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POPULATION
D É M O G R A P H I Q U E S
SOCIÉTÉS &
D ’ É T U D E S
– 132 millions d'habitants – et 1995, 265 millions. En saxons. Son impact et surtout l’incidence de la
1998, les États-Unis (50 États), dont la superficie repré- Grande Dépression et de la guerre font chuter le flux
sente 17 fois celle de la France métropolitaine, ont des nouveaux arrivants. Au lendemain du conflit,
270 millions d'habitants (graphique 1 et tableau 1), ce l’immigration redémarre, mais elle ne dépasse le seuil
qui les place au 3ème rang mondial, loin derrière la des 200 000 arrivées annuelles qu’en 1950, pour une
Chine (1260 millions) et l'Inde (990 millions). population qui est alors le double de celle de 1900
(151 millions contre 76). Il faut des chocs politiques,
Irrégularité des vagues migratoires comme l’invasion de la Hongrie par l’Union
Soviétique en 1956, pour que le flux annuel dépasse
D E
• Irrégularité des vagues migratoires - page 1 • Hispaniques et Asiatiques - page 2 • Un pays plus jeune que l’Europe des 15 - page 4
2 La population des États-Unis depuis 1945
ségrégation interdite dans tous les lieux publics. La langue scolaire et véhiculaire dans un grand nombre
part des Noirs dans la population semble désormais de localités. L’opinion publique est divisée : la société
stabilisée autour de 12 %, après avoir fortement recu- américaine doit-elle devenir multiculturelle, voire
lé à la suite de la grande vague d’immigration euro- fragmentée ou éclatée ? Ou doit-elle, au contraire,
péenne (à l’époque de l’Indépendance, 1776, un mettre à nouveau l’accent sur l’idéologie du creuset ?
habitant sur cinq était Noir). Comme le montrent les A l’horizon d’une cinquantaine d’années, c’est un
travaux sur l’illettrisme, la pauvreté ou la délinquan- remodelage complet du peuplement qui se dessine,
ce, le « problème noir » est loin d’être résolu, mais il au détriment de la majorité dominante depuis la colo-
n’est plus au cœur des préoccupations sociales. nisation : les « Anglo-Saxons blancs protestants », ou
Une nouvelle composante démographique occu- les « Blancs non hispaniques », pour reprendre la ter-
pe le devant de la scène : la minorité « hispanique ». minologie actuelle. Le choix d’une telle dénomina-
Soudée par une langue commune (l’espagnol) et peu tion, plus ouverte, sous-entend que les catholiques et
éloignée de sa zone de provenance, l’Amérique latine, les orthodoxes européens sont déjà implicitement
elle paraît moins désireuse de s’intégrer à la société amalgamés aux Anglo-Saxons, descendants de la pre-
nord-américaine. Compte tenu du sous-enregistre- mière vague d’immigration.
ment qui l’affecte plus que toute autre fraction de la Non seulement les « Blancs non hispaniques » re-
population, on peut l’estimer à 30 millions de per- culent au profit des Noirs et des Hispaniques catho-
sonnes en 1997. Elle s’accroît au rythme de 4 % par liques, au point qu’ils pourraient devenir minoritaires
an, et d’ici cinq à dix ans elle devrait dépasser la po- vers le milieu du prochain siècle, mais la nation amé-
pulation noire (tableau 4). Si la composante hispa- ricaine devient de plus en plus diverse et tend à se re-
nique représente un habitant sur neuf, elle fournit vendiquer comme universelle. La recherche de la
déjà une naissance sur sept (14 % du total des nais- diversité, comme source de richesse culturelle et
sances en 1995).
Une telle évolution n’est pas sans préoccuper les
autorités fédérales. Le devenir de la nation s’est, jus- Graphique 2 - Pyramides des âges des États-Unis et de
qu’à présent, cimenté autour d’une langue unique, l’Europe des 15 au 1er janvier 1996
l’anglais, malgré la diversité des apports migratoires. Année de naissance Age Année de naissance
Cette unité est aujourd’hui mise en cause par la 1895 100 1895
concurrence croissante de l’espagnol, d’où un bilin- 95
1905 Hommes 90 Femmes 1905
guisme de fait et même l’éviction de l’anglais comme 85
1915 80 1915
75
1925 70 1925
Tableau 5 - Mouvement démographique comparé, 65
1935 60 1935
État-Unis et Union Européenne, 1960-1995 (en milliers) 55
1945 50 1945
États-Unis 1960 1970 1980 1990 1995 45
1955 40 1955
35
Population (a) 179 323 203 302 226 542 248 718 263 034 1965 30 1965
Naissances 4 258 3 731 3 612 4 158 3 927 25
1975 20 1975
Décès 1 712 1 921 1 990 2 148 2 284 15
1985 10 1985
Excédent naturel 2 546 1 810 1 622 2 010 1 643 5
Solde migratoire 299 327 724 578 764 1995 0 1995
Variation totale 2 845 2 137 2 346 2 588 2 407 1,0 0,9 0,8 0,7 0,6 0,5 0,4 0,3 0,2 0,1 0 0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6 0,7 0,8 0,9 1,0
En % de la population totale
Taux de natalité (‰) 23,7 18,4 15,9 16,7 15,1
INED
Taux de mortalité (‰) 9,5 9,5 8,8 8,6 8,8 Etats-Unis - Population totale : 265 284 millions 08298
Indice de fécondité (b) 3,65 2,48 1,84 2,08 2,02 Europe des Quinze - Population totale : 373 700 millions
Union
Européenne (c) 1960 1970 1980 1990 1995
Graphique 3 - Fécondité comparée, États-Unis et
Population (d) 314 800 340 000 354 600 363 700 372 000 Europe des 15, 1960-1995 (nombre d’enfants par femme)
Naissances 5 784 5 495 4 630 4 379 3 999 4,0
Décès 3 386 3 679 3 737 3 722 3 719 INED
08398
Excédent naturel 2 398 1 816 893 407 280 3,5
Solde migratoire 43 – 267 588 1 009 787 tats-Unis
Variation totale 2 441 1 550 1 481 1 416 1 067 3,0
fondement des choix d’apports migratoires est sa population totale en 1980, n’en comptaient plus
d’ailleurs devenue un objectif explicite et central de la que 55,4 % en 1992 et ils deviendraient minoritaires
politique d’immigration. Comme l’Australie, les dès 1998-1999. Un retournement démographique ana-
États-Unis tendent à être désormais plus influencés logue est en cours au Texas.
par leur géographie que par leur histoire ; ils se tour- Compte tenu de l’hétérogénéité de la provenance
nent sans cesse davantage à la fois vers leur façade des populations dites hispaniques et en raison de
Pacifique – c’est-à-dire vers l’Asie – et vers leur Sud l’importance croissante des mariages mixtes, il
« hispanique », en réalité latin, et amérindien. convient de relativiser la portée de tels changements
Entre 1900 et 1995, la population de l’Ouest est statistiques.
passée de 4,3 à 57,6 millions d’habitants (l’équivalent
de la population française), soit de 5,7 % à 21,9 % du Un pays plus jeune que l’Europe des 15
total. Ce boom s’est produit, pour l’essentiel, depuis
1950, date à laquelle elle comptait 20 millions d’habi- Bien qu’ayant une population inférieure de 100 mil-
tants. La nouvelle donne démographique est lions à celle de l’Union Européenne en 1995, les États-
également très favorable aux États du Sud qui, en Unis présentent un nombre de naissances équivalent
1995, regroupent 92 millions d’habitants, soit 35 % de (environ 4 millions par an) et un nombre de décès très
la population du pays (31 % en 1950). Les régions sensiblement moindre : 2,3 millions contre 3,7, soit un
d’occupation plus ancienne du Nord-Est et du Mid- écart de 1,4 million par an (tableau 5). D’où une diffé-
West sont, en revanche, en phase de stagnation. La rence considérable d’accroissement naturel : moins de
géographie économique des États-Unis se déplace 300 000 pour l’Union Européenne, plus d’1,5 million
ainsi de l’Est vers l’Ouest et du Nord au Sud. outre Atlantique. Le contraste s’accentue au fil du
La Californie est désormais, de loin, l’État le plus temps ; l’Union Européenne a vu son nombre annuel
peuplé, avec 32 millions d’habitants, soit 12 % de la de naissances tomber de près de 2 millions depuis les
population du pays ; la population y a été multipliée années 1960 (6 millions vers 1965, 4 vers 1995), cepen-
par 20 depuis 1900 et par 3 depuis 1950. L’État de dant qu’aux États-Unis, après le creux des années
New York, qui a longtemps figuré au premier rang, 1970, le nombre des naissances est, depuis le milieu
stagne autour de 18 millions depuis 1970 et il est, de- des années 1980, revenu au niveau qu’il avait vers
puis le milieu des années 1990, aussi dépassé par le 1965, soit 4 millions.
Texas (18,7 millions en 1995) où une forte poussée dé- Cette divergence est liée à deux facteurs : la plus
mographique est en cours. Parmi les sept États actuel- forte puissance du baby-boom américain, d’où une
lement les plus peuplés, les trois autres États de répartition par âges plus jeune (graphique 2) et, de-
l’Ouest (Pennsylvanie, Illinois et Ohio) sont, à l’instar puis le début des années 1980, l’écart de fécondité.
de New York, en phase de stationnarité démogra- Aux États-Unis, la fécondité a connu une légère re-
phique, autour de 11 à 12 millions chacun ; leur popu- montée : de 1989 à 1996, l’indicateur conjoncturel est
lation a été devancée par celle de la Floride compris entre 2,0 et 2,1 enfants en moyenne par fem-
(14 millions). Au total, les sept États les plus peuplés me, alors que de 1974 à 1988 il oscillait autour de 1,8
de l’Union rassemblent près de 120 millions d’habi- (graphique 3). Pour l’Union Européenne, c’est le
tants en 1996, soit 45 % de la population américaine. mouvement opposé qui s’est produit : en 1980,
Revenons sur les États les plus concernés par la l’indice était de 1,8 comme aux États-Unis ; depuis
nouvelle donne démographique. Deux États, la 1995, il avoisine 1,4 seulement (tableau 5). Cette
Californie et le Texas, réunissent la moitié de la popu- meilleure résistance à la crise de la fécondité demeure
lation hispanique, et près de 40 % de la population inexpliquée. Tout au plus peut-on avancer quelques
asiatique vit en Californie. Au confluent des trois hypothèses : persistance de l’esprit pionnier, afflux
grands courants de peuplement – européen, latino- d’immigrants « hispaniques », force du sentiment re-
américain et asiatique – la Californie pourrait voir ra- ligieux, faiblesse du coût de l’espace et de l’énergie, ...
pidement basculer sa majorité démographique : les
Blancs non hispaniques, qui représentaient 66,6 % de Jean-Claude CHESNAIS
POPULATION ET SOCIÉTÉS, bulletin mensuel d’information de l’Institut National d’Études Démographiques ISSN 0184 77 83
Directeur-Gérant : Patrick Festy – Rédacteur en chef : Michel Louis Lévy – Maquette : Isabelle Brianchon – C.P. n° 13243 ADEP – D.L. 2e trim. 1998 – Imprimerie : Louis-Jean –
I.N.E.D. : 133, boulevard Davout - 75980 Paris, Cedex 20 – Téléphone : (33) (0)1 56 06 20 00 – Télécopie : (33) (0)1 56 06 21 99 –
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