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2.

Analyse fonctionnelle: Espaces de Banach 59

que | f | p soit intégrable, modulo la relation d’équivalence f ⇠ g si µ({ x 2 X :


f ( x ) 6= g( x )}) = 0). On pose alors, pour tout f dans L p ( X, S, µ),
Z
|| f || p = ( | f ( x )| p dµ( x ))1/p
x2X

Si p = +•, notons L• ( X, S, µ) (ou L• ( X ) si (S, µ) est sous-entendu) l’espace des


classes d’équivalences d’application f de X dans K, mesurables pour S , essentiel-
lement bornée (i.e. s’il existe M 0 tel que µ({ x 2 X : | f ( x )| > M}) = 0), modulo
la relation d’équivalence f ⇠ g si µ({ x 2 X : f ( x ) 6= g( x )}) = 0). On pose alors,
pour tout f dans L• ( X, S, µ),

|| f ||• = inf{ M 0 : µ({ x 2 X : | f ( x )| > M}) = 0}.


Notons T : Lq ( X ) ! (L p ( X ))0 application définie par
ß Z ™
f 7! g 7! f ( x ) g( x )dµ( x )
x2X

où (L p ( X ))0 = L (L p ( X ), K ) est le dual de L p .

2.1.25 T HÉORÈME
Soient ( X, S, µ) un espace mesuré et p 2 [1, +•].
1) Alors L p ( X ) est un espace de Banach pour la norme || · || p .
\
2) Si p < +•, en supposant que µ soit s-finie i.e. X = Xn et µ( Xn ) < +•,
n 2N
alors T : Lq ( X ) ! (L p ( X ))0 est un isomorphisme linéaire qui est une isométrie
entre la norme || · ||q et la norme duale de la norme || · || p .
3) L’application T : L1 ( X ) ! (L• ( X ))0 est une application linéaire isométrique,
en général non surjective.
4) Si p < +•, si µ est s-finie, si la s-algèbre est engendrée par une partie dénom-
brable, alors L p ( X ) est séparable.

Dans la suite, pour tout p 2 [1, +• [, on identifiera (L p ( X ))0 avec Lq ( X ) par


Ä ä0
l’isométrie linéaire T 1 , où q est l’exposant conjugué de p, et en particulier L1 ( X )
avec L• ( X ).
2.1.26 E XEMPLE . En prenant X un ensemble non vide, S = P ( X ), µ la mesure de comp-
tage sur X (définie par µ( A) = | A|, le cardinal de A pour tout A ⇢ X), et p 2
[1, +•], l’espace L p ( X, S, µ) est noté ` p ( X, K )(ou ` p (K ) si X = N ).
Si p < +•, c’est l’espace vectoriel des familles indexées par X à valeurs dans K,
de puissance p-ième sommable, muni de la norme
X
||( xi )i2X || p = ( | xi | p )1/p ,
i2X
2. Analyse fonctionnelle: Espaces de Banach 60

qui est donc un espace de Banach.


Si p = +•, alors `• ( X, K ) est l’espace de Banach B ( X, K ) muni de la norme
uniforme.
Pour montrer que ` p (N, K ) est séparable si p < +•, il suffit de considérer
l’ensemble dénombrable des suites à valeurs rationnelles n’ayant qu’un nombre
fini de termes non nuls, et d’utiliser un argument de coupage en deux de séries.

2.1.27 E XEMPLE . Pour tout d 2 N {0} et tout p 2 [1, +•[, en prenant pour X un
ouvert W de R d et pour µ la restriction à W de la mesure de Lebesgue, l’espace
vectoriel L p (W, K ) (ou L p (W) si K est sous-entendu) des applications à valeurs
dans K de puissance p-ième intégrable (modulo les applications nulles presque
partout), muni de la norme
Z
|| f || p = ( | f ( x )| p dx )1/p ,
x 2W

est un espace de Banach. Comme la mesure de Lebesgue sur tout ouvert de R d


est s-finie, pour tout p dans [1, +•[, le dual topologique de L p (W) est Lq (W) pour
q l’exposant conjugué de p (et en particulier, le dual topologique de L1 (W) est
L• (W). Si p < +•, alors l’espace de Banach L p (W) est séparable. Mais si W est
non vide, alors L• (W) n’est pas séparable.

2.1.28 T HÉORÈME
Soient p 2 [1, +•[ W ouvert de R d . L’espace vectoriel Cc (W, K ), des applications
continues à support compact dans W, est dense dans L p (W) pour la norme || · || p ,
et que Cc (W, K ) est séparable pour la norme uniforme.

Soient X un espace topologique localement compact non vide et K = R ou


C. Une application continue f : X ! K s’annule à l’infini si pour tout e > 0,
{ x 2 X | | f ( x )| e} est compact. Une application continue nulle à l’infini est en
particulier bornée. Notons que si X est compact, alors toute application continue
s’annule à l’infini.
On note C0 ( X, K ) l’espace vectoriel sur K des applications continues de X dans
K qui s’annulent à l’infini, que l’on munit de la norme uniforme. En particulier, si
X est compact, alors C0 ( X, K ) = C ( X, K ) muni de la norme uniforme.

2.1.29 P ROPOSITION
L’espace vectoriel normé C0 ( X, K ) est un espace de Banach, et le sous-espace
Cc ( X, K ) applications continues à support compact est dense dans C0 ( X, K ).
2. Analyse fonctionnelle: Les piliers de l’analyse fonctionnelle 61

Démonstration: Comme l’espace vectoriel BC ( X, K ) des applications continues


bornées est complet pour la norme uniforme et puisqu’un sous-espace vectoriel
fermé d’un espace de Banach est un espace de Banach pour la norme induite, il
suffit de montrer que C0 ( X, K) est fermé dans BC ( X, K ) pour obtenir la pre-
mière assertion.
Soit ( f n )n2N une suite dans C0 ( X, K ) convergeant uniformément vers f 2
e
BC ( X, K ). Pour tout e > 0, soit n 2 N tel que sup | f ( x ) f n ( x )| < et soit K un
x2X 2
e
compact de X tel que, pour tout x 62 K, on ait | f n ( x )| < . Alors pour tout x 62 K,
2
e e
| f ( x )|  | f ( x ) f n ( x )| + | f n ( x )| < + = e.
2 2
Le premier résultat s’en déduit.
Montrons que Cc ( X, K ) est dense dans C0 ( X, K ). Soient f 2 C0 ( X, K ) et e >
0. Soit K un compact de X tel que, pour tout x 62 K, on ait | f ( x )| < e. Puisque X est
localement compact, soit K 0 un voisinage compact de K et V un voisinage ouvert de
K contenu dans K 0 . D’après le lemme d’Urysohn, Il existe une application continue
f : K 0 ! [0, 1] telle que f( x ) = 0 pour tout x dans le fermé K 0 V et f( x 0 ) = 1
pour tout x 0 dans le fermé K disjoint de K 0 V. En prolongeant f par 0 en dehors
de K 0 , on obtient un élément f 2 Cc ( X, K ) à valeurs dans [0, 1] valant 1 sur K.
Posons g = f f , qui est dans Cc ( X, K ). Pour tout x dans X, on a| f ( x ) g( x )| = 0
si x 2 K et sinon
| f (x) g( x )|  |1 f( x )|| f ( x )|  | f ( x )| < e.
Donc || f g||• < e, et le résultat en découle. ⌅

2.2 Les piliers de l’analyse fonctionnelle


On va traiter dans cette section des résultats qui sont conséquences de la com-
plétude, via le théorème de Baire.

2.2.1 T HÉORÈME ( DE B ANACH -S TEINHAUS )


Soit X un de Banach et Y un espace vectoriel normé.
Soit une famille d’opérateurs linéaires continus { La }a2 I ✓ L ( X, Y ).
Alors la famille { La }a2 I est uniformément bornée, i.e. supa2 I k La k < +•
si et seulement si F := { x 2 X | supa2 I k La ( x )k < +•} n’est pas maigre dans X.

Démonstration:"=)" Soit C = supa2 I k La k < +•. Comme, pour tout x 2 X, k La ( x )k 


k La k.k x k, on aura k La ( x )k  C k x k,
ainsi F := { x 2 X | supa2 I k La ( x )k < +•} = X, n’est donc pas maigre,
car X est complet.
2. Analyse fonctionnelle: Les piliers de l’analyse fonctionnelle 62

"(=" Pour chaque x 2 X, on pose

M ( x ) = sup k La ( x )k et pour tout n 2 N, Fn = { x 2 X : M( x )  n}.


a2 I
\
On remarquera que Fn = { x 2 X : k La ( x )k  n} est un fermé de X.
S2 I
a
Par hypothèse on a F = n2N Fn ,
n’est pas un sous-ensemble maigre dans
X et comme les Fn sont fermés, il existe alors m 2 N ⇤ tel que Fm n’est pas
d’intérieur vide i.e. il existe, x0 2 X et # > 0 tel que BX ( x0 , #) ✓ Fm . D’où,
pour tout x 2 BX (0, 1), on a
1 1 1 2m
k La ( x )k = k La ( x0 + #x x0 )k  k La ( x0 + #x )k + k La ( x0 )k 
# # # #
2m
Ainsi, supa2 I k La k  # < +•, comme souhaité. ⌅

2.2.3 R EMARQUE
1. Le théorème de Banach-Steinhaus est équivalent à l’alternative suivante :
(i) ou bien supa2 I k La k < +•
(ii) ou bien { x 2 X | supa2 I k La ( x )k = +•} est une intersection d’ouverts
denses dans X.
2. A noter que le théorème de Banach-Steinhaus s’énonce comme une inversion
de quantificateurs : 8 x 2 X, 9 Mx > 0 tel que 8a 2 I, k La ( x )k < Mx k x k
=) 9 M > 0 tel que 8 x 2 X, 8a 2 I, k La ( x )k < Mk x k

2.2.4 Exercice Vérifier que les sous-ensembles Fn dans la preuve ci-dessus sont fermés,
convexes et symétriques.

Un cas particulier important du théorème précédent est celui où F = X

2.2.5 C OROLLAIRE (L E PRINCIPLE DE LA BORNE UNIFORME )


Soit X un espace de Banach et Y un espace vectoriel normé.
Étant donnée une famille d’opérateurs linéaires continus { La }a2 I ✓ L ( X, Y ) telle
que pour tout x 2 X on a
sup k La ( x )k < +•.
a2 I
Alors la famille { La }a2 I est uniformément bornée, i.e.

sup k La k < +•.


a2 I
2. Analyse fonctionnelle: Les piliers de l’analyse fonctionnelle 63

2.2.6 C OROLLAIRE
Soit X un de Banach et Y un espace vectoriel normé. Soit une suite { f n }n2N 2
L ( X, Y ) telle que pour tout x 2 X, la suite ( f n ( x ))n2N converge dans Y. Alors la
limite est dans L( X, Y ) i.e. si on pose pour tout x 2 X, f ( x ) := lim f n ( x ), alors
n!+•
f 2 L ( X, Y ).

Démonstration: On montre facilement en utilisant l’unicité de la limite que f est li-


néaire. Montrons que f est continue. La suite ( f n ( x ))n2N converge, elle est donc
bornée ainsi pour tout x 2 X i.e. supn2N k f n ( x )k < +•. D’après le théorème
de Banach-Steinhaus, il existe C > 0 tel que supn2N k f n k < C, ainsi pour tout
x 2 X, et pour tout n 2 N, k f n ( x )k < C k x k, et par passage à la limite on aura
k f ( x )k < C k x k i.e. f 2 L ( X, Y ). ⌅

2.2.8 R EMARQUE
Le corollaire précédent ne garantit pas la convergence en norme. Par exemple, si
X = c0 et f k ( x ) = xk pour x = ( xn )n2N . Alors
1. pour tout x 2 c0 , limk!+• f k ( x ) = limk!+• xk = 0.
2. D’autre part, on a | f k ( x )|  k x k• et | f k (ek )| = 1 pour ek = (dk,n )n2N donne
k f k k = 1.
Donc f k ne converge pas en norme vers 0.

Applications

I) Densité des fonctions non différentiables

On considère l’espace C ([0, 1], R ) muni de la norme de convergence uniforme.


On va montrer que la majorité des éléments de C ([0, 1], R ) ne sont pas différen-
tiables. Soit x0 2]0, 1[ fixé. Soit d > 0 tel que ] x0 d, x0 + d[⇢]0, 1[. Pour 0 < h < d
on définit la forme linéaire fh sur C ([0, 1], R ) par : pour tout f 2 C [0, 1]

f ( x + h) f (x h)
fh ( f ) : = .
2h

On vérifie facilement que fh est linéaire et que kfh k = 1h . D’où sup0<h<d kfh k =
+•. Par conséquent, d’après le théorème de Banach-Steinhaus, l’ensemble des f
tel que sup0<h<d |fh ( f )| = +•, est dense dans C ([0, 1], R ). En d’autre termes, l’en-
semble des fonctions qui ne sont pas différentiables en x0 est dense dans C ([0, 1], R ).
2. Analyse fonctionnelle: Les piliers de l’analyse fonctionnelle 64

II) Application à la convergence des séries de Fourier


On va utilise le théorème de Banach-Steinhaus pour montrer :

2.2.9 C OROLLAIRE
Il existe une fonction f continue et 2p-périodique telle que la suite des sommes
n
X
partielles de sa série de Fourier en 0, Sn ( f )(t) = fb(k)eikt ne converge pas vers
k= n
f (0).

On considère l’espace de Banach, E = C (R/2pZ, C ), des fonctions 2p-périodique


sur R à valeurs complexes, muni de la norme de convergence uniforme. Pour une
n
X
fonction f 2 E la nième somme partielle de Fourier est Sn ( f )(t) = fb(k )eikt =
Ñ é k= n
Z p n
1 X
eik(t s)
f (s) ds.
2p p k= n
Un calcul de somme de série géométrique, donne pour q 6= 0,
n
X sin(n + 12 )q
Dn ( q ) = eikq =1
et Dn (0) = 2n + 1. Ainsi les sommes partielles
k= n sin 2 q
de Fourier peuvent être représentées par le produit de convolution de f avec le
noyau de Dirichlet Dn i.e. :
Z p
1
Sn ( f )(t) = Dn ( t s) f (s) ds.
2p p

Nous sommes intéressés par le comportement de Sn ( f )(0). On définit, pour tout


Z
⇤ 1 p
n 2 N , la forme linéaires ln sur E, par `n ( f ) := Sn ( f )(0) = Dn (s) f (s) ds.
Z p 2p p
1
Comme k Dn k•  2n + 1 et |`n ( f )|  kfk | Dn (s)| ds on aura k`n k  2n + 1
2p p
et donc `n est continue. Maintenant, si toute série de Fourier de tout élément f 2 E
converge en 0, on aurait
sup k`n ( f )k < +• et d’après le théorème de Banach-Steinhaus sup k`n k < +•.
n 2N n 2N
En fait, on peut construire pour tout n 2 N, une suite de fonctions de E, f k telle
que pour tout k 2 N : 1  f k  1 et pour tout t 2 R, lim f k (t) = signe( Dn (t)).
k!+•
Z p
1
Alors lim k`n ( f k )k = | Dn (s)| ds, d’où
k!+• 2p p

1
Z p
1
Z p
sin(n + 12 )s 1
Z p sin(n + 12 )s
k`n k = | Dn (s)| ds = ds = .
2p p 2p p sin 12 s p 0 sin 12 s
2. Analyse fonctionnelle: Les piliers de l’analyse fonctionnelle 65

et d’après la proposition suivante, la suite (k`n k)n2N n’est pas bornée, ainsi il
existe f 2 E dont la série de fourier diverge en 0.

2.2.10 P ROPOSITION
Z p
1 4
Ln = | Dn (s)| ds = ln(n) + O(1)
2p p p2
lorsque n ! +• où O(1) désigne une fonction de n bornée.

Démonstration: On commence par remarquer que pour tout t 2 [0, p ] :


| sin(n + 12 ) sin(nt)|  2 sin( 4t ) d’où
Z 1 Z
1 p sin(n + 2 )s 1 p |sin ns|
Ln = = ds + O(1)
p 0 sin 12 s p 0 sin 12 s
D’autre part, la fonction s 7! 1 1 2
s est continue sur ]0, p ] et prolongeable par
sin 2 s
continuité
Z
en s = 0. Z Z !
1 p |sin ns| 2 p |sin ns| 1 p 1 2
Ainsi ds = ds + | sin ns | ds + O(1)
p 0 sin 12 s p 0 s p 0 sin 12 s s
2 R p |sin ns|
d’où Ln = p 0 s ds + O(1).
Z p Z nX1 Z (k+1)p
2 |sin ns| 2 np |sin t| 2 |sin t|
Maintenant, ds = dt = dt
p 0 s p 0 t p k=1 kp
t
nX1 Z (k+1)p nX1 Z p
2 |sin t| 2 |sin t|
= dt = dt
p k=1 Ñkp
t p k =1 0
t + kp
é
Z p nX1
2 1
= |sin t| dt.
p 0 k = 1
t + kp
R
Comme 0p |sin t| dt = 2 et pour t 2 [o, p ], kp  t + kp  (k + 1)p on aura
Z
4 X n
1 2 p |sin ns| 4 nX1 1
 ds 
p 2 k =2 k p 0 s p 2 k =1 k
Z p
2 |sin ns| 4 4
Ainsi ds = 2 + O(1), et Ln = 2 ln(n) + O(1) lorsque n ! +•. ⌅
p 0 s p p

Le théorème de l’application ouverte et ses corollaires

2.2.12 T HÉORÈME (L E THÉORÈME DE L’ APPLICATION OUVERTE )


Soit f : E ! F une application linéaire continue surjective entre espaces de Banach.
Alors f est ouverte.
De plus, f induit, par passage au quotient, un isomorphisme entre les espaces
de Banach E/ ker f et F.
2. Analyse fonctionnelle: Les piliers de l’analyse fonctionnelle 66

Démonstration: Nous allons trouver #, d > 0 tels que f ( BE (0, #)) BF (0,
Ç d). Ceciå
dr
impliquera que l’image de toute boule f ( BE ( x, r )) contient une boule BF f ( x ), ,
#
donc que f est ouverte. On pose Fr = f ( BE (0,
[r )) pour tout r > 0.
Puisque f est linéaire surjective, on a F = Fn . Puisque F est complet donc de
n 2N ⇤
Baire et que les Fn sont fermés, il existe n0 2 N ⇤ tel que Fn0 a un intérieur non
vide, donc Fr = nr0 Fn0 a un intérieur non vide pour tout r > 0. Soit BF (y, r0 ) une
boule contenue dans F1 , alors BF ( y, r0 ) est aussi contenue dans F1 , donc tout
2 2
x 2 BF (0, r0 ) s’écrit (y + x ) + ( y), donc est dans F1 + F1 ⇢ F1 . Donc F1 est un
2 2
voisinage de 0, et il en est de même de Fr pour tout r > 0. Donc si y 2 Fr , comme
il est adhérent à f ( B(0, r )) il existe x 2 f ( B(0, r )) tel que y f ( x ) 2 F2r . Ap-
pliquant ceci à y 2 F1 , on trouve x1 2 B(0, 1) tel que y f ( x1 ) 2 F1 , puis par
2
récurrence on construit ainsi xn 2 BE (0, 21n ) tel que y f ( x1 + · · · + x n ) 2 F 1 .
2n
• • •
X X 1 X
Comme k xn k  n
= 2 et puisque E est complet, la série xn converge
n =0 n =0
2 n =1
vers un x 2 BE (0, 2). Alors f ( x ) = y, donc
Ä ä
f ( BE (0, 3)) f BE (0, 2) F1 BF (0, r0 ) ,

On prouve maintenant la seconde assertion. Par passage au quotient, f : E/ker f !


F telle que x 7! f ( x ) = f ( x ) est un isomorphisme linéaire entre espaces vectoriels,
comme f est continue, ker f est bien un sous-espace vectoriel fermé de E, d’où
E/ ker f est un espace de Banach. En outre cet isomorphisme est continu, il est
donc aussi ouvert d’après la première assertion, par suite c’est un isomorphisme
d’espaces de Banach.

2.2.14 C OROLLAIRE ( THÉORÈME D ’ ISOMORPHISME DE B ANACH )


Soit f : E ! F une application linéaire continue bijective entre espaces de Banach.
Alors f 1 est continue, d’où f 2 Isom( E, F ).

Démonstration: Le théorème dit que f est ouverte, donc l’image réciproque par f 1
de tout ouvert de E est un ouvert de F, donc f 1 est continue.
2. Analyse fonctionnelle: Les piliers de l’analyse fonctionnelle 67

2.2.16 P ROPOSITION ( ÉQUIVALENCE DES NORMES )


Soit E un espace vectoriel et k · k et |||·||| deux normes qui munissent toutes deux E
d’une structure d’espace de Banach.
Supposons qu’il existe c 0 tel que ||| x |||  ck x k pour tout x 2 E. Alors ces deux
normes sont équivalentes.

Démonstration: On applique le corollaire précédent à l’identité de ( E, k.k) dans ( E, |||.|||)


qui est bijective et continue. ⌅

2.2.18 E XEMPLE . La proposition montre qu’il est en général difficile de construire de


bonnes normes non équivalentes sur un espace de dimension infinie. Soit l’espace
sera non complet ou les normes ne seront pas comparables. Il s’agit d’un moyen
simple de prouver la non complétude des espaces.
A titre d’exemple, on considère les normes k · k1 et k · k• sur E = C ([0, 1], R ).
D’une part, k · k1  k · k• . D’autre part, les normes ne sont pas équivalentes -
on peut facilement construire une suite de fonctions f n telles que k f n k1 = 1 et
k f n k• n pour tout n. Par conséquent E ne doit pas être complet pour l’une de
ces normes. Comme on sait qu’il est complet pour la norme (naturelle) k · k• , il
s’ensuit que E n’est pas complet par rapport à k · k1 .

Soit f : E ! F une application entre deux espaces métriques E et F. Le graphe


de f est le sous-ensemble G f = {( x, f ( x )) | x 2 E} de E ⇥ F.
Si f est continue, pour toute suite ( xn ) qui converge vers un x de E, on a ( f ( xn ))
qui converge vers f ( x ) dans F, en particulier G f est un fermé de E ⇥ F. Pour la
réciproque on a besoin de la linéarité et de la complétude :

2.2.19 C OROLLAIRE ( THÉORÈME DU GRAPHE FERMÉ )


Soit f : E ! F une application linéaire entre espaces de Banach. On suppose que
son graphe G f = {( x, f ( x ))| x 2 E} est fermé dans E ⇥ F. Alors f est continue.

Démonstration: L’hypothèse implique que G f est un espace de Banach. Notant p E et


p F les projections de E ⇥ F sur E et F, elles sont continues donc p E |G f = p : G f ! E
est continue. Comme p est bijective, c’est un isomorphisme. Donc f = p F p 1 est
continue. ⌅

2.2.21 E XEMPLE . A titre d’exemple, considérons le plus simple opérateur différentiel


d
T= de C1 ([0, 1], R ) dans C ([0, 1], R )
dt
où C1 [0, 1] est considéré comme un sous-espace de C [0, 1], c’est à dire par rap-
port à la norme uniforme. L’opérateur différentiel T est de graphe fermé.
2. Analyse fonctionnelle: Les piliers de l’analyse fonctionnelle 68

En effet, soit f n ! f et T f n = f n0 ! g dans C ([0, 1], R ), i.e. la convergence est


uniforme. Alors, par le théorème de dérivation à la limite, 1 (limn f n )0 = limn f n0 ,
c’est à dire que g = T f . Ceci termine la preuve.
Néanmoins, comme nous le savons l’opérateur différentiel n’est pas continue,
par exemple f n ( x ) = sin(nnx) converge uniformément vers 0, mais f n0 ne converge
même pas simplement. Cela ne contredit pas le théorème du graphe fermé, car
C1 [0, 1] n’est pas complet par rapport à la norme uniforme. Si l’on considère C1 [0, 1]
muni de la norme naturelle k f k = k f k• + k f 0 k• , il est alors un espace de Banach

2.2.1 Le théorème de Hahn-Banach


Le théorème de Hahn-Banach permet de d’étendre les formes linéaires conti-
nues sur un sous-espace vectoriel normé, tout en préservant la continuité.

2.2.22 D ÉFINITION
Soit X un espace vectoriel sur R. Une application p : X ! R est une fonctionnelle
sous-linéaire si :
(i) p(lx ) = lp( x ) pour tout l 2 R + , x 2 X
(ii) p( x + y)  p( x ) + p(y) pour tout x, y 2 X.

2.2.23 E XEMPLE . (1) Toute forme linéaire est une fonctionnelle sous-linéaire.
Toute semi-norme, et en particulier toute norme, est une fonctionnelle sous-
linéaire.
(2) Jauge ou Fonctionnelle de Minkowski
0
Soit C un convexe d’un espace vectoriel normé ( X, k.k) tel que 0 2 C . On pose
pour tout x 2 X, pC ( x ) := inf{a > 0 : ax 2 C }. Alors pC est une fonctionnelle
sous-linéaire, appelée Jauge ou fonctionnelle de Minkowski de C.
0
Démonstration: Comme 0 2 C, il existe une boule fermée B̄(0, r ) ⇢ C, d’où pour
rx
tout x 2 X {0} on a kxk 2 B̄(0, r ) ⇢ C Ainsi, l’application pC : X ! R est
bien définie.
(i) Soit l > 0 et x 2 X, pC (lx ) := inf{a > 0 : lx
a 2 C } = l inf{ la > 0 : lx
a 2
C } = lpC ( x ).
y x +y
(ii) Soient x, y 2 X et a1 et a2 tels que ax1 2 C et a2 2 C. Alors a1 +a2 =
a1 x a2 y
a1 +a2 a1 + a1 +a2 a2 2 C par convexité. Ainsi pC ( x + y )  a1 + a2 et en pas-
sant à l’infimum sur a1 puis sur a2 , on obtient : pC ( x + y)  pC ( x ) + pC (y).⌅
1. Le théorème sur la dérivation de la limite on a que (limn f n )0 = limn f n0 sous la condition que
f n0 converge uniformément et que f n (t0 ) converge pour un certain point t0 .
2. Analyse fonctionnelle: Les piliers de l’analyse fonctionnelle 69

2.2.25 Exercice 1. Montrer que si C = B̄(0, r ), alors pC = k.k.


2. Montrer que si C est un convexe ouvert (resp. fermé) alors C = { x 2 X :
pC ( x ) < 1} (resp. C = { x 2 X : pC ( x )  1}.
3. Soit C un convexe fermé et 0 2 C, d’un espace de dimension finie. Montrer
que C est borné si et seulement si "pC ( x ) = 0 , x = 0."

2.2.26 T HÉORÈME ( DE H AHN -B ANACH ( FORME ANALYTIQUE ))


Soit E un espace vectoriel sur R et p : E ! R une fonctionnelle sous-linéaire.
Soit F ⇢ E un sous-espace vectoriel et f : F ! R une forme linéaire, telle que
f ( x )  p( x ) pour tout x 2 F. Alors il existe une forme linéaire g : E ! R telle que
1. g = f sur F i.e. g( x ) = f ( x ) pour tout x 2 F.
2. f  p sur E i.e. f ( x )  p( x ) pour tout x 2 E.

Démonstration: On suppose que F 6= E, sinon il n’y a rien à montrer.


étape 1 : Extension par une seule dimension.
Soit z 2 F c = E\ F et x, y 2 F. Alors f ( x ) f (y)  p( x y  p( x + z) + p( y z)
d’où p( y z) f (y)  p( x + z) f ( x ). Ainsi pour tout x 2 F,

S = sup{ p( y z) f (y)}  p( x + z) f ( x ),
y2 F

d’où
S  inf { p( x + z) f ( x )} = I.
x2 F
Alors tout t 2 [S, I ] est tel que pour tout y 2 F,

p( y z) f (y)  t  p(y + z) f ( y ). (2.2.1)

On pose alors Fz = { x + az : x 2 F, a real}. D’où si w 2 Fz on a w = x + az et la


décomposition est unique. On définit la fonction h sur Fz par

h(w) = f ( x ) + at.

Alors h est linéaire sur Fz et est une extension de f de F à Fx . On remarque alors


que
h(w)  p(w) sur Fz .
Ceci est une conséquence directe de (2.2.1) en posant y = x/a, a 6= 0 et en consi-
dérant le cas a > 0 puis a < 0.
étape 2 : Induction transfinie. Si Fz = E on a alors fini ; sinon on répète le pro-
cessus d’extension, mais comment garantir, si l’espace est de dimension infinie,
2. Analyse fonctionnelle: Les piliers de l’analyse fonctionnelle 70

qu’on a ainsi obtenu une entension à l’espace tout entier ? c’est à ce niveau qu’on
a besoin du lemme de Zorn. Soit E l’ensemble des paires ordonnées ( F 0 , h0 ), où F 0
est un sous-espace vectoriel contenant F et h0 est une extension de f à F 0 telle que
h0  p sur F 0 . L’ordre partiel sur E est défini par
( F 0 , h0 ) 4 ( F 00 , h00 ) si et seulement si F 0 ⇢ F 00 , h0 = h00 sur F 0 .
Soit C = {( Fi , gi ) , i 2 I } une chaîne de E i.e. une partie totalement ordonnée de
E . On pose FC = [a Fi et f C : FC ! R la forme linéaire définie par :
f C ( x ) = gi ( x ) for x 2 Fi .
Alors, ( G, g) est un majorant de C. Ainsi (E , 4) est un ensemble ordonné inductif
et en vertu du lemme de Zorn, il admet un élément maximal (G , g). Tout ce qui
reste à vérifier pour terminer la preuve, est que G = E. Supposons le contraire i.e.
G 6= E. Alors, d’après la première partie de la preuve, on peut faire une extension
(Gz , gz ) < (G , g). Comme (G , g) est maximal on doit avoir Gz = G , ce qui contredit
G est un sous-espace strict de Gz . Ainsi G = E et g est l’extension souhaitée. ⌅

2.2.28 C OROLLAIRE (E XTENSION PAR CONTINUITÉ )


Soit ( E, k.k) un espace vectoriel normé sur K (=R ou C.) Soit F un sous-espace
vectoriel et f : F ! K une forme linéaire continue. Alors il existe une forme
linéaire continue g : E ! K telle que k gk = k f k.

Démonstration: (i) K = R .
On pose C = k f k et p = C k.k. Alors f  p sur F et d’après le théorème de
hahn-Banach, il existe une forme linéaire continue g : E ! R telle que g = f
sur F et g  p sur E. Ceci entraîne que pour tout x 2 E, g( x )  C k x k et
g( x )  C k x k = C k x k i.e. | g( x )|  C k x k. D’où lg k  C = k f k et comme
| g( x )| = | f ( x )| sur F, on aura k gk k f k ce qui donne finalement k gk = k f k.
(ii) K=C.
On écrit, f = f 1 + i f 2 , où f 1 = Re( f ) et f 2 = Im( f ). Alors f 1 et f 2 sont
des formes linéaires réelles sur F considéré comme espace vectoriel sur R,
et f 2 ( x ) = f 1 (ix ). D’après le cas réel, il existe une forme linéaire continue
g1 : E ! R telle que g1 = f 1 sur F et k g1 k = k f 1 k. On pose, pour tout x 2 E,
g( x ) = g1 ( x ) ig1 (ix ). Alors g( x ) = f ( x ) sur F, on aussi g(ix ) = ig( x ) et
comme g1 est R-linéaire, g est C-linéaire sur l’espace vectoriel complexe E. Il
reste à montrer que k gk  k f k, ce qui entraînera k gk = k f k. Soit x 2 E tel
que g( x ) 6= 0 et a = arg( g( x )), d’où
ia ia ia ia
| g( x )| = g( x )e = g( xe ) = g1 ( xe ) = k g1 ( xe )k  k g1 kk x k = k f kk x k
donc k gk  k f k. ⌅

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