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Matrices stochastiques

Notations et définitions

n désigne un entier naturel supérieur ou égal à 2 et p un entier naturel.


Une matrice A = (ai , j ) de M n (ℂ) est dite stochastique ssi
(1) ∀i , j ∈ {1, 2,…, n } , ai , j ∈ ℝ + ,
n
(2) ∀i ∈ {1, 2,…, n } , ∑a
j =1
i ,j =1.

On note Sn l’ensemble de ces matrices.


Une suite (Ap ) p∈ℕ de matrice de Mn (ℂ) est dite converger vers B matrice de M n (ℂ) ssi les n 2 suites
complexes définies par les coefficients des matrices Ap convergent vers les coefficients respectifs de B .
On montre aisément que si (Ap ) et (Ap′ ) convergent vers B et B ′ alors les suites (Ap + Ap′ ) et (ApAp′ )
convergent respectivement vers B + B ′ et BB ′ .
Enfin étant donné A ∈ M n (ℂ) et P = a p X p + ⋯ + a1X + a 0 ∈ ℂ[X ] , on note P (A) la matrice définie par
P (A) = an An + ⋯ + a1A + a 0I n ∈ M n (ℂ) .

Préliminaire

Soit A = (ai , j ) ∈ M n (ℂ) . On note X ∈ M n ,1 (ℂ) la colonne dont tous les coefficients valent 1.
n
1. Montrer que AX = X ssi ∀i ∈ {1, 2…, n } , ∑a
j =1
i ,j =1.

2. En déduire que Sn est stable pour le produit matriciel.

Partie I : Puissance des matrices stochastique d’ordre 2

 a 1−a 
La forme générale d’une matrice stochastique d’ordre 2 est A =  avec a ,b ∈ [0,1] .
1−b b 
1. Calculer Ap dans les cas a = b = 1 et a = b = 0 .
2. On suppose maintenant (a ,b ) ≠ (1,1) et (a ,b ) ≠ (0,0) .
2.a Calculer P (A) où P = (X −1)(X − (a + b −1))
2.b Exprimer le reste de la division euclidienne de X p par P .
2.c En déduire l’expression de Ap en fonction de a ,b et p .
2.d Montrer que la suite (Ap ) converge vers une limite que l’on précisera.

Partie II : Exemple de calcul de puissances d’une matrice stochastique d’ordre 3

a b b 

On considère E l’ensemble des matrices carrées d’ordre 3 de la forme M (a ,b ) = b a b  avec (U ,V ) .
b b a 

1. Montrer que E un sous-espace vectoriel de M 3 (ℂ) dont on précisera une base et la dimension.
1 1 1
1
2. On note U = 1 1 1 et V = I −U .
3 1 1 1
 
2.a Montrer que la famille (U ,V ) forme une base de E .
Quelles sont les coordonnées de M (a ,b ) dans cette base ?
2.b Calculer U 2 , V 2 , UV et VU .
2.c Pour α, β ∈ ℂ et p ≥ 1 , exprimer (αU + βV )p en fonction de α, β ,U ,V et p .
En déduire l’expression de M (a ,b ) p en fonction de U et V .
3. A quelles conditions sur a et b , une matrice M (a ,b ) de E appartient-elle à S3 ?
On suppose ces conditions remplies.
Montrer que la suite (M (a ,b ) p ) converge vers une limite que l’on précisera.

Partie III : Matrice de permutation

On note Sn le groupe des permutations de {1, 2,…,n } . Pour σ ∈ Sn , on note M σ = (mi , j ) ∈ M n (ℂ) la matrice

définie par : mi , j = δσ (i ), j = {10 si j = σ (i )


sinon
. M σ est appelée matrice de permutation associée à σ .

1. Justifier que les matrices de permutations sont stochastiques.


2. Soit A = (ai , j ) une matrice de Mn (ℂ) et σ un permutation de Sn .
Donner le terme général des matrices B = M σ A et C = At M σ en fonction du terme général ai , j de la
matrice A . Comment interpréter les résultats obtenus en termes de permutation de lignes ou colonnes.
3. Soit σ , σ ′ ∈ Sn .Exprimer le produit M σ .M σ ′ comme matrice associée à une permutation de Sn .
En déduire que M σ est inversible et exprimer son inverse.
4. Soit σ ∈ Sn . A quelle condition la suite (M σp ) converge-t-elle ?

Partie IV : Etude générale

Soit A = (ai , j ) ∈ Sn . On s’intéresse ici à l’éventuelle convergence de la suite (Ap ) p∈ℕ .


Pour tout p ∈ ℕ , on note ai(,pj ) le coefficient d’indice (i , j ) de la matrice Ap .

1. Montrer que si la suite (Ap ) p∈ℕ converge vers une matrice B alors B ∈ Sn et B 2 = B .

2. On suppose ici que pour tous i , j ∈ {1, 2,…, n } , ai , j > 0 .


On pose ε = min {ai , j / i , j ∈ {1, 2,…, n }} .
Pour tout p dans ℕ et tout j dans {1, 2,…,n } , on note
αj( p ) = min {ai(,pj ) / i ∈ {1, 2,…, n }} , β j( p ) = max {ai(,pj ) / i ∈ {1,2,…, n }} et δj( p ) = β j( p ) − αj( p ) .

2.a Montrer que pour tout p dans ℕ et tout j dans {1, 2,…,n } , on a :
αj( p ) ≤ αj( p+1) ≤ β j( p +1) ≤ β j( p ) et δj( p+1) ≤ (1− 2ε)δj( p ) .
2.b En déduire que (Ap ) p∈ℕ converge vers une certaine matrice B .
2.c Quelle particularité ont les lignes de B ?
Les matrices stochastiques interviennent en calcul de probabilité de la manière suivante :
Considérons un système à n états numérotés de 1 à n et notons ai , j la probabilité pour ce système de passer de
l’état i à l’état j au bout d’un laps de temps donné.
n
La matrice A = (ai , j ) est alors une matrice stochastique, la condition ∑a
j =1
i ,j = 1 signifiant que le système doit

atteindre à partir de l’état i l’un des états 1, 2,…,n donnés. Pour p ∈ ℕ , les coefficients de la matrices Ap
permettent de voir les probabilités qui permettent de passe d’un état à un autre au bout de p laps de temps. La
limite de (Ap ) , lorsqu’elle existe, donne une information sur le processus limite. Dans ce contexte, l’égalité des
lignes de B signifie que l’état limite est indépendant de l’état initial.
Correction

Préliminaire

n
1. AX est une matrice colonne dont le coefficient de la ligne d’indice i est ∑a
j =1
i ,j .

n
2. Soit A = (ai , j ) ∈ Sn et B = (bi , j ) ∈ Sn . On étudie AB = (ci , j ) ∈ Sn avec ci , j = ∑ ai ,kbk , j .
k =1

(1) ∀i , j , k ∈ {1,…, n } , on a ai ,k ≥ 0 et bk , j ≥ 0 donc ci , j ≥ 0 .


n
(2) ABX = AX = X donc ∀i ∈ {1,…, n } , ∑a
j =1
i ,j =1.

Partie I

1. Si a = b = 1 alors A = I et pour tout p ∈ ℕ , Ap = I .


0 1
Si a = b = 0 alors A =  p
 et pour tout p ∈ ℕ , A =
1 0
I si p est pair
A sinon
.{
a −1 1−a 1−b 1−a 
2.a P (A) = (A − I )(A − (a + b −1)I ) =    =O .
1−b b −11−b 1−a 
2.b Cette division euclidienne s’écrit : X p = PQ + R avec deg R < 2 ce qui permet d’écrire R = αX + β .
En évaluant cette relation de division euclidienne en 1 et a + b −1 qui sont racines de P on obtient :
 p
α = (a + b −1) −1
1 = α + β  a +b − 2
 d’où   .
(a + b −1) p = α (a + b −1) + β  (a + b −1) − (a + b −1)p
β =
 a +b − 2
2.c Par la relation de division euclidienne : Ap = P (A)Q (A) + R(A) donc
1 (a −1)(a + b −1) p + b −1 (1−a )((a + b −1) p −1) 
Ap = αA + βI =  .
a + b − 2  (1−b )((a + b −1) p −1) (b −1)(a + b −1) p + a −1
2.d On a a ,b ∈ ]0,1[ donc 0 < a + b < 2 puis a −b −1 < 1 et donc (a + b −1) p 
p →+∞
→0 .
1 b −1 a −1
Par suite (Ap ) converge vers :  .
a + b − 2 b −1 a −1

Partie II

1 0 0 0 1 1
 
1. Introduisons I = 0 1 0 et J = 1 0 1 . On a E = Vect(I ,J ) avec I ,J linéairement
 
0 0 1 1 1 0
indépendantes donc E est un sous-espace vectoriel de dimension 2 de M 3 (ℂ) donc (I ,J ) est base.
2.a Clairement U ,V ∈ E et (U ,V ) libre donc (U ,V ) est base de E car dim E = 2 .

M (a ,b ) = λU + µV ⇔ {λλ+−2µµ == 33ba ⇔ {λµ == aa +−b2b .


Les composantes de M (a ,b ) dans (U ,V ) sont a + 2b et a −b .
2.b U 2 =U , V 2 = I − 2U +U 2 =V , UV =U −U 2 =VU = O .
n
n 
2.c Puisque U et V commutent : (αU + βV ) p = ∑   (αU )k (βV )n−k .
k =0
k 
Or pour k ∈ {1,…, n −1} , on a (αU )k (βV )n−k = 0 car UV = 0
donc (αU + βV ) p = α pU p + βV p = α pU + β pV .
M (a ,b )p = (a + 2b ) pU + (a −b ) pV .
3. M (a ,b ) ∈ S3 ssi a ,b ≥ 0 et a + 2b = 1 (ce qui implique a ∈ [0,1] et b ∈ [0,1 2] )
Si b = 0 alors M (a ,b ) = I et donc (M (a ,b ) p ) converge vers I .
Si b > 0 alors
d’une part (a + 2b )p = 1 
p →+∞
→1
1
et d’autre part −1 < a − < a −b < a ≤ 1 donc (a −b )p 
p→+∞
→0 .
2
Par suite (M (a ,b ) p ) converge vers U .

Partie III

n n
1. Soit σ ∈ Sn . ∀i , j ∈ {1,…, n } , mi , j ≥ 0 et ∀i ∈ {1,…, n } , ∑ mi , j = ∑ δσ (i ), j = 1 donc M σ ∈ Sn .
j =1 j =1

n
2. B = (bi , j ) avec bi , j = ∑ δσ (i ),kak , j = aσ (i ), j .
k =1

B est obtenue en permutant les lignes de A selon σ .


n
C = (ci , j ) avec ci , j = ∑ ai ,k δk ,σ ( j ) = ai ,σ ( j ) .
k =1

C est obtenue en permutant les colonnes de A selon σ .


n
3. M σM σ ′ = (ai , j ) avec ai , j = ∑ δσ (i ),k δσ ′ (k ), j = δσ (i ),σ ′−1 ( j ) = δσ ′σ (i ), j donc M σM σ ′ = M σ ′σ .
k =1

M σM σ−1 = M σ−1 M σ = I donc M σ est inversible et M σ−1 est son inverse.

4. Il est clair que (M σp ) converge vers I quand σ = Id .


Inversement supposons (M σp ) convergente. M σp = M σ p = (δσ p (i ), j ) .
La convergence de M σp implique la convergence des δσ p (i ), j .
Or pour que ces derniers convergent, ils doivent être stationnaires.
Ainsi, pour p suffisamment grand, on a pour tout i , j : δσ p+1 (i ), j = δσ p (i ), j .
On a alors pour tout i ∈ {1,…, n } , σ p+1 (i ) = σ p (i ) donc σ (i ) = i car σ p ∈ Sn .
Ainsi σ = Id

Partie IV

1. Par extraction (A2 p ) converge vers B .


Or A2 p = Ap ×Ap donc par opérations (A2 p ) converge aussi vers B 2 .
Par unicité de la limite B = B 2 .
n n n
2.a ai(,pj +1) = ∑ai ,kak( p, j) ≥ ∑ai ,k α j( p ) = α j( p ) car ∑a i ,k = 1 . Par suite αj( p+1) ≥ α j( p ) .
k =1 k =1 k =1
n n
ai(,pj +1) = ∑ai ,kak( p, j) ≤ ∑ai ,k β j( p ) = β j( p ) et donc β j( p+1) ≤ β j( p ) . Enfin il est clair que αj( p+1) ≤ β j( p+1) .
k =1 k =1
Peaufinons :
Notons ℓ l’indice tel que a ℓ( p,k) = β j( p ) .
n n n
ai(,pj +1) = ∑ai ,kak( p, j) = ∑ai ,kak( p, j) + ai ,ℓa ℓ( ,pj) = ∑ ai ,kak( p, j) + ai ,ℓ β j( p )
k =1 k =1 k =1
k ≠ℓ k ≠ℓ
n n
donc ai(,pj +1) ≥ ∑ai ,k αj( p ) + ai ,ℓ β j( p ) = ∑ ai ,k αj( p ) + ai ,ℓ δj( p ) ≥ α j( p ) + εδj( p ) .
k =1 k =1
k ≠ℓ

Ainsi αj( p+1) ≥ εδj( p ) + α j( p ) .


Une démarche analogue laissée au soin du lecteur attentif donne β j( p+1) ≤ β j( p ) − εδj( p ) .
Cela permet alors de justifier : δj( p+1) ≤ β j( p ) − α j( p ) − 2εδj( p ) = (1− 2ε)δj( p ) .

2.b Par récurrence 0 ≤ δj( p ) ≤ (1− 2ε) p δj(0) donc δj( p ) 
p→+∞
→0 .
Les suites (αj( p ) ) et (β j( p ) ) sont donc adjacentes. Notons ℓ j leur limite commune.
Pour tout i ∈ {1,…, n } , on a αj( p ) ≤ ai(,pj ) ≤ β j( p ) donc par le théorème des gendarmes ai(,pj ) 
p→+∞
→ℓ j .
Par suite (Ap ) converge vers une matrice B dont toutes les lignes sont égales à (ℓ 1 ⋯ ℓ n ) .
2.c Elles sont toutes égales.

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