Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
de Besançon
Marinovic Ludmila Petrovna. Le mercenariat grec au IV<sup>e</sup>siècle avant notre ère et la crise de la polis Besançon :
Université de Franche-Comté, 1988. pp. 1-308. (Annales littéraires de l'Université de Besançon, 372);
doi : https://doi.org/10.3406/ista.1988.2268
https://www.persee.fr/doc/ista_0000-0000_1988_mon_372_1
historienne
grande
exactement,
nous
temps
quasi-totalité
H.W.
et
rien
-mercenariat
l'économique
(entre
(où
éminemment
J. se
qui
Ce
Roy)
sont
de
Parke
autres
sont
soviétique
partie,
livre,
ait
safamilières
ne
été
parution.
pourtant
grec
et
s'exprimant
l'ouvrage,
et
s'est
aqui
significative
spécialement
divers
une
du
été
en
de
constituait
en
politique.
I.lacune
prise
tant
multipliées
l'Institut
A
travaux
effet
C'est'
la
fondamental
dans
bibliographie
en
que
ajouté
dans
de
vrai
consacré
la
compte
pénétrants
phénomène
de
la
une
ce
première
aujourd'hui
les
au
recherche
Moscou,
type
des
études
cours
sur
àpar
une
antérieure
delangues
de
le
publication
société
Ludmila
de
réalisant
sur
analyse
plan
A.
comble,
occidentale
comme
laAymard,
la
dernière
événementiel,
-occidentales
àguerre
du
d1975
P.
cela
une
au
ensemble
militaire,
d'une
Marinovie
J.P.
moins
et
(ou.
l'était
décennie
synthèse
antique)
dont
Best
plus
qui
du
en
au
de
la
(3) Tel paraît bien avoir été le sens propre de cet ancien mot mycénien : cf.
M. Negri, "Epikouros", RLIL 111 (1977) p. 228-236.
VI AVANT-PROPOS
(6) Voir Ph. Gauthier, Les cités grecques et leurs bienfaiteurs {IVe-
Ier siècle avant J.-C, Contribution à l'histoire des institutions (Suppl.
XII au BCH ; 1985), en particulier p. 197-206.
17) D. Asheri. "Tyrannie et mariage forcé ", Annales ESC 32 11977)
p. 21-48. en particulier p. 39-40.
VIII AVANT-PROPOS
(171 T.V. Buttrey, Actes du IX'' Congrès int. numismatique de Berne 1979
(1982) p. 137-140.
(181 E.S.G. Robinson, NC 1937, p.l«2-l()().
(19) E.S.G. Robinson. NC 1948. p. 48-.%.
(20) O. Picard, Les Grecs devant la menace perse 11980) p. 231.
121 ) R. Stroud. Hesperia 43 (1974) p. 137-188 (lignes 8-10 de l'inscription! ;
les spécialistes ne s'accordent pas sur le degré de valeur légale qui leur
était accordé : cf. le Bull.ép. de J. et L. Robert.
(22) E. Ercolani Cocchi. RSA 12 (19821 p. 57. n.21.
AVANT-PROPOS XIII
1281 E.S.G. Robinson. NG 1920, p.l ; 1930. p.l. En revanche, le Dion qui
figure sur des monnaies de Zacynthe du IVe siècle ne saurait être le
célèbre Syracusain qui rassembla dans cette ville, en 357, les forces
nécessaires à l'expulsion du tyran Denys le Jeune : voir CM. Kraay,
Greek Coins and History (1969) p. 3-5.
129) H. A. Troxell. ASNMusN 22 (1977) p. 11-12.
(30) Voir T. Hackens, "Le rythme de la production monétaire dans
l'Antiquité", dans Numismatique antique : problèmes et méthodes (Annales
de l'Est, Mém. n° 44. 1975) p. 190.
(31) NS 11 11963) p.5«-59.
XVI AVANT-PROPOS
(35) Par ex., B. Halle, Historical Considérations on the Origin and the
Spread of Greek Coinage in the Archaic Age (Diss. Michigan, 1978)
p. 259 ; M.J. Price, dans Studies to Ph. Grierson II983I p. 6. D'une
bibliographie surabondante sur les origines de la monnaie, retenons
seulement quelques mises au point récentes : T. Hackens, "Chronique
numismatique", AC 46 (1977) p. 205-217 ; Ph. Grierson, The Origins
of Money (1977) : M. Lombardo, AIIN 1979, p. 75-121 ; D. Kagan,
AJA 86 (1982) p.343-360.
(36) A titre de comparaison voir, pour le Moyen-Age, Ph. Grierson,
"Commerce in the Dark Ages : A Critique of the Evidence". TRHS 5e s.. 9
(1959)p.l23-140.
XVIII AVANT-PROPOS
(371 Monnaies Cretoises du Ve au 1er siècle av. J.-C. {Et. Crét. XV. 1966),
p. 134-146.
AVANT-PROPOS XIX
Yvon GARLAN
INTRODUCTION
avant
relativement
précédent
caractère
caractéristiques
mercenariat
transformations
rémunération
peuvent
l'Antiquité
extrême
économiques.
époque,
l'étude
donnée,
elle
politique. de
donne
même
De
est
Le
se
qui,
tout
notre
dans
nombreux
permet
rencontrer
mercenariat,
ce
les
et
cependant
sous
en
d'un
de
amplement
de
point
tantôt
tendances
jusqu'à
les
ère
raison
court,
la
la
des
Suscité
de
armées
phénomène
réalité
société
structurelles.
est
de
facteurs
mieux
aux
ne
formes
de
ilparticulièrement
lié
vue,
nos
c'est-à-dire
jouant
de
connaît
matière
différentes
par
sa
historique
étrangères,
grecque.
àcomprendre
son
l'étude
rapidité,
jours
de
tout
semblables,
des
de
qu'un
caractère
développement,
nature
alors
àcauses
: qui
unle
du
Etant
grecque
époques
tantôt
transforme
service
est
ensemble
rôle
un
veut
mercenariat
les
politico-militaire,
intéressante.
multiples,
de
économique,
l'un
des
développement
particularités
infime.
comprendre
prenant
au
ces
accompli
dedes
traits
IVe
l'histoire
phénomènes
l'interdépendance
de
rapidement
phénomènes
Bien
siècle,
grec
ilproblèmes
spécifiques
une
Pour
revêt
contre
social
ses
d'une
au
qu'il
humaine,
le
sans
importance
profondes
IVe
un
àle
qui
ets'agisse
chaque
société
temps
socio-
siècle
dont
de
en
2 INTRODUCTION
(1) Citons quelques-unes d'entre elles, et tout d'abord trois ouvrages qui,
malgré les profondes divergences d'opinion entre leurs auteurs, ont
comme point commun de considérer le IVe siècle en rapport avec
l'époque hellénistique : M. Rostovtzeff . The Social and Economie History of
the Hellenistic World I (Oxford. 1941) ; J. Kaerst, Geschichte des Hel-
lenismus I, 3 (Leipzig-Berlin, 1927) ; A.B. Ranovic, Der Hellenismus
und seine geschichtliche Rolle (Moscou-Leningrad, 1950 ; tr. ail.
Berlin, 1958) ; voir aussi A. Tjumenev, Aperçu d'histoire économique et
sociale de la Grèce ancienne III (en russe ; Pg., 19221 ; G. Glotz, La cité
grecque (Paris, 1928) ; G. Glotz et R. Cohen. La Grèce au IVe siècle.
Histoire grecque III (Paris, 1936) ; H. Michell. The Economies of
Ancient Greece (Cambridge, 1940) ; M.O. Wason, Class Struggles in
Ancient Greece (London, 1947) ; A. Aymard et J. Auboyer, Histoire
générale des civilisations I. L'Orient et la Grèce antique (Paris, 1953) ;
V.N. D'jakov, "La Grèce dans la première moitié du IVe siècle" (en
russe), dans La Grèce antique (Ed. V.V. Struve et D.P. Kallistov,
Moscou, 1956) p. 391-447 ; Cl. Mossé, La fin de la démocratie athénienne.
Aspects sociaux et politiques du déclin de la cité grecque au IVe siècle
avant J.-C. (Paris, 1962) ; L.M. Gluskina, "Spécificité de la polis
grecque classique en relation avec le problème de sa crise ' (en russe), VDI
1973, 2, p. 27 sqq.
(2) Cf. Ed. Will, "Histoire grecque", RH 499 (1971) p. 125.
(3) C.r. de P. Vidal-Naquet dans Annales (ESC) 18 (1963) p. 346-351 ;
F.W. Walbank, CR 13 (1963) p.317-319. Voir aussi L.M. Gluskina,
Etudes sur les rapports socio-économiques en Attique au IVe siècle (en
russe ; exposé de thèse ; Leningrad, 19681 p. 5 sq.
(4) L.M. Gluskina. "Spécificité...", p. 27.
INTRODUCTION 3
(51 Cl. Mossé, op. cit. ; L.M. Gluskina, "Spécificité...", p. 27 sq. (y sont
rapportés des jugements divers, et parfois même tout à fait
contradictoires, sur les particularités fondamentales du développement de la Grèce
en général, et en particulier de l'Athènes du IVe siècle).
(61 J.V.A. Fine, Horoï. Studies in Mortgage, Real Security and Land
Tenure in Ancient Athens (Princeton, 1951) ; M.I. Finley, Studies in
Land and Crédit in Ancient Athens, 500-200 B.C., The Horos
Inscriptions (New Brunswick, 19511.
(7) M.I. Finley, op.cit., p. 57-60, 63, 284 sq., n.22 ; cf. la thèse de L.M.
Gluskina, VDI 1957. 4, P.164sç..
(8) L.M. Gluskina, "Spécificité...", p. 27 sq., 40.
4 INTRODUCTION
indiscutable aux historiens modernes) ' ', mais étudier avant tout la
naissance et le développement du mercenariat en en recherchant les
causes aussi bien dans les témoignages explicites que, de façon
indirecte, dans ce que les sources nous disent de la composition des
armées mercenaires et des conditions de leur recrutement.
Nous nous appuierons en outre, tout naturellement, sur les
résultats scientifiques obtenus dans l'étude de la polis et de sa crise,
et avant tout sur les travaux de S.L. Utcenko consacrés à la
République romaine du 1er siècle avant notre ère, qui nous ont intéressée
et rendu service à deux points de vue : par ses considérations
générales sur la polis antique et sa crise et, plus précisément, par son
étude du rôle de l'armée romaine à cette époque ' '. Il faut
cependant souligner que, malgré certaines ressemblances entre l'un et
l'autre phénomène (transformation de la composition sociale de
l'armée et place correspondante de cette armée dans la vie socio-
politique), l'histoire particulière de Rome conduisit dans l'ensemble
à des résultats différents. Si dans les armées grecques les citoyens
furent partiellement remplacés par des mercenaires qui étaient pour
beaucoup d'anciens citoyens, l'armée romaine était, elle,
"essentiellement constituée par des gens qui avaient jusque-là tout
19) Voir par ex. La Grèce ancienne (en russe) p. 393 (V.N. D'jakov) et 448
(S.A. Zebelev) ; Histoire Universelle II (en russe ; Moscou, 1956) p. 65
(D.P. Kallistov) ; Cl. Mossé, op. cit., p.314sg<7. ; "Armée et cité
grecque", ΚΕΑ 65 (1963) p. 290 sqq. ; "Le rôle politique des armées dans le
monde grec à l'époque classique", PGGA, p. 221 sqq. ; F. Vannier, Le
IVe siècle grec (Paris, 1967) p.49 ; S. Payrau, 'EIRENIKA.
Considérations sur l'échec de quelques tentatives panhelléniques au IVe siècle
avant J.-C", REA 73 (1971) p. 62 sqq.. Voir cependant J. de Romilly,
"Guerre et paix entre cités", PGGA, p. 219 sq. ; Y. Garlan, La guerre
dans l'Antiquité (Paris, 1972) p. 68.
(10) S.L. Utcenko, Crise et chute de la République romaine (en russe ;
Moscou, 1965) ; "L'armée romaine au 1er siècle av.n.è.", VDI 1962,
4, p. 30 sqq. ; et aussi Der weltanschaulich-politische Kampf in Rom
am Vorabend des Sturzes der Republick (1952 ; tr.all. Berlin, 1958) ;
La Rome antique (en russe ; Moscou, 1969) : O.V. Kudrjacev.
Recherches sur l'histoire des régions balkano-danubiennes à l'époque
de l'empire romain et articles sur des problèmes généraux de l'histoire
ancienne (en russe ; Moscou, 1957) : Les provinces helléniques des
Balkans au IIe siècle de notre ère (en russe ; Moscou, 19541.
INTRODUCTION 5
ignoré des droits et des privilèges des propriétaires romains" '* '.
Cela a suscité dans l'armée des exigences et des intérêts originaux en
fonction des interventions des soldats dans la vie politique, du lien
entre la législation agraire et l'armée, du développement de la
propriété foncière des vétérans romains, du rôle de l'armée (différent
dans l'ensemble de celui qu'elle avait eu dans les cités grecques) et
de son importance "en tant qu'organisme ayant ses propres
exigences et intérêts corporatifs" : de l'armée en tant que force socio-
politique spécifique et indépendante et pas seulement en tant que
force purement militaire ' ^' - ce qui ne signifie pas, bien sûr, que
tel n'était pas plus ou moins le cas des armées grecques au
IVe siècle (i3).
Le mercenariat a été étudié de façon inégale. Il est certes
difficile de trouver un ouvrage de caractère général où l'on ne parle pas
du mercenariat. Celui-ci entre dans le schéma général de
développement socio-économique et politique de la Grèce au IVe siècle et en
constitue un trait caractéristique : selon l'importance de l'ouvrage,
une place plus ou moins grande lui est accordée, mais la mention
qui en est faite reste le plus souvent très superficielle. Deux
exemples sont significatifs à cet égard : quinze lignes lui sont consacrées
dans V Histoire Universelle ' ' et sept lignes seulement dans le
chapitre plus détaillé sur le IVe siècle du livre sur La Grèce ancienne
édité par l'Institut d'Histoire de l'Académie des Sciences d'Union
Soviétique ' .
Parfois cependant il en va autrement. C'est ainsi que, dans le
dernier manuel sur l'histoire de la Grèce ancienne ' " , une assez
grande attention est portée au mercenariat, ainsi qu'au rôle des
mercenaires et de leurs chefs dans la vie politique des cités ; mais il
nous semble qu'on y insiste trop sur le déclassement des
(271 W.W. Tarn, CR 47 11933) p.226 ; A.D. Fraser, AHR 39 (19341 p. 553
sq. ; J. Hatzfeld. REG 48 (1935) p.153.
(28) G.T. Griffith. The Mercenaries of the Hellenistic World (Cambridge,
1935). Voir le c.r. de H.W. Parke dans CR 49 (1935) p.136.
INTRODUCTION 11
en crise. Mais les causes qui l'ont engendré sont très différentes
selon les périodes de l'histoire de l'humanité.
Vient ensuite un court aperçu historique du mercenariat grec,
où Aymard distingue deux périodes, VIIIe-VIe et IVe siècles, en
fonction de la situation des poleis. La première période est celle de
l'appauvrissement des paysans couverts de dettes, celle de l'exacer-
bation des antagonismes sociaux et des luttes intestines. On peut
alors parler de crise de société, dont témoignent les conflits
intérieurs, la colonisation et le mercenariat. Au cours du VIe siècle, la
crise est surmontée et les mercenaires disparaissent. A la fin du Ve,
de nouveaux changements se produisent dans le monde grec : les
luttes internes dégénèrent en véritables guerres civiles, et les
mercenaires font de nouveau leur apparition. Le bas niveau des
rémunérations et les dangers encourus témoignent alors, selon Aymard, de
la tragique nécessité qui contraignait les hommes à s'enrôler comme
mercenaires : et leur grand nombre prouve la profondeur de la crise
sociale et économique dont les conflits internes constituent une
autre manifestation. Quant au troisième symptôme, la colonisation,
s'il ne se manifestait plus, c'est que le monde barbare se mettait
alors à changer.
Bien qu'omettant de préciser les causes de la crise d'époque
archaïque et de l'équilibre relatif du VIe siècle et d'une grande
partie du Ve, Aymard souligne cependant l'influence funeste des
guerres, et en particulier de celle du Péloponnèse : par les ruines qu'elle
provoque, la guerre engendre de nouveaux mercenaires qui, à leur
tour, rendent possibles de nouvelles guerres - le mal engendrant le
mal.
D'autre part, Aymard ne recherche pas les causes de la
demande en mercenaires. A cet égard, il ne dit rien de la polis elle-
même et ne met pas en rapport les deux étapes de son
développement (apparition et crise) avec les deux périodes de l'histoire du
mercenariat.
Comme on le voit, le mercenariat grec du IVe siècle n'a pas
encore fait l'objet d'une étude spéciale le dépeignant dans toute la
diversité de ses traits, avec ses manifestations complexes et
contradictoires. Bien que tout le monde s'accorde sur le rapport existant
14 INTRODUCTION
(33) Ib., p. 20 ; H.-J. Diesner, op. cit., p. 216 ; A. Aymard, op. cit.. p. 23.
(34) Par ex. G. Delbriick, op. cit., p. 135 ; J. Kromayer et G. Veith, op. cit.,
p.74sq. ; I.M. Snezkov, op. cit., p.5 sq. ; F.E. Adcock, op. cit., p. 20-
23.
PREMIÈRE PARTIE
DE COUNAXA
CHÉRONÉE
PREAMBULE
la guerre du Péloponnèse
riat
militaires
ceux-ci,
besoin
étudiées
Thucydide,
plus
compréhension
au
: ou
Les
quels
Xénophon
cours
et
moins
de
'*',
sources
d'où
Etats
quel
nous
dedétaillées
les
de
laexistantes
et
louèrent,
type
nous
firent-elles
la
guerre
Diodore)
réalité
en
de
aux
du
tiendrons
forces
et
«t
(principalement
questions
àde
Péloponnèse,
venir
permettent
quel
l'évolution
auxiliaires
?ici
degré,
Ces
suivantes
auxquestions
d'apporter
des
quelle
points
ultérieure
les
lescontingents
oeuvres
qui
cités
fut
fondamentaux.
ayant
importent
des
du
la
eurent-elles
de
nature
mercena-
réponses
déjà àété
de
la
(1) Péloponnèse"
L.P. Marinovic,
(en russe), VDI
"Les 1968,
mercenaires
4, p. 70-90.
à l'époque
Parmi les
de travaux
la guerrequi
dusont parus
après notre article et qui abordent plus ou moins les mêmes questions,
voir J.H. Schreiner, Aristotle and Pendes. A Study in Historiography
(Oslo, 1968) ; J.G.P. Best, Thracian Peltasts and their Influence on
Greek Warfare (Groningen, 1969) ; W.K. Pritchett, Ancient Greek
Military Practices I (Berkeley-Los Angeles, 1971) ; Ph. Gauthier, "Les
XENOI dans les textes athéniens de la seconde moitié du Ve siècle
av.J-C", REG 84 (1971) p.44-79. La tentative faite par Ph. Gauthier
pour prouver que, dans les textes athéniens de la seconde moitié du
Ve siècle, il est généralement question, non pas des étrangers et plus
particulièrement des mercenaires, mais des alliés, ne nous paraît pas
convaincante. Le livre de Best est utile à qui veut expliquer la participation
des peltastes thraces et des mercenaires à la guerre du Péloponnèse.
L'ouvrage de Schreiner ne sert guère à comprendre les chapitres
correspondants de la Constitution des Athéniens d'Aristote (cf. les c.r. de A.I.
Dovatur, VDI 1971, 4, p.205-212 ; V. Ehrenberg, JHS 90 (1970)
p.249 ; N.G.L. Hammond, CR 83 (1969) p. 203-206). A propos du livre
de Pritchett, voir infra, n.5.
20 Les mercenaires dans la guerre du Péloponnèse
Les cités les plus importantes, celles qui menaient une politique
hégémonique, étaient donc les seules à avoir besoin de faire appel
aux mercenaires pour compléter leurs forces civiques - sans
qu'aucune eût par elle-même la possibilité financière d'en assurer
l'entretien (en plus des autres dépenses militaires). C'est ce qui
établit également une différence entre la guerre du Péloponnèse et le
IVe siècle où de nombreuses cités grecques, même minuscules,
entretinrent, au prix de grandes difficultés, des contingents
mercenaires (d'importance, il est vrai, très variée).
prudemment
de
cités
prince
lutte
ou
nombre
politique
victorieuse
l'immixtion
avait moins
Sparte,
Après
Le
entre
d'Asie
intérêt
dans
de
perse
début
de
liée
en
Sparte
la
cette
tandis
mercenaires
constante
à
aide.
Mineure
àguerre
guerre
Cyrus
l'affaiblissement
du
l'établissement
perspective
et
IVe
L'armée
que
du
contre
ladu
siècle
en
Perse,
se
dans
Péloponnèse
grecs,
Péloponnèse.
dépit
renforce
de
Artaxerxès
est
tel
les
dans
de
Cyrus,
des
poussa
marqué
ou
de
affaires
l'hégémonie
la
Etats
également
tel
l'obstacle
s'affirme
mesure
qui
des
jusqu'aux
II
en
Situation
grecs
grecques
comprenait
sert
belligérants.
Grèce
oùde
en
perse.
son
et
iciSparte
Sparte
Grèce
soutenait
par
abords
de
influence
compliquée
deLa
prologue
un
une
la
la
lui
sortie
révolte
très
Perse
puissance
de
agitation
vint
sur
Baby-
grand
plus
àpar
qui
les
du
la
VAnabase *3' nous apprend en effet que certains d'entre eux étaient
des gens de condition tout à fait aisée qui s'engagèrent comme
mercenaires moins sous l'effet d'une pauvreté irrémédiable qu'avec
l'espoir d'augmenter leur fortune. Il faut enfin tenir compte du fait
que Cyrus commença par cacher soigneusement les véritables
objectifs de l'expédition ' ', et même à ses stratèges ' , afin de prendre
le Roi au dépourvu. Certains des Grecs furent recrutés sous prétexte
d'une guerre contre Tissapherne (I, 1, 7-9), et d'autres sous couleur
de repousser les Pisidiens (I, 2, 1). L'armée fut ainsi recrutée par
morceaux, en différents endroits, et y séjourna un certain temps
avant d'être rassemblée par Cyrus. Recruter des mercenaires dans
ces conditions était bien sûr infiniment plus facile que si on avait
immédiatement révélé que l'expédition était dirigée contre le Grand
Roi : l'entreprise en aurait été rendue beaucoup plus ardue et moins
de soldats auraient sans doute consenti à s'y risquer. C'est ce que
confirme une phrase de Xénophon prononcée à l'issue de la
campagne : quand il entra en pourparlers avec Seuthès pour l'engagement
de soldats à son service, il lui demanda en particulier à quelle
distance de la mer il voulait mener son armée (VII, 3, 12).
Cyrus bénéficia donc de toute une série de conditions
favorables pour recruter une armée mercenaire d'une telle ampleur : et
pourtant il se heurta alors à de grandes difficultés, parce que le
marché mercenaire était encore relativement étroit. Sur les rapports, en
la matière, de l'offre et de la demande, nous disposons d'une
'
qu'ils n'avaient pas été choisis au hasard ', mais qu'ils étaient
bien connus de Cyrus et jouissaient d'une certaine réputation
militaire. Il est même évident que la plupart d'entre eux étaient déjà
militaires. Il est même évident que la plupart d'entre eux étaient
déjà auparavant à son service (tels Socratès et Pasion qui avaient
participé au siège de Milet : I, 2, 3) (151.
Les différentes parties de l'armée ne se rassemblèrent pas
toutes en même temps. A Sardes ne se présentèrent que Xennias,
Proxénos, Socratès, Pasion et Sophaïnètos - les autres ralliant
l'armée en cours de route : Ménon à Colossos (I, 2, 6), Cléarchos et
Sosis à Kélaïnaï (I, 2, 7), Cheirisophos à Issos (I, 4, 3) ' .
(14) Selon une hypothèse très vraisemblable de J. Roy (op. cit., p. 287, n.4),
Sosias. qui avait amené le moins de mercenaires (I, 2, 91 et qui
n'apparaît plus ensuite dans le texte de Y Anabase , transmit ses soldats à l'un
des autres stratèges et participa à la campagne en tant que lochage.
Entre deux siècles 31
chez les auteurs plus tardifs qui ne connaissaient pas leur effectif exact
(G. Cousin, op.cit., p. 148-153 ; R.J. Bonner, "The Name... ", p. 97
sq. ; P. Masqueray, op.cit., I, p. 17-20).
(15) II est curieux qu'il n'y ait que deux Spartiates parmi les stratèges : cf.
Xénophon, Banquet, VIII, 39 : les Spartiates avaient la réputation
d'être les meilleurs chefs d'armée.
(16) Sur Cheirisophos, voir les commentaires de M.I. Maksimova dans son
édition de VAnabase (p. 255 sq. , n.44 et 45) ; P. Masqueray, op.cit., I,
p. 161 sq.).
(17) Cf. Parke, p.26.
32 Entre deux siècles
(22) Cf. le tableau de J. Roy {op. cit., p. 303-306) qui donne les noms de tous
ces personnages et leur place dans l'armée. Voir également "Xeno-
phon's Evidence for the Anabasis" ', Athenaeum 46 (1968) p. 40, n.17.
34 Entre deux siècles
(26) Ils furent enrôlés tous ensemble alors qu'ils se trouvaient au service de
Seuthès (Xén., Anab., VII, 8, 24 ; Hell., III, 1, 6). Six mille (Xén.,
Anab., VII, 7, 23) avaient été engagés par Seuthès, mais une partie
périt et il est de surcroît évident que tous ne partirent pas pour l'Asie
Mineure (cf. Diod., XIV, 37, 1). Il est possible que quelques-uns
soient restés chez Seuthès (cf. Xén., Anab., VII, 6, 43). Diodore donne
le chiffre d'environ 5 000 (XIV, 37. 1).
(27) Pas moins en tout cas, car c'est ce qu'avait demandé à Agèsilas un de
ses commandants (Xén., Hell., IV, 1, 21 ; cf. aussi III, 2, 16 ; 4,
23 sq. ; IV, 3, 15). En ce qui concerne les témoignages d'Isocrate (IV,
144) sur les 3 000 peltastes de Dracon installés à Atarnée par lliar-
moste Derkylidas (Xén., Hell., III, 2, 11), il s'agit ici avant tout de
mercenaires, comme l'a montré Parke de façon convaincante en
analysant l'emploi que cet auteur fait du mot peltastai (Parke, p. 44 sq., n.6).
38 Entre deux siècles
(28) Isoc, IV, 144 ; cf. Harpocr. s.v. Agèsilaos. Voir également
J.K. Anderson, op. cit., p. 303 sq., n.33.
(29) On pense habituellement que c'est Xénophon en personne qui se cache
derrière "le chef" anonyme "des mercenaires de Cyrus" dans ses Hellé-
nika (III, 2, 7) : voir Xénophon, Hellénika (en russe ; Leningrad,
1935) p. 266 sq. ; Parke, p. 44, n.l ; Ed. Delebecque, op. cit., p. 141 ;
E.D. Frolov, "Vie et activités de Xénophon " (en russe), UZLGU,
n° 251, Série des Sciences Historiques, 28 (1958) p. 61 sq. ; cf.
CL. Brownson, Xénophon. Hellenica I-V (Cambridge Mass.-
London, 1947) p. 199.
(30) Xén., Heli. III, 4, 20. Cf. E.D. Frolov. op.cit., p.62 sq., n.34 ; Ed.
Delebecque, op.cit., p. 141 et 166. n.ll ; LA. F. Bruce, An Historical
Commentary on the "Hellenica Oxyrhynchia" (Cambridge, 1967)
p. 153 ; W.P. Henry, Greek Historical fVriting. A Historiographical
Essay Based on Xenophon's Hellenica (Chicago, 1967) p. 117 sq.
Entre deux siècles 39
(40) Après avoir comparé toute une série de sources, Parke (p. 50-52) arrive
à la même conclusion : Dèmosthène, IV, 24 ; XX, 84 ; Harpocr., s.v.
Xénikon en Korinthô (avec référence à Androtion et Philochore) ;
Aristote, Rhét., II, 23, 1399 b 1 ; Xén., Hell., IV, 4, 9 ; 8, 7 ; Plutar-
que. Moral, 187 A ; Schol. ad Dem., XXI, 62 (Dindorf, p. 567) ;
Justin, VI, 5, 2. Cf. Kahrstedt, "Iphikrates", RE 9 (1916) col. 2019 ;
Best, p. 85 ; cf. p. 97 (Best trouve vraisemblable qu'une certaine partie
des peltastes appartenant aux mercenaires d'Iphicrate soit originaire
de Grèce centrale - sans preuves sérieuses et en se fondant surtout sur
sa propre façon de considérer le rôle d'ensemble des peltastes dans l'art
militaire grec et leur identification, dans nos sources, aux soldats armés
à la légère) ; J.K. Anderson, op. cit., p. 120.
(41 ) Lors de son expédition en Chersonèse, Iphicrate prit avec lui 1 200
peltastes, dont la plus grande partie était déjà sous son commandement, et
il en resta 800 à son remplaçant Chabrias (Xén., Hell., IV, 8, 34 ; V,
1, 10). Cf. le récit de Polyen sur les 2 000 mercenaires d'Iphicrate qui
s'enfuirent chez les Spartiates et son énumération des postes de
commandement qu 'Iphicrate voulait réserver à ceux qui en étaient dignes
(dont le poste de chiliarque) : Polyen, III, 9, 57 et 10. Cf. Parke, p. 52
sq.
(42) Xén., Hell., IV, 5, 13, où Iphicrate est appelé ton peltastôn archôn, à
la différence de Callias qui est stratège des hoplites. Cf. Parke, p. 52 ;
Best, p. 95.
Entre deux siècles 45
Spartiates dont les plus jeunes, et donc les plus mobiles, étaient
placés au premier rang ' .
C'est de cette époque que date la fameuse défaite infligée par
les peltastes d'Iphicrate à un régiment d'hoplites Spartiates près du
port corinthien de Léchaïon '**'. Sans grande portée sur le cours de
la guerre, elle eut une très grande signification : car c'était la
première fois que les peltastes, agissant de façon indépendante,
l'emportaient sur la célèbre infanterie lourde de Sparte, la phalange
dorienne ' '. Cette victoire de Léchaïon constitua un grand
événement et impressionna beaucoup les contemporains, comme en
témoignent aussi bien Eschine (III, 243) que Dèmosthène (XIII,
22) : bien des années après, ils gardent le souvenir de Léchaïon,
entre autres victoires telles que la bataille navale livrée par Chabrias
à Naxos et la prise de Corcyre par Timothée, stratège que le peuple
athénien honora de récompenses et de statues. Bien que ces
allusions se situent dans des contextes très différents et servent à des
fins variées, il est clair que les victoires énumérées sont dans une
certaine mesure mises sur le même pied par les orateurs et qu'elles
(46) Cf. Déni.. XXIII, 198 et Dinarque, I, 75. qui ajoute la victoire de
Conon à Cnide.
(47) Parke, p. 77-80. Voir également I. Babst. Les hommes d'Etat de la
Grèce ancienne au temps de sa décadence (en russe ; Moscou. 1851 I
p. 178- 180; W. Riïstow et H. Kôchly, Geschichte des griechischen
Kriegsivesens von der altesten Zeit bis au/ Pyrrhos (Aarau. 1852) p. 163
sqq. ; J. Kromayer et G. Veith. Heerwesen und Kriegfiihrung der
Griechen und Romer (Miïnchen, 1()28I p. 89 sq.; H. Delbriick.
Geschichte der Kriegskunst I (Berlin. l°-20l p. 140«/. ; G.T. Griffith. The
Mercenaries of the Hellenistic World (Cambridge, 1°-35I p. 5 ;
I.M. Sne&kov, Eludes sur l'art militaire III len russe ; Moscou, I()3()|
p. 8 sqq. ; F.E. Adcock, The Greek and Macedonian Art of II ar
(Berkeley-Los Angeles, 1()57) p. 22 : A. M. Snodgrass, Arms and
Armour of the Greeks (London. 1%7) p. 110.
Entre deux siècles 47
Grecs. Chez les peltastes précédents, qui étaient des soldats armés à
la légère, l'armement de base se composait de deux javelots ou
d'une lance, et d'un glaive : ils étaient très mobiles et combattaient
en ordre dispersé par petits détachements, en tant que forces
auxiliaires chargées d'engager le combat et de harceler l'ennemi au
cours de ses déplacements, etc. Le nouveau type de combattant
était doté d'un armement différent et jouait un rôle original sur le
champ de bataille. Les peltastes thraces, leur armement et leur
tactique, n'avaient sans doute servi que de modèles à Iphicrate.
Au cours de ces dernières années, les réformes d 'Iphicrate ont
de nouveau attiré l'attention : nous voulons parler des études, déjà
signalées, de J.K. Anderson et de J.G. Best où le problème est
traité de façon très originale. Dans son livre sur Les peltastes
thraces et leur influence sur l'art militaire grec, Best nie dans l'ensemble
qu'il y ait eu création d'un nouveau type de combattant. Il s'efforce
d'amener le lecteur à cette conclusion en analysant le rôle des
soldats armés à la légère durant la guerre du Péloponnèse. Mais il
verse alors dans une certaine contradiction : d'une part, il conclut
d'une analyse de Thucydide que les Grecs (à l'exception de Dèmos-
thénès, et aussi dans une certaine mesure de Brasidas et de Cléon
agissant peut-être à l'imitation du premier) ne comprirent pas alors
l'importance de l'infanterie légère ; mais d'autre part, quand il
revient (dans l'introduction au chapitre III consacré aux peltastes
chez les Dix-Mille) sur cette guerre et tout particulièrement sur ses
dernières années décrites par Xénophon dans les Helléniques, il
affirme exactement le contraire, en invoquant la terminologie de
l'historien. A la différence de Thucydide pour qui tous les peltastes
sont des soldats armés à la légère (mais pas l'inverse), Xénophon
utiliserait en effet, selon Best, le terme de "peltastes" de façon très
large, pour désigner l'ensemble des fantassins légers - ce qui
correspond à l'idée que Best se fait des peltastes. Les considérant comme
des sortes de fantassins légers spécifiquement thraces (ce qui est
généralement admis) qui furent ensuite adoptés par les villes
grecques du voisinage, il souligne la ressemblance de leur armement et
de leurs méthodes de combat avec ceux des fantassins légers (javelo-
tiers et lanciers) des régions reculées de Grèce centrale (Locride
Entre deux siècles
^β
153) Comme l'écrit Cornélius Népos, Iphicrate s'est rendu célèbre non pas
tant par ses exploits que par la discipline de son armée (XI, 1, 1).
Polyen a conservé d'assez nombreux récits relatifs à la sévérité
d'Iphicrate en matière de discipline, à l'importance qu'il accordait chez les
soldats à l'apprentissage de la discipline, du courage et du sentiment de
solidarité (Polyen, III, 9, 4 ; 21 ; 31 ; 32 ; 34 ; 35 et al. ). De sa
discipline sévère, allant jusqu'à la brutalité, témoigne aussi Frontin dont
l'un des Stratagèmes rapporte qu 'Iphicrate tua à Corinthe une
sentinelle qui s'était endormie, en ajoutant ces mots : "Je l'ai laissée comme
je l'ai trouvée" (Strat., III, 12, 2). Il est vrai qu'il ne s'agit là que
d'anecdotes relatives aux thèmes traditionnels des recueils de
"Stratagèmes ' et qui peuvent aussi bien se rapporter à n'importe quel général
énergique ; il est pourtant significatif que, dans l'abondante liste des
commandants militaires du IVe siècle, la tradition ait justement choisi
Iphicrate : pour le nombre des récits parvenus jusqu'à nous, seul Epa-
minondas, autre réformateur de l'art militaire au IV1' siècle, peut lui
être comparé. Cf. Parke, p. 78 sq. ; J.K. Anderson, op. cit., p. 120.
(54) Cf. G. T. Griffith, op. cit.. p. 239 ; M. Launey, Recherches sur les
armées hellénistiques I (Paris, 1949) p. 367.
Entre deux siècles 53
beaucoup plus simple que celui des hoplites, et donc beaucoup plus
accessible pour les citoyens ruinés candidats au mercenariat jouant
aussi un certain rôle dans ce processus.
Au total, le lien entre peltastes et mercenaires devint si étroit et
si évident aux yeux des contemporains que le mot peltastes fut
parfois utilisé comme synonyme de misthophoros ' . Cela s'observe
dans les discours d'Isocrate ' ', ainsi que chez Platon ' . Un
passage de Platon est, à cet égard, particulièrement significatif : dans
le Théétète (165 d), Socrate compare de façon pittoresque celui qui
mène une discussion pour de l'argent à un peltaste mercenaire, un
peltastikos anèr misthophoros qui, se tenant en embuscade, assaille
son adversaire de mille questions. D'autre part, comme pour les
Grecs du IVe siècle l'hoplite c'est avant tout le citoyen, nos sources
opposent parfois les mercenaires non pas aux citoyens, mais aux
hoplites (^81.
La création de ce nouveau type de combattant, bien loin d'être
isolée, ressortit à un long processus auquel a participé Iphicrate
avec son expérience et sa connaissance des opérations militaires.
D'après son biographe, il commanda déjà à Corinthe avec tant de
rigueur qu'on η 'avait jamais vu en Grèce d'armée aussi obéissante.
Les soldats étaient si bien dressés qu'au signal donné ils prenaient
eux-mêmes leurs positions, comme si un chef habile les y avait
placés (Corn. Nepos XI, 2, 1 sq. ).
Cornélius Népos situe la mise au point du nouvel armement
durant les années où Iphicrate participa à la conquête de l'Egypte
pour le compte des Perses, c'est-à-dire en 374 au plus tôt. Celui-ci
155) II ne faut cependant pas en faire une règle générale et voir en chaque
peltaste un mercenaire : voir à cet égard les justes remarques de Best
(p. 134 sq. ; cf. p. 128). Voir également ses observations sur le fait que
Xénophon (par ex. Heli. IV. 8, 35) énumère les forces militaires en
partant d'un principe différent : hoplites, Lacédémoniens et
mercenaires (Best, p. 91. n.59).
(56) Isoc. IV, 115 ; 141 ; 144 ; XV, 111 ; à ce sujet, voir Parke, p.44sç.,
n.6 ; p. 61, n.4.
(57) Platon, Lettres, VII, 348 a-b et e ; 349 c ; 350 a . Cf. Parke, p.115 ;
Best, p. 121 sq.
(58) Par ex., Xén., Heli, IV, 8, 35 ; Philochore, fr.132 (FHG I :
provenant de Denys d'Halicarnasse).
54 Entre deux siècles
dlphicrate (380-360)
rétablir
produisent
de
confédération
hostilités
partout
critique,
reconnaissance
définitive
nouveaux
maritime
contradictions
traduisant
Etats
converti
après
puissante,
alliés. r son
laEn
La
Après
de
Les
démocratiques
la
situation
et
alliance
succès
374,
situation
son
guerre
est
années
se
l'année
d'Athènes.
de
Etats
par
la
des
développent
conclue
hégémonie
àl'hégémonie
fin
béotienne
des
l'initiative
sociales
la
:en
du
événements
380-360
démocratiques
confédérations
en
suivante
lutte
se
de
une
adversaires
Péloponnèse.
complique
une
379,
victorieux
la
Enacharnée
et
seconde
guerre
sur
paix
se
de
sont
même
politiques
les
renaît
Spartiate,
terre
qui
Sparte
ladémocrates
reconstitue,
dont
pleines
de
Grèce,
et
de
aussi
forme
modifient
et
temps
des
Mais
la
et
Athènes
Sparte,
béotienne
Corinthe,
le
qui
àligue
sur
àoligarques
à
principal
du
la
l'intérieur
d'arche.
d'événements
tout
au
se
l'importance
mer
s'aiguisent
fait
reconstitution
dotée
triomphent
maritime
trouve
rejoints
qui
début
brutalement
comme
et
de
Sparte
et
s'efforçait
s;accompagnent
résultat
et
d'une
la
dans
même
des
par
athénienne.
des
rivalité
brutalement
d'Athènes.
elle
essaie
liés
croissante
années
à
une
de
démocrates.
armée
est
des
de
Thèbes,
l'avait
l'ensemble
de
à
nouveaux
situation
la
entre
la
la
bien
cités
370
ruine
ligue
Les
fait
des
La
les
de
se
la
58 L 'époque des peltastes d 'Iphicrate (380-360)
(1) Péloponnèse"
Cf. L.P. Marinovic,
(en russe), "Les
VDI mercenaires
1968. 4. p. 74à sq.
l'époque de la guerre du
60 L 'époque des peltastes d Iphicrate (380-360)
(2) Xén., Hell, V. 4, 66 ; VI, 2, 37 sq. ; Isoc, XV, 109 ; cf. Dèm., IV, 28.
Voir également infra, p. 2 50.
131 Cf. M. Amit, Athens and the Sea. A Study in Athenian Sea-Power
(Bruxelles-Brechem, 19651 p. 48 sq.
(4) Xénophon ne mentionne que deux contingents athéniens, pour deux
campagnes qui n'avaient dans l'ensemble aucune importance. Dans le
premier cas, il dit lui-même des activités d'Iphicrate qu'elles furent
absurdes et inutiles \Hell. , VI, 5, 49 sqq. ) et, dans le second, contre Oro-
pos, que les Athéniens, qui n'avaient pas reçu le soutien de leurs alliés,
furent obligés de s'en aller en abandonnant la ville aux Thébains (VII.
4, 1). Les peltastes participèrent également à ces deux campagnes. Les
hoplites sont aussi mentionnés : VI, 2, 37 (évidemment des épibates :
cf. Parke, p. 81 1 ; VII. 4. 4 sq. (des garnisons venant de Corinthe).
L 'époque des peltastes d 'Iphicrate (380-360) 61
Les tentatives faites avec succès par les Athéniens pour utiliser
des peltastes amenèrent également les autres cités grecques à en
user. Dans la mesure où il s'agit essentiellement de mercenaires
professionnels, la multiplication de ce genre de combattants accrut
inévitablement le nombre et le rôle des formations mercenaires dans les
armées. C'est notamment à cette époque que Sparte tenta de
moderniser ses forces militaires en remplaçant, dans ses contingents
(13) Parke (p. 83) explique ce remplacement par le fait que, dans les années
380, les hoplites de Sparte devinrent des professionnels - en faisant
référence à l'anecdote racontée par Plutarque {Agés., XXVI) selon
laquelle Agèsilas opposa les citoyens des villes artisanales du
Péloponnèse, qui portaient de temps à autre les armée, aux soldats Spartiates.
En fait, les soldats Spartiates étaient déjà auparavant des
professionnels et aucune modification n'intervint sur ce point dans les années
380. De plus, une ville comme Athènes recrutait aussi des peltastes
alors que ses citoyens hoplites n'étaient pas des professionnels. Il est
évident qu'il faut plutôt en chercher la cause dans le développement
général du mercenariat et de l'art militaire. Les mêmes causes qui
eurent pour effet l'enrôlement de peltastes par Athènes forcèrent
également Sparte à entreprendre le remplacement d'hoplites par des
peltastes : étant de tempérament conservateur, elle tarda simplement à le
faire.
(14) Xén., Const. Lac, XII, 3. Voir le commentaire de F. Ollier. éd.
Xénophon, La République des Lacédémoniens (Lyon-Paris, 19341
p.63.
(15) On situe dans les années 380 la Constitution des Lacédémoniens : Ed.
Delebecque, Essai sur la vie de Xénophon (Paris, 1957) p. 195 et 508 ;
cf. Parke, p.89.
(16) Voir à ce propos Parke, p. 83-90 ; Best, p. 97-101, et aussi J.K. Ander-
son, Military Theory..., p. 126 sqq.
L 'époque des peltastes d 'Iphicrate (380-360) 65
382 ' '', lors de la guerre contre la ligue chalcidienne, les peltastes
loués pour Sparte par le roi Amyntas (Xén., Hell., V, 2, 38) se
trouvaient sous le commandement de Téleutias qui, ignorant tout de ce
genre d'armée, les envoya, sous la direction de Tlémonidas, contre
un contingent de cavalerie - ce qui leur valut d'essuyer une
défaite ' "' après laquelle on n'entend plus parler d'eux durant la
guerre d'Olynthe. Dans l'ensemble, leur participation aux
campagnes de Béotie (379-376) fut aussi peu couronnée de succès : ils
auraient été anéantis en 378 si l'approche des hoplites ne les avait
sauvés {ib., V, 4, 39 sq. ) ; et ils furent encore battus en 376 pendant
la campagne de Cléombrotos en Béotie {ib., V, 4, 59).
Les activités ultérieures des mercenaires furent tout aussi
malheureuses. Durant l'hiver 370/69, Sparte en recruta pour assurer la
garde de l'Isthme, mais qui furent défaits par les Mantinéens près
d'Orchomène. Cette défaite est très caractéristique des façons de
faire Spartiates : les soldats s'avancèrent trop loin à la poursuite des
ennemis et se privèrent de la possibilité de recevoir rapidement
l'aide de leurs hoplites ; ils n'étaient pas eux-mêmes formés à
résister seuls aux hoplites, comme l'étaient les peltastes athéniens.
Quand il apprit ce qui s'était passé, Agèsilas cessa d'attendre les
mercenaires, estimant qu'ils ne reviendraient pas - détail significatif
pour l'histoire du mercenariat dans la mesure où le roi ne comptait
pas sur la fidélité d'un détachement de mercenaires qui avait été
battu (bien que celui-ci finit malgré tout pal· rejoindre l'armée
d'Agèsilas). La façon qu'a Xénophon de souligner cette fidélité
indique qu'elle était plutôt inhabituelle. Le fait est aussi intéressant
d'un autre point de vue : perdant confiance en ses mercenaires,
Sparte fut contraint de recourir aux Hilotes, après avoir promis la
liberté à qui prendrait les armes ; mais une fois que plus de 6 000
d'entre eux se trouvèrent rassemblés et formèrent une troupe
organisée, ils commencèrent à inspirer aux Spartiates une frayeur qui ne
se dissipa plus ou moins que lorsqu'il s'avéra que les mercenaires
étaient restés fidèles ' .
Sparte utilisa aussi des mercenaires pour le service de garnison.
C'est ainsi que, pendant l'hiver 379/8, le roi Cléombrotos ' ' laissa
à Thespies une garnison sous le commandement de Sphodrias,
après lui avoir donné de l'argent pour recruter des peltastes. Après
avoir procédé à leur recrutement, Sphodrias envahit l'Attique (ib.,
V, 4, 15 et 20-24). La garnison, réduite aux seuls peltastes
mercenaires, qu'Agèsilas avait laissée à Thespies fut ensuite battue par les
Thébains, si bien que Sparte jugea préférable d'y envoyer un
bataillon de Spartiates. Agissant avec succès en conjonction avec les
hoplites, les peltastes mercenaires avaient donc été immédiatement
défaits dès qu'ils s'étaient manifestés seuls ' .
Les mercenaires apparaissent également dans la cavalerie spar-
tiate. Nos sources ne mentionnent certes pas une seule fois les
activités de ces cavaliers professionnels ; mais dans VHipparque de
Xénophon nous lisons que la cavalerie Spartiate s'améliora à partir
du moment où elle inclut des mercenaires '.
Les mercenaires servirent enfin dans la flotte. On ne sait pas
exactement quelle y était leur importance relative ; mais il semble
bien qu'elle ait été réelle, si l'on en juge par le fait qu'aux
pourparlers d'alliance entamés avec les Lacédémoniens s'oppose le stratège
athénien Kèphisodotos pour la raison suivante : tandis que sur terre
(19» Xén., Hell., VI, 5, 11-17 et 28 sq. ; cf. Diod., XV, 62. 1 (nous suivons
l'interprétation de Parke, p. 87 sq. ; cf. Best, p. 100 sq.).
(201 Dans son armée, il y avait également des peltastes (Xén.. Hell.. V, 4,
14 ; voir également J.K. Anderson, Military Theory.... p. 132 et ci-
dessus, p. 61 ).
(21) Xén., Hell.. V, 4, 41-46 ; Plut.. Pélop.. XV ; cf. Diod.. XV. 33, 5.«/.
On peut comparer cette défaite des peltastes de Phoïbidas à celle que
subirent en 382 Téleutias et ses peltastes {supra, p. 65) : comme celui-
ci, Phoïbidas n'avait pas compris les possibilités des peltastes (Parke.
p. 85 ; J.K. Anderson, Military Theory..., p. 126 sq.).
(22) Xén.. Hip., IX. 4 ; cf. Hell.. VI, 4, 10 sq.
L 'époque des peltastes d 'Iphicrate (380-360) 67
fait que Sparte n'avait pas encore assimilé ce nouveau type d'armée.
Si celui-ci se développa avec succès à Athènes et si on y forma des
chefs répondant aux nouvelles exigences et capables de commander
différemment, Sparte en usa, elle, comme d'une pièce rapportée.
Les dirigeants de son armée, rompus aux anciennes traditions, ne
prirent pas suffisamment conscience des aspects positifs et négatifs
de ce nouveau type d'armée, de ses possibilités exactes, de son mode
d'emploi, et s'avérèrent incapables de s'en servir avec succès : c'est
ainsi que s'expliquent aussi les défaites subies par les peltastes
Spartiates (31'.
La réforme de l'organisation militaire de la ligue péloponné-
sienne représente un fait d'une grande portée. Elle a été considérée
sous différents points de vue par les historiens, notamment en tant
que témoignage d'une large pénétration des relations commerciales
et financières dans la structure archaïque de la société péloponné-
sienne. Dans la mesure où elle nous éclaire sur l'état du marché
mercenaire et sur l'ampleur de l'offre, elle révèle la même tendance
que celle qui est perceptible dans l'Athènes contemporaine : le
remplacement progressif de la milice citoyenne par des forces
mercenaires - dans ce qui constitue déjà, il faut le souligner, un bel ensemble
de cités. On serait tenté de comparer cette réforme à celle qui se
produisit au Ve siècle, quand les alliés d'Athènes fournirent également
des subsides au lieu de contingents militaires. Mais la ressemblance
est assez superficielle, car il existe une différence fondamentale dans
l'utilisation de ces moyens financiers : alors qu'Athènes usait des
contributions alliées pour entretenir une flotte dont les équipages
étaient en majorité composés de citoyens athéniens, Sparte
dépensait les subsides de la ligne péloponnésienne à entretenir des
mercenaires.
Dans les années 370-360, Thèbes, l'Arcadie et plus ou moins la
Thessalie entrent dans l'arène politique et prennent une part très
131) Cf. Parke, p. 84 sq. ; J.K. Anderson, Military Theory..., p.127 sq. ;
Best, p. 113-115 (Best a particulièrement raison dans sa critique de
Parke qui oppose de façon un peu unilatérale les chefs d'armée
athéniens et Spartiates ; mais l'interprétation par Best de Xén., Heli, V, 4,
14, est fondée, nous semble-t-il, sur un certain malentendu.
72 /, époquo des peltastos d Iphicrate (380-360)
active à la vie grecque - ce qui crée, dans une certaine mesure, une
situation nouvelle pour le développement du mercenariat. Cette
situation nouvelle se caractérise avant tout par la transformation du
rôle de l'Arcadie : alors qu'elle avait longtemps été un des
principaux réservoirs du mercenariat, désormais, tandis que se formait un
Etat arcadien relativement puissant, c'était celui-ci qui se mettait
également à utiliser ses forces militaires qui s'étaient auparavant
répandues dans toute la Grèce et hors de ses frontières. En Béotie,
jusque-là région assez arriérée, se maintenait une solide paysannerie
qui apparaît comme la base de l'infanterie hoplitique : alors que
chez les anciennes puissances, Athènes et Sparte, le processus de
recrutement des mercenaires se développe et aboutit au remplace-
metn progressif des citoyens, l'armée béotienne conserve largement
des formes traditionnelles d'organisation ' .
L'Arcadie et la Béotie montrent cependant que les nouvelles
conditions qui s'étaient créées en Grèce, et qui s'étaient en
particulier traduites par une large utilisation de mercenaires, exercèrent
également leur influence sur les armées de ces Etats, pourtant si
spécifiques. Cette influence se manifesta par la création, au sein de
leurs armées, de contingents spéciaux qui en constituèrent les
noyaux. Se distinguant des contingents mercenaires par leur
composition citoyenne, ils s'en rapprochent par leur professionnalisme,
ainsi que par la compétence et la discipline qui en résultent. Il s'agit
du Hiéros lochos de Thèbes et des Eparitoi de la ligue arcadienne.
Quand il décrit les innovations de Chabrias, Polyen signale que
Gorgidas, le fondateur du "Bataillon sacré", prit les mêmes
dispositions '·"'. La défaite que ce bataillon infligea à deux morai spartia-
tes à Tégyres présente une certaine ressemblance avec les victoires
remportées sur les Spartiates par les peltastes mercenaires
(32) Sur l'armée béotienne, voir J. Kromayer, op. cit., p. 56 sqq. ; P. Sal-
mon, "L'armée fédérale des Béotiens", AC 22 (1953) p. 349 sqq.
(33) Polyen, II, 1, 2. Cf. ib. II, 5, 1 ; Plut.. Pélop.. XVIII. Sur le "loche
sacré", voir J. Kromayer et G. Veith, Heerwesen und Kriegfiihrung
der Griechen und Romer (Miinchen, 1928) p. 65 ; Parke. p. 90-92 ;
P. Salmon, op. cit., p. 349 sq. ; A. M. Snodgrass, Arms und Arrnour of
the Greeks (London, 1967) p.l 11 ; J.K.. Anderson, Military Theory...,
p. 158-162.
L 'époque des peltastes d 'Iphicrate (380-360) 73
L'épanouissement
du mercenariat (350-330)
dessiner
roi
centrale
maître
résistance
indépendante
Macédoine
s'sauvegarder
internes,
la
d'imposer
Sacrée
Macédoine
Thessalie
352
de
Grèce.
efforçait
guerre
seconde
Delphes.
de
de
sous
de
s'efforça
Par
Lapour
L'événement
Thessalie
En
(355-346)
l'Amphictyonie
résoudre
période
tombe
un
prétexte
la
leur
dite
à348,
son
confédération
et
terrible
sa
s'immiscer
suite,
de
"des
les
liberté.
de
demande,
entre
autorité
ils
se
envisagée
renforcer
;par
tentatives
affaiblit
la
de
principal
s'emparent
le
les
Alliés
danger
Grèce.
rallie
protéger
défilé
les
une
Macédoniens
dans
delphique,
mains
"Philippe
en
maritime
expansion
les
(357-355).
son
inclut
pour
toute
Elles
des
désespérées
du
Grèce.
leurs
Grecs
contre
de
contrôle
de
début
Thermopyles
les
sont
les
la
la
une
prit
affaires.
Grecs
d'Athènes.
Chalcidique
et
tandis
Ce
Macédoine
dernières
renforcèrent
extérieure
C'est
toute
des
marquées
servit
part
sur
des
série
qu'on
années
: alors
ses
profanation
la
qu'Athènes
cités
lui-même
Après
de
Macédoine,
qui
années
alliés
d'Etats
Celle-ci,
a
ses
prétexte
par
que
;et
grecques
350
le
appelé
conduit
leur
avoir
Philippe
difficultés
roi
la
-commença
est
ce
àde
montée
influence
:se
la
le
organise
qui
qui
la
àsecouru
l'existence
la
rend
Corinthe,
pour
soucieuse
guerre
lieu
en
la
chute
devient
mena
Guerre
Grèce
sacré
deà en
de
se
la
à
L 'épanouissement du mercenariat (350-330) 79
employeurs, et il ne reste plus à leurs chefs qu'à les suivre (VI, 24).
Si les citoyens doivent remplacer les mercenaires, c'est aussi, selon
Dèmosthène, parce que l'armée mercenaire entretenue par les
Athéniens devenait une calamité pour leurs alliés : "il ne faut plus
que vos stratèges aillent, à la tête d'étrangers mercenaires,
rançonner les alliés sans même apercevoir vos ennemis ; car, avec ces
procédés, les profits sont pour eux, tandis que la haine et les
récriminations retombent sur la cité toute entière ; qu'ils aient donc avec eux
une armée de citoyens" (XIII, 6).
Mais les pillages des soldats n'inquiètent l'orateur que parce
qu'ils soulèvent le mécontentement des alliés. Quand il calcule les
moyens nécessaires à l'entretien de l'armée qu'il préconise,
Dèmosthène n'en conclut pas moins que la polis ne pourra fournir qu'une
partie de la solde (deux oboles à chacun) et que les soldats devront
se procurer eux-mêmes le reste à la guerre (IV, 28 sq. ). L'entretien
d'une armée est un fardeau si lourd pour la polis que même
Dèmosthène, partisan de la création d'une petite armée qu'Athènes pourra
entretenir et payer régulièrement (ce qui serait un gage de combatti-
vité), estime tout à fait naturel que la cité ne fournisse qu'une partie
de la solde.
Pour soutenir son point de vue, Dèmosthène a recours à des
exemples du passé : à celui de la guerre de Corinthe où les
mercenaires firent campagne en même temps que les citoyens et
remportèrent des victoires. De telles transformations s'étaient produites en
un quart de siècle dans la composition de l'armée qu'on était loin de
ce qu'elle avait été au temps de la guerre du Péloponnèse. Aussi
bien Dèmosthène η 'envisage-t-il même pas une armée sans
mercenaires ; il s'efforce seulement d'en atténuer les méfaits. Il s'oppose
seulement à ce que les forces mercenaires fassent campagne "à elles
seules"
; il veut simplement que les citoyens, prenant eux-mêmes
les armes, introduisent dans l'armée le sens de la mesure, s'y
comportent "en surveillants des opérations" (IV, 24-25) . Son
idéal est l'union qui s'y était réalisée dans les années 390, au temps
de la guerre de Corinthe, entre citoyens et mercenaires - union
succès... et, se dérobant aux guerres menées par la cité, elles s'en
vont, voile au vent, contre Artabaze ou partout ailleurs ", affirme
Dèmosthène dans son premier discours Contre Philippe (IV, 24).
Comme le montrent ces extraits, les activités de Charès n'avaient
rien d'exceptionnel et les faits mentionnés n'étaient rien moins
qu'isolés. Par la suite, la situation ne se modifia pas, si bien qu'en
346 les Athéniens furent obligés de prendre la décision spéciale de
dépêcher Antiochos, le chef de la flotte légère, à la recherche de
Charès qui était à la tête de leurs troupes, car "ils en étaient à
ignorer où se trouvaient leur général et leurs corps expéditionnaire"
(Eschine, II, 73).
C'est justement dans ces années-la qu'un élève d'Isocrate,
Théodecte de Phasèlis écrivit un opuscule sur La loi où
il proposait de prendre de nouvelles mesures envers ce genre de
chefs : "Vous faites des citoyens de vos mercenaires, comme Stra-
bax et Charidèmos, à cause de leur honnêteté ; ne ferez-vous pas
des bannis de ceux de vos mercenaires qui se sont rendus coupables
d'actes irréparables ?" '"'.
Les paroles de Théodecte sont citées comme exemple de
raisonnement analogique : c'est pourquoi dans la seconde partie de la
(9) Aristote, Rhét., II, 23, 1399 b 1 (II, 23, 17). Nous suivons la traduction
communément admise : Rhétorique d'Aristote, traduite en français par
J.B. Saint-Hilaire (Paris, 1870) ; Rhétorique d'Aristote, traduction de
N. Platonova (en russe ; Saint-Pétersbourg, 1894) ; Aristote,
Rhétorique, texte établi et traduit par M. Dufour. II (Paris, 1938) ; à peu de
choses près : The Rhetoric of Aristotle, with a Commentary by
E.M. Cope, Revised by J.E. Sandys, II (Hildesheim - New York.
1970). Avec des différences, Parke, p. 144 : "will you not make exiles of
those, who hâve wrought irrémédiable harm among your
mercenaries ?" Strabax est évidemment un chef de mercenaires ; il
reçut le droit de cité en servant sous le commandement d'Iphicrate dans
la guerre de Corinthe (Dèm., XX, 84), de même qu'un autre chef de
mercenaires du nom de Polystratos {id., IV, 24 ; XX, 84). Le texte fut
écrit entre 355, année de l'octroi du droit de cité à Charidèmos, et 334,
année de la mort de Théodectès. Sur celui-ci, voir F. Solmsen, "Theo-
dektes'", RE 10 (1934) col. 1722 sqq. ; E.M. Cope et J.E. Sandys,
op. cit., p. 244 ; F. Blass, Die attische Beredsamkeir· II (Leipzig, 1892)
p.441-447 ; Parke. p. 144.
84 L 'épanouissement du mercenariat (350-330)
110) Cf. Aristote, Rhét., II, 23, 1398 b 6 III, 23, 11). Le sens commun de
ces deux passages est qu'il est imprudent de confier stupidement ses
affaires à quelqu'un qui a déjà manifesté son incapacité en la matière
IE.M. Cope et J.E. Sandys. op. cit., p. 260 sq. et 276 sq. ; la
compréhension de ces passages nous a été facilitée par E.L. Kazakevifc et
G. A. Taronjan à qui nous exprimons notre sincère reconnaissance).
(11) A. Hauvette-Besnault, Les stratèges athéniens (Paris, 1885).
L 'épanouissement du mercenariat (350-330) 85
(14) indépendance"
A son sujet, (en russe),
voir K.M.
VDIKolobova,
1963, 1, p.2\t
"Athènes
sqq. ;en
A. lutt^
S. Sofman,
pour son
Histoire de
la Macédoine antique I (en russe ; Kazan, I960) p. 197 sqq.
115) Que Diodore caractérise ou non de façon exacte cette armée : Parke
(p. 143 sq. )ne met pas en doute ce témoignage, se contentant de noter
son caractère insolite. Cf. Best, p. 134 sq., qui explique ce recrutement
d'hoplites par le fait qu'ils étaient essentiellement les mercenaires, non
pas d'Athènes, mais des Macédoniens que le général Argéios avait
reçus du commandant athénien Mantias qui était resté à Méthonè
(Diod., XVI, 3, 5). Les Macédoniens, qui possédaient des fantassins
légers, avaient précisément besoin de l'infanterie lourde des hoplites.
(16) G.L. Cawkwell, "Notes on the Social War", C&M 23 (1962) p.34-40.
(17) Cf. Eschine, II, 71, qui nomme les chefs mercenaires de Charès : Poly-
phontès, Dèipyros et Dèiarès, dont l'historicité est d'ailleurs contestée
pour des raisons étymologiques : Dèiarès = dèios ("destructeur",
"funeste") + Ares ; Dèipyros = dèios -\- pur ; Polyphonies =
polu -\- pephnein. Il est possible, il est vrai, qu'il s'agisse de surnoms
de personnages tout à fait réels (cf. Eschine, Discours sur l'ambassade,
texte grec publié avec une introduction et un commentaire par
J.-M. Julien et H.L. de Péréra (Paris, 1902) p. 47, n.S ; "L'orateur
Eschine, Le Péri tes parapresbeias" , Cours lu par le professeur
N.I. Novosadckij à l'Université I. M. durant l'année académique de
1911/1912 ", 2e partie, Commentaires (en russe ; Moscou, 1912) p. 47
sq. ; commentaires de K.M. Kolobova à sa traduction, VDI 1962, 3.
88 L'épanouissement du mercenariat (350-330)
(21) Dèm., VIII, 9, 21 sqq. ; cf. Philoch., fr.134 ŒHG I, extrait de Denys
d'Halicarnasse). Sur Diopeithès, voir A. Schàfer, op. cit., II, p. 451
sqq.; Swoboda, "Diopeithès". RE 5 (1905) col. 1047.sçr. ; Parke, p. 150
"Demosthenes'
sq. ; A. S. Sofman, op. cit., p. 260 sq. ; G.L. Cawkwell,
Policy after the Peace of Philocrates", CQ 13 (1963) p. 205.
(22) /G II-III2 1 (1 ) n° 228 ; Aristote, Rhét., II, 8, 1386 a 13 (E.M. Cope
et J.E. Sandys, op. cit., p. 102).
(23) Dèm., VII, 37 : IX, 15 ; Eschine, II. 90. Pour plus de détails sur les
garnisons, voir Parke, p. 149.
<-)0 L'épanouissement du mercenariut (350-330)
désapprouvant
Dans l'oeuvre
les Phocidiens
de Diodoreet apparaît
leurs mercenaires
clairement
· 'i 'λ ι la
\ Selon
'. tradition
cet
(32) Ce n'est pas le seul cas connu de pillage de trésor sacré. Il est
significatif que les autres soient en relation avec des tyrans qui
utilisèrent également les richesses des temples pour payer des
mercenaires.
(33) Diod.. XVI, 32. 4 ; 33, 2 ; 35, 4 ; cf. 56, 5.
(34) Parke, p. 136 ; Best p. 127.
L 'épanouissement du mercenariat (350-330) 95
(35) Aristote, Eth. Nie, III, 11, 1116 b 15-23 (cf. Aristotle, The Nicoma-
chean Ethics. A Commentary by H. H. Joachim (Oxford, 1955) p. 120-
122) ; Anon. in Aristot., Eth. Nie, III, 11, 1116 b 15-23 (avec
référence à Ephore, Kèphisodoros et Anaximène) ; Ephore, fr.152
{FGH I) ; fr.94 {FGH II A) ; Anaxim., fr.8 {FGH II A) ; Kèphisod.,
fr.l {FGH II B) ; p.85 (FHG II) ; cf. Stéph. Byz., s.v. Métachoion.
Sur Charon, cf. Parke, p. 137, n.2.
(36) Diod., XVI, 35, 4-6 ; 61, 2 ; Dèm., XIX, 319.
(37) Diod., XVI, 36, 1 ; 37, 2 ; 56, 5 sq. ; 61, 3.
(38) C'est seulement l'intervention des alliés qui sauva la Phocide : à son
secours vinrent 1 000 hommes de Sparte, 2 000 d'Achaïe et plus de
5 000 d'Athènes, ainsi que 2 000 mercenaires envoyés par les tyrans
déchus de Phères (Diod., XVI, 37, 2sq. ; 51, 7). Cf. Parke, p.138, n.2
et p. 140.
96 L 'épanouissement du mercenariat (350-330)
des liens qui les unissaient au chef phocidien ' "''. Emportant avec
lui ce qui restait du trésor, Phalaïkos se dirigea vers le Péloponnèse
où, grâce à l'argent dont il disposait, il conserva un certain temps les
mercenaires à son service. Puis, comme il n'y trouvait pas d'affaires
à lui convenir, il se rendit avec quelques vaisseaux en Italie dans
l'intention de s'emparer de quelque ville ou de proposer à qui en
avait besoin les services des mercenaires qu'il avait lui-même
autrefois recrutés (Diodore mentionne à ce propos une guerre des Luca-
niens contre les Tarentins). Il trompa alors les mercenaires en leur
racontant qu'ils se rendaient là sur invitation. Mais, chemin
faisant, on commença à soupçonner que tel n'était pas du tout le cas.
Dégainant leur glaive, les conjurés obligèrent les timoniers à faire
demi-tour. Ils abordèrent ensuite au cap Malée qui était, à cette
époque, le plus célèbre des marchés de mercenaires et ils se louèrent
à des recruteurs qui venaient d'arriver de Cnossos.
Il est possible qu'Aristote ait pensé précisément à la présence
en Crète de l'armée de Phalaïkos et de ses mercenaires quand il
parle du transfert récent dans l'île de "la guerre étrangère" {polé-
mos xénikos) ' '. En Crète, où ils séjournèrent plus d'une année,
ils réussirent tout d'abord à s'emparer de Lyktos, mais durent
l'abandonner quand les Lacédémoniens eurent porté secours aux
citoyens exilés. Phalaïkos prit alors l'initiative de s'attaquer à
Kydonia ; mais, durant la préparation du siège, survint un incendie
où périrent Phalaïkos et une partie de ses mercenaires. Le reste se
loua à des Eléens exilés et les aidèrent à combattre leurs
compatriotes : mais ceux-ci l'emportèrent avec l'aide des Argiens, réalisant de
nombreux prisonniers (aux environs de 4 000) qui furent soit
(431 Voir E.D. Frolov, op. cit., p. 142, 165 ; cf. p. 158 ; H. Berve, op. cit.. I,
p.298 ; II, p.673.
(44) Aristote, Poi, II, 1272 b, 20 sqq. Pour l'interprétation de ce passage,
voir Parke, p. 142 ; H. van Effenterre. La Crète et le monde grec de
Platon à Polybe (Paris, 1948) p. 81-83 ; R.F. Willetts, Ancient Crète.
A social History from Early Times until the Roman Occupation
(Londres-Toronto,
"Politéiaï" d'Aristote
1965)
(Moscou-Leningrad,
p. 62 ; A. Dovatur,
1965)Lap. 89
"Politique"
et 345, n. 19-21.
et les
98 L 'épanouissement du mercenariat (350-330)
(4SI Diod., XVI. 61, 4 - 62, 4 ; 63, 3-5. Cf. P. Ducrey, Le traitement des
prisonniers de guerre dans la Grèce antique (Paris, 19681 p. 68 sq.
(46) Diod., XVI, 78, 3 - 79. 1 ; 82, 1 sq. ; Plut., Tim.. XXV et XXX.
(47) Sur les mercenaires en Macédoine avant Philippe, voit G. T. Griffith,
The Mercenaries of the Hellenistic World (Cambridge, 1935) p. 8.
L 'épanouissement du mercenariat (350-330) 99
(63) L.A.W. Lehya, "The Athenian Ephebeia towards the End of the
Fourth Century B.C.", PACA 1958, 1, p.44-47 (cf. Marouzeau, 29
U959)p.482).
104 L'épanouissement du mercenariat (350-330)
(64) Ce qui n'équivaut pas à une cité plus développée au point de vue socio-
économique (cf. les succès militaires de Thèbes et surtout de la
Macédoine).
(65) Eschine, II, 131.
L 'épanouissement du mercenariat (350-330) 105
incessants
décomposition
l'indépendance,
par
d'Alexandre
domination
entre
(Asie
de
s'améliora
et
troubles
renforcer
roi
renforça
duune
éclaté
peu
La tentative
Ve
temps
de
les
Tout
après
Malgré
Les
qui
Mineure,
eux.
progressive
ses
dans
encore
siècle,
alliance
Chypre
Perses
accéda
symptômes
ébranlèrent
positions
au
se
auparavant,
: le
perse
le
de
les
de
long
quand
déclenchait
cette
delta
ne
sud
fut
qui
reconquête
Syrie
luttes
àpar
Macédoine),
se
se
la
du
et
conclue
situation.
de
s'était
en
du
traduisit
produisit
tête
l'émancipation
de
éclata
par
et
le
IVe
intestines,
la
Syrie
Nil
la
puissant
Egypte)
en
de
Palestine
la
crise
siècle,
les
soulevé
et
avec
la
de
l'Egypte
405,
guerre
en
par
Il
anéanti
affrontements
grande
que
l'Egypte
deviennent
par
conclut
collaboration
Sparte.
les
furent
empire
des
la
un
quelques
contre
entra
contre
des
de
situation
pays
lerévolte
révoltes
le
soulèvement
l'Egypte
pharaon
lancée
une
pouvoir
le
Après
luttes
achéménide.
dans
de
les
théâtre
évidents
Sparte.
années
alliance
Méditerranée
incessants
de
Perses
extérieure
de
étroite
par
sa
une
indigènes
Achoris
Cyrus
(dont
perse
satrapes
sphère
les
de
brève
dès
avait
avant
avec
en
avec
Perses
conflits
la
en
Sa
le
l'extrême
de
390,
de
qui
reconquête
d'influence
jeune.
Egypte,
période
aspirant
également
Evagoras,
l'invasion
contre
orientale
Athènes.
satrapes
l'Egypte
sut
en
et 385-
Peu
fin
de
la
et
à
Les mercenaires en Orient (Asie Mineure et Egypte) 107
(1) C'est ainsi que l'on connaît une garnison grecque à Caunos sous le
commandement de Léonymos {Hell. Oxyrh., XX (XVI S).
(2) Voir, par ex., G. Barbieri, Conone IRoma, 19!S5) ; M. Schmidt, Das
Leben Konon's. Historische Abhandlung (Leipzig, 1873).
Les mercenaires en Orient (Asie Mineure et Egypte) 109
(sans doute durant l'automne 395) que se produisit l'une des plus
importantes révoltes mercenaires du IVe siècle (sinon la plus
importante), suscitée comme d'habitude par un retard de salaire. Comme
pendant 15 mois les soldats n'avaient pas reçu d'argent (Isocrate
IV, 142), beaucoup abandonnèrent le service et, pour finir, éclata
une véritable révolte qu'on ne réussit à écraser qu'avec de grandes
difficultés '^'. A propos de cette révolte, l'Anonyme d'Oxyrhynchos
(Cratippos ?) remarque que le paiement irrégulier du salaire est
habituel chez les Perses : quand il entreprend une guerre, le roi
donne au début un peu d'argent sans s'occuper de la suite, si bien
qu'il faut même parfois licencier les soldats (Hell. Oxyr., XIX
(XIV) 2 sq.).
C'est manifestement l'armée terrestre dirigée contre Evagoras
qui comprenait le plus grand nombre de mercenaires : ils en
formaient, selon Isocrate (IV, 135), la plus grande partie. Il est vrai
que l'orateur s'efforce comme d'habitude d'exagérer la dépendance
des Perses envers les forces grecques : mais l'ampleur de la révolte
mercenaire à Chypre atteste également leur importance. Manquant
de vivres parce que la flotte chypriote ne laissait pas aborder les
navires marchands, les mercenaires tuèrent quelques-uns de leurs
chefs et remplirent le camp "de trouble et de stasis", si bien que
toute la flotte perse dut intervenir pour assurer le ravitaillement
(Diod., XV, 3, 1-3).
Dès le départ, quelques mercenaires étaient au service d
'Evagoras, lui constituant peut-être seulement une petite garde
personnelle semblable à celle de son prédécesseur Abdèmon de Tyr ' '.
(3) La révolte est décrite, de façon assez détaillée, dans les Hell. Oxyr.,
XIX-XX (XIV-XV) (commentaire historique de LA. F. Bruce, An His-
torical Commentary on the "Hellenica Oxyrhynchia" (Cambridge,
1967) p. 125-142) ; Justin, VI, 2, 11 sqq. - seul autre témoignage sur la
révolte, qui dépend manifestement des Hell. Oxyr. Voir aussi
E.S.G. Robinson, "Greek Coins Acquired by the British Muséum
1938-1948", NC 8 (1948) p. 48-56 (sur une monnaie frappée,
apparemment, en rapport avec cette révolte).
(4) Dans un des fragments de la comédie moyenne {Le soldat
d'Antiphanès), est mentionné un mercenaire qui avait servi à Chypre
1 10 Les mercenaires en Orient (Asie Mineure et Egypte)
(8) Diod., XV, 29, 2 ; Dèm., XX, 76 ; Corn. Nép., XII, 2, 2. Sur les
activités de Chabrias en Egypte, voir W. Judeich, op. cit., p. 158 sqq. ;
D. Mallet, Les rapports des Grecs avec l'Egypte (Le Caire, 1922) p. 95
sqq.; Parke, p. 59 sq.
(9) Hicks-Hill, n° 122. Comme Chabrias est allé deux fois en Egypte, dans
les années 380 et en 361-359, la question est de savoir à quelle époque il
convient de rapporter cette inscription. Les arguments de Parke (p. 60)
en faveur de la date la plus haute semblent convaincants. Mallet la met
aussi en rapport avec les mercenaires d 'Acoris, sans présenter d 'ailleurs
le moindre argument {op. cit., p. 97 sq.'t cf. G. T. Griffith, The Merce-
naries of the Hellenistic World (Cambridge, 1935) p. 239 ; cf. Hicks-
Hill, p.242).
(10) Diod., XV, 29, 3 sq. ; Corn. Nép., XII, 3, 1.
112 Les mercenaires en Orient (Asie Mineure et Egypte)
(11) Sur cette campagne, voir I). Mallet, op. cit.. p. 101-107.
(12) Chiffre de Cornélius Népos (XI, 2, 4) ; selon Diodore, le nombre des
mercenaires atteignait 20 000 (XV, 41. 1 et 3).
(13) W. Judeich, op. cit., p. 161 ; D. Mallet. op. cit.. p. 102. n.4.
Les mercenaires en Orient (Asie Mineure et Egypte) 113
Que le chef des mercenaires grecs en Orient soit un Grec, voilà qui
n'est pas nouveau ; mais jusqu'à présent ces commandants
passaient au service des Perses de leur propre initiative : c'était alors la
première fois, pour autant qu'on le sache, que la Perse demandait
qu'une polis envoyât à cette fin un de ses citoyens '* '. C'est à ce
titre qu'Iphicrate s'en alla, non en tant que mercenaire, mais plutôt
comme quelqu'un qui remplit une fonction officielle. En Perse, la
préparation de la campagne s'effectua avec lenteur - ce qui irrita
Iphicrate, bien qu'il utilisât le temps disponible avant le début des
opérations à entraîner l'armée : car c'est précisément avec cette
campagne d'Egypte que Cornélius Népos met en rapport la
formation du nouveau type de combattant qu'était le peltaste (XI, 2, 4).
A Akè, où toute l'armée fut enfin rassemblée en 374 {id., XV,
41, 3), se produisit l'incident suivant : ayant appris que deux
lochages avaient projeté une trahison, Iphicrate convoqua les soldats qui
lui étaient le plus dévoués et, avec leur aide, désarma les mutins,
châtia les lochages et chassa les simples soldats après les avoir privés
de leurs armes. La punition était très lourde, puisqu'elle ôtait aux
mercenaires ce qu'ils avaient de plus précieux et de plus nécessaire :
leur armement ; mais une telle justice sommaire était tout à fait
dans l'esprit d'Iphicrate qui exigeait de l'armée une soumission
absolue (Polyen, III, 9, 56). A cette même campagne se rapporte
un autre stratagème de Polyen (III, 9, 59) mentionnant une ruse
utilisée par Iphicrate pour apaiser les mercenaires alors que, ne
recevant pas d'argent, ils commençaient à s'agiter et à réclamer la
convocation d'une assemblée générale ' '.
La campagne d'Egypte débuta victorieusement pour les
Perses, mais bientôt surgirent des divergences entre Iphicrate et Phar-
nabaze ; pendant ce temps, leurs adversaires rassemblaient leurs
forces avant de porter une série d'attaques qui forcèrent l'armée
perse à retourner en Syrie. Là, les divergences atteignirent une telle
intensité qu'Iphicrate, craignant pour sa vie, s'enfuit, tandis que
Pharnabaze s'adressait à Athènes pour réclamer le châtiment du
116) Polyen, VII, 21, 1 ; cf. Ps.-Arist., Econ., II, 2, 24 a. Voir aussi Parke,
p. 107, n.3 ; L. Cracco Ruggini, 'Eforo nello Pseudo-Aristotele,
Oec. II ?", Athenaeum 45 (1967) p. 52 sq. ; Aristote. Economique.
Texte établi par B.A. van Groningen et A. Wartelle, traduit et annoté
par A. Wartelle (Paris, 1968) p. 59 sq.
(17) Les historiens modernes ne s'accordent pas sur le type d'arme auquel
appartenaient ces mercenaires. Parke (p. 107) y voit des soldats armés à
la légère - ce qui prouverait que les peltastes grecs avaient fait leurs
preuves en Orient, en un pays de fantassins légers. Best (p. 136 .sq. ) y
voit au contraire une hypothèse non fondée et, interprétant d'une autre
façon Corn. Nèp., XIV, 8, 2, les considère, sinon comme des hoplites,
en tout cas pas comme des peltastes. Il semble que le texte de Cornélius
Népos ne permette pas de se prononcer.
(18) Xén., Hell., VII, 1. 27 ; Diod., XV, 70. 2. Sur la révolte, cf.
W. Judeich, op. cit.. p. 193 sqq.
Les mercenaires en Orient (Asie Mineure et Egypte) 115
(22) Diodore donne seulement le nombre des mercenaires (XV, 92, 2).
Plutarque au contraire {Agés., XXXVI), sans proposer de chiffre,
indique qu 'Agèsilas recruta des mercenaires avec l'argent envoyé par
Tachos. Selon Hatzfeld, "rien n'atteste mieux la détresse financière et
le désarroi moral du monde hellénique" que l'acceptation par Agèsilas
de cette proposition (J. Hatzfeld, "Agèsilas et Artaxerxès II", BCH 70
(1946) p. 238-246).
(23) Corn. Nép., XII, 2, 3 (qui mêle le premier et le second séjour de
Chabrias en Egypte) ; Plut., Agés., XXXVII ; Ps.-Arist., Econ., II,
2, 25 a et b ; cf. Polyen, III, 11, 5. Chabrias resta à la tête de la flotte
et fit également beaucoup pour la réorganisation des finances
égyptiennes (D. Mallet, op. cit., p. 110-113 ; Ed. Will, "Chabrias et les
finances de Tachos", REA 62 (1960) p. 254-275 ; cf. L. Cracco
Ruggini, op. cit., p. 54-59 ; B.A. van Groningen et A. Wartelle, op. cit..
p.60).
(24) Plut., Agés., XXXVI sq. ; Diod., XV, 92, 2. D. Mallet iop.cit.,
p. 114) estime que les mercenaires engagés par Agèsilas sont
précisément ces 1 000 hoplites ; mais Diodore distingue les
mercenaires venant de Grèce où ils avaient été embauchés avec l'argent
du pharaon et les hoplites que les Lacédémoniens envoyèrent comme
alliés avec Agèsilas. Cf. Parke, p.lll (il les considère comme des
Néodamodes) ; J. Hatzfeld, op. cit., p. 245 sqq. ; Best. p. 138. Pour ce
qui est d'Agèsilas, Plutarque, avec son penchant moralisateur, le
dénigre de mille façons : le roi Spartiate "vendit pour de l'argent son
corps, son nom et sa gloire, en se transformant en chef stipendié de
mercenaires"
(Plut., Agés., XXXVI ; cf. Xén.. Agés., II, 28 sq. ; voir
Parke, p. 11 1 1.
Les mercenaires en Orient (Asie Mineure et Egypte) 117
- et qui, pour cette raison, força ensuite le roi à rentrer chez lui sans
retard (Plut. Agés., XL).
Les Egyptiens commencèrent la guerre contre la Perse en
remportant de nombreux succès ' ^', mais bientôt une partie de l'armée
passa dans le camp de Nectanébo qui s'était proclamé pharaon.
L'issue de la lutte dépendait de la position des mercenaires grecs :
or Agèsilas préféra le nouveau pharaon ' "'. Tout comme en Perse,
dans son désir d'obtenir de l'argent, il ne s'embarrassa pas de
scrupules, se conduisant conformément à la morale mercenaire et se
rangeant du côté du plus fort **''. Le passage de Plutarque {Ages.,
XXXVII) qui montre Agèsilas se ralliant à Nectanébo avec les
mercenaires qu'il avait sous son commandement illustre le lien déjà noté
entre les mercenaires et leur chef : bien qu'ils fussent au service de
Tachos et aient souvent été engagés à cette fin, ils ne s'en rallièrent
pas moins, avec lui, au nouveau maître.
Privé du soutien des mercenaires, Tachos se rendit à
Artaxerxès. Alors apparut un second prétendant au trône d'Egypte,
qui tenta lui aussi de se concilier Agèsilas ; mais le roi Spartiate
estima, cette fois, plus avantageux de conserver sa fidélité à
Nectanébo devenu pharaon après la fuite de Tachos : sous son
commandement, les mercenaires battirent l'armée du prétendant.
Nectanébo aurait bien voulu persuader Agèsilas de rester plus longtemps
à ses côtés : mais le roi était si pressé de porter secours à Sparte qu'il
rentra par mer durant l'hiver 361/0 ' '.
(25) Sur cette guerre, voir W. Judeich, op. cit., p. 164 sqq. ; D. Mallet,
op. cit., p. 108 sqq.
(26) Xén., Agés.. II, 30 sq. ; cf. Plut., Agés., XXXVII ; voir J. Hatzfeld,
op. cit., p. 246. n.2.
(27) Pour les traces, dans la tradition antique, de la polémique sur l'activité
d'Agèsilas en Egypte, voir V.G. Boruchovic, Les Grecs en Egypte (des
origines à Alexandre de Macédoine) (en russe ; c.r. de thèse ;
Leningrad, 1966) p. 30.
(28) Sur l'activité d'Agèsilas en Egypte, voir Plut., Agés., XXXVI-XL,
dont diffèrent un peu Diodore (XV, 92, 2-93), Xénophon {Agés., II,
28-31) et Cornélius Népos (XVII, 8). La version de Plutarque est
considérée comme la plus fidèle. Cf. Diodorus of Sicily, with an English
translation by Ch.L.Sherman. VII (Cambridge Mass.-London, 1952)
p.213, n.2.
1 18 Les mercenaires en Orient (Asie Mineure et Egypte)
Spartiate Lamios (Diod., XVI, 48, 2 ; cf. Isoc, Lettres, VIII, 8 ; voir
aussi D. Mallet, op. cit., p. 155 sq. : Parke, p. 165). Une hypothèse,
tout à fait vraisemblable, de D. Mallet [op. cit., p. 156) rattache
justement à cette campagne un stratagème analogue à ce que nous avons vu
plus haut : après avoir habillé les Egyptiens en Grecs et les Grecs en
Egyptiens, le Spartiate Gastron mena d'abord les Grecs contre
l'ennemi, et seulement après les Egyptiens, de telle sorte que, pensant
qu'ils allaient affronter les Grecs, les Perses reculèrent (Polyen, II, 16 ;
Frontin, Strat., II, 3, 13).
(34) Diod., XVI, 44, 1-45, 6 ; 46, 4 ; 47, 6. Cf. Parke, p.167 (sur les
données de Diodore relatives à l'effectif de l'armée pharaonique).
(35) Sur cette guerre, voir W. Judeich, op. cit.. p. 171 sqq., D. Mallet.
op. cit., p. 158 sqq. ; Parke, p. 165 sqq.
(36) Voir Plut., Tim., XX (les mercenaires grecs au service des Syracusains
et des Carthaginois, dans l'intervalle des combats, péchaient ensemble
des anguilles).
122 Les mercenaires en Orient (Asie Mineure et Egypte)
(39) Diod., XVI, 48, 2. Il est vrai qu'il ne faut pas perdre de vue que, dans
le récit de cette guerre, la principale source de Diodore, Théopompe,
était favorable aux Grecs (D. Mallet, op. cit., p. 161 sq. ).
(40) Sur Mentor, voir Kahrstedt, "Mentor 6", RE 29 (1931) col. 964 sq.\
Parke, p. 169.
124 Les mercenaires en Orient (Asie Mineure et Egypte)
(43) Voir également les indications sur les mercenaires grecs de Denys
l'Ancien qvii, au tout début du IV siècle, les recrutait surout dans le
Péloponnèse (Diod.. XIV, 44, 2 ; 38, 1 ; 62, 1).
Les mercenaires en Orient (Asie Mineure et Egypte) 127
(44 ! La campagne de Cyrus le Jeune occupe une place à part et tout à fait
exceptionnelle ; car pour aucune autre campagne nous ne possédons de
récit aussi détaillé que VAnabase de Xénophon.
128 Les mercenaires en Orient (Asie Mineure et Egypte)
148) Xén., Hell, VI, 5, 11 ; VII, 3, 4. Voir aussi G. T. Griffith, op. cit.,
p. 256. Dans les ouvrages d'histoire militaire et générale, est exprimée
l'opinion que le principal endroit où se rassemblaient les mercenaires
sans travail et où devaient se rendre ceux qui en avaient besoin, était
l'autre extrémité, centrale, du Péloponnèse, le cap Ténare. Ce n'est
cependant vrai qu'à une époque plus tardive : car, pour autant que
nous le sachions, les plus anciennes mentions du cap Ténare comme
centre de recrutement datent de l'époque d'Alexandre le Grand :
Arrien. Anab., II, 13, ο ; Diod., XVII, 111, 1 sq. ; voir aussi
F. Boite, "Tainaron", RE 2e s., 8 (1932) col. 2040 ; M. Launey,
Recherches sur les armées hellénistiques I (Paris, 1949) p. 105, n.l ;
Best, p. 101 ; cf. E. Badian, "Harpalus", JHS 81 (1961) p.25 sq.
132 Les mercenaires en Orient (Asie Mineure et Egypte)
nouvelle qui anticipe dans une certaine mesure sur celle de l'époque
hellénistique : prise de conscience de l'existence d'une communauté
grecque (par exemple lors des événements d'Egypte),
individualisme, rupture avec les représentations religieuses de la polis,
conviction de pouvoir aussi bien subsister hors du cadre civique.
DEUXIEME PARTIE
LES TRAITS
CARACTÉRISTIQUES
DU MERCENARIAT
AU IVe SIÈCLE
CHAPITRE V
L'armée mercenaire
(composition et rémunération)
(1) Voir, par ex., J. Luccioni, Les idée politiques et sociales de Xénophon
(Gap, 1948).
(2) M.I. Maksimova, Les villes antiques du sud-est de la Mer Noire (en
russe ; Mocou-Léningrad, 1956) p. 118 sq.
(3) W. Riistow et H. Kôchly, Geschichte des griechischen Kriegswesens
von der altesten Zeit bis auf Pyrrhos (Aarau, 1852) ; J. Kromayer et
G. Veith, Heerwesen und Kriegfiihrung der Griechen und Romer
(Mûnchen, 1928) ; H. Delbrûck, Geschichte der Kriegskunst3 (Berlin,
1920) p. 139 sqq. ; Ju. Denike, "Xénophon et les origines de la théorie
de l'art militaire" (en russe), JMNP, juillet 1926, partie 64, p. 233-264 ;
J.K. Anderson, Military Theory and Practice in the Age of Xénophon
(Berkely-Los Angeles, 1970).
(4) F. Diirrbach, "L'apologie de Xénophon dans VAnabase", REG 6
(1893) p.343sg<7. ; A. Kdrte, "Die Tendenz von Xenophons Anabasis'\
NJKA 49-50 (1922) p. 15-24 ; J. Mesk, "Die Tendenz der Xenophontis-
chen Anabasis", WS 43 (1924) p. 136-146 ; Xénophon, "Anabase",
Texte établi et traduit par P. Masqueray, I (Paris, 1959) p. 7 sqq.; Ed.
Delebecque, "Xénophon, Athènes et Lacédémone. Notes sur la
136 L'armée mercenaire {composition et rémunération)
n'en méritent pas moins une attention particulière. Bien des choses
enfin ont été dites sur le caractère tendancieux de l'oeuvre de Xéno-
phon, qui apparaît désormais bien dans ses lignes générales '^' :
l'auteur de VAnabase souligne avant tout la supériorité des Grecs
sur les Barbares et la nécessité de s'attaquer aux Perses ; il exagère
son propre rôle dans la campagne ainsi que ses capacités militaires,
et, ce qui est particulièrement important, il s'efforce de présenter les
mercenaires sous un jour favorable ' . En dépit de ces partis pris -
des accords privés passés entre les chefs des différents contingents et
le haut commandement" ' . Mentionnons aussi la réflexion de
Xénophon sur les obligations des stratèges et la place qu'occupe
dans son système de pensée la question du commandement : pour y
répondre, il se fonde sur son expérience militaire '.
Le thème principal de notre recherche est la découverte des
causes du développement du mercenariat au IVe siècle. L'une des
voies à suivre pour cela est d'interroger les mercenaires eux-mêmes :
qui étaient-ils, quelle était leur situation économique ? La
documentation fournie par YAnabase est à cet égard particulièrement
précieuse, car on ne peut tirer dans l'ensemble que très peu de chose
des autres sources (hormis Isocrate).
Xénophon indique que la plupart des soldats se présentèrent
par mer pour se faire mercenaires : non par besoin (ou spanei biou),
mais parce qu'ils avaient entendu parler de la magnanimité de
Cyrus le Jeune ' . Certains amenèrent même avec eux des
amis , et d'autres des soldats recrutés à leurs frais ; il y en
avait aussi qui avaient fui père et mère, d'autres qui avaient laissé
derrière eux des enfants, "dans 1 espoir de revenir au foyer les mains
pleines" {hôs chrèmat' autois ktèsaménoi)
On a déjà, à ce propos, constaté la partialité de Xénophon qui
n'était pas seulement dictée par le désir de montrer les mercenaires
meilleurs qu'ils n'étaient, d'enjoliver leur condition sociale et,
partant, de minimiser leurs motivations économiques (ce qui se voit
dans l'insistance mise à parler de la magnanimité de Cyrus comme
de la raison qui aurait poussé la majorité des soldats à faire
campagne à ses côtés). Le contexte montre encore autre chose :
c est qu'ayant échoué dans son projet de fonder une polis er le
littoral de la Mer noire. Xénophon se devait d'expliquer pourquoi
les Grecs "brûlaient du désir de retourner en Grèce '. Mais le
contenu de 1 Anabase apporte des correctifs essentiels aux
120) Cf. J. Luccioni. op. cit.. p. 31, n.13 ; Ed. Delebecque. Essai sur la
vif... p. 102 sq. ; H.-J. Diesner, op. cit., p. 218 ; E.D. Frolov. "Vie et
activités...". ρ.,ΐΗ-οΟ ; J. Roy. "The Mercenaries...", p.'M() sqq. ; V.
Ducrey. Le traitement des prisonniers de guerre dans la Grèce antique
(Paris. 1%<S) p.lô.ï ; Y. Garlan. op. cit.. p. 74.
121 1 En traduisant "pour entretenir leur famille". M.I. Maksimova donne
au texte une précision qu'il n'a. semble-t-il, pas. Cf. G. Janceveckij :
familles'
"nécessaires pour porter secours à leurs ; A. Boucher : "pour
famille"
pouvoir venir en aide à sa ; P. Masqueray : "de quoi venir en
'
aide aux siens propres ; CL. Brovvnson : "to bestow a little some-
thinii iipon his people at home".
144 L'armée mercenaire (composition et rémunération)
(22) Telle est du moins la présentation qu'en fait Xénophon. qui explique
ensuite pourquoi les Grecs répugnaient à rester vivre en cet endroit. Si
l'on en juge d'après les événements ultérieurs, leur nombre est
nettement exagéré. Certains historiens modernes ont même pensé que
Xénophon avait écrit cela (VI, 4, 81 pour faire contrepoids à Isocrate
(A. Korte. op. cit., p. 20 ; cf. Parke. p.2() ; Kd. Delebecque,
"Xénophon, Athènes...", p.% ; J. Roy. "Xénophon s Evidence...", p. 4SI.
(23) Durant le périple sur les côtes de Mer Noire, eurent lieu deux
tentatives de fonder une nouvelle polis. Dans le premier cas, Xénophon fait
explicitement état de son intention (V , 6. I ô sq. I. Dans le second, il ne
le fait pas. mais l'ample description de la baie de Calpè, où sont
soulignées les conditions favorables à la fondation d'une ville, ainsi que la
remarque sur les bruits qui s'étaient répandus dans les villes pontiques
et dans la population locale, prouvent qu'il y eut bien deux tentatives.
Pour plus de détails, voir l'article de E.D. Frolov. "Vie et activités de
Xénophon". où cette question est envisagée par rapport aux plans et
intentions de Xénophon lui-même (p. 55-601. E.D. Frolov considère
l'absence de base sociale comme la principale cause de l'issue
malheureuse de ces tentatives. Le déclassement des mercenaires nous paraît
cependant un peu exagéré. Cf. J. Roy ("The Mercenaries...", p.318
sq. I : la différence d'attitude des soldats à Cotyora et dans la baie de
Calpè d'une part et. d'autre part, à Byzance s'explique par une
différence de situation : contrairement aux deux premiers sites. Byzance se
trouvait déjà à l'intérieur du monde grec. Voir aussi Ed. Delebecque.
Essai sur la vio p. 102 sq<f.
L année mercenaire (composition et rémunération ) 1 4. >
(30) Xén., Anab.. I, 9, 17. Ici également, nous préférons suivre de près le
texte. En traduisant chrèrnatôn énéka par "en vue de s'enrichir",
M.I. Maksimova donne au texte, nous semble-t-il. un sens trop précis.
l'argent"
Cf. G. Janceveckij : "ils arrivèrent chez lui pour de ; A.
Boucher : "pour de l'argent" ; P. Masqueray : "pour gagner de l'argent" ;
CL. Brownson, "Anabasis" I-III (1950) : "for the sake of money ".
(31) Xén.. Anab., V, 1, 15 ; VI, 1. 32 ; 6, 5 sqq.
(32) Diod., XIII. 85, 3.s</. ; 87. 4.sr/. ; 88. 7 ; 93. 1-4 ; 96. 1 sq. ; cf. Parke.
p. 64 sq.
133) E. Balogh, Political Hefugees in Ancient Greece front the Period of the
Tyrants to Alexander the Great (lohannesburg, 1943).
(34) Diod.. XVIII, 8, 5 ; voir aussi E. Balogh. op. cit.. p. 39.
135) Cf. Parke. p. 227 sq.. n.l.
L armée mercenaire (composition et rémunération) 149
1471 R.J. Bonner, op. cit.. p. 202 ; voir aussi les éditions d'Isée : W. Wyse,
p.232-237 ; P. Roussel, p.33-35 ; E.S. Forster, p.36 sq..
1481 Isée, II, 6 ; voir aussi : E.S. Forster. p. 39 ; L.P. Marinovic, op. cit.,
p. 74. n.12.
1491 II est peu probable que l'on puisse déterminer ce que représentaient ces
40 mines dans la fortune des deux frères. Car le père pouvait fixer
comme il l'entendait la dot des filles (cf. Lysias, XXXII, 6). A propos
de la dot, voir dans les éditions d'Isée : W. Wyse. p. 242 sq. ; P.
Roussel, p. 37. n.2.
152 L armée mercenaire (composition et rémunération)
Sur ce point, les spécialistes ne s'accordent pas "5 ' et il est en effet
peu propable que nos sources autorisent une conclusion définitive.
On peut néanmoins admettre que VAnabase en fait état, au moins
aux côtés de -certains soldats, et notamment des chefs '5d\ Roy, qui
ne croit guère que les mercenaires de Cyrus disposaient de
serviteurs personnels '** , a certes raison de souligner que certaines des
allusions qui y sont faites dans cet ouvrage ne sont guère probantes,
puisque portant sur des indigènes capturés et réduits en esclavage
par les Grecs au cours de la campagne (par ex. IV, 1, 12). Mais que
dire des esclaves de l'armée (peut-être des Grecs) dont il est question
en II, 5, 32 ?
En second lieu, l'armement. Le citoyen mobilisé était tenu de
se présenter tout armé ^K Mais la question se pose encore pour les
mercenaires : si Anderson ' "', en se référant aux Dix-Mille, y
répond affirmativement, Roy '^ ' est par contre enclin à penser que
c'est Cyrvis lui-même qui fournit aux Grecs leur armement. Roy a
raison en ce sens que, dans VAnabase, il n'y est pas fait directement
allusion et que la vente de leurs armes à Byzance par une partie des
soldats (VII, 2, 3) ne veut rien dire, non plus que les frondes
possédées par certains Rhodiens (III, 3, 18) ; et il est possible que Roy
ait également raison à propos des proscrits milésiens qui se
portèrent volontaires avec leurs armes (I. 2, 2). Mais il est tout à fait clair
que les mercenaires Spartiates de l'armée d'Agèsilas en Asie
Mineure possédaient leur propre armement ou, plus exactement,
qu'ils l'avaient acquis à leur frais alors qu'ils se préparaient à faire
campagne en Grèce (Xén., Hell., IV, 2, 5-7).
Nos sources mentionnent par ailleurs de grandes quantités
d'armes achetées pour les mercenaires par leurs employeurs. Mais il
s'agit toujours, en pareils cas, de contingents importants, engagés
habituellement par des tyrans : les Phocidiens Onomarchos et
Phayllos (Diod., XVI, 33,2 ; 36, 1), Denys l'Ancien, Dion (60>. A
notre connaissance, nous ne trouvons dans nos sources aucune
attestation de fourniture d'armes aux mercenaires par les poleis.
Les serviteurs, avec les armes et les autres bagages,
constituaient le train, élément indispensable de toute armée. On y
rencontrait habituellement des marchands, des artisans, des prêtres, des
médecins, des hérauts, etc. ' . Dans la Cyropédie, Xénophon en
fait un tableau saisissant : dans le train on transporte des vivres
(pain, vin, condiments), des vêtements, des moulins à bras, du
matériel sanitaire, des courroies, des réserves de bois, des haches,
des pelles, des pioches, des faux ; et l'armée est accompagnée par
des artisans - forgerons, charpentiers, corroyeurs pourvus de leurs
(65) H. Liers, Das Kriegswesen der Alten (Breslau, 1895) p. 201 sqq. ;
K. Tànzer, op. cit., p. 41-67 ; J. Kromayer et G. Veith. op. cit., ρ . 76-
78 ; R. Lonis. Les usages de la guerre entre Grecs et Barbares (Paris,
1969) p. 84 ; J.K. Anderson, op. cit.. p. 43 sqq. ; W.K. Pritchett,
op. cit., p. 30-52. Sur le ravitaillement des Dix-Mille, voir également
G. T. Griffith. The Mercenaries of the Hellenistic World (Cambridge.
1935) p.266 ; J. Roy, "The Mercenaries...", p. 311.
(66) W.K. Fritchett a rassemblé, sous forme de tableau, toutes les données
sur la durée des campagnes (le nombre des jours va de 1 à 60) : op. cit.,
p. 32 sq.
(67) L'importance de ce mode de ravitaillement fait l'unanimité parmi les
historiens modernes : l'armée vivait dans une large, mesure sur le
compte de l'ennemi (G. T. Griffith, op. cit., p. 273 ; A.W. Gomme,
op. cit., II, p. 21, n.2 ; R. Lonis, op. cit., p. 84 ; W.K. Pritchett,
op. cit., p. 39. Selon J.K. Anderson, cette méthode était précaire :
op. cit., p. 51.
L armée mercenaire (composition et rémunération) 1 57
1681 G. T. Griffith, op. cit.. p. 264-273 ; W.K. Pritchett, op.cit., p. 3-6 ; voir
aussi Schulthess, "Sitèrésion", RE. 2e s.. 5 (1927) col. 382-388 ;
"Misthos". RE 30 11932) col. 2084 sq.
1S8 L 'armée mercenaire (composition et rémunération)
16°-) Voir aussi W.K. Pritchett, op. cit., p. 24. Cf. Ph. Gauthier, "Les clé-
rouques de Lesbos et la colonisation athénienne ", HEG 7°· U%6) p. 74.
170) Aucune différence entre le paiement des mercenaires et celui des
citoyens n'apparaît dans nos sources ; mais leur égalité n'y est pas
davantage expressément signalée. Outre le silence des auteurs sur une
quelconque différence de salaire, la Première Philippique de Dèmos-
thène, où l'orateur, faisant le compte des moyens nécessaires à
l'entretien d'une armée incluant mercenaires et citoyens, parle dans les
mêmes termes de leur solde (Dèm., IV, 28 sq.), est peut-être le seul
textesiècle.
IVP qui Ilconfirme
est vrai que
l'hypothèse
les chiffres
d'une
qu'il égalité
fournit ne
de concernent
rémunération
qu'une
au
partie de la rémunération et que l'autre partie pouvait ne pas être
identique, comme le suppose G. T. Griffith {op. cit., p. 2%). Mais c'est assez
peu vraisemblable si l'on en juge d'après le contexte. Cf. H.-J. Dies-
ner, op. cit., p. 221 (pour qui la rémunération était identique).
(71 ) II semble que E.-A. Bétant ait plutôt raison en admettant que les mots
misthos et trophè ont tantôt un sens identique {stipendium ) et tantôt un
sens différent (respectivement merces et in re militari cibaria) : Lexicon
Thucydideum, II (Darmstadt, 1843) p. 147 sq. et 464.
L armée mercenaire (composition et rémunération) 159
ressort également, de façon claire, qu'il existait une agora ' dans
la partie barbare de l'armée de Cyrus et le contexte montre que les
Grecs pouvaient y recourir à n'importe quel moment. Ceux-ci
pillaient en outre les terres qu'ils traversaient (I, 2, 25 ; 3, 14) - ce qui
les dispensait éventuellement d'utiliser le moyen précédent .
Une dernière remarque : tous les employeurs, réels ou
potentiels, proposèrent aux Dix-Mille une somme identique qualifiée
partout du misthos, mais avec des conditions d'engagement qui
semblent plus ou moins différentes. Quand il parle de Cyrus, de Tima-
sion. de Thorax et de Thibron, Xénophon indique seulement le
montant du misthos ' ' ; mais, à propos de Seuthès, il ajoute que la
nourriture serait prise par les Grecs sur le pays et que le souverain se
réserverait le butin afin de le vendre et d'en tirer le misthos (VII. 3,
10). Ici au moins, il est clair que le misthos est la solde proprement
dite. Mais comment interpréter ce terme dans les autres contrats
d'embauché ? De façon identique ? Mais alors pourquoi
Xénophon qui, comme le remarque Griffith (p. 295), connaissait mieux
que nous la réalité, ne parle pas des vivres à propos des autres
employeurs ? Détaillerait-il davantage les clauses consenties par
Seuthès parce qu'elles seraient exceptionnelles ? A moins que le
misthos n'ait désigné là l'ensemble de la rémunération ? Mais alors
il s ensuivrait que les Grecs se seraient engagés sous des conditions
variables... Il n'est cependant pas exclu qu'elles aient été
identiques, dans la mesure où Seuthès a négocié son plein droit sur le
butin dont il n'est plus question nulle part. La différence dans le
montant de la rémunération n'aurait-elle pas correspondu à une
certaine partie du butin concédée aux mercenaires ? Mais il est vrai
qu'il n'en est pas davantage question chez Xénophon.
Il convient également d attirer l 'attention sur les trois passages
suivants : V, 6, 19, où l'on parle du misthos nécessaire pour que les
cienne \Aristote. Le second livre de l " 'Economique' ', édité avec une
introduction et un commentaire par B.A. van Groningen (Leyde. 19331
ch.2 ; Aristote. "Economique", texte établi par B.A. van Groningen et
A. Wartelle. traduit et annoté par A. Wartelle (Paris, 19681 p. XIII ;
voir aussi S.A. Zebelev, "L'Economique d'Aristote" (en russe), VDI
1937. 1, p. 118-123. On a naguère tenté de prouver que le livre II
remonte pour l'essentiel à Ephore : L. Cracco Ruggini, "Eforo nello
Pseudo-Aristotele, Oec. II ?", Athenaeum 44 (1966) p. 199-237 : 45
(1967)p.3-88.
183) G. T. Griffith, op. cit.. p. 268-271.
184) 23 c-d d'après les éditions de B.A. van Groningen et de B.A. van
Groningen — A. Wartelle.
164 L 'armée mercenaire (composition et rémunération)
sur le marché, par les lochages et les taxiarques et non par les
soldats comme cela se faisait habituellement (à preuve l'interdiction de
Timothée) - mesure engendrée par des circonstances particulières.
Griffith force la différence entre le misthos et la sitarchia en
espèces en 8, 23 b, 29 c et d, 39. Si la terminologie de la
rémunération est claire en 23 b, 29 c et d, il en va tout autrement en 8 et 39.
Au paragraphe 39, on raconte la ruse qu'utilisa Cléoménès pour
économiser la rémunération d'un mois. Il changeait tous les mois la
date de versement de l'argent pour les vivres {sitarchia) en la
reculant à chaque fois de deux jours et réussit ainsi à économiser dans
l'année la solde d'un mois. C'est le mot "solde ' (en grec misthos)
qui fait ici difficulté, puisqu'il en résulte que misthos et sitarchia
sont synonymes... Certains éditeurs pensent que ce passage est
corrompu , mais uniquement pour des raisons terminologiques
(parce que le misthos mensuel résulterait d'une économie de
sitarchia). La même absence de précision peut s'observer dans le
paragraphe 8, où la sitarchia apparaît plutôt comme une partie du
misthos : alors qu'ils ne réussissaient pas à payer leur armée, les
Hèracléotes achetèrent à des marchands leurs produits, en gros et à
crédit, puis ils les renvendirent aux soldats et, avec l'argent
recueilli, s'acquittèrent de ce qu'ils leur devaient. Par deux fois est
utilisé le mot misthos, dont la signification n'est pas claire, et le mot
sitarchia n'apparaît nulle part : c'est Griffith qui l'introduit dans le
texte, uniquement pour donner aux mots leur sens habituel et tout
(851 Cf. les éditions de B.A. van Groningen et de B.A. van Groningen
-A. Wartelle ; Aristotelis quae feruntur Oeconomica, rec. F. Susemihl
(Lipsiae, 1887). Les délais de paiement, qui ne nous intéressent pas ici.
font eux aussi difficulté. Sur ce "stratagème", voir P. Schneider, Das
Zweite Buch der Pseudo-Arîstotelischen Oeconomika (Bamberg, 19071
p. 204 ; K. Riezler, Das Zweite Buch der Pseudoaristotelischen Okono-
mik (Berlin, 1906) p.29 sq. ; B.A. van Groningen, éd. cit.. p.2{)4- sq. ;
B.A. van Groningen et A. Wartelle, éd. cit.. p. 63 ; L. Cracco Ruggini,
op. cit.. p. 76 ; voir aussi le c.r. de P. Thillet à leditipn de B.A. van
Groningen et A. Wartelle, REG 82 11969) p. 586. On y trouvera aussi
un commentaire à tous les extraits de Γ Economique du Pseudo-
Aristote mentionnés infra. On utilise aussi, ici et ailleurs, la traduction
russe de G. A. Taronjan [VDI 1969. 31.
L armée mercenaire (composition et rémunération) 165
(86) G.T. Griffith, op. cit., p. 270, n.2 ; cf. F. Susemihl ; B.A. van Gronin-
gen ; B.A. van Groningen et A. Wartelle ; P. Thillet, op. cit., p. 580.
187) G.T. Griffith, op. cit., p. 271 sq.
166 L 'armée mercenaire (composition et rémunération )
(881 Voir aussi Aristoph.. ("av., v. 1367 ; Dèm., L, 3."> ; Arrien, Anal·.. II.
13, ο ; Isocr., XV, 120 (plutôt simplement un traitement entièrement
payél ; cf. G. T. Griffith. op. cit.. p. 272, n.l.
(«<)( Voir Dèm., XLIX, 1 1 et 4<> : misthophora - trophè ; Dèm. L. 23 et al..
où trophè fait allusion à l'argent pour l'achat de vivres, c'est-à-dire que
c'est un synonyme de sitèrésion. bien qu'en général la trophè ait un
sens plus large. L'usage de ce ternie dans la littérature du IV'' siècle,
tout comme celui de sitèrésion (= sitarchia) et de misthos. mérite
attention. Cf. Schulthess, "Sitèrésion". col.38o.
L armée mercenaire (composition et rémunération) 167
(90) Cf. Parke, p. 233, n.6 (qui nie en général la netteté du partage de la
rémunération au IVe siècle) ; J.K. Anderson, op. cit., p. 54 (il note avec
raison que la différence entre les éléments de la rémunération η 'est pas
toujours claire pour le lecteur moderne des oeuvres anciennes).
(91) Voir, par ex. : K. Kromayer et B. Veith, op. cit., p. 78 ; A. M. Andrea-
des, op. cit., p. 223-225 ; A. Aymard, "Mercenariat et histoire
grecque". EAC 2 (1959) p. 24 ; Ch. Pélékidis, Histoire de l'éphébie
attique des origines à 31 av. J.-Chr. (Paris, 1962) p. 75 ; P. Ducrey,
op.cit., p. 66 sq. ; Parke, p. 231-233.
(92) Voir L.P. Marinovic, op.cit., p. 77 sq. W.K. Pritchett a mis en tableau
toutes les données de Thucydide {op.cit., p. 16). Il se prononce pour
l'authenticité, contestée, de Thucydide III, 17 où est pour la première
fois mentionnée la rémunération de l'hoplite (p. 14-16 : avec une très
importante bibliographie sur la question). Voir aussi W.E. Thompson,
"Tissaphernes and the Mercenaries of Miletos", Philologue 109 (1965)
p. 294-297 ; Ph. Gauthier, op.cit., p.14 sq.
193) A. H. M. Jones. "The Economie Basis of the Athenian Democracy".
P&P 1952. p. 28. n.33 (cf. Athenian Democracy) (Oxford. 1957) p. 142.
n.54).
1941 Ph. Gauthier, op.cit.. p. 75. Selon Gauthier, la diminution de la
rémunération d'une drachme à 4. puis à 3 oboles s'explique par les
difficultés financières dues à la transformation des conditions mêmes de la
16K L'armée mercenaire (composition et rémunération)
[ibid., VII, 3, 10). Les Spartiates proposèrent, eux, une darique par
mois (ibid., VII, 6, 1 et 7). La rémunération des chefs était indexée
sur celui du soldat, selon un rapport déterminé : on donnait au
lochage deux fois et au stratège quatre fois plus qu'au simple soldat,
selon l'"usage établi" (ta nomizoména) '^''.
II faut accorder une attention particulière à l'expression ta
nomizoména en ce qui concerne la rémunération des mercenaires.
Elle signifie de toute évidence que cette rémunération obéissait à un
certain tarif communément admis - en tout cas en Orient, dans
l'empire perse '1"°'. Sur son montant au IVe siècle (avant l'époque
des campagnes d'Alexandre le Grand) n'existe qu'un seul
témoignage -ce qui est étrange étant donné l'abondance de la
documentation relative aux mercenaires : lors des préparatifs de la campagne
d'Olynthe en 383, il fut proposé aux Etats membres de la ligue pélo-
ponnésienne de remplacer, à leur demande, la fourniture d'hommes
par des versements d'argent à raison de 3 oboles éginétiques
(environ 4 oboles attiques) par soldat. Il semble donc qu'un mercenaire
était alors prêt à servir pour un tel misthos. Toute la question est de
savoir ce que signifie ce terme de misthos : peut-être l'ensemble de
la rémunération - ce qui serait confirmé par deux comédies de
Ménandre où il est question d'une rémunération de 4 oboles ^
de S drachmes, cela veut dire que l'on dépensait chaque jour une
obole à une obole deux tiers pour le grain. Il est possible que ce
chiffre soit exagéré : mais on ne consommait pas seulement des
céréales "-"'. Dèmosthène a dû retenir le minimum vital le plus
bas : deux oboles (IV, 28 sq. ).
On connaît très peu de choses sur la rémunération des autres
salariés au IVe siècle. A ce propos, on se réfère habituellement aux
ouvriers auxquels on payait, lors de la construction de lErechthéion
en 40°--4()7, une drachme par jour, ainsi qu'aux ouvriers d'Eleusis
qui, vers 320, touchaient, en fonction de leur qualification, de une à
deux drachmes et demie, et aux esclaves auxquels on donnait
3 oboles de trophè ( '-' '.
Une comparaison avec les sommes perçues par les citoyens
athéniens dans l'exercice de leurs fonctions est également
significative : pour assister à l'Assemblée du peuple, une, puis deux, puis
trois oboles, et enfin une drachme ; pour faire partie du Conseil,
5 oboles lune drachme pour les prytanesl ; pour être sophroniste,
une drachme ; pour servir comme éphèbes. quatre oboles "pour la
trophe — '.
Comme on le voit, la solde à elle seule, et versée de plus
irrégulièrement, ne faisait pas de la profession de mercenaire une
occupation particulièrement lucrative.
Il est donc évident que ce qui faisait l'attrait du service
mercenaire ce n'était pas seulement la solde ; c'était l'espoir de recevoir
une part du butin et des récompenses . Lors de l'enrôlement
1 1 1°·! M.N. Tod dans CAH V, p. 21 sq. (dans ses calculs, il prend une ché-
nice comme norme journalière et en détermine le coût à 2 drachmes le
médimne : c'est pourquoi son minimum vital est plus bas).
11201 K. Tânzer. op. cit., p. 67-70. Sur les rations des Grecs, voir aussi
H. Liers, op. cit.. p. 202 ; J.K. Anderson, op. cit.. p. 48-31.
1121 1 IG I2 n° 373-374 ; IG II-III- 2. n° 1672-1673 (voir aussi M.N. Tod.
dans CAH V. p. 24 ; G. T. Griffith. op. cit.. p. 308 ; A. H. M. Jones.
Athenian Democracy, ρ . 1 3 Γ> , η. Ι ; L.P. Marinovic, op. cit.. p.7() ;
W.K. Pritchett, op. cit., p. 24.
1122) Aristote, Const. Ath.. XLI. 3 ; XLII. 3 ; LXII. 2 ; cf. Aristoph..
Ass. Femmes, v.308.
11231 Sur les mercenaires de Cyrus, voir J. Roy, "The mercenaries...".
p.312 sqq.
L armée mercenaire (composition et rémunération) 1 75
mercenaires
armée" (p. 87).
formaient
Sur le rôle
la du
plus
butin
grande
dans partie
le déroulement
de n'importe
mêmequelle
de la
guerre et l'influence des considérations qui lui étaient liées, citons
quelques jugements : la recherche du butin jouait un rôle important
dans les hostilités |R. Lonis, op. cit., p.88sq.) ; certaines campagnes
ont été réalisées grâce au butin (P. Ducrey, op. cit., p. 334) ; les
expéditions de pillage caractérisent les guerres entre Athènes et la
Macédoine au IVe siècle (J.K. Anderson, op. cit., p. 57). Ils sont unanimes à
parler de l'importance du butin et de l'intérêt qui lui était accordé par
l'ensemble de l'armée et, en particulier, par les mercenaires.
(129) En l'occurence, il conviendrait d'étudier un des résultats du
développement du mercenariat - son influence sur les moeurs et coutumes de
l'armée elle-même. Les historiens se sont déjà posé la question. C'est
ainsi que P. Ducrey pense que les cas de massacres après prise de
villes, qui étaient relativement fréquents durant la guerre du
Péloponnèse, devinrent plus rares au IVe siècle {op. cit., p. 127) -
adoucissement des moeurs de la guerre qu'il met en rapport avec les
mercenaires qui étaient plus intéressés à la préservation du butin, et qui
cherchaient à s'enrichir plutôt qu'à anéantir l'ennemi, sans trop se
préoccuper des intérêts de leurs employeurs. Mais il parle aussi de
l'aggravation de la brutalité des guerres et de l'évolution en ce sens de la
position des Grecs, qu'il explique par l'accroissement du nombre des
L armée mercenaire (composition et rémunération) 181
(131) Pour s'en garantir, les employeurs devaient parfois retenir un certain
temps la somme due aux soldats. C'est ainsi que, d'après Polyen (III,
9, 51), procédait Iphicrate qui avait pour habitude de retenir chaque
mois le quart de la solde de ses mercenaires comme gage de leur
fidélité. Cf. Thuc, VIII, 45, 2 ; 78, 1 ; Aristoph., Cav., v. 1367. Voir
aussi G. T. Griffith, op. cit., p. 272 ; W.K. Pritchett, op. cit., p. 14 et
24 sq.
L 'armée mercenaire (composition et rémunération) 183
11321 Sur ce sujet, voir récemment P. Ducrey, op. cit., p. 255 ; W.K. Prit-
chett, op. cit.. p. 89 sq.
11331 Cf. les traductions de Chr. R. Kennedy, The Orations of Demosthe-
nes III ILondon. 19161 et de L. Gernet. Dèmosthène. Plaidoyers
politiques. II (Paris, 1959).
11341 Dèm.. XXIII. 162 ; cf. Xén.. Hell.. VI, 4. 35. Voir aussi E.D. Fro-
lov. Les tyrans grecs du IVe siècle av.n.è. (en russe ; Leningrad. 1972)
p. 115 sq.
184 L'armée mercenaire (composition et rémunération)
(135) Sur les finances des tyrans, voir A. M. Andreades, op. cit.. III. eh. 3.
Π3ί>| Diod.. XV. 13. 1 ; Ps.-Arist.. Econ.. II. 2. 20 a et i : 41.
L armée mercenaire (composition et rémunération) 185
1137) Cf. L.M. Gluskina, "L'eisphora à Athènes au IVe siècle av.n.è", (en
russe), VDI 1961, 2, p. 38 ; "Les énigmes de Veiphora athénienne
sont-elles résolues ?" (en russe), VDI 1967, 2, p. 257 sq.
(138) Voir infra, p.251 sq.
(139) Plut., Agés., XL ; Moral., 214 D ; voir aussi supra, p. 115-117.
(140) Xén., Hell., VII, 1, 27 ; Diod., XV, 70, 2. Voir aussi le tableau où
W.K. Pritchett a réuni toutes les données relatives aux subsides
perses entre 412 et 404 {op. cit., p. 47).
(141) Polybe, VI, 49, 8 sqq. Trad. F. G. Miscenko, Polybe, Histoire
Universelle II (en russe ; Moscou, 1895). Cf. cependant la traduction
anglaise Polybius. The Historiés, with an English translation by
W.R. Paton, III (Cambridge Mass. - London, 1954) : "supplies
drawn from abroad".
186 L'armée mercenaire (composition et rémunération)
"'stratagème"
considérer le déjà cité de Timothée comme un
empnxnt original garanti par le butin (par un butin peut-être
simplement hypothétique) iibid.. 23 al.
Quand ils η avaient pas de quoi payer les soldats et qu'ils
craignaient leur désobéissance, les chefs ne pouvaient compter que sur
eux-mêmes, sur leur autorité, leur esprit d initiative et leur habileté.
C est le moment de nous référer de nouveau à l'Economique du
Pseudo-Aristote et au second groupe d'exemples qui y est contenu :
un ensemble de ruses et de subterfuges permettant aux stratèges de
calmer un certain temps leurs soldats. Comme ceux-ci exigeaient le
paiement de leur solde et refusaient d'obéir, Timothée, qui se
trouvait démuni de fonds, les convoqua et leur dit que l'argent lui
manquait à cause des intempéries, mais qu'il disposait de moyens
financiers tels qu'il leur faisait cadeau des trois mois de sitarchia qu'il
leur avait avancés : et les soldats de se calmer, convaincus qu'il
n'aurait pas fait un tel cadeau s'il n'attendait pas d'argent iibid.,
23 b).
Le satrape Datâmes recourut à un autre subterfuge : n'ayant
pas versé de solde depuis longtemps, il rassembla les mécontents et
leur dit qu'il ne manquait pas d'argent, mais que celui-ci se trouvait
dans un autre endroit, dont il donna le nom et vers lequel il se
dirigea après avoir fait lever le camp ; puis, tandis qu'il s'en
approchait, il enleva des temples des vases d'argent et les chargea sur ses
mulets de façon à donner l'impression que tout ce qu'ils
transportaient était de l'argent. Et les soldats de croire qu'ils recevraient
bientôt leur paie iibid., 24 a).
Dans une anecdote de Polyen relative à Iphicrate, il s'agit
d'une véritable filouterie (III, 9, 59) : quand les mercenaires
commencèrent à protester contre le retard de leur solde, le stratège
ordonna à quelques-uns qui lui étaient restés fidèles de revêtir des
vêtements perses et de se présenter, ainsi vêtus, à l'assemblée des
soldats pour leur dire que les Perses qui apportaient l'argent
n'étaient plus très loin : et les soldats, calmés par ces, paroles, de se
disperser.
Même si ces ruses et ces subterfuges réussissaient pleinement,
ils ne résolvaient cependant pas le problème lui-même. Quelle que
L armée mercenaire (composition et rémunération) 189
(154) G. Nussbaum, op. cit., p. 16-29. Thème développé ensuite dans son
L armée mercenaire (composition et rémunération) 193
n'en reste pas moins qu'il s'agit bien d'une situation exceptionnelle
et qui ne peut être tout à fait typique. Pour autant qu'on puisse en
juger, le développement ultérieur de l'armée mercenaire en tant que
forme indépendante d'organisation se fera dans un sens de plus en
plus opposé à la polis : ce qui s'explique par le fait que ces nouvelles
relations étaient fondamentalement différentes de celles qui
existaient dans l'armée citoyenne. L'émancipation des chefs
mercenaires par rapport à la polis et leur rôle déterminant dans le paiement
des soldats créaient des conditions propices à l'apparition d'une
nouvelle forme de dépendance des soldats vis-à-vis de leurs chefs,
qualifiée du mot flatteur de philia '^"'. Elle revêtait l'apparence
d'un accord "librement" conclu entre deux parties théoriquement
égales dont l'une promettait sa protection et l'autre ses services et sa
fidélité. Ici "la contrainte ne s'exerçait pas directement et n'était
pas extra-économique, mais revêtait un tout autre caractère : elle
avait quelques points de ressemblance avec la contrainte
économique en régime capitaliste". Cette dépendance en était cependant
radicalement distincte en ce sens qu'"elle avait en grande partie un
caractère personnel, qu'elle liait le dépendant à un patron
déterminé et que cette dépendance n'était nullement la conséquence du
haut développement de la production marchande : elle apparaissait
habituellement comme un moyen de se procurer un certain appui"
pour celui qui avait rompu tout contact avec sa communauté
civique et vivait hors du cadre de la polis **■<>"'. L'organisation interne
de l'armée mercenaire la distinguait nettement du type classique de
la polis.
C'est dans ces conditions qu'apparaît au IVe siècle une forme
nouvelle d'organisation politique du corps social, construite selon
des principes différents et distincte de la cité grecque
habituelle Ί""'. Que l'armée mercenaire ainsi organisée ait été une
réalité et pas seulement une possibilité théorique, c'est ce que
confirme un passage du traité d'Enée le Tacticien où sont mentionnées
trois entités politiques différentes par la forme et sur le fond : dans
une ville assiégée se présentent des ambassadeurs envoyés par des
poleis, des tyrans et des armées (X, 11) Ί"1'.
Les rapports qui s'établissaient entre les commandants et
l'armée mercenaire préfiguraient dans une certaine mesure ceux qui
existèrent entre les dirigeants de l'époque hellénistique et leurs
armées Ί"^'. A cette époque, le roi est avant tout un général en chef
qui se bat à la tête de son armée, qui risque sa vie sur le champ de
bataille et dont le pouvoir repose en premier lieu sur l'armée qui
dépend personnellement de lui "()''. Nous reconnaissons bien sûr
la grande différence qui sépare un chef mercenaire et un roi
hellénistique, ainsi que l'une et l'autre armée : mais il convenait, dans
notre perspective, de souligner certains points de ressemblance.
(4) Par ex. : Xén., Mémor.. III. 1-4 ; voir aussi A. Hauvette-Besnault, I.ps
stratèges athéniens (Paris, 1885) p. 64 sq.
(5) N. Wood. "Xénophon 's Theroy of Leadership". C&M 23 (1%4I p. 33
sqq.
(6) W.W. Tarn, dans CR 38 (1924) p. 73 ; "Aeneas", Oxf. Clus. Dict., ;
voir aussi R. von Pohlmann, Geschichte der sozialen Frage und dos
Les mercenaires et la polis
(quelques aspects des luttes sociales) 199
poussé très loin sur cette voie. Ce n'est pas que les chercheurs se
soient désintéressés d'Enée : dans la dernière étude qui lui est
consacrée, la liste des publications qui le concernent comprend plus de
120 titres ' ''. C'est qu'ils ont plutôt retenu chez Enée deux autres
aspects : l'aspect linguistico-philologique et l'aspect technico-
militaire. Jusqu'à une date récente, aucune attention n'avait été
portée à son intérêt historique et c'est seulement depuis quelques
années que la situation s'est quelque peu modifiée ' '. Dans
l'ensemble, Enée n'a toujours pas été étudié en tant que source pour
l'histoire du mercenariat du IVe siècle : dans son ouvrage, Parke
n'a fait qu 'énumérer rapidement certaines des informations
fournies par Enée sur les mercenaires.
Il est cependant tout à fait indispensable de ne pas s'arrêter là
et d'examiner également quel écho ont trouvé dans son oeuvre les
questions socio-politiques : tant il est évident, du point de vue
méthodologique, qu'il faut considérer les informations d'Enée sur
les mercenaires non pas de façon isolée, mais dans leur contexte,
par rapport à la trame historique qui supporte son exposé. Celle-ci
est constituée, comme nous voudrions le démontrer plus loin, par
les luttes sociales tout autant que par le danger de guerre : ce qui
1101 Sur l'étude du texte, voir L.P. Marinovic, op. cit., p.SO.sq.
(11) W. A. Oldfather. op.cit.. p. 5 ; L.W. Hunter. op. cit.. p. XI sq. ;
A. Dain, "Les manuscrits d'Enée le Tacticien", REG 48 (19351 p.l ;
D. Barends, op.cit., p. 161 ; H. Bengtson, "Die griechischen Polis...",
p. 460 ; The Greeks and the Persians..., p. 263 ; V.F. Beljaev, op.cit..
p241 ; N.G.L. Hammond. dans JHS 93 (1973) p. 254.
(12) Parmi les derniers travaux, voir H. Bengtson, "Die griechische
Polis...", p. 461 ; The Greeks and the Persians..., p. 263 sq. ;
V.F. Beljaev. op.cit., p. 240 sq. ; S. Celato. "Enea Tattico. Il pro-
blema dell'autore et il valore dell'opera dal punto di vista militare".
MAPat 80 (1967-1968) p. 53-67 (arguments contre l'identité : l'article
ne nous est connu que d'après Marouzeau, 39 (1970) p. 21. Pour les
ouvrages plus anciens, voir L.P. Marinovic, op.cit., p. 52.
Les mercenaires et la polis
(quelques aspects des luttes sociales) 201
(13) T.H. Williams, "The Authorship of the Greek Military Manual Attri-
buted to Aeneas Tacticus", AJPh 25 (1904) p. 403.
(14) V.F. Beljaev, op.cit., p. 241, n.14.
(15) Sur la façon dont Enée utilise les indications qu'il y puise, voir
L.P. Marinovië, op.cit., p. 53, n.29, avec la bibliographie.
(16) Exemples cités chez V.F. Beljaev, op.cit., p. 250 sq.
(17) Pour plus détails, voir L.W. Hunter, op.cit., p.XXXVI, 136 et 138 ;
W.A. Oldfather, op.cit., p. 4 et 137, n.l.
Les mercenaires et la polis
202 (quelques aspects des luttes sociales)
1211 Cf. R. von Pdhlmann, op. cit.. ; W.W. Tarn, "Aeneas", Oxf. Clas.
Dict. ; Cl. Mossé, op. cit., p. 226 sq.
Les mercenaires et la polis
206 (quelques aspects des luttes sociales)
(23) Chez Enée, opposition des riches et du peuple : XI, 7-10 ; des riches et
du peuple (régime démocratique) : XI, 10 a -11 ; des riches-oligarques
et du peuple : XI, 3.
(24) Par ex. : E. Balogh, Political Refugees in Ancient Greece
(Johannesburg, 1943), p. 31 (bibliographie p. 105, n.101) ; cf. Cl. Mossé, op.cit.,
p.224.sq. ; LA. F. Bruce, "Athenian Foreign Policy in 396-395 B.C.",
CJ58 (1963) p. 291.
(25) De même H. Bengtson, qui note l'étroitesse de la conception de R. von
Pôhlmann ("Die griechische Polis...", p. 459).
(26) W.A. Oldfather, op.cit., p. 16 sq.
Les mercenaires et la polis
210 (quelques aspects des luttes sociales)
(30) Voir L.W. Hunter, op.cit., p.233 ; L.P. Marinovic, op.cit., p.60,
n.48.
(31) Cf. Xén., Poroï, IV, 51. Voir aussi E.D. Frolov, "Les tendances
politiques de Xénophon dans les Poroï", Problèmes d'histoire socio-
économique du monde antique (en russe ; Moscou-Leningrad, 1963)
p.207.
Les mercenaires et la polis
212 (quelques aspects des luttes sociales)
seconde moitié du IVe siècle" (en russe), Lie. zap. Gor'kovskogo gos.
ped. in-ta in. jaz. 5 (1957) p. 113-124.
(33) L.P. Marinovic, op.cit., p.49-77.
(34) V.F. Beljaev, "Enée le Tacticien...", p. 253 sq. et n.33.
Les mercenaires et la polis
214 (quelques aspects des luttes sociales)
(35) V.F. Beljaev donne davantage d'exemples (5), car il se réfère à 4 des 5
épisodes énumérés par Enée dans son chapitre sur les complots (XI) et
en XXIII (il laisse tomber, on ne sait pourquoi, l'exemple de Lacédé-
mone en XI, 12). Mais les références à XI, 3-6 (Chios) et à XXIII, 7-
11 suscitent des réserves : car, à la différence d'Argos (XI, 7-10),
d'Hèraclée (XI, 10 a- 11), de Lacédémone (XI. 12) et de Corcyre (XI,
13-15) où Enée parle clairement d'une révolte des riches et des
oligarques, on ne précise pas dans ces deux cas qui s'insurge contre qui (bien
qu'en XXIII, 7-11 il s'agisse, selon toute vraisemblance, d'une
révolution anti-démocratique).
(36) Cf. LA. F. Bruce, "The Political Terminology of the Oxyrhynchus
Historien", Emerita 30 11962) p. 63 sqq.
(37) Pour plus de détails, voir L.P. Marinovic, op. cit., p. 62-65.
Les mercenaires et la polis
(quelques aspects des luttes sociales) 215
(41) Hunter,
men" Oldfather : "other classes" ; cf. Liddel-Scott-Jones : "class of
; Barends : "population, group" ; autrement Beljaev : "il
convient de se préoccuper d'arranger les autres affaires".
Les mercenaires et la polis
(quelques aspects des luttes sociales) 219
(42) Sur les exemples, chez Enée, de luttes internes dans les villes, voir
L.P. Marinovic, op. cit., p. 66 sq.
Les mercenaires et la polis
220 (quelques aspects des luttes sociales)
(45) L.W. Hunter, op.cit., p. 163 ; W.A. Oldfather, op.cit., p.94 sq.
Les mercenaires et la polis
(quelques aspects des luttes sociales) 223
146) L.W. Hunter, op.cit., p. 139 sq. et 143 sq. ; W.A. Oldfather, op.cit.,
η 73 <tn .
p.73sq
Les mercenaires et la polis
224 (quelques aspects des luttes sociales)
(XXVIII, 5) |47(.
Le traité d'Enée nous fait enfin connaître la tentative du Rho-
dien Téménos pour s'emparer de Téos (XVIII, 13-19). Cet épisode
illustre le fait que, lors de la fermeture des portes, il fallait faire très
attention, étant donné tous les subterfuges et ruses qui permettaient
de venir à bout des clenches. C'est pourquoi Enée s'intéresse
exclusivement aux détails de caractère technique et ne dit presque rien
sur notre sujet : ni sur Téménos, ni sur cet épisode que nous ne
savons même pas à quel événement rattacher. Le plus
vraisemblable est que Téménos était un chef mercenaire qui agissait pour son
propre compte et tentait d'établir son pouvoir sur la ville. Comme le
montrent d'autres faits tirés de l'histoire du IVe siècle, on usait de
moyens très différents pour instaurer la tyrannie, au nombre
desquels figurait évidemment la prise directe de la ville avec l'aide de
mercenaires. Enée ne mentionne en tout cas ni quels étaient les
partisans de Téménos dans la ville, ni quelles étaient les autres forces à
sa disposition.
Tels sont les renseignements concrets que l'on peut tirer de ce
traité militaire sur la participation des mercenaires aux luttes
sociales dans les poleis, sur les rapports des mercenaires avec les
tyrannies de second plan et sur la transformation des mercenaires en
force sociale.
Quels sont les autres aspects du mercenariat évoqués dans ce
manuel pratique ? De quelles autres questions relatives aux
mercenaires Enée estimait-il nécessaire de parler dans cette oeuvre
consacrée à la défense des villes assiégées ?
Presque tout le chapitre XXIV traite des mots de passe dans
les contingents mercenaires ou alliés originaires "de diverses villes
ou populations" (XXIV, 1 sq. ). Il ne fallait pas y user de mots dont
(47) Date inconnue. Sur Python, voir L.P. Marinovic. op. cit., p. 71. n.77.
avec bibliographie.
Les mercenaires et la polis
(quelques aspects des luttes sociales) 225
parfois dommageables.
Ce chapitre éclaire la composition ethnique des mercenaires.
Enée souligne que de telles précautions sont à prendre "dans une
armée mercenaire d'origine variée'' (XXIV, 3).
La prise d'Ilion vers 360 par Charidèmos et la tentative
infructueuse d'Athènodoros pour s'en emparer (XXIV, 3-14) sont ici
invoquées à titre d'exemples, où interviennent également des
mercenaires sous le commandement de Charidèmos. Deux détails sont à
cet égard intéressants. Quand un esclave, que s'était concilié
Charidèmos, introduit dans Ilion, comme si c'étaient des prisonniers, 30
de ses mercenaires vêtus "d'habits misérables" sous lesquels ils
cachaient des armes, il y avait avec eux des femmes et des enfants
ayant eux aussi l'apparence d'esclaves (XXIV, 7). C'est une
situation courante à l'époque : des femmes et des enfants accompagnent
souvent les mercenaires et forment une partie du train de l'armée
(voir également par exemple, Plut., Pélop., XXVII).
Le deuxième détail intéressant est l'expression xénas praxeis
qu'Enée utilise pour caractériser le comportement des mercenaires
lors de la prise d'une ville : une fois entrés, "ils se mirent
immédiatement à l'oeuvre, tuèrent le portier et se chargèrent rapidement des
autres besognes convenant à des mercenaires" (XXIV, 8) ' . Nos
sources nous ont conservé de nombreux témoignages sur le
comportement des soldats dans les villes conquises : les mercenaires, dont
tous les actes étaient dictés, comme on l'a déjà vu, par l'appât du
gain, se distinguaient alors par leurs agissements. Notons également
qu'une telle expression ne peut apparaître qu'à un moment où
l'utilisation des mercenaires est déjà largement répandue. Elle n'est pas
sans ressembler à une autre tournure de phrase relative aux
mercenaires, dont nous parlerons à propos d'Isocrate.
Les problèmes posés aux poleis et aux stratèges par l'emploi
des mercenaires ont trouvé un écho évident dans le chapitre XIII
consacré à leur entretien [xénotrophia) ' . Enée propose le plan
suivant : ce sera aux plus riches citoyens d'engager des soldats,
(481 Cf. les traductions de Hunter (et ses commentaires p. 185). d'Oldfather,
de Barends et de Beljaev.
(49| Voir également Cl. Mossé, op. cit., p. 306, n.3.
Les mercenaires et la polis
226 (quelques aspects des luttes sociales) ■
chacun selon ses moyens, les uns trois, les autres deux, certains un
seul ; ceux-ci vivront chez ceux qui les auront loués et recevront
d'eux solde et nourriture (misthos et trophè), en partie aux frais de
leurs employeurs et en partie aux frais de l'Etat - "Que l'avance
faite pour entretenir les mercenaires soit remboursée avec le temps,
chacun la déduisant des contributions qu'il verse à la cité" '^ .
On doit répartir les mercenaires en loches, après avoir placé à
la tête de chacun de ceux-ci, comme lochages, les citoyens les plus
sûrs. Sous leur commandement, ils s'acquitteront des veilles et de
tous les autres devoirs imposés par les autorités. A la question de
savoir quelles était la finalité de ce plan, Enée a lui-même répondu
en fin de chapitre en faisant remarquer que le moyen qu'il proposait
était "le plus rapide, le plus sûr et le moins onéreux ".
Que ce plan ait jamais été utilisé ou non, le chapitre XIII
présente en tout cas un intérêt exceptionnel pour l'étude du mercena-
riat. Une preuve supplémentaire de sa large diffusion est apportée
par la nécessité de mettre au point ce genre de plan. Enée est avant
tout sensible au fait que ce procédé est "le plus sûr" : il commence
(XIII, 1) et finit (XIII, 4) son exposé par l'affirmation qu'il
présente le maximum de sécurité. A la lumière de notre étude
précédente, apparaît à l'évidence la crainte ressentie par Enée et par les
utilisateurs de son manuel : le fait que les mercenaires constituaient
une force très aisément utilisable par les adversaires du régime en
place. C'est pourquoi on nomme lochages les citoyens les plus sûrs
et on répartit les mercenaires en petits groupes placés sous la
surveillance des riches. Les aspects purement militaires du plan ne sont
pas négligés : car il était de l'intérêt des employeurs que fût garantie
la fidélité des soldats, surtout en temps de siège. De plus, les
mercenaires étaient ainsi en mesure d'assurer la protection de leurs
employeurs et de former autour d'eux une sorte de garde
personnelle - les riches ayant à redouter non seulement leurs ennemis
politiques, mais aussi l'hostilité de Vochlos et peut-être aussi des
esclaves. Cette dernière hypothèse est confortée par un passage de Xéno-
phon : répondant à une question de Hiéron sur l'utilité des
• • •
(60) Le lien entre la tyrannie et la crise de la polis n'est pas mis en doute par
les historiens modernes : Cl. Mossé, "Un aspect de la crise de la cité
grecque au IVe siècle : la recrudescence de la tyrannie ", RPhilos 152
(1962) p.l sqq. ; La tyrannie dans la Grèce antique (Paris, 1969) ; H.
Berve, Die Tyrannis beiden Griechen, I (Miinchen, 1967) ; E.D. Fro-
lov, "Coup de force et arrivée au pouvoir de Denys l'Ancien" (en
russe). VDI 1971, 3, p. 49, n.7 ; Les tyrans grecs du IVe siècle av.n.è.
(en russe ; Leningrad, 1972) p.6 ; S. Payrau, EIRENIKA ", REA 73
(1971)p.68s<7.
(61) Le problème de la tyrannie n'a probablement pas été assez étudié,
notamment en Union Soviétique. En plus des travaux d'ensemble sur
l'histoire de la Grèce et de certaines régions (M. Sordi, La lega Tessala
fino ad Alessandro Magno (Roma, 1958) ; M.I. Finley, Ancient Sicily
to the Arab Conquest (London, 1968) parmi les plus récents du genre),
on peut citer quelques ouvrages consacrés à divers tyrans, surtout
siciliens : K.F. Stroheker, Dionysios I. Gestalt und Geschichte des Tyran-
nen von Syrakus (Wiesbaden, 1958) ; H.D. Westlake, Timoleon and
Les mercenaires et la polis
232 (quelques aspects des luttes sociales)
(62) Voir, par ex., N.F. Deratani, "Formes de la tyrannie dans le Promé-
thée enchaîné d'Eschyle" (en russe), Doklady AN SSSR, série Β (1929.
4) p. 70 sqq. (sont cités plusieurs passages d'auteurs grecs où le tyran
est présenté, en termes presque identiques, comme un despote cruel).
Les mercenaires et la polis
234 (quelques aspects des luttes sociales)
plus par hasard que, dans la littérature du IVe siècle, à limage des
tyrans réels s'oppose celle des tyrans idéaux, c'est-à-dire de ceux qixi
serviraient les intérêts des "meilleurs" citoyens ' .
ne saurait 'mieux
mercenaires" . Pour
démontrer
autant qu'on
l'importance
puisse en juger,
politique
le mercena-
des
Le mercenariat et la Grèce
général de la Grèce)
athénienne"
221 et al. (en
; E.A.
russe),
Millior,
UZ "Isocrate
LGU 39,et sér.
la seconde
hist., 4
confédération
(1939) p. 89-92 ;
(8) Une analyse détaillée en est donnée dans Ed. Buchner. Der "Panegyri-
kos" des Isokrates. Eine historisch-philologische Untersuchung (Wies-
baden, 1958) ; voir aussi : F. Blass. Die attische Beredsamkeit, II
(Leipzig, 18921 p. 250-265 ; G. Mathieu, op. cit., p. 65-80 ; E.A. Millior,
op.cit., p. 92-100 ; Cl. Mossé, op.cit.. p. 431-435 ; F. Chatelet. op.cit.,
p.356sqq. ; P. Cloché, op.cit., p. 33 sqq. ; K. Bringmann, op.cit., p. 22
sqq. ; D. Gillis, op.cit., p. 52 sqq. ; A. S. Sofman, op.cit., p. 126-128 ;
V.G. Boruchovic et E.D. Frolov, op.cit.. p. 206-208.
Le mercenariat et la Grèce
(Le mercenariat comme problème général de la Grèce) 241
6 000 hommes ^\ "non pas choisis d'après leur valeur, mais des
gens qui, dia phaulotèta, ne pouvaient vivre dans leur patrie".
Même ces gens-là se révélèrent plus forts que les Perses dont "la
majorité forme une foule sans discipline... et amollie devant la
guerre, mais mieux instruite pour l'esclavage que les serviteurs de
chez nous" (145 sqq.).
C'est intentionnellement que nous n'avons pas traduit un des
mots du passage d'Isocrate relatif aux mercenaires grecs du prince
perse : car il est sans doute impossible de déterminer en toute sûreté
ce qu'il faut entendre par dia phaulotèta. Selon le dictionnaire
Liddell-Scott-Jones,
"badness" (avec référence
phaulotès
à Platon,
signifie
Lois,"meanness",
646 b et à notre
"poorness",
passage
(13) Xén., Anab., I, 7, 10 ; voir aussi R.J. Bonner, "The Name Ten Thou-
sand", CPh 5 (1910) p. 97 sqq. ; "Désertions from the Ten Thousand",
CPh 15 (1920) p.85 sqq.
(14) Isocrate, Discours, texte établi et traduit par G. Mathieu et E. Bré-
mond, I (Paris, 1963) ; Parke, p.29 (cf. G.B. Nussbaum, The Ten
Thousand (Leiden, 1967) p.ll, n.l) ; Isocrates. with an English
translation by G. Norlin, I (London-New York, 1928) ; Les éloges
d'Isocrate, traduit du grec (en russe) par N. Koren'kov (Kaluga. 18911 ;
Isocrate. Discours, traduction (en russe) par K.M. Kolobova. VDI
1965, 4.
(15) H.-J. Diesner, op.cit., p. 218. Cf. supra, p. 144. n.22.
Le mercenariat et la Grèce
244 (Le mercenariat comme problème général de la Grèce)
égale ' ' à celle de Xénophon dans VAnabase : il a pour cela, très
évidemment, de bonnes raisons de caractère général.
Toutes les allusions d'Isocrate aux mercenaires dans son
Panégyrique sont dictées en effet par l'objectif suivant : persuader
les Grecs qu'une campagne en Orient est nécessaire et qu'elle serait
facile et salutaire, car "qui parmi leurs ennemis n'est pas revenu
après avoir réussi ?". L'attention d'Isocrate n'est cependant pas
accaparée par les mercenaires ; il ne parle d eux que dans la mesure
où ils participèrent aux événements qu'il relate. Ils n'apparaissent
pas encore comme un problème qu'il faut résoudre. Au fond, il est
trop tôt pour parler d'une position déterminée d'Isocrate vis-à-vis
des mercenaires dans leur ensemble. Or il semble que leur place
dans le Panégyrique était un reflet de la réalité : bien que les poleis
aient recours à eux dès les années 380, ce n'était en somme qu'une
première étape dans le développement du mercenariat, où on ne les
avait pas encore utilisés sur une grande échelle ' '. Isocrate ne
parle pas encore des contingents mercenaires errant dans le monde
grec, prêts à s'engager au service de n'importe qui (V, 96) ; il ne dit
toujours rien de la colonisation de l'empire perse, qu'il mettra par la
suite en relation avec les mercenaires.
25 ou 30 ans plus tard, dans le discours Sur la paix et dans le
Philippe, le tableau est déjà modifié par le développement du
mercenariat - sans compter l'influence exercée sur Isocrate par les
événements tumultueux de la fin des années 370-360. Ecrit au plus fort
de ces événements, YArchidamos ' ' est plein d'inquiétude et de
crainte devant les métabolaï et les staseis qui se sont multipliées
(25) Par ex. VIII, 50 (cf. 361 - sur la perversion des citoyens, c'est-à-dire la
corruption des orateurs (voir Eschine, II, 71 ; Theop. chez Athénée,
XII, 532 c = FHG I, fr.238 ; FGH II B, fr.213 - qui accusent
spécialement Charès) ; VIII, 55 - sur les stratèges aux pouvoirs illimités, que
"personne ne consulterait, soit pour les affaires privées, soit pour les
affaires politiques". Voir les commentaires dans l'édition de G. Norlin,
Isocrates, II (London-New York, 1929) ; G. Mathieu, Isocrate.
Discours, III (Paris, 1960) ; L.M. Gluskina, VDI 1966, 3 et aussi
E.A. Millior, op. cit., p. 124 sq. et 127 ; J. de Romilly, op. cit., p. 328
sqq. Qu'Isocrate ait fait allusion à Charès était parfaitement évident
pour les contemporains (cf. Aristote, Rhét., III, 17, 1418 a 31).
(26) Sur ce discours, voir F. Blass, op. cit., p. 308-314 ; G. Norlin,
Isocrates, I, p. XX sqq. ; G. Mathieu, III, p.87-102.
(27) Outre le commentaire de G. Mathieu, voir W. Jaeger, "The Date of
Isocrates 'Aeropagiticus and the Athenian Opposition", Athenian St.
près, to W.S. Ferguson (Cambridge Mass., 19401 p. 441 sqq. ;
Cl. Mossé, La fin de la démocratie..., p. 411 ; Ed. Delebecque, Essai
sur la vie de Xénophon (Paris, 1957) p. 451 sq. A peu près la même
chose dans le Panathénaïque plus tardif : voir les commentaires de
G. Norlin {Isocrates, II) à Isocr., XII, 140. et ceux de I.A. Sisova
{VDI 1967, 4) à XII, 142.
(28) Comme l'a ajuste titre remarqué A. H. M. Jones, le principal mérite de
Timothée, aux yeux d'Isocrate, tenait à ce qu'il était un stratège bon
marché : Athenian Democracy (Oxford, 1957) p. 30.
Le mercenariat et la Grèce
(Le mercenariat comme problème général de la Grèce) 251
(30) Isoc, XV, 121 et 125-127. et aussi VIII, 134 ; XII, 142 ; cf. Plut.,
Moral., 187 D. Voir les commentaires de G. Mathieu (III), G. Norlin
(II), L.M. Gluskina WDI 1966, 3), LA. Sisova {VDI 1967. 4),
V.G. Boruchovic {VDI 1968, 2). Cf. Eschine, II, 71 (sur les
persécutions de Charès et de ses officiers envers les "malheureux insulaires").
(31) Voir les commentaires à XV, 117 de G. Mathieu (III) et de V.G.
Boruchovic (FD/1968, 2).
(32) Cf. Plut., Phocion, VII. Sur le désir de Phocion de redonner vie à la
politéia du temps de Périclès, Aristide et Solon et de réunir entre ses
mains les activités militaires et citoyennes en réaction contre la
situation contemporaine où les uns "se bornent à parler au peuple" et les
autres (dont Charès) "s'illustrent par les commandements et par la
guerre", voir J. de Romilly, "Guerre et paix entre les cités", PGGA,
p.219.
Le mercenariat et la Grèce
(Le mercenariat comme problème général de la Grèce) 253
(33) Pour plus de détails sur l'attitude envers Timothée et Charès d 'Isocrate
(ainsi que de son élève l'historien Théopompe et l'orateur Eschine) et
de Dèmosthène, en rapport avec les luttes politiques internes à
Athènes, voir J. de Romilly, "Les modérés...", p. 328 sqq.
(34) II existait néanmoins, à ce qu'il nous semble, une certaine différence
entre Charès et Timothée. Celui-ci, conformément aux anciennes
traditions, était à la fois homme politique et soldat, ce qui l'amenait à
défendre ses conceptions politiques à l'assemblée du peuple et à
prendre en général une grande part aux activités civiques. Il est au contraire
plus que vraisemblable que la guerre était, pour Charès, la chose
importante. Mais dans la mesure où il dirigeait des armées dans une
situation politique complexe, il fut bien des fois traduit en justice, et
dans la mesure où il était intéressé pour une raison ou pour une autre à
telle ou telle campagne et se trouvait sanctionné par le peuple pour ses
activités militaires dans une région déterminée, il devait aussi
s'adresser à l'assemblée du peuple en dépensant, comme l'écrit Eschine (II,
71) l'argent militaire à payer les stipendiés qui défendaient ses intérêts
à la tribune {tous péri to bèma kai tèn ekklèsian misthophorous). Dans
la mesure où il est question de l'assemblée du peuple, il est plus juste de
voir dans ces misthophoroï des stipendiés au sens général du terme,
plutôt que des soldats mercenaires. Comparer Eschine, II, 71 à II, 73
et à Théop. chez Athénée, XII, 532 c : C. Pecorella Longo, Eterie et
grupi politici nell'Atene del IV sec. a. C. (Firenze, 1971) p. 75-78. Cf.
également les traductions suivantes : Oeuvres complètes de
Dèmosthène et d'Eschine, trad. J.F. Stiévenant (Paris, 1842) ; The Speeches
of Aeschines, with an English translation by Ch.D. Adams
(Cambridge Mass. - London, 1948) ; N.I. Novosadskij et K.M. Kolobova,
VDI 1962, 3 ; J. de Romilly, "Guerre et paix...", p. 220.
Le mercenariat et la Grèce
254 (Le mercenariat comme problème général de la Grèce)
'
contre les Grecs . Pour payer les mercenaires, les Athéniens
"oppriment et accablent de tributs leurs propres alliés" ' . Et
bien que les mercenaires soient des gens sans attaches ni traditions,
des déserteurs et des criminels, "nous les aimons" plus que nos
réjouissons"
propres enfants et "nous nous quand nous entendons
parler de "leurs brigandages, violences et injustices". "Tel est le degré
de folie auquel nous sommes parvenus", conclut l'orateur avec
indignation.
Ces reproches relatifs aux mercenaires sont, avec d'autres,
adressés par Isocrate à ses compatriotes, quand il les compare à
leurs ancêtres. Il est en effet bien connu qu'il se réfère volontiers à
l'idéal de la patrios politéia et que, dans son penchant pour l'ancien
temps, il exagérait beaucoup les défauts de ses contemporains : il
faut certainement ici en tenir compte. A la base de ses reproches, il
y a cependant des faits réels, sur lesquels il met simplement
l'accent. Que reproche donc l'orateur aux Athéniens ? Avant tout
que, malgré leurs difficultés financières, ils se refusent eux-mêmes à
combattre et entretiennent des mercenaires. Or les Athéniens, à
cette époque, en utilisaient de fait assez largement. Isocrate parle
lui-même des mercenaires vivant en Asie qu'"ils avaient menés
Grecs"
contre les (VIII, 42). L Aréopagitique, écrit au même moment,
peut fournir un autre exemple précis (9 sq. ) ' : quand il énumère
les faits qui témoignent des difficultés d'Athènes (notamment la
perte des villes thraces), Isocrate fait mention des 1 000 talents
dépensés pour les mercenaires - "en pure perte", comme il ne
manque pas de le souligner '4 . Nous verrons aussi Dèmosthène, un
sortent des trières les armes à la main et les citoyens munis de leurs
coussins de rameurs (VIII, 48). Tous ces plans comportaient par
ailleurs un aspect économique ' . Ils sont tout à fait
caractéristiques du IVe siècle.
Les mercenaires sont, d'après Isocrate, "les uns des hommes
sans patrie, les autres des déserteurs, les autres des gens qui se sont
réunis après toutes sortes de crimes" (VIII, 44) et qui, si on leur
donne une plus forte solde, marcheront contre leurs employeurs
athéniens.
Isocrate avait certes de bonnes raisons de les accuser
d'infidélité. Il est vrai aussi que leur origine était très variée : que,
parmi eux, on trouvait des déserteurs et des criminels et que nombre
d'entre eux avaient perdu tout lien avec leur patrie après de longues
années de service. A cet égard, ce passage d 'Isocrate caractérise de
façon intéressante la composition des armées mercenaires et voit sa
valeur historique confirmée par l'appréciation analogue d'un autre
orateur contemporain, Eschine, qui traite les mercenaires de
fugitifs idrapétaï) venus de toute la Grèce pour se rassembler à
Athènes (II, 71). Isocrate force pourtant consciemment la note pour
mieux montrer à ses concitoyens à qui ils confient leur sort. Mais il
n'y a pas, semble-t-il, seulement cela. Un peu plus bas, Isocrate
qualifie les mercenaires d'"ennemis communs de toute l'humanité"
(VIII, 46) . Evoquant ailleurs dans son discours la guerre du
Péloponnèse, il caractérise les mercenaires de la façon
suivante ' ' : ce sont des gens qui, venus de toute la Grèce, sont
"les plus paresseux et ont participé à toutes les infamies". Ce que
l'orateur désigne précisément sous ce nom d" 'infamies" est très
caractéristique : les mercenaires avaient servi à "expulser les
meilleurs" (tous beltistous) et à partager leurs biens entre "les plus
mauvais des Grecs" (toïs ponèrotatoïs : VIII, 79). Il nous semble qu'ici
s'exprime le jugement d'Isocrate sur la participation des
mercenaires à l'intense lutte sociale. C'est ce qui apparaît encore plus
nettement dans le Philippe.
Il est intéressant de comparer le paragraphe VIII, 48 et le
passage de YAréopagitique pour apprécier la valeur historique des
discours d'Isocrate. Dans le discours Sur la paix, il écrit que les
Athéniens d'autrefois embarquaient des mercenaires (tous xénous) et des
esclaves comme rameurs sur leurs trières et envoyaient en
expédition les citoyens en armes : désormais ce sont au contraire les
mercenaires (toïs xéno'ù) qui combattent comme hoplites *4^) et les
(48) Le mot "mercenaires" ne figure pas ici ; mais il est évident que c'est
d'eux qu'Isocrate parle. Voir les commentaires de G. Norlin, II ;
L.M. Gluskina, VDI 1966, 3.
(49) Voir les traductions de L.M. Gluskina (VDI 1966, 3) : "xénof ;
G. Mathieu (III) : "les étrangers" ; G. Norlin (II) : dans le premier
cas "foreigners" et, dans le second, "mercenaries" (avec les
commentaires de ce passage) ; Y. Garlan, "Les esclaves grecs en temps de
guerre", Actes du colloque d'histoire sociale, 1970 (Paris, 1972) p. 40 :
"les étrangers". Nous admettons qu'il y a ici une imprécision : mais
seulement, semble-t-il, dans la forme et non sur le fond. Le contexte
aide à comprendre le passage : les reproches adressés par Isocrate en
42-48 reposent sur l'opposition des ancêtres qui combattaient eux-
mêmes et des concitoyens qui s'étaient mis à entretenir des
mercenaires. Il faut en outre tenir compte de la conclusion de l'orateur (48) :
"les individus dont j'ai exposé tout à l'heure le caractère portent les
armes". Les xénoï qui "portent les armes" étaient "autrefois" des
l'heure"
rameurs et le caractère qu'Isocrate avait exposé "tout à était
celui des mercenaires (44-46). Les xénoï sont compris de la même façon
par Cl. Mossé (La fin de la démocratie..., p. 319, n.l ; "Le rôle
politique...", p. 224) et par M. Amit qui souligne aussi l'aspect rhétorique de
ce passage et indique que, dans ce pamphlet politique, Isocrate utilise
un exemple historique pour renforcer son argumentation, en interpré-
Le mercenariat et la Grèce
260 (Le mercenariat comme problème général de la Grèce)
(52) Sur ce discours, voir F. Blass, op. cit., p. 314-319 ; Isocrate. Philippe et
lettres à Philippe, à Alexandre et à Antipatros, Texte et traduction
avec une introduction et des notes par G. Mathieu (Paris, 1924) p.l
sqq. ; Cl. Mossé, La fin de la démocratie..., p.440 sqq. ; A. Dovatur,
La "Politique" et les "politeiaï" d'Aristote (en russe ; Moscou-
Leningrad, 1965) p. 79 sq. ; K. Bringmann, op. cit., p. 96 sqq. ;
A. S. Sofrnan, "La préparation idéologique...", p. 130-135 ; S. Perl-
man, "Isocrates' Philippus - a Reinterpretation", p. 306 sqq. (voir
cependant A. S. Sofman, Histoire de la Macédoine antique, I (en
russe ; Kazan, 1960), p. 238, n.2) ; id., "Isocrates 'Philippus and Pan-
hellenism", p. 370-374 ; G. Dobesch, op. cit., p. 54 sqq. ; V.G. Boru-
chovic, "Isocrate et Dèmosthène" (en russe), Uc. zap. Gor'kovskogo
gos. un-ta, 43 (1957) p. 138 sqq. ; V.G. Boruchovic et E.D. Frolov,
op. cit., p. 216.
(53) Isocrate parle également, dans sa Lettre à Philippe (Lettres II, 8), de
l'imprudence de Cyrus qui le perdit lui-même et "provoqua les plus
grands malheurs pour ceux qui l'avaient accompagné".
(54) On ne peut guère être d'accord avec la traduction par G. Norlin (I) de
ek ton planômenôn : "those who wander in exile". Parmi eux, il y avait
aussi, bien sûr, des exilés ; mais il s'agit ici, sans doute avant tout, des
Le mercenariat et la Grèce
262 (Le mercenariat comme problème général de la Grèce)
aussi, bien sûr, des exilés ; mais il s'agit ici, sans doute avant tout, des
nombreux sans-logis qui erraient par misère. On y trouvait également
des soldats professionnels qui avaient été ou allaient devenir
mercenaires. Cf. les traductions de G. Mathieu, IV (Paris, 1%2) : "les gens
sans domicile" ; et de V.G. Boruchovic [VDI 1%(), 11 : "les gens qui
erraient par le monde".
(55) Tous les spécialités sont loin d'imputer cette lettre à l'orateur. Voir à ce
propos : E. Mikkola, op. cit.. p. 296 ; et aussi T. A. Miller, "Les lettres
de Platon et d'Isocrate ", dans le recueil Epistolographie antique (en
russe ; Moscou. 1%7) p. 47 sqq. ; V.G. Boruchovic et E.D. Frolov,
op. cit., p. 181 et 211, n.35. En faveur de l'authenticité de la lettre :
G. Mathieu, IV, p. 171 sq.
Le mercenariat et la Grèce
(Le mercenariat comme problème général de la Grèce) 263
forts avec des vagabonds qu'avec des citoyens" {Lettres, IX, 9). Est
ici répétée la même idée, à propos des poleis d'Asie Mineure, que
parmi les mercenaires il y a plus de gens arrachés à leur patrie que
de citoyens. Presque les mêmes mots se retrouvent dans la lettre à
Archidamos ("des contingents plus nombreux et plus forts avec les
vagabonds qu'avec les citoyens") et dans le Philippe ("une armée
plus grande et plus forte avec les vagabonds qu'avec les
citoyens") (l6).
Mais c'est dans les paragraphes 120-122 du Philippe qu'est le
plus développé le thème des mercenaires. Avec un surcroît
d'arguments en faveur d une campagne contre les Perses, Isocrate expose
un programme complet d'activités en Orient : Philippe doit
anéantir tout le royaume et, s'il n'y parvient pas, s'emparer du plus de
terres possibles en coupant l'Asie (c'est-à-dire l'Asie Mineure),
"comme on dit, de la Cilicie à Sinope". Il faut y fonder des poleis et
y établir "ceux qui errent maintenant faute de moyens de vivre"
(tous nun planôménous dVendeian ton kath'hèméran) et "qui font
du mal à tous ceux qu'ils rencontrent". Et l'orateur poursuit : "Si
nous ne leur fournissons pas des ressources suffisantes pour les
empêcher de se rassembler , à notre insu ils deviendront si
nombreux qu'ils ne seront pas moins redoutables pour les Grecs que
pour les Barbares. C'est à quoi nous ne faisons pas attention et nous
ne voyons pas grandir un fléau commun et un danger qui nous
menace tous". Voici donc le plan proposé par Isocrate : de prendre
aux Perses, en utilisant la force des mercenaires, des terres en Asie
Mineure, "de délivrer ceux qui vivent en mercenaires (tous xéni-
teuoménous) des maux dont ils souffrent eux-mêmes et font
156) Ce qui peut d'ailleurs servir également à prouver que la lettre est un
faux.
(571 Notons encore une correspondance, presque mot pour mot, avec la
Lettre à Archidamos : V. 121 \hous ei mè pausomen athroïzoménous) ;
Lettres, IX, 9 ihous... ouk an perieôrômen athroïzornénous).
(58) Cf. Lettres, II, 19 (hosoï... ta men ton xéniteuoménôn stratopéda mis-
thountaï). Cf. Liddell-Scott-Jones, s. ν ; xéniteuô, II (moyen I : "to be
a mercenary in foreign service", avec références à ces deux passages
(c'est-à-dire V. 122 et Lettres, II. 191 ; cf. G. Mathieu, IV : "qui
Le mercenariat et la Grèce
264 (Le mercenariat comme problème général de la Grèce)
souffrir les autres, de fonder avec eux des villes qui serviront de
limites à la Grèce et seront devant nous tous comme un glacis". "En
agissant ainsi, dit l'orateur à Philippe, non seulement tu les rendras
heureux, mais tu nous donneras à tous la sécurité" .
La position d'Isocrate est ici exposée avec le maximum de
clarté. Les pauvres, les vagabonds sans patrie, qui errent à
l'étranger par pauvreté et par pauvreté s'engagent chez les mercenaires,
voilà le principal danger, voilà ce qui fait peur à Isocrate. Ce danger
ne cesse de grandir et seule une campagne peut le conjurer.
Maintenant apparaît clairement le lien interne entre ces errants et les
mercenaires et nous avons plus que jamais le droit de répéter ce que
nous avons dit plus haut : à savoir qu Isocrate met nettement en
rapport le mercenariat et la pauvreté.
L'identification, chez Isocrate, des mercenaires aux pauvres
est particulièrement claire lorsqu'on compare les paragraphes 120 et
122. Dans le paragraphe 120, il parle de ceux qui errent par
manque de ressources, causent du dommage à tous ceux qu'ils
rencontrent et qu'il faut installer dans des villes de fondation récente.
Dans le paragraphe 122, il utilise pratiquement les mêmes termes
pour désigner les mercenaires qui servent à l'étranger et qu'il faut
délivrer des maux qu'ils endurent et qu'ils font endurer aux autres,
pour constituer avec eux des villes nouvelles.
On retrouve un certain écho de ce passage dans la lettre à
Philippe {Lettres, II, 19), mais avec quelques nuances. Si dans le
discours il dresse un large tableau et parle en général du mal que les
mercenaires causent aux autres (et à eux-mêmes), dans la lettre il
s'agit du tort qu'"ils ont fait plus souvent à ceux qui s'y sont fiés
qu ils ne les ont sauvés". Bien qu'il y ait du vrai dans cette réflexion
qui s'accorde parfaitement avec ce qu'Isocrate pense des
mercenaires (lourdeur de leur entretien, danger d'utilisation dans les luttes
sociales et en particulier de prise du pouvoir par un chef considéré
comme un tyran potentiel), elle n'en porte pas moins des traces de
"
rhétorique : les mercenaires sont "plus souvent nuisibles qu'utiles.
Et ce dans un contexte lui-même très éloquent, où Isocrate exprime
son étonnement envers ceux qui, au lieu d'établir de bonnes
relations avec Athènes, entretiennent des armées mercenaires et
dépensent pour cela quantité de ressources - alors que ces armées portent
souvent préjudice à ceux qui leur font confiance plutôt qu'elles ne
les protègent et ne les aident.
Un peu plus loin dans le Philippe (54 sq. ) quand il parle de
l'échec des Thébains lors de leur invasion de la Phocide pendant la
Guerre Sacrée, Isocrate estime qu'ils se firent plus de tort à eux-
mêmes qu'ils n'en causèrent aux ennemis, puisqu'ils ne tuèrent en
Phocide que quelques mercenaires "pour qui la mort vaut mieux
que la vie", mais perdirent au cours de la retraite quelques-uns de
leurs citoyens, qui étaient d'illustres soldats . Une telle
remarque, quelque peu étrange, sur les mercenaires peut s'expliquer par
le fait que les contemporains considéraient les Phocidiens comme
des sacrilèges coupables d avoir pillé le trésor sacré de Delphes pour
payer leurs armées : réputation qui s'était étendue à leurs
mercenaires ' '. Il est d'ailleurs plus vraisemblable que cette remarque faite
en passant est l'une de ces notations purement rhétoriques qui
abondent dans l'oeuvre du moraliste qu'était Isocrate.
Un autre exemple semblable, lié aux mercenaires, est celui où
l'orateur, se préoccupant du bonheur et de la sécurité de Philippe,
le sermonne dans une lettre en lui disant ce qu'il doit et ne doit pas
faire : il ne doit pas, en particulier, rivaliser avec ceux "qui s'offrent
forte"
aveuglément aux dangers pour obtenir une solde plus
{Lettres, II, 91.
1601 Les Thébains avaient aussi des mercenaires ; mais c'était sans
comparaison avec l'armée phocidienne, dont la plus grande partie était
mercenaire.
(61 1 Sur cette tradition historique, voir supra, p. 93.
Le mercenariat et la Grèce
266 (Le mercenariat comme problème général de la Grèce)
162) Sur ce discours, voir F. Blass. op. cit., p. 319-326 ; G. Norlin. II,
p. 368-371 ; Fr. Zucker. Isokrates'"Panathenaïkos" (Berlin, 1%4I.
Le mercenariat et la Grèce
(Le mercenariat comme problème général de la Grèce) 267
les uns aux autres. Non seulement les mercenaires causent du tort à
autrui, mais ils endurent eux-mêmes des maux (V, 122) ; ils
meurent en se battant contre des amis mais dans l'intérêt des ennemis
(IV, 168), en défendant autrui (XII, 186) et, pour un gros salaire.
ils risquent follement leur vie {Lettres, II, 9). C est peut-être tout
cela qui donne à Isocrate une bonne raison de penser que pour eux
il vaut mieux mourir que de mener une telle vie '" .
Comme nous l'avons vu, le mercenariat devient un des thèmes
fondamentaux des derniers discours d Isocrate et prend figure de
problème social très important exigeant une solution rapide. Les
mercenaires constituent une force socialement dangereuse : on les
utilise dans les luttes intérieures, pour établir la tyrannie dans les
poleis, et ils représentent un danger permanent pour les citoyens
fortunés. Isocrate voit la solution du problème dans une campagne
en Orient : ils en seraient une des forces militaires essentielles. La
guerre avec la Perse est indispensable aussi parce qu'elle donnerait
la possibilité de diriger vers l'Asie cette masse inquiétante et
dangereuse et d'en libérer la Grèce. La nécessité de se débarrasser des
mercenaires en activité ou potentiels, se trouvant quelque part en
service ou errant à la recherche d'un employeur, devient donc en fin
de compte un des principaux arguments de l'orateur en faveur
d'une campagne en Orient.
La transformation de la place des mercenaires dans l'oeuvre
d Isocrate est la conséquence de la transformation de leur rôle
effectif. De nombreuses sources attestent le développement du système
de louage dans les armées et l'influence grandissante des
mercenaires sur les différents aspects de la vie grecque au IVe siècle et les
discours d 'Isocrate sont importants pour nous à cet égard. Il nous
fallait avant tout expliquer comment s'y reflétait le problème du
mercenariat et quels aspects du phénomène avaient retenu son
attention. Son oeuvre nous donne en outre la possibilité de nous
interroger sur la nature du mercenariat au IVe siècle, sur les causes de son
essor, sur ses origines sociales. L'analyse des discours fait émerger
(63) Une telle interprétation de V, 54 sq. (voir supra) n'est pas exclue.
Le mercenariat et la Grèce
(Le mercenariat comme problème général de la Grèce)
Le mercenariat et
la crise de la polis
certains
mercenariat
Avant
aspects
et le
dedéveloppement
ont
conclure,
déjà été arrêtons-nous
évoqués
des relations
: celuisur
des
commercialo-monétaires.
unrapports
problème,
entre
dont
le
(5) A noter que, parmi les diverses théories sur les origines de la monnaie, il
y en a une qui explique son apparition par la nécessité de payer les
mercenaires : c'est celle de R.M. Cook, "Spéculations on the Origins of Coi-
nage ", Historia 7 (1958) p. 257-262, qui a été approuvée par R. Bogaert.
Banques et banquiers dans les cités grecques (Leyde, 1968) p. 308. Nous
sommes reconnaissants à L.M. Gluskina de nous avoir signalé l'article
de R.M. Cook.
(6) Ch. Seltman, Greek Coins (London, 1933) p. 159 sq., 165, 172 sq. (nous
n'avons pas pu prendre connaissance de la seconde édition).
274 Le mercenariat et la crise de la polis
E. Bresciani, The Greeks and the Persians (London, 1%()| p. 271 ; cf.
M.N. Tod. dans CAH V ll()27) p.2i> ; A. M. Andreades, A History of
Greck Public Finance I (Cambridge Mass.. 1()33I ρ.17."> et .%() ;
B.A. van Groningen, Aristote. I^e second lii're de l'Economique
(Leyde, 1933) p. 115.
(12) Cl. Mossé, La fin de la démocratie athénienne (Paris. 1%2( p. 111-113
(une partie de la bibliographie du sujet est citée p.l 11, n. I I.
Le mercenariat et la crise de la polis 279
directe des biens et des cultures au cours des hostilités que par ce
qui résultait de la surtension des capacités financières des cités '.
Par là même le mercenariat, qui n'existait et ne se développait que
dans une conjoncture de guerres permanentes, portait préjudice à
l'économie de toute la Grèce, créant ainsi un nouveau cercle
vicieux.
L'interdépendance entre le mercenariat et la structure
esclavagiste de la société grecque prit des formes multiples. Les campagnes
militaires, plus que toute autre chose, favorisaient la transformation
en esclaves de grandes masses d'hommes libres, si bien que le
développement de l'esclavage dans la Grèce du IVe siècle s'est
apparemment accéléré en partie à cause du mercenariat, puisque les
mercenaires faisaient tout leur possible pour vendre des prisonniers. Ils se
trouvaient pourtant constamment menacés d'être eux-mêmes
réduits en esclavage - ce à quoi les exposaient presque
automatiquement la défaite militaire et la capture. En sens inverse, des esclaves
affranchis par le tyran Denys l'Ancien de Syracuse se
transformèrent en mercenaires. Ce fut aussi le mercenariat qui dispensa Sparte
de recourir à l'aide massive des Hilotes dont la multitude, une fois
rassemblée et armée, effrayait les Spartiates (Xén., HelL, VI, 5, 28
sq.). Il arrivait enfin qu'une armée mercenaire donnât à l'esclave
fugitif un des rares asiles qui lui étaient ouverts (Xén., Anab., IV,
8,4).
Le mercenariat influa donc sur tous les secteurs fondamentaux
de la vie grecque et en subit en retour l'influence : économie
(agriculture, artisanat, commerce), politique (luttes intérieures des cités
et guerres), affaires militaires, idéologie. Dans l'ensemble, on ne
peut évaluer de façon univoque son importance dans la Grèce du
IVe siècle. Tout en favorisant le développement des relations
commerciales et monétaires, ainsi que de certains secteurs de
l'artisanat, il apparut comme une force destructrice apportant la mort et le
chagrin, l'asservissement et la violence, le pillage et la ruine. Tirant
(19) Parke, p. 235, n.1-4 (où sont données les références aux sources : Anti-
phanèse, Philémon. Ménandre, Apollodoros et Hipparchos).
(20) G. Mathieu, Les idées politiques d'Isocrate (Paris, 1925) p. 150 ;
A. Aymard, "Mercenariat et histoire grecque". EAC 2 (1959) p. 20
(= Etudes d'histoire ancienne (Paris, 1967) p. 491) ; Cl. Mossé, La fin
de la démocratie.... p. 224, 238 et 379 ; cf. L.M. Gluskina, "La
spécificité...", p. 28.
286 Le mercenariat et la crise de la polis
122) Aristote, Polit., IV, 10, 9 (1297 b 10-12) ; Xén., Hipp., IX, 5 (il est
vrai qu'il ne s'agit que de la cavalerie) ; cf. Xén., Hell., III, 4, 15.
288 Le mercenariat et la crise de la polis
(23) J.K. Anderson, Military Theory and Practice in the Age of Xenophon
(Berkeley-Los Angeles,! ()7<)| p. 58.
Le mercenariat et la crise de la polis 289
124) Voir Poiyen, III, 9, 29 (anecdocte sur le rôle des hétaïroï armés
d'Iphicrate dans sa justification devant les tribunaux à propos de la bataille
d'Embata) ; voir aussi Cl. Mossé, "Le rôle politique... ", p. 227 ;
S. Payrau, op. cit., p. 68. Sur la clientèle politique des généraux, et en
particulier les relations entre Iphicrate et Callistratos et, bien sûr, entre
Charès et Dèmosthène, voir R. Sealey, "Callistratos of Aphidna and
his Contemporaries", Historia 5 (1956) p. 178 sqq. ; G. Pecorella
Longo, Eterie e gruppi politici nell'Atene del IV sec. a. C. (Firenze,
1971).
(251 Athénée, XII. 532 b = FGH II B, fr.105 ; FHG I, fr.117 ; cf. Corn.
Népos, XII. 3. 4.
290 Le mercenariat et la crise de la polis
(26) Dèm., XXIII, 139. Voir également A. Dovatur, op. cit., p. 79.
(27) Charidèmos : Dèm., XXIII, 154-157 ; Enée, XXIV, 3 ; Ps.-Arist.,
Econ., II, 2, 30 ; Polyen, III, 14 ; Plut., Sert., I. Charès : Dèm., II,
28 ; Schol. ad Dem., III, 31 (Dindorf, p. 134) ; Theop. chez Athénée,
XII, 532 b (FHG I, fr.117 ; FGH II B, fr.105) ; Corn. Népos, XII, 3.
4 : Arrien, Anab., I, 12, 1.
(28) Parke, p. 122 sq. ; 129 sq. ; H. Berve, Die Tyrannis bei den Griechen
IMïinchen, 1967) I, p. 311 et 313 ; II, p. 678 ; cf. Cl. Mossé, "Le rôle
politique...", p. 227 ; E.D. Frolov, Les tyrans grecs du IVe siècle (en
russe ; Leningrad, 1972) p. 117.
292 Le mercenariat et la crise de la polis
athénien ' ' - réunissant ainsi en lui des qualités très différentes et
qui sembleraient incompatibles.
Au cours du IVe siècle, se produisit donc une émancipation
graduelle des mercenaires et de leurs commandants par rapport à la
polis. Elle se manifeste avant tout par les faits suivants : que
l'armée mercenaire devient une organisation sociale originale qui
s'oppose dans une certaine mesure à la polis ; qu'à l'intérieur de
l'armée prennent naissance d'autres formes de dépendance qui ne
sont pas caractéristiques des cités ; qu'y émerge une nouvelle
idéologie distincte de celle de la polis. Le lien entre les concepts de
"citoyen " et de "soldat ', c'est-à-dire entre la polis et l'armée, se
trouve rompu, et s'il est vrai qu'auparavant l'armée pouvait
'
apparaître, mutatis mutandis, comme une cité , cette analogie cesse
désormais d'exister, l'armée se juxtaposant et parfois s 'opposant à
la polis (cf. Enée, X, 11). Aux yeux des Grecs, l'armée est
maintenant une force politique plus ou moins autonome, ("indépendante
'
de tout régime constitutionnel organisé selon Isocrate, VI, 76) et, à
certains égards, équivalente à la polis. Le mercenariat anticiperait
en quelque sorte sur l'avenir, sur l'époque hellénistique, et les
commandants de mercenaires annonceraient par certains traits les dia-
doques.
L'étude du mercenariat en tant que phénomène caractéristique
de la Grèce du IVe siècle ne vaut pas seulement pour elle-même : on
peut y voir une des façons d'approcher le problème plus général de
la crise de la cité. Cette crise est signalée dans tous les ouvrages de
caractère général, sans qu'il en existe encore d'étude exhaustive - la
thèse de la crise étant souvent étayée par un choix standardisé
d'arguments. Une telle démarche peut servir à l'illustrer, mais une
autre voie est certainement plus juste et féconde : examiner en
détail les différents aspects de la vie grecque au IVe siècle. C'est
cette voie que nous avons voulu suivre. Autrement dit, voici la
question que nous nous sommes posée : aurions-nous le droit de parler
AC Antiquité classique.
AES Archives européennes de sociologie.
AHR American Historical Review.
AIIN Annali dell'Istituto Italiano di Numisma-
tica.
AJA American Journal of Archaeology.
AJN American Journal of Numismatic.
AJPh American Journal of Philology.
ANSMusN The American Numismatic Society
Muséum Notes.
ASNP Annali délia Scuola Normale Superiore di
Pisa.
BCH Bulletin de correspondance hellénique.
Best J.G.P. Best, Thracian Peltasts and their
Influence on Greek Warfare (Groningen,
1969).
BRL Bulletin of the John Rylands Library.
CAH Cambridge Ancient History.
CJ Classical Journal.
C&M Classica et mediaevalia.
CPh Classical Philology.
CQ Classical Quarterly.
CR Classical Review.
CRAI Comptes rendus de l'Académie des
Inscriptions et Belles-Lettres.
DHA Dialogues d'histoire ancienne.
Dindorf Demosthenes, ex recensione G. Dindorfii,
VIII-IX (Oxonii, 1851).
D-S Ch. Daremberg et E. Saglio, Dictionnaire
des antiquités grecques et romaines d'après
les textes et les monuments (1877-1919).
EAC Etudes d'archéologie classique (Annales de
l'Est, Mém. n° 22 ; Paris, 1959).
302 Liste des abréviations
Avant-propos pagesI
Introduction 1
PREMIÈRE PARTIE
DE COUNAXA A CHERONEE
DEUXIÈME PARTIE
LES TRAITS CARACTÉRISTIQUES DU MERCENARIAT
AU IVP S. AV. Ν. Ε.