Quels termes montrent qu’on ne peut être sûr de rien ?
m’obligea de fuir à l’instant. Il se passa du temps avant que je pusse
tenter une seconde promenade. Je ne pouvais sortir que lorsque
l’homme que j’avais gagné était de garde ; il me fallait attendre
Deuxième extrait
son tour. Pendant ce temps, je me convainquis de la réalité de mes
1. Quel personnage parle au début de cet extrait ? À qui parle-t-il ?
conjectures sur la situation de votre appartement. À ma première
2. Qu’explique-t-il ?
sortie, je retournai à votre fenêtre, et je vous vis sans oser vous
3. Dans le premier extrait, Émilie avait-elle réellement « vu une
parler. Je saluai de la main, vous disparûtes. J’oubliai ma
apparition surnaturelle » ? Qu’est-ce que c’était ?
prudence ; je poussai une plainte. Vous revîntes, vous parlâtes.
4. Peut-on alors parler de texte fantastique ? Pourquoi ?
J’entendis les accents de votre voix. Ma discrétion m’aurait
abandonnée ; mais j’entendis une sentinelle, je me retirai Exercice de réécriture :
249
Réécrivez cette phrase en conjuguant les verbes au plus-que-
parfait.
Conjugaison :
Relevez les verbes dans l’extrait ci-dessous, et conjuguez-les :
250
• Dictée •
251
• Séance 5 •
Le Horla de Guy
de Maupassant
Un incipit désigne,
dans un livre, les
premiers mots. C’est le
commencement. Le mot
incipit vient de la
formule latine «incipit
liber» signifiant «Ici
commence le livre».
Rouen
Le Horla
adapté par Jean-
Daniel Pollet
Fantastique et réalisme
8 mai. – Quelle journée admirable ! J’ai passé morts ses aïeux, qui l’attachent à ce qu’on
toute la matinée étendu sur l’herbe, devant ma pense et à ce qu’on mange, aux usages comme
maison, sous l’énorme platane qui la couvre, aux nourritures, aux locutions locales, aux
l’abrite et l’ombrage tout entière. J’aime ce intonations des paysans, aux odeurs du sol,
Touchez pour voir la vidéo pays, et j’aime y vivre parce que j’y ai mes des villages et de l’air lui-même.
racines, ces profondes et délicates racines, qui J’aime ma maison où j’ai grandi. De mes
attachent un homme à la terre où sont nés et fenêtres, je vois la Seine qui coule, le long de
252
mon jardin, derrière la route, presque chez moi, la grande et large je rentre désolé, comme si quelque malheur m’attendait chez moi.
Seine, qui va de Rouen au Havre, couverte de bateaux qui passent. – Pourquoi ? – Est-ce un frisson de froid qui, frôlant ma peau, a
À gauche, là-bas, Rouen, la vaste ville aux toits bleus, sous le peuple ébranlé mes nerfs et assombri mon âme ? Est-ce la forme des
pointu des clochers gothiques. Ils sont innombrables, frêles ou nuages, ou la couleur du jour, la couleur des choses, si variable, qui,
larges, dominés par la flèche de fonte de la cathédrale, et pleins de passant par mes yeux, a troublé ma pensée ? Sait-on ? Tout ce qui
cloches qui sonnent dans l’air bleu des belles matinées, jetant nous entoure, tout ce que nous voyons sans le regarder, tout ce que
jusqu’à moi leur doux et lointain bourdonnement de fer, leur chant nous frôlons sans le connaître, tout ce que nous touchons sans le
d’airain que la brise m’apporte, tantôt plus fort et tantôt plus palper, tout ce que nous rencontrons sans le distinguer, a sur nous,
affaibli, suivant qu’elle s’éveille ou s’assoupit. sur nos organes et, par eux, sur nos idées, sur notre cœur lui-
même, des effets rapides, surprenants et inexplicables ?
Comme il faisait bon ce matin !
253
La journée du 12 mai
Rédaction :
Comme Guy de Maupassant, écrivez un paragraphe commençant
par « De mes fenêtres, je vois... » et contenant plusieurs
propositions subordonnées relatives ainsi que des compléments
circonstanciels.
254
• Séance 6 •
Le Diable
amoureux de
Jacques
Où est le possible? Où est l’impossible?
C a z o t t e ( 17 7 6 )
« [...] Biondetta ne doit pas te suffire : ce n’est
Dans l’Italie du XVIIIe pas là mon nom : tu me l’avais donné : il me
siècle, le jeune Alvare
flattait ; je le portais avec plaisir : mais il faut que
invoque le diable qui
apparaît d’abord sous la tu saches qui je suis... Je suis le diable, mon cher
forme d’un chameau Alvare, je suis le diable... »
hideux. Multipliant les
métamorphoses, ce [...]
dernier prend enfin
l’apparence d’une
superbe femme, la À ce nom fatal, quoique si tendrement prononcé,
ravissante Biondetta. une frayeur mortelle me saisit ; l’étonnement, la
Après de nombreuses stupeur accablent mon âme : je la croirais
péripéties, Alvare finit
anéantie si la voix sourde du remords ne criait
par tomber sous le
charme de cette pas au fond de mon cœur. Cependant, la révolte
créature. Un soir, les de mes sens subsiste d’autant plus
deux époux conversent. Le diable amoureux
impérieusement qu’elle ne peut être réprimée
par la raison. Elle me livre sans défense à mon
ennemi : il en abuse et me rend aisément sa
Lire Le Diable conquête. arrangées, me dit-il, sans altérer sensiblement
amoureux ce ton de voix auquel il m’avait habitué. Tu es
Il ne me donne pas le temps de revenir à moi, de venu me chercher ; je t’ai suivi, servi, favorisé ;
réfléchir sur la faute dont il est beaucoup plus enfin, j’ai fait ce que tu as voulu. Je désirais ta
l’auteur que le complice. « Nos affaires sont possession, et il fallait, pour que j’y parvinsse,
255
que tu me fisses un libre abandon de toi-même.[...] Désormais corniches ; mais le soleil me donnait d’aplomb sur le visage. On me
notre lien, Alvare, est indissoluble, mais pour cimenter notre tire encore par le bras : on redouble ; je reconnais Marcos.
société, il est important de nous mieux connaître. Comme je te sais
déjà presque par cœur, pour rendre nos avantages réciproques, je « Eh ! seigneur cavalier, me dit-il, à quelle heure comptez-vous
dois me montrer à toi tel que je suis. » donc partir ? Si vous voulez arriver à Maravillas aujourd’hui, vous
n’avez pas de temps à perdre, il est près de midi. »
On ne me donne pas le temps de réfléchir sur cette harangue Je ne répondais pas : il m’examine : « Comment ! vous êtes resté
singulière : un coup de sifflet très aigu part à côté de moi. À tout habillé sur votre lit : vous y avez donc passé quatorze heures
l’instant, l’obscurité qui m’environne se dissipe : la corniche qui sans vous éveiller ? Il fallait que vous eussiez un grand besoin de
surmonte le lambris de la chambre s’est toute chargée de gros repos. Madame votre épouse s’en est doutée : c’est, sans doute,
limaçons : leurs cornes, qu’ils font mouvoir vivement en manière dans la crainte de vous gêner qu’elle a été passer la nuit avec une de
de bascule, sont devenues des jets de lumière phosphorique, mes tantes ; mais elle a été plus diligente que vous ; par ses ordres,
dont l’éclat et l’effet redoublent par l’agitation et l’allongement. dès le matin, tout a été mis en état dans votre voiture, et vous
Presque ébloui par cette illumination subite, je jette les yeux à côté pouvez y monter. Quant à madame, vous ne la trouverez pas ici.
de moi ; au lieu d’une figure ravissante, que vois-je ? Ô ciel ! c’est Nous lui avons donné une bonne mule ; elle a voulu profiter de la
l’effroyable tête de chameau. Elle articule d’une voix de tonnerre ce fraîcheur du matin ; elle vous précède, et doit vous attendre dans le
ténébreux Che vuoi qui m’avait tant épouvanté dans la grotte, part premier village que vous rencontrerez sur votre route. »
d’un éclat de rire humain plus effrayant encore, tire une langue Marcos sort. Machinalement je me frotte les yeux, et passe les
démesurée... mains sur ma tête pour y trouver ce filet dont mes cheveux
devaient être enveloppés... Elle est nue, en désordre, ma
Je me précipite : je me cache sous le lit, les yeux fermés, la face cadenette est comme elle était la veille : la rosette y tient.
contre terre. Je sentais battre mon cœur avec une force terrible : Dormirais-je ? me dis-je alors. Ai-je dormi ? serais-je assez heureux
j’éprouvais un suffoquement comme si j’allais perdre la respiration. pour que tout n’eût été qu’un songe ?
Je ne puis évaluer le temps que je comptais avoir passé dans cette
inexprimable situation, quand je me sentis tirer par le bras ; mon
épouvante s’accroît : force néanmoins d’ouvrir les yeux, une
lumière frappante les aveugle.
Ce n’était point celle des escargots, il n’y en avait plus sur les
256
Questions : [...] il ne douta plus que ce ne fût une chose réelle ; et bien qu’il ne vit
personne dans la chambre, il ne laissa pas de s’écrier : Qui diable
L’apparition soupire ici ?
1. En vous aidant du texte ou du paratexte, dites qui est Biondetta ? C'est un démon
2. Qui est Alvare ? prisonnier dans une
3. Au début du texte, quelle est apparence de Biondetta ? En quoi fiole bouchée qui lui
se transforme-t-elle ensuite ? promet, en échange
4. Quelle est la réaction d’Alvare ? de la liberté, de lui
5. Quels sentiments éprouve-t-il alors. Justifiez votre réponse en montrer tout ce qui
relevant un champ lexical. se passe dans la ville
6. Quel est, à ce moment, le temps essentiellement employé ? en soulevant les toits.
Donnez sa valeur.
257
• Séance 7 •
Pour exprimer
l’incertitude
4. On peut utiliser le
conditionnel (« on
dirait ») ou le Le désespéré
subjonctif (« Je crains
que ce soit un rêve »).
Exprimer l'incertitude
Relevez dans les extraits ci-dessous tout ce qui exprime stupidement, par la profonde solitude. Tout à coup, il me sembla
l'incertitude du narrateur (vocabulaire, verbe, temps, que j’étais suivi, qu’on marchait sur mes talons, tout près, à me
mode, etc.). toucher. (« Le Horla », Guy de Maupassant)
Extrait 1 Extrait 2
Un frisson me saisit soudain, non pas un frisson de froid, mais un Or, ayant dormi environ quarante minutes, je rouvris les yeux sans
étrange frisson d’angoisse. faire un mouvement, réveillé par je ne sais quelle émotion confuse
Je hâtai le pas, inquiet d’être seul dans ce bois, apeuré sans raison, et bizarre. Je ne vis rien d’abord, puis, tout à coup, il me sembla
258
qu’une page du livre resté ouvert sur ma table venait de tourner craintes superstitieuses ; vit-elle, ou crut-elle voir, pendant qu’elle
toute seule. Aucun souffle d’air n’était entré par ma fenêtre. Je fus avançait vers la pierre sépulcrale, une ombre se glisser entre les
surpris et j’attendis. Au bout de quatre minutes environ, je vis, je colonnes ? (Les Mystères du château d’Udolphe, Ann Radcliffe)
vis, oui, je vis de mes yeux une autre page se soulever et se rabattre
sur la précédente, comme si un doigt l’eût feuilletée. Mon fauteuil Extrait 5
était vide, semblait vide ; mais je compris qu’il était là, lui assis à Ma vue se porta par hasard vers la table sur laquelle j’avais posé le
ma place et qu’il lisait. D’un bond furieux, d’un bond de bête pied de la princesse Hermonthis. Au lieu d’être immobile comme il
révoltée, qui va éventrer son dompteur, je traversai ma chambre convient à un pied embaumé depuis quatre mille ans, il s’agitait, se
pour le saisir, pour l’étreindre, pour le tuer !... Mais mon siège, contractait et sautillait sur les papiers comme une grenouille
avant que je l’eusse atteint, se renversa comme si on eût fui devant effarée : on l’aurait cru en contact avec une pile voltaïque [...] (« Le
moi... ma table oscilla, ma lampe tomba et s’éteignit, et ma fenêtre Pied de momie », Théophile Gautier)
se ferma comme si un malfaiteur surpris se fût élancé dans la nuit,
en prenant à pleines mains les battants. (« Le Horla », Guy de Extrait 6
Maupassant) Alors je sentis que le fantôme me saisissait et m’entraînait vers le
haut. Le désespoir me rendit mes forces.
Extrait 3 - Tu n’es pas moi, tu es le diable, lui criai-je, et j’agrippai comme si
Je fis tant de bruit que l’on me mit au cachot. j’avais des griffes le visage du spectre menaçant ; il me sembla que
J’y restai plusieurs heures dans une sorte d’abrutissement ; enfin, mes doigts, croyant atteindre les yeux, s’enfonçaient dans de
les deux amis que j’avais cru voir déjà vinrent me chercher avec une profondes orbites, et il se remit à rire sur un ton strident. (Les
voiture. Je leur racontai tout ce qui s’était passé, mais ils nièrent Elixirs du diable, E.T.A. Hoffman)
être venus dans la nuit. Je dînai avec eux assez tranquillement ;
mais, à mesure que la nuit approchait, il me sembla que j’avais à
redouter l’heure même qui, la veille, avait risqué de m’être fatale. Rédaction :
(« Aurélia », Gérard de Nerval)
En une dizaine de lignes, utilisez tous les moyens exposés dans
Extrait 4 l’encadré vert (page 258), pour exprimer l’incertitude que vous
Il était déjà tard lorsqu’elle pénétra dans l’église ; l’air froid des éprouvez face à un événement surnaturel (adjectifs, verbes, type de
bas-côtés la glaça ; leur profonde et morne étendue qu’éclairait phrase, temps et mode).
faiblement le lune à travers une haute fenêtre gothique, réveilla ses
259
• Séance 8 •
Satan
Satan
On trouve le personnage de Satan très tôt Le jour où les Fils de Dieu venaient se présenter devant
dans l’Ancien Testament notamment dans le Yahvé, le Satan aussi s’avançait parmi eux. Yahvé dit
alors au Satan : « D’où viens-tu ? » — « De parcourir la
Livre de Job. Il n’y incarne pas le mal. En
terre, répondit-il, et de m’y promener. » Et Yahvé
fait, Satan n’est même pas un nom propre,
reprit : « As-tu remarqué mon serviteur Job ? Il n’a
mais un nom commun. On dit le satan (en
point son pareil sur terre : un homme intègre et droit,
principe sans majuscule), ce qui signifie qui craint Dieu et s’écarte du mal ! » Et le Satan de
l’adversaire. C’est l’accusateur, comme dans répliquer : « Est-ce pour rien que Job craint Dieu ? Ne
La chute de Satan de Gustave Doré un tribunal. Il exécute la volonté de Dieu : l’as-tu pas entouré d’une haie, ainsi que sa maison et
260
son domaine alentour ? Tu as béni toutes ses entreprises, ses troupeaux Tout à coup il se vit pousser d’horribles ailes ;
pullulent dans le pays. Mais étends la main et touche à tout ce qu’il possède ; Il se vit devenir monstre, et que l’ange en lui
je gage qu’il te maudira en face ! » — « Soit ! dit Yahvé au Satan, tout ce qu’il Mourait, et le rebelle en sentit quelque ennui.
possède est en ton pouvoir. Évite seulement de porter la main sur lui. » Et le Il laissa son épaule, autrefois lumineuse,
Satan sortit de devant Yahvé. Frémir au froid hideux de l’aile membraneuse,
Et croisant ses deux bras, et relevant son front,
Ce bandit, comme s’il grandissait sous l’affront,
Seul dans ces profondeurs que la ruine encombre,
Regarda fixement la caverne de l’ombre.
261
Le Diable : Pourtant, dans Le Diable boiteux d'Alain-René Le Sage, le démon
L'exigence de ta raison fait-elle la loi des choses ? Sans doute le mal est est parfois un allié. Asmodé, surnommé le Diable boiteux, qui
indifférent à Dieu, puisque la terre en est couverte ! soulève les toits des maisons, offre ses services à don Cléofas qui le
Est-ce par impuissance qu'il le supporte, ou par cruauté qu'il le conserve ?
délivre d'une fiole dans laquelle il était enfermé :
Penses-tu qu'il soit continuellement à rajuster le monde comme une œuvre
imparfaite, et qu'il surveille tous les mouvements de tous les êtres, depuis le
Il ne vous arrivera aucun malheur, repartit le démon. Au contraire, vous
vol du papillon jusqu'à la pensée de l'homme ?
serez content de ma reconnaissance. Je vous apprendrai tout ce que vous
voudrez savoir. Je vous instruirai de tout ce qui se passe dans le monde.
La Tentation de Saint
Antoine
par Georges Méliès (1898)
262
Dieu ayant eu connaissance de ce projet décida de lui accorder la Le diable, un être surnaturel ?
connaissance de l'avenir. Cet homme est Merlin, être surnaturel à
la fois diabolique et divin (lire l'adaptation de Merlin d'A.-M.
Cadot-Colin).
Le diable (première partie)
de Guy de Maupassant
263
• Séance 9 •
Le Horla
de Guy de
Maupassant
( 18 8 7 )
La vie du protagoniste
de cette histoire (relire
l’incipit) est bouleversée
par un être invisible qui
le «vampirise» et le force
à dépérir en se
nourrissant de son
énergie. Cet être
manifeste sa présence en
buvant l’eau de son verre
Le Horla
ou en cueillant une
fleur à ses côtés.
264
chaque jour pour me raser, pour m’habiller, et où j’avais coutume Questions :
de me regarder, de la tête aux pieds, chaque fois que je passais
Les personnages
devant.
Donc je faisais semblant d’écrire, pour le tromper, car il m’épiait lui
1. Quelle est la classe grammaticale du mot « je » ? Qui désigne-t-
aussi ; et soudain, je sentis, je fus certain qu’il lisait par-dessus mon
il ?
épaule, qu’il était là, frôlant mon oreille.
2. Comment est désigné l’être invisible ? Citez quelques exemples
Je me dressai, les mains tendues, en me tournant si vite que je
et dites pourquoi il est appelé ainsi.
faillis tomber. Eh bien ?…. on y voyait comme en plein jour, et je ne
3. Quels sentiments le narrateur éprouve-t-il ? Trouvez un champ
me vis pas dans ma glace ! Elle était vide, claire, profonde, pleine
de lumière ! Mon image n’était pas dedans… et j’étais en face, moi ! lexical qui confirme votre réponse.
Je voyais le grand verre limpide du haut en bas. Et je regardais cela 4. À quel endroit précis du texte voit-on que le narrateur est
avec des yeux affolés ; et je n’osais plus avancer, je n’osais plus faire paralysé par la peur ? Quels mots et quels moyens grammaticaux le
un mouvement, sentant bien pourtant qu’il était là, mais qu’il montrent ?
m’échapperait encore, lui dont le corps imperceptible avait dévoré
Décrire l’invisible
mon reflet.
Comme j’eus peur ! Puis voilà que tout à coup je commençai à
5. Relevez le champ lexical de la vision.
m’apercevoir dans une brume, au fond du miroir, dans une brume
comme à travers une nappe d’eau ; et il me semblait que cette eau 6. Pourquoi l’être invisible est-il si effrayant ?
glissait de gauche à droite, lentement, rendant plus précise mon 7. Comment le narrateur a-t-il pu voir l’être invisible ?
image, de seconde en seconde. C’était comme la fin d’une éclipse. 8. Relevez des mots traduisant l’incertitude du narrateur.
Ce qui me cachait ne paraissait point posséder de contours Le genre du texte
nettement arrêtés, mais une sorte de transparence opaque, 9. Le lecteur est-il obligé de croire à l’existence de cet être
s’éclaircissant peu à peu. invisible ? Quelles interprétations peut-on proposer de cette
Je pus enfin me distinguer complètement, ainsi que je le fais histoire ?
chaque jour en me regardant. 10. Cet extrait est-il fantastique ? Justifiez précisément votre
Je l’avais vu ! L’épouvante m’en est restée, qui me fait encore réponse en vous aidant de vos réponses précédentes.
frissonner.
265
• Séance 10 •
Pour définir le
fantastique
Pour définir le
fantastique, nous avons
lu quelques extraits,
vous pouvez également
lire :
1. La main de Guy de
Maupassant
2. La peur de Guy de
Maupassant
3. Le pied de momie de
Théophile Gautier
266
exclamatives et interrogatives, points de suspension). S’il n’y a pas cette hésitation, on sort du genre fantastique pour
rentrer dans un genre voisin, l'étrange ou le merveilleux, par
II - Cet événement se passe dans le monde réel exemple.
III - L’incertitude du personnage Les événements sont perçus par un personnage qui, comme dans
« Le Horla », ne sait plus s’il est fou ou s’il est réellement victime
L’événement surnaturel (l’apparition) provoque alors un sentiment d’un être invisible. Or le lecteur n’a pas d’autre témoignage que
d’incertitude chez celui qui en est le témoin. De nombreux verbes le celui du personnage, car l’histoire est racontée du point de vue du
montrent : « sembler », « croire », « penser », « supposer »... Cette personnage. C’est ce qu’on appelle un point de vue interne : ce que
incertitude est caractéristique du fantastique. Selon Tzvetan l’on sait de l’histoire, c’est ce que nous en dit le personnage.
Todorov, le fantastique est l’hésitation éprouvée par un être qui ne
connaît que les lois naturelles, et qui fait face à un événement en Le lecteur n’a donc pas d’autre possibilité que de croire ce que
apparence surnaturel. raconte le personnage de l’histoire, si bien que nous sommes dans
267
l’incertitude également. Nous ne savons pas si le personnage est Conclusion
fou ou s’il est victime d’un être invisible.
La terreur éprouvée dans le texte fantastique provient donc de
V - Pas d’explication, pas d’allégorie ceci : un événement surnaturel, irrationnel, inexplicable survient
dans le réel, c’est-à-dire
Si l’événement surnaturel fait l’objet d’une explication, nous ne en un lieu et en un
sommes plus dans le fantastique. Ainsi, dans Les Mystères moment où l’on pensait
d’Udolphe, un événement en apparence irrationnel fait l’objet d’une que rien de tel ne
explication rationnelle. Ce qui semblait fantastique ne l’est saurait arriver.
finalement pas. L’impossible arrive, ce
Le fantastique fait exister par le langage ce qui n’existe pas. Dans qui provoque
l’extrait du « Horla », par le langage, Maupassant donne à lire ce l’incertitude,
qui n’existe pas. Il donne à voir ce qui n’est pas visible. C’est l’hésitation du
pourquoi le fantastique désigne souvent l’innommable, l’indicible. protagoniste, mais aussi
L’Apparition, dans « Le Horla », doit être pris à la lettre : il n’y a du lecteur.
pas de second sens, pas de sens caché, pas de signification On ne peut dire s’il est
allégorique comme dans le conte (ou comme dans les vanités). En arrivé quelque chose
effet, un événement surnaturel dans un conte a parfois une autre d’impossible
signification : le loup dans «Le petit chaperon rouge» incarne (explication
l’homme dangereux pour les enfants, en particulier les filles (la rationnelle : illusion,
moralité le montre à la fin du conte). Ce n’est pas simplement un mirage, folie) ou s’il est
loup. arrivé quelque chose de
La nouvelle « Le nez » de Nicolas Gogol n’est pas véritablement possible (explication Le songe de la raison
fantastique. C’est davantage une histoire absurde dans laquelle irrationnelle : le réel
l’écrivain russe montre les rapports difficiles que les gens ont entre n’est plus ce que l’on
eux (notamment les fonctionnaires : quand le héros retrouve son croyait : le diable, les
nez, il n’ose lui adresser la parole parce que le nez est devenu un revenants existent).
fonctionnaire d’un rang qui lui est supérieur).
268
• Évaluation •
Sur l’eau de
Guy de
Maupassant
Le narrateur de cette
histoire a loué une petite
maison au bord de la
Seine. Là, il fait la
connaissance d’un
vieux canotier qui lui
raconte sa vie nautique.
Une nuit, fatigué, le
canotier jette l’ancre.
Barque fluvial dans le brouillard matinal
Soudain, un petit coup sonna contre mon bordage. Je fis un groupes de peupliers d'Italie. J'étais comme enseveli jusqu'à la
soubresaut, et une sueur froide me glaça des pieds à la tête. Ce ceinture dans une nappe de coton d'une blancheur singulière, et
bruit venait sans doute de quelque bout de bois entraîné par le il me venait des imaginations fantastiques.
courant, mais cela avait suffi et je me sentais envahi de nouveau
par une étrange agitation nerveuse. Je saisis ma chaîne et je me Je me figurais qu'on essayait de monter dans ma barque que je ne
raidis dans un effort désespéré. L'ancre tint bon. Je me rassis pouvais plus distinguer, et que la rivière, cachée par ce brouillard
épuisé. opaque, devait être pleine d'êtres étranges qui nageaient autour de
Cependant, la rivière s'était peu à peu couverte d'un brouillard moi. J'éprouvais un malaise horrible, j'avais les tempes serrées,
blanc très épais qui rampait sur l'eau fort bas, de sorte que, en me mon cœur battait à m'étouffer, et, perdant la tête, je pensai à me
dressant debout, je ne voyais plus le fleuve, ni mes pieds, ni mon sauver à la nage ; puis aussitôt cette idée me fit frissonner
bateau, mais j'apercevais seulement les pointes des roseaux, puis, d'épouvante. Je me vis, perdu, allant à l'aventure dans cette brume
plus loin, la plaine toute pâle de la lumière de la lune, avec de épaisse, me débattant au milieu des herbes et des roseaux que je
grandes taches noires qui montaient dans le ciel, formées par des ne pourrais éviter, râlant de peur, ne voyant pas la berge, ne
269
retrouvant plus mon bateau, et il me semblait que je me sentirais 3. « Soudain, un petit coup sonna contre mon bordage. »
tiré par les pieds tout au fond de cette eau noire. Quelle est la classe grammaticale du mot « soudain » ?
À quel temps le verbe est-il conjugué ?
En effet, comme il m'eût fallu remonter le courant au moins Qu’annoncent ces deux mots ? (3 points)
pendant cinq cents mètres avant de trouver un point libre d'herbes 4. Quel événement est à l’origine de cette peur ? (1 point)
et de joncs où je pusse prendre pied, il y avait pour moi neuf 5. « il me venait des imaginations fantastiques »
chances sur dix de ne pouvoir me diriger dans ce brouillard et de Quel phénomène météorologique engendre ces imaginations ?
me noyer, quelque bon nageur que je fusse. Pourquoi ? (2 points)
270
• Séance 11 •
La Vénus d’Ille
de Prosper
Mérimée
Le narrateur de cette
histoire est l’hôte de M.
de Peyrehorade. Ce
dernier, vivant dans le
village d’Ille, a découvert
une antique statue de
bronze représentant la
déesse Vénus qu’il a fait
installer dans son
jardin. Enfin, il doit, ce
vendredi, marier son
fils, Alphonse de
Peyrehorade, à Mlle de
Puygarig.
Vénus
Cet extrait, qui a lieu un
peu avant le mariage,
nous montre le futur
marié jouant au jeu de
Paume (l’ancêtre du
tennis). Rédaction
Lire la nouvelle en entier Contre l'attente générale, M. Alphonse manqua la C'était un homme d'une quarantaine d'années,
première balle ; il est vrai qu'elle vint rasant la sec et nerveux, haut de six pieds, et sa peau
terre et lancée avec une force surprenante par un olivâtre avait une teinte presque aussi foncée que
Aragonais qui paraissait être le chef des le bronze de la Vénus.
Espagnols.
271
M. Alphonse jeta sa raquette à terre avec fureur. La voix de M. de Peyrehorade troubla le triomphe de son fils ; mon
hôte, fort étonné de ne point le trouver présidant aux apprêts de
« C'est cette maudite bague, s'écria-t-il, qui me serre le doigt, et me la calèche neuve, le fut bien plus encore en le voyant tout en sueur,
fait manquer une balle sûre ! » la raquette à la main. M. Alphonse courut à la maison, se lava la
figure et les mains, remit son habit neuf et ses souliers vernis, et
II ôta, non sans peine, sa bague de diamants : je m'approchais pour cinq minutes après nous étions au grand trot sur la route de
la recevoir ; mais il me prévint, courut à la Vénus, lui passa la Puygarrig. Tous les joueurs de paume de la ville et grand nombre
bague au doigt annulaire, et reprit son poste à la tête des Illois. de spectateurs nous suivirent avec des cris de joie. À peine les
Il était pâle, mais calme et résolu. Dès lors il ne fit plus une seule chevaux vigoureux qui nous traînaient pouvaient-ils maintenir leur
faute, et les Espagnols furent battus complètement. Ce fut un beau avance sur ces intrépides Catalans.
spectacle que l'enthousiasme des spectateurs : les uns poussaient
mille cris de joie en jetant leurs bonnets en l'air ; d'autres lui Nous étions à Puygarrig, et le cortège allait se mettre en marche
serraient les mains, l'appelant l'honneur du pays. S'il eût repoussé pour la mairie, lorsque M. Alphonse, se frappant le front, me dit
une invasion, je doute qu'il eût reçu des félicitations plus vives et tout bas :
plus sincères. Le chagrin des vaincus ajoutait encore à l'éclat de sa
victoire. « Quelle brioche ! J'ai oublié la bague ! Elle est au doigt de la
Vénus, que le diable puisse emporter ! Ne le dites pas à ma mère au
« Nous ferons d'autres parties, mon brave, dit-il à l'Aragonais d'un moins. Peut-être qu'elle ne s'apercevra de rien.
ton de supériorité ; mais je vous rendrai des points. » - Vous pourriez envoyer quelqu'un, lui dis-je.
- Bah ! mon domestique est resté à Ille. Ceux-ci, je ne m'y fie guère.
J'aurais désiré que M. Alphonse fût plus modeste, et je fus presque Douze cents francs de diamants ! cela pourrait en tenter plus d'un.
peiné de l'humiliation de son rival. D'ailleurs que penserait-on ici de ma distraction ? Ils se
moqueraient trop de moi. Ils m'appelleraient le mari de la statue...
Le géant espagnol ressentit profondément cette insulte. Je le vis Pourvu qu'on ne me la vole pas ! Heureusement que l'idole fait
pâlir sous sa peau basanée. Il regardait d'un air morne sa raquette peur à mes coquins. Ils n'osent l’approcher à longueur de bras.
en serrant les dents ; puis, d'une voix étouffée, il dit tout bas : Me Bah ! ce n'est rien ; j'ai une autre bague. »
lo pagarâs.
Les deux cérémonies civile et religieuse s'accomplirent avec la
pompe convenable ; et Mlle de Puygarig reçut l'anneau d'une
272
modiste de Paris, sans se douter que son fiancé lui faisait le À Ille, le souper nous attendait, et quel souper ! Si la grosse joie du
sacrifice d'un gage amoureux. Puis on se mit à table, où l'on matin m'avait choqué, je le fus bien davantage des équivoques et
but, mangea, chanta même, le tout fort longuement. Je souffrais des plaisanteries dont le marié et la mariée surtout furent l'objet.
pour la mariée de la grosse joie qui éclatait autour d'elle ; pour tant Le marié, qui avait disparu un instant avant de se mettre à table,
elle faisait meilleure contenance que je ne l'aurais espéré, et son était pâle et d'un sérieux de glace. Il buvait à chaque instant du
embarras n'était ni de la gaucherie ni de l'affectation. vieux vin de Collioure presque aussi fort que de l'eau-de-vie.
Peut-être le courage vient-il avec les situations difficiles. J'étais à côté de lui et me crus obligé de l'avertir :
Le déjeuner terminé quand il plut à Dieu, il était quatre heures ; les « Prenez garde ! on dit que le vin... »
hommes allèrent se promener dans le parc, qui était magnifique, ou
regardèrent danser sur la pelouse du château les paysannes de Je ne sais quelle sottise je lui dis pour me mettre à l'unisson des
Puygarig, parées de leurs habits de fête. De la sorte, nous convives.
employâmes quelques heures. Cependant les femmes étaient fort
empressées autour de la mariée, qui leur faisait admirer sa Il me poussa le genou, et très bas il me dit :
corbeille. Puis elle changea de toilette, et je remarquai qu'elle
couvrit ses beaux cheveux d'un bonnet et d'un chapeau à plumes, « Quand on se lèvera de table..., que je puisse vous dire deux
car les femmes n'ont rien de plus pressé que de prendre, aussitôt mots. »
qu'elles le peuvent, les parures que l'usage leur défend de porter
quand elles sont encore demoiselles. Il était près de huit heures Son ton solennel me surprit. Je le regardai plus attentivement, et je
quand on se disposa à partir pour Ille. Mais d'abord eut lieu une remarquai l'étrange altération de ses traits.
scène pathétique. La tante de Mlle de Puygarrig, qui lui servait de
mère, femme très âgée et fort dévote, ne devait point aller avec « Vous sentez-vous indisposé ? lui demandai-je.
nous à la ville. Au départ, elle fit à sa nièce un sermon touchant sur — Non. »
ses devoirs d'épouse, duquel sermon résulta un torrent de larmes et
des embrassements sans fin. M. de Peyrehorade comparait cette Et il se remit à boire.
séparation à l'enlèvement des Sabines. Nous partîmes
pourtant, et, pendant la route, chacun s'évertua pour distraire la
mariée et la faire rire ; mais ce fut en vain.
273
Quelques questions pour préparer la L'imparfait et le passés simple sont correctement conjugués et
rédaction : utilisés : 3 points
La ponctuation est respectée : 1 point
1. Que signifie l’expression « passer la bague au doigt » ?
2. Que dit l’Espagnol à son vainqueur ?
L’incertitude du personnage est exprimée par des moyens
3. Quelles sont les deux raisons pour lesquelles M. Alphonse ne
variés : 3 points
veut pas envoyer ses domestiques chercher la bague qu’il a oublié ?
L’effroi du personnage est également exprimé : 3 points
4. Lors du soupe, M. Alphonse est-il aussi joyeux qu’un marié
Le texte est fantastique (il n’apporte aucune réponse) : 2 points
devrait l’être ?
Le texte est cohérent par rapport au texte de départ : 2 points
5. L’histoire se passe un vendredi. Cherchez l’origine du mot dans
un dictionnaire.
Sujet :
Imaginez une suite à cette histoire en la rédigeant aux temps du
récit (imparfait, plus-que-parfait, passé simple, etc.).
Barème :
La copie est propre (non déchirée et correctement présentée) : 1
point
L’écriture est soignée, il n’y a pas de ratures : 1 point
L’orthographe est correcte : 4 points
274
Chapitre VII
Aventure d’un
étudiant allemand
Objectifs :
• Découvrir un écrivain américain,
• Lire une nouvelle fantastique entière,
• Utiliser des connaissances acquises
dans les précédents chapitres (rythme du
récit, point de vue, grammaire, etc.),
• Étudier l’accord du sujet et du verbe,
• Conjuguer les verbes du troisième
groupe présentant des particularités
orthographiques.
276
• Séance 1 •
Wa s h i n g t o n
Irving
( 17 8 3 - 18 5 9 )
Sleepy hollow
Par une nuit de tempête (premier extrait)
Par une nuit de tempête, à l’époque orageuse de Gottfried Wolfgang était un jeune homme de
la Révolution française, un jeune Allemand s’en bonne famille. Il avait étudié à Goettingue
revenait à son domicile sur le tard, à travers les pendant quelque temps, mais visionnaire et
vieux quartiers de Paris. Les éclairs luisaient et enthousiaste de tempérament, il s’était aventuré
de sourds grondements de tonnerre bientôt dans ces doctrines audacieuses et
retentissaient dans les rues étroites. Mais il hautement spéculatives qui ont si souvent égaré
Touchez pour voir la vidéo convient tout d’abord que je vous parle de ce les étudiants allemands. Sa vie retirée, son
jeune Allemand. intense application et la nature singulière de ses
277
études éprouvèrent à la fois son esprit et son corps. Sa santé était Solitaire et reclus, Wolfgang était néanmoins d’un tempérament
faible et son imagination maladive. Il s’était adonné aux fort ardent qui se dépensa, pendant un certain temps, dans sa seule
spéculations abstraites sur les essences de l’esprit jusqu’à se bâtir, imagination. Il était trop timide et trop ignorant des choses de ce
comme Swedenborg, un monde imaginaire au-dessus du sien monde pour faire des avances au sexe faible ; mais il admirait
propre. Il s’était confirmé, je ne sais où, dans l’impression qu’une passionnément la beauté féminine et bien souvent, dans sa
influence maligne pesait sur lui, qu’un mauvais génie ou quelque chambre retirée, il se prenait à rêver aux formes et aux visages
esprit du mal cherchait à le prendre au piège et à assurer sa rencontrés ; et son imagination les parait de charmes et de
perdition. Cette idée, travaillant dans son caractère sombre, perfections qui surpassaient la réalité.
produisit sur lui le plus fâcheux effet. Il devint hagard et
pessimiste ; ses amis, comprenant qu’il était en proie à quelque Quand son esprit s’excitait et s’exaltait de la sorte, un rêve lui
maladie mentale, décidèrent que le meilleur remède serait un revenait toujours, qui produisait sur lui un effet extraordinaire. Le
changement d’atmosphère ; on l’envoya donc finir ses études parmi visage féminin qui lui apparaissait était d’une transcendante beauté
les splendeurs et gaîtés de Paris. et l’impression produite était si puissante qu’il ne pouvait pas s’en
défaire. Ce visage hantait ses pensées le jour aussi bien que son
Wolfgang arriva à Paris au début de la Révolution. Le délire sommeil la nuit. Et il devint, en réalité, passionnément amoureux
populaire séduisit d’abord son esprit enthousiaste, et les théories de cette irréelle figure de rêve. Ce sentiment prit une telle
politiques et philosophiques de l’époque le passionnèrent ; mais les importance en lui et perdura si bien qu’il devint une de ces idées
scènes sanglantes qui devaient suivre heurtèrent son naturel fixes qui hantent les esprits des hommes mélancoliques et qu’on
sensible, le dégoûtèrent de la société et du monde, l’encourageant prend parfois pour de la folie.
plus que jamais à mener la vie d’un reclus. Il se retira dans un
appartement solitaire du Quartier Latin, ce fief des étudiants. Et Tel était Gottfried Wolfgang, et tel son état, au moment où
c’est là, dans une rue sombre, non loin des murailles austères de la commence ce récit. Il s'en revenait donc chez lui, une nuit d’orage,
Sorbonne, qu’il poursuivait ses spéculations favorites. Il lui arrivait par les vieilles et sombres rues du Marais, le plus vieux quartier de
de passer des heures entières dans les grandes bibliothèques Paris. Les sourds grondements du tonnerre faisaient trembler les
parisiennes, ces catacombes pour auteurs défunts, fouillant dans rues étroites et les hautes maisons. Il déboucha sur la place de
leurs vieilles réserves poussiéreuses, afin de satisfaire à son Grève, où se font les exécutions publiques. Les éclairs crépitaient
morbide appétit. Il était, en quelque sorte, une espèce de goule sur les hautes tours du vieil Hôtel de Ville, et leurs lueurs
littéraire se repaissant au charnier de la littérature défunte. incertaines éclataient sur la place. Il recula d’horreur en se trouvant
soudain tout près de la guillotine. C’était au plus fort du règne de la
278
Terreur, et l’affreux instrument de mort, toujours dressé, ruisselait Questions :
continuellement du sang des braves et des justes. Le jour même, il
La narration
avait été employé activement à son œuvre de carnage, et il
demeurait là, dans son sinistre appareil, au cœur de la cité
1. Découpez ce texte en plusieurs parties et donnez-leur un titre.
silencieuse et endormie, dans l’attente de victimes nouvelles.
2. Ce texte suit-il la chronologie de l’histoire ? Justifiez votre
réponse.
3. Le pronom personnel « je » apparaît plusieurs fois dans le texte.
a) Relevez-en quelques exemples et dites qui il désigne.
b) Quel est le temps alors utilisé lorsque l’on rencontre ce
pronom ? Pourquoi ?
Le cadre spatiotemporel
279
9. Quel est le personnage principal de cette histoire ?
10. Quelles informations l’incipit délivre-t-il sur lui ?
11. Quelles sont, selon vous, les plus importantes pour
comprendre cette histoire ? Justifiez votre réponse.
12. « Cette irréelle figure de rêve »
Expliquez la construction de l’adjectif. Trouvez un adjectif
construit de la même façon.
13. À votre avis, que va trouver le héros de cette histoire quand
il arrive sur la place de Grève ?
Rédaction :
Comme Washington Irving, racontez une histoire commençant
par un début in medias res.
Grammaire :
Dans la phrase ci-dessous, relevez le sujet du verbe
en gras.
280
• Séance 2 •
Cependant, il arrive que le sujet soit éloigné du verbe : On peut rejeter le verbe après le sujet afin de laisser le verbe en
premier. On met ainsi l’action en valeur :
281
Exercices :
Les verbes dont le sujet est le pronom indéfini «on », «tout le
monde», «chacun», «aucun», «plus d’un» restent au singulier :
Exercice 1
Relevez le sujet.
Tout le monde dort.
Exercice 2
Accordez le verbe avec son sujet.
282
• Séance 3 •
283
- Je n’ai plus d’ami sur terre, dit-elle. ne peut récuser. La désolation de l’étrangère se remit implicitement
- Mais vous avez une demeure ? dit Wolfgang. sous la protection de l’étudiant.
- Oui… dans la tombe ! Il supporta ses pas chancelants pour traverser le Pont-Neuf et la
place où la statue de Henri IV avait été jetée bas par la populace.
Le cœur de l’étudiant s’émut à ces mots. L’orage s’était calmé, on entendait le tonnerre rouler au loin. Tout
- Si un étranger, dit-il, peut oser une offre sans courir le risque Paris reposait ; le grand volcan des passions humaines sommeillait
d’être mal compris, je me permettrai de vous proposer mon humble pour un temps, refaisant des forces nouvelles pour l’éruption du
demeure pour abri, et moi-même pour votre ami dévoué. Je suis lendemain. L’étudiant conduisit sa protégée à travers les vieilles
moi-même sans amis à Paris, étranger dans ce pays ; mais si ma vie rues du Quartier Latin, longea les murs sombres de la Sorbonne et
peut vous être de quelque service, elle est à votre disposition et sera parvint au très misérable hôtel où il avait son appartement. Le
sacrifiée avant que vous soit fait aucun mal ou aucune offense. vieux portier qui leur ouvrit manifesta une certaine surprise en
La gravité fervente qui marquait les façons du jeune homme voyant le mélancolique Wolfgang en féminine compagnie.
produisit son effet. Son accent étranger, de même, parlait pour lui, En ouvrant sa porte, l’étudiant rougit pour la première fois de la
l’isolant, en toute évidence, de la banale collectivité des Parisiens. pauvreté et de la banalité de sa demeure. Elle ne comptait plus
De plus, le véritable enthousiasme possède une éloquence qu’on qu’une chambre : un salon à l’ancienne mode, orné de lourdes
sculptures, et meublé d’une façon extravagante des restes de son
ancienne splendeur ; il s’agissait, en effet, d’un de ces hôtels voisins
du Luxembourg qui avaient, autrefois, appartenu à la noblesse. La
pièce était encombrée de livres, de paperasses et de tout l’attirail
ordinaire de l’étudiant ; le lit occupait, dans un angle, une espèce
d’alcôve.
284
permettait d’en juger. Toute sa personne avait un cachet de La mode était aux contrats sociaux. Et Wolfgang était un théoricien
noblesse, malgré la simplicité extrême de sa mise. La seule chose trop accompli pour ne pas se faire le reflet des doctrines
qui ressemblât à quelque parure, dans tout son vêtement, était le libérales de l’époque.
large ruban noir qu’elle portait au cou, retenu par une agrafe de
diamants. - Pourquoi nous séparer ? dit-il. Nos cœurs sont à l’unisson ; aux
yeux de la raison et de l’honneur, nous ne faisons qu’un. Est-il
Cependant l’étudiant ressentait quelque embarras, quant aux besoin de viles formules pour accomplir l’union de deux hautes
dispositions à prendre pour recevoir convenablement l’être âmes ?
abandonné qu’il avait pris sous sa protection. Il pensa à lui laisser
sa chambre et à aller chercher pour lui-même un autre abri. Mais il L’étrangère écoutait avec émotion : elle avait évidemment reçu les
était si fasciné, son esprit et ses sens étaient sous un tel charme, lumières de la même école.
qu’il ne pouvait s’arracher à sa présence. Son attitude, à elle aussi,
était surprenante et singulière. Il n’était plus question de la - Vous n’avez ni demeure, ni famille, poursuivit Wolfgang. Laissez-
guillotine ; sa douleur même semblait apaisée. Les attentions de moi être tout cela pour vous, ou plutôt soyons tout l’un pour l’autre.
l’étudiant, qui avaient tout d’abord gagné sa confiance, avaient Si la forme est nécessaire, alors nous l’observerons. Voici ma main.
apparemment gagné aussi son cœur, à présent. Passionnée comme Je m’engage à vous pour toujours.
lui, elle l’était très évidemment, et les passionnés se comprennent - Pour toujours ? demanda gravement l’étrangère.
vite entre eux. - Pour toujours et à jamais ! répondit-il.
L’étrangère saisit la main qu’il lui tendait :
Tout à l’ivresse du moment, Wolfgang lui déclara sa passion. Il lui - Alors je suis à vous, murmura-t-elle. Et elle se laissa aller sur la
raconta l’histoire de son rêve mystérieux, et comment elle s’était poitrine du jeune homme.
emparée de son cœur avant même qu’il ait eu l’occasion de la voir.
Étrangement émue par son récit, elle reconnut s’être sentie attirée Le matin suivant, l’étudiant laissa dormir sa jeune épouse et sortit à
vers lui par une force également inexplicable. L’époque était toute à la première heure pour chercher un appartement plus spacieux et
l’audace, pour les idées comme, aussi bien, pour les actes. On s’était plus conforme à ce changement de situation. À son retour, il la
délivré des anciens préjugés et des vieilles superstitions. Tout trouva allongée sur le lit, la tête rejetée en arrière, sous son bras. Il
passait, maintenant, sous le spectre de la « Déesse Raison ». Et lui parla, mais ne reçut point de réponse. S’avançant pour la
dans tout le fatras de l’Ancien Régime, les formes et cérémonies réveiller et la tirer de cette inconfortable position, il lui prit la
du mariage semblaient superflues aux esprits les plus honorables.
285
main ; mais cette main était froide est inerte. Son visage était livide citant des passages du texte.
et dur. En un mot, ce n’était plus qu’un... 9. Le dernier mot du dernier paragraphe a été enlevé. Selon vous,
quel peut être ce mot ?
Questions :
Exercice de réécriture :
Les personnages
Réécrivez ce passage en remplaçant « l’étudiant » par « les
1. Où Wolfgang rencontre-t-il la jeune femme ? Citez les termes qui étudiants ».
vous ont permis de répondre.
2. Relisez le premier paragraphe. Qui semble être la jeune femme Cependant l’étudiant ressentait quelque embarras, quant aux
rencontrée par l’étudiant allemand ? dispositions à prendre pour recevoir convenablement l’être abandonné
3. « Sans doute était-ce quelque malheureuse veuve » qu’il avait pris sous sa protection. Il pensa à lui laisser sa chambre et à
a) Quel terme révèle l’incertitude ? Quelle est sa nature ? aller chercher pour lui-même un autre abri.
b) Quelle est la nature du mot « quelque » ? Dans quel passage
décrivant la jeune femme retrouve-t-on ce terme ? Le détail vous
semble-t-il important ?
4. Que nous apprend le second paragraphe sur cette femme ?
5. Sur quelle décision des protagonistes s’achève cet extrait ?
La narration
286
• Récitation •
La chambre gothique
Écouter Nox et solitudo plenæ sunt diabolo. Si ce n’était que mon aïeul qui descend en pied de son cadre
Les Pères de l’Église. vermoulu, et trempe son gantelet dans l’eau bénite du bénitier !
Mais c’est Scarbo qui me mord au cou, et qui, pour cautériser ma
La nuit, ma chambre est pleine de diables.
blessure sanglante, y plonge son doigt de fer rougi à la fournaise !
Le cauchemar
287
• Dictée •
Le repas libre
Les mots suivants vous sont donnés : Conseils pour mieux réussir votre dictée :
Rome 1. Relisez-vous très attentivement en vous posant un certain nombre
Prodiguait (du verbe prodiguer = donner) de questions de grammaire.
Vestibule
2. Ces questions peuvent concerner les homophones grammaticaux
(faut-il écrire « on » ou « ont » ? « ou » ou « où » ? « se », « ce » ou
« ceux » ?...).
1. Écoutez simplement le texte :
3. Vous pouvez aussi vous demander si vous avez bien accordé le sujet
et son verbe. Attention ! Le pronom « on » est singulier !
La chute du récit
… cadavre. Questions :
Saisi d’horreur et d’épouvante, il jeta l’alarme dans toute la maison.
1. Maintenant que vous avez lu la fin de l’histoire, dites pourquoi la
Une scène de confusion s’ensuivit. La police fut convoquée. Mais
jeune femme est morte.
comme l’officier de police pénétrait dans la chambre, il tressaillit à
2. Quelle est la réaction de Wolfgang ?
la vue du cadavre.
3. Dans les premières lignes, par quels moyens s’accélère le rythme
- Grands Dieux ! s’exclama-t-il, comment cette femme est-elle
du récit ?
parvenue jusqu’ici ?
4. Croit-on
- Vous la connaissez donc ? questionna Wolfgang avec
Wolfgang ?
précipitation.
Justifiez votre
- Si je la connais ! s’écria l’officier, elle a été guillotinée hier !
réponse.
Il s’avança, défit le noir collier du cadavre, et la tête roula sur le
5. Pensez-vous
sol !
que Wolfgang
L’étudiant se prit à hurler dans un accès de délire :
ait raison ?
- Le démon ! C’est le démon qui s’est emparé de moi !…. Je suis
Pourquoi ?
perdu à jamais.
6. S’agit-il
On essaya, mais en vain, de l’apaiser. L’effroyable conviction
d’un texte
qu’un esprit démoniaque avait ranimé le cadavre pour sa seule
fantastique ?
perdition s’était emparée de lui. Il tomba dans la démence et
Justifiez votre
mourut dans une maison de fous.
réponse.
Un asile
289
• Séance 5 •
je couds je mouds
CRAINDRE PEINDRE JOINDRE RÉSOUDRE
tu couds tu mouds
je crains je peins je joins je résous
il coud il moud
tu crains tu peins tu joins tu résous
nous cousons nous moulons
il craint il peint il joint il résout
vous cousez vous moulez
nous nous nous
ils cousent ils moulent nous joignons
craignons peignons résolvons
vous craignez vous peignez vous joignez vous résolvez
ils craignent ils peignent ils joignent ils résolvent
290
Le verbe asseoir Autre verbes
Ce verbe (s'asseoir à la forme pronominale) a deux conjugaisons. Si Les verbes qui suivent présentent quelques particularités
vous préférez la première, retenez que le e de l'infinitif disparaît également. Ainsi, émouvoir donne j'émeus au présent, vaincre se
dans la conjugaison. termine par un c à la troisième personne...
291
Chapitre VIII
DIRE LA MONSTRUOSITÉ
Objectifs :
Méduse
293
• Séance 2 •
Freaks
Regardez les sept premières minutes et 3. Qui sont les deux petits personnages que l’on voit ensuite ? De
répondez aux questions. quoi parlent-ils ?
4. Quels nouveaux personnages découvrons-nous (4 mn 40) ?
Que cherchent-ils ? Pourquoi ?
1. Où se passe la première scène du film (du début jusqu’à 1 min
5. Qui a peur ? En quoi est-ce étonnant ?
47) ? À quels indices le remarquez-vous ?
6. Cherchez dans un dictionnaire ce qu’est un monstre ? De quel
2. À votre avis, qui est l’acrobate (1 min 48) ?
mot latin vient-il ?
294
• Séance 3 •
Les comprachicos
Qui connait à cette heure le mot comprachicos ? et qui en sait le
sens ?
Les comprachicos, ou comprapequeños, étaient une hideuse et
étrange affiliation nomade, fameuse au dix-septième siècle, oubliée
au dix-huitième, ignorée aujourd'hui. Les comprachicos sont,
comme « la poudre de succession », un ancien détail social
caractéristique. Ils font partie de la vieille laideur humaine. Pour le
grand regard de l'histoire, qui voit les ensembles, les comprachicos
se rattachent à l'immense fait Esclavage. Joseph. Les
comprachicos ont laissé trace dans les législations pénales
d'Espagne et d'Angleterre. On trouve çà et là dans la confusion
obscure des lois anglaises la pression de ce fait monstrueux,
comme on trouve l'empreinte du pied d'un sauvage dans une forêt.
Comprachicos, de même que comprapequeños, est un mot
espagnol composé qui signifie «les achète-petits».
Les comprachicos faisaient le commerce des enfants.
Ils en achetaient et ils en vendaient.
Ils n'en dérobaient point. Le vol des enfants est une autre
industrie.
Et que faisaient-ils de ces enfants ?
Des monstres.
Pourquoi des monstres ?
L’homme qui rit Pour rire.
Le peuple a besoin de rire ; les rois aussi. Il faut aux carrefours le
295
baladin ; il faut aux Louvres le bouffon. L'un s'appelle [...]
Turlupin, l'autre Triboulet. Le commerce des enfants au dix-septième siècle se complétait,
Les efforts de l'homme pour se procurer de la joie sont parfois nous venons de l'expliquer, par une industrie. Les comprachicos
dignes de l'attention du philosophe, faisaient ce commerce et exerçaient cette industrie. Ils achetaient
Qu'ébauchons-nous dans ces quelques pages préliminaires ? des enfants, travaillaient un peu cette matière première, et la
un chapitre du plus terrible des livres, du livre qu'on pourrait revendaient ensuite.
intituler : l'Exploitation des malheureux par les heureux. Les vendeurs étaient de toute sorte, depuis le père misérable se
débarrassant de sa famille jusqu'au maître utilisant son haras
d'esclaves. Vendre des hommes n'avait rien que de simple. De nos
jours on s'est battu pour maintenir ce droit. [...]
Les comprachicos avaient un talent, défigurer, qui les
recommandait à la politique. Défigurer vaut mieux que tuer. Il y
avait bien le masque de fer, mais c'est un gros moyen. On ne
peut peupler
l'Europe de masques
de fer, tandis que les
bateleurs
difformes courent
les rues sans
invraisemblance ; et
puis le masque de fer
est arrachable, le
masque de chair ne
l'est pas. Vous
masquer à jamais
avec votre propre
Le marché aux esclaves
visage, rien n'est
plus ingénieux. Les
comprachicos
L’homme au masque de fer
296
travaillaient l'homme comme les chinois travaillent l'arbre. Ils Puisque nous sommes en Chine, restons-y un moment encore pour
avaient des secrets, nous l'avons dit ; ils avaient des trucs. Art un détail. En Chine, de tout temps, on a vu la recherche d'art et
perdu. Un certain rabougrissement bizarre sortait de leurs d'industrie que voici : c'est le moulage de l'homme vivant. On
mains. C'était ridicule et profond. Ils touchaient à un petit être avec prend un enfant de deux ou trois ans, on le met dans un vase de
tant d'esprit que le père ne l'eût pas reconnu. Et que méconnaîtrait porcelaine plus ou moins bizarre, sans couvercle et sans fond, pour
l’œil même de son père, dit Racine avec une faute de français. que la tête et les pieds passent. Le jour on tient ce vase debout, la
Quelquefois ils laissaient la colonne dorsale droite, mais ils nuit on le couche pour que l'enfant puisse dormir. L'enfant grossit
refaisaient la face. Ils démarquaient un enfant comme on ainsi sans grandir, emplissant de sa chair comprimée et de ses os
démarque un mouchoir. tordus les bossages du vase. Cette croissance en bouteille dure
Les produits destinés aux bateleurs avaient les articulations plusieurs années. À un moment donné, elle est irrémédiable.
disloquées d'une façon savante. On les eût dit désossés. Cela faisait Quand on juge que cela a pris et que le monstre est fait, on casse le
des gymnastes. vase, l'enfant en sort, et l'on a un homme ayant la forme d'un pot.
Non seulement les comprachicos ôtaient à l'enfant son visage, mais C'est commode ; on peut d'avance se commander son nain de la
ils lui ôtaient sa mémoire. Du moins ils lui en ôtaient ce qu'ils forme qu'on veut.
pouvaient. L'enfant n'avait point conscience de la mutilation qu'il
avait subie. Cette épouvantable chirurgie laissait trace sur sa face,
non dans son esprit. Il pouvait se souvenir tout au plus qu'un jour il
avait été saisi par des hommes, puis qu'il s'était endormi, et
qu'ensuite on l'avait guéri. Guéri de quoi ? il l'ignorait. Des brûlures
par le soufre et des incisions par le fer, il ne se rappelait rien. Les
comprachicos, pendant l'opération, assoupissaient le petit patient
au moyen d'une poudre stupéfiante qui passait pour magique et qui
supprimait la douleur. Cette poudre a été de tout temps connue en
Chine, et y est encore employée à l'heure qu'il est. La Chine a eu
avant nous toutes nos inventions, l'imprimerie, l'artillerie,
l'aérostation, le chloroforme. Seulement la découverte qui en
Europe prend tout de suite vie et croissance, et devient prodige et
merveille, reste embryon en Chine et s'y conserve morte. La Chine
est un bocal de fœtus.
297
Questions :
L’homme qui rit
1. À quel commerce se livrent les comprachicos ?
2. Que font-ils de leurs proies ? Pourquoi ? de Victor Hugo
3. Quelle autre « utilité » l’activité des comprachicos trouve-t-elle
dans la société ?
4. Quelle expression révèle toute l’injustice du procédé ?
5. « Défigurer vaut mieux que tuer »
Pour quelle(s) raison(s) ?
Vocabulaire :
Touchez pour voir la vidéo
Dans le texte de Victor Hugo, relevez les termes qui permettent de
dire l’horreur qu’inspirent les Comprachicos.
Exemple : hideuse (l. 6), étrange (l. 6), laideur (l. 14), etc.
Puis, à l’aide d’un dictionnaire, trouvez-en d’autres. L’homme au masque de
fer
298
Lecture cursive : Quand on porte un toast amical, Et vous seuls, vous savez, peut-être,
Chacun frappe sur son bocal, Si c'est le suprême bien-être
On en voit de petits, de grands,
Et ça fait un bruit musical ! Que d'être mort avant de naître !
De semblables, de différents,
Au fond des bocaux transparents. En contemplant leur face inerte, Fœtus, au fond de vos bocaux,
Un jour j'ai fait la découverte Dans les cabinets médicaux,
Les uns ont des figures douces ;
Qu'ils avaient la bouche entrouverte : Nagez toujours entre deux eaux,
Venus au monde sans secousses,
Sur leur ventre ils joignent les pouces. Démontrant que tout corps solide
Plongé dans l'élément humide
D'autres lèvent les yeux en l'air
Déplace son poids de liquide.
Avec un regard assez fier
Pour des gens qui n'y voient pas clair ! C'est ainsi que, tranquillement,
Sans changer de gouvernement,
D'autres enfin, fendus en tierce,
Vous attendez le jugement !...
Semblent craindre qu'on ne renverse
L'océan d'alcool qui les berce. Et s'il faut, comme je suppose,
Une morale à cette glose,
Mais, que leur bouche ait un rictus,
Je vais ajouter une chose :
Que leurs bras soient droits ou tordus,
Comme ils sont mignons, ces fœtus, C'est qu'en dépit des prospectus
Fœtus de gueux, fœtus de roi, De tous nos savants, les fœtus
Quand leur frêle corps se balance
Tous sont soumis à cette loi Ne sont pas des gens mal f...
Dans une douce somnolence,
Et bâillent sans savoir pourquoi !...
Avec un petit air régence !
Les fœtus in Poèmes mobiles de Maurice Mac-
Gentils fœtus, ah ! que vous êtes
On remarque aussi que leurs nez, Nab
Heureux d'avoir rangé vos têtes
A l'intempérance adonnés,
Loin de nos humaines tempêtes !
Sont quelquefois enluminés :
Heureux, sans vice ni vertu ;
Privés d'amour, privés de gloire,
D'indifférence revêtu,
Les fœtus sont comme Grégoire,
Votre coeur n'a jamais battu.
Et passent tout leur temps à boire.
299
• Séance 4 •
300
Ces affreux industriels viennent s'informer de temps en temps comme ça, mon brave monsieur, tous comme ça, c'est une
si elle a produit quelque avorton nouveau, et, quand le sujet leur désolation, ça s'peut-i que l'bon Dieu soit dur ainsi à une pauv'e
plaît, ils l'enlèvent en payant une rente à la mère. femme toute seule au monde, ça s'peut-i ?
Elle a onze rejetons de cette nature. Elle est riche. Elle parlait vite, les yeux baissés, d'un air hypocrite, pareille à
Tu crois que je plaisante, que j'invente, que j'exagère. Non, une bête féroce qui a peur. Elle adoucissait le ton âpre de sa voix, et
mon ami. Je ne te raconte que la vérité, l'exacte vérité. on s'étonnait que ces paroles larmoyantes et filées en fausset
Allons voir cette femme. Je te dirai ensuite comment elle est sortissent de ce grand corps osseux, trop fort, aux angles grossiers,
devenue une fabrique de monstres. qui semblait fait pour les gestes véhéments et pour hurler à la façon
des loups.
Il m'emmena dans la banlieue. Mon ami demanda :
Elle habitait une jolie petite maison sur le bord de la route. - Nous voudrions voir votre petit.
C'était gentil et bien entretenu. Le jardin plein de fleurs sentait Elle me parut rougir. Peut-être me suis-je trompé ? Après
bon. On eût dit la demeure d'un notaire retiré des affaires. quelques instants de silence, elle prononça d'une voix plus haute :
Une bonne nous fit entrer dans une sorte de petit salon - À quoi qu'ça vous servirait ?
campagnard, et la misérable parut. Et elle avait relevé la tête, nous dévisageant par coups d'œil
Elle avait quarante ans environ. C'était une grande personne brusques avec du feu dans le regard.
aux traits durs, mais bien faite, vigoureuse et saine, le vrai type de Mon compagnon reprit :
la paysanne robuste, demi-brute et demi-femme. - Pourquoi ne voulez-vous pas nous le faire voir ? Il y a bien
Elle savait la réprobation qui la frappait et ne semblait des gens à qui vous le montrez. Vous savez de qui je parle !
recevoir les gens qu'avec une humilité haineuse. Elle eut un sursaut, et lâchant sa voix, lâchant sa colère, elle
Elle demanda : cria :
- Qu'est-ce que désirent ces messieurs ? - C'est pour ça qu'vous êtes venus, dites ? Pour m'insulter,
Mon ami reprit : quoi ? Parce que mes enfants sont comme des bêtes, dites ? Vous
- On m'a dit que votre dernier enfant était fait comme tout le ne le verrez pas, non, non, vous ne le verrez pas ; allez-vous-en,
monde, qu'il ne ressemblait nullement à ses frères. J'ai voulu m'en allez-vous-en. J'sais t'i c'que vous avez tous à m'agoniser comme
assurer. Est-ce vrai ? ça ?
Elle jeta sur nous un regard sournois et furieux et répondit : Elle marchait vers nous, les mains sur les hanches. Au son
- Oh non ! Oh non ! mon pauv' monsieur. Il est p't-être encore brutal de sa voix, une sorte de gémissement ou plutôt un
pus laid que l'saut'es. J'ai pas de chance, pas de chance. Tous
301
miaulement, un cri lamentable d'idiot partit de la pièce voisine. force, fait de planchettes et de cordes. Plus son flanc s'enflait sous
J'en frissonnai jusqu'aux moelles. Nous reculions devant elle. l'effort de l'enfant grandissant, plus elle serrait l'instrument de
Mon ami prononça d'un ton sévère : torture, souffrant le martyre, mais courageuse à la douleur,
- Prenez garde, la Diable (on l'appelait la Diable dans le toujours souriante et souple, sans laisser rien voir ou soupçonner.
peuple), prenez garde, un jour ou l'autre ça vous portera malheur. Elle estropia dans ses entrailles le petit être étreint par
Elle se mit à trembler de fureur, agitant ses poings, l'affreuse machine ; elle le comprima, le déforma, en fit un
bouleversée, hurlant : monstre. Son crâne pressé s'allongea, jaillit en pointe avec deux
- Allez-vous-en ! Quoi donc qui me portera malheur ? Allez- gros yeux en dehors tout sortis du front. Les membres opprimés
vous-en ! tas de mécréants ! contre le corps poussèrent, tordus comme le bois des vignes,
Elle allait nous sauter au visage. Nous nous sommes enfuis le s'allongèrent démesurément, terminés par des doigts pareils à des
cœur crispé. pattes d'araignée.
Quand nous fûmes devant la porte, mon ami me demanda : Le torse demeura tout petit et rond comme une noix.
- Eh bien ! Tu l'as vue ? Qu'en dis-tu ? Elle accoucha en plein champ par un matin de printemps.
Je répondis : Quand les sarcleuses, accourues à son aide, virent la bête
- Apprends-moi donc l'histoire de cette brute. qui lui sortait du corps, elles s'enfuirent en poussant des cris. Et le
Et voici ce qu'il me conta en revenant à pas lents sur la bruit se répandit dans la contrée qu'elle avait mis au monde un
grand'route blanche, bordée de récoltes déjà mûres, qu'un vent démon. C'est depuis ce temps qu'on l'appelle «la Diable».
léger, passant par souffles, faisait onduler comme une mer calme. Elle fut chassée de sa place. Elle vécut de charité et peut-être
d'amour dans l'ombre, car elle était belle fille, et tous les hommes
Cette fille était servante autrefois dans une ferme, vaillante, n'ont pas peur de l'enfer.
rangée et économe. On ne lui connaissait point d'amoureux, on ne Elle éleva son monstre qu'elle haïssait d'ailleurs d'une haine
lui soupçonnait point de faiblesse. sauvage et qu'elle eût étranglé peut-être, si le curé, prévoyant le
Elle commit une faute, comme elles font toutes, un soir de crime, ne l'avait épouvantée par la menace de la justice.
récolte, au milieu des gerbes fauchées, sous un ciel d'orage, alors Or, un jour, des montreurs de phénomènes qui passaient
que l'air immobile et pesant semble plein d'une chaleur de four, et entendirent parler de l'avorton effrayant et demandèrent à le voir
trempe de sueur les corps bruns des gars et des filles. pour l'emmener s'il leur plaisait. Il leur plut, et ils versèrent à la
Elle se sentit bientôt enceinte et fut torturée de honte et de mère cinq cents francs comptant. Elle, honteuse d'abord, refusait
peur. Voulant à tout prix cacher son malheur, elle se serrait le de laisser voir cette sorte d'animal ; mais quand elle découvrit qu'il
ventre violemment avec un système qu'elle avait inventé, corset de valait de l'argent, qu'il excitait l'envie de ces gens, elle se mit à
302
marchander, à discuter sou par sou, les allumant par les difformités Il répondit :
de son enfant, haussant ses prix avec une ténacité de paysan. - On ne sait pas. Il ou ils ont une certaine pudeur. Il ou ils se
Pour n'être pas volée, elle fit un papier avec eux. Et ils cachent. Peut-être partagent-ils les bénéfices.
s'engagèrent à lui compter en outre quatre cents francs par an,
comme s'ils eussent pris cette bête à leur service.
Ce gain inespéré affola la mère, et le désir ne la quitta plus
d'enfanter un autre phénomène, pour se faire des rentes comme
une bourgeoise.
Comme elle était féconde, elle réussit à son gré, et elle devint
habile, paraît-il, à varier les formes de ses monstres selon les
pressions qu'elle leur faisait subir pendant le temps de sa grossesse.
Elle en eut de longs et de courts, les uns pareils à des crabes,
les autres semblables à des lézards. Plusieurs moururent ; elle fut
désolée.
La justice essaya d'intervenir, mais on ne put rien prouver. On
la laissa donc en paix fabriquer ses phénomènes.
Elle en possède en ce moment onze bien vivants, qui lui
rapportent, bon an mal an, cinq à six mille francs. Un seul n'est pas
encore placé, celui qu'elle n'a pas voulu nous montrer. Mais elle ne
le gardera pas longtemps, car elle est connue aujourd'hui de tous
les bateleurs du monde, qui viennent de temps en temps voir si
elle a quelque chose de nouveau.
Elle établit même des enchères entre eux quand le sujet en
vaut la peine.
Mon ami se tut. Un dégoût profond me soulevait le cœur, et une
colère tumultueuse, un regret de n'avoir pas étranglé cette brute Corset de sport
quand je l'avais sous la main.
Je demandai :
- Qui donc est le père ?
303
Je ne songeais plus à cette lointaine aventure, quand
j'aperçus, l'autre jour, sur une plage à la mode, une femme Elephant man de David Lynch
élégante, charmante, coquette, aimée, entourée d'hommes qui la
respectent.
J'allais sur la grève, au bras d'un ami, le médecin de la
station. Dix minutes plus tard, j'aperçus une bonne qui gardait trois
enfants roulés dans le sable.
Une paire de petites béquilles gisait à terre et m'émut. Je
m'aperçus alors que ces trois petits êtres étaient difformes, bossus
et crochus, hideux.
Le docteur me dit :
- Ce sont les produits de la charmante femme que tu viens de
rencontrer.
Une pitié profonde pour elle et pour eux m'entra dans l'âme.
Je m'écriai : Touchez pour voir
- Oh la pauvre mère ! Comment peut-elle encore rire !
Mon ami reprit :
- Ne la plains pas, mon cher. Ce sont les pauvres petits qu'il
faut plaindre. Voilà les résultats des tailles restées fines jusqu'au
dernier jour. Ces monstres-là sont fabriqués au corset. Elle sait
bien qu'elle risque sa vie à ce jeu-là. Que lui importe, pourvu qu'elle
soit belle, et aimée.
Et je me rappelai l'autre, la campagnarde, la Diable, qui les
vendait, ses phénomènes.
Guy de Maupassant
304
• Séance 5 •
Frankenstein ou le
Prométhée moderne
d e M . W. S h e l l e y
Frankenstein
Le professeur Frankenstein
réussit, après des jours et des nuits Ce fut par une triste nuit de novembre que je nacrée, mais ces merveilles ne faisaient que
de travail, à trouver le moyen de découvris le fruit de mon labeur. Avec une jurer avec ses yeux vides qui se confondaient
angoisse qui confinait à l’agonie, je presque avec la couleur terne des orbites. Sa
créer la vie.
rassemblai autour de moi les instruments peau était ridée et ses lèvres fines et noires.
Lire Frankenstein ou le Prométhée susceptibles d’insuffler une étincelle de vie
dans la chose inanimée qui gisait à mes Les aléas de la vie ne sont pas aussi sujets au
moderne
pieds. Il était déjà une heure passée ; la pluie changement que les sentiments de la nature
battait tristement contre les carreaux, et ma humaine. J'avais travaillé d'arrache-pied
chandelle était presque éteinte, quand, à la pendant près de deux ans avec pour unique
lueur de cette lumière mourante, je vis but d'insuffler la vie à un corps inanimé. À
s’ouvrir l’œil jaune et morne de la cette fin, j'avais sacrifié mon repos et ma
créature ; elle respirait bruyamment, et santé. L'ardeur de mon désir n'avait laissé
agitait ses membres de façon convulsive. aucune place à la modération ; mais
maintenant que j'avais terminé, la beauté du
Comment décrire ce que je ressentis face à ce rêve s'était évanouie et mon cœur se soulevait
désastre ? Et comment dépeindre le de dégoût et d'horreur. Incapable de soutenir
malheureux que j'avais mis tant de soin et de la vue de l'être que j'avais créé, je me
peine à créer ? Il était parfaitement précipitai hors de la pièce et fis les cent pas
proportionné, et je lui avais choisi de dans ma chambre à coucher, incapable de
magnifiques traits. Magnifiques ! Dieu tout disposer mon esprit au sommeil. Finalement,
puissant ! Sa peau jaune recouvrait à peine la lassitude prit le pas sur les tourments qui
les mouvements des muscles et des artères. m'avaient précédemment agité, et je me jetai
La créature de Frankenstein Son abondante chevelure était d’un noir de sur le lit tout habillé, m'efforçant de faire le
jais brillant ; ses dents d’une blancheur vide pour quelques instants. Mais ce fut en
305
vain ; je dormis, certes, mais tourmenté par les rêves les plus Vocabulaire :
délirants.
1. Que signifie le mot « aléa » ? Dans quelle célèbre expression
latine, le mot est-il utilisé ?
Traduction de Christophe Herlory et Stéphane Pouyaud
2. Que signifie le mot « ardeur » ? Donnez des mots de la même
famille.
Questions :
1. Par quels moyens le premier paragraphe parvient-il à créer une
atmosphère inquiétante ? Frankenstein
2. Cherchez dans ce paragraphe un terme qui annonce et introduit
de James Whale
la description du monstre.
3. Quels sont alors les temps essentiellement utilisés dans la
description ?
4. À quels éléments reconnaissez-vous une description ?
Le regard du narrateur
306
Prométhée
Faites vos recherches sur
Insecula
Wikipédia
Mythologica
L’adjectif qualificatif
Introduction La créature est monstrueuse.
GV
Le plus souvent, l’adjectif s’ajoute au nom qu’il qualifie :
I - L’adjectif qualificatif épithète
La monstrueuse créature se lève.
1. L’adjectif qualificatif épithète fait partie du groupe
Il est variable en genre (masculin/féminin) et en nombre nominal
(singulier/pluriel) :
En grec, le mot épithète signifie qui est ajouté. Ainsi, l’épithète est
Les monstrueuses créatures se lèvent. ajoutée directement au nom. Elle fait partie du groupe nominal.
L’adjectif qualificatif « monstrueuse » est donc épithète dans la
L'adjectif qualificatif peut avoir deux fonctions : il est épithète ou il phrase :
est attribut.
La monstrueuse créature avance vers son créateur.
Soit il s’ajoute au nom directement, et il fait partie du groupe
nominal. On dit alors qu’il est épithète : Il fait partie du groupe nominal « La monstrueuse créature ».
L’épithète a ceci de particulier : elle peut être supprimée. La phrase
La monstrueuse créature avance vers son créateur. garde tout son sens :
GN
La créature avance vers son créateur.
Soit il est relié au nom au moyen d’un verbe, et l’adjectif qualificatif
fait partie du groupe verbal. On dit alors qu’il est attribut : En revanche, l’adjectif attribut ne peut pas être supprimé.
Reprenons l’exemple de l’introduction ( La créature est
monstrueuse ) :
308
* La créature est. Dans le dernier exemple, en mettant monstrueuse au début de la
phrase, on met l’adjectif en valeur (en le plaçant au début de la
La phrase ne veut plus rien dire, la suppression de l’adjectif est phrase). On insiste sur l’idée de monstruosité.
donc impossible.
II - L’adjectif qualificatif attribut
2. La place de l’adjectif qualificatif épithète
Il qualifie un nom mais a besoin d’un verbe pour cela ( très souvent
Il est souvent placé avant le nom, mais pas toujours. En effet, les le verbe être ) :
adjectifs de couleur seront placés après le nom (un cheval gris). Les
adjectifs relationnels sont également placés après le nom (un palais La créature de Frankenstein est monstrueuse.
présidentiel).
L’adjectif monstrueuse qualifie le nom créature par l’intermédiaire
Parfois, l’adjectif qualificatif peut être mis avant ou après le nom, du verbe être ; il est alors appelé adjectif qualificatif attribut et il
mais on constate alors une différence de sens : appartient, non plus au groupe nominal comme l’épithète, mais au
groupe verbal (est monstrueuse).
un homme grand / un grand homme
un homme pauvre / un pauvre homme Le verbe qui relie l’adjectif au nom n’est cependant pas toujours
un enfant curieux / un curieux enfant être ; il peut s’agir d’un verbe (appelé verbe d’état) qu’on peut lui
substituer : devenir, paraître, sembler, demeurer, avoir l’air,
3. L’épithète détachée passer pour, etc. :
L’épithète peut être séparée du nom par une virgule. On dit alors La créature de Frankenstein devient monstrueuse.
qu’elle est détachée : La créature de Frankenstein semble monstrueuse.
La créature de Frankenstein a l’air monstrueuse...
La créature, monstrueuse, nous regardait de ses petits yeux
méchants. ou encore Monstrueuse, la créature nous regardait de Enfin, il convient de distinguer l’adjectif attribut du sujet et
ses petits yeux méchants. l’adjectif attribut du COD.
309
1. L’adjectif attribut du sujet Si on supprime l’attribut, soit la phrase n’a plus aucun sens (on l’a
vu tout à l’heure), soit elle change de sens : Je la trouve
Le comte Dracula a l’air effrayant. monstrueuse. > Je la trouve.
Dans cet exemple, effrayant est attribut du sujet car il qualifie le Résumons :
nom du groupe nominal sujet Le comte Dracula.
L’épithète fait partie du groupe nominal et peut être supprimée.
2. L’adjectif attribut du COD (on dit aussi de l’objet) L’attribut fait partie du groupe verbal, et ne peut être supprimé. S’il
qualifie le sujet, il est attribut du sujet. S’il qualifie le COD, il est
L’adjectif se rencontre en fonction d’attribut du COD avec des attribut du COD.
verbes comme croire, juger, faire, estimer, rendre, trouver,
nommer, laisser, appeler…
Faire la différence entre une épithète et
Prenons ces deux phrases : un attribut
310
2. Dites si l’adjectif souligné est attribut ou épithète.
Exercices
1. Relevez les adjectifs qualificatifs dans ces extraits des
Misérables de Victor Hugo. Question 1 sur 7
Enfin, pour chacun d’entre eux, vous direz s’ils sont Ce livre est intéressant.
épithètes ou attributs. Justifiez vos réponses.
Extrait 1
Les lecteurs ont peut-être, dès sa première apparition, conservé A. épithète
quelque souvenir de cette Thénardier grande, blonde, rouge,
grasse, charnue, carrée, énorme et agile ; elle tenait, nous l’avons
B. épithète détachée
dit, de la race de ces sauvagesses colosses qui se cambrent dans les
foires avec des pavés pendus à leur chevelure
C. attribut du sujet
Extrait 2
D. attribut du COD
Cosette était laide. Heureuse, elle eût peut-être été jolie. Nous
avons déjà esquissé cette petite figure sombre. Cosette était maigre
et blême. Elle avait près de huit ans, on lui en eût donné à peine six.
Répondre
Ses grands yeux enfoncés dans une sorte d’ombre profonde étaient
presque éteints à force d’avoir pleuré. Les coins de sa bouche
avaient cette courbe de l’angoisse habituelle, qu’on observe chez les
condamnés et chez les malades désespérés.
3. Rédigez quatre phrases contenant l’adjectif qualificatif
« ennuyant » qui aura, à chaque fois, une fonction
différente (épithète, épithète détachée, attribut du sujet et
attribut du COD).
311
dans l’ombre d’une aventure tragique.
Évaluation Enjolras, que nous avons nommé le premier, on verra plus tard
pourquoi, était fils unique et riche.
I - Recopiez en complétant le texte ci-dessous (7,5 points). Enjolras était un jeune homme charmant, capable d’être terrible. Il
était angéliquement beau. […] Il avait la prunelle profonde, la
L’adjectif qualificatif épithète fait partie du groupe … . Il peut paupière un peu rouge, la lèvre inférieure épaisse et facilement
généralement être … . S’il est séparé par une virgule du … qu’il dédaigneuse, le front haut. Beaucoup de front dans un visage, c’est
qualifie, on dit qu’il est épithète … . comme beaucoup de ciel dans un horizon. […] Déjà homme, il
L’adjectif qualificatif attribut fait partie du groupe … . Il ne peut pas semblait encore enfant. Ses vingt-deux ans en paraissaient dix-
être … . L’attribut du sujet se trouve après des verbes d’… (comme sept. Il était grave, il ne semblait pas savoir qu’il y eût sur la terre
« être », …, …, … ou … ). L’attribut de l’objet se trouve après des un être appelé la femme. Il n’avait qu’une passion, le droit, qu’une
verbes comme …, …, … ou … . pensée, renverser l’obstacle.
II - Relevez les adjectifs qualificatifs (3,5 points). IV - Rédigez quatre phrases contenant l’adjectif
qualificatif « grave » qui aura, à chaque fois, une fonction
Quand Javert riait, ce qui était rare et terrible, ses lèvres minces différente. (4 points)
s'écartaient, et laissaient voir, non seulement ses dents, mais ses
gencives, et il se faisait autour de son nez un plissement épaté et
sauvage comme sur un mufle de bête fauve.
312
• Récitation •
Tristan Corbière
( 18 4 5 - 18 7 5 )
313
• Séance 7 •
Madame Vauquer
Madame Vauquer qui flotte, sont en harmonie avec cette salle où suinte le malheur,
dirige depuis quarante où s’est blottie la spéculation, et dont Mme Vauquer respire l’air
ans une pension chaudement fétide sans en être écœurée. Sa figure fraîche comme
bourgeoise, à Paris, rue une première gelée d’automne, ses yeux ridés, dont l’expression
Neuve-Sainte- passe du sourire prescrit aux danseuses à l’amer renfrognement de
Geneviève. l’escompteur, enfin toute sa personne explique la pension,
comme la pension implique sa personne. Le bagne ne va pas sans
Cette pièce est dans tout l’argousin, vous n’imaginez pas l’un sans l’autre. L’embonpoint
son lustre au moment blafard de cette petite femme est le produit de cette vie, comme le
où, vers sept heures du typhus est la conséquence des exhalaisons d’un hôpital. Son jupon
matin, le chat de Mme de laine tricotée, qui dépasse sa première jupe faite avec une vieille
Vauquer précède sa robe, et dont la ouate s’échappe par les fentes de l’étoffe lézardée,
maîtresse, saute sur les résume le salon, la salle à manger, le jardinet, annonce la cuisine et
buffets, y flaire le lait fait pressentir les pensionnaires. Quand elle est là, le spectacle est
que contiennent complet. Âgée d’environ cinquante ans, Mme Vauquer ressemble à
Mme Vauquer
plusieurs jattes toutes les femmes qui ont eu des malheurs. Elle a l’œil vitreux, l’air
couvertes d’assiettes, et innocent d’une entremetteuse qui va gendarmer pour se faire
fait entendre son rourou payer plus cher, mais d’ailleurs prête à tout pour adoucir son sort,
matinal. Bientôt la veuve à livrer Georges ou Pichegru, si Georges ou Pichegru étaient
se montre, attifée de son bonnet de tulle sous lequel pend un tour encore à livrer. Néanmoins, elle est bonne femme au fond, disent
de faux cheveux mal mis, elle marche en traînassant ses pantoufles les pensionnaires, qui la croient sans fortune en l’entendant
grimacées. Sa face vieillotte, grassouillette, du milieu de laquelle geindre et tousser comme eux. Qu’avait été M. Vauquer ? Elle ne
sort un nez à bec de perroquet ; ses petites mains potelées, sa s’expliquait jamais sur le défunt. Comment avait-il perdu sa
personne dodue comme un rat d’église, son corsage trop plein et fortune ? Dans les malheurs, répondait-elle. Il s’était mal conduit
314
envers elle, ne lui avait laissé que les yeux pour pleurer, cette
DÉTAILS PHYSIQUES CARACTÉRISTIQUES
maison pour vivre, et le droit de ne compatir à aucune infortune,
parce que, disait-elle, elle avait souffert tout ce qu’il est possible de Bonnet attifé, de tulle
souffrir. En entendant trottiner sa maîtresse, la grosse Sylvie, la
Tour de cheveux mal mis, pend
cuisinière, s’empressait de servir le déjeuner des pensionnaires
internes.
Questions :
I - Un monstre
315
Conjugaison :
« la veuve se montre »
Le Père Goriot
316
• Séance 8 •
montre-toi
« elle » et « se » désignent la même personne, car l’action de
montrons-nous
« montrer » revient (elle se réfléchit comme on dit qu’un miroir
montrez-vous
réfléchit votre image) sur le sujet. On pourrait alors traduire la
phrase ainsi : *elle montre elle, *elle montre soi. Enfin, précisons que, lorsque l’on conjugue un verbe pronominal
au passé composé, on utilise l’auxiliaire « être » et que le participe
Le pronom réfléchi varie selon les personnes (me, te, se, nous, passé s’accorde avec le complément d’objet direct placé avant le
vous, se) : verbe (le pronom réfléchi donc) :
je me montre
je me suis montré(e)
tu te montres
tu t’es montré(e)
il se montre
il s’est montré
nous nous montrons
elle s’est montrée
vous vous montrez
nous nous sommes montré(e)s
ils se montrent
vous vous êtes montré(e)s
ils se sont montrés
Le verbe est donc précédé d’un double pronom, le sujet d’une part elles se sont montré(e)s
(« je ») et le pronom réfléchi d’autre part (« me »). Le pronom
317
II - Le verbe pronominal dit réciproque IV - Les verbes pronominaux de sens passif
On dit qu’un verbe pronominal est réciproque lorsqu’il exprime Généralement employés à la troisième personne, ces verbes
une action que plusieurs sujets exercent l’un sur l’autre. En somme, s’emploient sans que l’on puisse dire qui ou ce qui provoque
l’action est à la fois accomplie et reçue par chacun d’eux : l’action :
Paul et Virginie s’aiment. Ses livres se vendent comme des petits pains.
Les élèves s’aident. La musique s’entend dans tout l’immeuble.
Les verbes réciproques ne s’emploient qu’au pluriel, et peuvent être Le pronom réfléchi des verbes de sens passif n’a aucune fonction
complétés par « l’un l’autre », « l’un à l’autre », « les uns les dans la phrase (il n’est ni COD ni COI). Au passé composé, le
autres », « entre eux », etc. : participe passé s'accorde avec le sujet du verbe :
Paul et Virginie s’aiment l’un l’autre. Ses livres se sont vendus comme des petits pains.
Les élèves s’aident entre eux. La musique s’est entendue dans tout l’immeuble.
318
• Séance 9 •
La comparaison et la métaphore
La comparaison et la métaphore sont des figures de style que l'on
La comparaison
appelle souvent les figures de la ressemblance.
319
Pour finir, on peut observer qu’une comparaison est d’autant plus Dans cette comparaison, le vieillard est comparé à une tortue. Le
belle qu’elle est inattendue : point commun n’est certes pas exprimé, mais on le devine. Il s’agit
de la lenteur que le verbe avance laisse entendre. Enfin, on
La terre est bleue comme une orange. remarquera l’outil de comparaison telle.
Beau comme la rencontre fortuite sur une table de dissection d’une Si l’on considère que la métaphore est une comparaison amputée
machine à coudre et d’un parapluie. de son outil de comparaison, on obtiendra la phrase suivante :
À chaque fois, il semble difficile d’expliciter le rapprochement fait Ce vieillard est une tortue.
entre le comparé et le comparant, c’est-à-dire entre la terre et
l’orange d’une part, la machine à coudre et le parapluie d’autre Dans cette métaphore, seuls subsistent le comparé (ce vieillard) et
part. Cela ne veut évidemment pas dire qu’aucun rapprochement le comparant (une tortue). Nous avons définitivement perdu
n’est possible... l’expression implicite du point commun en retirant le verbe
avance. Aussi n’établissons-nous plus un rapport de ressemblance
La poésie utilise la comparaison, mais aussi la métaphore. Le poète entre le comparé et le comparant, mais un rapport d’identification :
Stéphane Mallarmé se flattait même d’avoir banni le mot comme le vieillard est une tortue.
de son vocabulaire.
On conserve donc le comparé et le comparant dans l’exemple ci-
dessus. C’est ce qu’on appelle la métaphore in præsentia, c’est-à-
La métaphore dire que le comparé est présent. Toutefois, si l’on ne conserve que
le comparant, la métaphore est dite in absentia : Quelle tortue !
Une métaphore peut être définie comme une comparaison dont on
aurait retranché le mot comme (ou tout autre mot de Dans ce dernier exemple, l’on comprendra que l’on parle toujours
comparaison). (en termes peu polis, il est vrai) du vieillard et non d’un reptile à
quatre pattes enfermé dans une carapace ! On en arrive,
Prenons un nouvel exemple de comparaison : finalement, à cette définition de la métaphore : cette figure consiste
à remplacer un mot (vieillard) par un autre (tortue).
Ce vieillard avance telle une tortue.
320
Résumons par un tableau
POINT OUTIL DE
FIGURES COMPARÉ COMPARANT EXEMPLES
COMMUN COMPARAISON
La métaphore filée
Filer une métaphore, c’est continuer, après avoir fait une première métaphore, à utiliser un vocabulaire en relation avec cette
première métaphore :
« Mais Paris est un véritable océan. Jetez-y la sonde, vous n’en connaîtrez jamais la profondeur. Parcourez-le, décrivez-le ! quelque
soin que vous mettiez à le parcourir, à le décrire ; quelque nombreux et intéressés que soient les explorateurs de cette mer, il s’y
rencontrera toujours un lieu vierge, un antre inconnu, des fleurs, des perles, des monstres, quelque chose d’inouï, oublié par les
plongeurs littéraires ». (Le Père Goriot de Balzac)
Dans cet exemple, une première métaphore (Paris est un véritable océan) est poursuivie dans le reste de l’extrait (Jetez-y la sonde,
la profondeur, les explorateurs de cette mer...). On trouve alors tout un champ lexical de l’océan.
321
Exercices
Exercice 1 Dites si vous avez affaire à une Exercice 2 Dites si les comparaisons sont
comparaison ou à une métaphore. motivées ou non motivées.
A. Comparaison motivée
A. Comparaison
B. Comparaison non motivée
B. Métaphore
Répondre Répondre
322
Évaluation
a) Devant les cafés, un peuple d’hommes buvait des boissons brillantes et colorées qu’on aurait prises pour des pierres précieuses fondues dans le cristal.
b) Le feu de ses regards si touchants, si doux, est un cruel poison.
c) C’étaient [...] des poulpes effroyables entrelaçant leur tentacules comme une broussaille vivante de serpents.
d) Les arbres sur ma route fuyaient mêlés, ainsi qu’une armée en déroute.
e) Quel dieu, quel moissonneur de l’éternel été, avait, en s’en allant, négligemment jeté cette faucille d’or dans le champ des étoiles.
f) L’océan semblait une immense chaîne de montagnes mouvantes, aux sommets confondus avec les nuages, et aux vallées profondes comme des abîmes
OUTIL DE
EXEMPLES COMPARÉ POINT COMMUN COMPARANT
COMPARAISON
Ces dents désordonnées, ébréchées çà et là, comme les les créneaux d’une
dents ébréchées çà et là comme
créneaux d’une forteresse forteresse
323
• Séance 10 •
Rédaction
Sujet :
Décrivez ce monstre.
Barème :
La copie est propre (non déchirée et correctement présentée) : 1 point
L’écriture est soignée, il n’y a pas de ratures : 1 point
L’orthographe est correcte : 4 points
La ponctuation est respectée : 1 point
324
• Séance 11 •
Histoire des
arts
3. Qu’est-ce que le
grotesque ?
Le regard
4. Qu’est-ce que la
maladie de Paget ? Un autre détail
À voir également
Une vieille femme Le corset
pas si grotesque
L’affreuse duchesse
Quentin Metsys
1 2 3 4 5
325
• Évaluation finale •
Quasimodo
L’action se passe le 6 janvier 1482, jour des Rois et de la fête des comme les créneaux d’une forteresse, de cette lèvre calleuse sur
Fous ; le peuple de Paris va accorder le titre de Pape des fous à laquelle une de ces dents empiétait comme la défense d’un
l’homme qui fera la plus belle grimace ; les candidats, qui passent éléphant, de ce menton fourchu, et surtout de la physionomie
leur tête à travers un cercle de pierre d’une petite chapelle répandue sur tout cela de ce mélange de malice, d’étonnement et
rivalisent de laideur. de tristesse. Qu’on rêve, si l’on
peut, cet ensemble.
[…] il ne fallait rien de moins,
pour enlever les suffrages, que la L’acclamation fut unanime. On se
grimace sublime qui venait précipita vers la chapelle. On en
d’éblouir l’assemblée. Maître fit sortir en triomphe le
Coppenole lui-même applaudit ; bienheureux pape des fous. Mais
et Clopin Trouillefou, qui avait c’est alors que la surprise et
concouru, et Dieu sait quelle l’admiration furent à leur comble.
intensité de laideur son visage La grimace était son visage. Ou
pouvait atteindre, s’avoua vaincu. plutôt toute sa personne était une
Nous n’essaierons pas de donner grimace. Une grosse tête hérissée
au lecteur une idée de ce nez de cheveux roux ; entre les deux
tétraèdre, de cette bouche en fer épaules une bosse énorme dont le
à cheval, de ce petit œil gauche contre-coup se faisait sentir par-
obstrué, d’un sourcil roux en devant ; un système de cuisses et
broussailles tandis que l’œil droit de jambes si étrangement
disparaissait entièrement sous fourvoyées qu’elles ne pouvaient
une énorme verrue, de ces dents se toucher que par les genoux, et,
désordonnées, ébréchées çà et là, vues de face, ressemblaient à deux
Quasimodo
326
croissants de faucilles qui se rejoignent par la poignée ; de larges Questions :
pieds, des mains monstrueuses ; et, avec toute cette difformité, je
I — Description et narration (5 points)
ne sais quelle allure redoutable de vigueur, d’agilité et de courage ;
étrange exception à la règle éternelle qui veut que la force, comme
1. Quelle partie du corps apparaît en premier dans la description de
la beauté, résulte de l’harmonie. Tel était le pape que les fous
Quasimodo ? (0,5 point)
venaient de se donner.
2. Relevez le passage la décrivant. (0,5 point)
3. Relevez un autre passage descriptif dans cet extrait. Quel est le
On eût dit un géant brisé et mal ressoudé.
temps principalement utilisé ? Donnez quatre exemples. (2 points)
Quand cette espèce de cyclope parut sur le seuil de la chapelle,
4. Quel est le temps principalement utilisé dans les passages
immobile, trapu, et presque aussi large que haut ; carré par la base,
narratifs ? Donnez quatre exemples. (2 points)
comme dit un grand homme ; à son surtout mi-parti rouge et
violet, semé de campanilles d’argent, et surtout à la perfection de
II — Les outils de la description (6 points)
sa laideur, la populace le reconnut sur-le-champ et s’écria d’une
voix :
5. Relevez trois adjectifs qualificatifs et trois compléments du nom
« C’est Quasimodo, le sonneur de cloches ! C’est Quasimodo, le
décrivant Quasimodo. (3 points)
bossu de Notre-Dame ! Quasimodo le borgne ! Quasimodo le
6. Relevez également deux propositions subordonnées. (1 point)
bancale ! »
7. Relevez deux comparaisons. (1 point)
8. Relevez une métaphore. (1 point)
Notre-Dame de Paris de Victor Hugo
327
12. Qu’est-ce qui provoque réellement l’étonnement de la foule ?
Citez la phrase qui le montre. (1 point)
13. « la grimace sublime »
Pourquoi ce groupe nominal est-il étonnant ? Relevez-en un autre
de même signification. (1 point)
14. L’auteur ne fait-il que décrire la laideur du personnage ?
Quelles précisions apporte-t-il dans le portrait de ce personnage ?
Quelles sont les principales caractéristiques qui en ressortent ? (2
points)
Notre-Dame de Paris
328
• Pour finir •
D’autres monstres
Gustave Flaubert, dans le Dictionnaire des idées reçues, écrit : Pour vous aider dans votre réflexion, voici quelques idées de
« Monstres. On n’en voit plus. » lecture ou d’extraits de films :
Le golem
329
Chapitre IX
LES MISÉRABLES
Objectifs :
Groupement de textes
Victor Hugo et le XIXe siècles Quelques dates à retenir
331
• Séance 1 •
Hauteville-House, 1862.
332
m'en a fait. Je ne suis pas coupable ; je vous en supplie, laissez-moi.
Victor Hugo et l’injustice Je n'ai rien fait de mal, bien sûr, bien sûr !
Les sergents de ville lui répliquaient sans l’écouter : - Allons,
Une injustice marche ; tu en as pour tes six mois. - La pauvre fille à ces mots : Tu
en as pour tes six mois, recommençait à se justifier et redoublait
Alors qu'il revient d'un dîner chez Mme de Girardin, Victor Hugo
ses suppliques et ses prières. Les sergents de ville, peu touchés de
est le témoin et l'acteur d'une scène qui lui inspirera l'altercation
ses larmes, la traînèrent à un poste rue Chauchat, derrière l’Opéra.
de Fantine et de M. Bamatabois dans les Misérables.
V. H., intéressé malgré lui à la malheureuse, les suivait, au
milieu de cette cohue de monde qui ne manque jamais en pareille
334
il faut que la justice ait son cours et je ne puis mettre cette fille en mêle, hommes, femmes, jeunes filles, enfants, n’ayant pour lits,
liberté. - Comment ! Monsieur, après ce que je viens de vous dire et n’ayant pour couvertures, j’ai presque dit pour vêtement, que des
qui est la vérité - vérité dont vous ne pouvez pas douter, dont vous monceaux infects de chiffons en fermentation, ramassés dans la
ne doutez pas, - vous allez retenir cette fille ? Mais cette justice est fange du coin des bornes, espèce de fumier des villes, où des
une horrible injustice. créatures s’enfouissent toutes vivantes pour échapper au froid de
- Il n'y a qu’un cas, Monsieur, où je pourrais arrêter la chose, l’hiver.
ce serait celui où vous signeriez votre déposition ; le voulez-vous ? Voilà un fait. En voulez-vous d’autres ? Ces jours-ci, un
- Si la liberté de cette femme tient à ma signature, la voici. homme, mon Dieu, un malheureux homme de lettres, car la misère
Et V. H. signa. n’épargne pas plus les professions libérales que les professions
La femme ne cessait de dire : Dieu ! que ce monsieur est bon ! manuelles, un malheureux homme est mort de faim, mort de faim à
Mon Dieu, qu'il est donc bon ! la lettre, et l’on a constaté, après sa mort, qu’il n’avait pas mangé
Ces malheureuses femmes ne sont pas seulement étonnées et depuis six jours.
reconnaissantes quand on est compatissant envers elles ; elles ne le Voulez-vous quelque chose de plus douloureux encore ? Le
sont pas moins quand on est juste. mois passé, pendant la recrudescence du choléra, on a trouvé une
mère et ses quatre enfants qui cherchaient leur nourriture dans les
Récit attribué à Adèle Hugo débris immondes et pestilentiels des charniers de Montfaucon !
Eh bien, messieurs, je dis que ce sont là des choses qui ne
doivent pas être ; je dis que la société doit dépenser toute sa force,
toute sa sollicitude, toute son intelligence, toute sa volonté, pour
La misère
que de telles choses ne soient pas !
L
a misère, messieurs, j’aborde ici le vif de la question, voulez-
vous savoir jusqu’où elle est, la misère ? Voulez-vous savoir Détruire la misère, discours de Victor Hugo à l'Assemblée
jusqu’où elle peut aller, jusqu’où elle va, je ne dis pas en nationale législative (9 juillet 1849)
Irlande, je ne dis pas au Moyen Âge, je dis en France, je dis à Paris,
et au temps où nous vivons ? Voulez-vous des faits ?
[...] La peine de mort
Il y a dans Paris, dans ces faubourgs de Paris que le vent de
D
l’émeute soulevait naguère si aisément, il y a des rues, des maisons, ans le midi, vers la fin du mois de septembre dernier, nous
des cloaques, où des familles, des familles entières, vivent pêle- n'avons pas bien présents à l'esprit le lieu, le jour, ni le nom
335
du condamné, mais nous les retrouverons si l'on conteste le fait, et vous n'êtes pas au bout. Le supplicié, se voyant seul sur l'échafaud,
nous croyons que c'est à Pamiers ; vers la fin de septembre donc, on s'était redressé sur la planche, et là, debout, effroyable, ruisselant
vient trouver un homme dans sa prison, où il jouait tranquillement de sang, soutenant sa tête à demi coupée qui pendait sur son
aux cartes ; on lui signifie qu'il faut mourir dans deux heures, ce qui épaule, il demandait avec de faibles cris qu'on vînt le détacher. La
le fait trembler de tous ses membres, car, depuis six mois qu'on foule, pleine de pitié, était sur le point de forcer les gendarmes et de
l'oubliait, il ne comptait plus sur la mort ; on le rase, on le tond, on venir à l'aide du malheureux qui avait subi cinq fois son arrêt de
le garrotte, on le confesse ; puis on le brouette entre quatre mort. C'est en ce moment-là qu'un valet du bourreau, jeune homme
gendarmes, et à travers la foule, au lieu de l'exécution. Jusqu'ici de vingt ans, monte sur l'échafaud, dit au patient de se tourner
rien que de simple. C'est comme cela que cela se fait. Arrivé à pour qu'il le délie, et, profitant de la posture du mourant qui se
l'échafaud, le bourreau le prend au prêtre, l'emporte, le livrait à lui sans défiance, saute sur son dos et se met à lui
ficelle sur la bascule, l'enfourne, je me sers ici du mot couper péniblement ce qui lui restait de cou avec je
d'argot, puis il lâche le couperet. Le lourd triangle ne sais quel couteau de boucher. Cela s'est fait.
de fer se détache avec peine, tombe en cahotant Cela s'est vu. Oui.
dans ses rainures, et, voici l'horrible qui Aux termes de la loi, un juge a dû assister à
commence, entaille l'homme sans le tuer. cette exécution. D'un signe il pouvait tout
L'homme pousse un cri affreux. Le bourreau, arrêter. Que faisait-il donc au fond de sa
déconcerté, relève le couperet et le laisse voiture, cet homme pendant qu'on massacrait
retomber. Le couperet mord le cou du patient un homme ? Que faisait ce punisseur
une seconde fois, mais ne le tranche pas. Le d'assassins, pendant qu'on assassinait en plein
patient hurle, la foule aussi. Le bourreau rehisse jour, sous ses yeux, sous le souffle de ses
encore le couperet, espérant mieux du troisième chevaux, sous la vitre de sa portière ?
coup. Point. Le troisième coup fait jaillir un
troisième ruisseau de sang de la nuque du condamné, Préface de 1832 du Dernier jour d'un condamné de
mais ne fait pas tomber la tête. Abrégeons. Le couteau Victor Hugo
remonta et retomba cinq fois, cinq fois il entama le condamné, cinq
fois le condamné hurla sous le coup et secoua sa tête vivante en
criant grâce ! Le peuple indigné prit des pierres et se mit dans sa
justice à lapider le misérable bourreau. Le bourreau s'enfuit sous la
guillotine et s'y tapit derrière les chevaux des gendarmes. Mais
336
Vivre au XIXe siècle Histoire du travail des enfants en France
Les métiers de rue des enfants pauvres
Faites des recherches
L'enfance maltraitée
337
• Séance 2 •
Jean Valjean
338
homme. On aurait dit qu’il savait qui j’étais. Je m’en suis allé dans — Madame Magloire, dit l’évêque, vous mettrez des draps
les champs pour coucher à la belle étoile. Il n’y avait pas d’étoile. blancs au lit de l’alcôve.
J’ai pensé qu’il pleuvrait, et qu’il n’y avait pas de bon Dieu pour Madame Magloire sortit pour exécuter ces ordres.
empêcher de pleuvoir, et je suis rentré dans la ville pour y trouver L’évêque se tourna vers l’homme.
le renfoncement d’une porte. Là, dans la place, j’allais me coucher — Monsieur, asseyez-vous et chauffez-vous. Nous allons
sur une pierre, une bonne femme m’a montré votre maison et m’a souper dans un instant, et l’on fera votre lit pendant que vous
dit : Frappe là. J’ai frappé. Qu’est-ce que c’est ici ? êtes-vous une souperez.
auberge ? J’ai de l’argent. Ma masse. Cent neuf francs quinze sous Ici l’homme comprit tout à fait. L’expression de son visage,
que j’ai gagnés au bagne par mon travail en dix-neuf ans. Je jusqu’alors sombre et dure, s’empreignit de stupéfaction, de doute,
payerai. Qu’est-ce que cela me fait ? J’ai de l’argent. Je suis très de joie, et devint extraordinaire. Il se mit à balbutier comme un
fatigué, douze lieues à pied, j’ai bien faim. Voulez-vous que je homme fou :
reste ? — Vrai ? quoi ! vous me gardez ? vous ne me chassez pas ? un
— Madame Magloire, dit l’évêque, vous mettrez un couvert de forçat ! Vous m’appelez monsieur ! vous ne me tutoyez pas ? Va-t-
plus. en, chien ! qu’on me dit toujours. Je croyais bien que vous me
L’homme fit trois pas et s’approcha de la lampe qui était sur la chasseriez. Aussi j’avais dit tout de suite qui je suis. Oh ! la brave
table. — Tenez, reprit-il, comme s’il n’avait pas bien compris, ce femme qui m’a enseigné ici ! Je vais souper ! Un lit avec des
n’est pas ça. Avez-vous entendu ? Je suis un galérien. Un forçat. Je matelas et des draps ! comme tout le monde ! Un lit ! il y a dix-neuf
viens des galères. — Il tira de sa poche une grande feuille de papier ans que je n’ai couché dans un lit ! Vous voulez bien que je ne m’en
jaune qu’il déplia. — Voilà mon passeport. Jaune, comme vous aille pas ! Vous êtes de dignes gens ! D’ailleurs j’ai de l’argent. Je
voyez. Cela sert à me faire chasser de partout où je vais. Voulez- payerai tout ce qu’on voudra. Vous êtes un brave homme. Vous êtes
vous lire ? Je sais lire, moi. J’ai appris au bagne. Il y a une école aubergiste, n’est-ce pas ?
pour ceux qui veulent. Tenez, voilà ce qu’on a mis sur le passeport : — Je suis, dit l’évêque, un prêtre qui demeure ici.
« Jean Valjean, forçat libéré, natif de… — cela vous est égal… — Est — Un prêtre ! reprit l’homme. Oh ! un brave homme de
resté dix-neuf ans au bagne. Cinq ans pour vol avec effraction. prêtre ! Alors vous ne me demandez pas d’argent ? Le curé, n’est-ce
Quatorze ans pour avoir tenté de s’évader quatre fois. Cet homme pas ? le curé de cette grande église ? Tiens ! c’est vrai, que je suis
est très dangereux. » — Voilà ! Tout le monde m’a jeté dehors. bête ! je n’avais pas vu votre calotte.
Voulez-vous me recevoir, vous ? Est-ce une auberge ? Voulez-vous Tout en parlant il avait déposé son sac et son bâton dans un
me donner à manger et à coucher ? Avez-vous une écurie ? coin, puis remis son passeport dans sa poche, et s’était assis.
Mademoiselle Baptistine le considérait avec douceur. Il continua :
339
— Vous êtes humain, monsieur le curé. Vous n’avez pas de pour moi. Je ne vous ai pourtant pas caché d’où je viens et que je
mépris. C’est bien bon un bon prêtre. Alors vous n’avez pas besoin suis un homme malheureux.
que je paye ? Cependant madame Magloire avait servi le souper. Une soupe
— Non, dit l’évêque, gardez votre argent. Combien avez-vous ? faite avec de l’eau, de l’huile, du pain et du sel, un peu de lard, un
ne m’avez-vous pas dit cent neuf francs ? morceau de viande de mouton, des figues, un fromage frais, et un
— Quinze sous, ajouta l’homme. gros pain de seigle. Elle avait d’elle-même ajouté à l’ordinaire de M.
— Cent neuf francs quinze sous. Et combien de temps avez- l’évêque une bouteille de vieux vin de Mauves.
vous mis à gagner cela ? Le visage de l’évêque prit tout à coup cette expression de gaîté
— Dix-neuf ans. propre aux natures hospitalières : — À table ! dit-il vivement.
— Dix-neuf ans ! L’évêque dit le bénédicité, puis servit lui-même la soupe,
L’évêque soupira profondément. selon son habitude. L’homme se mit à manger avidement.
Pendant qu’il parlait, l’évêque était allé pousser la porte qui Tout à coup l’évêque dit : — Mais il me semble qu’il manque
était restée toute grande ouverte. quelque chose sur cette table.
Madame Magloire rentra. Elle apportait un couvert qu’elle Madame Magloire en effet n’avait mis que les trois couverts
mit sur la table. absolument nécessaires. Or c’était l’usage de la maison, quand M.
— Madame Magloire, dit l’évêque, mettez ce couvert le plus l’évêque avait quelqu’un à souper, de disposer sur la nappe les six
près possible du feu. — Et se tournant vers son hôte : couverts d’argent.
— Le vent de nuit est dur dans les Alpes. Vous devez avoir Madame Magloire comprit l’observation, sortit sans dire un
froid, monsieur ? mot, et un moment après les trois couverts réclamés par l’évêque
Chaque fois qu’il disait ce mot monsieur, avec sa voix brillaient sur la nappe, symétriquement arrangés devant chacun
doucement grave et de si bonne compagnie, le visage de l’homme des trois convives.
s’illuminait. Monsieur à un forçat, c’est un verre d’eau à un
naufragé de la Méduse. L’ignominie a soif de considération. ❊
— Voici, reprit l’évêque, une lampe qui éclaire bien mal.
Madame Magloire comprit, et elle alla chercher sur la cheminée de Après avoir donné le bonsoir à sa sœur, monseigneur
la chambre à coucher de monseigneur les deux chandeliers d’argent Bienvenu prit sur la table un des deux flambeaux d’argent, remit
qu’elle posa sur la table tout allumés. l’autre à son hôte, et lui dit :
— Monsieur le curé, dit l’homme, vous êtes bon. Vous ne me — Monsieur, je vais vous conduire à votre chambre.
méprisez pas. Vous me recevez chez vous. Vous allumez vos cierges L’homme le suivit.
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Comme on a pu le remarquer dans ce qui a été dit plus haut, Puis, gravement et remuant les lèvres comme quelqu’un qui
le logis était distribué de telle sorte que, pour passer dans l’oratoire prie ou qui se parle à lui-même, il dressa les deux doigts de sa main
où était l’alcôve ou pour en sortir, il fallait traverser la chambre à droite et bénit l’homme, qui ne se courba pas, et, sans tourner la
coucher de l’évêque. tête et sans regarder derrière lui, il rentra dans sa chambre.
Au moment où ils traversaient cette chambre, madame Quant à l’homme, il était vraiment si fatigué qu’il n’avait
Magloire serrait l’argenterie dans le placard qui était au chevet du même pas profité de ces bons draps blancs. Il avait soufflé sa
lit. C’était le dernier soin qu’elle prenait chaque soir avant de s’aller bougie avec sa narine à la manière des forçats et s’était laissé
coucher. tomber tout habillé sur le lit, où il s’était tout de suite
L’évêque installa son hôte dans l’alcôve. Un lit blanc et frais y profondément endormi.
était dressé. L’homme posa le flambeau sur une petite table. Minuit sonnait comme l’évêque rentrait de son jardin dans
— Allons, dit l’évêque, faites une bonne nuit. Demain matin, son appartement.
avant de partir, vous boirez une tasse de lait de nos vaches, tout Quelques minutes après, tout dormait dans la petite maison.
chaud.
— Merci, monsieur l’abbé, dit l’homme. ❊
À peine eut-il prononcé ces paroles pleines de paix que, tout à
coup et sans transition, il eut un mouvement étrange et qui eût Vers le milieu de la nuit, Jean Valjean se réveilla.
glacé d’épouvante les deux saintes filles, si elles en eussent été Jean Valjean était d’une pauvre famille de paysans de la Brie.
témoins. Il se tourna brusquement vers le vieillard, croisa les bras, Dans son enfance, il n’avait pas appris à lire. Quand il eut l’âge
et, fixant sur son hôte un regard sauvage, il s’écria d’une voix d’homme, il était émondeur à Faverolles. Sa mère s’appelait Jeanne
rauque : Mathieu ; son père s’appelait Jean Valjean, ou Vlajean, sobriquet
— Ah ! décidément ! vous me logez chez vous, près de vous, probablement, et contraction de Voilà Jean.
comme cela ! Jean Valjean avait perdu en très bas âge son père et sa mère.
Il s’interrompit, et ajouta avec un rire où il y avait quelque Sa mère était morte d’une fièvre de lait mal soignée. Son père,
chose de monstrueux : émondeur comme lui, s’était tué en tombant d’un arbre. Il n’était
— Avez-vous bien fait toutes vos réflexions ? Qui est-ce qui resté à Jean Valjean qu’une sœur plus âgée que lui, veuve, avec sept
vous dit que je n’ai pas assassiné ? enfants, filles et garçons. Cette sœur avait élevé Jean Valjean, et
L’évêque répondit : tant qu’elle eut son mari elle logea et nourrit son jeune frère. Le
— Cela regarde le bon Dieu. mari mourut. L’aîné des sept enfants avait huit ans, le dernier un
an. Jean Valjean venait d’atteindre, lui, sa vingt-cinquième année.
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Il remplaça le père, et soutint à son tour sa sœur qui l’avait élevé. Ceci se passait en 1795. Jean Valjean fut traduit devant les
Cela se fit simplement, comme un devoir. Sa jeunesse se dépensait tribunaux du temps « pour vol avec effraction la nuit dans une
ainsi dans un travail rude et mal payé. On ne lui avait jamais connu maison habitée ». Il
de « bonne amie » dans le pays. Il n’avait pas eu le temps d’être avait un fusil dont il
amoureux. se servait mieux
Le soir il rentrait fatigué et mangeait sa soupe sans dire un que tireur au
mot. Sa sœur, mère Jeanne, pendant qu’il mangeait, lui prenait monde, il était
souvent dans son écuelle le meilleur de son repas, le morceau de quelque peu
viande, la tranche de lard, le cœur de chou, pour le donner à braconnier ; ce qui
quelqu’un de ses enfants ; lui, mangeant toujours, penché sur la lui nuisit. Il y a
table, presque la tête dans sa soupe, ses longs cheveux tombant contre les
autour de son écuelle et cachant ses yeux, avait l’air de ne rien voir braconniers un
et laissait faire. préjugé légitime. Le
Il gagnait dans la saison de l’émondage dix-huit sous par jour, braconnier, de
puis il se louait comme moissonneur, comme manœuvre, comme même que le
garçon de ferme bouvier, comme homme de peine. Il faisait ce qu’il contrebandier,
pouvait. Sa sœur travaillait de son côté, mais que faire avec sept côtoie de fort près
petits enfants ? C’était un triste groupe que la misère enveloppa et le brigand.
étreignit peu à peu. Il arriva qu’un hiver fut rude. Jean n’eut pas Jean Valjean
d’ouvrage. La famille n’eut pas de pain. Pas de pain. À la lettre. Sept fut déclaré
enfants. coupable. Les
Un dimanche soir, Maubert Isabeau, boulanger sur la place de termes du code Le bras saisit un pain et l’emporta
l’Église, à Faverolles, se disposait à se coucher, lorsqu’il entendit un étaient formels. Il y
coup violent dans la devanture grillée et vitrée de sa boutique. Il a dans notre
arriva à temps pour voir un bras passé à travers un trou fait d’un civilisation des
coup de poing dans la grille et dans la vitre. Le bras saisit un pain et heures redoutables ; ce sont les moments où la pénalité prononce
l’emporta. Isabeau sortit en hâte ; le voleur s’enfuyait à toutes un naufrage. Quelle minute funèbre que celle où la société s’éloigne
jambes ; Isabeau courut après lui et l’arrêta. Le voleur avait jeté le et consomme l’irréparable abandon d’un être pensant ! Jean
pain, mais il avait encore le bras ensanglanté. C’était Jean Valjean. Valjean fut condamné à cinq ans de galères.
342
Le 22 avril 1796, une grande chaîne fut ferrée à Bicêtre. Jean bagne, Jean Valjean lui-même les oublia. Dans ce cœur où il y avait
Valjean fit partie de cette chaîne. Il était assis à terre comme tous eu une plaie, il y eut une cicatrice. Voilà tout.
les autres. Il paraissait ne rien comprendre à sa position, sinon Vers la fin de cette quatrième année, le tour d’évasion de Jean
qu’elle était horrible. Il est probable qu’il y démêlait aussi, à travers Valjean arriva. Ses camarades l’aidèrent comme cela se fait dans ce
les vagues idées d’un pauvre homme ignorant de tout, quelque triste lieu. Il s’évada. Il erra deux jours en liberté dans les champs ;
chose d’excessif. Pendant qu’on rivait à grands coups de marteau si c’est être libre que d’être traqué ; de tourner la tête à chaque
derrière sa tête le boulon de son carcan, il pleurait, les larmes instant ; de tressaillir au moindre bruit ; d’avoir peur de tout, du
l’étouffaient, elles l’empêchaient de parler, il parvenait seulement à toit qui fume, de l’homme qui passe, du chien qui aboie, du cheval
dire de temps en temps : J’étais émondeur à Faverolles. Puis, tout qui galope, de l’heure qui sonne, du jour parce qu’on voit, de la nuit
en sanglotant, il élevait sa main droite et l’abaissait graduellement parce qu’on ne voit pas, de la route, du sentier, du buisson, du
sept fois comme s’il touchait successivement sept têtes inégales, et sommeil. Le soir du second jour, il fut repris. Il n’avait ni mangé, ni
par ce geste on devinait que la chose quelconque qu’il avait faite, il dormi depuis trente-six heures. Le tribunal maritime le condamna
l’avait faite pour vêtir et nourrir sept petits enfants. pour ce délit à une prolongation de trois ans, ce qui lui fit huit ans.
Il partit pour Toulon. Il y arriva après un voyage de vingt-sept La sixième année, ce fut encore son tour de s’évader ; il en usa,
jours, sur une charrette, la chaîne au cou. À Toulon, il fut revêtu de mais il ne put consommer sa fuite. Il avait manqué à l’appel. On
la casaque rouge. Tout s’effaça de ce qui avait été sa vie, jusqu’à son tira le coup de canon, et à la nuit les gens de ronde le trouvèrent
nom ; il ne fut même plus Jean Valjean ; il fut le numéro 24601. caché sous la quille d’un vaisseau en construction ; il résista aux
Que devint la sœur ? que devinrent les sept enfants ? Qui est-ce qui gardes-chiourme qui le saisirent. Évasion et rébellion. Ce fait prévu
s’occupe de cela ? Que devient la poignée de feuilles du jeune arbre par le code spécial fut puni d’une aggravation de cinq ans, dont
scié par le pied ? deux ans de double chaîne. Treize ans. La dixième année, son tour
C’est toujours la même histoire. Ces pauvres êtres vivants, ces revint, il en profita encore. Il ne réussit pas mieux. Trois ans pour
créatures de Dieu, sans appui désormais, sans guide, sans asile, cette nouvelle tentative. Seize ans. Enfin, ce fut, je crois, pendant la
s’en allèrent au hasard, qui sait même ? chacun de leur côté peut- treizième année qu’il essaya une dernière fois et ne réussit qu’à se
être, et s’enfoncèrent peu à peu dans cette froide brume où faire reprendre après quatre heures d’absence. Trois ans pour ces
s’engloutissent les destinées solitaires, mornes ténèbres où quatre heures. Dix-neuf ans. En octobre 1815 il fut libéré, il était
disparaissent successivement tant de têtes infortunées dans la entré là en 1796 pour avoir cassé un carreau et pris un pain.
sombre marche du genre humain. Ils quittèrent le pays. Le clocher Jean Valjean était entré au bagne sanglotant et frémissant ; il
de ce qui avait été leur village les oublia ; la borne de ce qui avait en sortit impassible. Il y était entré désespéré ; il en sortit sombre.
été leur champ les oublia ; après quelques années de séjour au Que s’était-il passé dans cette âme ?
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❊ manqué de travail, lui laborieux, manqué de pain. Si, ensuite, la
faute commise et avouée, le châtiment n’avait pas été féroce et
Essayons de le dire. outré. S’il n’y avait pas plus d’abus de la part de la loi dans la peine
Il faut bien que la société regarde ces choses puisque c’est elle qu’il n’y avait eu d’abus de la part du coupable dans la faute. S’il n’y
qui les fait. avait pas excès de poids dans un des plateaux de la balance. Si la
C’était, nous l’avons dit, un ignorant ; mais ce n’était pas un surcharge de la peine n’était point l’effacement du délit, et
imbécile. La lumière naturelle était allumée en lui. Le malheur, qui n’arrivait pas à ce résultat de retourner la situation, de remplacer la
a aussi sa clarté, augmenta le peu de jour qu’il y avait dans cet faute du délinquant par la faute de la répression, de faire du
esprit. Sous le bâton, sous la chaîne, au cachot, à la fatigue, sous coupable la victime, et de mettre définitivement le droit du côté de
l’ardent soleil du bagne, sur le lit de planches des forçats, il se celui-là même qui l’avait violé. Si cette peine, compliquée des
replia en sa conscience et réfléchit. aggravations successives pour les tentatives d’évasion, ne finissait
Il se constitua tribunal. pas par être une sorte d’attentat du plus fort sur le plus faible, un
Il commença par se juger lui-même. crime de la société sur l’individu, un crime qui recommençait tous
Il reconnut qu’il n’était pas un innocent injustement puni. Il les jours, un crime qui durait dix-neuf ans.
s’avoua qu’il avait commis une action extrême et blâmable ; qu’on Ces questions faites et résolues, il jugea la société et la
ne lui eût peut-être pas refusé ce pain s’il l’avait demandé ; que condamna.
dans tous les cas il eût mieux valu l’attendre, soit de la pitié, soit du Il la condamna à sa haine.
travail ; que ce n’est pas tout à fait une raison sans réplique de Il la fit responsable du sort qu’il subissait, et se dit qu’il
dire : peut-on attendre quand on a faim ? que d’abord il est très n’hésiterait peut-être pas à lui en demander compte un jour. Il se
rare qu’on meure littéralement de faim ; ensuite que, déclara à lui-même qu’il n’y avait pas équilibre entre le dommage
malheureusement ou heureusement, l’homme est ainsi fait qu’il qu’il avait causé et le dommage qu’on lui causait ; il conclut enfin
peut souffrir longtemps et beaucoup, moralement et physiquement, que son châtiment n’était pas, à la vérité, une injustice, mais qu’à
sans mourir ; qu’il fallait donc de la patience ; que cela eût mieux coup sûr c’était une iniquité.
valu même pour ces pauvres petits enfants ; que c’était un acte de Et puis, la société humaine ne lui avait fait que du mal.
folie de se figurer qu’on sort de la misère par le vol ; qu’il avait eu Jamais il n’avait vu d’elle que ce visage courroucé qu’elle appelle sa
tort. justice et qu’elle montre à ceux qu’elle frappe. Les hommes ne
Puis il se demanda : l’avaient touché que pour le meurtrir. Tout contact avec eux lui
S’il était le seul qui avait eu tort dans sa fatale histoire ? Si avait été un coup. Jamais, depuis son enfance, depuis sa mère,
d’abord ce n’était pas une chose grave qu’il eût, lui travailleur, depuis sa sœur, jamais il n’avait rencontré une parole amie, un
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regard bienveillant. De souffrance en souffrance il arriva peu à peu pas déshabillé, la sensation était trop nouvelle pour ne pas troubler
à cette conviction que la vie était une guerre ; et que dans cette son sommeil.
guerre il était le vaincu. Il n’avait d’autre arme que sa haine. Il Beaucoup de pensées lui venaient, mais il y en avait une qui se
résolut de l’aiguiser au bagne et de l’emporter en s’en allant. représentait continuellement et qui chassait toutes les autres. Cette
Il y avait à Toulon une école pour la chiourme tenue par des pensée, nous allons la dire tout de suite : — il avait remarqué les six
frères ignorantins où l’on enseignait le plus nécessaire à ceux de ces couverts d’argent et la grande cuiller que madame Magloire avait
malheureux qui avaient de la bonne volonté. Il fut du nombre des posés sur la table.
hommes de bonne volonté. Il alla à l’école à quarante ans, et apprit Ces six couverts d’argent l’obsédaient. — Ils étaient là. — À
à lire, à écrire, à compter. Il sentit que fortifier son intelligence, quelques pas. — À l’instant où il avait traversé la chambre d’à côté
c’était fortifier sa haine. Dans certains cas, l’instruction et la pour venir dans celle où il était, la vieille servante les mettait dans
lumière peuvent servir de rallonge au mal. un petit placard à la tête du lit. — Il avait bien remarqué ce placard.
Ainsi, pendant ces dix-neuf ans de torture et d’esclavage, cette — À droite, en entrant par la salle à manger. — Ils étaient massifs.
âme monta et tomba en même temps. Il y entra de la lumière d’un — Et de vieille argenterie. — Avec la grande cuiller, on en tirerait au
côté et des ténèbres de l’autre. moins deux cents francs. — Le double de ce qu’il avait gagné en dix-
Jean Valjean n’était pas, on l’a vu, d’une nature mauvaise. Il neuf ans.
était encore bon lorsqu’il arriva au bagne. Il y condamna la société Trois heures sonnèrent. Il se dressa brusquement sur son
et sentit qu’il devenait méchant ; il y condamna la providence et séant, étendit le bras et tâta son havre-sac qu’il avait jeté dans le
sentit qu’il devenait impie. coin de l’alcôve, puis il laissa pendre ses jambes et poser ses pieds à
D’année en année, cette âme s’était desséchée de plus en plus, terre, et se trouva, sans savoir comment, assis sur son lit.
lentement, mais fatalement. À cœur sec, œil sec. À sa sortie du Il resta un certain temps rêveur, seul éveillé dans la maison
bagne, il y avait dix-neuf ans qu’il n’avait versé une larme. endormie. Tout à coup il se baissa, ôta ses souliers et les posa
doucement sur la natte près de lui, puis il reprit sa posture de
❊ rêverie et redevint immobile.
Au milieu de cette méditation hideuse, les idées remuaient
Donc, comme deux heures du matin sonnaient à l’horloge de sans relâche son cerveau, entraient, sortaient, rentraient, faisaient
la cathédrale, Jean Valjean se réveilla. sur lui une sorte de pesée.
Ce qui le réveilla, c’est que le lit était trop bon. Il y avait vingt Il demeurait dans cette situation, et y fût peut-être resté
ans bientôt qu’il n’avait couché dans un lit, et, quoiqu’il ne se fût indéfiniment jusqu’au lever du jour, si l’horloge n’eût sonné un
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coup — le quart ou la demie. Il sembla que ce coup lui eût dit : chambre voisine, celle de l’évêque, comme on sait. Arrivé à cette
« Allons ! » porte, il la trouva entrebâillée. L’évêque ne l’avait point fermée.
Il se leva debout, hésita encore un moment, et écouta ; tout se
taisait dans la maison ; alors il marcha droit et à petits pas vers la ❊
fenêtre qu’il entrevoyait. La nuit n’était pas très obscure ; c’était
une pleine lune sur laquelle couraient de larges nuées chassées par Jean Valjean écouta. Aucun bruit.
le vent. Il poussa la porte.
Ce coup d’œil jeté, il fit le mouvement d’un homme Il la poussa du bout du doigt, légèrement.
déterminé, marcha à son alcôve, prit son havre-sac, le fouilla, en La porte céda à la pression et fit un mouvement imperceptible
tira quelque chose qu’il posa sur le lit, mit ses souliers dans une des et silencieux qui élargit un peu l’ouverture.
poches, referma le tout, chargea le sac sur ses épaules, se couvrit de Il attendit un moment, puis poussa la porte une seconde fois,
sa casquette dont il baissa la visière sur ses yeux, chercha son bâton plus hardiment.
en tâtonnant, et l’alla poser dans l’angle de la fenêtre, puis revint au Elle continua de céder en silence. L’ouverture était assez
lit et saisit résolument l’objet qu’il y avait déposé. Cela ressemblait grande maintenant pour qu’il pût passer. Mais il y avait près de la
à une barre de fer courte, aiguisée comme un épieu à l’une de ses porte une petite table qui faisait avec elle un angle gênant et qui
extrémités. barrait l’entrée.
Il eût été difficile de distinguer dans les ténèbres pour quel Jean Valjean reconnut la difficulté. Il fallait à toute force que
emploi avait pu être façonné ce morceau de fer. C’était peut-être un l’ouverture fût encore élargie.
levier ? C’était peut-être une massue ? Il prit son parti, et poussa une troisième fois la porte, plus
Au jour on eût pu reconnaître que ce n’était autre chose qu’un énergiquement que les deux premières. Cette fois il y eut un gond
chandelier de mineur. On employait alors quelquefois les forçats à mal huilé qui jeta tout à coup dans cette obscurité un cri rauque et
extraire de la roche des hautes collines qui environnent Toulon, et prolongé.
il n’était pas rare qu’ils eussent à leur disposition des outils de Jean Valjean tressaillit. Le bruit de ce gond sonna dans son
mineur. Les chandeliers des mineurs sont en fer massif, terminés à oreille avec quelque chose d’éclatant et de formidable comme le
leur extrémité inférieure par une pointe au moyen de laquelle on clairon du jugement dernier.
les enfonce dans le rocher. Il s’arrêta, frissonnant, éperdu, et retomba de la pointe du
Il prit ce chandelier dans sa main droite, et retenant son pied sur le talon. Il entendait ses artères battre dans ses tempes
haleine, assourdissant son pas, il se dirigea vers la porte de la comme deux marteaux de forge, et il lui semblait que son souffle
sortait de sa poitrine avec le bruit du vent qui sort d’une caverne. Il
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lui paraissait impossible que l’horrible clameur de ce gond irrité sa face s’illuminait d’une vague expression de satisfaction,
n’eût pas ébranlé toute la maison comme une secousse de d’espérance et de béatitude. C’était plus qu’un sourire et presque
tremblement de terre ; la porte, poussée par lui, avait pris l’alarme un rayonnement.
et avait appelé ; le vieillard allait se lever, les deux vieilles femmes
allaient crier, on viendrait à l’aide ; avant un quart d’heure, la ville
serait en rumeur et la gendarmerie sur pied. Un moment il se crut
perdu.
Il demeura où il était, pétrifié, n’osant faire un mouvement.
Quelques minutes s’écoulèrent. La porte s’était ouverte toute
grande. Il se hasarda à regarder dans la chambre. Rien n’y avait
bougé. Il prêta l’oreille. Rien ne remuait dans la maison. Le bruit
du gond rouillé n’avait éveillé personne.
Ce premier danger était passé, mais il y avait encore en lui un
affreux tumulte. Il ne recula pas pourtant. Même quand il s’était
cru perdu, il n’avait pas reculé. Il ne songea plus qu’à finir vite. Il fit
un pas et entra dans la chambre.
Cette chambre était dans un calme parfait. Il entendait au
fond de la chambre la respiration égale et tranquille de l’évêque
endormi.
Il s’arrêta tout à coup. Il était près du lit. Il y était arrivé plus
tôt qu’il n’aurait cru.
La nature mêle quelquefois ses effets et ses spectacles à nos
actions avec une espèce d’à-propos sombre et intelligent, comme si
elle voulait nous faire réfléchir. Depuis près d’une demi-heure un
grand nuage couvrait le ciel. Au moment où Jean Valjean s’arrêta
Une vague expression de satisfaction, d’espérance et de
en face du lit, ce nuage se déchira, comme s’il l’eût fait exprès, et un béatitude
rayon de lune, traversant la longue fenêtre, vint éclairer subitement
le visage pâle de l’évêque. Il dormait paisiblement. Sa tête était
renversée sur l’oreiller dans l’attitude abandonnée du repos. Toute
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Tout à coup Jean Valjean remit sa casquette sur son front, En un clin d’œil, avec toute sa vivacité de vieille alerte,
puis marcha rapidement, le long du lit, sans regarder l’évêque, madame Magloire courut à l’oratoire, entra dans l’alcôve et revint
droit au placard qu’il entrevoyait près du chevet ; il leva le vers l’évêque.
chandelier de fer comme pour forcer la serrure ; la clef y était ; il — Monseigneur, l’homme est parti ! l’argenterie est volée !
l’ouvrit ; la première chose qui lui apparut fut le panier Tout en poussant cette exclamation, ses yeux tombaient sur
d’argenterie ; il le prit, traversa la chambre à grands pas sans un angle du jardin où l’on voyait des traces d’escalade. Le chevron
précaution et sans s’occuper du bruit, gagna la porte, rentra dans du mur avait été arraché.
l’oratoire, ouvrit la fenêtre, saisit un bâton, enjamba l’appui du rez- — Tenez ! c’est par là qu’il s’en est allé. Il a sauté dans la ruelle
de-chaussée, mit l’argenterie dans son sac, jeta le panier, franchit le Cochefilet ! Ah ! l’abomination ! Il nous a volé notre argenterie !
jardin, sauta par-dessus le mur comme un tigre, et s’enfuit. L’évêque resta un moment silencieux, puis leva son œil
sérieux, et dit à madame Magloire avec douceur :
❊ — Et d’abord, cette argenterie était-elle à nous ?
Madame Magloire resta interdite. Il y eut encore un silence,
Le lendemain, au soleil levant, monseigneur Bienvenu se puis l’évêque continua :
promenait dans son jardin. Madame Magloire accourut vers lui — Madame Magloire, je détenais à tort et depuis longtemps
toute bouleversée. cette argenterie. Elle était aux pauvres. Qu’était-ce que cet
— Monseigneur, monseigneur, cria-t-elle, votre grandeur sait- homme ? Un pauvre évidemment.
elle où est le panier d’argenterie ? Quelques instants après, il déjeunait à cette même table où
— Oui, dit l’évêque. Jean Valjean s’était assis la veille. Tout en déjeunant, monseigneur
— Jésus-Dieu soit béni ! reprit-elle. Je ne savais ce qu’il était Bienvenu faisait gaîment remarquer à sa sœur qui ne disait rien et
devenu. à madame Magloire qui grommelait sourdement, qu’il n’est
L’évêque venait de ramasser le panier dans une plate-bande. nullement besoin d’une cuiller ni d’une fourchette, même en bois,
Il le présenta à madame Magloire. pour tremper un morceau de pain dans une tasse de lait.
— Le voilà. — Aussi a-t-on idée ! disait madame Magloire toute seule en
— Eh bien ? dit-elle. Rien dedans ? et l’argenterie ? allant et venant, recevoir un homme comme cela ! et le loger à côté
— Ah ! repartit l’évêque. C’est donc l’argenterie qui vous de soi ! et quel bonheur encore qu’il n’ait fait que voler ! Ah mon
occupe ? Je ne sais où elle est. Dieu ! cela fait frémir quand on songe !
— Grand bon Dieu ! elle est volée ! C’est l’homme d’hier soir Comme le frère et la sœur allaient se lever de table, on frappa
qui l’a volée ! à la porte.
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— Entrez, dit l’évêque. — Comme cela, reprit le brigadier, nous pouvons le laisser
La porte s’ouvrit. Un groupe étrange et violent apparut sur le aller ?
seuil. Trois hommes en tenaient un quatrième au collet. Les trois
hommes étaient des gendarmes ; l’autre était Jean Valjean.
Un brigadier de gendarmerie, qui semblait conduire le
groupe, était près de la porte. Il entra et s’avança vers l’évêque en
faisant le salut militaire.
— Monseigneur… dit-il.
À ce mot, Jean Valjean, qui était morne et semblait abattu,
releva la tête d’un air stupéfait.
— Monseigneur ! murmura-t-il. Ce n’est donc pas le curé…
— Silence ! dit un gendarme. C’est monseigneur l’évêque.
Cependant monseigneur Bienvenu s’était approché aussi
vivement que son grand âge le lui permettait.
— Ah ! vous voilà ! s’écria-t-il en regardant Jean Valjean. Je
suis aise de vous voir. Et bien, mais ! je vous avais donné les
chandeliers aussi, qui sont en argent comme le reste et dont vous
pourrez bien avoir deux cents francs. Pourquoi ne les avez-vous pas
emportés avec vos couverts ?
Jean Valjean ouvrit les yeux et regarda le vénérable évêque
avec une expression qu’aucune langue humaine ne pourrait rendre.
— Monseigneur, dit le brigadier de gendarmerie, ce que cet
homme disait était donc vrai ? Nous l’avons rencontré. Il allait
comme quelqu’un qui s’en va. Nous l’avons arrêté pour voir. Il avait
cette argenterie.
— Et il vous a dit, interrompit l’évêque en souriant, qu’elle lui
avait été donnée par un vieux bonhomme de prêtre chez lequel il
avait passé la nuit ? Je vois la chose. Et vous l’avez ramené ici ? C’est votre âme que je vous achète.
C’est une méprise.
349
— Sans doute, reprit l’évêque. Adaptation des Misérables (première partie, livre deuxième,
Les gendarmes lâchèrent Jean Valjean qui recula. chapitres II à XII)
— Est-ce que c’est vrai qu’on me laisse ? dit-il d’une voix
presque inarticulée et comme s’il parlait dans le sommeil.
— Oui, on te laisse, tu n’entends donc pas ? dit un gendarme.
— Mon ami, reprit l’évêque, avant de vous en aller, voici vos
chandeliers. Prenez-les.
Il alla à la cheminée, prit les deux flambeaux d’argent et les
apporta à Jean Valjean. Les deux femmes le regardaient faire sans
un mot, sans un geste, sans un regard qui pût déranger l’évêque.
Jean Valjean tremblait de tous ses membres. Il prit les deux
chandeliers machinalement et d’un air égaré.
— Maintenant, dit l’évêque, allez en paix. — À propos, quand
vous reviendrez, mon ami, il est inutile de passer par le jardin.
Vous pourrez toujours entrer et sortir par la porte de la rue. Elle
n’est fermée qu’au loquet jour et nuit.
Puis se tournant vers la gendarmerie :
— Messieurs, vous pouvez vous retirer.
Les gendarmes s’éloignèrent.
Jean Valjean était comme un homme qui va s’évanouir.
L’évêque s’approcha de lui, et lui dit à voix basse :
— N’oubliez pas, n’oubliez jamais que vous m’avez promis
d’employer cet argent à devenir honnête homme.
Jean Valjean, qui n’avait aucun souvenir d’avoir rien promis,
resta interdit. L’évêque avait appuyé sur ces paroles en les
prononçant. Il reprit avec solennité :
— Jean Valjean, mon frère, vous n’appartenez plus au mal,
mais au bien. C’est votre âme que je vous achète ; je la retire aux
pensées noires et à l’esprit de perdition, et je la donne à Dieu.
350
• Séance 3 •
Lecture
analytique
La cadène
Un condamné au bagne
Il partit pour Toulon. Il y arriva après un enfants ? Qui est-ce qui s'occupe de cela ? Que
voyage de vingt-sept jours, sur une charrette, devient la poignée de feuilles du jeune arbre
la chaîne au cou. À Toulon, il fut revêtu de la scié par le pied ?
casaque rouge. Tout s'effaça de ce qui avait [...]
été sa vie, jusqu'à son nom ; il ne fut même Vers la fin de cette quatrième année, le tour
plus Jean Valjean ; il fut le numéro 24601. d'évasion de Jean Valjean arriva. Ses
Que devint la sœur ? que devinrent les sept camarades l'aidèrent comme cela se fait dans
Jean Valjean
351
ce triste lieu. Il s'évada. Il erra deux jours en liberté dans les Questions :
champs ; si c'est être libre que d'être traqué ; de tourner la tête à
I - En route pour Toulon
chaque instant ; de tressaillir au moindre bruit ; d'avoir peur de
tout, du toit qui fume, de l'homme qui passe, du chien qui aboie, du
1. Pourquoi Jean Valjean part-il pour Toulon ?
cheval qui galope, de l'heure qui sonne, du jour parce qu'on voit, de
2. Dans le premier paragraphe, quels termes montrent que Jean
la nuit parce qu'on ne voit pas, de la route, du sentier, du buisson,
Valjean est maintenant un bagnard ?
du sommeil. Le soir du second jour, il fut repris. Il n'avait ni mangé
ni dormi depuis trente-six heures. Le tribunal maritime le
II - Évasions
condamna pour ce délit à une prolongation de trois ans, ce qui lui
fit huit ans. La sixième année, ce fut encore son tour de s'évader ; il
3. Relevez le champ lexical de la fuite.
en usa, mais il ne put consommer sa fuite. Il avait manqué à l'appel.
4. « avoir peur de tout, du toit qui fume, de l'homme qui passe, du
On tira le coup de canon, et à la nuit les gens de ronde le
trouvèrent caché sous la quille d'un vaisseau en construction ; il chien qui aboie, du cheval qui galope, de l'heure qui sonne ».
résista aux gardes-chiourme qui le saisirent. Évasion et Donnez la nature des propositions soulignées.
rébellion. Ce fait prévu par le code spécial fut puni d'une Combien y en a-t-il ? Comment s’appelle cette figure de style ?
aggravation de cinq ans, dont deux ans de double chaîne. Treize Pourquoi l’employer ici ?
ans. La dixième année, son tour revint, il en profita encore. Il ne
réussit pas mieux. Trois ans pour cette nouvelle tentative. Seize III - Le point de vue de l’auteur
ans. Enfin, ce fut, je crois, pendant la treizième année qu'il essaya
une dernière fois et ne réussit qu'à se faire reprendre après quatre 5. Dans le deuxième paragraphe, relevez les compléments
heures d'absence. Trois ans pour ces quatre heures. Dix-neuf ans. circonstanciels de temps.
En octobre 1815 il fut libéré ; il était entré là en 1796 pour avoir 6. Combien de temps Jean Valjean a-t-il passé au bagne ?
cassé un carreau et pris un pain. 7. Pour quelle raison a-t-il tout d’abord été condamné ? Pour quelle
raison sa peine a-t-elle duré si longtemps ?
Les Misérables Livre deuxième (La Chute), chapitre VI Jean 8. Dans les deux dernières lignes, l’auteur cite de nombreux
Valjean chiffres. Pour quelles raisons les donne-t-il ? Pourquoi à ce
moment du texte ?
9. À votre avis, que pense l’auteur de la durée de cette
condamnation ? Justifiez votre réponse.
352
Les connecteurs de temps
Les compléments circonstanciels de temps soulignent l’ordre des
événements. On les appelle aussi des connecteurs de temps.
Exercice
1. Retrouvez, dans cet extrait, les connecteurs de temps.
Jean Valjean arrive chez monseigneur Myriel Un jour Cosette se regarda par hasard dans son miroir et se dit :
Tiens ! Il lui semblait presque qu’elle était jolie. Ceci la jeta dans un
trouble singulier. Jusqu’à ce moment elle n’avait point songé à sa
figure. Elle se voyait dans son miroir, mais elle ne s’y regardait pas. Et
puis, on lui avait souvent dit qu’elle était laide ; Jean Valjean seul
disait doucement : Mais non ! mais non ! Quoi qu’il en fût, Cosette
353
s’était toujours crue laide, et avait grandi dans cette idée avec la pas disait derrière elle : Jolie femme ! mais mal mise. — Bah ! pensa-t-
résignation facile de l’enfance. Voici que tout d’un coup son miroir lui elle, ce n’est pas moi. Je suis bien mise et laide. — Elle avait alors son
disait comme Jean Valjean : Mais non ! Elle ne dormit pas de la nuit. — chapeau de peluche et sa robe de mérinos.
Si j’étais jolie ? pensait-elle, comme cela serait drôle que je fusse jolie ! Un jour enfin, elle était dans le jardin, et elle entendit la pauvre vieille
— Et elle se rappelait celles de ses compagnes dont la beauté faisait Toussaint qui disait : Monsieur, remarquez-vous comme mademoiselle
effet dans le couvent, et elle se disait : Comment ! je serais comme devient jolie ? Cosette n’entendit pas ce que son père répondit, les
mademoiselle une telle ! paroles de Toussaint furent pour elle une sorte de commotion. Elle
Le lendemain elle se regarda, mais non par hasard, et elle douta : — s’échappa du jardin, monta à sa chambre, courut à la glace, il y avait
Où avais-je l’esprit ? dit-elle, non, je suis laide. — Elle avait tout trois mois qu’elle ne s’était regardée, et poussa un cri. Elle venait de
simplement mal dormi, elle avait les yeux battus et elle était pâle. Elle s’éblouir elle-même.
ne s’était pas sentie très joyeuse la veille de croire à sa beauté, mais elle
fut triste de n’y plus croire. Elle ne se regarda plus, et pendant plus de
quinze jours elle tâcha 2. Donnez la nature des mots soulignés.
de se coiffer tournant le
dos au miroir. Au bout d’un quart d’heure, il sembla que cette espèce de grondement
Le soir, après le dîner, orageux commençait à s’éloigner.
elle faisait assez Tout à coup, au milieu de ce calme profond, un nouveau bruit
habituellement de la s’éleva.
tapisserie dans le salon, Au moment où le vacarme des démons s’éloignait, on eût dit un
ou quelque ouvrage de chœur d’anges qui s’approchait dans l’ombre.
couvent, et Jean Valjean Tout à l’heure il frissonnait de ce que le jardin était désert,
lisait à côté d’elle. Une maintenant il frissonnait de ce qu’il y avait quelqu’un.
fois elle leva les yeux de Ce nom, ainsi prononcé, à cette heure obscure, dans ce lieu inconnu,
son ouvrage et elle fut par cet homme inconnu, fit reculer Jean Valjean.
toute surprise de la Le lendemain Jean Valjean décampait.
façon inquiète dont son
père la regardait.
Une autre fois, elle
passait dans la rue, et il
lui sembla que
quelqu’un qu’elle ne vit Cosette
354
• Récitation •
Le mendiant
Un pauvre homme passait dans le givre et le vent. Sa bure où je voyais des constellations.
Je cognai sur ma vitre ; il s'arrêta devant
Ma porte, que j'ouvris d'une façon civile. in Les Contemplations de Victor Hugo
Les ânes revenaient du marché de la ville,
Portant les paysans accroupis sur leurs bâts.
C'était le vieux qui vit dans une niche au bas
De la montée, et rêve, attendant, solitaire,
Un rayon du ciel triste, un liard de la terre,
Tendant les mains pour l'homme et les joignant pour Dieu.
Je lui criai : « Venez vous réchauffer un peu.
Comment vous nommez-vous ? » Il me dit : « Je me nomme
Le pauvre. » Je lui pris la main : « Entrez, brave homme. »
Et je lui fis donner une jatte de lait.
Le vieillard grelottait de froid ; il me parlait,
Et je lui répondais, pensif et sans l'entendre.
« Vos habits sont mouillés », dis-je, « il faut les étendre,
Devant la cheminée. » Il s'approcha du feu.
Son manteau, tout mangé des vers, et jadis bleu,
Étalé largement sur la chaude fournaise,
Piqué de mille trous par la lueur de braise,
Couvrait l'âtre, et semblait un ciel noir étoilé.
Et, pendant qu'il séchait ce haillon désolé Écouter
D'où ruisselait la pluie et l'eau des fondrières,
Je songeais que cet homme était plein de prières,
Et je regardais, sourd à ce que nous disions, Le mendiant
355
• Séance 4 •
L’accident du père
Fauchelevent
Jean Valjean, sous le
nom de M. Madeleine,
s’est installé à
Montreuil-sur-Mer, et
y a fait fortune.
Sa manufacture, les
écoles qu’il a fait
construire, la
pharmacie, la caisse de
secours pour les
ouvriers vieux et
infirmes ont
transformé la ville. Il
est tellement apprécié
qu’il va même en
devenir le maire. L’accident du père Fauchelevent
Seul Javert, un
inspecteur de police,
M. Madeleine passait un matin dans une Lorsque Madeleine était arrivé dans le pays,
soupçonne M.
ruelle non pavée de Montreuil-sur-Mer. Il Fauchelevent, ancien tabellion et paysan
Madeleine d’être un
ancien forçat. entendit du bruit et vit un groupe à quelque presque lettré, avait un commerce qui
distance. Il y alla. Un vieux homme, nommé le commençait à aller mal. Fauchelevent avait vu ce
père Fauchelevent, venait de tomber sous sa simple ouvrier qui s’enrichissait, tandis que lui,
charrette dont le cheval s’était abattu. maître, se ruinait. Cela l’avait rempli de jalousie,
Ce Fauchelevent était un des rares ennemis et il avait fait ce qu’il avait pu en toute occasion
qu’eût encore M. Madeleine à cette époque. pour nuire à Madeleine, Puis la faillite était
356
venue, et, vieux, n’ayant plus à lui qu’une charrette et un cheval, — Mais il ne sera plus temps ! Vous ne voyez donc pas que la
sans famille et sans enfants du reste, pour vivre il s’était fait charrette s’enfonce ?
charretier. — Dame !
Le cheval avait les deux cuisses cassées et ne pouvait se — Écoutez, reprit Madeleine, il y a encore assez de place sous
relever. Le vieillard était engagé entre les roues. La chute avait été la voiture pour qu’un homme s’y glisse et la soulève avec son dos.
tellement malheureuse que toute la voiture pesait sur sa poitrine. Rien qu’une demi-minute, et l’on tirera le pauvre homme. Y a-t-il
La charrette était assez lourdement chargée. Le père Fauchelevent quelqu’un qui ait des reins et du cœur ? Cinq louis d’or à gagner !
poussait des râles lamentables. On avait essayé de le tirer, mais en Personne ne bougea dans le groupe.
vain. Un effort désordonné, une aide maladroite, une secousse à — Dix louis, dit Madeleine.
faux pouvaient l’achever. Il était impossible de le dégager Les assistants baissaient les yeux. Un d’eux murmura : — Il
autrement qu’en soulevant la voiture par dessous. Javert, qui était faudrait être diablement
survenu au moment de l’accident, avait envoyé chercher un cric. fort. Et puis, on risque de
M. Madeleine arriva. On s’écarta avec respect. se faire écraser !
— À l’aide ! criait le vieux Fauchelevent. Qui est ce qui est un — Allons !
bon enfant pour sauver le vieux ? recommença Madeleine,
M. Madeleine se tourna vers les assistants : vingt louis !
— A-t-on un cric ? Même silence.
— On en est allé quérir un, répondit un paysan. — Ce n’est pas la
— Dans combien de temps l’aura-t-on ? bonne volonté qui leur
— On est allé au plus près, au lieu Flachot, où il y a un manque, dit une voix.
maréchal ; mais c’est égal, il faudra bien un bon quart d’heure. M. Madeleine se
— Un quart d’heure ! s’écria Madeleine. retourna, et reconnut
Il avait plu la veille, le sol était détrempé, la charrette Javert. Il ne l’avait pas
s’enfonçait dans la terre à chaque instant et comprimait de plus en aperçu en arrivant.
plus la poitrine du vieux charretier. Il était évident qu’avant cinq Javert continua :
minutes il aurait les côtes brisées. — C’est la force. Il
— Il est impossible d’attendre un quart d’heure, dit Madeleine faudrait être un terrible
aux paysans qui regardaient. homme pour faire la
— Il faut bien ! chose de lever une voiture
Javert
357
comme cela sur son dos. On vit Madeleine presque à plat ventre sous ce poids effrayant
Puis regardant fixement M. Madeleine, il poursuivit en essayer deux fois en vain de rapprocher ses coudes de ses genoux.
appuyant sur chacun des mots qu’il prononçait : On lui cria : — Père Madeleine ! retirez-vous de là ! — Le vieux
— Monsieur Madeleine, je n’ai jamais connu qu’un seul Fauchelevent lui-même lui dit : — Monsieur Madeleine ! allez-
homme capable de faire ce que vous demandez là. vous-en ! C’est qu’il faut que je meure, voyez-vous ! Laissez-moi !
Madeleine tressaillit. Vous allez vous faire écraser aussi ! — Madeleine ne répondit pas.
Javert ajouta avec un air d’indifférence, mais sans quitter des Les assistants haletaient. Les roues avaient continué de
yeux Madeleine : s’enfoncer, et il était déjà devenu presque impossible que
— C’était un forçat. Madeleine sortît de dessous la voiture.
— Ah ! dit Madeleine. Tout à coup on vit l’énorme masse s’ébranler, la charrette se
— Du bagne de Toulon. soulevait lentement, les roues sortaient à demi de l’ornière. On
Madeleine devint pâle. entendit une voix étouffée qui criait : Dépêchez-vous ! aidez !
Cependant la charrette continuait à s’enfoncer lentement. Le C’était Madeleine qui venait de faire un dernier effort.
père Fauchelevent râlait et hurlait : Ils se précipitèrent. Le dévouement d’un seul avait donné de
— J’étouffe ! Ça me brise les côtes ! Un cric ! quelque chose ! la force et du courage à tous. La charrette fut enlevée par vingt
Ah ! bras. Le vieux Fauchelevent était sauvé.
Madeleine regarda autour de lui : Madeleine se releva. Il était blême, quoique ruisselant de
— Il n’y a donc personne qui veuille gagner vingt louis et sueur. Ses habits étaient déchirés et couverts de boue. Tous
sauver la vie à ce pauvre vieux ? pleuraient. Le vieillard lui baisait les genoux et l’appelait le bon
Aucun des assistants ne remua. Javert reprit : Dieu. Lui, il avait sur le visage je ne sais quelle expression de
— Je n’ai jamais connu qu’un homme qui pût remplacer un souffrance heureuse et céleste, et il fixait son œil tranquille sur
cric, c’était ce forçat. Javert qui le regardait toujours.
— Ah ! voilà que ça m’écrase ! cria le vieillard.
Madeleine leva la tête, rencontra l’œil de faucon de Javert Les Misérables (première partie, livre cinquième, chapitre VI)
toujours attaché sur lui, regarda les paysans immobiles, et sourit
tristement. Puis, sans dire une parole, il tomba à genoux, et avant
même que la foule eût eu le temps de jeter un cri, il était sous la
voiture.
Il y eut un affreux moment d’attente et de silence.
358
Questions : 11. Quelle expression montre que Javert a un regard de prédateur ?
Comment appelle-t-on cette figure de style ?
L’accident
12. Quel adjectif qualifie l’œil de M. Madeleine ?
13. Que signifie une « expression de souffrance heureuse et
1. Qui est Fauchelevent ? Quelles relations entretient-il avec M.
céleste » ? Quelle figure de style a-t-on ?
Madeleine ? Pourquoi ?
14. Comment Fauchelevent considère-t-il désormais M.
2. De quel accident Fauchelevent est-il la victime ? Quelles
Madeleine ?
circonstances rendent la situation du malheureux particulièrement
15. Pourquoi Javert continue-t-il à regarder M. Madeleine ?
difficile ?
Pourquoi ne l’arrête-t-il pas ?
3. Qu’est-ce qu’un cric ? Pourquoi ne peut-on l’utiliser ?
4. Que propose tout d’abord M. Madeleine pour aider
Fauchelevent ?
5. À quoi M. Madeleine se résout-il finalement ? Pour quelle
raison ?
Duel verbal
359
• Séance 5 •
La bataille de
Wa t e r l o o
Sur Waterloo
La bataille de Waterloo
L’expiation de Victor
Hugo
Il y eut un silence redoutable, puis, subitement, le plateau, et ce fut comme l’entrée d’un
Wikipédia une longue file de bras levés brandissant des tremblement de terre.
sabres apparut au-dessus de la crête, et les Tout à coup, chose tragique, à la gauche des
L’histoire par l’image
casques, et les trompettes, et les étendards, et Anglais, à notre droite, la tête de colonne des
YouTube trois mille têtes à moustaches grises criant : vive cuirassiers se cabra avec une clameur effroyable.
l’empereur ! Toute cette cavalerie déboucha sur Parvenus au point culminant de la crête, effrénés,
360
tout à leur furie et à leur course d’extermination sur les carrés et Toutes les faces des carrés anglais furent attaquées à la fois. Un
les canons, les cuirassiers venaient d’apercevoir entre eux et les tournoiement frénétique les enveloppa. Cette froide infanterie
Anglais un fossé, une fosse. C’était le chemin creux d’Ohain. demeura impassible. Le premier rang, genou en terre, recevait les
L’instant fut épouvantable. Le ravin était là, inattendu, béant, à pic cuirassiers sur les bayonnettes, le second rang les fusillait ; derrière
sous les pieds des chevaux, profond de deux toises entre son le second rang les canonniers chargeaient les pièces, le front du
double talus ; le second rang y poussa le premier, et le troisième y carré s’ouvrait, laissait passer une éruption de mitraille et se
poussa le second ; les chevaux se dressaient, se rejetaient en refermait. Les cuirassiers répondaient par l’écrasement. Leurs
arrière, tombaient sur la croupe, glissaient les quatre pieds en l’air, grands chevaux se cabraient, enjambaient les rangs, sautaient par-
pilant et bouleversant les cavaliers, aucun moyen de reculer, toute dessus les bayonnettes et tombaient, gigantesques, au milieu de ces
la colonne n’était plus qu’un projectile, la force acquise pour quatre murs vivants. Les boulets faisaient des trouées dans les
écraser les Anglais écrasa les Français, le ravin inexorable ne cuirassiers, les cuirassiers faisaient des brèches dans les carrés. Des
pouvait se rendre que comblé, cavaliers et chevaux y roulèrent pêle- files d’hommes disparaissaient broyées sous les chevaux. Les
mêle se broyant les uns sur les autres, ne faisant qu’une chair dans bayonnettes s’enfonçaient dans les ventres de ces centaures. De là
ce gouffre, et, quand cette fosse fut pleine d’hommes vivants, on une difformité de blessures qu’on n’a pas vue peut-être ailleurs. Les
marcha dessus et le reste passa. Presque un tiers de la brigade carrés, rongés par cette cavalerie forcenée, se rétrécissaient sans
Dubois croula dans cet abîme. broncher. Inépuisables en mitraille, ils faisaient explosion au
[...] milieu des assaillants. La figure de ce combat était monstrueuse.
En même temps que le ravin, la batterie s’était démasquée. Ces carrés n’étaient plus des bataillons, c’étaient des cratères ; ces
Soixante canons et les treize carrés foudroyèrent les cuirassiers à cuirassiers n’étaient plus une cavalerie, c’était une tempête. Chaque
bout portant. carré était un volcan attaqué par un nuage ; la lave combattait la
[...] foudre.
Les cuirassiers se ruèrent sur les carrés anglais.
Ventre à terre, brides lâchées, sabre aux dents, pistolets au poing, Les Misérables, Deuxième partie (Cosette), Livre premier
telle fut l’attaque. (Waterloo), Chapitres IX et X
Il y a des moments dans les batailles où l’âme durcit l’homme
jusqu’à changer le soldat en statue, et où toute cette chair se fait
granit. Les bataillons anglais, éperdument assaillis, ne bougèrent
pas.
Alors ce fut effrayant.
361
Questions :
I - Le chemin creux d’Ohain
362
Les connecteurs spatiaux
pouvait s’enfoncer pourtant dans cette muraille de brume, et il le
fallait. Il fallait même se hâter. Jean Valjean songea que cette grille,
aperçue par lui sous les pavés, pouvait l’être par les soldats, et que tout
Les compléments circonstanciels de lieu permettent au lecteur de tenait à ce hasard. Ils pouvaient descendre eux aussi dans le puits et le
se représenter la scène en situant les éléments du décor. On les fouiller. Il n’y avait pas une minute à perdre. Il avait déposé Marius
sur le sol, il le ramassa, ceci est encore le mot vrai, le reprit sur ses
appelle aussi des connecteurs spatiaux.
épaules et se mit en marche. Il entra résolument dans cette obscurité.
Exercice À quelques rues de là, on entend le choc des billes de billard dans les
cafés.
363
• Dictée •
Le guet-apens
Les mots suivants vous sont donnés : Conseils pour mieux réussir votre dictée :
Luxembourg
M. Leblanc 1. Relisez-vous très attentivement en vous posant un certain
Jondrette nombre de questions de grammaire.
guet-apens 2. Ces questions peuvent concerner les pronoms (« il » ou
« ils » ?), les verbes (« dissiper » ou « dissipé », « sauver » ou
« sauvé » ?), etc.
1. Écoutez simplement le texte : 3. Vous pouvez aussi vous demander si vous avez bien accordé les
participes passés (qu’est-ce qui s’est « éclairci » ou
« épaissi » ?).
365
suivait toutes les phases du drame redoutable qu'il jouait avec la - Requiem aeternam dona ei, Domine.
mort. La voix d'enfant répondit :
Peu après que Fauchelevent eut achevé de clouer la planche de - Et lux perpetua luceat ei.
dessus, Jean Valjean s'était senti emporter, puis rouler. A moins de Il entendit sur la planche qui le recouvrait quelque chose comme le
secousses, il avait senti qu'on passait du pavé à la terre battue, frappement doux de quelques gouttes de pluie. C'était
c'est-à-dire qu'on quittait les rues et qu'on arrivait aux boulevards. probablement l'eau bénite.
À un bruit sourd, il avait deviné qu'on traversait le pont Il songea : Cela va être fini. Encore un peu de patience. Le prêtre va
d'Austerlitz. Au premier temps d'arrêt, il avait compris qu'on s'en aller. Fauchelevent emmènera Mestienne boire. On me
entrait dans le cimetière ; au second temps d'arrêt, il s'était dit : laissera. Puis Fauchelevent reviendra seul, et je sortirai. Ce sera
voici la fosse. l'affaire d'une bonne heure.
Brusquement il sentit que des mains saisissaient la bière, puis un La voix grave reprit:
frottement rauque sur les planches ; il se rendit compte que c'était – Requiescat in pace.
une corde qu'on nouait autour du cercueil pour le descendre dans Et la voix d'enfant dit :
l'excavation. – Amen.
Puis il eut une espèce d'étourdissement. Jean Valjean, l'oreille tendue, perçut quelque chose comme des pas
Probablement les croque-morts et le fossoyeur avaient laissé qui s'éloignaient.
basculer le cercueil et descendu la tête avant les pieds. Il revint - Les voilà qui s'en vont, pensa-t-il. Je suis seul.
pleinement à lui en se sentant horizontal et immobile. Il venait de Tout à coup il entendit sur sa tête un bruit qui lui sembla la chute
toucher le fond. du tonnerre.
Il sentit un certain froid. C'était une pelletée de terre qui tombait sur le cercueil. Une
Une voix s'éleva au-dessus de lui, glaciale et solennelle. Il entendit seconde pelletée de terre tomba.
passer, si lentement qu'il pouvait les saisir l'un après l'autre, des Un des trous par où il respirait venait de se boucher.
mots latins qu'il ne comprenait pas :
Une troisième pelletée de terre tomba.
– Qui dormiunt in terrae pulvere, evigilabunt ; alii in vitam
Puis une quatrième.
aeternam, et alii in opprobrium, ut videant semper.
Il est des choses plus fortes que l'homme le plus fort. Jean Valjean
- Une voix d'enfant dit :
perdit connaissance.
– De profundis.
La voix grave recommença :
366
Les Misérables de Victor Hugo ( Deuxième partie, Livre huitième - III - L’enterrement
Les cimetières prennent ce qu'on leur donne, Chapitre VI Entre
quatre planches ) 9. Quel adverbe annonce un événement imprévu ? Quel temps est
alors utilisé ?
10. Conjuguez le verbe « sembler » au passé simple.
Questions : 11. Lignes 39 à 42, pourquoi les phrases sont-elles de plus en plus
courtes ?
I - Un jeu dangereux
12 . Pourquoi la fin de cet extrait est-elle effrayante ?
5. Aux lignes 9 à 14 , relevez tous les verbes qui montrent que Jean
Valjean, même dans le cercueil, comprend ce qui se passe.
6. Quel sens est essentiellement utilisé ? Pourquoi ?
Citez plusieurs mots en rapport avec ce sens.
7. - Les voilà qui s'en vont, pensa-t-il. Je suis seul.
Rapportez ces paroles indirectement.
8. « Puis il eut une espèce d'étourdissement » (ligne 20)
Qu’est-ce qui provoque cet étourdissement ?
367
Rédaction :
Reprenez le vocabulaire appris dans le texte précédent (bière, cercueil, cimetière, planche, fosse, croque-mort, fossoyeur, etc.)
et dites ce qui s’est passé ci-dessous.
Utilisez le point de vue interne pour raconter cette histoire.
368
• Séance 7 •
Gavroche
Gavroche
Et les deux enfants le suivirent comme ils auraient suivi un Une fille, les voyant marcher à la file tous les trois, Gavroche en
archevêque. Ils avaient cessé de pleurer. tête, partit d’un rire bruyant. Ce rire manquait de respect au
Gavroche leur fit monter la rue Saint-Antoine dans la direction de groupe.
la Bastille. — Bonjour, mamselle Omnibus, lui dit Gavroche.
Gavroche, tout en cheminant, jeta un coup d’œil indigne et Un instant après, le perruquier lui revenant, il ajouta :
rétrospectif à la boutique du barbier. — Je me trompe de bête ; ce n’est pas un merlan, c’est un serpent.
— Ça n’a pas de cœur, ce merlan-là, grommela-t-il. C’est un Perruquier, j’irai chercher un serrurier, et je te ferai mettre une
angliche.
369
sonnette à la queue. Ce perruquier l’avait rendu agressif. Il — Ah çà ! s’écria Gavroche, qu’est-ce que cela signifie ? Il repleut !
apostropha, en enjambant un ruisseau, une portière barbue et Bon Dieu, si cela continue, je me désabonne. Et il se remit en
digne de rencontrer Faust sur le Brocken, laquelle avait son marche.
balai la main. — C’est égal, reprit-il en jetant un coup d’œil à la mendiante qui se
— Madame, lui dit-il, vous sortez donc avec votre cheval ? pelotonnait sous le châle, en voilà une qui a une fameuse pelure.
Et sur ce, il éclaboussa les bottes vernies d’un passant. Et, regardant la nuée, il cria :
— Drôle ! cria le passant furieux. — Attrapé !
Gavroche leva le nez par-dessus son châle. Les deux enfants emboîtaient le pas derrière lui.
— Monsieur se plaint ? Comme ils passaient devant un de ces épais treillis grillés qui
— De toi ! fit le passant. indiquent la boutique d’un boulanger, car on met le pain comme
— Le bureau est fermé, dit Gavroche, je ne reçois plus de plaintes. l’or derrière des grillages de fer, Gavroche se tourna :
Cependant, en continuant de monter la rue, il avisa, toute glacée — Ah çà, mômes, avons-nous dîné ?
sous une porte cochère, une mendiante de treize ou quatorze [...]
ans, si court-vêtue qu’on voyait ses genoux. La petite commençait à Cependant il s’était
être trop grande fille pour cela. La croissance vous joue de ces arrêté, et depuis
tours. La jupe devient courte au moment où la nudité devient quelques minutes il
indécente. tâtait et fouillait toutes
— Pauvre fille ! dit Gavroche. Ça n’a même pas de culotte. Tiens, sortes de recoins qu’il
prends toujours ça. avait dans ses
Et, défaisant toute cette bonne laine qu’il avait autour du cou, il la haillons.
jeta sur les épaules maigres et violettes de la mendiante, où le Enfin il releva la tête
cache-nez redevint châle. La petite le considéra d’un air étonné et d’un air qui ne voulait
reçut le châle en silence. À un certain degré de détresse, le pauvre, qu’être satisfait, mais
dans sa stupeur, ne gémit plus du mal et ne remercie plus du bien. qui était en réalité
Cela fait : triomphant.
— Brrr ! dit Gavroche plus frissonnant que saint Martin qui, lui — Calmons-nous, les
du moins, avait gardé la moitié de son manteau. momignards. Voici de
Sur ce brrr ! l’averse, redoublant d’humeur, fit rage. Ces mauvais quoi souper pour trois.
ciels-là punissent les bonnes actions. Et il tira d’une de ses
Gavroche
370
poches un sou. — Morfilez.
Sans laisser aux deux petits le temps de s’ébahir, il les poussa tous Les petits garçons le regardèrent interdits.
deux devant lui dans la boutique du boulanger, et mit son sou sur le Gavroche se mit à rire :
comptoir en criant : — Ah ! tiens, c’est vrai, ça ne sait pas encore, c’est si petit.
— Garçon ! cinque centimes de pain. Et il reprit :
Le boulanger, qui était le maître en personne, prit un pain et un — Mangez.
couteau. En même temps, il leur tendait à chacun un morceau de pain.
— En trois morceaux, garçon ! reprit Gavroche, et il ajouta avec Et, pensant que l’aîné, qui lui paraissait plus digne de sa
dignité : conversation, méritait quelque encouragement spécial et devait
— Nous sommes trois. être débarrassé de toute hésitation à satisfaire son appétit, il ajouta
Et voyant que le boulanger, après avoir examiné les trois soupeurs, en lui donnant la plus
avait pris un pain bis, il plongea profondément son doigt dans son grosse part :
nez avec une aspiration aussi impérieuse que s’il eût eu au bout du — Colle-toi ça dans le
pouce la prise de tabac du grand Frédéric, et jeta au boulanger en
fusil.
plein visage cette apostrophe indignée :
Il y avait un morceau
— Keksekça ?
plus petit que les
[...]
deux autres ; il le prit
— Eh mais ! c’est du pain, du très bon pain de deuxième qualité.
pour lui
— Vous voulez dire du larton brutal, reprit Gavroche, calme et
froidement dédaigneux. Du pain blanc, garçon ! du larton savonné !
Les Misérables, Tome
je régale.
IV L'idylle rue Plumet
Le boulanger ne put s’empêcher de sourire, et tout en coupant le et l'épopée rue Saint-
pain blanc, il les considérait d’une façon compatissante qui choqua Denis, Livre sixième
Gavroche. Le petit Gavroche,
— Ah çà, mitron ! dit-il, qu’est-ce que vous avez donc à nous Chapitre I Méchante
toiser comme ça ? espièglerie du vent
Mis tous trois bout à bout, ils auraient à peine fait une toise.
Quand le pain fut coupé, le boulanger encaissa le sou, et Gavroche
dit aux deux enfants : La « maison » de Gavroche
371
Questions : 11. Trouvez deux exemples de valeurs différentes du présent
(présent de communication, de narration ou de vérité générale).
Dans la rue
12. Quels passages montrent que le narrateur est proche du peuple,
et comprend sa misère ?
1. Avant d’arriver à la boulangerie, combien Gavroche rencontre-t-
il de personnages ?
2. Comment se comporte-t-il avec ces personnages ? Justifiez votre
réponse en vous appuyant sur le texte.
3. Avec quel personnage se comporte-t-il différemment ?
La mort de Gavroche
Pourquoi ?
Lors de la révolte de juin 1832, les républicains affrontent les
4. Relevez les deux références à la religion. Comment nous est
gardes nationaux et les soldats du roi, envoyés pour rétablir
présenté Gavroche ?
l’ordre. À la barricade de la rue Saint-Denis, les républicains
manquent de munitions. Gavroche sort afin de récupérer les
À la boulangerie
cartouches des soldats morts au combat.
372
Puis il ramassa son panier, y remit, sans en perdre une seule, les
cartouches qui en étaient tombées, et, avançant vers la fusillade,
alla dépouiller une autre giberne. Là une quatrième balle le
manqua encore. Gavroche chanta :
373
tremblait ; lui, il chantait. Ce n’était pas un enfant, ce n’était pas un
homme ; c’était un étrange gamin fée. On eût dit le nain
invulnérable de la mêlée. Les balles couraient après lui, il était plus
leste qu’elles. Il jouait on ne sait quel effrayant jeu de cache-cache
avec la mort ; chaque fois que la face camarde du spectre
s’approchait, le gamin lui donnait une pichenette.
Une balle pourtant, mieux ajustée ou plus traître que les autres,
finit par atteindre l’enfant feu follet. On vit Gavroche chanceler,
puis il s’affaissa. Toute la barricade poussa un cri ; mais il y avait de
l’Antée dans ce pygmée ; pour le gamin toucher le pavé, c’est
comme pour le géant toucher la terre ; Gavroche n’était tombé que
pour se redresser ; il resta assis sur son séant, un long filet de
sang rayait son visage, il éleva ses deux bras en l’air, regarda du
côté d’où était venu le coup, et se mit à chanter.
374
• Séance 8 •
Les égouts
Pendant la révolte de
1832, une des « plus
grande guerre des rues
qu’ait vue l’histoire »,
Marius est blessé. Un
coup de feu lui a cassé la
clavicule. Il s’évanouit,
mais Jean Valjean lui
sauve la vie en
l’emmenant loin de la
barricade où le combat
fait rage.
376
Exercice de réécriture :
Réécrivez ce passage en remplaçant les verbes à l’imparfait par du
passé composé, et le pronom «il» par «ils.
Rédaction :
Rédigez un court paragraphe d’une dizaine de lignes environ. Votre
personnage, comme Jean Valjean (ou, ci-contre, Édmond Dantès),
est dans une situation difficile.
Exprimez l’incertitude dans laquelle se trouve ce personnage par
une série de phrases interrogatives.
377
• Séance 9 •
Rédaction
Lisez cet extrait : Sujet :
La terre n'est point sans ressemblance avec une geôle. Qui sait si Selon Victor Hugo, la vie ressemble à une punition, et pourtant nous
l'homme n'est pas un repris de justice divine ? sommes de ceux qui connaissons le bonheur. En ce cas, qu’est-ce que le
Regardez la vie de près. Elle est ainsi faite qu'on y sent partout de la malheur ?
punition. Répondez tout d’abord à cette question. Puis, en vous appuyant sur
votre lecture des Misérables, vous justifierez votre réponse à l’aide de
Êtes-vous ce qu'on appelle un heureux ? Eh bien, vous êtes triste tous trois exemples permettant de comprendre ce qu’est le malheur.
les jours. Chaque jour a son grand chagrin ou son petit souci. Hier, vous Votre texte, composé de quatre paragraphes, sera rédigé au présent de
trembliez pour une santé qui vous est chère, aujourd'hui vous craignez l’indicatif.
pour la vôtre ; demain ce sera une inquiétude d'argent, après-demain la
diatribe d'un calomniateur, l'autre après- Barème :
demain le malheur d'un ami ; puis le temps
qu'il fait, puis quelque chose de cassé ou de La copie est propre et correctement
perdu, puis un plaisir que la conscience et la présentée, l’écriture est soignée : 2 points
colonne vertébrale vous reprochent ; une L’orthographe lexicale et grammaticale est
autre fois, la marche des affaires publiques. correcte : 4 points
Sans compter les peines de cœur. Et ainsi de La ponctuation est soignée : 2 points
suite. Un nuage se dissipe, un autre se Le texte est composé de paragraphes (au
reforme. À peine un jour sur cent de pleine moins quatre) : 2 points
joie et de plein soleil. Et vous êtes de ce petit Le texte est rédigé au présent de l’indicatif :
nombre qui a le bonheur ! 2 points
Le texte répond précisément à la question
posée : 2 points
Victor Hugo, Les Misérables (Quatrième
Les exemples donnés sont extraits des
partie, Livre septième, Chapitre I)
Les Misérables Misérables, ils sont pertinents et justifiés : 6
points
378
• Évaluation •
380
• Séance 10 •
Histoire des
arts
À voir également
1. Peintre-
Analyse.com
2. L’histoire par 1 2 3 4
l’image
3. Cours de français
4. Wikipédia
381
TROIS ÉVALUATIONS
Cette partie propose trois évaluations de grammaire à faire à la fin de chaque trimestre.
• Le premier devoir porte sur les paroles rapportées, les adverbes, les noms composés, les propositions
subordonnées, la conjugaison (impératif et subjonctif) et les interjections.
• Le second porte sur la conjugaison (mode, temps, forme, verbes transitifs et intransitifs), les
déterminants et les pronoms indéfinis, les homophones, les verbes impersonnels et l’accord du sujet et
du verbe.
• Le troisième porte sur les verbes du troisième groupe présentant des particularités, l’adjectif qualificatif,
les verbes pronominaux et les connecteurs.
• Devoir 1 •
Smarra
Polémon raconte à s'exprimant ainsi avec une voix plus grêle et plus déchirante que
Lucius son amour pour celle d'une hyène égorgée qui menace encore les chasseurs, elle
la sorcière Méroé. détachait de son doigt la turquoise chatoyante qui étincelait de
Une nuit, alors qu'elle le flammes variées comme les couleurs de l'arc-en-ciel, ou comme la
croyait endormi, elle l'a vague qui bondit à la marée montante, et réfléchit en se roulant sur
surpris qui observait elle-même les feux du soleil levant. Elle presse du doigt un ressort
ses pratiques magiques inconnu qui soulève la pierre merveilleuse sur sa charnière
et sanguinaires. invisible, et découvre dans un écrin d'or je ne sais quel monstre
sans couleur et sans forme, qui bondit, hurle, s'élance, et tombe
accroupi sur le sein de la magicienne. « Te voilà, dit-elle, mon cher
Tandis que je me Smarra, le bien-aimé, l'unique favori de mes pensées amoureuses,
débattais contre la toi que la haine du Ciel a choisi dans tous ses trésors pour le
terreur dont j'étais désespoir des enfants de l'homme. Va, je te l'ordonne, spectre
accablé, et que j'essayais flatteur, ou décevant ou terrible, va tourmenter la victime que je
d'arracher de mon sein t'ai livrée ; fais-lui des supplices aussi variés que les
quelque malédiction qui épouvantements de l'enfer qui t’a conçu, aussi cruels, aussi
réveillât dans le ciel la implacables que ma colère. Va te rassasier des angoisses de son
Le cauchemar
vengeance des dieux : cœur palpitant, compter les battements convulsifs de son pouls qui
« Misérable ! s’écria se précipite, qui s'arrête... contempler sa douloureuse agonie et la
Méroé, sois puni à suspendre pour la recommencer... À ce prix, fidèle esclave de
jamais de ton insolente curiosité !... Ah ! tu oses violer les l'amour, tu pourras au départ des songes redescendre sur l'oreiller
enchantements du sommeil... Tu parles, tu cries et tu vois... Eh embaumé de ta maîtresse, et presser dans tes bras caressants la
bien ! tu ne parleras plus que pour te plaindre, tu ne crieras plus reine des terreurs nocturnes... »
que pour implorer en vain la sourde pitié des absents, tu ne verras
plus que des scènes d'horreur qui glaceront ton âme... » Et en Smarra ou les Démons de la nuit de Charles Nodier
383
Questions : b) Dans la proposition subordonnée circonstancielle, quelle
circonstance est exprimée ? (1 point)
I - Les paroles rapportées (5 points)
V - Conjugaison (5 points)
1. Soulignez les paroles rapportées directement. (2 points)
2. Quel signe de ponctuation permet de les repérer facilement ? (1
7. Relevez trois verbes différents conjugués à l’impératif, puis
point)
conjuguez-les à toutes les personnes. (3 points)
3. Relevez les verbes de paroles qui introduisent ces paroles
8. Conjuguez le verbe « crier » au présent du subjonctif. (2 points)
rapportées. (2 points)
384
• Devoir 2 •
Le festin de cannibales
d’un peuple libre, lequel peuple se préparait, en vertu de sa liberté,
à abattre la tête de cet honnête homme, son père et son roi.
385
massacreurs, qu’on poursuivait, n’eurent pas le temps d’envahir la III - Les homophones (4 points)
maison et s’éloignèrent. Ces têtes, et d’autres que je rencontrai
bientôt après, changèrent mes dispositions politiques ; j’eus 5. Recopiez la phrase correcte :
horreur des festins de cannibales et l’idée de quitter la France a) La tête est sur une pique / La tête est sûr une pique.
pour quelque pays lointain germa dans mon esprit. b ) Des le lendemain, je quittai la France / Dès le lendemain, je
quittai la France.
Mémoires d'Outre-Tombe de François-René de Chateaubriand c ) Je l’ai détestais. / Je les détestais.
d ) On a pas le droit de se comporter ainsi. / On n’a pas le droit de
se comporter ainsi.
386
• Devoir 3 •
387
de la propriété voisine. Puis, n’entendant rien, il se baissa, écarta Questions :
une planche et cacha son fusil dans un tas de bois.
I - Conjugaison (3 points)
Il y avait là, dans l’angle, une vieille pierre tombale, oubliée lors du
1. « Il devait aimer ce lieu, n’y craindre aucun danger »
déménagement de l’ancien cimetière, et qui, posée sur champ et un
À quel mode est le verbe « craindre ». (1 point)
peu de biais, faisait une sorte de banc élevé. La pluie en avait
2. Conjuguez-le au présent de l’indicatif. (2 points)
émietté les bords, la mousse la rongeait lentement. On eût
cependant pu lire encore, au clair de lune, ce fragment d’épitaphe
II - L’adjectif qualificatif (5 points)
gravé sur la face qui entrait en terre : Cy-gist… Marie… morte… Le
temps avait effacé le reste.
3. « une vieille pierre tombale, oubliée lors du déménagement de
La Fortune des Rougon d’Émile Zola l’ancien cimetière »
Relevez les adjectifs qualificatifs. (4 points)
4. « Il tenait, cachée sous sa veste, la crosse d’un long fusil »
Quelle est la fonction de « long » ? (1 points)
388
• Illustrations •
• Une religieuse
• Jeune Ecolier qui Joue au Touton (Jean-Baptiste Chardin)
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b69350430.r=religieuse.langFR
https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Jean_Sim
%C3%A9on_Chardin_-_Retrato_de_Auguste_Gabriel_Godefroy.jpg
cccxc
• Le verrou (Jean-Honoré Fragonard) • Auto-portrait avec vanités (Edwaert Collier)
https://secure.wikimedia.org/wikipedia/fr/wiki/Fichier:Jean-Honor https://secure.wikimedia.org/wikipedia/fr/wiki/Fichier:Evert_Collier
%C3%A9_Fragonard_009.jpg %27s_Self-Portrait_with_a_Vanitas_Still-life.jpg
cccxci
• Jonas et la baleine • Médée
https://secure.wikimedia.org/wikipedia/fr/wiki/Fichier:Jonas-und- https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/3/38/Eug
der-Wal.jpg %C3%A8ne_Ferdinand_Victor_Delacroix_031.jpg
cccxcii
• Médée (Mucha) Chapitre IV La voix d’Orphée
https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/5/58/
Alfons_Mucha_-_Medea.jpg?uselang=fr • Orphée (Jean-Baptiste-Camille Corot)
https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/3/3d/Jean-
• Œdipe (Gustave Moreau) Baptiste-Camille_Corot_-_Orph%C3%A9e.jpg?uselang=fr
https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/9/93/
Gustave_Moreau_005.jpg • Orphée charmant les animaux (Francesco Bassano le Jeune)
https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/a/ae/
• La bataille d’Azincourt (Sir John Gilbert) Francesco_Bassano_the_Younger_-
http://fr.wikipedia.org/wiki/ _Orpheus_Charming_the_Animals_-_WGA01417.jpg
Fichier:Morning_of_the_Battle_of_Agincourt,_25th_October_1415.P
NG • Orphée et Eurydice (Jean Raoux)
https://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Jean_Raoux_
• Pierre Corneille %E2%80%93_Orpheus_and_Eurydice.jpg
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b2200072t/f1.item
• La barque de Charon (Josep Benlliure Gil)
• Rodrigue et Chimène https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/4/49/
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b84369990.r=cid.langFR La_barca_de_Caront%2C_Josep_Benlliure_Gil
%2C_Museu_de_Belles_Arts_de_Val%C3%A8ncia.jpg?uselang=fr
• Chimène (dans Le Cid mis en scène par Daniel Cande)
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b9002086f/f4.item • Orphée charme les animaux
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8418914z.r=orph
• Figure de chevalier présenté debout %C3%A9e.langFR
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b6934438r.r=chevalier.langFR
• La mort d’Orphée (Émile Lévy)
• Le Cid tragi-comédie https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Death_of_Orpheus_by_
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b86108062.r=le+cid.langFR %C3%89mile_L%C3%A9vy_%281866%29.jpg
• A quatre pas d'ici je te le fais savoir • Nymphes découvrant la tête d’Orphée (John Waterhouse)
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b84369886.r=le+cid.langFR https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/4/4d/
Nymphs_finding_the_Head_of_Orpheus.jpg
cccxciii
• Orphée (Gustave Moreau) • Alphonse de Lamartine (Henri Decaisne)
https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Gustave_Moreau_Orph http://commons.wikimedia.org/wiki/
%C3%A9e_1865.jpg?uselang=fr File:Lamartine,_par_Decaisne.jpg?uselang=fr
cccxciv
• Terpsichore (Antonio Canova) • Melpomène (Carlsberg Glyptothek)
https://secure.wikimedia.org/wikipedia/commons/wiki/ https://secure.wikimedia.org/wikipedia/commons/wiki/
File:Terpsichore_by_Antonio_Canova.jpg?uselang=fr File:Ny_Carlsberg_Glyptothek_-_Melpomene.jpg?uselang=fr
cccxcv
Chapitre V La parure • Tête de cheval blanc (Théodore Géricault)
http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Gericault_tete.jpg
• Mademoiselle Dobigny (Edgar Degas)
https://commons.wikimedia.org/wiki/ • Jeune femme de dos à sa toilette (Berthe Morisot)
File:Edgar_Germain_Hilaire_Degas_056.jpg https://commons.wikimedia.org/wiki/
File:Morisot_Lady_at_her_Toilette.jpg
• Maupassant (portrait de Nadar)
https://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Maupassant_2.jpg • Pierre Louÿs (Félix Vallotton)
http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Pierre_Louÿs_by_Vallotton.jpg
• Napoléon III
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8457853h.r=.langFR • Un des portraits du «facteur» Joseph-Étienne Roulin (Vincent van
Gogh)
• Les Misérables https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Vincent_van_Gogh-facteur-
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b9003785r.r=les+mis Boston.jpeg
%C3%A9rables.langFR
• Manon Lescaut enchaînée avec des prostituées
• Germinal http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b22001473/f12.item
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b9012974m.r=germinal.langFR
• Le bal (James Tissot)
• Les soirées de Médan https://secure.wikimedia.org/wikipedia/fr/wiki/
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k810287.r Fichier:James_Tissot_-_The_Ball.jpg
cccxcvi
• Intérieur (Edgar Degas) • Le fantôme de l’opéra
https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Degas_Int https://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Phantomtechnicolor.jpg
%C3%A9rieur_Philadelphia_Museum_of_Art_1986-26-10.jpg
• La peur
• L’absinthe (Edgar Degas) https://commons.wikimedia.org/wiki/File:COS_09.JPG?uselang=fr
http://commons.wikimedia.org/wiki/
File:Edgar_Germain_Hilaire_Degas_012.jpg • Entrée de cimetière (Caspar David Friedrich)
https://commons.wikimedia.org/wiki/
• Jane Avril sortant du Moulin Rouge (Henri de Toulouse-Lautrec) File:Caspar_David_Friedrich_053.jpg
http://commons.wikimedia.org/wiki/
File:Lautrec_jane_avril_leaving_the_moulin_rouge_1892.jpg • Le chat botté
http://fr.wikipedia.org/wiki/
• Jour de pluie à Paris (Gustave Caillebotte) Fichier:Offterdinger_Der_gestiefelte_Kater_(1).jpg
https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/d/d4/
Gustave_Caillebotte_-_Jour_de_pluie_%C3%A0_Paris.jpg • Illustration du Château d’Udolphe (« Vous pâlissez Anette ? »)
http://books.google.fr/books?
• La confession (Giuseppe Molteni) printsec=frontcover&id=8QpMAAAAcAAJ&hl=fr&output=text
https://commons.wikimedia.org/wiki/
File:Artgate_Fondazione_Cariplo_- • Illustration du Château d’Udolphe
_Molteni_Giuseppe,_La_confessione.jpg http://books.google.fr/books?
id=3QpMAAAAcAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_sum
mary_r&cad=0%23v=onepage&q&f=false#v=onepage&q&f=false
Chapitre VI Le fantastique
• La peau de chagrin
• Le Moine http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:BalzacMagicSkin01.jpg
https://fr.wikisource.org/wiki/Fichier:Lewis_-
_Le_Moine_Maradan_tome4_1811.jpeg • Rouen (Constance de la Martel)
https://secure.wikimedia.org/wikipedia/fr/wiki/
• Danse macabre (Hans Holbein) Fichier:Rouen,_dessin_par_Constance_de_la_Martel,_1806.jpg
https://secure.wikimedia.org/wikipedia/fr/wiki/Fichier:Holbein-
death.png
cccxcvii
• Le Diable amoureux • Le Horla
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b9003662d.r=le+diable http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k54033050/
+amoureux.langFR f41.image.r=horla.langFR
cccxcviii
• Thomas Jefferson • L’Île mystérieuse
http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Thomas-Jefferson.jpg http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b22002372/f1.item
• La pointe est de l’île Saint-Louis (Nicolas-Jean-Baptiste Raguenet) Chapitre VIII Dire la monstruosité
http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/8/87/Nicolas-Jean-
Baptiste_Raguenet_-_The_Eastern_Tip_of_Ile_Saint-Louis_- • Méduse (Pierre Paul Rubens)
_WGA18969.jpg http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Rubens_Medusa.jpeg
cccxcix
• Saturne, le père Jupiter, dévorant un de ses fils, Neptune (Pierre Paul • Le marché aux esclaves (Gustave Boulanger)
Rubens) http://fr.wikipedia.org/wiki/
http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Rubens_saturn.jpg Fichier:Boulanger_Gustave_Clarence_Rudolphe_The_Slave_Market.jp
g
• Le minotaure (George F. Watt)
http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:GeorgeF.Watts-Minotauros.png • L’homme au masque de fer
http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Man_in_the_Iron_Masque.jpg
• La créature de Frankenstein
http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Frankenstein • Fœtus (Léonard de Vinci)
%27s_monster_(Boris_Karloff).jpg http://commons.wikimedia.org/wiki/
File:Views_of_a_Foetus_in_the_Womb_detail.jpg?uselang=fr
• Sirène (John William Waterhouse)
http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:John_William_Waterhouse_- • Femme avec un parasol (Claude Monet)
_Mermaid.JPG http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Monet_Umbrella.JPG
cd
• Le crapaud (Otto Marseus van Schrieck) Chapitre IX Les Misérables
http://commons.wikimedia.org/wiki/
File:Otto_Marseus_van_Schrieck_001.jpg • Victor Hugo
https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Victor_Hugo.jpg?uselang=fr
• Mme Vauquer
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k116911k/f15 • Cosette (Emile Bayard)
https://secure.wikimedia.org/wikipedia/fr/wiki/Fichier:Ebcosette.jpg
• Le Père Goriot
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k116911k/f8.image.r=père • Fantine implorant Javert
+goriot.langFR http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Fantine_at_Javert
%27s_feet.JPG
• Quasimodo
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5674470n/f20.image.r=notre • Médaille à l'effigie de Victor Hugo
+dame+de+paris+victor+hugo.langFR http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Victor_Hugo_1884_A.jpg
• La cadène
https://secure.wikimedia.org/wikipedia/fr/wiki/Fichier:La_cad
%C3%A8ne.jpg
cdi
• Les Misérables • Le Radical publie Les Misérables
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b90045023.r=les http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b9013168f.r=misérables.langFR
+miserables.langFR
• Cimetière sous la neige (Caspar David Friedrich)
• Monseigneur Myriel http://commons.wikimedia.org/wiki/
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b9004501p.r=miserables.langFR File:Caspar_David_Friedrich_052.jpg
• La charge des cuirassiers français à Waterloo (Henri Félix Emmanuel • La liberté guidant le peuple (Eugène Delacroix)
Philippoteaux) https://secure.wikimedia.org/wikipedia/fr/wiki/Fichier:Eug
https://en.wikipedia.org/wiki/ %C3%A8ne_Delacroix_-_La_libert%C3%A9_guidant_le_peuple.jpg
File:Charge_of_the_French_Cuirassiers_at_Waterloo.jpg
• Jean Valjean s’enfuit par les égouts
• Cuirasse trouée par un boulet de canon https://secure.wikimedia.org/wikipedia/fr/wiki/
http://en.wikipedia.org/wiki/ Fichier:CC_No_09_Les_Miserables.JPG
File:Cuirass_holed_by_a_canonball_at_Waterloo_Antoine_Favuveau
_18Juin_1815.jpg
cdii
• Le Comte de Monte-Cristo
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b90106049.r=le+comte+de
+monte-cristo.langFR
• Les Misérables
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b9003785r.r=les+mis
%C3%A9rables.langFR
Trois évaluations
• Livre (détail d’un tableau de Jan van Eyck)
http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Jan_van_Eyck_059.jpg?
uselang=fr
cdiii
• Du même auteur •
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• Licence •
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cdv
Contact :
http://www.ralentirtravaux.com/contact.php
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cdvi
Abusant
Trompant.
Renommé, célèbre.
Chapitre 6 - Rédaction
Altérer
Changer.
Creux, cavités.
Nous dirions une Indienne d’Amérique. C’est une allusion à l’usage des fards et du rouge.
Chapitre 6 - Rédaction
Antéposé
Se dit d’un mot placé avant. Un adjectif, par exemple, peut être antéposé au nom (Un pauvre
homme), c’est-à-dire qu’il est placé avant le nom. C’est le contraire de postposé (placé après).
Cette figure de style rapproche deux termes opposés. On peut donc parler d’opposition.
Exemple : Ah ! le peuple est en haut, mais la foule est en bas ! (L’Année terrible de Victor
Hugo)
Des antonymes sont des mots dont le sens s’oppose («chaud» et «froid», «grand» et
«petit»...).
Éloges, défenses.
Préparatifs.
Chapitre 6 - Rédaction
Aqueduc
Chapitre 4 - Orphée
Archevêque
L’archevêque est l’évêque placé à la tête d’une province et dont dépendent plusieurs évêques.
Un évêque est le rang le plus élevé parmi les prêtres chrétiens.
Chapitre 9 - Gavroche
Armoiries
Le sujet de « attend l’ordre d’un père à choisir un époux » est « votre cœur » (c’est-à-dire
Chimène).
Abattus, consternés.
Noms d'un roi et d'une reine changés en montagnes par les dieux.
Chapitre 4 - Orphée
Avaient opiné
Avec plaisir.
« Avidité » vient de « avide » (le désir d’avoir toujours plus d’argent, de biens...).
Penser à.
Hésitante.
Personnes qui faisaient des tours d’acrobatie, d’adresse, de force sur les places publiques ou
les foires.
Pièces d’artillerie, matériel nécessaire pour battre l’ennemi, pour tirer sur lui.
Chapitre 9 - Waterloo
Bénédictin
Cercueil.
Insultante.
Chapitre 6 - Évaluation 2
Bouffon
Sottise.
Ce mot à la mode à cette époque viendrait d’une tradition observée à l’Opéra de Paris, où,
lorsqu’un musicien émettait une fausse note, un couac, il payait une amende qui, versée dans
un port commun, servait à la fin du mois à l’achat d’une brioche que se partageait
l’orchestre.
Chapitre 6 - Rédaction
Cabale
Intrigue, complot.
Chapitre 8 - Quasimodo
Calorifère
Appareil de chauffage.
Représentation de la crucifixion.
L ’adjectif signifie «qui a le nez plat, écrasé ». La camarde désigne également la mort.
Chapitre 9 - Gavroche
Campanilles
Chapitre 8 - Quasimodo
Cannibales
Tapissées.
Troupe d’hommes disposée pour faire face à l’ennemi des quatre côtés.
Chapitre 9 - Waterloo
Casaque
L'histoire de ce berger (craintif) n'est pas connue. C'est manifestement la rencontre d'un
homme avec Cerbère au moment où Hercule ramène des Enfers le chien tricéphale.
Chapitre 4 - Orphée
Ce dieu bizarre
Apollon.
Éclatants.
Ces premières pages, ces pages qui précèdent une partie plus importante.
Chapitre 4 - Orphée
Cette maison de pénitence
Véhicule composé d'un habitacle muni d'une chaise et d'une porte, dans lequel on se faisait
porter par deux hommes au moyen de bâtons assujettis de chaque côté de l’habitacle.
Une charge, pendant l’Ancien Régime, est une fonction qui s’achète.
Tomber.
Lieu destiné à recevoir les saletés, les eaux usées (égout, décharge, bourbier...).
Des petits objets de fantaisie sans valeur (voir ci-dessous le mot « bagatelles »).
Chapitre 6 - Rédaction
Commis
Suppositions.
Contentés, satisfaits.
À l’origine, les cadeaux faits à la mariée étaient placés dans une corbeille ; par suite,
ensemble des cadeaux reçus.
Chapitre 6 - Rédaction
Cornet à bouquin
Chapitre 4 - Élégie
Créanciers
Chapitre 9 - Waterloo
Culotte
Chapitre 9 - Gavroche
Cybèle
Déesse représentant la nature sauvage. Attis fut son jeune époux malheureux...
Chapitre 4 - Orphée
D'effarement
D’effroi, de stupeur.
Chapitre 9 - Le mendiant
D’airain
De bronze.
L’alcôve est un enfoncement ménagé dans le mur d’une chambre pour recevoir un ou
plusieurs lits.
D’écoulement de sang.
D’effronterie, d’insolence.
D’injustice.
Douceur dans les gestes et les paroles (le mot a un sens religieux).
D’un corps refroidi par la vieillesse (voir le vers : « Et ne suis-je blanchi dans les travaux
guerriers »).
Chapitre 3 - Récitation
D’un homme de cœur
Allusion aux jupes montées sur des cerceaux qui cachaient la taille et aux fausses dents que
mettaient certaines femmes.
De bons.
Tromper.
Trompée.
Du verbe « délier ».
Chapitre 4 - Recueillement
Des mots latins
Chapitre 6 - Rédaction
Dieu des armées
Si le lecteur en doutait encore, on a maintenant la certitude que Persépolis est en fait Paris
(les fontaines sont celles de la rue de Grenelle et des Innocents, les statues de bronze
représentent Henri IV, Louis XIII et Louis XIV, la « maison immense » est l’hôtel des
Invalides, etc.).
Au XVIIIe siècle, le dîner est le repas de midi (cf. la phrase précédente : « le soleil approchait
du haut de sa carrière »).
C’est aussi, dans l’Antiquité, la réunion d’un hexamètre (un vers de six pieds) et d’un
pentamètre (un vers de cinq pieds).
Allusion, je pense, au vers de Racine « Un corps défiguré... Et que méconnaîtrait l’œil même
de son père » (Phèdre). Méconnaître signifie alors « Ne pas reconnaître ».
Idées de liberté.
Chapitre 9 - Gavroche
Dryades
Chapitre 4 - Orphée
Du défaut d’air
Du pain noir (pain fait avec une farine moins chère, car de moins bonne qualité).
Chapitre 9 - Gavroche
Échevelées
Effrayée, épouvantée.
Image, portrait.
Disparition d’une voyelle devant une autre voyelle (on dit «je t’aime» et non «je te aime»).
Quand il y a élision, on dit que la voyelle s’élide (du verbe «élider»).
Chapitre 9 - Gavroche
En larrecin
En cachette.
En les donnant.
Rendu ivre.
En même temps.
Comprit.
Chapitre 6 - Rédaction
Esprit démoniaque
Esprit de démon.
Et si je ne me trompe pas à.
Recouvrir un métal d’une couche d’étain (on recouvre ainsi les casseroles, les poêlons, les
glaces...)
Les Euménides sont appelées, par euphémisme, les Bienveillantes. Elles sont chargées de
punir les crimes humains. Ce sont donc des déesses infernales qui persécutent les criminels.
Chapitre 4 - Orphée
Eunuque
Chapitre 4 - Orphée
Faire amende honorable
Me dépêcher.
Boue.
Chapitre 6 - Évaluation 2
Fat
Faust est un homme désirant tout savoir et qui a vendu son âme au diable. Le mont Brocken
est une montagne sur laquelle se réunissent les sorcières.
Chapitre 9 - Gavroche
Félicité
Bonheur durable.
Épée.
Chapitre 3 - Récitation
Feu follet
Chapitre 9 - Gavroche
Fiacre
Qui est créé par l’imagination, qui n’est pas réel, qui relève de la fiction.
Biondetta lui avait procuré ce filet qu’Alvare avait utilisé pour arranger ses longs cheveux.
Une fondrière est un trou plein d’eau ou de boue dans un chemin en mauvais état.
Chapitre 9 - Le mendiant
Fonte
Fortune est ici pris dans son sens moderne. Plus bas, Voltaire lui donne son sens classique.
Chapitre 8 - Quasimodo
Frêles
Salaire.
Gant (soit faisant partie de l’armure du chevalier, soit servant pour la chasse au faucon).
Maladresse.
Chapitre 6 - Rédaction
Gélinotte
Noble.
Le mot est à prendre dans son sens étymologique. Ce sont des divinités.
Domestiques.
Georges Cadoudal et Charles Pichegru étaient des royalistes qui complotèrent contre
Bonaparte.
Boîte portée à la ceinture ou en bandoulière, dans laquelle les soldats mettent leurs
cartouches.
Chapitre 9 - Gavroche
Gisant
Chapitre 9 - Gavroche
Gobernador
Gouverneur en espagnol.
Vampire féminin.
Reproches.
Enivrée, soûlée.
Chapitre 9 - Gavroche
Harangue
Discours.
Les Héliades sont les sœurs de Phaéton transformées en arbres, peut-être des peupliers.
Chapitre 4 - Orphée
Hiatus
Le hiatus est la rencontre de deux voyelles. Pour éviter ce hiatus, on n’écrit pas «je aime» ou
«si il» mais «j’aime» ou «s’il» (il y a donc élision). Parfois, on rajoute une lettre : on écrit
«vas-y» et non * «va y».
Querelle.
Chapitre 4 - Orphée
Hyperbole
Exemple : Je suis deux jours sans la voir, qui sont pour moi des siècles effroyables [...] (Le
Bourgeois gentilhomme de Molière)
Chapitre 9 - Waterloo
Impérieusement
Irrésistiblement.
Sot.
Sans pitié.
Un début in medias res désigne les premières pages d’une histoire qui ne commence pas par
le début, mais par le milieu. Un début in medias res est généralement suivi d’un retour en
arrière permettant de comprendre le début de l’histoire.
Chapitre 9 - Waterloo
Infamie
Déshonneur, honte.
Chapitre 3 - Récitation
Insigne
Remarquable, extraordinaire.
Chapitre 3 - Récitation
Insurgés
Révoltés.
Chapitre 9 - Gavroche
Intrigants
Hésitation, incertitude.
Chapitre 9 - Le mendiant
Je feins
Je fais semblant.
Chapitre 6 - Rédaction
Joaillier
Bijoutier.
Jonas a été envoyé par Dieu à Ninive pour punir cette ville. Pris dans une tempête, il passe
trois jours dans le ventre d’une baleine. Finalement, Dieu ne détruisit pas Ninive,
provoquant la colère de Jonas.
Si la fin du conte de Voltaire évoque la bible, on remarquera que le début évoque un autre
épisode biblique (celui où Dieu envoie deux anges vérifier si le péché est avéré dans Sodome
et Gomorrhe).
Allusion à un passage de la Bible (la Genèse). Joseph, le fils préféré de Jacob, est vendu par
ses frères à des marchands qui l’emmènent en Égypte.
Personnes dont la professions consiste à donner leur avis sur des questions juridiques.
Manque de naturel.
Chapitre 6 - Rédaction
L'âtre
Chapitre 9 - Le mendiant
L'avorton
Épisode de l’histoire légendaire de Rome (VIIIe siècle avant Jésus-Christ), au cours duquel
les Romains, qui manquaient de femmes, s’emparèrent de jeunes filles appartenant au
peuple voisin des Sabins.
Chapitre 6 - Rédaction
L'épithalame
Maison où les voyageurs peuvent être logés et nourris, en échange d’une rétribution.
L’Académie française fondée par Richelieu en 1635 sous le règne de Louis XIII.
L'un des nombreux fleuves des Enfers qu'il fallait traverser, après avoir payé le nocher
Charon, pour accéder au royaume de Pluton.
Chapitre 4 - Orphée
l’Antée
Antée était un géant qui retrouvait ses forces dès qu’il touchait le sol.
Chapitre 9 - Gavroche
L’antichambre
Variété de chêne.
Chapitre 4 - Orphée
L’archimandrite
Surveillant, gardien.
Celui qui ne prête pas son argent, et celui qui le prête (à usure).
C'est un lac marécageux qui passait pour être une autre entrée des Enfers.
Chapitre 4 - Orphée
L’éclatante vertu
L’éclatante force (vertu vient du latin virtus et signifie « mérite de l’homme »).
Chapitre 4 - Orphée
L’hidalgo
Le noble espagnol.
Chapitre 4 - Orphée
L’impertinence
L’absurdité, l’incompétence.
Madame du Châtelet.
La Fare et les auteurs suivants sont des écrivains célèbres de l’époque aujourd’hui
complètement oubliés pour la plupart.
Chapitre 4 - Recueillement
La gravité fervente
« la poudre de succession » est une expression désignant les poisons dont on se servait pour
hâter l’acquisition d’un héritage au XVIIe siècle (C’est l’Affaire des poisons).
Orphée.
Chapitre 4 - Orphée
Le chantre du Rhodope
Chapitre 4 - Orphée
Le chantre fils des immortels
Chapitre 4 - Orphée
Le Cid Campeador
Le Cid est le surnom donné par les Maures à Rodrigue. Cela veut dire « le seigneur ».
Campeador signifie « batailleur ».
Le laurier est dit « virginal » parce qu'il cache Daphné restée vierge.
Chapitre 4 - Orphée
Le masque de fer
Le monstre dont la triple tête se hérisse de serpents de Méduse est le chien Cerbère qui
garde l'entrée (et surtout) la sortie des Enfers.
Chapitre 4 - Orphée
Le sacrifice d'un gage amoureux
Alphonse n’a aucun scrupule à offrir à son épouse l’anneau qu’une autre femme lui a donné.
Chapitre 6 - Rédaction
Le Styx
Chapitre 4 - Orphée
Le voluptueux
Femmes échevelées, à demi nues ou couvertes de peaux de tigres, la tête couronnée de lierre,
dansant, remplissant l'air de cris discordants et célébrant le culte de Bacchus.
Chapitre 4 - Orphée
Les cuirassiers
Chapitre 9 - Waterloo
Les défuntes Années
Chapitre 4 - Recueillement
Les deux tercets
On pourrait aussi considérer que les tercets forment un distique à rimes plates (cc) suivi d’un
quatrain à rimes embrassées (deed).
Les amants.
Le bât est le dispositif que l’on place sur le dos des bêtes pour le transport d’une charge.
Chapitre 9 - Le mendiant
Leurs princes les rallient
Chapitre 9 - Le mendiant
Licence
Chapitre 4 - Recueillement
Locution
Éclat.
La mère aux monstres veut probablement dire « agonir » qui signifie « insulter ».
Mauvaise mère.
« Tu me le paieras », en espagnol.
Chapitre 6 - Rédaction
Mécréants
L’adjectif mélioratif s’utilise pour présenter une chose ou une personne sous un aspect
favorable. C’est le contraire de péjoratif.
Chapitre 4 - Orphée
Mesuré
En vers.
Le mot est employé au sens premier (le serviteur, dans une religion).
Chapitre 4 - Orphée
Mitron
Garçon boulanger.
Chapitre 9 - Gavroche
Modiste
Celle qui vend des chapeaux. Dans la société du XIXe siècle, les modistes passaient pour des
femmes au cœur tendre.
Chapitre 6 - Rédaction
Mœurs
Comportement, habitudes dans une société relatifs à la pratique du bien et du mal ; règles de
vie imposées.
Dans une pièce de théâtre, scène où un personnage par seul. C’est le contraire de dialogue.
Maladif, anormal.
Mourant, agonisant.
Chapitre 4 - Recueillement
Mouches
Petites rondelles de tissu noir, que les femmes se collaient sur le visage par coquetterie et qui
ressemblaient à des grains de beauté.
En France, à la fin du XVIIIe, le mot musée a eu des difficultés à l’emporter sur muséum.
C’est pourquoi on trouve encore les deux (on dit Le musée du Louvre mais le muséum
national d’Histoire naturelle).
Chapitre 4 - Orphée
Ne déguises-tu rien
Ne caches-tu rien ?
Ne peut supporter.
Enfoncement dans l’épaisseur d’un mur pour abriter une statue ou un buste.
Chapitre 9 - Le mendiant
Nippée
Habillée.
Don Diègue a été fait gouverneur du prince de Castille, motif de la colère du comte de
Gormas qui l’a insulté.
Chapitre 3 - Récitation
Nuée
Gros nuage.
Chapitre 9 - Gavroche
Nymphes
Chapitre 4 - Élégie
Olénus
L'histoire de cet homme qui, comme Orphée, voudrait partager le sort de sa femme n'est pas
davantage connue que celle du berger.
Chapitre 4 - Orphée
Omnibus
Voiture publique transportant des voyageurs dans une ville (omnibus signifie « pour tous »,
le mot est de la même famille que bus).
Chapitre 9 - Gavroche
On n’a pas laissé de
Quand un bagnard s’est évadé, on tire un coup de canon afin de donner l’alerte.
Chapitre 3 - Récitation
Paraissent
Apparaissent.
La parodie est une imitation qui tourne en ridicule une œuvre. Ainsi, le poème de Georges
Fourest est une parodie du Cid de Corneille.
Quelqu’un qui est partial prend parti pour une personne ou une autre ; il n’est pas juste, pas
équitable, il est impartial.
Bijoux.
S’utilise pour un mot ou une expression qui comporte une idée négative, défavorable.
Doute, incertitude.
Chapitre 4 - Orphée
Persépolis
Une des capitales de l’empire Perse, fondée par Darius Ier au Ve siècle avant Jésus-Christ.
Civilisé, raffiné.
Lâche, peureux.
Chapitre 6 - Évaluation 2
Polysémique
Solennité.
Rouge foncé.
Le commencement, le début.
Agile, rapide.
Orphée.
Chapitre 4 - Orphée
Prévint
Devança.
Chapitre 6 - Rédaction
Privautés
« Avoir des privautés » signifie prendre des libertés, avoir des familiarités avec quelqu’un.
Rapide.
Personne parlant pour dieu, annonçant des vérités cachées. Dans cet extrait, il s’agit de
Jonas.
Accablée, effondrée.
Sagesse de Dieu sur les hommes et les choses. On l’appelle aussi le destin.
Apollon.
Chapitre 4 - Orphée
Pygmée
Chapitre 9 - Gavroche
Qu’il était venu pour réformer
Qu’il était venu pour appliquer des réformes (rétablir la forme première dans un ordre
religieux).
Cause.
Chapitre 3 - Récitation
Question
Se moqua.
Chapitre 6 - Évaluation 2
Rapière
Réfléchi, calme.
Semblables, égaux.
Condamnation, désapprobation.
Son amour (voir plus bas l’expression « aux feux de notre amour »).
Un hiver, saint Martin rencontre un mendiant pauvrement vêtu. Dégainant son épée, il taille
en deux sa cape pour en donner la moitié au pauvre.
Chapitre 9 - Gavroche
Salutaires
Profitables, bienfaisantes.
Le schéma narratif découpe un conte en cinq parties (la situation initiale, l’élément
perturbateur, les péripéties, l’élément de résolution et la situation finale).
Les Scythes sont un peuple nomade vivant dans les steppes eurasiennes (nord-ouest de
l’Asie).
Se confiait.
Se supporter.
Bizarre, étonnante.
Chapitre 6 - Évaluation 2
Six pieds
Chapitre 6 - Rédaction
Son thyrse
Bâton surmonté d'une pomme de pin. C'est l'un des attributs de Bacchus et de ses
bacchantes.
Chapitre 4 - Orphée
Soubresaut
Frisson, tressaillement.
Chapitre 6 - Évaluation 2
Stance
Chapitre 9 - Gavroche
Surannées
Démodées.
Chapitre 4 - Recueillement
Surtout
Chapitre 8 - Quasimodo
Swedenborg
Ce scientifique suédois est connu pour ses rêves et ses visions (des anges, le paradis...).
Mots qui ont la même signification (ou une signification très proche).
Tantale et ceux mentionnés ci-dessous sont tous les coupables châtiés aux Enfers.
Tantale, qui a donné son propre fils à manger aux dieux, est condamné à une faim et une soif
éternelles ;
Ixion, qui a voulu violer Junon, est attaché à une roue enflammée qui tourne
perpétuellement ;
Tityos, foudroyé pour avoir tenté de violer Latone, voit son foie sans cesse renaissant dévoré
par deux vautours ;
les Danaïdes (filles du roi Danaos), ayant tué leurs maris, remplissent un tonneau percé qui
se vide continuellement ;
Sisyphe, qui a osé enchaîner la Mort, pousse sans fin un rocher qui retombe aussitôt hissé en
haut du sommet.
Chapitre 4 - Orphée
Tartare
Le Tartare est l'endroit le plus profond des Enfers, là où sont les condamnés à un châtiment
éternel.
Chapitre 4 - Orphée
Tenaient à bail
Louaient.
Caverne considérée par les Anciens comme l'une des portes des Enfers.
Chapitre 4 - Orphée
Tétraèdre
Figure géométrique.
Chapitre 8 - Quasimodo
Théatin
Chapitre 9 - Gavroche
Toiser
Chapitre 9 - Gavroche
Toises
Chapitre 9 - Waterloo
Tombereau
Sorte de charrette sur deux roues que l’on peut décharger en la basculant.
Grands chandeliers.
Tous les employés du cabinet (service chargé de la préparation des affaires du ministère).
Maladie infectieuse.
Un couvent de moines.
Gavroche repense au perruquier qui avait chassé les enfants qu’il accompagne.
Chapitre 9 - Gavroche
Un demi-mage
Un janséniste. Le jansénisme est un courant religieux du XVIIe siècle créé par Jansenius.
C’est ici, en fait, un abbé. Chez les Perses, le mage est un prêtre de Zoroastre.
Une porte dont les dimensions permettent l’entrée d’une voiture (le coche) dans la cour d’un
bâtiment.
Chapitre 9 - Gavroche
Une superbe rivière de diamants
Soir.
La vertu s’oppose au vice et désigne la force morale avec laquelle on tend vers le bien.
Pièce d’entrée.
Changements.
Personne qui a (ou croit avoir) des visions, des idées folles.
Nom persan de Zoroastre (on dit également Zarathoustra). Voltaire s’amuse en assimilant
Jansenius à Zerdust.