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Villes en parallèle

Cherchell : aspects urbanistiques de l'archéologie urbaine


Bachira Ben Ali, Seddik Hammache

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Ben Ali Bachira, Hammache Seddik. Cherchell : aspects urbanistiques de l'archéologie urbaine. In: Villes en parallèle, n°36-37,
décembre 2003. Villes algériennes. pp. 196-209;

doi : https://doi.org/10.3406/vilpa.2003.1397

https://www.persee.fr/doc/vilpa_0242-2794_2003_num_36_1_1397

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Résumé
L’idée de base à partir de laquelle est généré le débat sur le devenir de la ville antique de Cherchell est
celle qui explique dans un même contexte les aspects urbanistiques de l’archéologie urbaine :
comment concilier archéologie et projet urbain ? Cela n’est possible qu’à travers des outils appropriés
comblant les lacunes existantes dans les instruments d’urbanisme adoptés actuellement en Algérie
(PDAU et POS). Ces instruments se caractérisent par une protection passive du site archéologique en
le considérant, a priori, comme zone non aedificandi. Il est alors mis hors de tout circuit de la
dynamique urbaine. Ces outils, qui se présentent sous forme de fiches d’inventaire et d’identification
des sites archéologiques, viennent donc illustrer la voie intermédiaire entre celle des partisans de la
conservation et celle des défenseurs de la ville. Elles ne sont en fait que le mode opératoire du projet
de parc archéologique.

Abstract
The discussions on the future of the antique city of Cherchell stem from a basic idea, one which
explains in a given context the urbanistic aspects of urban archeology : how to reconcile archeology
and urban projects ? This can only be achieved through the use of suitable tools filling the existing
gaps in the urbanism instruments currently implemented in Algeria (PDAU and POS). These
instruments are characterized by passive protection of the archeological site, considering it a priori as a
non constructable area. It is then excluded from all urban dynamic circuits. These tools, consisting of
sheets listing and identifying the archeological sites, therefore illustrate the intermediate path between
that taken by those in favor of conservation and that taken by the advocates of the city. They simply
represent the operating mode of the archeological heritage project.
Bachira BENALI, Seddik HAMMACHE
■ Résumé : Cherchell : aspects urbanistiques de l’archéologie urbaine

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■ Mots clefs : archéologie urbaine, projet urbain, récupération, inventaire, parc archéologique

■ Abstract : Cherchell: urbanistic aspects of urban archeology

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which
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POS). These instruments are characterized by passive protection of the archeological site,
considering it a priori as a non constructable area. It is then excluded from all urban dynamic
circuits. These tools, consisting of sheets listing and identifying the archeological sites, therefore
illustrate the intermediate path between that taken by those in favor of conservation and that taken
by the advocates of the city. They simply represent the operating mode of the archeological
heritage project.

H Key words I urban archeology, urban project, recovery, list, archeological heritage

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CHERCHELL : Bachira
BENALI
ASPECTS URBANISTIQUES
DE L’ARCHÉOLOGIE
Seddik
URBAINE HAMMACHE*

Cherchell, ville du littoral algérien, est implantée sur la bande côtière


située à environ 100 km à l’ouest d’Alger. Ville romaine, jadis capitale de la
Maurétanie, elle s’appelait alors Caesarea, et plus avant à l’époque phénicienne
elle s’appelait loi. La ville atteint une splendeur à son apogée à l’époque
romaine. Elle subit actuellement une dégradation qui s’accélère de jour en jour.
Des richesses irremplaçables sont en péril à bien des égards. L’image de la ville
se modifie sans cesse dans un sens irrémédiable. Comment agir vis-à-vis de
cette histoire qu’on ne peut ignorer ? que faut-il conserver ? comment faire pour
établir une continuité dans le processus de formation historique de la ville ?

■ Instruments d’urbanisme et sites archéologiques


Si le concept de patrimoine archéologique a eu largement le temps
d’évoluer dans les pays développés et que sa prise en charge devient de plus en
plus le centre d’intérêt des sciences humaines, techniques et économiques, en
Algérie, la situation est tout autre. Cela est du à la sommation de plusieurs
facteurs qui ont créé la rupture dans le processus évolutif du concept de

*Ecole Polytechnique d’ Architecture et d’Urbanisme, EPAU, Alger

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Cherchell : aspects urbanistiques de l’archéologie urbaine

conservation et de sauvegarde des sites archéologiques. Le site historique de


Cherchell, pourtant classé, connaît une situation critique ; il n’a jamais été
réellement pris en charge dans les aménagements urbains.
Les instruments d’urbanisme adoptés actuellement en Algérie, à savoir
PD AU et PO S, se basent sur le zoning dans l’affectation du support fonctionnel
de la ville ; sur le plan morphologique, on n’arrive pas à contrôler le processus
de formation que subit la ville à travers toutes les étapes de l’histoire. De tout
cela résulte alors une fragmentation de la ville, en miettes tant du point de vue
morphologique que fonctionnel. Cet état de fait n’épargne alors pas les sites
archéologiques, qui sont a priori considérés comme une contrainte à
l’urbanisation, donc hors de tout circuit d’aménagement urbain.
En créant cette tutelle passive sur le site, l’instrument d’urbanisme réduit
la vraie valeur du site archéologique. On se contente de le mentionner sur le
plan comme zone non aedificandi. Il est alors considéré comme une contrainte à
l’évolution et non une potentialité ; de ce fait, le site archéologique devient une
tache morte dans un tissu vivant, qu’il faut alors séparer de son cadre
environnant.
Dans ce sens, il est impératif d’entreprendre des opérations destinées à
démontrer à l’opinion publique la richesse archéologique de son sol et prouver
sa valeur historique. Mais le conserver passivement comme une réserve
exclusivement archéologique n’est plus un instrument très solide. L’idée est de
transformer cette faiblesse en force dynamique, de convertir cette richesse en
parc culturel et d’offrir à la population un espace de culture, de détente et d’en
faire un pôle attractif. Des mesures à prendre s’avèrent urgentes : la révision du
code du patrimoine et du code de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire,
où les dimensions archéologiques sont intégrées. Il est indispensable de prendre
en charge le site archéologique dans les instruments d’urbanisme, qui doivent
considérer la ville en tant qu’ entité où toutes les composantes sont étroitement
liées et n’admettent pas d’être dissociées. La ville ne peut plus être considérée
comme la simple sommation de ses parties. Dans ces conditions, le site
archéologique pourra trouver sa vraie valeur dans la ville et sera donc intégré
dans la dynamique urbaine.
En effet, la réduction de la ville à quelques fonctions urbaines précises1,
d’une part, et l’anéantissement de ses acquis historiques d’autre part,
provoquèrent la déchirure théorique et pratique entre ville et architecture par des

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Bachira BENALI, Seddik HAMMACHE

solutions urbaines ramenées à de simples plans de zoning tout à fait abstraits.


Ainsi leurs répercussions négatives sur la ville ancienne se concrétisent sous
deux aspects importants :
apparition de la notion de modernité et de nouveauté à tout prix, alibi de
l’improvisation ;
perte de la ville comme établissement urbain doté d’une cohérence
formelle en continuité avec l’existant.
Il est alors opportun aujourd’hui de dénoncer les carences des pratiques
courantes de l’urbanisme et de l’architecture de ces dernières décennies, car
l’application des modèles théoriques du mouvement moderne 2, non issu d’une
lecture exhaustive du tissu urbain, provoque une perte de crédibilité de ces
nouveaux aménagements de la société contemporaine. Le problème est alors de
grande actualité. Comment faire épouser la modernité avec l’histoire
matérialisée dans la stratification3 de la ville ?
Pour cela, un retour au centre, dans lequel ce lieu semble définir une
nouvelle culture possible de la ville, modifie les principes qui régularisent la
croissance urbaine. Personne ne peut ignorer que la ville déjà construite au
début de l’urbanisme est l’objet d’interventions et de processus qui ont altéré sa
structure originelle. Le renouveau urbain, en d’autres termes, n’est pas un
problème actuel, mais naît dans le moment même où s’instaure l’élargissement
de la ville. Rénover donc, non dans le sens de renier ce qui a été produit dans le
passé, mais au contraire dans le dessein de conserver et d’améliorer cette
production comme contrepartie à l’extension des établissements urbains. De ce
fait, le programme de conservation trouve, en particulier dans les centres
historiques, le point de convergence des intérêts culturels et du renouveau
global de la ville.

■ Inventaire des sites archéologiques : fiches analytiques et


DESCRIPTIVES

À partir de la définition de la structure de l’urbain de Cherchell et de ses


qualités4, en partageant le territoire étudié en zones homogènes et identifiables,
on doit analyser en détail et évaluer les lieux émergents. Cela induit à une
lecture et une approche projectuelle basée sur un inventaire des valeurs
présentes, en l’occurrence les sites archéologiques. De là, naît l’idée de procéder

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Cherchell : aspects urbanistiques de l’archéologie urbaine

à l’identification de ces lieux à travers des fiches analytiques, qui ne sont en fait
que des outils de lecture et de projet détaillant les éléments d’intérêt essentiel de
la structure urbaine.
Par une méthode de simulation, on considère ces éléments comme
cellules primaires d’un tissu : la ville. La fiche fait fonction d’un outil
microscopique, qui permet de donner une vision plus détaillée et une
décomposition de l’élément selon plusieurs systèmes contribuant à sa
compréhension. Cette décomposition selon plusieurs niveaux d’interprétation5
permet de mettre en évidence tous les problèmes, ce qui rend l’intervention plus
fiable. La recomposition de tous ces éléments au sein de la structure globale du
parc archéologique permet de donner l’intervention la plus exhaustive. Le
classement des informations, ainsi que l’emploi des connaissances collectées,
sont conditionnés par les buts et par les schémas logiques adoptés6.
Il ne s’agit pas uniquement de rendre explicite toute l’information que
recèlent les ruines de construction antique ; il ne s’agit pas non plus de
transformer en un système des éléments incompréhensibles, parce qu’ils ont été
déracinés du contexte d’origine. Assurer la proximité comme source narrative et
d’apprentissage collectif peut porter à la réinvention7 des aménagements perdus,
en les proposant à nouveau dans un contexte qui en exalte la valeur de
permanence.

Les fiches sont établies ainsi :


Site dans l’état actuel Site par rapport au contexte urbain
A Localisation A Structure de conformation
B Superficie B Structure du publico-collectif
C Historique/formation-transformation C Structure fonctionnelle
D Description/ typologie D Structure de l’urbain
E État de conservation E Valeurs et potentialités
F Causes de dégradation/risque F Problèmes et inconvénients

Avec de tels préambules, les décalages entre la phase d’identification et


la phase de mise en œuvre (car le contexte d’analyse entraîne par conséquent
des politiques d’intervention spécifiques) devraient se réduire considérablement.
En somme, la fiche, par le niveau de détail qu’elle traite, permet d’éviter une

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Bachira BENALI, Seddik HAMMACHE

échelle intermédiaire entre le projet urbain et le projet architectural. En


conclusion, la fiche analytique de diagnostic et de projet est un des supports
d’un dialogue qui doit s’instaurer entre archéologues-architectes et urbanistes :
la fiche ainsi définie est le mode opératoire du projet.

Parc archéologique de Cherchell

Les thèmes projectuels pour les aires d’intérêt primaire, les ingrédients
principaux pour le projet d’une nouvelle structure par rapport aux éléments
invariants, devront être : le parc archéologique, le traitement des marges et
abords des sites archéologiques, et les modalités d’édification par rapport à
l’existant.
Le thème des abords est un thème diffus dans une ville historique où doit
être reconnu, consolidé et valorisé le thème du vide urbain. Les abords sont
ainsi un thème projectuel. Le thème du parc archéologique est un ingrédient
indispensable pour la conservation et la valorisation des sites archéologiques et
des profils naturels, mais aussi comme lieu de rencontre et d’agrégation de la
ville contemporaine, considérée comme lieu de séparation ou de transition entre
l’édifié et le non édifié, lieu privilégié de contact dans la forme de la ville, soit
par des espaces verts, soit des aires de grande vue panoramique. Les
caractéristiques archéologiques que possèdent ces aires suggèrent certainement
un usage prédominant comme parc. Mais leur rôle potentiel d’aires centrales,
exige qu’ils contiennent équipements et services à l’échelle de la ville. A cet
instant, le parc devient ainsi le centre-ville et le centre-ville est contenu dans le
parc8. Ainsi, peut être conçu le réseau vert.

Objectifs
Le projet tend à retrouver dans l’esprit du cardo et du decumanus
romains un système de cheminements (axes) qui permettent de définir toute la
ville à partir du centre, tout en tenant compte des apports des différentes
époques. Ainsi, les sites archéologiques, dépourvus de leur valeur d’usage,
peuvent disparaître à jamais. Pour cela, le projet étudié, vise à un contrôle
quantitatif formel des interventions, pour :
respecter et mettre en valeur les permanences archéologiques,

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Cherchell : aspects urbanistiques de l’archéologie urbaine

former les espaces collectifs des échanges de la vie sociale et culturelle


autour de ces permanences.

Il s’agit de faire coïncider ces espaces avec les lieux d’articulation forts et
lisibles qui régissent la composition urbaine. Le plan est conçu dans cette
perspective. Il doit être doté d’une souplesse qui en fera simplement une strate
d’un projet inachevé qui par conséquent peut recevoir d’autres transformations.
Par ailleurs, est mis en place un contrôle ferme des relations constantes utilisées
depuis toujours dans l’espace urbain (alignement, axialité, différents types de
symétrie...). Son contenu détermine en détail pour tout le territoire de la ville le
système des éléments de permanence physique, historique et urbaine.

L’intervention attachée à la problématique de la ville œuvrera donc :


d’une part, à remédier à la rupture historique et morphologique entre les
deux entités de la ville (centre et périphérie) ; cette tâche se fera par la
récupération et la revalorisation d’un parcours historique (decumanus
maximus) dont les édifices et structures monumentales qu’il reliait
autrefois redeviendront de nouveaux éléments de composition urbaine ;
d’autre part, à une sauvegarde intégrée des structures antiques qui
deviennent nœuds ponctuant le tracé sur lequel s’appuie la nouvelle
structure proposée pour la ville.
La création de bandes d’interposition ou zones tampons en arrière de
certains sites archéologiques joue un rôle de contraintes, mais aussi
d’usages précis avec des fonctions récréatives et sportives.

Le contrôle est ferme aux points de qualification urbaine. Ces éléments


par leur qualité urbaine architecturale et historique, leur tracé géométrique,
deviennent l’ossature portante de la ville. La mise en valeur des systèmes de
présences historiques s’obtient grâce à la construction d’une forte image unitaire
d’une structure qui réordonne et réorganise selon les séquences conceptuelles,
formelles et les parcours fonctionnels, les éléments dispersés dans la ville. Le
rôle de la structure portante est confié à la voirie, principalement existante, qui
lie tous les épisodes entre eux.

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Recommandations générales
L’objectif de cette intervention est de donner la dimension réelle à la
solution proposée. Les solutions peuvent aller de la protection pure et simple à
la nouvelle édification. L’hypothèse projectuelle d’un réseau vert est faite sur la
base de plusieurs critères dont les plus importants sont :
l’encadrement de la zone d’étude en un modèle d’ordonnancement d’un
parc archéologique ;
un projet unitaire et organique pour toute la ville dans laquelle est
constitué un système homogène et intégré des sites archéologiques ;
l’aménagement par partie pour la faisabilité et l’exigence
opérationnelle, mais selon un paramètre fonctionnel, morphologique et
dimensionnel, capable de garantir la continuité du projet ;
l’étude des abords pour individualiser toutes les possibilités d’accès
aussi bien fonctionnel que visuel et ressortir avec une solution
adéquate ;
la mise en évidence des parcours piétonniers à réaliser dans le système
pour l’émergence des signes historiques, archéologiques, et naturels,
dont la lecture en séquences est le moment projectuel à privilégier ;
la prévision des masses d’arbres de façon à souligner les parcours
piétonniers pour accentuer le caractère d’unité formelle et structurelle
du parc.

Règles d’intervention
Le projet urbain agit comme un élément venant renforcer les structures
déjà existantes dans la ville. C’est donc à partir d’une évaluation des
préexistences qu’il faut adopter le thème d’intervention, allant de la
requalification conservatrice à la nouvelle édification. Ainsi naît l’idée du
réseau vert qu’on interprétera à plusieurs niveaux, sur le plan géométrique et
formel:
établissement de l’implantation des constructions validées selon une
double trame,
celle de la structure antique (tracés hypothétiques de la trame romaine),
celle de la structure existante de la ville.
On se propose donc de créer ce réseau sur la base des axes qui relient
toujours les différents pôles à créer (éléments à haute charge significative)

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Cherchell : aspects urbanistiques de l’archéologie urbaine

comme nouvelle composante de la ville. Cette géométrie, appuyée par une


structure distributive, prend naissance sur la structure existante. Ce projet de
réseau a permis de faire émerger le système d’îlots, qui à l’évidence a une
conformité avec l’existant. La notion de l’îlot, introduite à Cherchell par les
colonisateurs français, est devenu l’élément indispensable de la structure de la
ville. Un système de distribution dans l’îlot est représenté par la cour intérieure
qui joue le rôle du jardin ou du patio, qui sont des invariants de la maison
cherchelloise. La relation entre la place et l’îlot est matérialisée par la galerie
qui a un aspect monumental, pour lui donner un certain niveau de complexité et
pour devenir un pôle de référence urbain. Faire une architecture de la
stratification urbaine, tel est l’objectif visé par ce projet urbain, tant sur le
contenu que sur l’expression des façades. Autour de chaque site archéologique,
on propose un langage architectural et architectonique qui peut être considéré à
la fois comme une règle de contrôle à la parcelle et comme un rapport public et
privé.

Structure portante du parc


1. Decumanus
Chaque projet est structuré sur un axe qui a le rôle d’axe portant sur
lequel et le long duquel se concentrent les épisodes les plus importants, où se
greffe la voirie secondaire qui mène à des séquences proches. Tout cela peut
être entendu comme un musée en plein air. Le parc archéologique devient un
mode de qualification urbaine de Cherchell. L’axe portant de cette structure à
proposer {decumanus à souligner) est pris à ses deux extrémités entre deux
points forts similaires qui marquent le début et la fin de la traversée Est-Ouest
du centre historique. Ces deux points marquent les portes de la ville, qu’il faut
renforcer à travers la forme et les fonctions qui les constituent. L’emplacement
hypothétique des portes romaines définit celui des portes du projet. Ainsi, cet
axe sera ponctué par des éléments de référence et de repère importants par leur
histoire ou par leur configuration spatiale dans le site ou encore par la
superposition de leurs qualités.

2. Valorisation du car do
Ce sera l’axe qui rééquilibrera le sens du développement de la ville en
système de cheminements piétonniers Nord-Sud qui viennent se greffer sur

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l’axe du decumanus antique. Le cardo, de restructuration d’époque coloniale,


constitue l’axe qui va jouer le rôle de liaison entre la partie Nord et la partie
Sud. En effet, de par sa configuration, il relie le théâtre romain à la partie nord
de la ville, passe par la partie fouillée du forum et traverse le decumanus : le
point de concours des deux axes apparaît un évènement urbain dont il faut
veiller à la qualité architecturale (façade du forum) et urbaine des bâtiments
environnants.
Ainsi, le parc archéologique doit être marqué par des points d’accès et
converger sur les zones archéologiques. Ce parcours doit être jalonné par une
succession de panneaux illustratifs : orientation des visiteurs, présence de
situations dominantes particulières pour le paysage, mise en évidence des
parcours piétonniers, implantation de centres de services et de documentation,
hôtels, centres de restauration avec utilisation principale des produits et
ressources alimentaires locales, parcs de stationnement pour les véhicules.

3. Projet de « places-portes »
S’il existe une architecture de la limite, elle a toujours été la résultante de
puissants phénomènes urbains, car le statut des villes anciennes, les nécessités
de défense par une limite physique qui protège la cité, ont généré jusqu’au
XIXe siècle une des structures des plans universels : enceinte fortifiée et ses
points de pénétration, les portes.
La porte ici est un lieu symbolique, lieu de charge intense, souvent le
siège d’institutions. La croissance du centre historique entraîne la désaffection
des anciens murs et leur substitution par des espaces urbains de type nouveau: le
boulevard. La récupération des portes romaines de la ville de Cherchell,
notamment porte d’Alger, porte de Ténès, porte de Miliana et porte Bab el Bahr,
est une tentative qui a pour objectif une simulation de l’évolution d’un lieu pour
démontrer ses potentialités. Cette tentative mène à la structuration de tout
l’espace à l’intérieur des limites des portes.
Ainsi, on a fixé plusieurs nœuds à différentes échelles et à plusieurs
niveaux d’interprétation :
nœuds à l’échelle territoriale : cas des quatre portes de la ville Nord-
Sud-Est-Ouest ;
nœuds à l’échelle urbaine : l’actuelle esplanade, porte de Ténès ; les
nœuds relatifs à l’emplacement des sites archéologiques ;

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Cherchell : aspects urbanistiques de l’archéologie urbaine

nœuds à l’échelle du quartier : la place-porte joue le rôle de repère ; elle


est un point de convergence et de changement de direction, un point où
il faut faire un choix. Elle permet de structurer et d’orienter l’espace.
Le projet détaillé de chaque porte doit répondre aux recommandations
suivantes :
interpréter la mémoire du lieu de la porte ; créer un lieu particulièrement
attractif, d’une spécificité qui représente pour la conscience collective
des charges significatives ;
mettre en valeur le point de convergence de plusieurs tracés, c’est à dire
rassembler l’ensemble des tracés existants et projetés et les ramener au
centre de la place ;
donner un caractère spécifique à la place-porte avec une typologie
reflétant toute la stratification de la ville, en la dotant d’équipements
monumentaux qui servent d’éléments d’appel.
Le projet de place-porte opère son ancrage dans l’histoire et dans
l’espace ; il devient étape de transformation d’un lieu, dialogue avec le
passé et pose les jalons pour le futur.

4. Le Forum
La partie du forum fouillée, qui est le premier épisode de la promenade
archéologique, est l’une des premières traditions urbaines de la ville romaine. Il
génère le point de concours des deux axes cardo et decumanus. Afin d’atteindre
la réintégration de l’image de cette partie de ville, on pense interpréter cette
expression et ce contenu sur les façades qui enveloppent cette partie et jusqu’au
point de concours actuel des deux axes. Dans cette partie du parc, des mesures
urgentes sont à établir : restauration immédiate de la mosaïque, puis protection
de site, soit par des résines, soit par une construction couverte.

5. Le théâtre romain
Le théâtre est situé au point de convergence de plusieurs axes {cardo, axe
parallèle au decumanus le reliant à l’amphithéâtre, aux thermes de l’Est et au
cirque romain). Cette convergence confère au site une situation stratégique apte
à être une place à l’échelle de la ville, dont l’enveloppe sera formée par un tissu
historique de valeur reconnue, mais dont l’état de dégradation est assez avancé.
Il est impératif de : réhabiliter les façades environnantes de la place ; restaurer la

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Bachira BENALI, Seddik HAMMACHE

façade du théâtre sur la rue du Caire afin de reconstituer la logique du texte


urbain (le théâtre formait le fond du forum) ; changer la fonction de quelques
maisons dont la valeur historique et architecturale est appréciable ; intervenir
sur les lieux les plus dégradés, protéger le site des intempéries par une
couverture transparente et légère ; rendre le site visitable sans pour autant le
surexploiter.

6. Les thermes de l ’Ouest


Ce site a une situation très stratégique par rapport à la ville. Il relie deux
valeurs importantes, une d’ordre paysager (naturel), l’autre d’ordre historique.
Pour la récupération de ce site et sa réintégration dans la vie de la ville, il faut
restaurer les ruines existantes et définir les limites du site. Les constructions
contiguës au site doivent être dégagées, qui donnent l’impression d’étouffer les
thermes, pour libérer la perception des ruines de n’importe quel point, que ce
soit du decumanus ou de l’esplanade. Sur la base de l’étude historique du tissu
de cette zone, d’un reportage photographique et de l’analyse de l’état actuel, on
constate sa valeur historique (partie de la médina). Il est donc impossible de
procéder à une démolition. Il faut impérativement le valoriser et le réhabiliter.

7. Amphithéâtre
Porte du projet dans sa partie Est, cet amphithéâtre doit être l’objet d’un
projet de récupération selon les critères suivants : conserver ce qui reste de la
ruine et la protéger des intempéries et des effets de l’homme, créer un espace
vert ombragé environnant, pour prévenir toute intervention ultérieure pouvant
être source de nuisance pour la ruine ; mettre en évidence l’axe greffé sur le
decumanus et menant vers ce site, le mettre en valeur par des plantations pour
marquer sa configuration et sa perspective ; appuyer cet axe par une enveloppe
bâtie, contenant des fonctions et des activités d’appui à la ville et aux touristes
(accueil, documentation, hôtels).

■ L’archéologie urbaine doit être en mesure d’aider les architectes et


urbanistes à mieux cerner certains phénomènes, à déterminer les équilibres
existants et à améliorer de ce fait la gestion urbaine. Les données
archéologiques peuvent en effet susciter une réflexion sur les conditions d’une
protection active du tissu ancien et les possibilités de constructions neuves dans

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Cherchell : aspects urbanistiques de Varchéologie urbaine

le secteur sauvegardé. Le plus important n’est pas en définitive le maintien des


ruines, mais la production d’espaces où se mêlent histoire et modernité.
L’archéologie urbaine doit être en accord avec l’architecture et la ville, et en
mesure d’expliquer ce que l’identité d’un quartier doit à l’expérience, ce qui
doit être modelable et ce qui doit être préservé parce qu’indissociable d’une
entité. En d’autres termes, les vestiges archéologiques dans la ville sont des
protagonistes du projet urbain.

■ Glossaire

PDAU : Plan directeur d’aménagement et d’urbanisme


POS : Plan d’occupation des sols

■ Notes

1. Les fonctions urbaines d’après le courant progressiste ont été ramenées à


quelques fonctions précises : habiter, travailler, se promener. . .
2. Le mouvement moderne se voulait novateur dans ses pensées et ses
pratiques, malheureusement, ses desseins ont été déviés par de mauvaises
pratiques, entre autres les protagonistes de la promotion immobilière.
3. Dans son ouvrage « L’architecture de la ville », Aldo Rossi décrit le
phénomène de stratification par des termes issus de la physique des
solides : la stratification historique n’est quasiment pas un processus
mécanique de superposition d’un état culturel sur l’autre. Inversement,
c’est souvent un processus de fusion chimique et d’interprétation de
chaque strate culturelle avec la suivante.
4. Définition donnée par P. Colarossi dans Piano della struttura e
strumentiattuali : ipotesi di formadi continuita, in Studio urbanistico per
l’elaborazione del nuovo PRG di cetta Castellana, lere fase elaborate
preliminari 1995, Gruppo di lavoro S. Garano, E. Piroldi, P. Colarossi, M.
Talia, L. Ricci.

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Bachira BENALI, Seddik HAMMACHE

5. Définition de la structure de l’urbain dans Plan et architecture de la ville :


hypothèses de nouveaux instruments, A. Lévy, V. Spigai, ed Cluva,
Venezia, 1984.
6. La définition de tout système analytique a de l’influence sur l’esquisse et
vice versa ; l’idée du plan conditionne le choix des analyses possibles,
V. Erba, Le analisi per i piani urbanistici, in Urbanistica-informazione,
n°87, 1986.
7. A cet égard, on évoque l’œuvre du sculpteur Burri à Guibelleria, qui a
littéralement réinventé la ville détruite par le tremblement de terre en la
recouvrant sous une coulée de ciment.
8. La tradition des parcs comme lieux centraux dans la ville est à Rome une
tradition historique. Déjà au XVIe siècle, la lex horthorum émit un
ensemble de normes de comportements des visiteurs des parcs des villes,
qui révéla le rôle important dans la vie sociale du parc comme lieu de
rencontre et de relation.

209 Villes en parallèle /n° 36-37/2003

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