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LES FILS DE N O É ,

AU C Œ U R D U DÉLUGE

LA TRADITION KÛACMTE
ET LA FRANC MAÇONNERIE
Pascal Baique

L'ÉRE DE KOÊ EST-ELLE CLOSE ?


UN AVIS DE FMLKÇOIS RABELAIS
BnirX» Pinctiard

l£ MESSAGE SPtUTUEL DE LtOYPTE AtfïWJE


f.uy larciur

LE BOUM HflSM f ET I/ÉTHHIUE


MIcNrl fcjrvn
LE SIÈCLE DES LUMIÈRES
Jcam l'tulippr Bernard
LA FRANC-MAÇONNERIE ET L’ISLAM EH FRANCE.
l’héritage d ’ab ll kader
Thierry urneon*

M y-
CAllintf VILLARDDt llONNECOURTNr 103
Chaos ah ordJne
R cm «rques c o m p le m e n ta ire s su r u n e publication
d e le ttre s d e R e n é G u é n o n
d an s les C a h iers V illa rd d e H o n n e c o u rt

Dans la précédente livraison des Cahiers de IVnilé nous


avons fait quelques remarques concernant la publication de la
«Correspondance inédite de René Guénon à Marcel Maugy, alias
Denis (sic!) Roman», qui a commencé dans le n° 101 des Cahiers
I ’iikrd de Honnecourt. M. Bruno Pinchard, l’un des deux directeurs
de la rédaction, apporte enfin de brefs renseignements au sujet de
cette édition dans le n° 103 de cette revue, p. 89. Nous en
reprenons les passages les plus significatifs, et les accompagnons de
quelques remarques.

La prétendue nécessité de l’édition des lettres de Guénon à


Maugy dans les C ahiers V illard d e H onnecourt

Selon M. Pinchard, « cette publication d’une


correspondance inédite de René Guénon suscite déjà de nombreux
commentaires », ce qui « suffit à vérifier combien elle était
nécessaire. » Il est tout de même surprenant d’apprendre que la
nécessité d’une telle édition de ces lettres serait « vérifiée » par les
réactions qu’elle occasionne. N ’est-ce pas en elle-même que chaque
ttiiüon des inédits de René G uénon présente de l’intérêt ? Encore
^ ' i l qu’eüe soit établie à partir des manuscrits autographes, ou, a
ré*1* le moins, sur des copies de ces manuscrits. G est sur de te es
asts que nous avons publié dans trois revues, dont celle ci,
îfurs médits de René G uénon, totalement inconnus auparavan
/' len entendu, il incombe à l’éditeur de veiller a u qu 1
de saisie ni faute quelconque dans le document qu

tw ,Sl ° n fonde une édition d’un inédit su r ^ ‘‘j^Guénon, et


d’en e dénaturer plus ou moins l’cnseignemt . gst
certainement la f<)rmc voulue par ^ 2()0l souS
“ ouvrage que M. Alessandro Grossato pu 5
. ritrc de Psychologe, qu’il considérait pourtant comme étant « un
n é * t vraiment im portant» (p. 12), et donc «sans hésitation très
d " e de publication » (p. 1!)• Mais ce n est qu a partir d un « texte
S l c n t r a p h i é d e 127 pages » (p. 12), que de très rares lecteurs
tiXinaissaient, que cette édition a etc faite. En nous référant, à
1’cpoque, aux deux versions autographes du Cours de Philosophie de
GuéttOO (2), nous avons pu apporter les précisions qui
s'imposaient et effectuer bien des rectifications, notamment à
propos de nom bre d’affirmations contenues dans l’« Introduction»
de ce livre (3). Nous avons en outre établi une édition critique de
trois chapitres de la partie « Psychologie » de ce Cours, ce qui a
permis aux lecteurs d’apprécier la différence qui existe entre une
édition établie à partir d’une version sujette à caution et celle faite à
partir des originaux.
A1 mip i_ _______
commentaires » dont parle M. Pinchard ? Probablement s’agit-il de
ceux qui ont été adressés à la revue. De notre côté, grâce à une
aimable communication de la Direction de notre revue, nous avons
eu connaissance qu’un Maçon possédant des copies des lettres
manuscrites de René Guénon à Marcel Maugy, après avoir vérifié
l’absence de conformité de l’édition de cette correspondance dans
les Cahiers Villard de Honnecourt par rapport aux documents dont il
dispose, avait transmis ses « commentaires » pour protester contre
l’état lamentable de cette publication, en joignant aussi des
« Errata » afin que la Direction de la revue maçonnique se rende
compte de l’étendue des dégâts. En outre, nous savons que
plusieurs personnes, qui sont en accord avec les observations
M. Bruno Pinchard
contenues dans notre texte, ont demandé d’interrompre ladite
publication. Nous ne pouvons que soutenir de telles démarches.
On se demandera alors en quoi les « commentaires » du Maçon
précité et ceux de nos lecteurs suffisent « à vérifier » la nécessité de
la publication fautive des lettres de Guénon, ainsi que l’affirme M.
Pinchard, puisque, précisément, leurs auteurs s’opposent à cette
édition ? Dans cette affaire, ce dernier ne paraît pas trop soucieux
de logique ni, semble-t-il, de vérité. Enfin, si certains ont écrit à la
revue maçonnique pour signifier qu’ils approuvaient la publication
en question, dans la mesure où ce qui est en cause est l’édition de
ettres de René Guénon, nous nous permettrons de leur demander
quel est leur degré de compétence en cette matière ?
D autre part, et dans le domaine public cette fois, en
°.r^S e nos remarques, nous ne connaissons à ce jour que ce
^17 ' ^ achelet a mis en ligne sur un site internet en juillet
l’o i anS Un court.texte>ü critique « les exactions qui sont à
îjpne ce ces diffusions jusqu’aux modifications toujours plus
cnrni^*1^ j S con*enus d* cette correspondance », « des versions toujoursplus
ues, (ont certaines jusqu'au grotesque ». Il met d’autre part en
ause «les droits de René Guénon qui ont été bafoués sans vergogne, à
commencer par le droit moral attaché à sa personne, à son nom à
,eS qualités et fonction traditionnelle, et qui est un droit perpétuel
inaliénable et imprescriptible, dont fait partie le droit au respect de
l'intégrité de ses écrits, tout aussi fondamental en terme de paternité »
/c’est nous qui soulignons).
On notera encore que, dans le cas de Psychologie, nous
avions affaire à l’édition d’un document quasiment inconnu. Mais
cn est-il de même avec la publication en cours, dans une revue
maçonnique, des lettres adressées par Guénon à Maugy ? La
réponse ne peut être que négative : si les copies des lettres
manuscrites se transmettent plus ou moins confidentiellement,
plusieurs versions dactylographiées et numérisées circulent plus
largement depuis bien des années - nous en connaissons quatre.
De plus, il faut tenir compte désormais des versions accessibles à
tous sur l’Internet. Il nous faut constater, pour le regretter, que ces
diverses versions dactylographiées, numérisées et mises en ligne
sont toutes fautives, et, même si elles se distinguent les unes les
autres sur certains points, elles reproduisent bien souvent les
mêmes fautes et erreurs. Celle que les Cahiers Villard de Honnecourt
publient n’échappe pas à la règle. Elle n’était donc aucunement
« nécessaire », malgré ce qu’affirme M. Pinchard, puisqu’elle est par
trop défectueuse, et que chacun peut en lire et télécharger d’autres
qui lui sont similaires sur l'Internet.
Nous nous permettrons une remarque d’ordre général
concernant les versions altérées des correspondances dont nous
venons de parler, ainsi que les documents dactylographiés inédits
attribués à René Guénon. Pour les premières, il serait temps de ne
leur accorder aucune valeur, aucun intérêt, précisément parce
qu’elles sont corrompues. Pour les seconds, la plus grande
circonspection s’impose quand on nous en présente un nouveau,
puisqu’on n ’en connaît généralement pas l’origine véritable. Si 1on
veut savoir si on a affaire à des lettres et documents auxquels on
peut accorder en toute confiance crédit, il faut que ces lettres et
documents soient accompagnés au moins de fac-s es
Partiellement reproduits, à défaut de l’être intégralement. ce a
«teste de la bonne foi de l’éditeur, et donne toutes les garanties
aux lecteurs (5). Pour des raisons qu’on ne peut développer ic ,
Cette remarque devrait concerner aussi les textes publiés par
Guénon lui-même, quand on souhaite en donner une n
édition (6).
Il est d’ailleurs très singulier qu’on se permette de ret < _
ct défigurer ainsi nombre de textes inédits de cne aux
Pr°fitant du fait qu’on ne peut bien souvent se, re duire
^ginaux, ou à leurs copies. Si quelqu’un s aventurait a
e même avec les écrits de n ’importe quel écrivain p
cn question ne manqueraient
de l’auteur «tre pour que de tels

pissements cessent Lcs publications et diffusions des


O pérer s’arretera e ^ uflC forme ou une autre, elles,
W dto * Rcne, S S n c e à peu P * « * * , raKS S«*
jouissent d'sme mdiffett entre une version fidde aux
sont à même de P™ « isc en considération et des copies
originaux méritant a ci i néccssairc de s’insurger contre leur
frelatées. H est/ irg" L Nos remarques précédentes «sur une
banalisation et imPun ' é Guénon dans les Cahiers Villard de
publication de lettres e ^ nous faisons maintenant
Honnecourt », comme cc C' M . ■ à essayer de concourir
s'inscrivent dans cette paspeenve : q w ^ ^ ^ ^
sinon à leur disparition, pour j t a cjjt quiconque possède
à leur limitation. Comme dori de donner'les sources
véritablement un « P 1* * é n .q édiœ ou met en lient ;
exactes des textes de Rene Guenon q convenance
cela fait partie des exigences de rigueur
traditionnelle.

Une édition trompeuse

«Pour éviter tout malentendu», M. Pinchard précise


« dans quel esprit » il a entrepris « de faire connaître ces dernières
remarques du Maître du Caire sur la Franc-Maçonnene
traditionnelle. » On s’étonnera tout d’abord qu’il ait fallu attendre
la troisième livraison de cette correspondance pour connaître enfin
l’«esprit», ou, plus exactement, la mentalité avec laquelle cette
édition a été faite. Pourquoi les lecteurs n’ont-ils pas été
préalablement informés, dès le n° 101, que c’était seulement à
partir d’une version ronéotée que cette édition avait été établie ?
Comme nous l’avons déjà signalé, le fait que c’est M. François
Geismann, conservateur de la bibliothèque de la Grande Loge
Nationale française, qui avait communiqué ces lettres provenant
du fonds René Guénon de cette Obédience, semblait offrir « a
priori toutes les garanties voulues pour cette publication » (p. 85).
Comment le lecteur pouvait-il supposer que ce fonds René
Guénon n est pas constitué des originaux ou, au moins, de copies
établies d’après les originaux des lettres en question ?
Ile plus, les reproductions de la signature de Guénon dans
deux numéros (7), ainsi que le fac-similé d’une lettre éditée dans le
n *C (8), tous ces éléments mis ensemble ne pouvaient que
ub8erer au lecteur que l’édition cn question avait été faite sur les
originaux, et avec sérieux, rigueur et fidélité, comme on s’y attend
d’éxr rCVUC duaüté qui fit paraître, il y a bien longtemps,
entes traductions des O/d Charges. M alheureusement, aucun
,, rcs lettres puouees ne pouvait se rendre comm,
K*IC‘" t le cas. Comme nous, ils ont été abusés. Certain, S “ *
malhonnêteté ou de ttom petie... De n o ^ f ^ '
< n 1t1 M
ividc* une....-.nissance
noUS aUri° n, S ce que
de ^ nous
tOUt auttcs ™™rM
anorend mucs .n< us
eu connaissance de ce que nous apprend enfin M. Pinchard
r éviter tout malentendu » ü eut été préférable de prévenir
PoU' uc de tenter de se justifier apres avoir commis une telle
’lüt° 1 Croit-on, d’autre part, que ce peut texte de M. Pinchard
Jnticra confiance aux lecteurs de la revue qui ont été ainsi

dopes?
Un trésor de pacotille

M. Pinchard ne prétend pas avoir établi «une édiüon


scientifique », mais seulement avoir fait « connaître un des trésors »
je la bibliothèque de la Grande Loge Nationale f rançaise, « non
pas les lettres originales de René Guénon à Denys Roman, mais
une copie simplement ronéotée de celles-ci, oubliée dans notre
fonds et retrouvée par hasard », dont il ne connaît « ni l’auteur, ni
l’origine. » Il n’a donc pas fait « un travail scientifique [qui] aurait
exigé une préparation minutieuse, une analyse des contextes,
l’éclaircissement de la personnalité des correspondants et des
personnes évoquées. »
Il est assez extraordinaire que M. Pinchard considère la
copie dont il parle comme étant un « trésor ». Ce n’est pourtant
qu’une des versions fautives dont nous avons parlé plus haut : un
simple trésor de pacotille ! Telle qu’elle est, cette copie aurait dû
rester là où elle était, dans le fonds de la bibliothèque de la GLNP ,
au moins, en cet endroit, elle n ’aurait pas donné lieu à une sorte
dersatz d’édition des lettres de René Guénon. Comme le
«hasard»dont parle M. Pinchard fait mal les choses, puisqu’il a
facilité la publication d’une nouvelle version des lettres de Guénon,
aussi calamiteuse que les précédentes ! À moins qu il ne le tasse
bien> puisqu’il a permis de révéler le mauvais traitement qi
n’hésitent pas à faire subir à la correspondance e e ee ‘
guénon, en y ajoutant de nouvelles altérations, comme t
. '7 S Voir>sar>s en prévenir les lecteurs... Alors que ees vers ^
^ ces lettres circulent sur Xinternet, nous 1avons ^ ,
p, CÜOn des Cahiers Villard de Honnecourt a publié a eoj te
^ ^vue et corngée par ses soins, la p ré se n ta n t g * * *
est C° mmc étant une « correspondante inédite » <-1 ,l ^ ritre
de f 11 ^Ue ce qualificatif a mystérieusement disput u e j>une
‘W f i detniè5c livraison : s’agit-il d ’un oubU o ^
phraÜOn^ N ous é p re n d ro n s , en la m o e 1 A ttitu d e de nos
écliteut- aSC ^&ne & la Quantité, qui illustre bien • (trouvé]
8 ^Ptovisés : « O n dit que, quand un trésor
par quelqu’un à qui, pour une raison quelconque, ü n’est pas
destine, l’or et les pierres précieuses se changent pour lui en
charbon et en cailloux vulgaires » (ch. XIX). On ne sera donc
pas surpris qu’avec cette édition l’or des lettres de Guénon ait
été changé en de vulgaires scories de plomb.
On se demande aussi pourquoi cette «copie simplement
ronéotée » n’a pas incité les membres de la rédaction de la revue
maçonnique à rechercher à se procurer au moins des copies des
lettres auprès de leurs frères, quitte à contacter certains d’entre eux
appartenant à une autre Obédience, et qui ne sont pas réputés pour
exercer quelque rétention de ce type de docum ents... Compte tenu
de « l’urgence », citée plus loin dans la note de M. Pinchard, on a
choisi la facilité en partant d’un document existant. D ’ailleurs, l’a-t-
on reproduit fidèlement ? Celle ou celui qui a retranscrit les copies
ronéotées, déjà initialement passablement déformées et
grandement fautives, les a-t-il modifiées plus encore à son gré, ou
malgré lui, avant sa publication dans la revue maçonnique ?
En outre, d’autres éléments sont venus interférer dans la
présente édition, comme nous l’avons appris. Les membres du
« comité de rédaction restreint » nous ont en effet indiqué qu’ils
doivent de se conformer à la charte éditoriale propre aux Cahiers
Villard de Honnecourt, à la fois d’un numéro à un autre, mais
également d’un article à un autre, ce qui a pu occasionner de
nouvelles altérations par rapport à la copie déjà imparfaite. Selon
eux, il faut prendre en considération un second facteur, spécifique
à la GLNF : il est communément admis depuis 1998, au sein de
cette Obédience, que les sigles maçonniques peuvent et doivent
être écrits en toutes lettres dans un souci de compréhension
générale (9). Eu égard à cette recommandation, voire obligation, les
membres du « comité de rédaction restreint » estiment qu’ils n’ont
point « dé-maçonnisé » les lettres de G uénon, comme nous l’avons
affirmé. Si nous maintenons pourtant ce que nous avons écrit, c’est
que nous nous plaçons dans une autre perspective : les lettres de
René Guénon ont été écrites dans une forme précise, que leur
auteur a voulue ; c’est cette forme que l’on doit impérativement
observer et conserver quand on a à éditer de tels documents ; cela
fait partie du droit et du devoir de respecter « l’intégrité de ses
écrits », pour reprendre une expression déjà citée. En matière
d édition, c’est à ce seul point de vue qu’il faut donc se conformer,
et il ne sert à rien d ’exciper quelque argument rhétorique pour
tenter d y échapper. De là, les réécritures partielle et généralisée des
lettres constituent bien des modifications formelles occasionnant
une réelle « dé-maçonnisation ». E t si l’on tenait malgré tout à
changer la forme en question, pour se conformer aux deux motifs
mis en avant par les membres du « comité de rédaction restreint »,
il fallait au moins en informer les lecteurs dès le début de la
publication de la correspondance Guénon/M augy. De là 0
Lut que s’interroger : partant d’une copie fautive, et en raison T
respect de la charte éditoriale des Cahiers Villard de Uonnecourt et d
l’écriture des sigles maçonniques imposée dans la GLNF queUe C
j part des changements et fautes nouvelles qui ^
r • ^ >5 i _ / i- . revient au
“retranscnpteur dans cette édition, et quelle est celle
incombe aux membres du comité de rédaction? Malgré Z
importance, M. Pinchard s’abstient totalement de parler de ces
questions.
Il est d’autre part plutôt insolite de lire qu’on n’a pas voulu
prétendre « établir une édition scientifique » quand on sait que le
« comité de rédaction restreint » des Cahiers Villard de Honneœurt est
constitué, entre autres, d’un Doyen de l’Université de philosophie,
d’un Directeur de recherche au C.N.R.S., d’un Grand archiviste
national- c’est ainsi qu’ils se sont présentés à nous, et non
nominativement, ce qui contrevient aux règles les plus élémentaires
de la politesse dans une correspondance - : ces sommités dans
leurs domaines respectifs ont probablement dû faire quelque
violence à leurs méthodes universitaires en s’astreignant chacun à
ne surtout pas faire œuvre scientifique cette fois ! A défaut d’« un
travail scientifique », tous les lecteurs se seraient certainement
satisfaits d’une simple publication conforme aux lettres
autographes, ou à leur copie, sans plus. Mais il est vrai que parmi
les membres dudit comité on trouve aussi un membre de la
fondation René G uénon... Dans ces conditions, pouvait-on
s’attendre à autre chose qu’à un travail bâclé, comme nous y ont
habitués les membres en question avec leurs prétendues éditions
définitives ?
M. Pinchard déclare qu’« un travail scientifique aurait exigé
l***] l’éclaircissement de la personnalité des correspondants et des
personnes évoquées. » Il n’en est pas moins vrai qu’en l’absence
d apparat critique” plusieurs « Notes de la Rédaction » ont été
ajoutées dans la marge des lettres publiées, apportant ainsi des
Enseignements sur certains personnages. Nous avons toutefois
^cjà signalé que plusieurs de ces notes étaient lacunaires, ou non
exemptes d’erreurs, ou ne respectaient pas la terminologie
Echnique mise au point par René Guénon (10).^ Dans ces
éruditions, on ne regrettera aucunement l’absence d <<un fraN‘u
scientifique », les « Notes de la Rédaction » donnant déjà un avant-
grût de ce qu’« une édition scientifique » aurait pu établir.

^aire connaître renseignement de René Guénon

Il a semblé à M. Pinchard « q u ’il Allait Pr(^ “


Jurem ent : en ce temps de Tricentenaire, il était judicieux p'
(jLNF ne (sic !) faire connaître un enseignement qui *
touK la Franc-M açonnerie de ,'aprca-guerre et a profondénren,

“d ' - o r d enrre M. P rn C a rd «
ipal de cette publication est de faire connaître
nous : M om ent pn n r ^ ^ G u é n o n , et plus particulièrem ent
’cnseignemcn , ■l’initiation
1 . ,
dans cet
cet eenseignem
n se ig n e ment
e n t Mais, peut-on
peut o n
faire connaître cet enseignem ent sans tenir c o m p te de la form e
X e dans laqueUe il a été exposé p ar G u e n o n lu,-m em e ? O n le
textes était en cours d ’im pression, G uénon
sait, quand l’un de ses
attachait une importance extrême a ce que soit respecte non
seulement les tenues qu’il avait choisis, mais aussi que la moindre
virgule figurât à sa place. Pour M. Pinchard et les membres du
comité de rédaction, ce qui importe, c’est d’éditer les lettres de
Guénon à Maugy dans « l’urgence», à partir de la «copie
simplement ronéotée». L’enseignement expose par Rene Guenon
peut-il ainsi être fidèlement présenté ? Si tel est le cas, cette édition
s’avérerait effectivement être « nécessaire » ; sinon, les lecteurs
pouvaient s’en dispenser, et continuer à consulter gratuitement
cette correspondance Gucnon/M augy sur plusieurs sites internet
S’il est louable de privilégier l’enseignement de René
Guénon, il ne faut pas que la façon de procéder retenue altère ledit
enseignement. Nous ne retiendrons que trois exemples pour
montrer que la simple reproduction d’une version ronéotée pose
des problèmes.
Dans le domaine documentaire, quand on lit que « Le
Frère Maridort m’a également communiqué les renseignements que
vous lui avez envoyés au sujet de “J ” et “B” » (n° 101, p. 75), qui
peut comprendre qu’il faut lire en fait : « au sujet de ]. B. », c’est-à-
dire de Jules Boucher ? O n se reportera à nos remarques dans les
Cahiers de l’Unité, n° 6, p. 95.
Dans le domaine symbolique, on publie : « l’ornementation
des chasubles et des étoles » (n° 102, p. 95). O r, c’est « pales », et
non « étoles » qui devrait figurer (cf. Cahiers de l ’Unité, n° 6, p. 103).
Là encore, celui qui s’intéresse au symbolisme des objets
liturgiques ne saura pas qu’il doit porter en réalité ses recherches
sur les pales, et non sur les vêtements et ornements liturgiques que
sont les chasubles et les étoles.
1ai fin, dans le domaine rituel maçonnique, donc dans ce
qui a « rapport à l’initiation », on édite : « Pour aborder leur plateau
et pour des circumambulations - détail rituélique - , il semble que
es Officiers devraient toujours le quitter et le regagner en se
conformant au sens» (n° 101, p. 83). Cette phrase est
complètement incompréhensible, puisqu’on ne sait pas à quel sens
9 » n i * doivent se conformer (cf. Cahiers de l'Unité, n° 6, p.
' î iu ’ a <î ucst’on est d ’im portance, car G u é n o n signale au
préalable q u ’elle « sem ble to u t à fait inconnu(e) en France ».
Ainsi, pour ne pas égarer le lecteur, et lui donner une
'dioon qui respecte l’enseignement de Guénon, ce qui est tout de
^ême ce qui importe le plus en l’occurrence, les éditeurs actuels
doivent trouver des solutions aux problèmes que nous venons de
oulever. Sans ces dernières, il est « nécessaire » de s’abstenir de
\iblier des documents qui nuisent à l’enseignement auquel on
attache pourtant à juste raison une grande considération.

M. Pinchard se réfère au « Tricentenaire ». Or, quelle


importance un Maçon d’esprit traditionnel peut-il accorder à la
création de la Maçonnerie spéculative ? Pour Guénon, « la véritable
Maçonnerie n’est certes pas, comme le disent certains, “l’institution
née en 1717” » ; «il voit bien plutôt cette dernière comme le
schisme qu’elle fut en réalité» (11). La publication de la
correspondance Guénon/M augy aurait pu être un véritable
antidote à ce « schisme » si elle avait été faite en respectant
scrupuleusement la forme dans laquelle elle a été écrite
originellement. En effet, elle aurait dû amener les Maçons d’esprit
traditionnel à y trouver les éléments fondamentaux d’une
revivification rituélique de leur loge dans un sens exclusivement
initiatique, qui ne peut que s’inscrire, comme nous l’avons déjà dit,
que dans ce que Guénon a précisément appelé le « retour à l’état
“opératif’ » au sein de la Maçonnerie, qui concerne proprement «
cet accomplissement de l’être qu’est la réalisation initiatique, avec
tout l’ensemble des moyens de divers ordres qui peuvent être
employés en vue de cette fin » {Aperçus sur l'Initiation, ch. XXIX).

Une édition faite dans l’urgence

C’est donc « un document encore brut » qui nous est livré.


« L’urgence est là : lire Guénon dans son ultime dialogue avec
l’Europe, alors qu’il ne lui reste que deux ou trois ans à vivre. » Et
M. Pinchard conclut : « C’était là partager une grande lumière et
dans son imperfection cette première divulgation inspirera, c est
notre espoir le plus cher, les éditions critiques futures, les
réflexions des initiés et la méditation de tous ceux à qui la
1radition secrète sert d’Orient. »
Ce lyrisme final masque mal l’embarras de M. Pinchard . il
reconnaît lui-même que l’édition des lettres de Guénon à Maug)
dans les Cahiers \'illard de Honnecourt est imparfaite ; mais il ne semb e
Pas vouloir l’interrompre malgré ce que nous avons expose, - a
&êne est d’autant plus grande que son alter ego à la rédaction
Cctte revue nous a aimablement écrit de son côté que nos
' remarques sont, non seulement pertinentes, mais justifiées »•
- °us verrons donc si l’on persiste à poursuivre cette pu cation
auti\e qui, surtout, dénature l’enseignement de René Guénon.
, . nn nc saurait s’improviser éditeur de ses écrits,
l’aura c o m p ris . on ne
surtout dans « l’urgence ». l’E u ro p e» appelle des
Parier d’« ultunc cüalogue * ^ ^ k ^
précisions: uil ne s’agit
-n - ici que
- n o tan t alors que l’un des
Maçonnerie tradildomie , ^ cc. tlomainc. O r, il est nécessaire
interlocuteurs de Ciueno m èmc matière, à cette même
d’associer à ce « diaoguc J» Mercier, Cerf, etc. E t il ne faut
époque, Mandort a ■’ " dans ’lcs dernières années de sa vie,
pas non plus ou c l , avec ses correspondants
Guénon continu. . „ continents, du Christianism e et de
Bouddhisme,' de l’Islam et de ses orgamsations
ésotériques « tniriatiques, etc. O n ne m m * donc Itmtter ses
uîomes échanges épistolaires à la seule Franc-M açonnerie m au seul
Maugy comme semble le faire M. Pinchar .

D’autre part, il n’est pas inutile de rappeler que les


membres de la pseudo-fondation René Guénon accordent
malheureusement plus d’intérêt à la promotion des conceptions
anti-traditionnelles et à la méthode profane de 1un d entre eux
plutôt qu’à veiller à rééditer sans la moindre faute les ouvrages de René
Guénon. Est-ce la présence de l’un d’entre eux parmi le « comité de
rédaction restreint » des Cahiers Villard de Honnecourt qui fait
qu’aucune des trois livraisons de la correspondance
Guénon/Maugy - nous incluons aussi celle du n° 103 — n ’est
dépourvue de fautes d’orthographe ? Ce n ’est pas parce qu’on se
base sur un document sujet à caution qu’on doit reproduire les
fautes qu’il contient. De plus, quand on édite des textes de
Guénon, on doit veiller à éviter de lui faire dire des inepties. S’il
n’est pas trop grave de lui faire écrire : « je m ’excuse de n’avoir pas
pu trouver le temps d’y répondre plutôt (sic !) » (n° 103, p. 79), il est
ridicule de lui faire dire : « Le vœu demandant qu’il n’y ait pas plus
d un Conseiller fédéral par Loge était en effet assez menaçant pour
la Grande Tenue (sic !) » (Ibid., p. 84 ; dans le manuscrit : « pour la G.
T. », c’est-à-dire, bien entendu : « pour la Grande Triade »). Mais il
est proprement inadmissible de lui faire écrite le contraiie de ce quil a
réellement écrit. Ainsi, dans sa lettre du 28 septembre 1948, Maugy
in q u a . «j ai remarqué dans le “Spéculative Mason” des
expressions qui m’ont “accroché”. Par exemple : “the seven-fold
Salutc to lü-Shaddaï is given Or, le nom sacré d’El-Sh.-. ayant
i trans dans un haut-grade (où se trouvent d’ailleurs
eaucoup autres choses intéressantes), ce n’est pas à nous (je
p,1X re °V1 cmment : à Marty et à moi) à le faire “redescendre”. »
selon SJ rcp?ns,c en date clu 19 octobre 1948, Guénon aurait écrit,
snécul'itw P Honnecourt : «Dans les Loges
vcs, e nom d’El-Shaddaï est expressément mentionné
prononcée à l’ouverture par le Chapelain » (p.
daflS l’invocation P ^ n>egt h précipitation apportée à cette
« L’ntgencC >>’ ' , ême un minimum de réflexion. L’éditeur
o/»ressite tout uc niuu , • ,
(.clioon nec<-- goit la version roneotee, soit ce que le
aurait du c° t ^ cjactyi0graphié. Dans tous les cas, il est
«retranscnpteu^^^ pa8Scr une « absurdité caractérisée » (12),
fesp°nsa ’ c évidemment : « Dans les LL.*, opératives » que le n o m
jS h a d d a ï..- O3)-

_ A u * , -fi, f -fi-
/ ^ /V ^C. f L\W|-Cxyu>Vv^
' / CT* —
d. 2**t)

Outre que cette absurdité ne peut que désorienter le


lecteur, ce qui est plus grave encore est qu’elle fait désormais passer
René Guénon pour un auteur incohérent, capable d’absurdité dans
le domaine rituel et initiatique (14). Cet exemple, et celui, d’ordre
doctrinal, que nous avons relevé dans l’« Annexe » du Règne,
prouvent que les membres de la soi-disant fondation René Guénon
et les responsables de l’édition des lettres de Guénon à Maugy dans
les Cahiers Y illard de Honnecouri se soucient finalement peu, en
réalité, de l’enseignement de Guénon, ces éditeurs ajoutant du
chaos à l’expression ordonnée de cet enseignement.
Enfin, qui sait si l’un des psychanalystes qui collaborent
aux Cahiers Villard de Honnecourt n ’interprétera à sa manière cette
phrase si caractéristique, que nous reprenons : « il était judicieux
pour la GLNE ne {sic !) faire connaître un enseignement ».
Indépendamment de toute interprétation psychanalytique cette
fois, on se demandera si la présence de cet adverbe marquant la
négation n’est pas suffisamment significative dans ce contexte ?
^ est-ce pas, d’ailleurs, ce à quoi on a finalement affaire avec cette
déplorable édition qui ne saurait faire connaître l’enseignement de
^ené Guénon, puisqu’elle ne cesse d’en modifier la forme et d en
itérer la signification ?

P. B.
NOTES
Rccucil annuel 2016 » des Cahiers de IVnité,
1. Cf. leur recension dans c «
n ?23, n. 20. , .
p' . texte même de ce Cours, son existence était
2. si l’on ne connaissait mèmc pa8 trop comment je f a * , si je
attestée par Guenon . <)e " d>avance » (faite du 3 janvier 1918). Jean
n'avais mon cours tout prep <( un couf8 qutl a lui-meme
M om ct té m o ig n a que extrait du Bulletin de (Association des anciens
écrit » (« René G uenon a m • > p a u l Chacornac, La me simple de
Hem du lycée de Blois, 1154, p. ,
RenéGuénon, 1958, p. 58).
vi i Rcné Guénon » de Science sacrée, 2003, pp. 399
3. Cf. le « Numéro spécial Kene
et sqq.
4. René Guénon, DenyS Roman ec la Franc-Maçonnerie - « Arche vivante
des Symboles ».

5. Cf. par exemple, dans le numéro précité de S * * . PP* «»•


458, 519, etc.
6. Cf. par exemple, dans le « Recueü » précité des Cahiers de IVnité, p. 226.

7. Dans le n° 101, p. 87, et dans le n° 102, p. 104 ; il semble d’ailleurs que


ce soit la même qui se trouve en fin de ces deux lettres ! Quant a celle qui
figure juste avant la note de M. Pinchard dans le n° 103, p. 89, ce n est
pas elle qui clôt en réalité la lettre du 19 octobre 1948...

8. P. 105 ; le lecteur non averti pensera qu’il s’agit aussi d’une lettre à
Maugy, alors qu’elle était destinée à Edmond Gloton, et qu’elle date du 17
mai 1947.

9. Si chaque éditeur des écrits de René G uénon se met à privilégier


certains critères qui lui sont “personnels” pour rééditer les livres de
Guénon ou publier ses inédits, au lieu de se cantonner à reproduire
fidèlement ces documents tels quels, nous risquons tôt ou tard de voir
apparaître un nouveau type de publications. Par exemple, dans la mesure
où on souhaite s’adresser à de nouveaux lecteurs de René Guénon, et que
1on peut espérer compter parmi eux des jeunes gens, pourquoi ne pas
apporter certaines modifications orthographiques dans ces nouvelles
éditions, pour ne point troubler les lecteurs en question ? En effet, depuis
la publication au Journal Official de la République française du 6 décembre
l))() du ^PPort du « Conseil supérieur de la langue française », approuvé
par l Académie française, certaines « rectifications de
ographe [...J constituent une nouvelle norme » pour les enseignants
alns*<( cc 4Uils auront à enseigner aux nouvelles générations »
v • , ,US81’ 4UC ces jeunes et futurs lecteurs ne soient point surpris,
verlv*' C8<)ricnt^s» Par ta présence d’accents circonflexes sur les / des
crocs, notamment à l’infinitif, à la troisième personne du singulier du

i An
présent de l’indicatif, etc., on s’empressera d’écrire les verbes suivants et
ceux qui leur sont apparentés : “connaître”, “apparaître”, sous les forces
“connaître”, “apparaitre”, etc. Le m ot « événement », que Guénon utilise
sous cette form e, sera désormais écrit : « évènement» ; c’est l’orthographe
voulue par la réforme. D ’ailleurs, cette graphie était largement répandue
avant 1990 et considérée com m e plus conforme à la prononciation. On
ne tiendra donc pas com pte des réfutations de ces remarques dans le
dictionnaire du Centre National des Ressources Textuelles et Lexicales (CNRTL)
s. v., rubrique : « Prononciation et O rthographe ».
D e plus, certains se perm ettront tôt ou tard de revoir des
expressions utilisées régulièrement par G uénon dans ses divers livres, car
elles font partie des « questions disputées » chez les linguistes,
grammairiens, philologues, etc., m êm e si elles sont actuellement admises
par l’Académie française - mais, pour combien de temps ? Ainsi, là où
Guénon écrit « voire m êm e », ce que certains regardent comme un
archaïsme, d ’autres com m e un pléonasme, d ’autres encore comme une
redondance inutile, on se contentera de : « voire » ou de « même ». La
locution adverbiale : « par contre » sera remplacée par : « en revanche »,
conform ém ent aux idées de certains puristes, etc. Q uant à « moyen âge »,
Guénon ne l’écrit-il pas ainsi comme lorsqu’on parle, de façon péjorative,
d’une période d ’arriération et d ’obscurantisme en disant : « c’est un (ou :
du) moyen âge » ? Mais quand les historiens s’intéressent à l’époque
connue com m e étant le Moyen Age, ou le Moyen-Age, ils n’oublient pas
de mettre des majuscules. Comme on le voit, pour certains, les occasions
de « rectifier » l’orthographe dans les livres de Guénon ne manquent pas.
Ajouterons-nous que les exemples que nous avons mentionnés, avec leurs
“justifications” nous ont été rapportés par tel ou tel ?

10. Cf. n° 6, pp. 94-96.

11. Compte rendu paru dans les Études Traditionnelles, juillet 1936, p. 286

12. Expression de G uénon utilisée dans un compte rendu. Le 1 oile dla>


février 1931, p. 125.

13. M. Elyassaa Elbanna a résumé ce passage de la lettre <-e 1 au&A


traduisant ainsi la phrase que nous reprenons : « on adresse a septup
Salutation à El-Shaddaï » ; puis il a reproduit la réponse e
('Cahiers de l ’Unité, n° 6, pp. 29-30).

14- Cf. ce que nous avons écrit à la fin de la J ™ et les Signes


étude sur la prétendue édition définitive du Règne de b Qu
des Temps dans le « Recueil annuel 2016 », p. 444.

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