Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Jérôme Puckica
Bardies (2010[1996]). Bien entendu, nombre de structures sont en place bien avant six
ans. Inversement, d’autres ne le sont que plus tard, l’apprentissage se poursuivant jusqu’à
l’âge adulte. Tout dépend de ce que l’on entend par acquisition. La définition qu’en
donne Chomsky est demeurée sensiblement la même (i.e. lorsque l’enfant atteint un
niveau de compétence comparable à celui d’un locuteur adulte), de sorte que l’évolution
de sa position est notable.
3 Chomsky (2006, xi ; 2012a, 8) a souvent présenté la pauvreté du stimulus comme un
truisme absolu (malgré sa récente série de conférences sur le thème), mais ceci ne peut
raisonnablement s’appliquer qu’à la version faible de l’argument.
«APSF») qui nous intéressera ici, celle qui est censée soutenir HI. Une des
formulations les plus claires en a été donnée par Hornstein & Lightfoot (1981,
9) : «People attain knowledge of the structure of their language for which no
evidence is available in the data to which they are exposed as children.» Il
existerait un «gouffre» (Chomsky 1986, xxv) entre les données de l’expérience
(stimulus linguistique) et les connaissances acquises, un écart tel que
l’acquisition du langage ne pourrait s'expliquer sans faire l’hypothèse
d'importantes connaissances linguistiques innées, soit de GU.
Ci-dessous, nous nous focaliserons sur l’exemple «classique» de l’APSF, qui
porte sur la construction des questions fermées en anglais. Suivant Chomsky
(1975), les jeunes enfants anglophones acquièrent une règle d’inversion sujet-
auxiliaire pour former les questions fermées qui ne peut pas être induite du
stimulus linguistique auxquels ils sont exposés. Cette acquisition ne pourrait
s’expliquer que par l’existence d’un principe de «dépendance structurale» inscrit
dans GU, qui stipule que les règles grammaticales font toutes référence à
l’organisation hiérarchique des phrases (§1). Toutefois, l’absence des données
linguistiques supposées indispensables à l’acquisition de la règle postulée est
discutable et il y a en fait des raisons de douter du caractère indispensable de ces
données (§2). On peut également douter de la nécessité d’inscrire un principe de
dépendance structurale dans GU : l’organisation hiérarchique des structures
linguistiques pourrait être le produit d’une faculté de hiérarchisation qui n’a rien
de spécifiquement linguistique et ne requiert donc pas l’hypothèse de GU (§3).
Enfin, l’exemple classique de l’APSF présuppose la réalité psychologique d’une
règle de transformation syntaxique et le «problème logique de l’acquisition» que
cet exemple est censé poser semble largement résulter de l’adoption d’un modèle
grammatical formel et transformationnel. Nous proposerons une approche
alternative, constructionnelle et «fondée sur l’usage», que soutiennent des études
empiriques sur les productions linguistiques des jeunes enfants anglophones (§4).
En d’autres termes, nous arguerons ici que l’exemple classique de l’APSF n’en
établit pas la validité et qu’il ne légitime donc pas l’Hypothèse Innéiste.
4 Voir, entre autres, Chomsky (1975, 30-33 ; 1988, 41 sq. ; 2006, 54-55 ; 2012a, 10),
Chomsky in Piattelli-Palmarini (1980, 39-40), Crain (1991, 602), Pinker (1994, 40-42),
Radford (1997, 14-15), Laurence & Margolis (2001, 222-3), Legate & Yang (2002),
Boeckx & Hornstein (2003), Collins (2003), Berwick et al. (2011) ; ou encore, mais de
façon critique, Cowie (1998, 178 sq.), Pullum & Scholz (2002, 36 sq.) et Clark & Lappin
(2010, 34 sq.).
5 Cf. Chomsky (1975, 31-32) : «Hypothesis 1: The child processes the declarative
sentence from its first word (i.e. from “left to right”), continuing until he reaches the first
occurrence of the word “is” (or others like it: “may,” “will,” etc.); he then preposes this
occurrence of “is,” producing the corresponding question (with some concomitant
modifications of form that need not concern us).» «Hypothesis 2: The child analyses the
declarative sentence into abstract phrases; he then locates the first occurrence of “is” (etc.)
that follows the first noun phrase; he then preposes this occurrence of “is,” forming the
corresponding question.»
6 Voir ci-dessous nos remarques à propos de l’étude de Crain & Nakayama (1987).
jamais en produire ou y être exposé, comme l’a plusieurs fois noté Chomsky
(sans jamais mentionner d’étude particulière sur le sujet).7 En fait, les phrases du
type (2b) ne sont probablement pas aussi rares (cf. Pullum & Scholz 2002), mais
elles semblent bien être essentiellement absentes des données linguistiques
auxquelles ont accès les jeunes enfants anglophones, ou données linguistiques
primaires (ci-après «DLP»), qui sont ici les seules données pertinentes (cf. §2).
L’explication proposée par Chomsky (1975, 32-33) est que les jeunes enfants
sélectionnent systématiquement (R2) aux dépens de (R1) parce qu’ils seraient
pourvus d’un système linguistique inné (GU) qui contient un principe de
«dépendance structurale» stipulant que les règles grammaticales sont (toutes)
dépendantes de la structure :
The only reasonable conclusion is that UG contains the principle that all such
[grammatical] rules must be structure-dependent. That is, the child’s mind
(specifically, its component LT(H,L) [i.e. Learning Theory for Human Language])
contains the instruction: Construct a structure-dependent rule, ignoring all structure-
independent rules. The principle of structure dependence is not learned, but forms
part of the conditions for language learning.8
Il a parfois été noté que (R1) et (R2) ne sont pas les seules règles qui permettent
de former (1b) à partir de (1a) et qu’une explication empiriste devrait démontrer
que les DLP des jeunes anglophones permettent d’éliminer toutes les règles
possibles autres que (R2).9 Encore faudrait-il que les enfants effectuent de telles
hypothèses (cf. §4). Si l’on adopte une analyse transformationnelle, toutefois, des
règles telles que (R3) «déplacer n’importe quel auxiliaire en position initiale»
(Lasnik & Uriagereka 2002, 148, trad.) ou (R4) «déplacer le dernier auxiliaire en
position initiale» (Legate & Yang 2002, 152, trad.) devraient, en effet, elles aussi
permettre de former (1b) à partir de (1a). Cependant, le stimulus linguistique des
7 Cf. Chomsky (1975, 32) : «[a] person may go through a considerable part of his life
without ever facing relevant evidence» ; Chomsky in Piatelli-Palmarini (1980, 40) : «[a]
person might go through much or all of his life without ever having been exposed to
relevant evidence» (voir aussi p.114 et 115).
8 Voir aussi, entre autres, Chomsky (1988, 48), Chomsky (2006, 55) et Radford (1997,
14-15). Chomsky (2012a) propose une solution différente, mais ne vise plus à répondre
aux mêmes questions. Il avance, entre autres, que l’organisation linéaire des phrases serait
uniquement le produit de leur externalisation : les structures de la langue interne (LI)
seraient hiérarchisées, mais non linéarisées. Par suite, les opérations de LI ne pourraient
pas être linéaires et (R1) ne serait, peut-on penser, jamais envisagée. Toutefois, Chomsky
(id., 11) note que cette hypothèse pose un «problème empirique» (auquel il n’offre aucun
début de solution) : l’interprétation sémantique d’une phrase repose en partie sur l’ordre
linéaire de ses composants, ce qui suggère que l’organisation linéaire des phrases
préexiste à leur externalisation et n’est pas simplement imposée par le système sensori-
moteur. Une stipulation – GU contient un principe de dépendance structurale – est
remplacée par une autre – les structures de LI ne sont pas linéarisées – qui paraît bien plus
problématique, puisqu’elle semble exclure de la grammaire toute notion de linéarité (donc
de placement de X avant ou après Y), d’autant que l’organisation hiérarchique des
structures linguistiques peut être expliquée différemment (cf. §3).
9 Cf. Legate & Yang (2002), Lasnik & Uriagereka (2002), Boeckx & Hornstein (2003).
observé des différences importantes entre les taux d’erreur des plus jeunes et des
plus âgés des sujets. Les trente enfants étaient répartis en deux groupes de quinze
(G1, G2) en fonction de leur âge : ceux du G1 étaient âgés de 3;2 à 4;7 ans (âge
moyen 4;3) ; ceux du G2, de 4;7 à 5;11 ans (âge moyen 5;3). Dans le cas de (5a),
C&N ont relevé 80% d’erreurs chez les enfants du G1, contre seulement 13%
chez ceux du G2. En tout, le taux d’erreur fut de 62% pour le G1 contre 20%
pour le G2, soit un écart statistiquement significatif, notent C&N (p.529), pour
qui ces taux d’erreur pourraient être largement dus à la complexité des phrases
proposées.12 L’étude de C&N suggère donc bien que les jeunes enfants
anglophones ne produisent pas de séquences agrammaticales du type (2c), mais
elle suggère aussi que ces enfants, jusqu’à l’âge d’environ 4;5 ans, ne
construisent des interrogatives du type (2b) qu’avec beaucoup de difficultés.
Cette étude n'apporte qu'un soutien très relatif à l'hypothèse suivant laquelle les
jeunes anglophones utiliseraient une règle ISA, hypothèse que d'autres études
tendent à invalider (§4).
stratégie est mise en œuvre par l’enfant n’a donné que des résultats très limités et
difficilement interprétables. Par ailleurs, MacWhinney (2004, 890) note que la procédure
de C&N a pu inciter les enfants à répéter le GN sujet tel quel dans la question construite,
par imitation, et il voit là «[a] serious methodological limitation».
12 Selon C&N (id., 532), les sujets de l’expérience ont commis des erreurs de performance
dues à la complexité des phrases qui leur étaient soumises et en particulier à la complexité
des GN sujets. Les auteurs ont relevé des différences statistiques importantes dans les taux
d’erreur qui semblent corrélées au degré de complexité du GN sujet.
13 Pour certains auteurs, la règle ISA serait de toute façon inapprenable, quel que soit le
stimulus linguistique : «no amount of positive evidence, ‘exotic’ or not, would suffice»
(Lasnik & Uriagereka 2002, 148). Voir aussi Laurence & Margolis (2001) et Cowie
(2003). Un tel constat, pensons-nous, devrait prioritairement inciter à s’interroger quant à
la plausibilité psychologique de la règle postulée (cf. §4).
(2004, 890) déclare quant à lui n’en avoir trouvé qu’un seul exemple sur environ
3M d’énoncés dans une recherche de cette même base de données, que l’auteur
estime bien représentative des DLP des enfants anglophones jusqu’à l’âge de 5
ans. En revanche, la situation est plus confuse pour ce qui est des interrogatives
ouvertes telles que (6b). Pour Pullum & Scholz (2002, 44), ces énoncés «seem
quite common, and offer [two-year-olds] an excellent chance to see that complex
NP’s invert with auxiliaries just as simple NP’s do». De même, MacWhinney
(id.) note qu’il y a des centaines d’interrogatives de ce type dans CHILDES et
qu’elles sont très fréquentes dans les DLP des jeunes anglophones («highly
frequent in the input to children»). Cependant, L&Y n’en ont trouvé que quelques
occurrences dans les deux corpus qu’ils ont étudiés et estiment, par extrapolation,
que leur fréquence dans les DLP est insuffisante pour permettre l’apprentissage
de la règle ISA avant 3;2 ans (l’âge du plus jeune sujet de l’expérience de Crain
& Nakayama 1987). Suivant l’argumentation de L&Y, il faudrait que la
fréquence de ces interrogatives soit comparable à celle des THERE-sentences (ex.
There is a problem), car ces dernières impliqueraient une règle qui est également
maîtrisée vers 3 ans, et qui fait bien l’objet d’un apprentissage. L&Y calculent
que la fréquence des THERE-sentences est nettement plus forte et concluent que la
règle ISA est acquise avant 3;2 ans sans pouvoir être apprise.16 On notera
toutefois, d’une part, que les corpus Nina et Adam contiennent plus d’exemples
pertinents que n’en décomptent les auteurs. Selon L&Y (p.157), le corpus Nina
ne contient que 14 interrogatives du type (6b), dont ils donnent la liste complète
par souci de clarté ; ce corpus est accessible en ligne et on peut y relever jusqu’à
12 autres interrogatives du même type.17 Pour le corpus Adam, L&Y (p.158)
le premier et 3;3.21 pour le dernier. Le corpus Adam (20 372 phrases, 8 889 questions,
selon L&Y) est constitué de 55 fichiers ; l’âge de Adam est 2;3.04 pour le premier et
5;2.12 pour le dernier.
16 Selon L&Y, la fréquence des THERE-sentences dans les DLP des jeunes anglophones
jusqu’à l’âge de 3 ans est d’environ 1,2% (chiffre obtenu par les auteurs à partir d’un
échantillon arbitraire de 11 214 phrases de CHILDES prononcées par des adultes). La
fréquence des phrases (6b) obtenue par L&Y à partir de leur analyse des corpus Nina et
Adam est beaucoup plus faible (c. 0,068% des questions pour Nina) et déclarée
insuffisante : «Not only are those frequencies far below the magic figure of 1.2 percent
required to learn the correct rule by the 36th month, it [sic.] is also low enough to be
considered negligible, that is, not reliably available for every human child.» (p.158).
17 Les exemples les plus clairs sont ceux où le mot en wh- est where : where is the new
little train that Mommy bought for you with all the little people? (nina19) ; where's the
new turtle that you got for your birthday? (nina42) ; where are the pants that daddy gave
you? (nina43) ; where's the lady that would sell at the store? (nina54). Dans les huit
autres exemples repérés, le mot en wh- est what ou who et joue a priori une fonction
d’attribut (plutôt que de sujet, auquel cas l’exemple n’est pas pertinent) : what's this he's
carrying in his hand? (nina16) ; what's the animal that eats nuts? (nina27) ; what is that
that you're going to feed her? (nina31) ; who was that nice man that we met on the
airplane wearing a fancy hat? (nina32) ; who's that that you just took out? (nina42) ; who
are these two little girls that came over to Nina's house for breakfast? (nina55) ; who's
the one who's always asking questions? (nina56) ; what's that that you just put in?
(nina56).
n’ont trouvé que 4 exemples, tous également cités ; on peut en trouver jusqu’à 20
supplémentaires.18 De plus, L&Y ne comptabilisent pas les phrases du type (6e),
dont on peut relever au moins 9 exemples dans le corpus Nina et 5 dans le corpus
Adam. D’autre part, il n’existe pas nécessairement de corrélation simple entre la
fréquence d’occurrence d’une structure dans les DLP et l’âge auquel la structure
concernée paraît acquise dans les productions des enfants. Par exemple, les
déterminants et les quantificateurs sont très fréquents dans les DLP, mais ne sont
maîtrisés que relativement tard, comme le notent Clark & Lappin (2010, 38). De
fait, L&Y proposent d’utiliser un étalon comparatif, mais le choix des THERE-
sentences peut laisser dubitatif, d’autant qu’il paraît d’emblée évident que leur
fréquence en discours ne peut être que largement supérieure à celle des phrases
du type (2b) ou (6b). Enfin, un très faible pourcentage d’une somme énorme peut
représenter une quantité considérable. Le corpus Nina, par exemple, ne couvre
dans sa totalité que 52 heures d’échanges entre Nina et sa mère (ou parfois
d’autres adultes), soit, pour arrondir, une vingtaine de questions du type (6b) en
52 heures. On ne peut que spéculer quant au nombre de questions de ce type
auquel Nina aura pu être exposée avant l’âge de 3;2 ans, mais plusieurs centaines
ne semblerait pas un nombre excessif : peut-on être certain qu’une telle
exposition serait insuffisante ? Bref, même à supposer que les jeunes
anglophones acquièrent effectivement une règle ISA, que les phrases des types
(2b) et (6b) soient indispensables pour pouvoir l’apprendre et que la fréquence de
ces phrases dans leur DLP avant 3;2 ans soit proche de celle avancée par L&Y, la
pauvreté du stimulus en la matière paraîtrait encore loin d’être incontestablement
établie.
Le deuxième point, plus général, concerne le caractère supposé indispensable
de certaines données linguistiques pour rendre compte d’une acquisition. Si l’on
peut identifier précisément la source de certaines connaissances lexicales –
l’acquisition d’un mot M requiert a priori d’être exposé au moins à une
occurrence de M –, il n’en va pas aussi aisément pour des aptitudes
grammaticales beaucoup plus générales. L’aptitude à construire des questions
fermées, y compris du type (2b), est un savoir-faire dont les composants
habituellement mentionnés (GN sujet, auxiliaire principal, «inversion»)
pourraient être induits d’une multitude de sources. Pour cette raison, il semble
difficile de désigner un type de phrase particulier comme constituant une
condition individuellement nécessaire à l’acquisition de cette aptitude. Dans les
présentations de l’exemple classique de l’APSF, on demande typiquement
comment l’enfant anglophone âgé d’environ trois ans parvient à construire des
interrogatives du type (2b), ce qu’il ne fait en réalité qu’avec beaucoup de
difficultés (cf. §1), alors qu’il n’a été exposé qu’à des interrogatives élémentaires
telles que (1b), ce qui n’est évidemment pas le cas. De l’intégralité des données
18 Parmi ces exemples supplémentaires : when was the last time you saw it? (adam03) ;
where is the cowboy that wears boots? (adam06) ; what's that it's got on? (adam07) ;
what was that you did? (adam09) ; what is that that you're writing on? (adam10) ; what
were the magic words that Ursula said? (adam16) ; what was that word you said?
(adam18).
19 C’est, entre autres, l’impression que peut donner l’extrait ci-dessous de Collins (2003,
168, italiques ajoutés), où «(1)» est That man is happy, «(2)» Is that man happy?, «SD»
est une règle dépendante de la structure du type (R2) et «SI» une règle indépendante de la
structure du type (R1) : «Now if we assume that the child only has the data recorded in
(1)+(2) to go on, then she appears to make a massive leap to the auxiliary inversion rule
SD. After all, SI predicts the pattern in (1)+(2), so if the child had no antecedent
information on phrasal structure, why on earth should she opt for the complex and
particular rule SD?».
20 Les auxiliaires étaient étiquetés «V». Voir Reali & Christiansen (id., 1019) pour une
réseaux ont tous montré une préférence très marquée pour V (cf. Reali &
Christiansen, id., 1019-1020). Trente des 100 phrases-tests de l’expérience
précédente ont été soumises aux réseaux et 90% ont été correctement classées.
Pour Reali & Christiansen (2005), les réseaux SRN peuvent être utilisés
comme modèles psychologiques de l’apprentissage humain et les résultats
obtenus suggèrent que le stimulus linguistique auquel sont exposés les jeunes
enfants anglophones, même s’il est totalement dépourvu d’interrogatives du type
(2b), pourrait être suffisamment riche pour leur permettre d’apprendre comment
construire des interrogatives du type (2b). Il contiendrait, selon les termes des
auteurs, suffisamment de données ou «preuves statistiques indirectes» (indirect
statistical evidence) de la construction considérée.21 Les auteurs ne semblent
malheureusement pas avoir considéré le cas des interrogatives ouvertes du type
(6b-d), dont rien n’est dit. Par ailleurs, leur méthode a été critiquée par Kam et
al. (2008), dont l’étude suggère également qu’un modèle statistique simple du
type bigram model ne donne que des résultats très mitigés lorsqu’il est testé avec
des questions plus complexes ou dont le GN sujet contient d’autres types de
relative (par exemple, des relatives «zéro» comme dans the lady you met). Les
résultats de Reali & Christiansen (2005) invitent néanmoins à se méfier de la
notion de données linguistiques indispensables lorsqu’il s’agit de rendre compte
de l’acquisition de compétences grammaticales relativement générales ; il
convient plutôt de tenter de considérer ce que peut être l’expérience linguistique
des jeunes enfants de façon plus globale.
Cette étude peut être mise en relation avec les divers travaux qui ont mis en
avant l’importance des apprentissages statistiques fondés sur des régularités
distributionnelles (cf. Romberg & Saffran 2010), par exemple sur des
probabilités de transition entre éléments adjacents (Saffran et al. 1996), ou
encore sur ce que Saffran (2001) nomme des «dépendances prédictives», i.e. sur
le fait que les propriétés dépendancielles des items linguistiques permettent
d’effectuer des inférences : par exemple, en anglais, un article est normalement
suivi d’un nom – directement, le plus souvent – et l’article a est plus précisément
suivi d’un nom dénombrable singulier ; une préposition tend à être suivie d’un
GN, tel verbe tend à être suivi de tel type de complément, etc. Ces notions sont
également centrales dans l’approche constructionnelle du savoir-faire linguistique
esquissée au §4. De tels indices distributionnels permettraient un début d’analyse
syntagmatique des énoncés selon Saffran (2001) et d’autres indices sont
vraisemblablement exploités à cette fin, d’ordre sémantique ainsi que d’ordre
prosodique («prosodic bootstrapping») et plus généralement phonologique (cf.
Morgan & Demuth 1996, Höhle 1999, Jusczyk 2003, Ambridge & Lieven 2011,
13 sq.). A nouveau, il convient ici de considérer le stimulus linguistique dans
toutes ses dimensions et dans toute sa richesse.
21 Cf. Reali & Christiansen (2005, 1022) : «The corpus analyses indicate that there is
22 La reconnaissance d’une organisation hiérarchisée des phrases est tout aussi centrale
dans les grammaires syntagmatiques qu’elle l’est dans les grammaires de dépendances,
comme la syntaxe structurale de Tesnière (1959) ou la Word Grammar de Hudson (1984),
qui ne reconnaît aucun rôle théorique à la notion de syntagme.
langues signées (Sandler & Lillo-Martin 2006, Perniss et al. 2007). Que l’on
considère l’organisation du monde physique, biologique ou même social, les
hiérarchies semblent en fait omniprésentes (Pumain 2006). Le système visuel
humain, par exemple, est éminemment hiérarchisé : on peut reconnaître une
multitude de niveaux d’organisation de l’information, allant de celui des cellules
photo-réceptrices situées sur la rétine, au cortex cérébral et à l’émergence d’une
représentation visuelle complexe, qui présente elle-même une organisation
hiérarchique. On peut également reconnaître ce type d’organisation dans le
domaine de la musique, par exemple dans les accords et les progressions
harmoniques (Patel 2003), mais aussi dans de nombreuses activités motrices
complexes (Lashley 1951), dont l’assemblage manuel d’objets physiques
(Greenfield 1991). Une autre illustration bien connue en psychologie est
l’opération dite de chunking («(re)groupement»). Dans un article de 1956 devenu
un classique, «The magical number seven, plus or minus two», le psychologue
américain G.A. Miller proposait que notre mémoire de travail (à court terme) ne
peut en moyenne traiter simultanément que 7 2 unités d’information. Ce chiffre
peut sembler quelque peu élevé, mais la proposition de Miller expliquerait
néanmoins une tendance naturelle à «recoder» l’information en organisant des
regroupements (chunks) qui permettent de réduire une liste d’items relativement
longue. Ou, comme le remarque Comrie (2003, 200) : «Human cognition
requires structure in order to be able to work with strings consisting of more than
a few items.» Par exemple, alors qu’un numéro de téléphone (ou de sécurité
sociale, etc.) n’est qu’une séquence linéaire de chiffres, on impose naturellement,
presque inévitablement, une structure à cette séquence pour en faciliter la
mémorisation et la manipulation mentale (ex. 04-65-54-78-78 ou 0-465-54-7878
plutôt que 0-4-6-5-5-4-7-8-7-8). Une séquence relativement longue d’unités
simples est transformée en une séquence plus courte d’unités plus complexes. De
même, il est aisé de mémoriser la séquence C-G-T-A-D-N-O-M-S en effectuant
les regroupements CGT-ADN-OMS. La structuration hiérarchique apparaît ici
comme une stratégie qui permet de compenser l’empan limité de notre mémoire
de travail, soit de faciliter le traitement cognitif de l’information.
Pour Edelman (2008, 30), l’«abstraction hiérarchique» est au «cœur de
l’esprit» et l’organisation hiérarchique des expressions linguistiques est liée à ce
principe cognitif fondamental (id., p.288). Les études neuropsychologiques
semblent confirmer l’hypothèse d’une faculté transversale de hiérarchisation et
même s’accorder quant à la localisation de ce qui pourrait être son centre. Ainsi,
Tettamanti & Perani (2012) mentionnent plusieurs études ayant utilisé des
techniques d’imagerie cérébrale dont les résultats suggèrent que l’aire de Broca,
connue pour son implication dans le traitement du langage, pourrait avoir un rôle
central dans le traitement de diverses formes de hiérarchisation, d’ordre
linguistique et non-linguistique. Elle pourrait constituer un «processeur
hiérarchique supramodal» (Tettamanti & Weniger 2006) commun à diverses
fonctions cognitives. Dans une revue récente des travaux sur la question, Jeon
(2014) évoque de même une convergence de données expérimentales indiquant
que l’aire 44 de Brodmann, où se trouve en partie l’aire de Broca, pourrait
23
Cf. Chomsky (2012b, 41) : «Well, what's Universal Grammar? It's anybody's best
theory about what language is at this point. I can make my own guesses. There's the
question of lexical items – where they come from. That's a huge issue. Among the
properties of lexical items, I suspect, are the parameters. So they're probably lexical, and
probably in a small part of the lexicon. Apart from that, there's the construction of
expressions. It looks more and more as if you can eliminate everything except just for the
constraint of Merge.» Cette exception pourrait être liée à la redéfinition récente de
l’opération de mouvement «Move» comme une forme de fusion, désormais nommée
«internal Merge» (cf. Chomsky 2012b, 16). De prime abord, il ne semble pas évident que
cette opération soit elle aussi éliminable et réductible à un principe cognitif plus général.
24 Voir aussi Dabrowska (2004, 58 sq.) et Müller & Palmer (2008).
même de règles tout court (cf. Chomsky 1995). Dans l’analyse générative de la formation
des questions (cf. §2), la structure de la proposition interrogative demeure pourtant
dérivée d’une structure déclarative et le remplacement de règle par opération (procédure,
etc.) de formation des questions ne présente que peu d’intérêt.
27 Généralement, ces unités schématiques ne sont pas distinctes des unités plus spécifiques
dont elles ont été abstraites : typiquement, un schéma est «immanent» à ses instances et
coexiste avec elles (cf. Langacker 1999, 96-97).
AUX F - SUBJ - V NF ?
BEF - SUBJ - COMP ?
Shall we V INF ?
HAVE AUX - SUBJ - V-en ?
Would you rather V INF ? Can I V INF ?
Are you nuts ? Are you kidding ?
Shall we go ?
Do you think (that) S ? Would you please V INF ?
Are you ready ?
Figure 1
28 L’analyse suivant laquelle le verbe auxilié complémente le verbe auxiliaire n’est pas
sans poser certains problèmes. Nous n’entrerons pas ici dans cette discussion, qui est
indépendante de l’alternative entre une grammaire de règles formelles et une grammaire
de constructions.
l’auxiliaire – soit, dans le cas de la copule be, un attribut (PC), bien que la copule
admette d’autres formes de complémentation.29 Le schéma [AUXF - SUBJ -
COMP ?] a un contenu sémantique-fonctionnel qui est interrogatif dans le cas des
questions fermées, mais la sémantique de cette construction est plus complexe,
puisque l’inversion sujet-auxiliaire a d’autres emplois en anglais (ex.
l’exclamative Can she dance! ou la subordonnée conditionnelle dans Had I
known her intentions, I would not have helped her). Goldberg (2006, 166 sq.)
offre une présentation unifiée de ces divers emplois, fondée sur la reconnaissance
d’un prototype sémantique et de diverses extensions.
L’approche constructionnelle des questions fermées présente certains
avantages par rapport à une approche transformationnelle impliquant une règle
du type (R2)/ISA. Premièrement, elle ne présuppose pas d’opérations formelles
abstraites et inobservables. Dès lors, la question de savoir comment l’enfant
anglophone tranche entre les diverses règles transformationnelles envisageables
ne se pose tout simplement pas. Deuxièmement, les schémas constructionnels
proposés peuvent servir aussi bien à la production qu’à l’interprétation
d’interrogatives fermées, alors que le statut de (R2) est incertain à cet égard.30
Troisièmement, ces schémas ne font que refléter des régularités discursives et
n’ont, a priori, rien d’inapprenable : ils n’exigent pas d’hypothèse innéiste forte
(HI). Enfin, l’acquisition de schémas constructionnels de haut niveau tels que
[AUXF - SUBJ - VNF ?] n’est pas une condition préalable à la production
d’interrogatives fermées correctement formées, car ces schémas sont abstraits de
structures plus spécifiques premières.
Ce dernier point mérite d’être souligné, car le développement ascendant d’un
modèle constructionnel fondé sur l’usage en fait un modèle crédible du point de
vue de l’acquisition du langage (cf. Tomasello 2003, 2011). Contrairement à ce
que suggère le modèle «Principes & Paramètres» de la grammaire générative, il
ne semble pas que les enfants acquièrent précocement des règles de portée très
générale et qu’une exposition limitée à une langue L suffise à fixer durablement
la valeur de tel ou tel paramètre formel de GU. Les études portant sur les
questions produites par les jeunes enfants anglophones, par exemple, ne
suggèrent pas la découverte d’une règle ISA qui serait ensuite systématiquement
appliquée par l’enfant. Elles suggèrent tout au contraire que l’enfant ne dispose
pas, jusqu’à un certain âge, de catégories générales telles que Auxiliaire et peut-
être même Sujet, et que ses connaissances linguistiques sont beaucoup plus
29 La distinction entre be
AUX et beCOP est préservée dans la figure 1. Elle est justifiée d’un
point de vue distributionnel mais aussi au regard des différences dans les modes
d’acquisition de ces deux verbes : selon Stromswold (1990), par exemple, l’acquisition de
beCOP tend à précéder celle de beAUX et les erreurs d’inversion chez les jeunes enfants sont
plus fréquentes avec beCOP qu’avec beAUX.
30 Une règle telle que (R ) pourrait n’être utilisée ni dans la production, ni dans
2
l’interprétation concrète de phrases interrogatives, puisque la grammaire générative se
veut être une théorie de la seule compétence, et non aussi de la performance, i.e. une
théorie de ce que le locuteur natif sait (implicitement), mais pas de ce qu’il fait. Ceci pose
d’ailleurs des problèmes sérieux quant à son utilité et sa falsifiabilité (cf. Derwing 1973,
Lamb 2000).
5. BILAN ET CONCLUSION
L’exemple «classique» de l’APSF, dont les mentions ont été si nombreuses
dans la littérature depuis les années 1970, est loin de constituer un exemple
irréfutable d’écart entre l’expérience et les connaissances linguistiques acquises
que seules des connaissances linguistiques innées pourraient combler. D’une part,
si l’on adopte l’analyse générative des questions fermées, il apparaît que les
données linguistiques auxquelles ont accès les jeunes enfants anglophones
contiennent bien certaines des structures supposées indispensables pour
apprendre la règle d’inversion sujet-auxiliaire. La défense de l’APSF consiste dès
lors à tenter de démontrer que ces données indispensables ne sont pas
suffisamment présentes dans le stimulus linguistique auquel sont exposés les
enfants, mais cette démonstration est loin d’être faite. La notion même de
données linguistiques indispensables est, du moins dans ce cas précis, une
hypothèse douteuse, qui paraît sous-estimer les aptitudes cognitives des jeunes
enfants, dont leur sensibilité statistique, ainsi que la richesse de leur expérience
linguistique.
D’autre part, il n’est pas nécessaire de postuler que les enfants sont guidés
dans leurs acquisitions linguistiques par un principe de dépendance structurale
qui serait inscrit dans GU, le «composant génétique» de FL. L’organisation
hiérarchique des structures linguistiques pourrait découler d’une faculté générale
de hiérarchisation qui, associée à d’autres aptitudes, orienterait naturellement les
acquisitions des enfants. Dans cette perspective, l’exemple classique de l’APSF
ne requiert pas d’invoquer GU et ne légitime donc pas l’hypothèse suivant
laquelle l’être humain serait génétiquement doté d’un module cognitif autonome
spécifiquement dédié au langage.
Enfin, le «problème logique de l’acquisition» qu’est censé poser l’exemple
classique de l’APSF pourrait n’être qu’un artefact résultant de certaines
orientations théoriques. C’est un problème qui apparaît dans un modèle
grammatical transformationnel où l’on présuppose que l’enfant acquiert des
règles de transformation syntaxique, mais les études empiriques sur les questions
et autres productions linguistiques des jeunes enfants anglophones ne suggèrent
aucunement que ces derniers acquièrent précocement un règle générale
d’inversion sujet-auxiliaire. Ces études, en revanche, semblent compatibles avec
un modèle constructionnel et fondé sur l’usage du savoir-faire linguistique, dans
lequel les jeunes locuteurs extraient progressivement des énoncés auxquels ils
sont exposés des expressions particulières et des schémas constructionnels de bas
niveau à partir desquels sont ensuite effectuées des généralisations de plus grande
ampleur.
En conclusion, on peut donc estimer que l’exemple classique de l’APSF n’en
établit, ni la validité, ni, par suite, celle d’une hypothèse radicalement innéiste du
savoir-faire linguistique suivant laquelle ce savoir-faire serait acquis, mais non
véritablement appris.
BIBLIOGRAPHIE
Aitchison J., 2011, The Articulate Mammal: An Introduction to
Psycholinguistics, 5th ed., London / New York, Routledge.
Ambridge B. & Lieven E.V.M., 2011, Child Language Acquisition: Contrasting
Theoretical Approaches, Cambridge (UK), Cambridge U.P.
Ambridge B., Rowland C.F., Theakston A. L. & Tomasello M., 2006, Comparing
different accounts of inversion errors in children’s non-subject wh-questions:
‘What experimental data can tell us?’, J. Child Lang 33, p. 519-557.
Armstrong T., 2003, The Multiple Intelligences of Reading and Writing: Making
the Words Come Alive, Alexandria (VA), ASCD.
Barlow M. & Kemmer S. (eds.), 2000, Usage-Based Models of Language,
Stanford, CSLI Publications.
Bernstein-Ratner N., 1984, Patterns of vowel modification in motherese, Journal
of Child Language 11, p. 557-578.
Berwick R. C., Pietroski P., Yankama B. & Chomsky N., 2011, Poverty of the
Stimulus Revisited, Cognitive Science 35, p. 1207-1242.
Boeckx C. & Hornstein N., 2003, The varying aims of linguistic theory,
Unpublished manuscript, University of Maryland. URL:
http://citeseerx.ist.psu.edu/viewdoc/download?doi=10.1.1.111.517&rep=rep1
&type=pdf
Bloch O., 1924, La phrase dans le langage de l’enfant, Journal de psychologie
normale et pathologique 21, p. 18-43.
Boysson-Bardies B. de, 2010 [1996], Comment la parole vient aux enfants : De
la naissance jusqu’à deux ans, Paris, Odile Jacob.
Braine M. D. S., 1963, The ontogeny of English phrase structure: The first phase,
Language 39-1, p. 1-13.
Bresnan J., 1982, The Mental Representation of Grammatical Relations,
Cambridge (MA), MIT Press.
Bybee J., 2006, From usage to grammar: The mind’s response to repetition,
Language 82-4, p. 711-733.
Bybee J. (ed.), 2007, Frequency of Use and the Organization of Language, New
York, Oxford U.P.
Bybee J. & Hopper P. (eds.), 2001, Frequency and the Emergence of Linguistic
Structure, Amsterdam / Philadelphia, J. Benjamins.
Caron J., 2001, Précis de psycholinguistique, Paris, Quadrige/PUF.
Carroll D.W., 2007, Psychology of Language, 5th ed, Belmont (CA), Thomson
Wadsworth.
Chomsky N., 1959, A Review of B.F. Skinner’s Verbal Behavior, Language 35-
1, p. 26-58.
Chomsky N., 1962, Explanatory models in linguistics, in E. Nagel, P. Suppes &
A. Tarski (eds), Logic, Methodology and Philosophy of Science, Stanford,
Stanford U.P, p. 528-550.
Chomsky N., 1975, Reflections on Language, New York, Pantheon Books.
Chomsky N., 1984, Knowledge of language, human nature and the role of
intellectuals, in N. Chomsky, 2004, Language and Politics, ed. by C.P. Otero,
2nd ed., Oakland (CA) / Edinburgh, AK Press, p. 429-446.
Chomsky N., 1986, Knowledge of Language: Its Nature, Origin, and Use, New
York / Westport (CT) / London, Praeger.
Chomsky N., 1988, Language and Problems of Knowledge: The Managua
Lectures. Cambridge (MA) / London, MIT Press.
Chomsky N., 1996, Powers and Prospects: Reflections on Human Nature and
the Social Order, London, Pluto Press.
Chomsky N., 2000, New Horizons in the Study of Language and Mind,
Cambridge (MA), Cambridge U.P.
Chomsky N., 2004, Beyond explanatory adequacy, in A. Belletti (ed.), Structures
and Beyond: The Cartography of Syntactic Structures, Volume 3, New York,
Oxford U.P.
Chomsky N., 2006, Language and Mind, 3rd ed., Cambridge, Cambridge U.P.
Chomsky N., 2012a, Poverty of the Stimulus: Unfinished Business, Studies in
Chinese Linguistics 33-1, p. 3-16.
Chomsky N., 2012b, The Science of Language: Interviews with James
McGilvray, Cambridge (MA), Cambridge U.P.
Chomsky N. & Halle M., 1968, The Sound Pattern of English, New York,
Harper & Row.
Clark A. & Lappin S., 2010, Linguistic Nativism and the Poverty of the Stimulus,
Oxford, John Wiley & Sons.
Clark E. V., 2009, First Language Acquisition, 2nd ed., New York, Cambridge
U.P.
Collins J., 2003, Cowie on the poverty of stimulus, Synthese 136-2, 159-190.
Comrie B., 2003, On explaining language universals, In Tomasello, M. (ed.) The
New Psychology of Language: Cognitive and Functional Approaches to
Language Structure, Volume 2, Mahwah, NJ / London, Lawrence Erlbaum
Associates, p. 195-209.
Cowie F., 1998, What’s within?: Nativism reconsidered, Oxford, Oxford U.P.
Crain S. 1991, Language acquisition in the absence of experience, Behavioral
and Brain Sciences 14, 597-612.
Crain S. & Nakayama M., 1987, Structure dependence in grammar formation,
Language 63, 522-543.
Croft W., 2001, Radical Construction Grammar, Oxford, Oxford U.P.
Dabrowska E., 2000, From formula to schema, Cognitive Linguistics, 11, 83-102.
Dabrowska E., 2004, Language, Mind and Brain: Some Psychological and
Neurological Constraints on Theories of Grammar, Edinburgh, Edinburgh
U.P.
Derwing B. L., 1973, Transformational Grammar as a Theory of Language
Acquisition, Cambridge, Cambridge U.P.
Diessel H., 2007, Frequency effects in language acquisition, language use, and
diachronic change, New Ideas in Psychology 25, p. 108-127.
Edelman S., 2008, Computing the Mind: How the Mind Really Works, New
York, Oxford U.P.
Evans V., 2014, The Language Myth: Why Language Is Not an Instinct,
Cambridge, Cambridge U.P.
Fortis J.-M., 2008, Le langage est-il un instinct ? — Une critique du nativisme
linguistique, de Chomsky à Pinker, Texto!, XIII, 4, numéro coordonné par J.-
L. Vaxelaire. URL : http://www.revue-texto.net/index.php?id=1870.
Fukui N. & Zushi M., 2004, Introduction, in N. Chomsky (ed.) The Generative
Enterprise Revisited: Discussions with Riny Huybregts, Henk van Riemsdijk,
Naoki Fukui and Mihoko Zushi, Berlin / New York, Walter de Gruyter, p. 1-
25.
Goldberg A. E., 1995, Constructions: A Construction Grammar Approach to
Argument Structure, Chicago / London, The University of Chicago Press.
Rondal J.-A., Esperet E., Gombert J. E., Thibaut J.-P. & Comblain A., 2000,
Développement du langage oral, in J.-A. Rondal & X. Seron (dir.), Troubles
du langage, Bases théoriques, diagnostic et rééducation, Sprimont
(Belgique), Mardaga, p. 107-178.
Rowland C. F. & Pine J. M., 2000, Subject-auxiliary inversion errors and wh-
question acquisition: ‘what children do know?’, Journal of Child Language
27, p. 157-181.
Saffran J. R., 2001, The use of predictive dependencies in language learning,
Journal of Memory and Language 44, p. 493-515.
Saffran J. R., Aslin R. N. & Newport E. L., 1996, Statistical cues in language
acquisition: Word segmentation by infants, in G. W. Cottrell (ed.), COGSCI-
96, Proceedings of the Eighteenth Annual Conference of the Cognitive
Science Society, La Jolla, California, July 12-15, 1996, Mahwah (NJ),
Lawrence Erlbaum Associates, p. 376-80.
Seidenberg M. S., 1997, Language acquisition and use: Learning and applying
probabilistic constraints, Science 275, p. 1599-1603.
Smith N., 2004, Chomsky: Ideas and Ideals, 2nd ed., New York, Cambridge U.P.
Stromswold K., 1990, Learnability and the Acquisition of Auxiliaries, PhD
dissertation, Massachusetts Institute of Technology.
Tesnière L., 1959, Éléments de syntaxe structurale, Paris, Klincksieck.
Tettamanti M. & Perani D., 2012, The Neurobiology of structure-dependency in
natural language grammar, in M. Faust (ed.), The Handbook of the
Neuropsychology of Language, vol. 1, Malden (MA) / Oxford, Wiley-
Blackwell, p. 229-251.
Tettamanti M. & Weniger D., 2006, Broca’s area: a supramodal hierarchical
processor?, Cortex 42, p. 491-494.
Tomasello M., 2003, Constructing a language: A usage-based theory of
language acquisition, Cambridge (MA) / London, Harvard U.P.
Tomasello M., 2007, What kind of evidence could refute the UG hypothesis?
Commentary on Wunderlich, in M. Penke & A. Rosenbach (eds.), What
Counts as Evidence in Linguistics: The Case of Innateness, Amsterdam /
Philadelphia, John Benjamins, p. 175-178.
Tomasello M., 2011, Language Development, in U. Goswami (ed.), The Wiley-
Blackwell Handbook of Childhood Cognitive Development, 2nd ed., Malden
(MA) / Oxford (UK) / Chichester (UK), Wiley-Blackwell, p. 239-257.
Sampson G., 2005, The ‘Language Instinct’ Debate, revised ed., London,
Continnum.
Sandler W. & Lillo-Martin D., 2006, Sign Language and Linguistic Universals,
Cambridge / New York, Cambridge U.P.