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Christian Souchon
Vouga est un nom inattendu et facile à retenir. En lisant l’article susmentionné, il m’est
revenu qu’il figurait de façon tout à fait énigmatique dans le registre des baptêmes d’Edern,
au détour de 4 vers moyens-bretons précédés d’une traduction française, inscrits dans
ce livre en date du 14 février 1628 :
Goude glao bras arnou noas a dra sur Un peu avant seize-cent-trente
Meur a vouga varvel a druillou.
1
Les vouga à la barbe jausne payront la rante
Hac en o bro a changeo stil Un beau Gaston moult besoignera,
Rac muy e quit cant mil a vresillo Et la croix rouge de couleur changera
1 vouga, dans le texte breton = croquemitaine, fantôme effrayant.
Dans une étude qu’il consacra en 1861 à Myrdhinn ou l’enchanteur Merlin, Théodore
de La Villemarqué, auteur du Barzhaz Breizh, souligne l’influence historique, politique
et littéraire qu’ont exercée lesdites prophéties. Ce texte est du plus grand intérêt, même
si son auteur omet de signaler ce qu’il doit aux commentaires en latin de Francisque
Michel, l’éditeur, en 1837, de la Vita Merlini de Geoffroy de Monmouth. C’est ainsi qu’on
y apprend que la Prophétie 32, « Alors du bois chenu sortira une vierge qui arrêtera le
fléau … » et quelques autres furent invoquées à charge lors du procès de Jeanne d’Arc
(1431).
Par ailleurs, Merlin possède dans les communes de Louargat et de Tréglamus un épigone
avec lequel il a beaucoup de traits communs. Il s’agit du fameux Guinclan, rebaptisé
Gwenc’hlan par La Villemarqué qui lui consacre le premier chant du Barzhaz de 1839,
personnage réputé enseveli sous le Ménez Bré.
En 1834, les érudits bretons s’intéressaient à un mystérieux manuscrit : Les prophéties de Guinclan
( Guiclan ou Guinclaff ) considéré comme disparu, depuis la Révolution, de l’abbaye de
Landévennec. Selon les dires du bénédictin Dom Louis Le Pelletier et du capucin Grégoire de
Rostrenen, ce manuscrit y était conservé autrefois. Tous deux auteurs de dictionnaires bretons
avaient, l’un fait des citations, l’autre mentionné l’existence de ce texte.
Dom Louis le Pelletier (1663-1733) est l’auteur d’un Dictionnaire étymologique de la langue bretonne
publié en 1752, après sa mort et dans lequel il mentionne avoir eu entre les mains, à l’abbaye de
Landévennec, ledit manuscrit où il avait trouvé des mots pour son dictionnaire ; né au Mans, il
n’était pas bretonnant de naissance. Dom Taillandier rédigeant la préface de l’ouvrage posthume
avait indiqué, page VIII :
« le plus ancien [monument écrit en langue bretonne] qu’ait trouvé Dom Pelletier est
un manuscrit de l’année 1450, qui est un recueil de prédictions d’un prétendu prophète
nommé Gwinglaff. Il a tiré quelques secours de la vie de saint Guénolé, premier abbé de
Landévennec... »
Gwinglaff est effectivement cité à trois reprises dans ce dictionnaire aux mots : bagad /troupe,
gnou /notoire et orzail /batterie, corruption dit Le Pelletier du français assaillir.
Avant que l’ouvrage ne soit publié, Grégoire de Rostrenen (1667-1750) avait fait paraître, en 1732,
son Dictionnaire Celto-Breton où il citait ce même Guinclan :
• Dans l’introduction où il donnait la liste des...auteurs dont [il s’était] servi pour composer ce
dictionnaire :
« Ce que j’ai trouvé de plus ancien sur la langue... bretonne a été le livre manuscrit en langue
bretonne des Prédictions de Guinclan, astronome breton très fameux encore aujourd’hui
parmi les Bretons qui l’appellent communément « le prophète Guinclan «. Il marque au
commencement de ses prédictions, qu’il écrivait l’an de salut deux cent quarante (240),
demeurant entre Roc’h-Hellas et le Porzh-Gwenn : c’est au diocèse de Tréguier, entre Morlaix
et la ville de Tréguier. »
Aujourd’hui ces localités s’appellent le Grand Rocher qui surplombe la baie de Saint-Michel-
en-Grève et Port-Blanc en Penvénan.
« Guinclan, prophète breton, ou plutôt astrologue qui vivait dans le IIIème siècle, [et] dont j’ai
vu les prédictions en rimes bretonnes à l’abbaye de Landévennec entre les mains du R.P. Dom
Louis Le Pelletier. »
« [Il] était natif de la comté de Goélo en Bretagne Armorique et prédit aux environs de l’an de
grâce 240, ( comme il le dit lui-même), ce qui est arrivé depuis dans les deux Bretagnes [dans
la traduction bretonne de l’article : ‘en Armorique et en Grande Bretagne’]. »
La contradiction avec le futur dictionnaire de Dom Le Pelletier dut lui être signalée, peut-être par
ce dernier, car six ans plus tard, dans sa Grammaire Celto-Bretonne (1738), il la corrige partiellement :
« Il s’est glissé...dans mon Dictionnaire...une très grosse [erreur] : C’est au mot Guinclan dont
j’ai marqué les prédictions à l’an 240, au lieu qu’il faut mettre 450. »
L’erreur n’était plus que de 1000 ans ! Les commentateurs qui s’intéresseront à Guinclan par la
suite retiendront cette date : l’an 450. C’est le cas de Cambry dans son Voyage dans le Finistère (1797)
et de l’abbé de La Rue dans ses Recherches sur les ouvrages des bardes de la Bretagne armoricaine dans le
Moyen Âge (1815).
Un copiste mal avisé avait raturé le mot « mil », ce qui explique l’erreur du père Grégoire, mais
pour critiquer cette rature, le savant Dom Pelletier attirait l’attention sur les mots français dont ce
texte est truffé, au nombre desquels « canol » pour « canons ». En voici les 31 premiers vers avec
une traduction empruntée à mon site2 :
2 http://chrsouchon.free.fr/arzurroe.htm
Guynglaff Gwynglaff
Le texte de ce « Dialogue » où Guiclan ne figure pas comme auteur, mais comme acteur, est
structuré comme suit, selon l’analyse publiée par R. Largillière dans les Annales de Bretagne ( tome
38, 1929 ) :
• Vie de Gwynglaff, être à demi sauvage, n’ayant d’autre abri que les arbres des forêts dans
lesquelles il errait couvert d’une cape rousse. Il connaissait l’avenir. Ce thème de l’homme
sauvage est aussi présent dans le chant du Barzhaz, Merlin Barde.
• Un dimanche, le roi Arthur se saisit de lui et lui intime l’ordre assorti de menaces de lui dire
quels prodiges arriveront en Bretagne avant la fin du monde.
• Réponse : « Tu sauras tout, excepté ta mort et la mienne » suivie de précisions difficiles à
Selon J. Tourneur-Aumont, dans les mêmes Annales de Bretagne ( tome 39, 1930-1931 ), il s’agit d’un
« Chant royal » composé suivant les canons en vigueur au XVème siècle pour servir les ambitions
politiques du roi de France, Charles VII. L’intérêt de ce texte est philologique, non historique.
Dans la Vie de Merlin de Geoffroy de Monmouth, le roi Rodarchus s’empare de Merlin par la force
et dans l’Histoire des rois de Bretagne, Merlin refuse de répondre à Vortigern quand celui-ci l’interroge
sur son propre destin. Le thème est donc ancien et il apparaît que Gwynglaff a pris la place de
Merlin.
En outre, certaines de ces prédictions font partie du répertoire de prophètes bas-bretons que nous
aborderons plus loin.
Deux passages :
• « An douar fallaff a roy guellaff / La pire terre qui fournira le meilleur blé »
• « Ma’z marvint oll a strolladoù War Menez-Bré, a bagadoù / Ils mourront par bandes et par troupes
sur le Ménez Bré »
avaient été cités par divers auteurs avant la redécouverte du manuscrit.
D’autres sont mentionnés dans les deux dictionnaires qui s’en inspirent, mais sont absents du
manuscrit : le mot « orzail » ( Le Pelletier ) et la phrase indiquant que Guinclan « demeurait entre
Roc’h-Hellas et le Porzh-Gwenn » ( Grégoire ).
Sur le manuscrit, Dom Le Pelletier mentionne 2 versions des Prophéties. Ces mots doivent figurer
sur la version manquante qu’il a montrée au Père Grégoire.
Dans le Que-sais-je ? qu’il consacre en 1952 à la Langue et littérature bretonnes, Francis Gourvil souligne
insidieusement que, selon lui, cette découverte « a permis de réduire à néant les prétentions de ceux
qui, croyant le texte disparu à jamais, avaient inconsidérément abusé de lui. » Il est clair qu’il visait
spécialement le poème Diougan Gwenc’hlan / Les prophéties de Gwenc’hlan, sur lequel s’ouvrait, en
1839, la première édition du Barzhaz Breizh de La Villemarqué et dont la grandiose beauté a sans
doute puissamment contribué au succès de ce livre.
Le poème du Barzhaz, reproduit en annexe, met en scène un antique barde qu’un prince chrétien
retenait prisonnier après lui avoir crevé les yeux et qui, ayant le don de prophétie, prédit qu’il sera
vengé par un prince païen.
La Villemarqué attribuait à une tradition populaire deux dictons barbares qui apparaissent dans
l’édition de 1845 et qui avaient pu l’inspirer :
• « Tud Jezus-Krist a wallgasor / Evel gouezed o argador : Les prêtres du Christ seront poursuivis / On
les huera comme des bêtes fauves », et
• « Rod ar vilin a valo flour / Gand goad ar venec’h eleac’h dour : La roue des moulins moudra menu /
le sang des moines lui servira d’eau. »
Il s’appuyait sur l’historien local Daniel-Louis Miorcec de Kerdanet (1792-1874) qui attribuait lui
aussi à Gwenc’hlan des prophéties qu’ils avaient pu entendre ou lire. Dans ses Notices Chronologiques
(1818), Miorcec écrivait (pp. 8-9) : « [Guinclan] prédit vers l’an 450, les révolutions des deux
Bretagne et la gloire dont il devait jouir dans la postérité : L’avenir... entendra parler de Guinclan.
Un jour les descendants de Brutus [ = les Bretons ] élèveront leurs voix sur le Ménez-Bré. Ils
s’écrieront en regardant cette montagne : ‘‘ Ici habita Guinclan ’’. Ils admireront les générations qui
ne sont plus, et les temps dont je sus sonder la profondeur. »
• Il reprend deux des citations que le Barzhaz Breizh attribue au devin sur « Les pires terres qui
produiront le meilleur blé.» et celle sur les foules d’hommes qui « mourront sur le Ménez-
Bré...»
• Il fait de Gwynglaff un contemporain du roi Arthur, autre personnage légendaire dont
l’historien Nennius dans son Historia Brittonum, vers 960, dit qu’il livra diverses batailles contre
les Saxons dont celle du Mont-Badon qu’un autre document rédigé à la même époque, les
Annales Cambriae, date de 516. Si Gwynglaff-Gwenc’hlan avait vécu, ce serait donc au VIème
siècle.
La Villemarqué avait en l’écrivain Anatole le Braz (1859 -1926) un critique acerbe. Pourtant, dans
les Contes du Soleil et de la Brume (1905), ce dernier ne rechigne pas à citer les trois premières strophes
du Barzhaz, lorsqu’il évoque « la plainte amère que lui a prêtée, dans le Barzhaz-Breizh, le vicomte
de La Villemarqué. » Il poursuit :
« Dans toute l’ancienne Domnonée [ côte nord de la Bretagne ], ses prédictions étaient
célèbres. Elles furent même rédigées par écrit et l’on en conservait, paraît-il, un recueil, il y
a quelque deux cents ans, chez les moines de Landévennec. Aujourd’hui, ce n’est guère que
dans la mémoire du peuple que l’on peut trouver un écho fort affaibli de ces paroles sibyllines, de
ces ‘‘ diou-ganoù ’’ ».
La source de cette tradition orale relative au prophète où puise Le Braz n’est autre que Marguerite
Philippe ou Marc’harid Fulup, (1837 -1909), l’informatrice principale de Luzel, à Plouaret. Selon
elle, Guinclan habitait le manoir de Run-ar-Goff à l’ouest de la montagne et pouvait tourner
complètement la tête vers l’arrière à la manière des chouettes. Il voyait les événements se mettre
en marche mais parlait peu, préférant converser avec les corbeaux et les oiseaux migrateurs qui
l’informaient des événements du monde. Une fois, il combattit toute une journée un ennemi
invisible avec son épée, au sommet du Ménez-Bré. Il avait exterminé de futurs envahisseurs et les
nuages étaient rougis de leur sang.
L’existence de ces traditions orales est même confirmée par le très sceptique François-Marie Luzel
(1826-1895) qui écrit dans De l’authenticité des chants du Barzhaz Breizh, 1872, p. 5 :
« A Louargat, au pied du Ménez-Bré, une vieille femme que j’interrogeais m’a dit un jour
qu’il y avait autrefois ur Warc’hlan sur le sommet de la montagne. Serait-ce une altération de
Gwynglaff ? Elle ne savait du reste si c’était un homme ou un animal ».
À défaut d’avouer qu’il les a pris pour modèle, La Villemarqué signale dans ses « Notes » les
ressemblances de son texte avec divers auteurs gallois anciens : Aneurin ( strophes 1 et 20 ),
Taliésin ( strophes 9 et 13 ), Llyfarc’h Hen ( strophes 2 et 23 à 25 ). De même, la dernière strophe
- qui situe la zone d’activité du prophète - reproduit la citation de Grégoire de Rostrenen déjà
mentionnée. Ces passages ont certainement été composés par le jeune Barde de Nizon3.
3 Barde de Nizon - En 1938, au congrès celtique dit Eisteddfod d’Abergavenny, au Pays de Galles, La Villemarqué alors âgé de 23 ans fut
élevé à la dignité de barde sous le nom breton de Barzh Nizon / Le Barde de Nizon.
Par ailleurs, sa nièce, Camille de La Villemarqué (1855-1945) écrivait le 21 novembre 1906 à son
cousin Pierre, le fils du barde : « Clémence Penquerc’h [ fille de Marie-Jeanne Droal, dite Mélan,
épouse Penquerc’h, de Penanros en Nizon ], se souvient très bien de ... la Prédiction de Guiclan. »
Cette lettre est citée par Donatien Laurent dans Aux sources du Barzhaz-Breizh ( Ar Men, 1989,
p.285 ). Il ajoute :
« Il est bien fâcheux de ne pas savoir ce que chantaient Annaïg Le Breton et Clémence
Penquerc’h et de ne pouvoir dès lors apprécier la toilette, à coup sûr soignée, que fit subir
La Villemarqué au texte qu’il recueillit avant de l’admettre au rang des élus. Au moins les
probabilités que ce texte existe me paraissent-elles sérieuses, contrairement à l’avis de Luzel,
de Loth et de F. Gourvil. »
Ajoutons que la prenante mélodie dans le mode hypolocrien4 qui accompagne le poème du Barzhaz
( lequel en fait un plus classique thème en fa dièse mineur en haussant d’un demi-ton une note à
la 10ème mesure ), n’a sans doute pas été inventée par La Villemarqué. Elle a inspiré au musicien
allemand, Friedrich Silcher (1789-1860), un accompagnement d’une religieuse majesté, publié
en 1840 avec la traduction du Barzhaz intitulée Volkslieder der Bretagne, de A. Keller et E. von
Seckendorff.
On doit à l’érudit celtisant, bibliographe, écrivain et éditeur breton, Gwennolé Le Menn (1938-
2009), l’étude la plus complète de ce sujet. Ce qui suit tient largement compte de l’article intitulé
« Du nouveau sur les prophéties de Gwenc’hlan » qu’il fit paraître, en 1983, dans le tome 111 des
bulletins de la Société d’Émulation des Côtes-du-Nord.
Les abréviations qui suivent les noms ou ouvrages cités sont destinées à faciliter la lecture du
tableau synoptique ci-après:
• Le Menn (LM) les intitule « Prophéties tirées du ‘‘ Livre ’’ du meunier de Trébeurden » et fait
des recoupements avec d’autres sources, en particulier :
• un ouvrage du régionaliste Ernest Le Barzic (LB, 1917-1977) intitulé Merveille de la côte de
Granit Rose, l’Île-Grande, Enez-Veur et ses environs (Rennes, 1970) où sont rapportés les dires de
l’octogénaire, Mme Le Corre ;
4 Mode hypolocrien - Succession de tons T et de demi-tons D selon la suite TDTTTDT. Cette gamme s’obtient sur un piano en jouant sur les
touches blanches en partant du ré. Ce mode est aussi appelé plain-chant. Codifié au IXe siècle il devient plain-chant grégorien.
Un amzer a vo gwelet Un temps viendra où l'on verra LM Ce passage sur l’évolution des
5 E vo an dud ken disgizet 5 Que les gens seront si déguisés modes vestimentaires rappelle
Ha na vo ket anavezet Qu'on ne distinguera plus d’autres prophéties de Filip
Dilhad ar peizantezed Les vêtements des paysannes RS Normant et du roi Stevan.
Dimeus ar re dimezelled. De ceux des demoiselles. FN En 1843 les bragoù braz cédaient la
Erruout a rayo ar giz Il arrivera la mode place aux pantalons.
10 Ma vezo an dud gwisket en brizh: 10 Des gens vêtus en bariolé.
Ar kapichonoù a vo lakaet On portera des capuchons
Ar pantalonoù a vo gwisket Ainsi que des pantalons.
Maleürus a vezo ar bed Malheureux sera le monde / Quand les gens
Pa vo an dud gwisket evel naered. seront vêtus comme des serpents.
20 Amzer a vo a vesterdien a gonduo ar bed, Un temps où des bâtards mèneront le monde, SA A-barzh a vezo fin ar bed
Ar fallañ dud gwellañ dimezet. Où les pires gens seront les mieux mariées + Ar fallañ douar gwellañ ed
Ar fallañ dud gwellañ estimet. Les pires gens les mieux estimées. DI Ar fallañ merc’h gwellañ dimeet
FN Hag ar besterd araok oc’h ober
BB tro vered.
An togoù kolet a vo lakaet. On portera des chapeaux collés [=cirés ?]
Ar mibien a essañs mat a yelo da c'hlask o boued. Les fils des meilleures familles iront mendier. Avant la fin du monde, les pires
terres produiront le meilleur blé,
les pires filles seront les mieux
mariées, et les bâtards conduiront
les processions.
25 Amzer a vo e vo gwelet 25. Un temps viendra où l'on verra LM L’annonce de guerres est un des
Brezel en Frañs hag a vo kalet, L'âpre guerre faire rage en France. motifs les plus constants dans
Brezel sivil ha brezel all Guerre civile et autre guerre toutes les prophéties.
Lec'h ma vo chefoù priñsipal. Opposant les principaux chefs.
Hag en amzer-se en-em daolo an dud fall war ar Roue hag En ce temps-là les gens méchants se jetteront sur LM Le roi assailli fait évidemment
en-devo kalz a boan en-em tenn, le roi qui aura beaucoup de mal à s'en tirer, s'il y penser à Louis XVI cité au début
mar ra. arrive des prophéties.
Mes allas! Souden goude e truyo seizh rouantelezh war ar Hélas, aussitôt après, sept royaumes se rueront DI 211 Ma'z dastumont fall ha seven,
Frañs sur la France : Dre gourc'hemenn ur kabiten,(…)
Les canailles et gens de bien,
Sous les ordres d'un Capitaine,
hag a formo un arme a tri-ugent lev a-hed hag a daou-ugent une armée de 60 lieues de long et 40 de large qui DI 214 Hag ar gwragez o sikouro.
lev a lec'hed. Hag a dalc'ho da avañs ken a vint rentet en avancera sans s'interrompre jusqu'au Ménez-Bré. Ma'z marvint oll a strolladoù
Menez-Bre. Eno e aretint hag a bep kostez a erruo ar Là elle s'arrêtera et de tous côtés afflueront les War Menez-Bré, a bagadoù
maerioù gant o farosioù, gwazed ha merc'hed a redont hep maires et leurs communes, hommes et femmes Les femmes sont leur seul soutien.
goût petra a reont da redek. accourant sans en savoir la raison. De sorte qu'ils mourront en foules
Sur le Ménez-Bré, en troupeaux
Ha pa vint erru eno, e vo savet daou enseign: unan fall hag Et quand ils seront arrivés là, on dressera deux
unan vat. Ar Roue komañs ar kombat pehini a yelo er enseignes, celle du mal et celle du bien. Alors
kostez ma garo. éclatera un combat où chacun choisira son camp.
Neuze e vo ur kombat ken sanglant ma hellfe div vilin o Et il sera si sanglant que le sang versé pourrait BB Rod a vilin a valo flour
valañ gant ar gwad epad daou devezh. alimenter deux moulins pendant deux jours. (*) Gand gwad ar venec’h e-lec’h dour
Ma gounid an hini vat e vo friket ar c'hostez fall Ne chomje Si le camp du bien l'emporte, celui du mal sera (*) La roue du moulin pourra
hini anezhe. Mar gounid an hini fall e vo lezenn fin ar bed, anéanti et il n'en restera plus rien. Si c'est le mal moudre menu ;
hep esperañs ebet Mar gounit an hini mat, e teuio ar peoc'h qui l'emporte, s'imposera la loi de la fin du Le sang des moines lui servira
Hag ar tranquillité da ren er bed; Da vihannañ ur pennad monde sans espérance aucune. Si c'est le bien, la d’eau
Ma gounid an hini vat e vo friket ar c'hostez fall Ne chomje paix et la tranquillité règneront sur terre, du (BB 1867: Introduction, p. XXV
hini anezhe. Mar gounid an hini fall e vo lezenn fin ar bed, moins pendant un moment. Et Notes du chant, p.23)
hep esperañs ebet Mar gounit an hini mat, e teuio ar peoc'h
Hag ar tranquillité da ren er bed; Da vihannañ ur pennad Cf. Les moulins sanglants“ ci-après
Ces rapprochements mettent en évidence dans toutes ces sources un corpus commun de « formules
prophétiques » ayant trait à des sujets précis. Dans le cadre du présent rapprochement, trois thèmes
méritent d’être soulignés :
• Un « livre de Guinclan » est évoqué par deux sources ( manuscrit de du Cleuziou et ouvrage
de Le Barzic ).
• Parmi les signes avant-coureurs de la catastrophe finale, l’un des plus révélateurs du machisme
• Dans la longue description en prose qui termine la note manuscrite d’Hippolyte du Cleuziou,
on est frappé par l’image des moulins tournant avec du sang. Elle est aussi présente dans les
prophéties populaires de Filip Normant et du Roué Stevan. Mais c’est La Villemarqué qui est
le premier à la citer :
Rod ar vilin a valo flour La roue des moulins moudra menu
Gand goad ar venec’h eleac’h dour. Le sang des moines lui servira d’eau.
Un équivalent français de cette phrase existe dans le Guionvarc’h de Louis-Antoine Dufilhol (1791-
1864), paru à Paris en 1835 (pp.26, 109 et 163) : « Arrose, arrose ton moulin, il veut tourner avec
du sang ». R. Largillière considérait, en 1925, qu’on avait là un centon qui existait encore dans la
bouche des paysans du Bas-Tréguier.
L’authenticité de cet aphorisme est confirmée par une communication du linguiste François
Vallée (1860-1949) au congrès de l’Association Bretonne, à Moncontour en 1912. Il déclarait avoir
recueilli une « prophétie rimée » sur la résurrection de Guinclan, sur le combat terrible qui doit se
livrer et sur « le moulin de l’Île Verte qui tournera avec du sang ».
Cette affirmation est accueillie, on ne sait trop pourquoi, avec le plus grand scepticisme par Francis
Gourvil, en 1960, dans son important ouvrage déjà cité.
D’ailleurs, G. Le Menn remarque cette image dans le Dialogue de Gwynglaff et du roi Arthur redécouvert
par Gourvil :
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