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๒๕๕๘)
Jirawut Chaipet*
Résumé
Alors que la linguistique classique d’expliquer les faits linguistiques et de leur
étudie le symbole, le mot, la phrase donner du sens, utile dans un contexte
comme des unités isolées, la linguistique pédagogique ou de linguistique comparée.
pragmatique s’intéresse aux conditions Mots clés: analyse d’œuvre littéraire,
concrètes de production des énoncés en pragmatique, théorie des faces, actes de
interaction. Dire, selon l’expression d’Austin langage
traduite en français, c’est également faire,
car toute communication implique une Introduction: la linguistique
production d’actes de langage, valeurs pragmatique dans l’analyse
agissantes des énoncés. L’étude de “ce que littéraire: apports, enjeux.
l’on fait en disant” entreprise initialement L’idée de recourir à la pragmatique
sur la base de contextes conversationnels, linguistique réservée initialement aux
peut être étendue à d’autres corpus, productions orales, pour l’analyse des œuvres
littéraires en particulier, en raison de leur littéraires, est assez récente, cette dernière
exceptionnelle densité d’actes de langage. étant traditionnellement prise en charge par
La linguistique pragmatique peut offrir une étude macro sémantique (étude
un éclairage nouveau pour décoder les des significations, des référents), macro
interactions, analyser et expliquer les ressorts syntaxique (organisation des blocs
des répliques dans un théâtre aussi riche en fonctionnels), et une analyse psychologique
échanges conflictuels et en faits linguistiques, ou historique.
que L’Avare de Molière. En témoignent les éditions destinées
Après avoir défini cette notion d’acte aux jeunes apprenants, orientées sur le
de langage, nous nous intéresserons à la pourquoi et sur le comment:
manière dont les personnages construisent 1. En quoi cette scène est-elle importante
leurs relations en interaction, en empruntant pour l’action?
une grille tirée de la théorie des faces de 2. Quel trait du caractère d’Harpagon nous
Goffman, Brown et Levinson, enrichie par est confirmé ici?
Catherine Kerbrat-Orecchioni, qui montre 3. Pourquoi Harpagon a-t-il une aussi grosse
que les interactants dans tout contexte de somme d’argent chez lui?
communication, produisent un jeu de faces, (L’Avare, Classiques Hachette, 2005, p. 33)
au moyen de menaces et d’anti-menaces, La linguistique classique universitaire
qu’ils amplifient ou adoucissent au moyen quant à elle, aborde le texte littéraire
d’instruments bien définis. sous l’angle de l’étude de la situation
La linguistique pragmatique fournit d’énonciation et de la grammaire du récit
donc une boîte à outils très riche permettant (Maingueneau, 1993).
* Enseignant de français, Faculté des Humanités, Université de Chiang Maï
Bulletin de l’ATPF, No. 130, année 38 (juillet–décembre 2015) 19
Notre idée est de promouvoir une Cependant il ne saurait être question
théorie issue d’un autre horizon, fondée d’appliquer à l’œuvre de Molière un
sur l’analyse des actes de langage, pour modèle ou une grille issue de la sociologie
décortiquer certains ressorts d’une pièce américaine, ou de prétendre consacrer cet
théâtrale: L’Avare de Molière, choisie en auteur comme un précurseur de quelque
fonction non seulement en raison de sa théorie linguistique que ce soit, mais plutôt
popularité, mais aussi de son exceptionnel de puiser dans une boîte à outils riche
réservoir de paroles-actes et de confrontations et flexible un lexique et des méthodes
de personnages, de caractères, de taxèmes. permettant d’analyser les ressorts théâtraux.
Cette pièce en effet fournit un corpus Il n’est pas question non plus de faire
très riche de disputes, négociations, l’inventaire de tous les actes de langage de la
confrontations de faces, structurés par un pièce et leurs conséquences sur les relations
nombre remarquable d’énoncés à valeur des personnages: nous nous limiterons
d’actes, ou “actes de langage” (“speech acts” à quelques exemples dans lesquels nous
dans la terminologie américaine) tenterons de décrire un fonctionnement qui
spectaculaires et inhabituels par rapport à une
peut être analysé au moyen des instruments
production “naturelle” (conversations de la
propres à la linguistique interactionniste,
vie quotidienne).
française en particulier.
Les linguistes interactionnistes
Pour le lecteur, cela implique tout
inspirés de la linguistique américaine (en
d’abord d’être initié à la théorie des actes
France: Catherine Kerbrat-Orecchioni)
recourent fréquemment au corpus littéraire de langage (première partie), que nous
pour illustrer le fonctionnement des étudierons en tant que tels, et à leur situation
comportements langagiers en général. en interaction (deuxième partie), avant
Les dialogues “fabriqués” ont une d’entreprendre une description de quelques
organisation plus évidente (plus simple actes de langage remarquables issus de
et plus immédiatement perceptible) que dialogues théâtraux (troisième partie).
les conversations “naturelles”. (Kerbrat- Pour décrire le fonctionnement des
Orecchioni, 2008, p. 66) actes langagiers, il est donc nécessaire de
Par leur caractère excessif, leurs recourir à la notion d’ “actes de langage”.
transgressions des règles de la vie
quotidienne, des lois de la bienséance, de 1. La théorie des actes de langage.
la politesse, de la logique, et par les Même si l’idée que le langage pouvait
manipulations entreprises par les auteurs afin
constituer une forme d’action (depuis
de mettre en scène des situations plaisantes
l’Antiquité, avec Aristote...) la théorie des
et inédites pour le lecteur, les dialogues
actes de langage a été édifiée principalement
théâtraux constituent une source riche
dans l’ouvrage “How to do Things with
d’exemples pour les théories linguistiques
Words” de John Austin (1962) traduit en
pragmatiques. Dans son ouvrage “Les actes
français par “Quand dire, c’est faire” (1970).
de langage dans le discours” précité, qui
revisite tous ses ouvrages précédents, 1.1 Dire c’est faire
Catherine Kerbrat-Orecchioni cite 1.1.1 La théorie d’Austin
abondamment des œuvres théâtrales, L’Avare Austin part de la constatation que
à plusieurs reprises, pour les raisons que nous certains énoncés accomplissent l’acte qu’ils
avons évoquées. dénomment. Dans ces énoncés construits
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à la première personne et introduits par des CLEANTE: Je n’ai que faire de vos dons.
verbes de parole, appelés “performatifs”, la (L’Avare, Acte IV, Scène 5)
parole est à la fois dénomination et action. Le performatif, par sa valeur créatrice
Exemples: j’ordonne, je parie, je demande, et solennelle, est l’instrument privilégié
je déclare la guerre, je pardonne, je
du droit. Ainsi Harpagon en fait-il usage
renvoie, j’accepte, je condamne, je promets,
pour désigner un arbitre (dépendant
je remercie, j’affirme, je nomme, j’explique,
hiérarchiquement, ce qui promet un jugement
je décrète, je jure, etc. Dans ces contenus,
favorable à sa cause):
l’acte existe du seul fait de son énonciation.
Ces énoncés se distinguent des énoncés HARPAGON: Je te veux faire toi-même, maître
assertifs du type «Il fait beau aujourd’hui» Jacques, juge de cette affaire, pour montrer comme
par le fait qu’il échappent au paradigme j’ai raison.
vrai/faux. En effet, un énoncé performatif (L’Avare, Acte IV, Scène 4)
«J’ordonne que tu sortes!» n’est ni vrai
Solennité et effet créateur des actes de
ni faux.
langage fusionnant parole et acte, sont encore
Ainsi les performatifs représentent un
mis à profit ici pour créer une situation de
modèle d’actes de langage à l’état pur, point
droit (intenter un procès):
de départ de la théorie. Le langage courant
limite l’emploi des performatifs, préférant HARPAGON: Je vous prends à partie pour me payer
recourir à des formulations indirectes ou les dix mille écus qu’il m’a volés.
“adoucies”. En revanche le théâtre constitue (L’Avare, Acte V, Scène 5)
un réservoir de performatifs remarquable.
Le performatif confère à la parole
Dans L’Avare, Molière en fait un usage assez
un caractère puissamment créateur et
étendu, car les performatifs constituent une
forme d’expression particulièrement modificateur de l’ordre des choses, en même
énergique et expressive, reflétant une temps il est revêtu d’une connotation brutale
domination d’ordre hiérarchique ou verticale: et menaçante (voir partie 2 sur les enjeux
de face) qui peut susciter un trouble chez
HARPAGON: Allons venez çà tous, que je vous le destinataire.
distribue mes ordres pour tantôt et règle à chacun
son emploi... HARPAGON: [...] je te donne au seigneur Anselme.
(L’Avare, Acte III, Scène 1) ELISE: Au seigneur Anselme?
(L’Avare, Acte I, Scène 4)
Les performatifs abondent dans les
disputes, comme marqueurs de position Sa violence et son caractère direct
haute, où l’autorité (paternelle) est affirmée peuvent être mis à profit pour surmonter une
à la fois dans la parole et dans l’acte: éventuelle objection et souligner un ordre:
HARPAGON: Je te défends de me jamais voir.
ELISE, elle fait une révérence: Je ne veux point me
CLEANTE: A la bonne heure.
marier, mon père, s’il vous plaît.
HARPAGON: Je t’abandonne.
HARPAGON, il contrefait sa révérence: Et moi,
CLEANTE: Abandonnez.
ma petite fille, ma mie, je veux que vous vous
HARPAGON: Je te renonce pour mon fils.
mariiez, s’il vous plaît.
CLEANTE: Soit.
(L’Avare, Acte I, Scène 4)
HARPAGON: Je te déshérite.
CLEANTE: Tout ce que vous voudrez. Austin, après avoir pris comme point
HARPAGON: Et je te donne ma malédiction. départ de sa théorie les performatifs, par la
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suite est conduit à reconnaître que tous les – les expressifs qui expriment un état
énoncés sont potentiellement porteurs d’une psychologique.
valeur d’acte: tout énoncé, même constatatif,
VALERE: monsieur, je vous demande pardon
fonctionne comme un acte particulier. Cette
si je m’emporte un peu...
perspective a été reprise et complétée par John
(L’Avare, Acte I, Scène 5)
Searle en 1969 dans son ouvrage “Speech
– les déclarations qui ont pour but de
acts”:
changer l’état du monde.
...premièrement, parler une langue, c’est
Voir les performatifs “juridiques” cités
réaliser des actes de langage, des actes
ci-dessus.
comme: poser des affirmations, donner
La notion d’acte de langage dépasse
des ordres, poser des questions, faire des
désormais celle étroite de performatif, les
promesses, et ainsi de suite... (Searle, 1972,
actes de langage sont susceptibles d’être
p. 52)
effectués au moyen de n’importe quel
Searle considère que tout énoncé
est doté d’une valeur d’acte, qu’il nomme énoncé, leur valeur agissante est déterminée
“illocutionnary force”, traduit en français par leur valeur illocutoire qu’il est nécessaire
“ v a l e u r i l l o c u t o i re ” . C e t t e v a l e u r d’identifier pour connaître le ressort
“illocutoire” devenue un outil essentiel de des échanges et la nature des interventions
la linguistique pragmatique (et qui structure réactives.
les théories de l’implicite, voir Kerbrat- L’Avare fournit un large corpus d’actes
Orecchioni, 1986), est la composante de de langage variés: requêtes, excuses, ordres,
l’énoncé qui lui donne force agissante dans remerciements, questions, confidences,
un contexte de parole. compliments… dont nous examinerons
certains en troisième partie. Ces actes de
1.1.2 Classification des actes de langage servent de base aux interactions et
langage déterminent le comportement des partenaires
Searle a procédé à une classification des échanges: en effet, dire ce n’est pas
des valeurs illocutoires: seulement “faire”, c’est aussi “faire faire”,
– les assertifs, qui affirment un état de agir sur autrui, amener son interlocuteur à un
choses. certain comportement (Voir seconde partie).
LE COMMISSAIRE: Le vol est considérable. Dans cette nouvelle définition des actes
(L’Avare, Acte V, Scène 1) de langage à la perspective étendue, la valeur
– les directifs qui visent à prendre le contrôle d’acte (valeur illocutoire) résidant dans
du destinataire et à obtenir de lui une un énoncé n’est pas dépendante de la forme
certaine conduite. ou même du contenu de cet énoncé:
HARPAGON: Je n’ai point d’argent à donner Dans ses répliques, elle alterne FTA’s
à mes enfants. (demande d’argent) et FFA’s (compliments)
(L’Avare, Acte V, Scène 6) sans transitions afin de compenser les
La réaction à la requête est de trois premiers par les seconds.
types: acceptation, refus, dérobade. C’est à FROSINE: (...) Je suis ruinée si je perds; et quelque
la troisième, valant comme refus implicite, petite assistance me rétablirait mes affaires.
Je voudrais que vous eussiez vu le ravissement
que l’on a affaire dans la scène suivante: où elle était à m’entendre parler de vous. La joie
Dans l’Acte II, Scène 5, Frosine éclatait dans ses yeux, au récit de vos qualités;
formule une demande d’argent à Harpagon, et je l’ai mise enfin dans une impatience extrême
menaçant sa face négative (ses biens). La de voir ce mariage entièrement conclu.
menace d’une requête est d’autant plus grande (L’Avare, Acte II, Scène 5)
que la face négative de l’interlocuteur est très Cette stratégie échoue, la face négative
protégée (préservation maladive de l’argent (préservation de son argent) d’Harpagon
due à l’avarice). Pour l’amadouer, elle produit l’emportant sur la face positive. Il apparaît
toutes sortes de compliments (FFA’s), et insensible aux compliments lorsque son
utilise toute la panoplie d’adoucisseurs de argent est en jeu.
menace (Voir plus haut). Le compliment est un acte à risque
Pour faire échouer la requête menaçante, lorsqu’il met en danger la face d’un tiers; dans
Harpagon a recours à un clôtureur cette réplique, le compliment (indirect) de
conversationnel, privilège de sa position Cléante à Marianne atteint Harpagon:
haute (Voir plus haut, 2.2) CLEANTE: Il est vrai que mon père, madame,
3.3 Le compliment ne peut pas faire un plus beau choix...
HARPAGON: Voilà un compliment bien
Le compliment est un cadeau verbal, impertinent: quelle belle confession à lui faire!
c’est un acte flatteur destiné à valoriser la face (L’Avare, Acte III, Scène 7)
positive du destinataire (FFA). Par contre un
compliment excessif (flagornerie), relève Le compliment peut valoriser plusieurs
de la flatterie en vue d’obtenir des avantages faces à la fois, par exemple dans cette scène
en échange d’amabilités, trop poussé, il 1/ celle de Valère, l’intendant d’Harpagon, et
va apparaître suspect car intéressé, et indirectement 2/ celle du locuteur (Harpagon)
traduit une menace pour le territoire du qui se fait “un cadeau verbal”:
complimenté. HARPAGON: Ah! Le brave garçon! Voilà parlé
Frosine définit ainsi sa stratégie: comme un oracle. Heureux qui peut avoir un
domestique de la sorte!
FROSINE: Mon Dieu! je sais l’art de traire les (L’Avare, Acte I, Scène 5)
hommes, j’ai le secret de m’ouvrir leur tendresse,
de chatouiller leurs cœurs, de trouver les endroits 3.4 La question
par où ils sont sensibles. Catherine Kerbrat-Orecchioni définit
(L’Avare, Acte II, scène 4)
la question comme “tout énoncé qui se
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présente comme ayant pour finalité principale souci d’économie, tient à la fois le rôle du
d’obtenir de son destinataire un apport cuisinier et du cocher, répond à l’appel de son
d’information.” (Kerbrat-Orecchioni, 2008, maître:
p. 86) MAITRE JACQUES: Est-ce à votre cocher,
Nous avons vu en étudiant l’interrogation monsieur, ou bien à votre cuisinier, que vous
rhétorique, que la question peut valoir pour voulez parler? Car je suis l’un et l’autre.
une affirmation. À ce titre, elle constitue un (L’Avare, Acte III, Scène 1)
trope, puisque sa véritable valeur d’acte de Dans L’Avare, la plupart des questions
langage (affirmation) se substitue à une forme d’Harpagon sont revêtues d’une forte valeur
littérale interrogative. La question dite taxémique, menaçante, sont accompagnées
“rhétorique” n’appelle pas de véritable d’aggravateurs (insultes...) et reflètent
réponse (Kerbrat-Orecchioni, 2008, p. 96) un caractère autoritaire. Les questions
Les rappels à l’ordre d’Harpagon à son traduisent une pression constante sur
fils prennent la forme de questions valant les autres personnages, et empiètent en
assertions: permanence sur leur territoire.
HARPAGON: Ne suis-je pas ton père?
Et ne me dois-tu pas respect?
3.5 L’offre, la promesse
(L’Avare, Acte IV, Scène 3)
L’offre, la promesse sont des actes
menaçants pour la face négative (les biens)
De même une affirmation peut de l’émetteur. Dans le cas d’Harpagon qui
fonctionner comme une question. Harpagon offre un souper, compte tenu de la dépense
craint que ses pensées exprimées à haute qu’il suppose et l’avarice du personnage, cet
voix n’aient été surprises par ses enfants: acte de langage se révèle auto-menaçant (auto
HARPAGON: Vous avez entendu... FTA). Dans cette scène, la menace se réalise,
CLEANTE: Quoi mon père? l’offre de souper débouchant sur une demande
HARPAGON: Ce que je viens de dire. d’argent:
(L’Avare, Acte I, Scène 4)
HARPAGON: Je me suis engagé, maître
La question peut revêtir deux aspects: Jacques, à donner ce soir un souper.
c’est un acte directif qui impose au MAITRE JACQUES: Grande merveille!
destinataire de répondre, atteint son territoire HARPAGON: Dis-moi un peu, nous feras-tu
bonne chère?
(“ses réserves informationnelles” selon MAITRE JACQUES: Oui si vous me donnez
Catherine Kerbrat-Orecchioni), et reflète bien de l’argent.
une position dominante (Voir interrogatoire HARPAGON: Que diable, toujours de l’argent!
mené par Le Commissaire, Acte V). (L’Avare, Acte III, Scène 1)
Sans cette condition de réussite liée à L’offre peut revêtir deux aspects: c’est
la relation interpersonnelle (Ex: maître/ un cadeau qui valorise à la fois la face positive
serviteur), l’auteur de la question peut être du destinataire (son amour propre) et sa face
rappelé à l’ordre (Voir plus haut: Harpagon négative (en apportant un bien). Dans la scène
avec La Flèche). finale, Le Seigneur Anselme offre de faire
Par contre la question posée pour une les frais des mariages, à la satisfaction
demande d’information, une sollicitation d’Harpagon:
dépendant du savoir et du pouvoir du
HARPAGON: Vous obligerez-vous à faire tous
questionné, place dans une position basse.
les frais de ces deux mariages?
Maître Jacques, serviteur d’Harpagon, qui par ANSELME: Oui, je m’y oblige, êtes-vous satisfait?
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HARPAGON: Oui, pourvu que pour les noces et le roman en particulier, qui nous offre non
vous me fassiez faire un habit. seulement des échantillons de dialogues, mais
ANSELME: D’accord. Allons jouir de l’allégresse
que ces heureux jours nous présente.
aussi des analyses de ces dialogues.
(L’Avare, Acte V, Scène 6)
(Kerbrat-Orecchioni, 2008, p. 160)
2/D’autre part, l’analyse interactionniste
La formule est solennelle et prend la peut contribuer à éclairer le fonctionnement
forme d’un performatif juridique: “je m’y des dialogues théâtraux où les enjeux
oblige”. Son offre valorise la face négative pragmatiques sont de première importance,
d’Harpagon (son territoire financier), en tant en mettant à disposition du lecteur une
que cadeau. En revanche, cette offre est “boîte à outils” pour décrire l’action littéraire.
menaçante car 1/ elle porte atteinte à la fierté Elle peut expliquer les effets cognitifs et
d’Harpagon (il paye à sa place) et 2/ elle émotionnels sur les lecteurs.
constitue un acte directif car elle attend en Partant d’une analyse de corpus
contrepartie la soumission d’Harpagon à un littéraire, on peut faire également appel aux
plan préparé collectivement par tous les théories pragmatiques pour rendre compte de
personnages de la pièce. l’utilisation d’une langue, et formuler des
outils didactiques destinés aux apprenants,
Conclusion: La pragmatique basés sur les actes de langage principaux:
linguistique outil universel la plupart des manuels admettent la
nécessité d’un nouveau type de découpage
d’analyse des productions
de la matière à enseigner, et s’organisent
orales et écrites. dorénavant autour d’unités dites “actes
La théorie des actes de langage peut de langage”, “actes de paroles”, “actes
rendre service à l’analyse littéraire en de communication”, “savoir-faire”, ou
permettant de décortiquer les enchaînements “fonctions langagières”... tels que: se
et les ressorts des échanges. Elle permet présenter, saluer et prendre congé, demander/
à la fois de comprendre et décrire les donner des renseignements, exprimer un
comportements langagiers dans le cadre des désir ou un besoin, accepter et refuser, donner
conversations courantes (à laquelle elle était un ordre, faire une offre, souhaiter quelque
destinée en premier lieu) et également, dans chose à quelqu’un, inviter et répondre à une
le discours fictionnel, à l’initiative de certains invitation, s’excuser et exprimer des regrets
auteurs qui ont construit une véritable théorie etc... (Kerbrat-Orecchioni, 2008, p. 161)
de la communication littéraire. Enseigner une langue, c’est enseigner
L’intérêt est double: le fonctionnement des actes de langage.
1/L’œuvre littéraire riche en actes de La théorie des actes de langage constitue
langage et en confrontation de faces comme un instrument très utile pour une analyse
L’Avare de Molière, constitue un corpus comparée des actes de langage tels que:
inépuisable de comportements langagiers salutation, requête, excuse, remerciement,
en action, permettant d’illustrer la théorie analyse qui fait appel à la théorie des faces
pragmatique, elle fonctionne comme une pour expliquer le fonctionnement de la
loupe grossissante des comportements politesse dans chaque pays: car les activités
“naturels”: C’est pourquoi nous avons puisé de “ménagement des faces” ne sont pas
sans vergogne dans ce fabuleux trésor que identiques d’un système linguistique et
constituent les œuvres littéraires en général, culturel à l’autre. De même la façon dont
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l’implicite est décodé mérite également une décodage des faits linguistiques nationaux,
étude comparée. La linguistique pragmatique précieuse pour les apprenants.
fournit donc un outil d’enseignement et de
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