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Chapitre 2

Espaces vectoriels normés et espaces de


Banach

2.1 Rappels sur les espaces vectoriels normés


2.1.1 Généralités, topologie
Les espaces vectoriels considérés sont des K-espaces vectoriels avec K = R ou C R.
Si 2 K, | | désignera la valeur absolue de si 2 R, et plus généralement le module
de si 2 C.
Étant donné un K-espace vectoriel, on dit qu’une fonction k · k de E dans R+ est une
norme si elle vérifie
i) Pour tout 2 K et x 2 E, k xk = | | kxk.
ii) Pour tout x, y 2 E, on a kx + yk  kxk + kyk.
iii) Si x 2 E est tel que kxk = 0, alors x = 0.
Dans cette liste, on peut remplacer la condition ii) par la condition
ii’) k · k est une fonction convexe sur E.
Un espace vectoriel normé (E, k · k) est un K-espace vectoriel E muni d’une norme
k · k sur E.
Remarque 2.1. Il y a égalité dans l’inégalité triangulaire kx + yk  kxk + kyk lorsque
x et y sont sur une même demi-droite partant de zéro, c’est-à-dire lorsque x = y ou
y = x avec 2 R+ . Mais ce n’est pas toujours le seul cas d’égalité possible, comme on
peut s’en convaincre sur l’exemple de l’espace `n1 (voir exercices).
Rappelons que la topologie usuelle d’un espace vectoriel normé est la topologie d’es-
pace métrique relative à la distance associée à la norme, à savoir

d(x, y) = k x y k.

Notons en particulier que la fonction x ! kxk est continue, car lipschitzienne, de (E, k·k)
dans R, puisque
8x, y 2 E, kxk kyk  kx yk.

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Ainsi, on dira que la suite (un ) de (E, k · k) converge (on dit aussi (un ) converge dans
E), si il existe v 2 E tel que
kun vk ! 0
lorsque n ! +1. Cela se quantifie donc de la manière suivante : pour tout " > 0 il
existe N > 0, tel que, pour tout n 2 N,

n N ) kun vk  ".

On dit alors que un tend vers v dans (Ek · k) et on écrit un ! v dans (E, k · k) ou
lim un = v dans (E, k · k).
Voici une observation totalement évidente, qu’on utilise constamment.
Proposition 2.2. Si k · k est une norme sur un espace vectoriel E, et si F est un
sous-espace de E, alors k · k est aussi une norme sur F .
Deux normes équivalentes sur un espace E définissent des métriques équivalentes, et
donc la même topologie.
L’étude des K-espaces vectoriels normés de dimensions fini se ramène à l’étude de Kn
muni d’une norme via le choix d’une base.
Une application entre deux espaces métriques est une isométrie si elle préserve les
distances. Dans le cas d’une isométrie linéaire ' : E ! F entre deux e.v.n., cela revient
à écrire que k'(x)kF = kxkE pour tout x dans E.
Proposition 2.3. Soit (E, k · kE ) un espace K-vectoriel de dimension finie. Alors E est
en bijection linéaire isométrique avec Kn muni d’une certaine norme k · k.
Démonstration. On se donne une base (✏1 , . . . , ✏n ) de E et on introduit l’application
' : Kn ! E définie par
Xn
8x 2 Kn , '(x) := x i ✏i .
i=1

En d’autres termes, si on note (e1 , . . . , en ) la base canonique de Kn , l’application linéaire


' est définie décrétant que '(ei ) = ✏i , pour i = 1, . . . , n. Par définition d’une base, on
sait que ' est un isomorphisme entre les K espaces vectoriels Kn et E. On introduit la
norme suivante sur Kn :
n
X
8x 2 K ,n
kxk := k'(x)kE = x i ✏i .
E
i=1

Alors par construction ' devient une isométrie entre (Kn , k · k) et (E, k · kE ).

On rappelle aussi que


Proposition 2.4. Deux normes sur un espace vectoriel de dimension finie sont équiva-
lentes.
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En d’autres termes, si k · k0 et k · k1 sont deux normes sur un espace vectoriel de


dimension finie, alors il existe des constantes c, C > 0 tel que

8x 2 E, kxk0  kxk1  Ckxk0 .

Il peut être intéressant de connaître les meilleurs constantes dans ces inégalités.
Prenons une norme sur k · k sur Rn et notons Bk·k = {k · k k  1} la boule unité
correspondante. Soit Qn = [ 1, 1]n ⇢ Rn le cube en dimension n, qui est la boule
unité pour la norme kxk1 = max |xi |. Alors le résultat sur l’équivalence des normes en
dimension finie s’énonce (de manière équivalente) comme suit : il existe des constantes
c̃, C̃ > 0 tel que
c̃ Qn ⇢ Bk·k ⇢ C̃Qn .
Une conséquence de ce résultat est :
Proposition 2.5. Si (E, k · k) est un espace vectoriel normé de dimension finie, alors
sa boule unité BE = {k · kE  1} est compacte. Plus généralement, toute partie fermée
bornée de E est compacte.
Démonstration. Regardons le cas K = R et notons n = dim(E). Il suffit de regarder le
cas d’une norme quelconque k · k sur Rn , et l’observation précédente nous permet de voir
que BE = Bk·k est un sous-ensemble fermé de C̃Qn = [ C̃, C̃]n pour un certain C̃ > 0.
Or C̃Qn est compact (pour la topologie produit, mais donc aussi pour la topologie équi-
valente donnée par k · k). Une partie fermée bornée est incluse dans un certain multiple
de BE , et sera donc aussi compacte en tant que fermé dans un compact.
On montre réciproquement que si (E, k · kE ) est de dimension infinie, alors sa boule
unité BE n’est pas compacte.

2.1.2 Applications linéaires continues


Pour une application linéaire ' : E ! F entre deux espaces vectoriels normés
(E, k · kE ) et (F, k · kF ) on a, en notant BE := {x 2 E ; kxkE  1}, la boule unité
de E et SE = {x 2 E, ; kxkE = 1} la sphère unité de E,
k'(x)kF k'(x)kF
sup = sup = sup k'(x)kF = sup k'(x)kF .
x2E\{0} kxkE x2BE kxkE x2BE x2SE

L’application linéaire ' est continue si et seulement si cette quantité est finie, et on la
note alors k'kE!F . En d’autres termes, on retiendra que pour une application linéaire
' : E ! F entre deux espaces vectoriels normés on a l’équivalence entre les assertions
suivantes :
1. ' est continue
2. ' est bornée sur la boule unité de E
3. il existe une constante M 0 tel que

8x 2 E, k'(x)kF  M kxkE ,
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k'(x)kF
et la meilleure constante M possible est alors k'kE!F = sup = sup k'(x)kF .
x6=0 kxkE x2BE

Proposition 2.6. La fonction k · kE!F définit à son tour une norme, appelée norme
d’opérateur, sur l’espace L(E, F ) des applications linéaires continues de (E, k · kE ) dans
(F, k · kF ).
Démonstration. Pour f 2 L(E, F ), notons d’abord que si kf kE!F = 0, alors f (x) =
0 pour tout x 6= 0 (et aussi pour x = 0), et donc f est l’application nulle. D’autre
part, k f kE!F = | |kf kE!F d’après la définition, pour tout 2 K. Reste l’inégalité
triangulaire. Pour f, g 2 L(E, F ) et pour tout x 2 E on a

k(f + g)(x)kF = kf (x) + g(x)kF  kf (x)kF + kg(x)kF  kf kE!F + kgkE!F kxkE ,

et par conséquent kf + gkE!F  kf kE!F + kgkE!F .

Dans le cas particulier où F = E, on a donc que k · kE!E est une norme sur L(E),
les endomorphismes continus de E. Dans le cas où E = Rn , muni d’une certaine norme
k · k, et où l’on identifie endomorphisme et matrice (à travers la base canonique de Rn ),
la norme k · kE!E s’appelle la norme matricielle subordonnée à k · k.
Un isomorphisme entre deux espaces vectoriels normés E et F est une application
linéaire continue de E dans F qui est bijective, et dont l’inverse est aussi continue. En
fait, un théorème classique d’analyse fonctionnelle dit que pour une application linéaire
continue bijective de E dans F , son inverse est automatiquement continu. Deux espaces
vectoriels normés sont dit isomorphes s’il existe un isomorphisme entre eux ; ils sont
isométriques s’il existe un isomorphisme entre eux qui préserve les normes. Dire que
deux normes k · k1 et k · k2 sur E sont équivalentes, c’est donc dire que l’identité Id :
(E, k · k1 ) ! (E, k · k2 ) est un isomorphisme.
Remarquez qu’une isométrie linéaire ' : E ! F entre deux espaces vectoriels normés
est toujours continue, de norme d’opérateur égale à 1. Si elle est surjective, alors c’est un
isomorphisme. On dit alors que E est F sont isométriques : on ne peut pas les distinguer
en tant qu’espaces vectoriels normés.

2.2 Espaces de Banach


Définition 2.7. Un espace vectoriel normé (E, k · k) est un espace de Banach s’il est
complet (pour la métrique associé à sa norme).
En d’autres termes, (E, k · k) est un espace de Banach si toute suite de Cauchy de
(E, k · k) est convergente.
Sur Kn , toute norme est équivalente à la norme kxk1 = max |xi |, dont la métrique
est la métrique produit sur K ⇥ . . . ⇥ K. Pour cette métrique, Kn est complet (puisque
(K, |·|) est complet), et donc pour toute norme k·k sur Kn , on obtient un espace complet.
C’est-à-dire :
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Proposition 2.8. Tout K-espace vectoriel normé de dimension finie est un espace de
Banach.
En dimension infinie, on peut construire des exemples d’espaces vectoriels normés
qui ne sont pas des Banach en prenant des sous-espaces non fermés d’un espace vectoriel
normé (en général d’un Banach). Concrètement, on peut donner l’exemple suivant.
Exemple 2.9. Soit C l’espace des fonction continues sur [ 1, 1] muni de la norme
kf k1 = supx2[ 1,1] |f (x)|. On note C 1 le sous-espace formé des fonctions C 1 sur [ 1, 1]
(on prend la dérivée à gauche et à droite sur les bords si on veut être précis). Considérons
la suite de fonctions (fn ) ⇢ C définie pour n 1 par
1
8x 2 [ 1, 1], fn (x) = |x|1+ n .

On voit que fn est de classe C 1 . En effet, fn est C 1 sur [ 1, 1] \ {0}, de dérivée fn0 (x) =
|x|1/n pour x 0 et l’opposé pour x  0 ; il faut seulement regarder ce qui se passe en 0,
mais comme f (x) = o(|x|), on voit que f est dérivable en 0 de dérivée égale à zéro, qui
est bien la limite commune des dérivées à gauche et à droite en 0. Ainsi, on a (fn ) ⇢ C 1 .
Par ailleurs si on introduit la fonction f (x) = |x|, on voit que pour f (0) = fn (0) et pour
x 2 [ 1, 1] \ {0},
log(|x|) log(|x|) |x| log(|x|) 1
|fn (x) f (x) = |x| e n 1 = |x| 1 e n   ,
n 2n
et donc
1
kfn f k1 
,
2n
ce qui veut implique que la suite fn converge dans C vers f . La suite (fn ) est donc une
suite de Cauchy de C 1 , mais elle n’a pas de limite dans C 1 ⇢ C, puisque sa limite dans
C vaut f qui n’appartient pas à C 1 . Ainsi, l’espace vectoriel normé (C 1 , k · k1 ) n’est pas
complet.
Le caractère complet d’un espace vectoriel normé E permet de donner une condition
suffisante très pratique à la convergence des séries.POn rappelle qu’étant donné une suite
(xn ) de vecteur de (E, k · k), on dit que la série xn converge si la suite des sommes
+1
X
PN
partielles x
n=1 n N converge dans E. Si c’est le cas, alors on note xn la limite des
n=0
sommes partielles. En d’autres termes, s’il existe x 2 E tel que
N
X
xn x !0 lorsque N ! +1,
n=1
P P
alors on dit que la série xn converge dans E, et on note +1 n=0 xn := x. Il est bon de
+1
X
rappeler ici que pour écrire xn il faut donc avoir montré avant que cela a bien un
n=0
sens.
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Définition 2.10. Étant donnéP une suite (xn ) de vecteurs d’un espace vectoriel normé
P k · k), on dit que la série
(E, xn est normalement convergente si la série positive
kxn k est convergente.
P
Il est beaucoup plus
P1facile d’étudier la série kxn k, qui est une série de réels positifs.
En effet, la quantité n=0 kxn k a toujours un sens, dans [0, +1] et cette quantité est finie
quand la série converge. De plus, pour les séries positives, on dispose des théorèmes de
comparaisons, qui permettent de conclure à la convergence (ou divergence) de la série en
majorant (ou minorant) kxn k ou en donnant un équivalent. A priori,P on ne voit pas très
bien pourquoi
P il y aurait un lien entre la convergence de la série xn et la convergence
de la série kxn k, et pourtant :
Proposition 2.11. Si (E, k · k) est un espace de Banach, alors toute série de E norma-
lement convergente est convergente.
Plusieurs remarques s’imposent :
— Il s’agit d’une condition suffisante, mais pas nécessaire. Pour s’en persuader, on
P ( 1)n
peut prendre l’exemple de la série n
sur l’espace de Banach (R, |·|) : c’est une
série convergente, mais pas normalement (dans ce cas, on dit plutôt absolument)
convergente.
+1
X
— En cas de convergence normale, il n’y a aucun lien entre les sommes xn
n=0
+1
X +1
X
et kxn k, si ce n’est l’inégalité obtenue par passage à la limite xn 
n=0 n=0
+1
X
kxn k.
n=0
— La propriété est fausse sur un espace vectoriel normé non-complet. Pour avoir un
contre-exemple, il suffit de modifier légèrement l’exemple 2.9 en prenant gn (x) =
1 P
|x|1+ n2 . On peut se persuader que la série (gn+1 gn ) est normalement conver-
gente pour k · k1 , mais pas convergente dans C 1 puisque les sommes partielles (qui
valent gN g1 ) convergent dans C vers g(x) = |x| x2 qui n’est pas dans C 1 .
P
Démonstration.
P Soit xn une série normalement convergente. On introduit la suite
UN = nN n x . Notre but est de montrer que cette suite converge dans E lorsque
N ! +1. Comme E est complet, il suffit de montrer que cette suite est de Cauchy. Or
pour N 0 et p 1 on a, par l’inégalité triangulaire,
N +p N +p
X X
kUN +p UN k = xn  kxn k = VN +p VN
n=N +1 n=N +1
P
en posant Vk = nk kxn k. Or la suite croissante (Vk ) est de Cauchy, car par hypothèse
convergente. En en déduite que la suite (UN ) est aussi de Cauchy.

En fait, cette propriété caractérise les espaces de Banach.


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Proposition 2.12. Soit (E, k · k) est un espace vectoriel normé qui possède la propriété
suivante : toute série de E normalement convergente est convergente. Alors E est un
espace de Banach.
Démonstration. Il faut montrer que (E, k · k) est complet. On se donne donc (xn ) une
suite de Cauchy de (E, k·k). Le fait d’être de Cauchy permet de construire une sous-suite
yk = xnk de cette suite qui vérifie
1
8k 0, kyk+1 yk k = kxnk+1 xk k  .
2k
P
La série (yk+1 yk ) est donc normalement convergente, par théorème P 1 de comparaison
pour les séries
P positives (ici avec la série géométrique convergente 2k
). On en déduit
que la série (yk+1 yk ) est convergente dans E, c’est-à-dire que ses sommes partielles
convergent dans E : il existe donc x 2 E tel que
N
X
(yk+1 yk ) ! x dans (E, k · k), lorsque N ! +1,
k=0

Mais comme
N
X
8N 0, (yk+1 yk ) = yN +1 y0 = xnN xn0 ,
k=0

on en déduit que la suite (xnN )N est convergente dans E. Or une suite de Cauchy ne peut
avoir au plus qu’une valeur d’adhérence. Par conséquent, la suite (xn ) est convergente
dans E.
Proposition 2.13. Soit (E, k · kE ) et (F, k · kF ) deux espaces vectoriels normés. Si F
est un Banach, alors (L(E, F ), k · kE!F ) est aussi un Banach.
Démonstration. Soit ( n ) une suite de Cauchy de (L(E, F ), k · kE!F ). Pour x0 2 E fixé,
la suite ( n (x0 ) est une suite de Cauchy de F , puisque pour tous n, k 2 N,
k n (x0 ) k (x0 )kF  kx0 kk k n k kE!F .

Puisque F est complet, on en déduit que la suite ( n (x0 )) converge dans F vers un certain
vecteur que l’on notera (x0 ) 2 F . En passant à la limite ponctuellement dans l’équation
n ( x + µy) = n (x) + µ n (y), on voit que l’application x ! (x) est une application
linéaire de E dans F . Par l’inégalité (anti)-triangulaire k n k k k k  k n k k, on
voit que la suite (k n kE!F ) est une de Cauchy de R donc convergente donc bornée, par
un certain M 0. En passant à la limite, pour x 2 E fixé, dans
k n (x)kE k n kE!F kxkE  M kxkE , 8n 0,
on en déduit que 2 L(E, F ). Pour conclure que n tend vers , donnons-nous un " > 0
quelconque. Par le caractère de Cauchy, on sait qu’il existe un N 0 tel que
8n N, 8p 0, k n+p n kE!F  ",
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soit encore
8n N, 8p 0, 8x 2 E, k n+p (x) n (x)kF  "kxkE .
Pour x 2 E et n N fixés, on peut passer à la limite quand p ! +1 et on trouve
8n N, 8x 2 E, k (x) n (x)kF  "kxkE .
soit encore
8n N, k n kE!F  ".
Cela montre bien que ( n) est convergente (de limite ) dans (L(E, F ), k · kE!F ).

Voici enfin un résultat essentiel dans l’analyse (dite spectrale) des applications li-
néaires, qui a de nombreuses applications dans l’étude des équations aux dérivées par-
tielle, par exemple.
Proposition 2.14. Soit (E, k · kE ) un espace de Banach, et u 2 L(E) un endomor-
phisme continu de E tel que kukE!E < 1. Alors l’application IdE + u est un auto-
morphisme de E (i.e. c’est une application linéaire continue bijective de E dans E dont
l’inverse est aussi continu).
Démonstration. Pour simplifier les notations, on notera simplement k · k = k · kE!E la
norme d’opérateur sur L(E). On va montrer que IdE u est un automorphisme (c’est
la même chose puisque kuk = k uk). L’idée est de se souvenir que pour s 2 [0, 1[, la
+1
X
P n 1
série géométrique s converge et que sa somme vaut sn = = (1 s) 1 . On
n=1
1 s
rappelle la notation un , définie par récurrence comme suit : u0 = IdE et un+1 = u un
(= un u). On vérifie facilement, d’après la définition de la norme d’opérateur (voir
exercices) que pour tout n 0, on a
kun k  kukn .
Cela montre, par théorème de comparaison pour les séries positives, que comme P kuk 2
[0, 1[, que la série (kun k)n 0 est convergente. En d’autres termes, la série de E, un est
normalement convergente. Comme E est un Banach, L(E) l’est aussi, et par conséquent
+1
X
P n
la série u converge dans (L(E), k · k). Notons v = un sa somme (qui est donc la
n=0
limite dans L(E) des sommes partielles). On voit que pour N 1,
N
X N
X N
X +1
(1 u) un = un un = IdE uN +1 .
n=0 n=0 n=1

Or u N +1
tend vers 0 dans L(E) lorsque N ! +1, puisque kuN +1 k  kukN +1 ! 0. On
a donc, en passant à la limite,
(1 u) v = IdE .
On démontre de la même façon que v (1 u) = IdE . Ainsi, 1 u est bijective, et son
inverse est v, qui appartient bien à L(E).
CHAPITRE 2. ESPACES VECTORIELS NORMÉS, ESPACES DE BANACH 23

Terminons par un théorème d’extension utile (par exemple dans l’étude de la trans-
formée de Fourier).
Proposition 2.15 (Principe d’extension). Soit E, F deux espaces de Banach et H ⇢ E
un sous-espace dense de E (i.e. H = E). On se donne une application linéaire T : H ! F
continue, c’est-à-dire : 9C > 0 tel que pour tout h 2 H on ait kT (h)kF  CkhkE .
Alors on peut étendre T , de manière unique, en une application linéaire continue de
E dans F , c’est-à-dire il existe un (unique) T̃ 2 L(E, F ) tel que T̃ = T sur H. De plus
on a kT̃ (x)kF  CkxkE pour tout x 2 E.
Démonstration. Soit x 2 E. On sait qu’il existe une suite (xn ) ⇢ H tel que kxn xk ! 0
lorsque n ! +1. On voudrait poser

T̃ x = lim T xn .
n!+1

Pour pouvoir faire cela, il faut éclaircir les deux points suivants :
— que cette limite existe bien ( !) dans F .
— que cette limite dépend seulement de x, et pas du choix de la suite (xn ) qui
approche x (il y a plusieurs suites de H qui tendent vers le même x).
Pour le premier point, on remarque que la suite (T (xn ))n est une suite de Cauchy de F .
En effet, pour n, m 0 on a

kT xn T xm kF = kT (xn xm )kF  Ck xn xm kE

et la suite (xn ) est une suite de Cauchy de E puisque c’est une suite convergente. Comme
F est complet, la suite (T (xn ))n est convergente, et on peut considérer sa limite dans F .
Pour le deuxième point, si (yn ) est une autre suite de H tendant vers x, on a

kT xn T yn kF  Ckxn yn kE ! 0

et donc (T (yn )) a nécessairement la même limite que (T (xn )).


Une fois qu’on a montré que, pour tout x 2 E, cette limite avait un sens et était
commune à toute suite de H approchant x, les autres propriétés sont faciles à vérifier.
Tout d’abord T̃ = T sur H puisqu’on peut prendre une suite constante égale à x si
x 2 H. Ensuite T̃ est bien linéaire, puisque que si (xn )n ⇢ H approche x et si (yn )n ⇢ H
approche y, alors ( xn + µyn )n ⇢ H approche x + µy et T ( xn + µyn ) = T (xn ) +
µT (yn ) ! T̃ (x) + µT̃ (y). Enfin, par continuité des normes, en passant à la limite dans
kT (xn )kF  Ckxn kE on voit que pour tout x 2 E, on a

kT̃ (x)kF  CkxkE .

Ainsi, T̃ est bien continue sur E.


L’unicité de l’extension est facile. C’est un principe général : deux applications conti-
nues qui coïncident sur une partie dense d’un espace métrique coïncident sur tout l’es-
pace. Ecrivez l’argument vous-mêmes.
CHAPITRE 2. ESPACES VECTORIELS NORMÉS, ESPACES DE BANACH 24

2.3 Dualité
Soit (E, k · k) un espace vectoriel normé. L’espace L(E, K) des formes K-linéaires
continues sur E s’appelle le dual (topologique) de E, et on le note E ⇤ . La norme d’opé-
rateur correspondante est appelée la norme duale. Si on la note k · k⇤ , c’est donc la norme
sur E ⇤ définie par
|`(x)|
8` 2 E ⇤ , k`k⇤ := sup |`(x)| = sup .
x2E, kxk1 x2E\{0} kxk

Par définition, on a donc |`(x)|  k`k⇤ kxk pour tout (`, x) 2 E ⇤ ⇥ E. D’après la propo-
sition 2.13 on a :
Proposition 2.16. L’espace vectoriel normé (E ⇤ , k · k⇤ ) est un Banach.
Remarque 2.17. Dans le cas où K = R, on peut aussi écrire, pour ` 2 E ⇤ ,
`(x)
k`k⇤ = sup `(x) = sup .
x2E, kxk1 x2E\{0} kxk

En effet, l’ensemble {`(x) ; x 2 E, kxk  1} est un sous-ensemble de R symétrique par


rapport à l’origine, puisque pour x 2 R on a `( x) = `(x) et k xk = kxk.
Dans le cas où K = C, on peut aussi écrire, pour ` 2 E ⇤ ,
<(`(x))
k`k⇤ = sup <(`(x)) = sup .
x2E, kxk1 x2E\{0} kxk

En effet, l’ensemble {`(x) ; x 2 E, kxk  1} est un sous-ensemble de C invariant par


rotations, puisque, pour x 2 E et ✓ 2 R, on a `(ei✓ x) = ei✓ `(x) et kei✓ xk = kxk.
Notation. Pour ` 2 E ⇤ et x 2 E, on introduit la notation

h`, xi := `(x).

Cela revient à écrire ` = h`, ·i. L’idée est de cette notation, plus symétrique, est de voir
les éléments de E ⇤ comme des vecteurs, plutôt que comme des formes linéaires. Pour un
` 2 E ⇤ , la forme linéaire correspondante est notée h`, ·i. On voit alors que h·, ·i définit
une forme bilinéaire, continue, sur E ⇥ E ⇤ , appelée crochet de dualité, qui vérifie

8(`, x) 2 E ⇤ ⇥ E, |h`, xi|  k`k⇤ kxk.

Le noyau d’une forme linéaire (non-nulle) est toujours un hyperplan, c’est-à-dire un


sous-espace de co-dimension 1. En effet, soit ` : E ! K une forme linéaire non-nulle. Il
existe donc x0 2 E tel que `(x0 ) 6= 0. Si on note H = ker(`), alors x0 2
/ H et donc Kx0
et H sont en somme directe : Kx0 H ⇢ E. Mais pour tout x 2 E, on peut écrire
`(x) `(x)
x= x0 + (x x0 )
`(x0 ) `(x0 )
CHAPITRE 2. ESPACES VECTORIELS NORMÉS, ESPACES DE BANACH 25

`(x)
et ` x x
`(x0 ) 0
= 0. Par conséquent, on a Kx0 + H = E et donc

E = Kx0 ker(`).

Ci-dessus, nous avons seulement parlé de forme linéaire au sens algébrique, sans parler de
continuité. On peut montrer qu’une forme linéaire sur E est continue si et seulement si
son noyau est fermé. Mais dans la pratique, nous travaillerons avec E espace de Banach.
Or sur un Banach, toutes les formes linéaires que vous rencontrerez seront continues.
Pour construire une forme linéaire non-continue sur un Banach, il faut utiliser l’axiome
du choix.
En dimension finie, toutes les formes linéaires sont continues et de plus, E et son dual
E ⇤ sont de même dimension, puisque dim(L(E, R)) = 1 ⇥ dim(E).
On a vu qu’on peut toujours se ramener à E = (Kn , k · k). Pour décrire le dual, on
peut utiliser le produit scalaire comme crochet de dualité. Pour x, y 2 Kn , posons
n
X
hx, yi := x · y := xk yk .
k=1

Sur Rn , la barre conjugaison est inutile, bien sûr. Alors toute forme linéaire sur Kn est
de la forme
x ! hx, y0 i,
pour un certain y0 2 Kn . Comme cela on peut identifier le dual de Kn à Kn . Reste à
identifier la norme duale. Si k · k est une norme sur Kn , la norme duale est donc

kyk⇤ = sup |hx, yi| = sup |x · y| = sup <(x · y).


kxk1 kxk1 kxk1

2.4 Exemples
2.4.1 Les normes Lp
Les exemples les plus importants dans ce cours seront les espaces Lp (µ) associés à un
espace mesuré (X, µ), que nous verrons au prochain chapitre.
On peut déjà en donner une idée en regardant l’espace vectoriel C([a, b]) des fonctions
continues (à valeur dans C ou dans R) sur un intervalle [a, b]. Pour simplifier les notations,
on va prendre [a, b] = [0, 1] et on notera C = C([0, 1]). Alors, pour p 2 [1, +1[, on peut
définir une norme k · kp sur C en posant, pour f 2 C,
⇣Z ⌘1/p
kf kp := |f |p .
[0,1]

Ici on intègre implicitement par rapport à la mesure de Lebesgue sur [0, 1] ⇢ R. On


vérifie que c’est bien un norme. L’homogénéité est immédiate, et si kf kp = 0, alors la
fonction positive |f |p doit être nulle presque partout, mais comme elle est continue, cela
veut dire que f = 0 sur [0, 1]. Reste à vérifier l’inégalité triangulaire.
CHAPITRE 2. ESPACES VECTORIELS NORMÉS, ESPACES DE BANACH 26

Pour p = 1, il suffit d’intégrer l’inégalité |f + g|  |f | + |g|. Pour p > 1, on combine


cette inégalité avec l’inégalité de Minkowski : pour f, g 2 C on a
⇣Z ⌘1/p ⇣ Z ⌘ ⇣Z ⌘1/p ⇣ Z ⌘1/p
p p 1/p p
|f + g|  |f | + |g|  |f | + |g|p .
[0,1] [0,1] [0,1] [0,1]

Ainsi, (C, k · kp ) est un espace vectoriel normé. Mais on peut montrer que ce n’est pas
un espace de Banach. En fait, le plus petit espace de Banach contenant (C, k · kp ) est
justement l’espace (Lp ([0, 1]), k · kp ) que l’on verra plus loin.

2.4.2 Espaces de suites


On considère les suites d’éléments de K indexées par N ou Z, que l’on note KN et KZ .
On a donc quatre espaces possibles : RN , RZ , CN , CZ . Les espaces les plus utilisés sont
R (suites de réelles) et CZ , que l’on P
N
rencontrera dans l’étude des séries de Fourier. P On
rappelle
P que la série d’éléments de K, a
n2Z n est convergente si les deux séries n 0 an
et n0 an sont convergentes.
Sur N ou Z P on peut prendre la mesure de comptage notée m. La convergence de la
série (positive) |ak | équivaut à l’intégralité de la fonction n ! an . Si cela a lieu, on
dit que la famille/suite (an ) est sommable.
Il est important de remarquer P que, P comme pour l’intégrale, si on travaille avec des
suites positives, les quantités N an ou Z an ont toujours un sens : c’est un réel positif
(si la famille est sommable) ou bien +1. De plus, peu importe la manière dont on
somme,
P en vertu de théorème de convergence monotone. En particulier, la série PNpositive
a
Z n sera convergente si et seulement si les sommes partielles symétriques n= N an
ont une limite, par exemple.
Dans le cas de suites de signe quelconque ou complexe, P indexée par N ou Z, la
sommabilité se réduit donc à l’étude de la série positive |an |.
Désignons pas I l’ensemble d’indices N ou Z. Pour p 2 [1, +1) on peut introduire,
pour a = (an ) 2 KI ,
⇣X ⌘1/p
kakp := k(an )kp := |an |p 2 [0, +1],
n2I

et pour p = +1 , kak1 := k(an )k1 = supn2I |an |. Alors, pour p 2 [1, +1], on introduit
l’ensemble
`Kp (I) := {a 2 K ; kakp < +1}.
I

P
Ainsi, dire que (ak ) 2 `K p (I) c’est dire que la série I |ak | est convergente et poser
p
⇣P ⌘1/p
k(ak )kp := n2I |an |
p
.
On voit que `K
p (I) est un K-espace vectoriel et k · kp est une norme sur cet espace. C’est
une conséquence de l’inégalité de Minkowski. OK ? Nous verrons au prochain chapitre
un résultat plus général. En particulier, nous verrons que `K p (I) est un espace de Banach,
et nous verrons aussi plus tard que le dual de `p (I), pour p 2 [1, +1[ est l’espace `K
K
q (I)
avec q 2]1, +1] donné par p + q = 1.
1 1
CHAPITRE 2. ESPACES VECTORIELS NORMÉS, ESPACES DE BANACH 27

Quand il n’y a pas d’ambiguité sur K et I, on écrit simplement `p .


Maintenant, une observation simple qui perturbe un peu la première fois qu’on la
voit. Notons, pour k 2 I = N ou Z, ek la suite définie par

8i 2 I, (ek )i = ik .

On voit que ek est dans tous les `p , p 2 [0, +1]. La famille des vecteurs (ek ) est spéciale.
On a bien sûr que pour toute partie finie A 2 I, si on se donne des scalaires xk 2 R ou
C pour k 2 A on a X
xk e k 2 ` p .
k2A

On voit alors que, lorsque p < +1, pour toute suite x = (xk )k2I on a
X
(xk ) 2 `p () la série xk ek converge dans `p .

Attention, à droite on a une série de vecteurs, et à gauche, dans la définition, une série de
réels
P positifs. De plus, lorsque (xk ) est dans `p , on sait que la somme de série convergente
xk ek est x, ce qui s’écrit X
x= xk e k .
k2I

On dit qu’on a décomposé x dans la "base canonique" ek . Attention, cette formule est
dangereuse, car on pourrait oublier qu’elle contient une limite, qui est définie au sens de
(`p , k · kp ). Or c’est le point le plus important ! Pour le dire autrement, par exemple dans
le cas où I = N, on a que pour x = (xk ) 2 `p , introduisons, pour n 0,
n
X
Sn (x) := xk e k ,
k=0

qui est donc un vecteur défini comme une somme de vecteurs, et qui vérifie Sn (x) =
(x0 , x1 , . . . , xn , 0, 0, . . .). Alors ce qu’on vient de dire plus haut est que la suite (Sn (x))n
de vecteurs de `p converge vers x dans `p , ce qui ce voit en remarquant que
⇣ X
1 ⌘1/p
kx Sn (x)kp = |xk |p !0
k=n+1

lorsque n ! +1, puisque le reste d’une série convergente tend vers 0.


On remarquera que cette observation est FAUSSE lorsque p = 1, comme on peut
s’en persuader en prenant x = (1, 1, 1, . . .) 2 `1 . L’espace `1 est l’espace des suites
bornées, muni de la norme du sup, et cela ne s’exprime plus en terme de séries.
Remarque 2.18. La famille (ek ) ne forme pas une base de `p au sens algébrique (heu-
reusement, pourrait-on-dire, car en analyse les base algébriques ne servent à rien).
CHAPITRE 2. ESPACES VECTORIELS NORMÉS, ESPACES DE BANACH 28

2.4.3 Les espaces `np


Pour p 2 [1, +1[, on peut définit
⇣X
n ⌘1/p
8x 2 Kn , k x kp := |xk |p .
k=1

Pour p = +1, on pose kxk1 = max |xk |. On pourra vérifier à titre d’exercice que pour
kn
tout x 2 Kn , on a : lim kxkp = kxk1 .
p!+1

Fait 2.19. Pour tout p 2 [1, +1], k · kp définit une norme sur Kn .
Démonstration. Le seul point qui demande du travail est l’inégalité triangulaire. Comme
d’habitude, on se ramène à des nombres positifs par l’inégalité triangulaire
|xk + yk |  |xk | + |yk |.
Et alors l’inégalité triangulaire se ramène directement de l’inégalité de Minkowski vue
au chapitre précédent
On note `np = (Kn , k · kp ) l’espace vectoriel correspondant (en fait, cette notation est
plutôt réservée au cas où K = R ; dans le cas où K = C, on rajoute un indice C quelque
part pour le distinguer de l’espace réel).
On peut sans trop de difficulté identifier le dual de `np .
Proposition 2.20. Pour p 2 [1, +1], le dual de `np est `nq où 1
p
+ 1
q
= 1.
Démonstration. On sait que le dual algébrique est encore Kn si l’on utilise l’identification
donnée par le produit scalaire hx, yi = x · y. La seule question est donc d’identifier la
norme duale, que l’on note k · k sur Kn , qui est donc donnée par
kyk = sup |hx, yi|.
kxkp 1

L’inégalité de Hölder nous dit que pour tout x, y 2 Kn on a


|hx, yi|  kxkp kykq ,
et donc kyk  kykq . Lorsque p 2]1, +1[, on a vu que pour un y donné non-nul, on
peut trouver un x non-nul pour lequel il y a égalité dans l’inégalité de Hölder (voir les
exercices pour le détail de l’argument), ce qui veut dire que si on prend kxk
x
p
dans le sup,
on aura kyk kykq , ce qui montre que k · k = k · kq . Le cas p = 1, q = 1 se traite
facilement.

Remarque 2.21. Pour une bonne part, le résultat général qu’on verra plus tard, à
savoir que le dual de Lp est Lq (ici pour p 2 [1, +1[), aura la même démonstration.
Pour trouver la norme duale, on utilisera l’inégalité de Hölder et un cas d’égalité dans
l’inégalité de Hölder. La difficulté sera cependant d’identifier l’espace dual, chose qui, en
dimension finie, ne posait pas de problème puisqu’on savait que c’était Kn .
CHAPITRE 2. ESPACES VECTORIELS NORMÉS, ESPACES DE BANACH 29

2.4.4 L’espace (C([0, 1]), k · k1 )


On regarde le cas p = +1 du premier exemple ci-dessus.
Pour toute fonction (bornée) f sur [0, 1], à valeurs dans R ou C, on peut introduire
kf k1 := supx2[0,1] |f (x)|. Il est facile 1 de vérifier qu’il s’agit d’une norme sur l’espace
vectoriel des fonctions bornées sur [0, 1]. Cette norme est appelée, logiquement, "norme de
la convergence uniforme" puisque kf fn k1 ! 0 veut dire que fn converge uniformément
vers f sur [0, 1].
Notons C([0, 1]) le sous-espace formé des fonctions continues (c’est bien un sous-espace
par les théorèmes d’opération sur les fonctions continues).
Proposition 2.22. L’espace (C([0, 1]), k · k1 ) est un Banach.
Démonstration. Soit (fn ) une suite de Cauchy de (C([0, 1]), k · k1 ). Pour chaque x 2 [0, 1]
fixé, la suite de scalaires (fn (x))n 2 KN est aussi une suite de Cauchy, puisque
|fn (x) fm (x)|  kfn f m k1 .
Par conséquent, cette suite converge. On note f (x) 2 K sa limite, et f la fonction ainsi
construite, qui est donc la limite simple (on dit aussi ponctuelle) de la suite fn . On peut
noter que f est bornée. En effet, la suite (fn ) est bornée dans (C([0, 1]), k · k1 ) puisque
de Cauchy : il existe C > 0 tel que kfn k1  C pour tout n 0. On a donc, pour tout
x 2 [0, 1] et tout n 0, |fn (x)|  C et par passage à la limite, |f (x)|  C pour tout
x 2 [0, 1].
On va montrer que kf fn k1 ! 0, puis que f est continue, ce qui achèvera la
démonstration.
Soit ✏ > 0. Par définition du caractère de Cauchy et de la norme k · k1 , il existe un
rang N 0 tel que, si
8n, m N, 8x 2 [0, 1], |fm (x) fn (x)|  ✏.
Les 8 commutent : pour x fixé, en faisant tendre m vers +1, on déduit que
8n N, 8x 2 [0, 1], |f (x) fn (x)|  ✏,
c’est-à-dire kf fn k1  ✏ dès que n N . On a donc montré que kf fn k1 ! 0. Par
ailleurs, on sait qu’une limite uniforme d’une suite de fonctions continues est continue.
Ainsi f est continue, et on a fn ! f dans (C([0, 1]), k · k1 )
L’étude du dual de (C([0, 1]), k · k1 ) est intéressante et délicate. On peut déjà faire
l’observation suivante.
Proposition 2.23. Soit µ une mesure borélienne finie sur [0, 1]. Alors l’application
Lµ : C([0, 1]) ! K donnée par
Z
8f 2 C([0, 1]), Lµ (f ) := f dµ
[0,1]

est une forme linéaire continue sur (C([0, 1]), k · k1 ), et sa norme vaut µ([0, 1]).
1. Ici "facile" veut dire : faites-le.
CHAPITRE 2. ESPACES VECTORIELS NORMÉS, ESPACES DE BANACH 30

Démonstration. Notons d’abord que toute fonction continue est µ-intégrable, car µ étant
finie, toute fonction borélienne bornée est µ-intégrable. Ainsi Lµ est bien définie, et la
linéarité de Lµ découle de la linéarité de l’intégrale sur les fonctions µ-intégrables. Par
ailleurs, on a
Z
8f 2 C([0, 1]), |Lµ (f )|  |f | dµ  µ([0, 1])kf k1 .
[0,1]

On en tire que Lµ est bien continue, et que si on note k·k la norme duale sur (C([0, 1]), k · k1 )⇤ ,
on a kLµ k  µ([0, 1]). Mais si on prend f ⌘ 1, on a kf k1 = 1 et Lµ (f ) = µ([0, 1]). On a
donc bien kLµ k = µ([0, 1]).
Chapitre 3

Espaces Lp

Dans tout ce chapitre, (X, A, µ) désigne un espace mesuré quelconque.

3.1 Espace L p et espace Lp


Si f est une fonction mesurable à valeurs dans K = R ou C, on note, pour p 2 [1, +1[
✓Z ◆ p1
p
k f kp := | f | dµ ,
E

qu’on appelle 1 norme L p de f , et lorsque p = 1,


k f k1 := inf{a > 0 ; µ({| f | a}) = 0},
qu’on appelle 2 supremum essentiel de f .
Définition 3.1 ( p 2 [1, +1[ ). On note L p (E, A , µ), ou L p (µ), l’ensemble de toutes
les fonctions mesurables à valeurs dans ans K = R ou C telles que | f |p est µ-intégrable,
i.e. telles que kf kp < +1.
Définition 3.2 ( p = 1 ). On note L 1 (E, A , µ), ou L 1 (µ), l’ensemble de toutes les
fonctions mesurables f à valeurs dans K = R ou C qui sont µ-essentiellement bornées,
c’est-à-dire telles qu’il existe a > 0 pour lequel µ({| f | a}) = 0, soit encore telles que
kf k1 < +1.
On remarquera que pour f 2 L 1 (µ) on a
µ({|f | > kf k1 }) = 0
⇣[n 1 o⌘
En effet, on a µ({|f | > kf k1 }) = µ |f | kf k1 + et on conclut par conver-
n 1
n
gence monotone. En particuler, pour toute partie mesurable A on a µ(A) = µ(A \ {|f | 
kf k1 }).
1. mais dont nous verrons qu’il ne s’agit en fait que d’une semi-norme
2. mais on devrait dire µ-supremum essentiel

31
CHAPITRE 3. ESPACES Lp 32

Remarque 3.3. Si on éprouve le besoin de préciser que l’on travaille avec des fonctions
réelles ou des fonctions complexes, on peut ajouter "espace L p -réel" ou "espace L p -
complexe".
Remarque 3.4. Dans les deux définitions ci-dessus, on peut autoriser la fonction |f | à
prendre la valeurs +1 (en particulier on peut considérer des fonctions à valeurs dans
R [ {±1}). Cela ne change rien du point de vue de l’intégration par rapport à µ, car
pour une fonction dans L p , cela ne peut avoir lieu que sur un ensemble de µ-mesure
nulle. En effet, si p est fini, |f |p µ-intégrable entraine que µ({|f | = +1}) = 0. Pour
p = +1, si kf k1 < +1, cela veut dire qu’il existe a > 0 fini tel que µ({|f | a}) = 0,
et µ({|f | = +1})  µ({|f | a}).
Proposition 3.5. Pour tout p 2 [1, +1], on a, pour 2 K et f, g 2 L p , on a
1. k f kp = | |kf kp , et
2. kf + gkp  kf kp + kgkp .
En particulier, (L p , k · kp ) est un espace vectoriel.
Démonstration. Le premier point est évident par linéarité de l’intégrale si p < 1. Si
p = +1,

k af k1 = inf{m > 0 : µ({| af | m}) = 0}


= | a | inf{m0 > 0 : µ({| af | | a |m0 }) = 0}
= | a | inf{m0 > 0 : µ({| f | m0 }) = 0} = | a | k f k1 .
Le deuxième point est évident pour p = 1 à partir de l’inégalité |f + g|  |f | + |g|.
Pour p 2]1, +1[, on combine cela avec l’inégalité de Minkowski. Pour le cas p = 1, on
remarque que si a > kf k1 + kgk1 on a,

µ({|f + g| a})  µ({|f | + |g| a})


⇣ ⌘
= µ {|f | + |g| a} \ {|f |  kf k1 } \ {|g|  kgk1 } = µ(;) = 0,

et donc kf + gk1  kf k1 + kgk1 .


Par ailleurs, si f est la fonction nulle, on a kf kp = 0. Alors que manque-t-il à k · kp
pour être une norme sur L p ? Pas grand chose, mais le problème vient du fait que pour
f 2 L p on a
kf kp = 0 () f = 0 µ-p.p.
Cela est clair pour p < +1, puisque dire que la fonction positive |f |p a une intégrale
nulle, cela veut dire qu’elle est nulle µ-pp. Pour p = 1, si kf k1 = 0, alors µ({|f | >
\ 1
0}) = µ( {|f | }) = 0, par convergence monotone.
n 1
n
Ainsi, on veut construite un espace tel que f nulle µ-presque partout veut dire que
f est le vecteur nul. Pour cela, on fait le quotient de L p par la relation d’équivalence
suivante :
f ⇠ g () f = g µ-p.p. () kf gkp = 0
CHAPITRE 3. ESPACES Lp 33

Ainsi, on considère l’ensemble quotient L p (µ)/ ⇠ (que l’on notera Lp (µ)) formé par les
classes d’équivalences modulo ⇠. Notez que la relation d’équivalence associée à chaque
k · kp ne dépend pas de p et est la même pour tous les espaces L p : la classe d’une
fonction mesurable f est constituée par les fonctions mesurables qui coïncident avec f
µ-presque partout.
Si on note N l’ensemble des fonctions mesurables nulles µ-presque partout, on peut
aussi écrire
f ⇠ g () f g 2 N
Or N est un espace vectoriel (et un sous-espace vectoriel de tout L p (µ)), et il est
classique de voir que les structures d’espace vectoriel passent au quotient. En résumé :
Définition 3.6. Pour p 2 [1, +1], on note Lp (E, A , µ), ou Lp (µ), l’ensemble des classes
d’équivalence des éléments de L p (µ) par la relation d’équivalence définie par l’égalité µ-
p.p.
Soit f˜ := {g ; g = f µ-p.p.} la classe d’équivalence de f . Les opérations classiques
f = af˜ et f]
s’étendent aux classes d’équivalence, avec af + g = f˜ + g̃.
˜
On peut également définir k · kp sur L (µ) par k f kp = k f kp , qui ne dépend pas du
p

représentant choisi, car f = g µ-p.p. implique k f kp = k g kp .


Remarque 3.7. On fera systématiquement l’abus de notation qui consiste à ne pas
différencier fonctions et classes d’équivalences, c’est-à-dire à utiliser le même symbole
pour une fonction f et pour sa classe d’équivalence f˜.
C’est une question d’habitude. La seule manière de comprendre Lp , c’est de l’utiliser.
En fait, sur Lp (µ) on pense plutôt "L p (µ)", c’est-à-dire à des fonctions, plutôt qu’à des
classes d’équivalences, mais on se souvient que les objets ne sont définis que µ-pp. Ainsi,
par exemple, on a coutume de dire que deux fonctions f et g sont égales dans Lp si elles
coïncident µ-pp (même si on devrait simplement dire qu’elle définissent la même classe
d’équivalence dans Lp (µ)).
On a alors immédiatement ce que l’on cherchait.
Théorème 3.8. L’ensemble (Lp (µ), k · kp ) est un espace vectoriel normé.
Exemple 3.9. On note `p (N) ou simplement `p l’espace L p (N, P(N), m), où m est la
mesure de comptage. On distingue parfois les espaces réels `Rp (N)et complexes `Cp (N).
Soit u 2 `p . Si p < 1, alors
! p1
X
k u kp = | un | p ,
n

tandis que si p = +1,


k u k1 = sup | un |.
n

Il n’est pas besoin ici de quotienter L car k u kp = 0 implique u = 0.


p

On a la même chose pour `p (Z) = L p (Z, P(Z), m).


CHAPITRE 3. ESPACES Lp 34

3.2 Convergence dans Lp et convergence simple


Rappelons que la topologie usuelle d’un espace vectoriel normé est la topologie relative
à la distance d(f, g) = k f g k. Ainsi on dira que la suite (fn ) converge (vers f ) dans
Lp si
a) pour tout n 2 N, fn 2 Lp et f 2 Lp ;
b) limn k f fn kp = 0.
On rappelle que la suite (fn ) converge simplement vers f si limn fn (x) = f (x) pour
µ-presque tout x. R R
On remarque que si (fn ) converge dans L1 (µ) vers f , alors fn dµ ! f dµ. La
réciproque est fausse en général.
Le théorème de convergence dominée est généralement énoncé en terme de fonction
intégrable, mais on peut aussi en donner une version (équivalente) Lp .
Proposition 3.10. (Convergence Lp -dominée) Soit p 2 [1, +1[. Si fn ! f µ-p.p. et
Lp
qu’il existe g 2 Lp tel que | fn |  g pour tout entier n, alors fn ! f .
On remarquera que ce théorème est faux pour p = 1 (contre-exemple ?).
Démonstration. On applique le théorème de convergence dominée. En effet, | fn f |p 
(| fn | + | f |)p  2p | g |p µ-p.p., et par hypothèseR | g |p est intégrable, donc comme | fn
f |p ! 0, µ-p.p., on a la convergence vers 0 de | fn f |p dµ.

Proposition 3.11 (Extraction d’une sous-suite convergeant simplement). Soit p 2


Lp
[1, +1]. Si fn ! f , alors il existe une suite extraite de (fn ) qui converge vers f µ-
p.p.
Dans le cas p = +1, on a bien sûr beaucoup mieux : fn ! f uniformément en dehors
d’un ensemble négligeable (en particulier, fn ! f µ-p.p., pas besoin de sous-suite).
Démonstration. On traite d’abord le cas 1  p < +1. Si (fn ) converge vers f dans
Lp (µ), on peut trouver une sous-suite (fnk )k 0 tel que pour tout k 1,

kfnk f kp  2 k .

Introduisons la suite de fonctions positives uk = |fnk f |p . Par le théorème de Beppo-Levi


(convergence monotone) on a
Z X XZ X
uk (x) dµ(x) = uk (x) dµ(x)  (21/p ) k < +1.
k 0 k 0 k 0
P
Par conséquent, il existe un ensemble de mesure
P nulle N tel que 8x 2 X\N , k 0 uk (x) <
+1. Donc, pour x 2 X \ N la série réelle uk (x) est convergente, et donc son terme
général tend vers zero, c’est à dire fnk (x) ! f (x).
Pour p = +1, c’est la définition de la convergence dans L1 (µ).
CHAPITRE 3. ESPACES Lp 35

Exemple 3.12. Dans le cas de l’espace `p (pour p < 1), une suite (de fonctions, aussi
P (n) p
appelées
P suites ici...) (u(n) ) converge vers la fonction u 2 `p si k | uk | < 1, si
k | uk | < 1 et si
p
X (n)
lim | uk uk |p = 0.
n
k
(n)
Ceci implique en particulier que ! uk lorsque n ! 1. En conclusion, dans l’espace
uk
`p (vrai aussi si p = +1 par b)ii)),
`p
fn ! f =) fn ! f simplement (partout).
Évidemment, on n’a pas la réciproque, comme on peut le voir sur le contre-exemple
u(n) = {n} = en . Alors la suite (u(n) ) converge simplement vers la fonction nulle car
(n)
uk = 0 pour tout k > n. Néanmoins pour tout n, la fonction u(n) est à distance 1 de la
P (n)
fonction nulle : k u(n) 0 kp = ( k | uk |p )1/p = 1 pour tout p (même p = 1), et donc
ne converge pas vers la suite nulle dans `p . En effet, ici la plus petite fonction dominant
la suite (u(n) ) est la fonction v constante à 1. Pour p < 1, cette fonction n’est pas
dans `p , donc on ne peut pas appliquer a). De plus, v 2 `1 , ce qui montre aussi que la
Proposition 3.10 n’est pas valide en général pour p = 1.
Corollaire 3.13. Soit p 2 [1, +1]. Si l’on a la convergence de la suite (fn ) vers f dans
Lp et vers g µ-p.p. alors f et g sont égales µ-p.p.
Démonstration. On sait qu’il existe une suite extraite (f'(n) ) qui converge µ-p.p. vers f .
Or la suite (fn ) converge µ-p.p. vers g, donc la sous-suite (f'(n) ) également. Ainsi f = g
µ-p.p.

3.3 Complétude des espaces Lp


Théorème 3.14 (de Riesz–Fisher). Pour tout p 2 [1, +1], Lp (µ) est un espace de
Banach.
Démonstration. Soit (fn ) une suite de Cauchy de Lp (µ). On veut montrer qu’elle converge
dans Lp . Remarquons qu’il suffit de montrer qu’une sous-suite (fnk )k converge. En effet,
si f est la limite de cette sous-suite on a alors pour tout n, k,
kfn f kp  kf fnk kp + kfnk fn kp ,
et chaque terme peut être rendu petit, le premier en prenant k assez grand (par définition
de la limite), et le deuxième en prenant k (puisque nk k) et n assez grands, par le
caractère de Cauchy.
Le caractère de Cauchy nous permet de trouver une sous-suite (fnk ) tel que
8k 0, kfnk+1 f n k kp  2 k .
Posons alors
u0 = f n 0 , et pour k 1 uk = f n k f nk 1 ,
CHAPITRE 3. ESPACES Lp 36

de sorte que pour N 0, la somme partielle vérifie


UN := u0 + u1 + . . . + uN = fnN .
P
On se demande donc si la série uk converge dans Lp (µ).
Posons, pour (presque tout) x 2 E, et N 0,
N
X
VN (x) = |uk (x)|.
k=0

Pour x fixé, c’est une suite croissante qui converge vers une limite que l’on note V (x) :
+1
X
V (x) := |uk (x)| 2 [0, +1].
k=0

La suite croissante VN (x)p converge elle vers V (x)p lorsque N ! +1 (en convenant que
(+1)p = +1) et comme
Z N
X p ⇣X N ⌘p ⇣ +1
X ⌘p
VN (x)p dµ(x) = |uj |  kuj kp  kfn0 kp + 2 k =: M < +1,
p
k=0 k=0 k=0
on a par convergence monotone
Z
V (x)p dµ(x)  M < +1.

Cela force l’ensemble N := {V p = +1} = {V = +1} à être de mesure nulle. Pour


x2/ N , on a
+1
X
V (x) = |uk (x)| < +1,
k=0
P
ce que veut dire que la série uk (x) est elle aussi convergente dans K, car absolument
convergente (K = R ou C est complet). Pour x 2 / N , on pose
+1
X
f (x) = uj (x) = lim UN (x) = lim fnN (x)
N !+1 N !+1
k=0

la somme de cette série convergente. On peut poser f (x) = 0 pour x 2 N , si on veut,


mais ce n’est pas nécessaire si on raisonne µ-pp. Notez que f est une fonction mesurable
comme limite simple (presque partout) d’une suite de fonctions mesurables. Par ailleurs,
on a µ-pp, par convergence simple,
⇣X+1 ⌘p
p
|f |  |uk | = V p
k=0

et donc f 2 L (µ). Il reste à montrer la convergence dans Lp (µ). On a que UN converge


p

simplement vers f et |UN |  VN  V . Comme V 2 Lp (µ), on peut conclure par conver-


gence dominée dans Lp (µ) que UN converge vers f dans Lp (µ) dans le cas p < +1. On
a donc bien montré que la sous-suite (fnk ) convergeait dans Lp (µ).

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