Vous êtes sur la page 1sur 31

UNIVERSITE DE TAHOUA(NIGER)

*****@*****
FACULTE DE DROIT ET DE SCIENCE POLITIQUE

*****@*****

MASTER « Droit Public »

*****@*****
Cours : Droit public économique 1

Enseignant : Pr ADELOUI Arsène-Joël,


Agrégé des facultés de droit
Directeur de l’école doctorale
des Sciences juridiques, politiques et administratives
Université d’Abomey-Calavi

Année Académique : 2022-2023

SOMMAIRE DU COURS

INTRODUCTION GENERALE

PREMIERE PARTIE : Théorie générale de droit public économique

TITRE I : La notion de droit public économique

Chapitre I : La définition du droit public économique

Chapitre II : La spécificité du droit public économique

TITRE II : Sources et principes du droit public économique

Chapitre I : Les sources du droit public économique

Chapitre II : Les principes du droit public économique

DEUXIEME PARTIE : les structures d’intervention du droit public économique

1
Chapitre I : les autorités étatiques
Chapitre II : les autorités décentralisées
Chapitre III : Les institutions de régulation
Chapitre IV : Les structures de droit privé

TROISIEME PARTIE : Les interventions publiques directes


Titre 1 : Les entreprises publiques
Chapitre 1 : Le régime juridique des entreprises publiques
Chapitre 2 : Les relations des entreprises publiques et de l’Etat
Chapitre 3 : Les privatisations
Titre 2 : Les aides publiques
Chapitre 1 : La théorie des aides
Chapitre 2 : Les différentes aides
CONCLUSION GENERALE

2
INTRODUCTION GENERALE
1- Observations terminologiques
Selon Jean-Paul VALETTE , dans son livre « Droit public de l’économie », Paris,
Hachette supérieur, 6ème éditI, 2021, p7 : « le droit public économique peut être assimilé
à une facette d’un droit public de l’économie autonome ayant pour mission de régir
la production, la répartition et les échanges. Distinct des autres matières juridiques, il
engloberait les règles de droit public ou de droit privé relatives aux questions
économiques. Cette question est en germe dans la pensée physiocrate du 18ème siècle
lorsque Nicolas Baudeau estime qu’une « législation économique » doit contribuer à
réguler la société, en former la constitution économique.
Au XIX ème siècle, Karl Marx accorde la prééminence aux rapports de production
dans la société et Pierre-Joseph Proudhon propose une nouvelle organisation sociale
fondée sur des accords économiques entre groupes transnationaux pour dépasser les
contradictions sociales et assurer la conciliation universelle… ». Mais il a fallu attendre le
début du XXème siècle pour voir Max Weber argumenter la différence radicale entre
l’ordre juridique-normatif, logique et systématique-et l’ordre économique concrétisant la
disposition des biens et services, puis les années 1930 afin que François de Kiraly
revendique l’autonomie du droit économique au sein de la science juridique.
A partir des années 1960, la doctrine privatiste assimile souvent droit économique
au droit de l’entreprise envisagée comme unité de production. Claude CHAMPAUD met
en avant la ressemblance entre les personnes publiques et les personnes privées dans
l’action économique, les procédures contractuelles utilisées, et relativise la spécificité des
relations avec la puissance publique. Il constate que le recours à l’initiative privée pour
gérer certaines missions de service public est devenu courant avec l’essor des
concessions, des sociétés d4économie mixte, des sociétés strictement privées, des
associations ou des organismes professionnels afin de prendre en main des missions
d’intérêt général. Si les pouvoirs publics assument toujours les missions de service public,
ils ne les assurent pas toujours eux-mêmes. Ils peuvent recourir à des formes juridiques
de gestion privée mais au service d’impératifs de service public, mais dans le cas d’un
contrôle étroit et d’une régulation stricte par des autorités de tutelle. Il n’en demeure pas
moins que l’entreprise privée, motivée par la recherche du profit, ne peut s’identifier à une
entreprise publique ou à une entité de droit public dont l’existence ne se justifie que par la
poursuite de l’intérêt général, et la croyance en sa capacité à réaliser sa mission de
manière plus satisfaisante que ne le ferait le secteur privé.
Par ailleurs, le droit public économique est également défini comme le droit des
« interventions » économiques des personnes publiques.

3
Mais, comme l’avait écrit R.E CHARLIER, le terme « intervention » est « lourd d’une
équivoque ». « Par certaines de ces acceptions, il peut sembler signifier, et pour beaucoup
de gens signifie effectivement, l’immixtion d’une personne ou d’une institution dans des
affaires qui ne sont pas les siennes. Ici donc l’idée serait de dénoncer une ingérence de
l’institution publique dans un domaine, l’économique, qui normalement ne serait pas
sien. » De fait, le droit public économique est né comme discipline académique avec
l’avènement progressif, et par à-coups, mais réellement établi après 1944, d’une certaine
direction de l’économie par l’Etat, en rupture avec les doctrines et les pratiques du
libéralisme qui avaient prévalu au XXIème siècle, et jusqu’en 1914, et ensuite encore
jusqu’entre les deux guerres, lorsqu’on avait démantelé les mécanismes de
l’interventionnisme de guerre.
Le terme d’« intervention » peut donc se comprendre par rapport aux doctrines libérales
de l’économie politique, attachées à limiter les fonctions de l’Etat. Bien évidemment, les
libéraux savaient que le marché était une institution juridique, faite de règles de droit, mais
ils pensaient que ces règles qui permettaient le fonctionnement du marché, se réduisaient
à la propriété privée et au droit des contrats, et étaient la consécration d’un droit
« naturel » qui auraient été d’ailleurs élaboré par le temps et dans la création duquel l’Etat
aurait eu peu ou pas de part , sinon dans sa codification et dans sa sanction F.A. HAYEK
a systématisé cette doctrine en opposant les règles du marché ou de l’ « ordre spontané »,
faites de normes abstraites sans objectifs concrets spécifiques, en ce sens qu’elles se
borneraient à fixer un cadre pour la prise en considération des objectifs d’intérêt général
et transformant l’ordre social en organisant , et en considérant que les règles de droit
abstraites, générant un « ordre social spontané », étaient elles-mêmes le résultat d’un
ordre spontané que l’Etat ne faisait tout au plus que constater , alors que les règles
concrètes qui régissent une organisation, sont le résultat d’un « constructivisme » étatique
. La doctrine des juristes n’est pas indifférente à cette forme de pensée. « La
réglementation économique s’attache à concilier des catégories d’intérêts en présence,
alors que les auteurs du Code ont élaboré un droit de l’individu pour l’individu » écrit C.
DOUCOULOUX-FAVARD. Jean SAVATIER avait déjà tracé cette ligne de démarcation
en constatant la « publicisation » du droit privé.
Une fois précisé ce contexte doctrinal, dans lequel le terme « invention » est né ou peut
être compris, on pourrait peut-être le conserver, libre au lecteur d’adhérer ou non à la
doctrine dans laquelle il a été probablement pensé. Il nous semble cependant nécessaire
de s’en défaire (même si cela n’est pas facile et même si le terme revient aisément sous
la plume), au nom d’une approche plus juste de la matière. La construction d’une
économie soumise au droit privé, lui-même ramené au droit de la propriété privé du Code
civil et à la liberté des contrats, est politique, résultat d’un choix véritable de politique
économique. Les analyses historiques l’ont démontré. La décision de libérer le commerce
des grains à la fin de l’ancien régime est une décision éminemment politique, touchant à

4
l’ordre social lui-même. L’avènement de la propriété privée dans le domaine foncier s’est
réalisé, moins de façon coutumière que par référence à un droit naturel abstrait exigeant
l’action très autoritaire de l’Etat, par l’unification du partage des biens communaux (déjà
entreprises à l’instigation des physiocrates sous l’Ancien Régime, et reprises après la
Révolution selon des modalités différentes). Il s’agit moins d’opposer les deux institutions
que sont l’Etat et le marché que de montrer les liens étroits qui les lient entre eux. Ils sont
nés ensemble, l’un renforçant l’autre, au sortir de la féodalité « Etat et ordre
concurrentiel ». Le « laisser faire » du XXIème siècle « n’avait rien de naturel » et « les
marchés libres n’aurait jamais pu avoir le jour si on avait simplement laissé les choses à
elles-mêmes. Le laissez faire a été « produit par l’action délibérée de l’Etat.
Pour comprendre le droit public économique de notre époque, qui a largement tourné le
dos au dirigisme pour adopter d’autres modes de régulation économique et qui est marqué
par le retour en force des doctrines libérales, le terme d’intervention crée un risque de
confusion. Il renvoie à une doctrine économique, l’interventionnisme, opposée au
libéralisme. Définir le droit public comme le droit de cette doctrine et donc condamné par
l’autre doctrine, celle du libéralisme. Le changement de vocabulaire officiel dans la vie des
administrations est un révélateur de la nécessité d’utiliser un terme plus neutre. Ce
pourrait être le terme d’ « action économique, tel qu’utiliser par la constitution espagnole.
Nous utiliserons ces termes, mais un autre paraît encore plus utile : le droit public
économique est le droit de la « politique économique », que cette politique économique
soit interventionniste ou libérale.

2- Délimitation du contenu du droit public économique.


La politique économique recouvre un vaste champ. Les règles de droit dans leur ensemble
peuvent être influencées par des considérations de nature économique. Aussi, la politique
économique se manifeste-t-elle dans la politique monétaire, la planification, les
nationalismes et les privatisations, le droit général de la concurrence, la politique de l’Etat
actionnaire, les réglementations des aides publiques aux entreprises, les régulations des
réseaux d’utilité publique, mais aussi dans les régimes de la propriété, le droit des
obligations ou le droit des sociétés. La réglementation de l’urbanisme, le droit des
pollutions, le droit des successions sont ou peuvent être, au même titre que la
réglementation des prix et le droit des concentrations économiques, des règles de droit
économique.
Le mouvement « law and economics », né aux Etats-Unis, a attiré l’attention sur les
objectifs économiques et les raisonnements économiques présents de façon souvent peu
explicites dans l’ensemble des règles, dans le common law, mais aussi dans les diverses
branches du Statute law.

5
Dans ce vaste ensemble, le droit public économique doit être délimité par l’utilisation de
variables complémentaires réductrices quant aux sources du droit ou quant aux
personnes ou aux missions concernées, voire quant aux méthodes utilisées. Le droit
constitutionnel de la politique économique est devenu le cœur de la matière. Il
concerne tous les domaines, la politique économique de l’Etat, les législations de droit
privé comme les réglementations de droit public. Les apports du droit constitutionnel au
droit de la politique économique sont à la fois importants et limités. Limités car la
constitution ne contient pas elle-même de choix en ce qui concerne le contenu de la
politique économique et qu’elle laisse au législateur et au gouvernement une large marge
dans ces choix qui relèvent de l’opportunité. En d’autres mots, la constitution est neutre à
l’égard de la politique économique. Si l’on fait abstraction des dispositions de l’alinéa 9 du
préambule de 1946, la constitution ne contient aucune indication sur la politique
économique. Il serait possible de reprendre, toutes choses égales, la formule utilisée par
la Cour constitutionnelle allemande dans son arrêt relatif à l’aide aux investissements
selon laquelle la « loi fondamentale n’impose pas une économie sociale de marché
révolue exclusivement par des moyens respectant les mécanismes du marché » et qui
souligne que « la neutralité de la loi fondamentale en matière de politique économique
consiste seulement en ce que le constituant ne s’est pas prononcé en faveur d’un système
économique. Cela permet au législateur de poursuivre la politique économique qui lui
paraît opportune, à condition qu’il respecte la loi fondamentale ». Il n’y a pas de
« constitution économique », même si certains développements récents de la
jurisprudence permettant un contrôle plus poussé des atteintes à la liberté d’entreprendre
ou si les traces d’une constitutionnalisation de la liberté de la concurrence peuvent ouvrir
des discussions intéressantes. Mais si le législateur choisit librement et en toute
opportunité une politique économique, il doit en revanche dans l’exercice de ces choix
respecter des droits, droits des propriétaires, droit des cocontractants, les attentes
légitimes des entreprises, etc. Si la politique économique doit respecter un ensemble de
dispositions constitutionnelles, ce sont le plus souvent des dispositions elles-mêmes
neutres en matière économique (principe d’égalité, principe de sécurité juridique).
Le droit public économique a aussi pour objet les réglementations qui relèvent des
missions des administrations économiques et des institutions publiques de l’économie, les
méthodes du droit de l’administration dans l’application de la politique économique, la
nature, l’organisation et le fonctionnement des administrations économiques. La politique
économique relève essentiellement sur le plan interne de la responsabilité de l’Etat. Mais
cela ne doit pas conduire à manquer l’importance des actions économiques des
collectivités territoriales et de tenir compte de l’importance des services publics, des
ouvrages publics comme les marchés publics locaux et des potentialités qu’ils comportent
en termes de politique économique (on pense par exemple aux importantes marges de
manœuvres des collectivités territoriales dans la tarification des services publics locaux).

6
La réglementation nationale de ces actions économiques locales fait partie du droit public
économique.
Le droit public économique recouvre ce que l’on appelle aussi le « droit public des
affaires », ce qui est une autre façon de regarder les mêmes règles. Le droit moderne a
construit et isolé au sein des activités humaines, comme un artefact, des activités
appelées « activités économiques », dont s’occupe précisément le « droit des affaires ».
Le droit de la concurrence ne s’applique qu’aux « entreprises », le droit de la
consommation ne crée d’obligations qu’à l’encontre des professionnels, les « assujettis »
à la TVA sont au sens des directives TVA des personnes qui accomplissent « de façon
indépendante une des activités économiques ». Or, dans ces branches du droit des
affaires, au sens de droit des activités économiques, une place spéciale est reconnue à
l’administration. Le droit des affaires connaît diverses actions administratives pour fixer
des règles, prendre des sanctions en cas de violation de certaines réglementations,
proposer des recommandations, fixer des directives, faire des bilans et des rapports. Il
existe donc un droit administratif des affaires (qui peut s’étendre en outre à l’étude des
règles relatives aux marchés publics ou aux occupations économiques du domaine public.

3- Les évolutions du droit public économique


Le droit public économique est sous l’influence directe non seulement des données
matérielles qui commandent cette politique, mais aussi des changements dans les
conceptions de la politique économique. Le changement majeur qu’a enregistré le droit
public économique depuis 1985 vient de ce qu’au dirigisme par lequel l’Etat pensait
pouvoir se substituer au marché a succédé une approche par laquelle l’Etat cherche à
assurer les exigences d’intérêt général sans nuire aux forces de la concurrence et où la
défense, la promotion et l’accroissement de la concurrence elle-même peuvent apparaître
comme des objectifs d’intérêt général. Les instruments globaux macro-économiques
comme le contrôle des échanges et le contrôle du crédit ont été démantelés. La politique
industrielle a été fortement réorientée dans le sens d’un accompagnement par la
concurrence, la politique monétaire placée dans l’orbite quasi exclusive de l’objectif de
stabilité des prix. Le secteur public a été fortement restreint tandis que les grands secteurs
publics marchands faisaient l’objet d’une révolution associant mise en concurrence et
nouvelles formes de régulation.
Le changement profond de politique économique n’entraîne pas nécessairement de
changement notable dans les concepts juridiques fondamentaux autour desquels s’article
la matière. Le droit public économique peut toujours être traité en termes de police, de
service public, de concession, de domaine public. On peut toutefois relever l’apparition de
concepts nouveaux comme celui d’autorités de marché, d’Etat actionnaire, de régulation,

7
de service universel et même le renouvellement de concepts classiques comme ceux de
marché public ou de concession.
Les auteurs Jean-Philippe COLSON er Pascale IDOUX dans leur livre « droit public
économique, 9ème édit., Paris, LGDJ Lextenso, 2018, pp.19 -24 soutiennent que c’est la
libéralisation des économies qui a considérablement fait évoluer le droit public
économique, traditionnellement considéré comme l’ensemble des règles à travers
lesquelles la puissance publique manifeste, directement ou indirectement, sa présence
dans le domaine économique. Quatre moments d’évolution ont été repérés : de l’Etat
entrepreneur à l’Etat régulateur ; de l’Etat actionnaire à l’Etat partenaire.
Un Etat entrepreneur se dit d’un Etat gérant un important secteur public industriel et
commercial qui se trouverait ainsi condamné à disparaitre au nom précisément d’une
liberté et d’une égalité de concurrence qui rendraient son maintien impossible. Cette
première évolution a d’abord été interprétée comme une remise en cause de l’action de
la puissance publique dans le domaine économique et une diminution corrélative du
champ offert aux règles du droit public économique. Non seulement l’Etat est donc devenu
moins présent en tant qu’opérateur économique direct, ce recul se traduisant par la
disparition progressive du secteur public industriel, mais les règles qui lui sont appliquées
découlent de plus en plus souvent du droit privé. Cette éviction du droit public se vérifie
par exemple en matière de droit de la concurrence, de gestion des entreprises publiques,
de domanialité, de modernisation des services publics.
En effet, si l’Etat disparait progressivement en tant qu’entrepreneur, il demeure autorité
de réglementation tandis qu’un nouveau champ s’offre désormais à une autre forme de
présence étatique à travers la régulation et le partenariat. Le libéralisme économique a
marginalisé l’Etat entrepreneur ; il justifie aujourd’hui l’émergence de l’Etat régulateur et
partenaire.
La légitimité du recours à la régulation est aujourd’hui très largement admise. Le procédé
parait en effet bien adapté à la libéralisation contemporaine des divers secteurs
économiques (communications électroniques, énergie, transports, etc.). Cette unanimité
laisse cependant entière la question du contenu précis de la régulation qui donne lieu à
bien des interprétations et controverses.
Le rôle de la régulation n’est plus alors seulement d’assurer le respect de la concurrence,
il consiste à créer, globalement, les conditions d’une conciliation de l’intérêt général avec
d’autres finalités animant le marché, voire d’une substitution à celui-ci lorsqu’il est
défaillant….
Si l’Etat règlemente et exploite directement moins qu’autrefois pour se consacrer à son
nouveau rôle de régulateur, il revêt cependant aussi un autre visage, celui d’actionnaire.

8
Les politiques de privatisation, mais aussi d’ouverture du capital des entreprises
publiques, ont fait de l’Etat le premier actionnaire…
Plus largement, l’Etat, les collectivités territoriales ou d’autres acteurs pubics, sans
renoncer totalement à la prise en charge directe de certaines activités économiques, qui
demeure parfois opportune, privilégient de plus en plus fréquemment une gestion
partenariale

9
PREMIERE PARTIE : THEORIE GENERALE DU DROIT PUBLIC ECONOMIQUE

Il arrive que l’on tente de confondre la théorie générale de droit public économique avec
celle du service public. Or les deux termes sont à différencier dans la mesure où le service
public représente un morceau tout à fait classique du droit administratif général alors que
la théorie du DPE apparait plus neuve et à certains égards mieux apte à rendre compte
des transformations de l’administration moderne.
Le clivage est net entre les deux et il le demeure à certains égards. L’action économique
de l’Etat a forgé, contrairement à beaucoup d’idées reçues, la théorie la plus classique du
service public, ainsi qu’en témoigne le droit des contrats et des concessions de service
public construit dès la fin du XIXème siècle pour les secteurs de l’Energie et des
transports, et, en parallèle, les grands principes du SP continuent partiellement d’animer
le droit des politiques économiques. Mais, désormais le DPE a varié ses palettes :
déformant pour les adapter les catégories traditionnelles et les outils classiques du droit
public, il en a créé de nouveaux et emprunté au droit dit privé de plus nombreux encore.
La notion de droit économique est donc une notion très spécifique, et ses sources et
principes se présentent sous un jour distinct de ceux du droit des SP, même s’ils ont
souvent beaucoup de traits communs.
TITRE I: La notion de droit public économique
TITRE II : Sources et principes du droit de l’intervention économique

TITRE I : La notion de droit public économique


Deux points essentiels : la définition et les spécificités
Chapitre I : La définition du DPE
Il faut envisager deux aspects : l’aspect public du droit économique ou l’aspect
économique du droit public
Section I : L’aspect public du droit économique
Le droit économique peut être considéré globalement. Il s’efforce alors de rassembler et
de synthétiser les règles applicables à une activité économique, issues des diverses
branches du droit. Au droit civil, il empruntera les principes applicables aux biens, aux
contrats, par exemple. Le droit du travail, applicable dans l’entreprise sera présent
également. Le droit administratif dira les textes et la jurisprudence qui forment la
règlementation des activités économiques. On n’omettra pas les dispositions du droit
pénal qui viennent les obligations ainsi définies. Le droit économique se présente alors
une coupe transversale dans les diverses branches du droit. Le droit économique peut
10
également comporter la transposition de cette démarche dans le domaine d’une activité
ou d’un secteur économique particulier. Il y a des ouvrages ou études en droit rural, droit
de la consommation, droit de l’énergie, droit du crédit, droit de la construction, droit de
l’urbanisme, droit de l’environnement, etc.
Il y a deux aspects qu’on peut souligner dans la définition :
Para 1 : L’exclusion relative de droit privé
Le droit privé régit principalement l’aspect microéconomique du droit économique. Il se
place essentiellement du point de vue de l’agent économique individuel et de sa décision :
l’entrepreneur qui crée une entreprise et embauche des employés, l’acheteur qui se
procure des biens, clients et fournisseurs qui négocient, actionnaires, associés qui
s’unissent ou s’opposent, industriels qui entrent en concurrence pour la conquête d’un
marché. Leurs relations juridiques se nouent essentiellement autour de la fondation de
personnes morales de droit privé et de la participation à leur fonctionnement ainsi
qu’autour, bien sûr, des contrats de droit privé.
Il faut ici s’intéresser à la matière du point de vue du droit public, qui est essentiellement
un point de vue macroéconomique. Comment l’Etat, les collectivités locales et les
administrations interviennent-ils dans les grandes fonctions économiques :
consommation, épargne, revenu, investissement, éthique économique, promotion du
développement durable, etc. ? comment tentent-ils d’assurer les grands équilibres
économiques : prix, commerce extérieur, crédit, concurrence, emploi ?Quelles structures
et quelles techniques : administration, entreprises publiques, réglementation,
planification, régulation, etc. sont affectées à la réalisation de ces objectifs ?
Même s’il y a une exclusion du droit privé, elle n’est que relative car des questions
abordées comportent un double volet publiciste et privatiste.
Para 2 : Droit public ou droit administratif économique ?
L’étude suppose, à la fois, de faire intervenir toutes les branches du droit public et
d’accorder une notable prépondérance au droit administratif.
A-L ’intervention de toutes les branches du droit public
De façon variable, toutes les branches et toutes les techniques du droit public
interviennent bien, sans exception, en droit public économique.
1-Le droit international général
L’activité économique est tributaire des échanges internationaux. C’est le droit des traités
internationaux qui s’applique en premier lieu à ces échanges. On sait que les traités de
commerce représentent une part importante des traités conclus. On remarquera
également que certaines techniques du droit des traités sont directement issues des

11
préoccupations économiques : il en va par exemple de la clause de la nation la plus
favorisée. C’est sous la pression de nouveaux types d’échanges, sous l’influence des
affrontements économiques entre les nations nanties et les pays en développement que
le droit international général a connu, ces dernières années, les controverses propres à
son renouvellement (certains disent même à son remplacement (par le droit de l’OMC).
Parmi les OI, une place importante est faite aux organisations économiques
internationales. Au nombre d’entre elles, il faut citer : les commissions économiques des
NU, la CNUCED, le PNUE, l’OMC, le FMI, la BM, l’OCDE…
2-le droit communautaire
Il résulte d’une zone de solidarité étroite à la fois politique et économique, il permet une
libération des échanges entres Etats. Il facilite l’organisation d’un marché commun et la
mise en en place de mécanismes d’intervention dans les marchés. C’est le droit qui
s’intéresse aux directives communautaires, les questions relatives à la concurrence, etc.
3-le droit constitutionnel
Dans les pays libéraux, les constitutions contiennent peu de dispositions intéressantes
directement, et de manière détaillée, le système économique ; l’inverse bien sur des
constitutions socialistes ou prétendues telles. Néanmoins, les constitutions libérales
définissent autant le régime politique que le système économique, qui en est partie
intégrante, dans lequel les citoyens ont choisi de vivre. Il est d’ailleurs significatif de
remarquer qu’on oppose les systèmes constitutionnels dans le monde en utilisant
indifféremment un critère politique ou un critère économique. On a longtemps opposé les
démocraties libérales aux démocraties populaires ou bien, et c’est la même chose, les
pays capitalistes aux pays socialistes ou encore les pays d’économie de marché aux pays
d’économie planifiée. Il ne faut donc pas s’étonner si l’on fait valoir que les grands
principes constitutionnels libéraux qui gouvernent notre système s’appliquent également
à notre organisation économique. Aujourd’hui, compte tenu de la disparition de nombreux
systèmes communistes cette distinction tend à perdre de son intérêt, mais elle génère
encore des séquelles.
La reconnaissance du droit de propriété, le droit de la nationalisation, le principe de la
liberté du commerce et de l’industrie…sont autant d’éléments du droit public fondamental
qui caractérisent la constitution économique.
4-les finances publiques, le droit financier et fiscal
Le rôle des finances publiques et du droit fiscal en droit public économique est évident
dans la mesure où ils sont les instruments privilégiés de l’exécution de la politique
économique de l’Etat et des collectivités publiques. Par exemple, c’est dans la loi de
finances que l’on découvre et que l’on peut évaluer les formidables relais de l’intervention
économique. On peut aussi affirmer que le système fiscal intègre les préoccupations
12
d’action sur les équilibres économiques. Selon les conjonctures, les besoins et les
volontés publiques, c’est la fiscalité sur la consommation ou l’investissement ou encore
les mutations qui font l’objet d’un abaissement ou d’un relèvement.
Néanmoins, c’est au droit administratif qu’il faut accorder la prépondérance.
B-La prépondérance de la branche administrative
Pour des raisons multiples, c’est en effet le droit administratif qui va constituer la base
d’un exposé de droit public économique.
En premier lieu, ce sont des organes administratifs et des agents administratifs qui mettent
en œuvre la politique économique de l’Etat et des collectivités locales. Nombreuses sont
les structures ministérielles dont la vocation est directement et proprement économique.
En second lieu, il faut noter l’importance pour notre économie des commandes publiques,
donc des marchés publics qui sont des contrats de l’administration soumis à des règles
administratives.
En troisième lieu, et cela est capital, les actes juridiques mettant en œuvre la politique
économique des personnes publiques ont, le plus souvent, le caractère d’actes
administratifs, unilatéraux ou contractuels, dont le contentieux ressortit, à la compétence
des juridictions administratives.
Section 2 : L’aspect économique du droit public
Il s’agira de retenir ici l’aspect économique du droit public, du droit public économique, et
non pas du droit économique public
Para I : Les diverses conceptions du droit public économique
Le droit économique, et particulièrement le droit économique public, ou le droit public
économique, cernent leur objet à l’aide des notions : d’entreprises, d’unités économiques,
d’interventions économiques de l’Etat ou de la puissance publique, d’intérêt économique
général. Ces divers éléments doivent être analysés à trois niveaux
A-Du point de vue des structures
Le droit économique est-il le droit des entreprises, le droit des unités économiques, ou le
droit des agents économiques ? C’est autour de la notion d’entreprises ou les collectivités
publiques, que doit s’ordonner le droit économique. Cette définition doit être écartée car
l’Etat n’est pas une entreprise mais un agent économique prépondérant.
B-Du point de vue des procédés
Le droit public économique est-il plutôt le droit de l’intervention économique de la
puissance publique ?

13
« Le droit économique public… se caractérise par l’intervention de la puissance
publique(Truchet) ; l’intervention recouvrant aussi bien l’orientation directe de l’activité
des autres unités économiques que le fait « pour une personne investie de prérogatives
de puissance publique de se livrer elle-même à des opérations économiques »
D’un point de vue terminologique, ces mots sont lourdement chargés des échos de
querelles doctrinales anciennes et valorisées, en quelque sorte « idéologiquement ». Il est
peut-être souhaitable de choisir, en particulier pour la matière étudiée, un vocabulaire plus
« neutre ». On peut retenir celui de personnes publiques et plus encore celui, plus large,
de personnes administratives qui peut englober aussi bien les personnes morales de droit
public (stricto sensu) que les institutions administratives érigées sous la forme de
l’exécution d’un service public.
D’un point de technique, il est contestable de limiter le champ d’étude du droit public
économique aux opérations économiques accomplies par les « personnes investies de
prérogatives de puissance publique ». C’est se condamner à exclure, à tort, de l’analyse
toute intervention de l’Etat, des collectivités locales ou des entreprises publiques
accomplies selon les voies du droit privé, et notamment du droit commercial.
C-Du point de vue de sa finalité
Il ne faut pas perdre de vue que c’est l’action économique, telle que l’autorité publique la
conçoit, en termes généraux de macroéconomie, qui détermine l’aspect de l’économie,
objet du droit étudié. C’est bien pourquoi il s’agit effectivement de droit public économique
et non de droit économique public.
Para II : La conception synthétique du droit public économique
Le DPE consiste en la mise en œuvre, par des voies de droit, de la politique économique
des personnes administratives. Cette définition a l’avantage de rassembler trois éléments
formels, matériels et organiques propres à l’étude des actes juridiques.
Le terme « voie de droit » est destiné, en premier lieu, à rappeler le caractère juridique de
cette discipline qui ne consiste pas en une analyse des faits économiques. Même si les
politiques suivies ne doivent pas être absentes des développements ultérieurs c’est à
travers leur encadrement juridique, leurs procédés, leurs valeurs qu’on s’y intéressera. En
second lieu, l’expression « voies de droit » est plus large, plus compréhensive que celle
de « règles » généralement utilisés dans les autres définitions, cela, permet de mettre
l’accent sur le caractère variable des procédés juridiques du DPE : règles, statuts, mais
aussi mesures individuelles, actes mixtes, prospectifs, concertés, négociés, contrats,
actes dotés d’une valeur plus ou moins exécutoire, etc.
Avec le mot politique économique situé au centre de la définition, on met l’accent sur
l’élément finaliste, matériel et fonctionnel, de la dialectique étudiée. Il recouvre
l’intervention assurée par les organes publics en vue de l’intérêt économique général.
14
Enfin, l’expression « personnes administratives désigne les auteurs des actes juridiques
de la politique économique. Elle est volontairement large pour inclure l’Etat, les
collectivités locales, les établissements publics mais aussi les sociétés publiques de droit
privé et, de façon générale, les personnes privées investies d’une mission de service
public économique.
On remarquera que la définition donnée ne se réfère pas explicitement aux sujets du droit
public économique que sont les unités ou les agents économiques. La référence y est
implicite. D’une part, les personnes administratives, en intervenant dans le secteur
économique, sont alors des agents économiques. D’autre part, la politique économique
s’applique aux personnes physiques et morales, prises en tant qu’unités ou agents
économiques. Cela étant, il n’est pas nécessaire de s’y référer explicitement car
l’identification précise du destinataire de l’acte juridique n’est pas une condition de la
définition du DPE.

En conclusion, la notion de DPE est à la fois controversée et concurrencée


Controversée, elle l’est d’abord apparemment juridique : en effet, les premières
réflexions doctrinales qui sont à l’origine du droit public économique ont porté sur les
conditions dans lesquelles certains secteurs de l’économie pouvaient être incorporés dans
l’ordre juridique. Ainsi, le droit civil et le droit commercial comportent nombre de
dispositions relatives à l’exercice de certaines activités à caractère économique ou ayant
des incidences économiques marquées : concurrence, droit de propriété, relations de
travail, exercice d’une activité professionnelle, etc. Cette prise en considération juridique
de questions d’ordre économique manifeste un incontestable élargissement de la sphère
juridique, ou, comme on dit aujourd’hui, de l’Etat de droit. Elle a conduit à la mise en place
d’un droit appliqué à l’économie, ou droit économique. Ce dernier trouve non seulement
ses origines, mais développe également ses principales manifestations contemporaines
dans le droit civil, le droit du travail, le droit commercial, voire le droit pénal. A cet égard,
le droit des affaires, qu’il soit national ou international, contribue aussi aujourd’hui tres
largement à la constitution du droit économique.
Controversée, elle l’est ensuite discrètement politique : le droit public economique a
donc suivi les politiques interventionnistes, nationales et locales, qui se sont développées
depuis la fin du XIX ème siècle et qui connaissent maintenant un reflux depuis les années
1970 avec le développement du libéralisme politique, la globalisation des économies, la
généralisation de l’aspiration à « moins d’Etat », les diverses formes de désengagement
public et la déréglementation dont ces orientations s’accompagnent. La controverse vient
de ce que certains estiment que si l’Etat agit dans le domaine économique, il ne peut s’agir
que d’une intrusion. Cette conviction comporte deux conséquences. La première est
ouvertement politique. Toute action de la puissance publique dans le jeu économique est
15
alors présentée comme une « intervention » hors de la sphère habituelle,naturelle, de
compétence. Elle est susceptible de concurrencer , parfois dangereusement , la
« libe »activité des agents économiques.Telle est la conviction qui sous-tend l’attitude
libérale. La seconde conséquence n’est pas moins politique mais se présente sous une
forme plus juridique. Si l’Etat « intervient » ainsi dans l’économie il ne saurait etre le meme
, et cela ne peut s’effectuer que sur des bases juridiques tout à fait particulières,
spécifiques. C’est ce que résumait fort bien le professeur R-E CHARLIER quand il écrivait
que « la notion et l’expression de DPE, après avoir risqué d’etre entendues
restrictivement comme étant celles d’un Droit qui normalement ne devrait pas exister,
risquent de se voir attribuer une importance excessive comme étant celles d’un Droit tout
à fait à part ». Cette constatation explique bien la concurrence d’autres appellations
proches, ainsi que, plus fondamentalement, les caractères souvent attribués au DPE.
Concurrencée : La notion de DPE tend parfois à etre écartée au profit de celle de droit
public des affaires ou encore de droit public de la régulation économique. Réalistes, car
témoignant de l’orientation générale de l’évolution des règles applicables à la présence
publique dans l’économie, ces appellations renvoient en réalité à des disciplines qui ne
recoupent que partiellement le DPE . Davantage que de concurrence, on parlera
d’enrichissement réciproque.
-Droit public economique et droit public des affaires : en dépit de recoupements évidents,
les périmètres respectifs des deux disciplines ne se recoupent pas entièrement et la
perspective selon laquelle chacune appréhende son objet ne parait pas identique.
S’agissant du périmètre, le droit public des affaires englobe, selon les diverses définitions
proposées, soit le droit des relations entre l’administration et les opérateurs economiques,
soit , plus largement, l’ensemble des règles du droit public intéressant les opérations
économiques ou interférant avec la vie des « affaires » y compris celles qui ne sont pas
conçues come des instruments d’action publique sur l’économie(exemple des règles de
la domanialité publique). Symétriquement, le périmètre du droit public économique
englobe les elements étrangers au droit public des affaires, en particulier dans deux
hypothèses ; d’une part, lorsqu’une règle encadrant l’action publique dans l’économie
n’intéresse pas directement les opérateurs economiques(règles d’organisation
administrative et règles de répartition des compétences entreautorités publiques…),
d’autre part, et surtout chaque fois qu’une règle ou un instrument de droit privé est concçu
et imposé pour etre l’instrument d’une action publique sur l’économie relevant, elle, du
droit public.
-Droit public économique et droit public de la regulation économique : l’apparition d’une
discipline nommée « droit public de la régulation de l’économie » conduit à s’interroger
sur les relations qu’elle entretient avec le droit public économique. Si le périmètre du droit
public économique semblait souvent jusqu’ici plus vaste, les deux disciplines paraissent
largement converger aujourd’hui, compte tenu de l’orientation régulatrice générale
16
censée animer l’action publique dans son ensemble, par-delà l’allure hétéroclite de ses
instruments et l’apparente autonomie de ses diverses facettes. Substituer l’appellation
‘droit public de la régulation de l’économie » à celle de « droit public économique »
présenterait toutefois l’inconvénient de valoriser l’aspect « instrument » au détiment du
role « cadre » qui est aussi celui du droit de l’action publique.
-Droit public économique et droit public de l’économie : les deux expressions ne sont pas
interchangeables. La première dénomination est d’abord moins neutre que la deuxième
s’agissant du degré supposé de spécifcité des règles de droit applicables en matière
économique, ce qui renvoie à une véritable discussion. Les deux expressions ne renvoient
pas excatement aux memes règles, meme si les deux chmaps disciplinaires se recoupent
largement. Reprenant une distinction utilisée par Pierre DELVOVE(Droit public de
l’économie, Dalloz, col. Précis, 1996, n°17, p.18), il est possible d’estimer qu’alors que le
DPE concerne avant tout l’encadrement des actions publiques sur l’économie(c’est-à-dire
, pour l’orienter), le droit public de l’économie peut s’étendre aux actions publiques dans
l’économie, ce qui pourrait logiquement conduire à y intégrer l’ensemble des
interférerences entre droit public et économie : par exemple , les interférences entre la
protection de l’ensemble des droits de l’homme(et particulièrement de la mise en œuvre
de l’ensemble des obligations positives de l’Etat, et les activités économiques).

17
Chapitre II : La spécificité du droit public économique

Il s’agit de prendre la mesure réelle de l’originalité du DPE. S’agit-il d’un droit nouveau ?
autonome ? S’inscrit-il au contraire comme une simple spécialité parmi les branches
générales du droit ? Est-il une pure discipline d’application ?
A dire vrai, l’originalité du DPE réside dans sa jeunesse : le droit public économique serait
un droit récent-ou dans sa souplesse, elle n’a souvent été perçue qu’à concurrence de
l’oubli de ce qu’a été le droit administratif ancien et des secteurs où se sont édifiées les
premières grandes solutions contemporaines. Le domaine économique a des exigences
de souplesse. Les instruments juridiques doivent pouvoir traduire les nécessités d’une
politique économique conjoncturelle évidemment mouvante. Par ailleurs, il faut tenir
compte du caractère par définition mixte du secteur économique où se rencontrent
l’initiative privée et l’initiative publique et donc des techniques de droit privé et de droit
public. Il est en conséquence incontestable que l’intervention de l’Administration en
matière économique a contribué à renouveler profondément l’approche du droit
administratif classique. Mais le droit administratif économique n’en demeure pas moins un
secteur d’application-fût-il pilote-du droit administratif général.
SECTION I : Le renouvellement du droit administratif classique dans le domaine
économique.
Les caractères généraux de l’évolution du droit administratif dans le domaine économique
sont les suivants : les actes administratifs semblent perdre leur rigidité. Leur caractère
solennel, voire leur force exécutoire, en sont affectés. La légalité administrative est plus
incertaine, les formules employées sont vagues et laissent à l’administration un large
pouvoir d’appréciation. Le contentieux administratif économique s’en est ressenti, le juge
lui-même a veillé à ne pas entraver ce pouvoir d’appréciation-conforté dans cette attitude
par la technicité de la matière-mais il a forgé des instruments nouveaux destinés à
sauvegarder son contrôle. Les structures administratives, elles aussi, se sont rénovées
pour faire face à leurs taches d’intervention économique. Soit qu’elles perdent de leur
étatisme, pour faire place à la gestion privée ou à la participation de nouveaux partenaires
dans un cadre mixte, soit qu’elles recherchent une meilleure coordination des diverses
administrations par le regroupement horizontal ou l’apparition de nouveaux échelons.
Para I : La remise en cause de la théorie des actes administratifs
Cette remise en cause parait affecter trois aspects de la théorie des actes administratifs :
la notion d’acte administratif elle-même, la classification des actes administratifs, les effets
des actes administratifs.

18
A-La notion d’acte administratif
Traditionnellement, l’acte administratif ne pouvait émaner que de l’administration et, plus
précisément, d’une personne publique. Or, il est certain que le fait de confier des missions
de SP d’intervention économique à des personnes privées, ou de qualification douteuse,
a nettement contribué à étendre et à élargir le critère organique de l’acte administratif.
Le meilleur exemple qu’on puisse donner de cette influence de l’interventionnisme
économique sur l’élargissement de la notion d’acte administratif est celui de l’arrêt
Monpeurt (CE, 31 juillet 1942, GAJA, n°62). Il est relatif aux décisions prises par les
comités d’organisation, organismes professionnels investis d’une tache de direction et de
contrôle d’un secteur de production. On y retrouve, tout à la fois, l’empreinte du dirigisme
économique d’une économie de guerre et l’idéologie corporatiste du régime VICHY.
B-La classification des actes administratifs
Les distinctions classiques entre le contrat et l’acte unilatéral, le contrat administratif et le
contrat de droit privé, la mesure d’ordre interne, l’acte réglementaire, et l’acte individuel
enfin, ont été également remises en cause par l’intervention administrative en matière
économique.
En principe, l’opposition entre le contrat et l’acte unilatéral est radicale. L’esprit qui anime
l’utilisation de ces deux procédés, leurs régimes juridiques et contentieux sont
normalement bien distincts. Mais, avec l’interventionnisme économique, l’administration a
été amenée soit à introduire des dispositions de nature règlementaire, édictées dans le
souci de l’intérêt du public, au sein même de dispositifs ou de procédures conventionnels ;
soit à négocier avec les partenaires, industriels ou commerçants, l’usage de son pouvoir
de décision unilatérale Ainsi, par exemple, il est admis de longue date que les contrats de
concession de service public peuvent inclure dans leurs cahiers des charges des
dispositions règlementaires, stipulées dans l’intérêt des usagers, et ouvrant ainsi à ces
derniers la voie du REP(CE, 21 déce.1906, synd. Des propriétaires et habitants du quartier
croix de Seguey-Tivoli : GAJA, 13ème édi, n°17).
De même, la distinction des contrats de droit public et des contrats de droit privé est
affectée par la collaboration des personnes publiques et des personnes privées à la
réalisation de fonctions économiques. On sait que le contrat administratif est distingué du
contrat de droit privé à l’aide de critères organiques(une personne publique au moins doit
être parti au contrat) et matériels(le contrat contient des clauses exorbitantes du droit
commun ou a pour objet l’exécution du service public)
Mieux, les distinctions classiques entre mesures d’ordre interne et décision faisant grief,
actes règlementaires et actes individuels sont également remises en cause par
l’inexécution de la politique économique. L’apparition des directives, dans les années
19
1970, en fournit une bonne illustration. On sait que le Conseil d’Etat a refusé de
reconnaitre, par exemple, au ministre des finances la possibilité de réglementer par
circulaire les conditions de l’octroi d’agréments fiscaux au cas de décentralisation
industrielle (CE, 23 mai 1969, Sté Distillerie Brabant : rec. CE, p.264, concl.contr Mme
QUESTIAUX)
C- Les effets des actes administratifs
La caractéristique ordinaire des actes administratifs est celle de l’effet immédiat. Dès leur
entrée en vigueur, ils introduisent certainement et obligatoirement une modification de
l’ordonnancement juridique. Ils reposent largement sur l’idée de sanction, dans tous les
sens du terme.
L’intervention économique de l’administration conduit quelquefois à modifier ces
caractères. Les actes administratifs, et de façon plus générale les actes juridiques publics,
peuvent alors perdre de leur force contraignante et de leur caractère certain. Cette
évolution obéit à deux séries de causes.
D’abord, pour des raisons de souplesse et compte tenu du caractère libéral de notre
société, l’Administration peut préférer obtenir le consentement, l’assentiment de ses
partenaires économiques, notamment des entreprises et des syndicats, plutôt que de les
contraindre.
Ensuite, les actes prévisionnels ou prospectifs particulièrement répandus et utiles en droit
public économique, actes dont l’objectif est de permettre une adaptation de l’action
administrative à un avenir mouvant et incertain, ne peuvent évidemment que chercher à
encadrer cet avenir sans pouvoir à coup sûr le régler.
Le flottement dans la terminologie juridique d’exécution-le terme quasi-contrats, entre
autres, est très souvent utilisé-est révélateur de la remise en cause de l’effet normatif,
certain et obligatoire, de l’acte administratif.

Para II : Les particularités de la légalité et du contentieux administratif économiques

La légalité économique, largement entendue comme l’ensemble des normes applicables


à la matière, possède en effet des caractéristiques propres tant sur le plan formel que sur
le plan matériel.
Sur le plan formel, les instruments de l’interventionnisme sont fréquemment placés
relativement bas dans la hiérarchie des normes Arrêtés ministériels, voire circulaires,
instructions et directives sont les actes les plus fréquemment utilisés pour mettre en œuvre
la politique économique.

20
D’un point de vue matériel, la légalité économique se caractérise par une rédaction
souvent générale et peu précise traduisant le souci de conférer à l’Administration
économique d’importants pouvoirs d’appréciation.
Para III : L’adaptation des structures administratives traditionnelles
La prise en charge de l’intervention économique de l’Etat a entrainé et nécessité une
profonde rénovation des structures administratives. L’évolution en la matière est dominée
par la volonté d’accroitre le nombre des organes administratifs au fur et à mesure des
questions à résoudre, de doter ces organes de la souplesse de gestion, de l’autonomie
notamment financière, propres à les rendre efficaces. Ces facteurs, joints à la nécessité
de rencontrer, sur son terrain en quelque sorte, le secteur privé, voire de l’associer à
certaines actions, expliquent d’ailleurs le recours fréquent à des formules laissant une
large place à l’utilisation du droit privé.
Section 2 : Le droit administratif économique, droit administratif pilote
L’autonomie d’une branche du droit, envisagée par rapport à d’autres branches, repose
principalement sur l’existence d’un corps de règles propres ainsi que, le plus souvent, sur
l’institution d’une juridiction spécialisée. On sait, de ce point de vue, ce que signifie
l’autonomie du droit administratif par rapport au droit civil : les règles de la responsabilité
administrative ne sont pas celles des articles 1382 et suivants du Code civil, la juridiction
compétente en première instance n’est pas le tribunal de grande instance mais le tribunal
administratif.
Dans ces conditions, actuellement pour le moins, l’autonomie du droit économique a tous
les airs d’un faux problème, ce qu’on peut vérifier en examinant de plus près les rapports
du droit administratif économique et du droit administratif général.
Au sens strict, le droit économique n’est pas autonome par rapport aux branches du droit
public et du droit privé. En effet, les règles appliquées aux relations économiques ne sont
pas différentes de celles qu’on applique ordinairement en droit administratif ou en droit
civil. Les contrats économiques obéissent soit au régime des contrats administratifs soit à
celui des contrats de droit privé mais ne constituent pas une tierce catégorie. Il en va de
même des autres instruments juridiques employés dans l’action économique.
La question de l’institution d’une magistrature économique est parfois évoquée par
certains auteurs ou certains courants politiques mais, quoique revenant à intervalles
réguliers, cette proposition n’a pas paru emporter l’adhésion du législateur malgré la
qualité de l’argumentation de ses défenseurs.

21
Para I : La forte unité de base entre le droit administratif général et le droit
administratif économique
Le droit administratif économique ne constitue pas une branche séparée, distincte, du
droit administratif général. Il s’agit plutôt, vraisemblablement, d’un « secteur de pointe »
où les solutions juridiques classiques sont confrontées à des situations nouvelles et
s’efforcent de trouver le moyen d’y faire face.
Il faut donc relever l’unité de base qui caractérise les rapports du droit administratif
économique avec le droit administratif général. On applique normalement aux difficultés
soulevées par le premier les règles du second. Lorsque les discordances apparaissent,
elles sont temporaires et la solution dissidente apparemment cantonnée au droit
économique, ne préfigure souvent qu’un progrès voué à l’ensemble du droit concerné.
La plupart du temps, ce sont des autorités administratives classiques qui réalisent les
interventions économiques publiques. Même lorsqu’il s’agit de structures spécialement
consacrées à la mise en œuvre de la politique économique, un ministère reste un
ministère.
Para II : L’application normale des règles du droit administratif général au droit
administratif économique
Le juge administratif, confronté au contentieux économique, maintient les règles et les
catégories juridiques qui prévalent en toute matière. Il ne saurait être question de faire un
recensement de la totalité des solutions. Par exemple, on sait que l’Etablissement public
à caractère industriel et commercial (EPIC) se voit appliquer largement et par principe le
droit privé, ce qui le distingue de l’Etablissement à caractère administratif (EPA). En
revanche, du point de vue non pas de l’activité en cause, mais de la notion même
d’établissement public, il n’y a aucune spécificité de ceux exerçant des missions
directement économiques par rapport aux établissements purement administratifs.
Para III : L’extension des apports du droit administratif économique au droit
administratif général
Il ne faut pas voir ici la formation de règles spécialement applicables aux relations
économiques publiques, mais plus simplement, l’ébauche de progrès localisés et
destinés, plus tard, à etre étendus aux autres matières du droit administratif. C’est en ce
sens qu’on peut estimer que le droit administratif économique est un droit administratif
pilote. Par exemple, l’interventionnisme économique de l’Admnistration a conduit à confier
à des personnes privées la gestion des services publics.

22
TITRE II : Sources et principes du droit public économique

Chapitre I : Les sources du droit public économique

Les principes directeurs du droit public économique sont issus de multiples sources
juridiques internationales, communautaires et nationales.
Les sources concernées sont essentiellemnt écrites. Ces sources sont reliées entre elles
par un lien hiérarchique établissant entre elles un seul ordre juridique vertical. Elles sont
regroupées en sources internes et sources externes

Section I : les sources internes du DPE

On distingue :

Paragraphe I : les sources constitutionnelles


Il est frappant de remarquer que la plupart des constitutions contiennent fort peu de
dispostions intéressant le système économique. Ce silence des textes constitutionnels est
significatif du régime libéral ; il contraste avec le choix des régimes socialistes où la
constitution développe fréquemment des données à l’organisation économique de l’Etat
concerné.
Mais , il faut reconnaitre que nos constitutions sont à la fois une constitution politique et
une constitution économique.
Dans la rubrique des sources constitutionnelles ajoutons les elements de bloc de
constitutionnalité. En France, par exemple, il y a la DDHC et les préambules
constitutionneles ainsi que d’autres textes constitutionnels comme ceux de 1946
Dans la DDHC, les articles 2 et 17 se rapportent au droit de propriété privée(un droit
naturel et imprescriptible de l’homme).
S’agissant des prémabules constitutionnels, le préambule de la constitution de 1946
proclame un certain nombre de principes politiques, économiques et sociaux
« particulièrement nécessaires à notre temps ». A titre illustratif : « Tout travailleur
participe , par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditios
de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises ». Mieux, par rapport à la nationalisation,
on peut lire ceci : « tout bien, toute entreprise, dont l’exploitation a ou acquiert les
caractères d’un service public national ou d’un monopole de fait, doit devenir la propriété
de la collectivité »
Dans la constitution française du 04 octobre 1958, deux series d’articles retiennent
l’attention : les articles 34 et 37 dont les dispositions portent sur la répartition des
compétences législatives et réglementaires ou encore les articles 69, 70 et 71 du titre X
relatives au CES. Notons que si la compétence du CES est certes exclusivement
consultative mais sa consultation est cependant obligatoire dans certaines hypothèses :
« tout plan ou projet de loi de programme à carctère économique ou social lui est soumis
pour avis »(art.70).

23
Paragraphe I : Les textes à valeur législative
Ils sont variés : certains sont de lois parlementaires mais d’autres des ordonnances. On
peut citer :
-les lois(lois d’orientation fixant les principes directeurs que les règlements de l’exécutif
doivent mettre en œuvre ; les lois de programmation à caractère économique, social ou
environnemental ; les lois de finance ; les lois de financement de la sécurité sociale, les
lois ordinaires qui son les plus nombreuses
-les ordonnances qui n’ont de valeur législative qu’après ratification parlementaire(voir
ordonnance de l’article 38 permettant au gouvernement d’interférer dans le domaine
législatif, ordonnance de l’article 47 en matière budgétaire ou encore ordonnance de
l’article 47-1 relative au financement de la sécurité sociale…

Paragraphe III : Les actes administratifs


Il faut entendre ici non seulement les actes règlementaires émis par les diverses autorités
admnistratives mais aussi les actes particuliers, les décisions individuelles qu’elles sont
appelées à prendre, ainsi que d’autres normes à la nature hybride, tels les avis aux
professionnels, certains communiqués et les directives. Il faut également faire une place
aux contrats et conventions qui sont eux source de droit dans les rapports administratifs.
-les actes règlementaires : une série d’autorités publiques peuvent prendre des actes
règlementaires à portée économique(chef de l’Etat, chef de gouvernement, les membres
du gouvernement, les autorités locales déconcentrées ou décentralisées, les autorités
administratives indépendantes et les personnes morales de droit privé lorsqu’elles
participent au service public(arret Monpeurt, CE, Ass., 31 juillet 1942)
-les actes ne faisant pas grief : on assimile au droit souple(soft law) les circulaires,
directives ou lignes directrices, instructions, recommandations, propositions, avis,
notes…dans la mesure où l’ordonnancement juridique n’est pas modifié, le REPn’est pas
généralement pas possible à leur égard. Le CE a toutefois récemment ouvert le REP à
certains de ces actes…( cest pourtant à nuancer)

Section II : les sources externes du DPE


On distingue comme points essentiels le droit interntional économique et le droit
communautaire

Paragraphe I : le droit international économique

Selon le professeur P.REUTER :


« le droit économique international est cette partie du droit international qui a pour objet
de régler les problèmes juridiques relatifs à la production, à la consommation et à la
circulation des richesses »(Le droit économique international, Cours à l’Institut des hautes
études internationales, 1952-1953)

24
Mais MM. CARREAU, JULLIARD et FLORY en donnent une définition plus pécise. Pour
ces auteurs :
« Le droit international économique s’occupe à la fois de la création internationale des
richesses, de leur mobilité et deleur financement »
C’est dire que le DIE a vocation à encadrer des rapports juridiques très divers et variés »
Les engagements internationaux permettent la régulation des échanges, des relations
monétaires et des investissements. Il faut aussi tenir compte des résolutions des
organisations internationales, des coutumes internationales et des principes généraux
posés par la CIJ. Notre droit est affecté par les engagements internationaux bilatéraux ou
multilatéraux. Il existe un droit des traités en forme solennelle et un droit des accords en
forme simplifiée.
Les engagements internationaux font souvent référence aux grands principes du droit
international susceptibles d’affecter le droit national. Il s’agit entre autres de :
-la souveraineté économique des Etats, dans les limites des traités signés, est
reconnue par la charte des droits et devoirs économiques des Etats du 14 décembre 1974.
Chaque pays détient et exerce une souveraineté entière et permanente sur toutes ses
richesses naturelles et activités économiques. Il les utilise et en dispose librement,
pouvant aussi bien les nationaliser que les attribuer au secteur privé.
-le principe de territorialité empeche un Etat d’édicter des mesures économiques qui
atteindraient des personnes se trouvant hors du territoire national ;l’action étatique est
bornée aux frontières. Un pays a néanmoins la possibilité de signer un traité avec un autre
pays pour apporter des restrictions à cette règle.Mais il ne peut pas prescrire, ou interdire,
des activités sur la mer extra-territoriale ou l’espace extra-atmosphérique ; la conventin
de Genève du 29 avril 1958 sur le plateau continental accorde toutefois des droits
d’exploration et d’exploitation aux Etats riverains
-le principe d’égalité, regulièrement mentionné dans les conventions internationales, est
susceptible d’avoir des incidences sur les droits nationaux.
Retenons que le droit économique représente une composante majeure du droit
international general. Les traités de commerce ou d’échanges économiques représentent
surement la fraction majoritaire du droit international conventionnel. Certaines techniques
spécifiques de l’éaboration du droit des traités découlent tres directement de
préoccupations économiques, comme par exemple, la clause d la nation la plus favorisée.
Pour prendre, donc, seulement des exemples significatifs de l’importance, pour les Etats,
des instutions économiques internationales, on peut regarder les cas de l’OMC et du FMI
qui comportent assez de references économiques….

Paragraphe I : le droit communautaire

Le droit communautaire , originaire ou dérivé est une source importante du droit public
économique. Ses règles, qui présentent des spécificités par rapport aux principes de droit
international, notamment quant à la sanction, sont aujourd’hui fortement intégrées dans
le droit originaire ou dérivé.
Le droit communautaire originaire repose sur les nombreux traités par les Etats membres
25
Le droit communautaire dérivé se compose de divers actes normatifs ou non : règlements,
décisions, directives, recommandations ou simples avis.
Cest en droit communautaire que l’on parle de l’harmonisation des politiques
économiques qui postule une limitation ou un transfert de la compétence normative
nationale. Dans le cadre de l’UE, on cite le plus souvent la politique agricole commune et
la politique monétaire.

Chapitre II : Les principes du droit public économique

L’intervention des pouvoirs publics dans l’économie nationale est soumise au respect de
nombreux principes imposés par le droit national, international ou communautaire. Ils
peuvent etre spécifiques à la matière considérée ou découler de principes généraux du
droit public.
Section I : les principes spécifiques au domaine économique
Le droit de propriété et la liberté du commerce et de l’industrie sont des principes
libéraux qui encadrent et limitent l’intervention de la puissance publique.
Paragraphe I : le droit de propriété
Proclamée comme un droit naturel , imprescriptible et sacré par la Déclaration des droits
de l’homme et du citoyen du 26 aout 1789, la propriété a été mentionnée ensuite dans la
plupart des constitutions françaises. Ce droit s’applique aussi bien à la propriété foncière
et immobilière qu’à la propriété mobilière(telles que les actions des sociétés), à la propriété
corporelle qu’à la propriété incorporelle(manque de fabrique),à la propriété littéraire ou
artistique qu’à la propriété industrielle(brevets)
A-La valeur du principe
Apropos des nationalisations de 1982,le Conseil constitutionnel a donné pleine valeur
constitutionnelle au droit de propriété, dont il a reconnu le « caractère fondamental » et
fait de sa conservation « l’un des buts de la société politique » qui doit etre mis au mêm
rang que la liberté, la sureté ou la résistance à l’oppression.
B-Les limitations au principe
Elles résultent de dispositions constitutionnelles, mais aussi législatives ou
règlementaires.
Les textes constitutionnels apportent des restrictions au droit de propriété.

26
-La DDHC du 26 aout 1789 n’accepte l’expropriation que si elle est justifiée par la
nécessité publique, légalement constatée, et sous la condition d’une juste et préalable
indemnité (art.17)
-Le préambule du 27 octobre 1946 indique que : « Tout bien, toute entreprise, dont
l’exploitation a ou acquiert les caractères d’un service public national ou d’un monopole
de fait, doit devenir la propriété de la collectivité »(art.9)
Le droit de propriété peut également etre limité par la loi ou le règlement

Paragraphe II : La liberté du commerce et de l’industrie


Cette liberté ne figure pas explicitement dans la Déclaration des droits de l’homme et du
citoyen du 26 aout 1789. Elle découle du décret d’Allarde des 2-17 mars 1791, rédigé
dans une perspective strictement fiscale, qui supprimait les corporations, mais surtout de
la Loi Le Chapelier des 14-17 juin 1791(en partie par la loi du 21 mars 1884 légalisant les
syndicats)dont les dispositions consacrant la liberté d’entreprendre restent d’actualité.
A-La valeur du principe
En 1951, le conseil d’Etat français a estimé que le Maire de Montauban avait eu tort de
soumettre à autorisation préalable l’activité de photographe filmeur et de lui imposer des
conditions restrictives. Cette profession n’étant pas réglementée par la loi, le maire pouvait
intervenir pour éviter les inconvénients de cette actvité pour la sécurité et l’ordre public,
mais « sans porter atteinte à la liberté du commerce et de l’industrie garantie par la
loi »(CE, Ass, 22juin 1951, Daudignac, Rec.362). La haute juridiction a également jugé
que cette liberté était une liberté publique placée par l’article 34 de la constitution sous la
protection du législateur,qui peut déterminer les garanties fondamentales accordées aux
citoyens pour l’exercer(CE, sect., 28 octobre 1960, Martial de Laboulaye, rec.570)
Le Conseil constitutionnel a reconnu la valeur constitutionnelle de la liberté d’entreprendre
à propos des nationalisations décidées en 1982(CC, dec. n°81-132 DC du 16 janvier
1982, Rec.18). Elle « comprend non seulment la liberté d’accéder à une profession ou à
une activité économique, mais également l’exercice de cette actvité »(CC, dec n°2012-
285QPC du 30 novembre 2012, rec.365). elle n’est toutefois « ni generale, ni
absolue »(CC, dec, n°89-254 DC du 4 juillet 1989, rec41).
B-Les Limitations au principe
Elles sont nombreuses et parfois anciennes, qu’elles aient été posées par le Parlement,
le Gouvernement ou rappelée par le Conseil d’Etat.
-il peut s’agir d’interdictions totales d’exercer certaines activités avec des sanctions
pénales éventuelles(proxénétisme ou trafic de stupéfiants)

27
-la loi soumet à autorisations de nombreuses activités qu’il s’agisse de l’ouverture de
cliniques privées ou de débits de boissons. Elle consent des occupations privatives du
domaine public(kiosques, terrasses de café), ou impose des règles d’accès à certaines
professions(avocat, medecin, expert-comptable)
-si la liberté est le principe et la mesure de police l’exception (CE, 10 aout 1917, Baldy,
Rec.638), il n’empeche qu’en période d’état d’urgence sanitaire(pandémie covid-19 dès
mars 2020), les mesures de prévention de la menace peuvent restreindre fortement
l’exercice des activités économiques, et les droits et libertés fondamentaux.
Mis à part les cas évoqués ci-dessus, où les restrictions sont justifiées par l’intérêt public
ou les exigences de l’ordre public, les atteintes à la concurrence sont combattues en droit
européen.
Section II : Les principes géneraux du droit public
Les principes d’égalité, de légalité et de non-retroactivité des actes administratifs, sans
etre spécifiques au droit public économique, ont subi des adaptations à l’occasion de
contentieux le concernant.
Paragraphe I : l’égalité
L’article 1er de la DDHC du 26 aout 1789 affirme : « les hommes naissent et demeurent
libres et égaux en droits ». Ce principe abstrait d’égalité implique en priorité l’égalité
devant la loi qui doit etre la meme pour tous, soit qu’elle protége, soit qu’elle punisse, mais
aussi l’égalité devant le service public.
A-la valeur du principe
Les jurisprudences du Conseil d’Etat et du Conseil constitutionnel ont doné un contenu
concret à l’égalité abstraite pronée par les révolutionnairesde 1789.
-le conseil d’Etat fait depuis longtemps de l’égalité devant la loi un principe general du
droit. Il défend à la fois l’égalité de traitement entre les usagers d’un meme service
public(CE, 29 novembre 1911, Chomel, Rec 1265) et l’égalité qui doit régir le
fonctionnement des services publics(CE, 9 mars 1951, Société des xoncerts du
Conservatoire, Rec.151), qu’il s’gisse de services publics admnistratifs ou de SPIC
-le conseil constitutionnel mentionne régulièrement l’égalité devant la loi ou le principe
constitutionnel d’égalité, mais sans toujours se réferer à des textes précis (CC,déc n°73-
51 du 27 décembre 1973, rec.25)
b-Les differenciations autorisées
Elles découlent de la jurisprudence constitutionnelle ou administrative

28
-A propos de la loi de nationalisation de 1982, leCC a considéré que le principe d’égalité
ne fait pas obstacle à ce qu’une loi établisse des règles non identiques à l’égard de
catégories de personnes se trouvant dans des situations différentes(CC, dec. n°81-132
DC du 16 janvier 1982, rec.18)
-De son coté, le Conseil d’Etat affirme que les différenciations dans le traitement des
usagers d’un meme service public peuvent se justifier sans qu’il y ait pour autant rupture
de l’égalité. Il a accepté une discrimination tarifaire en matière de transport par bac entre
La Rochelle et l’ile de Ré , en raison d’une différence de situation appréciable entre les
habitants permanents de l’ile et ceux du continenet, justifiant ainsi des traifs réduits au
profit des premiers(CE, 10 mai 1974,Denoyez et Chorques, Rec.274)
Paragraphe II : la légalité
L’ensemble des normes applicables à un moment donné permet d’appréhender la
légalité.Mais un grand nombre d’actes administratifs ne sont cependant pas normatifs en
eux-memes. En matière économique, on constate un large pouvoir d’appréciation des
pouvoirs publics dans la mesure où les buts de l’action publique sont fixés de manière
imprécise par le législateur, particulièrement lorsque celui-ci fait référence à la défense
des intérets nationaux ; les règlements peuvent aussi attribuer à l’autorité administrative
une large faculté d’appréciation de l’opportunité de son intervention.
A-le contrôle restreint de l’excès de pouvoir
Lorsque l’Etat intervient en matière économique et financière par le biais de mesures
d’agrément ou d’incitation fiscale , ses décisions revetent souvent un caractère subjectif.
Dès lors, le CE a souvent validé au fond les décisions économiques des pouvoirs publics
centraux ou déconcentrés sans trop s’y attarder, surtout si elles avaient une grande
technicité. Sans cesser de reconnaitre un large pouvoir discrétionnaire de l’admnistration,
il a pourtant progresivement développé une jurisprudence du contrôle de l’erreur
manifesre d’appréciation dans la qualification juridique des faits, notamment à l’occasion
de litiges relatifs a l’octroi d’autorisation ou d’avantages.
B-la théorie du bilan couts-avantages
Cette méthode contentieuse permet au CE d’imposer aux pouvoirs publics une sorte de
principe de proportionnalité, en vérifiant si les décisions de l’admnistration sont adaptées
au but visé
Section III : la non-retroactivité
La retroactivité consiste à appliquer au passé une mesure nouvelle, donc à affecter des
situations révolues. Or, il est en principe interdit de faire produire à un acte en matière
admnistrative des effets à une date antérieure à son entrée en vigueur. Deux règles en
découlent : la non-application dans le passé d’une mesure nouvelle et la non-application

29
d’une mesure nouvelle dans l’avenir à une situation juridique constituée dans le passé. Il
n’en existe pas moins des exceptions.
A-la valeur du principe
La DDHC ne vise la non-retro-activité qu’en matière pénale. Le CC veille à la protection
des contrats légalement conclus(CC, déc.2006-543 du 30novembre 2006, rec.120). Le
CE voit dans la non-retroactivité un principe general du droit en matière admnistrative(CE,
Ass., 25 juin 1948, Société du Journal « L’Aurore », rec.289). Le juge administratif donne
la meme valeur au principe de sécurité juridique, qui justifie l’obligation d’édicter des
mesures transitoires impliquées par une reglementation nouvelle(CE, Ass., 24 mars 2006,
Société KPGM, Rec.154)
B-L’atténuation du principe
Le parlement ou le CE ont apporté quelques assouplissements à la non-rétroactivité des
actes administratifs
Le législateur écarte parfois la non-rétroactivité en matière économique. Ainsi la loi du 29
décembre 1977 relative aux prix précisait : « Est réputée non écrite toute clause d’un
contrat à exécution successive(…)prévoyant la prise en compte d’une variation de l’indice
supérieure à la durée s’écoulant entre chaque révision’(…). Cette disposition est
applicable aux conventions conclues avant la publication de la présente loi »
Si le CE veille au respect du principe de non-retroactivité lorsque les situations juridiques
en question sont cristallisées à la date d’intervention de l’acte, par exemple lors de la
notification de la décision de révocation d’un fonctionnaire, il n’hésite pas à assouplir la
règle à propos de la réglementation des campagnes de production qui se composent
d’opérations techniques ou économiques liées entre ells et commandées par la nature
des choses. Il applique ainsi rétroactivement une mesure adoptée au cours d’une
campagne de peche au thon pour assurer l’unité de la campagne(CE, Ass, 21 octobre
1966, Société Graciet, Rec.560)

30
31

Vous aimerez peut-être aussi