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Bulletin de psychologie

L’utilisation des théories linguistiques en psychologie : l'apport


de la grammaire générative
Célia Jakubowicz, Juan Segui, Jean-Michel Peterfalvi

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Jakubowicz Célia, Segui Juan, Peterfalvi Jean-Michel. L’utilisation des théories linguistiques en psychologie : l'apport de
la grammaire générative. In: Bulletin de psychologie, tome 22 n°276, 1969. La méthode expérimentale en psychologie.
pp. 685-695;

doi : https://doi.org/10.3406/bupsy.1969.10010;

https://www.persee.fr/doc/bupsy_0007-4403_1969_num_22_276_10010;

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L’utilisation des théories linguistiques
en psychologie :
L’apport de la grammaire générative

par C. JAKUBOWICZ, J. SEGUI


et J. M. PETERVALVI (1)

I. — INTRODUCTION En ce sens — et sans aucune prétention impé¬


rialiste — on peut soutenir que la linguistique
L'une des principales démarches propres à est une psychologie. Mais même en dehors
la grammaire générative a été d'indiquer clai¬ de cette assimilation extrême, la tentative de
rement le moyen d'élaborer un système for¬ simuler la « créativité » du langage à l'aide
mel (un modèle) qui rende compte exacte¬ d'un modèle a eu une importance décisive
ment, non seulement du comportement verbal pour la psycholinguistique expérimentale. On
explicite tel qu'il s'est déroulé, se déroule ou peut s'en rendre compte si l’on considère les
se déroulera, mais aussi de tout ce qui est modèles extérieurs à la psychologie qui ont
implicite : de la langue (au sens Saussurien, été utilisés auparavant en psycholinguistique,
opposée à la parole) intériorisée d’une façon notamment celui de la Théorie de l’Informa¬
ou d'une autre par tout sujet parlant. tion. Un exemple particulièrement frappant est
On dira que ce n'est pas là une innovation présenté par J.B. Carroll (1954) sous la forme
des théoriciens de la grammaire générative d’une langue artificielle destinée à illustrer cer¬
puisque, justement, Saussure (1916) soulignait taines opérations (comme l’analyse de l’entro¬
déjà que la langue, objet véritable de la lin¬ pie) qui sont censées introduire des variables
guistique, est un « système grammatical exis¬ psycholinguistiquement pertinentes. Cette lan¬
tant virtuellement dans chaque cerveau, ou gue est construite par l’énumération de ses
plus exactement dans les cerveaux d’un en¬ différentes unités : 4 phonèmes et 18 morphè¬
semble d'individus » : système abstrait (ou du mes (8 noms, 4 verbes transitifs, 4 verbes in¬
moins dont le substrat matériel est loin d’être
transitifs et 2 morphèmes T correspondant à
connu) opposé à l’acte de parole concret et l'affirmation et à la négation) composés cha¬
manifesté.
cun de suites de deux ou trois phonèmes. On
Cependant, la linguistique structurale a pres¬ précise ensuite que toute phrase de la langue
que toujours passé sous silence une dimension est représentée par l'une des séquences sui¬
essentielle du langage : la créativité. « Il ap¬ vantes :
paraît immédiatement », écrit N. Ruwet (1967),
« Affirmations » :
« que le fait central, dont la linguistique syn¬
chronique a à rendre compte est le suivant : 1. Nom sujet - Verbe intransitif - T.
tout sujet adulte parlant une langue donnée 2. Nom sujet - Verbe transitif - Nom objet
est, à tout moment, capable d'émettre spontané¬ - T.
ment ou de percevoir et de comprendre un
nombre indéfini de phrases que, pour la plu¬ « Questions » :
part, il n'a jamais prononcées ni entendues 3. Verbe intransitif - Nom - sujet T.
auparavant. » Or, la plupart des théories lin¬
4. Verbe transitif - Nom sujet - Nom objet
guistiques prétransformationnelles ne permet¬
- T.
tent pas véritablement de « rendre compte » de
cette créativité dans la mesure où elles ne On montre par un calcul facile qu'il y a
fournissent pas le moyen d'énumérer (d'engen¬ exactement 1.152 phrases possibles dans cette
drer) explicitement un ensemble infini de langue artificielle. L'incertitude est donc de
phrases possibles. Les théoriciens de la gram¬ log2 1.152 = 10,17 avant le début de n’importe
maire générative s'efforcent donc de rendre
compte de cette aptitude propre à l'espèce hu¬ (1) Laboratoire de psychologie expérimentale et
maine, que Chomsky appelle la « compétence ». comparée de la Sorbonne, associé au CJÏ.R.S.
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quel énoncé et diminue jusqu'à devenir nulle II. — QUELQUES PRINCIPES GENERAUX
au fur et à mesure que les phonèmes succes¬ DE LA GRAMMAIRE GENERATIVE (1)
sifs de la phrase sont émis. Or, comme Car
roll le souligne d’ailleurs lui-même, une telle La doctrine sous-jacente à la grammaire
langue diffère essentiellement de n'importe générative indique qu'une théorie linguistique
quelle langue naturelle parce que les messages doit, entre autres, spécifier la forme que l'on
possibles y constituent un ensemble fini. Au doit donner à une grammaire.
contraire, une langue naturelle comporte tou¬ Mais le mot « grammaire » a ici un sens un
jours un ensemble infini de phrases. Prenons peu différent de son acception traditionnelle :
par exemple n’importe quelle phrase fran¬ une grammaire explicite est un système for¬
çaise : on pourra toujours former une autre mel capable d'énumérer toutes les phrases pos¬
phrase française en lui antéposant l’expres¬ sibles d'un langage et seulement celles-là. Une
sion : « J’ai dit que... » exactement de la même grammaire satisfaisante doit en outre associer
manière qu'en ajoutant 1 à n’importe quel une description linguistique à chaque phrase.
nombre entier on obtient un autre nombre
entier, ce qui fait que l’ensemble des entiers Un langage est défini comme un ensemble
est infini. Ou encore, si l'on prend une phrase de phrases, fini ou infini. Mais, comme nous
du type : « J'ai dit à Jean de dire à Jacques l'avons dit, cet ensemble est infini dans tous
de dire à... qu’il faut écrire cet article », on les langages naturels, contrairement à certains
peut insérer des éléments supplémentaires en langages artificiels.
nombre théoriquement illimité à la place des La compétence, cette capacité virtuelle de
points de suspension, sans que la phrase cesse produire ou de comprendre un nombre indé¬
jamais d'être une phrase française bien for¬ fini de phrases de la langue, opère au moyen
mée, c'est-à-dire « grammaticale ». Pratiquement, de mécanismes généralement inconscients. Mais
il y a bien une limite supérieure au nombre elle peut s'objectiver sous forme de jugements
d’insertions que l’on peut effectuer, mais cette de grammaticalité, qui font appel à une sorte
limitation provient de facteurs extra-linguisti¬ d’intuition linguistique chez le sujet parlant,
ques tels que le champ d’appréhension mné¬ indiquant si la phrase est « correcte » (pour¬
monique des interlocuteurs ou leur résistance rait appartenir à la langue) ou « incorrecte ».
à la fatigue. Même du point de vue psycholo¬ Le critère fondamental est donc celui d’appar¬
gique, ces facteurs limitatifs sont cependant tenance ou non-appartenance d'une phrase à la
à placer sur un tout autre plan que la com¬ langue, critère très différent de celui de la lin¬
pétence linguistique proprement dite. L’un des guistique structurale où le test opératoire de
points essentiels que les théoriciens de la départ est en relation avec la fonction de
grammaire générative ont posés en principe communication du langage.
est justement la priorité de l'élaboration d’un Chomsky (1957) fait remarquer que la gram¬
modèle de la compétence du sujet parlant ; maticalité est indépendante de la signification
le modèle de la performance (modalités de ou de l'absence de signification, ainsi que de
l'utilisation que font les sujets de leur com¬ la probabilité d'apparition des phrases dans
pétence) ne pouvant être étudié qu’ensuite. un corpus. Ainsi, dans l'exemple célèbre :
Pour en revenir à la langue artificielle de 1. Colorless green ideas sleep furiously
Carroll, on voit qu’une interprétation directe
. Furiously sleep ideas green colorless
de l' incertitude » (de l’entropie) en termes l’intuition linguistique d'un anglophone indique
psychologiques n'est absolument pas valable immédiatement que 1. est grammatical alors
pour analyser le comportement de sujets ma¬ que 2. ne l'est pas, bien que les deux phrases
niant une langue naturelle, sauf si cette lan¬ n’aient aucun sens (1) et qu’elles aient l’une
gue naturelle est arbitrairement réduite, dans comme l’autre une probabilité d’occurrence
des cas particuliers, à un nombre fini de mes¬ quasi nulle.
sages. (Ainsi, le nombre de commandements
que peut donner un officier à ses soldats La grammaire générative a donc pour pre¬
pendant une parade militaire — « repos », mier but de « simuler » ce sentiment linguis
« garde à vous », « demi-tour », etc. — est fini,
mais si l’on peut dire que l’officier parle (1) Les exemples cités dans ce paragraphe, ainsi
français on ne peut pas dire en revanche que que la terminologie française, sont empruntés à
l’ensemble de ces commandements constitue l’ouvrage de N. Ruwet (1967).
la langue française.) (1) Jakobson (1963), commentant cet exemple,
On voit donc qu'un modèle trop limité peut montre que la phrase 1) n’est pas, en fait, dénuée
suggérer des notions psycholinguistiques qui de signification. Il s’est même trouvé quelqu’un
ne vaudront à leur tour que pour certains com¬ pour écrire un poème dont cette phrase est le
portements verbaux très particuliers. Nous pré¬ premier vers. Mais cela signifie seulement que l’on
ciserons ci-dessous en quoi le modèle linguis¬ peut toujours assigner une signification — fût-elle
tique peut être trop limité : on pourrait mon¬ quelque peu € déviante » — à toute phrase gramma¬
trer dans le cas présent que le langage artifi ticale. Dans le cas présent, on a l’impression que
fiel que l’on a décrit repose sur un modèle certaines contraintes sémantiques ont été outrepas¬
équivalent à un « automate à états finis » sans sées — ce qui produit un effet poétique — alors
composante récursive. que les contraintes grammaticales ont été respectées.
C. JAKUBOWICZ, J. SEGUI, JM. PETERVALVI : L’UTILISATION DES THEORIES LINGUISTIQUES 687

tique d'appartenance à la langue, au moyen sus des symboles dans lesquels il a été ré¬
d’un système formel comportant un nombre écrit (voir figure 1). Cet arbre est le descrip¬
fini de règles, composées d’un nombre fini teur de la phrase engendrée. Une grammaire
de symboles, mais capable d’engendrer un nom¬ satisfaisante doit assigner à chaque phrase
bre infini de phrases grammaticales. un descripteur faisant apparaître les simili¬
Il existe des mécanismes génératifs qui sont tudes syntaxiques et aussi les dissemblances
inadéquats de ce point de vue parce qu'ils sous-jacentes aux cas d’ambiguïté syntaxique.
n'engendrent qu’un sous-ensemble de l’ensem¬ Figure 1
ble infini des phrases grammaticales. (On dit
qu’ils sont « déficients en capacité générative
faible ».) Tel est le modèle de l’automate à p
états finis : on a n états ordonnés de la ma¬
chine qui émet un symbole en passant d'un
état à l'état suivant, ce passage pouvant s’ef¬
NP VP
fectuer par une ou plusieurs voies à chaque
fois (on peut aussi assigner des probabilités
aux différents modes de passage d'un état à
A /\
l'état suivant). Or, on a pu démontrer qu’il T N verbe NP
est impossible pour ce modèle d'engendrer
toutes les phrases d’une langue naturelle. Il I I I A
existe certaines théories linguistiques qui sont the man hit T N
inadéquates justement parce qu’elles se ramè¬
nent à un modèle à états finis.
the ball
La solution retenue en 1957 par Chomsky
comprend deux composantes : C’est ainsi qu'à la phrase :
1° le modèle syntagmatique, 2° le modèle « L’homme reçoit le livre du garçon »
transformationnel. une grammaire syntagmatique adéquate pour
Une grammaire syntagmatique est composée le français fait correspondre deux descrip¬
d'un ensemble de règles de réécriture de la teurs, l’un rendant compte de l'interprétation
forme : a - > b ( a est réécrit b »). « l’homme reçoit le livre appartenant au gar¬
• Exemple 1 (Ruwet). çon » et l’autre de l’interprétation « l'homme
Soit un langage artificiel, défini par l’en¬ reçoit le livre que le garçon lui a donné ».
semble des phrases qui en font partie : La compétence des sujets parlants autorisant
L = { ab, aabb, aaabbb... } l’une ou l'autre de ces interprétations, un mo¬
où les phrases contenant n occurences de a dèle de la compétence doit en effet les diffé¬
suivies de n occurrences de b sont seules rencier.
considérées comme « grammaticales ». C’est un On a démontré qu’une grammaire syntagma¬
ensemble fini de phrases. tique est effectivement capable d'énumérer
Une grammaire G contenant deux règles de toutes et rien que les phrases d’une langue
réécriture : naturelle, à condition qu’elle contienne des
G: 1° P —» ab règles récursives et aussi des règles dépen¬
2° P - » aPb dantes du contexte de la forme :

est capable d'énumérer toutes et rien que les a- »b/-x


phrases de L. Par exemple, la phrase a b sera a- > b/x
engendrée en appliquant une fois la règle 1° ; a est réécrit b s'il est suivi (ou précédé de x.
la phrase aabb en appliquant une fois la rè Cependant, une telle grammaire serait très
ble 2° puis une fois la règle 1°, etc. compliquée et, surtout, elle ne satisferait pas
On remarquera que le symbole P figure entièrement à l'exigence de produire un en¬
dans G à la fois à gauche et à droite de la semble de descripteurs qui rendent compte
flèche. Un tel symbole est dit récursif et c’est exactement du « sentiment linguistique ». L'in¬
seulement si la grammaire contient au moins troduction de la composante transformation
un symbole récursif qu’elle est capable d’en¬ nelle remédie à ces défauts.
gendrer un ensemble infini de phrases. Les transformations opèrent sur des suites
• Exemple 2 (Chomsky, 1957). de symboles dont l’histoire dérivationnelle est
Les six règles suivantes : connue, c'est-à-dire sur des suites auxquelles
1° P — NP + VP
2° NP - >T + N (1) Les symboles P, NP, VP, etc... désignent en
3° VP - > verbe + NP abrégé des catégories grammaticales (P = phrase ;
4° T - » the NP = « noun phrase » = syntagme nominal,
5° N - » man, ball, etc. VP = «verbe phrase» = syntagme verbal, etc...).
6° Verbe - » hit, book,
etc. Mais il est évident que la signification de ces
constituent une grammaire capable d’engen¬ abréviations ne joue aucun rôle dans le fonction¬
drer des phrases du type : « The man hit the nement de la grammaire syntagmatique donnée ici
bail» (1). en exemple. Les règles de réécritures fonctionne¬
La dérivation peut être représentée au moyen raient exactement de la même manière si l’on avait
d'un arbre où chaque symbole figure au-des¬ appelé ces symboles x, y, z...
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on peut déjà associer un descripteur syntag la grammaticalité mais aussi l’acceptabilité. Ce


matique. Les opérations qui constituent une concept a l'avantage d'être plus facilement
transformation sont notamment : suppression, opérationnalisable en psychologie expérimen¬
addition, permutation, substitution de symbo¬ tale, sans que l’on ait besoin nécessairement
les. de recourir à l’intuition du sujet parlant : on
L'ensemble de la grammaire générative trans peut considérer qu’un énoncé est d'autant plus
formationnelle fonctionne alors de la manière acceptable qu’il est mieux perçu, mieux com¬
suivante : pris, mieux retenu. L’un des facteurs de l’ac¬
La composante syntagmatique engendre des ceptabilité est précisément la grammaticalité,
suites syntagmatiques-terminales. A celles-ci, mais ce n'est pas le seul : un énoncé qui con¬
on applique ensuite : soit, 1° des transforma¬ tient cinquante propositions subordonnées peut
tions « obligatoires », soit 2° avant les trans¬ être parfaitement grammatical mais il aura
formations obligatoires, une ou des transfor¬ assez peu de chances d'être compris dans les
conditions habituelles.
mations « facultatives ». Dans le premier cas,
on obtient des phrases nucléaires (dites phra¬
Or, l'acceptabilité ne peut pas être formulée
ses K, de Kernel). La grammaire est élaborée
en termes grammaticaux : on ne peut pas
de telle sorte (car c'est la solution optimale)
construire de grammaire qui engendrerait tou¬
que les phrases nucléaires sont des phrases
affirmatives actives.
tes et rien que les phrases acceptables d'une
langue. En effet, l'acceptabilité dépend de nom¬
Dans le deuxième cas, on peut obtenir tou¬ breux facteurs extra-linguistiques, dont certains
tes les autres phrases (non nucléaires) de la sont inconnus.
langue (1).
Exemple : La transformation passive en fran¬ Chomsky (1965) a donné quelques sugges¬
çais, selon Ruwet, se formule de la façon sui¬ tions pour l'élaboration d'un modèle de la
vante : performance. Celle-ci devrait commencer, selon
T passif :
lui, par la recherche de l'acceptabilité des
12 3 4 structures formelles les plus simples engen¬
a) NS-AUx-Vt-SN drées par le modèle linguistique. C’est ainsi
b) 1-2-3-4 - > 4-2 + être + PP — 3 — par + 1 qu'il existe différentes structures d'arbre qui
a) représente la forme que doit nécessaire¬ ont un degré de complexité équivalent mais
ment avoir la suite syntagmatique-terminale qui correspondent visiblement à des phrases
pour que cette transformation puisse lui être plus ou moins acceptables.
appliquée. Si l'on applique directement à a)
les règles lexicales et les transformations obli¬ (1) Nous nous en tenons ici à la première for¬
gatoires appropriées on obtient : « Pierre a mulation de la grammaire générative exposée par
frappé Paul ». Si l'on fait d'abord la transfor¬ Chomsky en 1957, étant donné que c’est à partir
mation facultative, on obtient : « Paul a été de cette première version que la plupart des
frappé par Pierre ». expériences de psycholinguistique ont été faites.
Une transformation donnée ne peut s’appli¬ Mais dans son second exposé, Chomsky (1965)
quer qu'à certaines suites, telles que a), dont considère que la partie syntagmatique de la gram¬
la structure syntagmatique est spécifiée. Chom¬ maire ne comporte pas de règles lexicales (comme
sky (1957) définit une famille de transforma¬ les règles 4, 5 et 6 de l’exemple 2 ci-dessus), mais
tions comme l'ensemble des transformations uniquement des règles catégorielles! comme les rè¬
qui peuvent s'appliquer à une suite de struc¬ gles 1, 2 et 3 de l’exemple 2).
ture donnée. C'est ainsi qu’en anglais les trans¬ Les règles syntagmatiques engendrent alors des
formations passive (P), interrogative (I) et suites préterminales qui comprennent uniquement
négative (N) s'appliquent à des suites de même des morphènes grammaticaux et des éléments «pos¬
structure et forment donc une famille. Ceci tiches» indiquant les positions où seront insérées
rend compte de la parenté entre ces trois les unités lexicales ; le lexique étant conçu comme
formes que ressent intuitivement le sujet par¬ un ensemble non ordonné de traits phonologiques,
lant. sémantiques et syntaxiques.
On peut aussi appliquer plusieurs transfor¬ Les règles qui insèrent ces unités lexicales 6ont
mations facultatives avant de faire intervenir formellement des transformations (opérations de
les transformations obligatoires. C'est ainsi que substitution).
la grammaire peut engendrer des phrases IP, Dans cette conception générale de la grammaire,
IN, NP et IPN. Un grand nombre d’expériences on considère finalement que la représentation syn¬
psycho-linguistiques — dont nous citons quel¬ taxique d’une phrase comprend deux parties dis¬
ques exemples ci-dessous — ont utilisé cette tinctes :
famille de transformations IPN. 1°) une
structure profonde, représentée par l’en¬
III. — IMPLICATIONS PSYCHOLOGIQUES semble des indicateurs syntagmatiques sous-jacents,
DE LA GRAMMAIRE GENERATIVE et qui est seule pertinente pour l’interprétation sé¬
mantique de la phrase ;
a) CONSTRUCTION D’UN MODELE 2°) une structure superficielle, représentée par
DE LA PERFORMANCE. l’indicateur syntagmatique dérivé final, qui n’est
Pour élaborer un modèle de performance, pertinente que pour l’interprétation phonétique de
le critère de départ doit être non seulement la phrase.
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Notamment, si l’on compare les arbres de sont si peu acceptables ne s’explique pas par
type I, II et III (voir la figure 2) où l'élé¬ une simple limitation de la mémoire. L'expli¬
ment A est dit « récursif à gauche » en I, ré¬ cation proposée serait du type suivant : « Le
cursif à droite » en II et « auto-enchâssant » mécanisme perceptif a un stock de procédures
en III, on voit que les arbres de type I et II analytiques à sa disposition, dont chacune cor¬
décrivent des phrases beaucoup plus accepta¬ respond à chaque type de construction linguis¬
bles ( Le fils du frère du père du garçon » ; tique, et... il est organisé de telle façon qu'il
« Le chien qui a chassé le chat qui a tué le est incapable (ou qu’il trouve difficile d'uti¬
rat qui a mangé le fromage ») que les arbres liser une procédure donnée quand il est déjà
de type III ( Le rat que le chat que le chien engagé dans l’exécution de cette même procé¬
a cassé a tué a mangé le fromage ») (Ruwet). dure » (Chomsky, 1965, traduit et cité par
Or, le fait que les phrases auto-enchâssantes Ruwet).

Figure 2

II III

A A
/\
B A

A
A

En fait, la plupart des recherches psycholin¬ lisé des variables tantôt mnémoniques, tantôt
guistiques n'ont pas exactement suivi cette voie perceptives, ou encore le temps de produc¬
(sauf, notamment, celle de Miller et Isard, tion de phrases par les sujets.
1964, citée plus loin).
1. Expériences sur les aspects psychologi¬
L’élaboration d’un modèle de performance ques des transformations de la famille
devrait à un certain moment se subdiviser
IPN.
en deux : la performance du locuteur et celle
du récepteur dépendent certainement de fac¬ Miller, McKean et Slobin (1962) font l'hypo¬
teurs partiellement différents puisque des pro¬ thèse que la difficulté relative pour produire
cessus psychologiques différents sont mis en des changements systématiques dans la struc¬
œuvre à l'audition et à la production. Mais ture des phrases (par exemple, pour passer
beaucoup de chercheurs se sont bornés à 4é de la phrase K à la phrase négative) peut être
calquer pour le modèle de la performance une prévue comme étant une fonction de la com¬
partie du modèle de la compétence : on cher¬ plexité transformationnelle du changement. Il
che alors à étudier les facteurs de la perfor¬ s'agit d'une expérience d'appariement de phra¬
mance qui sont en commun avec le modèle ses : chaque type de phrase d'un sous-ensem¬
de compétence (et qui, dans ce dernier, sont ble de la famille IPN devrait être apparié avec
neutres par rapport à la distinction émetteur sa contrepartie (ce qui signifierait en fran¬
récepteur, mais qui peuvent ne pas l'être au çais, étant donné la phrase : « La fille regarde
niveau de la performance). le train », trouver parmi une liste de phrases
présentées par ailleurs sa contrepartie passive,
b) QUELQUES EXEMPLES par exemple : « Le train est regardé par la
EXPERIMENTAUX. fille »). L'indice expérimental était le temps
de réaction nécessaire pour réaliser les dif¬
Les expériences inspirées par le modèle de férents appariements.
la grammaire générative sont déjà très nom¬ Les résultats ont montré que, là où il s'agit
breuses et nous ne citerons ici que quelques d’apparier deux phrases qui diffèrent — d'après
unes d'entre elles. Nous les présentons suivant le modèle grammatical — par plus d'une
un critère de classification strictement linguis¬ transformation, le temps nécessaire à l’appa¬
tique et non selon l’indice comportemental riement est plus long que lorsqu'il s’agit d’ap¬
étudié. Par exemple, nous considérerons comme parier deux phrases qui diffèrent par une
un tout les expériences concernant les impli¬ transformation unique.
cations psychologiques de l'existence d’une fa¬ Miller et McKean (1964) refont l'expérience
mille IPN, bien que ces expériences aient uti¬ précédente en modifiant la technique expéri
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mentale afin d'éliminer les variations de temps La relation entre la forme du stimulus et
dues à la recherche de la réponse parmi les l’erreur en rappel est donc caractérisable dans
réponses possibles de la liste. Les résultats le cadre du modèle transformationnel. On peut
sont les mêmes que précédemment, sauf que admettre que les phrases K sont psychologi¬
l'on observe un changement de l'ordre des quement les plus « simples », ce qui corres¬
temps de réaction à l'intérieur de la catégorie pondrait au fait qu'elles sont nucléaires dans
de paires comprenant une seule transforma¬ la grammaire.
tion. Les différences trouvées entre ces deux
Pour rendre compte de ce résultat, Mehler
expériences ne sont pas expliquées. a émis une hypothèse connue sous le nom
Mehler (1963) a construit des phrases-stimu¬ d’ hypothèse de codage », suivant laquelle,
lus de huit sortes : phrases nucléaires et trans¬ quand le sujet mémorise une phrase, il la
formées de la famille IPN qu’il représente décompose en la phrase K sous-jacente, d’une
dans une figure (voir figure 3) où chaque part, et en la ou les transformations appro¬
paire d’éléments reliés par un trait ne diffère priées, d'autre part, et qu’il la stocke sous
que par une transformation donnée. cette forme. De là proviendrait une certaine
FIGURE 3 indépendance du sémantique et du syntaxique
dans la rétention mnémonique : on a l'occa¬
sion d’observer quotidiennement qu’il est beau¬
coup plus facile de se rappeler le sens d'un
énoncé que la forme exacte sous laquelle il
a été émis (1).
Savin et Perchonock (1965), à l'aide d'une
technique expérimentale particulière, essaient
de mesurer l'espace occupé dans la mémoire
immédiate par chaque type de phrase de la
famille IPN.

Les stimulus comprennent aussi des phrases


obtenues par la « transformation emphatique »
et par la « transformation Wh », cette der¬
nière engendrant des phrases du type : « Who
hit the ball ? ».

Dans cette recherche, il est sous-entendu


Il y a huit blocs de huit stimulus et on que la mémoire immédiate a une capacité
demande au sujet de rappeler les phrases fixe et que la place occupée dans la mémoire
après la présentation de chaque bloc. Les va¬ par une phrase donnée peut être estimée à
riables dépendantes sont : le nombre de ré¬ partir du nombre d'éléments additionnels (ici,
ponses correctes, le nombre d'erreurs syntaxi¬ des mots isolés) que l’on peut retenir en plus
ques et le nombre d’erreurs sémantiques. On de la phrase. L'hypothèse de travail est que
constate que les phrases K sont les plus fa¬ les phrases qui sont produites par deux trans¬
cilement apprises. Cependant, les éléments fi¬ formations occupent un plus grand espace de
gurant sur une même ligne de la figure 3 mémoire que les phrases impliquant une seule
peuvent différer entre eux bien que présen¬ transformation. Les résultats s’accordent avec
tant le même nombre de transformations :
cette hypothèse.
c'est ainsi, par exemple, que les phrases P sont Jakubowitz (sous presse) demande aux su¬
systématiquement mieux apprises que les phra¬ jets de produire une phrase qui résulte d’une
ses I. Ceci suggère que les transformations transformation de celle qu'on lui présente. On
devraient peut-être posséder des « poids diffé¬ étudie la difficulté de passage d'une phrase K
rents » dans un modèle adapté aux processus (affirmative-active) aux autres formes de la
mnémoniques. famille IPN. La variable dépendante est le
L'analyse des erreurs montre que les erreurs temps de réaction verbale, supposée être une
syntaxiques sont plus fréquentes que les er¬ fonction de la « complexité psycholinguistique »
reurs sémantiques. Les erreurs syntaxiques de la transformation demandée ; complexité
sont dans la majorité des cas des simplifica¬ qui est caractérisée a posteriori par les con¬
tions du point de vue transformationnel : la cepts de « poids transformationnel » et d'in¬
matrice de confusion montre que les réponses certitude.
tendent à se « rapprocher » de K par rapport Les stimulus sont dix phrases de la forme :
à la position du stimulus parmi les huit for¬ SN sujet - Verbe transitif présent - SN com
mes.

(Mais Clifton et Odom (1966) ont réinter¬ (1) L’hypothèse du codage peut être reformulée
prété les données de Mehler en utilisant un dans les termes suivants, compatibles avec la deuxiè¬
autre type de traitement statistique) ; ils ont me formulation de Chomsky (1965) : La phrase est
abouti à des conclusions différentes quant au représentée en mémoire sous la forme de sa struc¬
rôle de la variable « nombre de transforma¬ ture profonde, avec d’autre part les spécifications
tions ». Cette interprétation fait plutôt inter¬ nécessaires pour la dérivation de la structure de
venir des facteurs d'ordre sémantique.) surface considérée.
C. JAKUBOWICZ, J. SEGUI, JM. PETERVALVI : L’UTILISATION DES THEORIES LINGUISTIQUES 691

plément d'objet ; le SN sujet ayant toujours appuyant sur des boutons. Il y a cinq grou¬
le trait sémantique « animé » et le SN objet pes de sujets de différents âges.
le trait « inanimé ». On constate que le modèle transformation¬
Les résultats font apparaître un semi-ordre nel rend compte des temps de réponse en
constitué de la façon suivante : fonction de la forme grammaticale :
PN N P<P IPN I<PI IN K < P < N < PN
On voit que le nombre de transformations Le fait qu’on ait P < N peut être interprété
ne suffit pas à lui seul à rendre compte du comme étant dû à des « poids » transforma
résultat. On a donc fait intervenir d’autres tionnels différents (voir aussi Gough, 1965, qui
hypothèses explicatives : notamment, pour a obtenu le même résultat).
expliquer que la transformation I est plus Mais on constate aussi que les facteurs non
longue que les transformations N et P, on a grammaticaux sont en interaction avec le fac¬
introduit un concept d'incertitude ; l'incerti¬ teur grammatical. Lorsque les actions sont
tude serait la plus grande pour I, à la fois non réversibles (par exemple une fille arro¬ :
pour des raisons de fonction de l'interrogation sant des fleurs), le facteur grammatical a
et de variabilité de la forme. D'autre part, on moins d’influence : les phrases P deviennent
peut trouver dans le modèle de compétence aussi faciles que les K, et les PN aussi faciles
lui-même une explication de ce fait. En effet, que les N. On constate également que le mo¬
d'après les descriptions transformationnelles dèle de compétence en soi ne rend pas compte
du français (Largactier, 1965 ; Ruwet, 1967), de l'interaction observée entre les facteurs « vé¬
un plus grand nombre d'opérations élémen¬ rité » et « affirmation » ; il est plus facile de
taires interviennent dans la transformation I
comprendre l'affirmation de quelque chose de
que dans N ou dans P ; le « poids transforma vrai que la négation de ce qui est faux. Les
tionnel » serait plus grand pour la transfor¬ K vraies sont les plus faciles et les N vraies
mation interrogative. les plus difficiles.
2. Expériences sur la famille IPN introdui¬ Bien que l'introduction de variables non lin¬
sant des variables extérieures au modèle guistiques soit nécessaire pour la construction
transformationnel. d'un modèle de la performance, l'interpréta¬
L’intérêt de ce genre d'expériences vient du tion de ce genre d’expériences est en fait plus
fait que l'on recourt à des variables n’entrant difficile que celle des expériences du premier
pas dans le modèle de compétence, mais que type. En effet, il n'existe pas de modèle de
l'on devrait probablement intégrer à un mo¬ la performance dont l’élaboration soit déjà
dèle de la performance : ainsi, des variables aussi avancée que celle du modèle de la com¬
« pragmatiques » comme la vérité ou la faus¬ pétence. Ces expériences se limitent à fournir
seté d'un énoncé par rapport au référent ex¬ des renseignements nécessaires à l'élaboration
tra-linguistique. future du modèle de la performance.
McMahon (1963) présente aux sujets une En général, les expériences utilisant les trans¬
formations IPN révèlent donc une certaine
phrase K, N ou P ; la tâche étant d’appuyer
sur un bouton pour dire si la phrase est vraie relation entre la complexité transformation
ou fausse. nelle — d’ordre linguistique — et les variables
Les résultats montrent qu'il faut plus de psychologiques étudiées. Cependant, il ne s'en¬
temps pour juger la vérité d’une phrase N suit pas nécessairement que la complexité
que pour le faire d’une phrase K ou P. transformationnelle correspond dans tous les
cas — notamment en dehors de la famille
Slobin (1966) a introduit des situations ré¬
férentielles sous la forme de stimulus pictu¬ IPN — à la complexité psychologique.
raux représentant différents types d'action. Le Toutes ces expériences semblent pouvoir
phénomène étudié est la compréhension de être soumises à une critique générale, rela¬
phrases en relation avec ces images, cette com¬ tive au manque de contrôle d’un certain
préhension étant décelée par le temps de nombre de variables telles que la fréquence
réaction et le nombre de réponses correctes d’usage des différentes formes grammaticales,
lorsqu’on demande aux sujets de décider si la longueur des phrases, la familiarité de cer¬
une phrase est vraie ou fausse par rapport tains énoncés, etc. Beaucoup de recherches ont
à l’image présentée. cependant montré le rôle déterminant de tel¬
Le matériel est constitué de deux types de les variables.
dessins : scènes à action réversible ou irréver¬ En relation avec cette critique, on peut faire
sible. D’autre part, les phrases associées à cha¬ les remarques suivantes :
que stimulus pictural peuvent être classées 1° Comme il s'agit ici de stimulus linguis¬
selon les critères suivants : tiques qui ne peuvent pas être manipulés
— Vérité : vrai - faux. librement par l'expérimentateur, il est presque
— Affirmation : affirmatif - négatif. toujours impossible de faire un plan d'expé¬
— Forme grammaticale : K - P - N - PN. rience équilibré. Par exemple, on ne peut dis¬
— Réversibilité : réversible - non réversible. socier complètement les variables « complexité
— Normalité : sujet de l’action probable - transformationnelle » et « longueur des phra¬
improbable. ses » parce qu'une phrase passive est tou¬
Les sujets répondent « vrai » ou « faux » en jours plus longue qu’une phrase active.
692 BULLETIN DE PSYCHOLOGIE

2° Mais, malgré cela, on peut constater dans va interférer avec la perception de la phrase
un certain nombre de cas que la puissance test, non congruente avec cette attente.
prédictive du modèle transformationnel est Les résultats montrent que pour les deux
plus grande que celle des autres variables cas (listes a et b) les scores de reconnaissance
qui ont pu agir également. Par exemple, dans sont plus faibles pour les phrases « non con¬
l'expérience de Savin et Perchonock (1965) la gruentes » que pour les phrases congruentes
variable « longueur » aurait prédit une cer¬ introduites à titre de contrôle. Les différences
taine partie des résultats obtenus mais n’au¬ sont plus importantes dans le cas des listes b
rait pas expliqué que les phrases Wh (du type : (quand les structures profondes et superficiel¬
« Who comes ? » occupent plus de place dans les diffèrent toutes deux) que dans le cas
la mémoire immédiate que les phrases K des listes a (où la phrase-test diffère seule¬
(du type : « The man comes ») alors que les ment par sa structure profonde).
phrases K sont toujours plus longues que Fodor et Bever (1965) ont également mis
les phrases Wh. en évidence le rôle des structures de surface
3° Même si nous nous plaçons dans le cas dans la perception.
hypothétique où les variables de longueur, de Blumenthal (1967) présente deux listes de
familiarité, etc., auraient une puissance pré¬ phrases de même structure de surface mais
dictive équivalente à celle du modèle trans¬ qui diffèrent par leurs structures profondes.
formationnel, on pourrait se poser la question Lors du rappel de ces phrases, on fournit au
suivante : Alors que l’on n'en est pas encore sujet des « indices » pour l’aider ; ces « indi¬
au stade de l’explication causale, est-il plus ces » sont des mots qui occupent dans la struc¬
fécond pour la recherche d'attribuer une va¬ ture de surface des phrases la même place,
leur explicative à un amas de variables dont mais diffèrent dans leurs rapports profonds
les relations sont inconnues ou bien à un avec le reste de la phrase. Tantôt, le mot
modèle dont la structure logique est connue ? « indice » est le sujet logique de la phrase,
tantôt il fait partie d’un modificateur adver¬
3. Expériences «directes» destinées à met¬ bial :
tre en évidence la réalité psychologique
des structures profondes. Exemple :
gloves were made by tailors
Mehler et Carey (1967) ont tenté de mettre gloves were made by hand.
en évidence le rôle des structures de phrases
sur la perception. Ils ont construit deux lis¬ On montre que les noms-sujets facilitent
tes de phrases a qui possèdent la même « struc¬ mieux le rappel de la phrase que les noms
modificateurs adverbiaux.
ture de surface » mais qui n’ont pas la même
structure de base : Blumenthal et Boakes (1967) ont obtenu le
même résultat avec un matériel linguistique
Exemple : différent.
ai : They are delightful to embrace La théorie transformationnelle a donné lieu
aa : They are hesitant to travel par ailleurs à une série de recherches concer¬
et deux autres listes b qui ne possèdent pas nant l’acquisition du langage.
la même structure de surface (et qui, donc, Il ne s’agit plus alors de tester simplement
nécessairement, n’ont pas non plus la même la réalité psychologique de telle ou telle com¬
structure profonde). posante du modèle linguistique ni d'en déduire
Exemple : certains aspects du comportement verbal de
bi : They are forecasting cyclones l'adulte. La question nouvelle qui se pose est
b2 : They are conflicting desires. celle-ci : si Ton admet que l’acquisition du
En a, nous avons deux phrases qui possè¬ langage est équivalente à l'acquisition d’un
dent la même structure selon une analyse en système de règles d'engendrement, dans quel¬
constituants immédiats, mais qui diffèrent par les conditions cet apprentissage peut-il se faire
les rapports « profonds » entre les termes de et quelles sont les théories psychologiques de
l'énoncé (They est le complément du verbe l'apprentissage qui sont capables de rendre
en ai et le sujet du verbe en a2). compte de la genèse d’un mécanisme généra
En b, les deux phrases diffèrent déjà sui¬ tif ?
vant une analyse en constituants immédiats
(exemple : « are forecasting » est une unité III. — L’ACQUISITION DU LANGAGE
tandis que « are conflicting » n’en est pas une). ET LA THEORIE
La technique expérimentale consiste à déter¬ DE LA GRAMMAIRE GENERATIVE
miner chez le sujet une attitude d'attente spé¬
cifique par la présentation d'une liste de dix Chomsky considère que l'enfant possède une
phrases homogènes du point de vue syntaxi¬ capacité innée pour acquérir le langage ; cette
que.
capacité serait liée aux caractéristiques biolo¬
A la fin de chaque liste de phrases de type giques de l’être humain et elle se manifeste¬
ai ou bi, on présente une phrase-test de type rait sous la forme des universaux linguisti¬
ques.
a2 ou b2, la phrase-test étant masquée par un
bruit blanc. On mesure le score de perception, Le problème posé à l’enfant qui doit ap¬
pour montrer que l’attente particulière d'une prendre le langage va être envisagé comme
structure profonde ou superficielle déterminée étant similaire à celui du linguiste qui éla
C. JAKUBOWICZ, J. SEGUI, JM. PETERVALVI : V UTILISATION DES THEORIES LINGUISTIQUES 693

bore une grammaire ; dans les deux cas, il Pour McNeill, la solution envisagée consiste
consiste à déterminer, à partir des données à penser que ces structures profondes sont
apportées par la « performance », le système constituées en grande partie par des univer¬
de règles sous-jacent qu’un sujet doit con¬ saux linguistiques dont l'enfant posséderait
naître pour être capable d’émettre et de com¬ une connaissance innée.
prendre un nombre indéfini d'énoncés. Ce¬ Afin de tester la validité de son hypothèse,
pendant, si le problème est similaire, les McNeill (1966, a, b) va contrôler si les rela¬
moyens dont les sujets disposent pour le ré¬ tions grammaticales de base, qui sont définies
soudre ne sont pas les mêmes. comme étant des configurations de la struc¬
Le linguiste va utiliser dans ce but non seu¬ ture profonde, vont être manifestées d’une ma¬
lement les données directes de la performance, nière « directe » dans les premiers énoncés de
c’est-à-dire les énoncés linguistiques recueillis, l’enfant. Les énoncés qui reflètent ceci sont
mais, en plus, il va recourir à l'intuition lin¬ appelés des « énoncés admissibles ». Un exemple
guistique des sujets (et à sa propre intuition) de manifestation directe peut être la séquence
pour « tester » la validité de ses constructions. N + V ( Adam run ») qui correspond à la re¬
L’intuition linguistique est ainsi censée reflé¬ lation sujet-prédicat ; une combinaison non ad¬
ter la « compétence » linguistique des sujets. missible peut être la séquence P + P (my that).
L’enfant, par contre, ne dispose que d’un En analysant 400 énoncés d'un enfant (An¬
échantillon réduit des données de performance glais), McNeill trouve qu’ils sont tous du type
et en conséquence il doit posséder une autre « admissible ». La corroboration des prévisions
méthode qui lui permettra de tester ses hy¬ faites à partir de l'hypothèse est assez specta¬
pothèses sur la grammaire sous-jacente à la culaire si l'on considère que seulement 4 des
langue considérée. D’autre part, le linguiste 9 combinaisons possibles de 2 mots et 8 des
qui construit un modèle de la compétence doit 27 combinaisons possibles de 3 mots sont du
compter en outre avec une « théorie linguis¬ type « admissible » (les mots peuvent appar¬
tique » qui va déterminer la forme possible tenir à trois classes : N, V et P). Deux autres
d’une grammaire et qui va permettre, par ail¬ analyses faites sur les premiers énoncés de
leurs, de choisir parmi ces grammaires pos¬ deux autres enfants de langues différentes
sibles celle qui correspond à une langue don¬ (russe et japonais) sont aussi en accord avec
née, c’est-à-dire celle qui est « consistante » ces prévisions.
avec les données de la « performance ». Une Fodor (1966), pour sa part, considère que
telle théorie linguistique doit être basée sur l’enfant ne possède pas le genre d'information
l’existence d’un certain nombre d’universaux structurelle postulée par McNeill mais plu¬
du langage. tôt qu’il est équipé d’un certain type de mé¬
La solution proposée par Chomsky dans le canisme ou de règles d’inférence qui vont lui
cas de l’enfant est de penser que celui-ci pos¬ permettre de déterminer les structures pro¬
sède une connaissance innée de ces univer¬ fondes de phrases à partir des données de la
saux, c'est-à-dire une connaissance implicite performance.
de toutes les caractéristiques spécifiques de D'après cette hypothèse, les universaux lin¬
la compétence qui ne peuvent pas être appri¬ guistiques sont le « résultat » d’une compé¬
ses à partir des données de la performance. tence cognitive intrinsèque plutôt que le
Le rôle de ces derniers sera principalement « contenu » de cette compétence.
de « guider » ou « d’aider » l’enfant dans son Le genre d’information linguistique possédé
choix d’une grammaire qui lui soit « consis¬ par l'enfant est celui qui est nécessaire pour
tante ». procéder à l’induction des structures profon¬
Cette théorie, nettement innéiste, peut ap¬ des.
paraître comme étant une « solution possible » Le point commun aux deux genres d’inter¬
au problème de l'acquisition des structures prétations exposées ci-dessus est donc de con¬
profondes. Les structures profondes sont, rap sidérer que l’acquisition des structures pro¬
pelons-le, nécessaires à l’interprétation séman¬ fondes du langage constitue le problème cen¬
tique des phrases et elles sont liées aux struc¬ tral posé à tout modèle de l’acquisition lin¬
tures superficielles par des rapports plus ou guistique. Une telle affirmation a été discu¬
moins complexes. tée par Braine (1965), qui soutient qu’il n’existe
Ce qu'il importe de remarquer est que ces pas d'évidence linguistique suffisante pour la
structures profondes des phrases ne sont iden¬ distinction entre structures profondes et struc¬
tiques à aucun type de phrase, mais elles tures superficielles (dans le cas des phrases
constituent des objets linguistiques d'un carac¬ Kernel). Cet auteur va redéfinir la notion de
tère plus abstrait. Le problème est donc de transformation grammaticale et, d'après cette
savoir comment un enfant est capable d'ac¬ nouvelle formulation, un type de phrase sera
quérir ces structures pour lesquelles il ne dérivé à partir d'un autre type de phrase et
possède pas de modèle explicite. non à partir d’une structure linguistique plus
Les théoriciens de l'acquisition du langage élémentaire, la structure profonde. La position
qui se sont inspirés des idées de Chomsky de Braine a été critiquée vivement par Bever,
ont considéré que la tâche principale à résou¬ Fodor et Weksel (1965, a, b).
dre sera de montrer comment ces structures Les travaux de Chomsky sur la grammaire
profondes ont été acquises. générative ont déterminé par ailleurs un re
694 BULLETIN DE PSYCHOLOGIE

nouveau des recherches réalisées sur les gram¬ propriétés formelles sont connues), on peut
maires du langage enfantin (sur ce point, voir avoir l’ambition de saisir le lien qui existe
en partie : Coyaud, 1966 ; Ervin-Tripp, 1966 ; entre ce modèle et la pratique expérimentale
McNeill, 1966 ; Menyuk, 1963-1964). en psychologie dans ses divers aspects : théo¬
Sur un autre domaine de recherche, Lenne¬ rique, méthodologique, interprétatif. Comme
berg (1967) a repris l'hypothèse d’une capa¬ nous avons tenté de le montrer dans les exem¬
cité innée pour le langage qui serait liée aux ples expérimentaux cités, le modèle génératif
caractéristiques biologiques de l'être humain. a pu orienter le choix des variables, a permis
Cet auteur soutient qu'une telle capacité est de fournir une description cohérente du ma¬
rendue possible grâce à l'histoire maturation tériel verbal utilisé et a inspiré également
nelle particulière à l'homme qui est une his¬ des hypothèses explicatives. Certaines proprié¬
toire « sui-generis » par rapport à celle des tés du modèle linguistique, comme sa « capa¬
autres primates. cité générative », peuvent être mises en rela¬
Comme nous avons cru le montrer à tra¬ tion avec des notions psychologiques comme
vers ce bref exposé, les hypothèses de la gram¬ la « créativité » : le fait qu'un sujet quelconque
maire générative se sont avérées grandement est capable de produire et de comprendre un
fécondes dans le domaine de l’acquisition du nombre indéfini de phrases a son répondant
langage. Cette fécondité est déterminée non dans les mécanismes récursifs du modèle lin¬
seulement par le nombre important de recher¬ guistique.
ches réalisées par les partisans de la gram¬ Cependant, ceci ne suffit pas à résoudre le
maire générative, mais aussi par le défi lancé difficile problème de la construction du mo¬
par Chomsky aux différentes théories de l’ap¬ dèle psychologique de la performance lin¬
prentissage du langage, d’orientation behavio¬ guistique.
riste ou constructiviste. Un tel défi a obligé Bien que la grammaire générative constitue
les psychologues à un travail d'élaboration in¬ sans doute la théorie linguistique la plus
terne qui ne peut être que positif (voir les « puissante » parmi celles qui ont cours de
récents travaux d'Osgood, 1968 ; Bresson, 1966 ; nos jours (la plus « puissante » : c’est-à-dire
Reber, 1967 ; etc.). celle qui peut traduire dans son système le
Nous renvoyons finalement le lecteur à une plus grand nombre de faits linguistiques) et
critique brillante des hypothèses de Chomsky que sa prise en considération par les psycho¬
(en particulier de celles qui ont trait aux logues ait produit des changements impor¬
aspects innéistes de cette théorie) réalisée par tants en psycholinguistique, on est encore très
Jean Piaget (1968), dans son ouvrage sur le loin de l’élaboration d’un modèle de perfor¬
structuralisme. mance proprement dit.
Comme nous l'avons remarqué, la corréla¬
tion entre la complexité transformationnelle
IV. — CONCLUSION
— d’ordre linguistique — et un certain nom¬
bre de variables psychologiques ne s’observe
Nous voudrions souligner, pour conclure, guère que dans la famille transformationnelle
certains problèmes — déjà évoqués dans ce IPN et, dans ce cas, les hypothèses énoncées
qui précède — qui nous semblent les plus par le psychologue sont fondées directement
importants. sur un « décalque » du modèle de la compé¬
Nous avons voulu montrer le rôle que peut tence.
jouer un modèle linguistique dans l'étude psy¬ Si, en revanche, on tente d'introduire des
chologique du langage. En fait, on peut sou¬ variables (variables « pragmatiques », par exem¬
tenir que toute expérience de psycholinguis¬ ple) qui ne relèvent pas du modèle de la
tique repose d'une certaine manière sur une compétence, les résultats deviennent très dif¬
conception ou une représentation de la lan¬ ficiles à interpréter. Dans leur domaine pro¬
gue, même si cette conception ou cette re¬ pre, les psychologues ont donc certainement
présentation n'est pas explicitée par le cher¬ un travail à accomplir : élaborer des modèles
cheur. Mais lorsque cette représentation prend compatibles avec ceux des disciplines voisines,
la forme d'un modèle linguistique (dont les en particulier de la linguistique.

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