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Annales de Bretagne et des pays

de l'Ouest

Les sources littéraires non bretonnes sur les migrations bretonnes


et la date de celles-ci
Léon Fleuriot

Résumé
Les ABPO s'honorent de publier cet article inédit dans lequel le professeur Léon Fleuriot, après la réédition de ses Origines de
la Bretagne (1982), présentait vigoureusement un état de la question. Le Comité de Rédaction de la revue remercie le
professeur Pierre-Roland Giot, ainsi que Madame Fleuriot, pour avoir permis cette publication.

Abstract
The ABPO honoured to bring out an unpublished article written by the late Pr L. Fleuriot circa 1983, after the second edition of
the Origines de la Bretagne. We thanks Pr P. R. Giot and Mrs Fleuriot for permitting this publication.

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Fleuriot Léon. Les sources littéraires non bretonnes sur les migrations bretonnes et la date de celles-ci. In: Annales de
Bretagne et des pays de l'Ouest. Tome 107, numéro 4, 2000. pp. 7-13;

doi : https://doi.org/10.3406/abpo.2000.4080

https://www.persee.fr/doc/abpo_0399-0826_2000_num_107_4_4080

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Les sources littéraires non bretonnes
sur les migrations bretonnes

et la date de celles-ci

LÉON FLEURIOT

Les Abpo s'honorent de publier cet article inédit dans lequel le professeur
Léon Fleuriot, après la réédition de ses Origines de la Bretagne (1982),
présentait vigoureusement un état de la question. Le Comité de Rédaction de la
revue remercie le professeur Pierre-Roland Giot, ainsi que Madame Fleuriot,
pour avoir permis cette publication.

The Abpo honoured to bring out an unpublished article written by the late Pr L.
Fleuriot circa 1983, after the second édition of the Origines de la Bretagne. We
thanksPrP. R. Giot and Mrs Fleuriot for permitting this publication.

Cet article du professeur Léon Fleuriot, qui présente l'insigne intérêt de récapi-
tuler ses recherches sur les sources relatives aux origines bretonnes, a sans
doute été rédigé entre 1983 et 1987, après la publication de la seconde édition
des Origines de la Bretagne, Paris, Payot, 1982. L'auteur déplorait précisément
que, pour des raisons éditoriales, le livre ait été amputé des « deux tiers » des
sources initialement prévues et qu'il ait dû se contenter d'une « version
résumée [...] avec des textes traduits ou résumés ». Cet ouvrage devait être suivi
d'un second volume, consacré à l'histoire intérieure de la Bretagne durant le
haut Moyen Âge, qui n'est jamais paru, suite au décès prématuré de ce savant
en 1987.
Apparemment inédit, le présent article ne figure pas, en tout cas, dans la
« Bibliographie de Léon Fleuriot » établie par Gwennolé Le Menn dans Bretagne
et Pays celtiques. Langues, Histoire, Civilisation. Mélanges offerts à la mémoire de
Léon fleuriot (1923-1987), Saint-Brieuc-Rennes, 1992. Une quinzaine d'années
après sa rédaction, certaines des hypothèses émises ici par Léon Fleuriot ont
bien entendu été reconsidérées (c'est d'ailleurs un gage de leur fécondité).
Toutefois, l'actualité de sa problématique atteste combien ses travaux ont
contribué à remettre en cause nombre d'idées préalablement reçues sur les

Annales de Bretagne et des Pays de l'Ouest, tome 107, n"4, 2000.


LÉON FLEURIOT

« premiers Bretons ». L'auteur avait amicalement communiqué copie de ce


texte au professeur Pierre-Roland Giot qui a eu l'obligeance de le transmettre
au Comité de Rédaction des Annales de Bretagne et des Pays de l'Ouest. Nous
lui exprimons notre vive gratitude. Nos remerciements s'adressent également
à Madame Fleuriot qui a aimablement donné son accord pour la publication.
Les Annales de Bretagne et des Pays de l'Ouest entendent ainsi honorer la
mémoire du grand celtisant et historien qu'était le professeur Léon Fleuriot,
avec la conviction que les lecteurs s'associeront à cet hommage.

Bernard MERDRIGNAC
Président de l'Association
pour la publication des Abpo

Les sources littéraires bretonnes, insulaires et continentales, sur les


migrations bretonnes sont nombreuses, de dates très diverses et de plus
en plus légendaires après le Xe siècle. Elles ont fait l'objet de tant
d'analyses critiques que beaucoup ne sont même pas étudiées, restent
inutilisées et sont condamnées avant d'avoir paru. Des textes essentiels
dorment ainsi, alors que certaines contiennent, au milieu d'un fatras
légendaire, quelques bribes d'informations utiles. Parmi ces sources très
nombreuses, de valeur inégale, une seule, très tardive, fait voir (?) les
Bretons au début du VIe siècle, seulement en 513. Nous avons cité ce court
texte du Chronicon Britannicum, p. 185 des Origines de la Bretagne (2e
édition, Payot, 1982) que nous désignerons désormais par le sigle OB. Ce
« Chronicon » tardif figure dans les Preuves de Dom Morice, 1. 1, col. 3, et
dépend apparemment de sources franques comme va nous le montrer
tout ce qui va suivre. Une des constantes, au contraire de toutes les
sources bretonnes, de part et d'autre de la Manche, depuis les plus
anciennes jusqu'aux plus récentes est d'attribuer au passage de l'armée
de Bretagne de l'empereur Maxime, en 383, un rôle essentiel dans la
naissance de la Bretagne armoricaine. Les deux sources les plus anciennes,
Gildas et YHistoria Brittonum, compilée peu après 800 par Nennius à partir
de documents plus anciens, sont d'accord pour montrer l'importance de
l'élément breton qui suivit Maxime, chefs et soldats de tous rangs. Nous
avons aussi attiré l'attention sur l'importance de l'empereur Magnance,
dont le père était breton et la mère franque, OB, p. 49 et Études Celtiques,
1. 19, p. 262. Proclamé empereur à Autun en 349, il le fut dans une ville qui
avait été reconstruite vers 297 par des foules d'artisans bretons (autre
migration bretonne assez oubliée). Les premiers chapitres des OB
contiennent un relevé assez long et certainement incomplet de ces
Bretons très nombreux attestés, en Gaule et ailleurs, dès avant l'époque de
domination romaine, comme les Britanni de la côte picarde et les Bretons
qui aidèrent les Vénètes contre César. Ce n'est pas ici le lieu de reprendre
ces pages où nous aurions plutôt à rajouter qu'à retrancher. L'ancienneté
des migrations bretonnes sur le continent est confirmée, non seulement
LES SOURCES LITTÉRAIRES NON BRETONNES SUR LES MIGRATIONS BRETONNES...

par une foule de textes et de documents mais aussi par l'archéologie,


avec les trouvailles de plus en plus nombreuses de poterie bretonne du
IVe siècle, provenant du sud de l'île de Grande-Bretagne, la « New Forest
Ware », la « Black Burnished Ware ». N. Galliou les mentionne à la p. 269 de
son Armorique romaine récemment parue et, depuis lors, on en a trouvé
de belles séries à l'emplacement du castellum de Cherbourg. La cause est
entendue sur ce point : bien avant les Romains et surtout bien avant les
Francs, il y avait des quantités de Bretons dans la Gaule du nord, d'autant
que celle-ci parlait la même langue et avait peuplé et conquis la Bretagne
insulaire. La vague la plus récente venue de Gaule était celle des Belges,
vers 100 avant J.-C., ce qui avait encore renforcé les liens entre les deux
rives de la Manche, si bien que les mêmes peuples avaient des branches
de part et d'autre de celle-ci. On a mentionné les Britanni, mais les Parisii,
les Atrebates, les Catuuellauni, les Cenimagni ou Cenomani se
rencontraient aussi sur chaque rive. Les trouvailles sensationnelles de textes
gaulois assez étendus dans les dernières années, notamment la grande
inscription trouvée sur le Larzac par M. Vernhet en 1983, confirment les
innombrables traits communs entre gaulois et brittonique. Pour clore
cette introduction sur l'ancienneté évidente des établissements de
Bretons en Gaule du nord, nous rappellerons simplement que Gildas,
écrivant vers 520, nous dit : « Maxime priva la Bretagne de ses forces
militaires, de ses chefs, de sa jeunesse vigoureuse qui suivit ses traces et ne
revint jamais » OB, p. 120, 237, 238. VHistoria Brittonum ne contredit en
rien Gildas et ajoute simplement que les survivants des troupes de
Maxime, nombreux, car Théodose fut clément, furent à l'origine de la
fondation de la Bretagne armoricaine, lors de la défaite de Maxime et de sa
mort survenue en 388, OB, p. 121, 247-251.
Après ce bref rappel des faits et de la nécessaire étude des sources
bretonnes de toute nature et de toute époque médiévale, il est temps de
nous tourner vers les sources non bretonnes qui sont loin d'avoir fait
l'objet d'une critique aussi serrée et aussi sévère que les précédentes,
comme si le fait de ne point venir de Bretagne était une garantie
d'impartialité et d'exactitude. Nous les classerons en deux groupes : celles qui
font allusion à l'établissement de Bretons bien avant l'établissement de la
domination franque sur le nord de la Gaule, et celles qui restent muettes à
ce sujet, ou, mieux encore, celles qui présentent le tableau suivant : les
Francs sont déjà là, maîtres légitimes du pays enlevé à l'empire romain, et
accueillent généreusement les Bretons fuyards. Ceux-ci les récompensent
alors en menant contre eux de méchantes guerres. Personne ne paraît
avoir mis en question ces derniers textes. Ce sont au contraire les plus
souvent cités sur l'émigration bretonne dans le nord de la Gaule. Il
conviendra donc de juger de leur exactitude et de chercher leur
motivation.
Les textes les plus vénérables, la plupart d'entre eux d'origine romaine
ou grecque, mentionnent la présence de Bretons sur le continent dès une
époque très ancienne. Ce sont d'abord les inscriptions sur les troupes
LÉON FLEURIOT

bretonnes de l'armée romaine dont nous avons fait un relevé, incomplet


certainement, dans les OB. Il y a les mentions, évoquées dans le premier
paragraphe, sur les Britanni, les Bretons aidant les Vénètes, les Bretons à
Ostie vers la fin du IVe siècle, mentionnés dans les lettres de saint Jérôme,
les illustres personnages tels que Britto, évêque de Trêves vers 380,
Pelage vers 400-410, Faustus de 430 à 490, que nous avons aussi rappelés
dans une brochure dont l'essentiel a été écrit par P.-R. Giot et G. Bernier,
Les Premiers Bretons (éditions Jos, Châteaulin, 1982). Sidoine Apollinaire
nous fait connaître quelques-uns des chefs spirituels et temporels de ces
nombreux Bretons du Ve siècle déjà établis en Gaule, Faustus avant tout,
mais aussi l'évêque et moine Riochatus, le roi Riothamus, OB, p. 257-258.
Paulus et Jornandès, historiens des Goths, nous montrent le rôle des
Armoricains et des Bretons contre Attila en 451, sous les noms de Brit-
tones ou de Litauuii, ce dernier étant diversement estropié, OB, p. 244,
253. De plus, Jordanes, ou Jornandès, nous donne des détails sur la
grande campagne des Bretons contre les Goths en 469 ; au cours de cette
campagne, Riothamus (graphie plus correcte que Riothimus) est vaincu
par Euric, roi des Wisigoths, avant que les troupes romaines ne se
joignissent à lui. Une fois de plus, on trouve Romains et Bretons du même côté
pour la défense de l'Empire, OB, p. 245.
Quand nous abordons les grands historiens grecs de l'Antiquité
tardive, Procope, Sozomène, Zosime, nous rencontrons aussi des fouies
d'indications intéressantes sur les migrations bretonnes, indications qui
ont fait l'objet d'une critique sévère et injuste. Seuls ont échappé à ces
critiques les historiens francs du dernier groupe que nous verrons, alors
que leurs informations sont infiniment plus partiales et partielles. Procope
a certainement eu des informateurs saxons et bretons sur ces
événements et nous avons attiré l'attention, dans les OB, p. 253-255, sur
l'importance et la précision de ces passages. On s'est gaussé de ses Arborykhes,
les Armoricains, sans prendre garde que, vers 550, la prononciation
grecque de /arbhorikhoi/, avec un /b/ proche de /v/ était à peu près
analogue à celle de /armhoriki/ avec un /mh/ proche de /v/. On lui a prêté une
grande crédulité, alors que les lecteurs trop rapides n'ont pas pris garde à
ses observations précédant le passage où il décrit les « passeur d'âmes »
d'Armorique en Grande-Bretagne. Il précise, ce qui est connu par d'autres
sources, que le passage prenait d'ordinaire vingt-quatre heures. Il
distingue bien ce conte des informations qu'il donne par ailleurs ; à propos
de la traversée il rappelle : « J'ai entendu souvent les gens la décrire très
sérieusement, bien que je sois parvenu à la conclusion que les histoires
qu'ils content doivent être attribuées au pouvoir des rêves », OB, p. 255. Il
nous dit bien par ailleurs que les Francs n'ont pu vaincre militairement
les habitants de ces régions et les troupes « romaines » (en fait, en
majorité bretonnes) qui s'y trouvaient stationnées. Devant cet insuccès, les
Francs ont conclu avec eux un traité, OB, p. 253. On cherchera en vain la
moindre indication à ce sujet chez les historiens francs plus tardifs que
Procope, de Grégoire de Tours à Éginhard ou Ermold ; est-ce par hasard ?

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LES SOURCES LITTÉRAIRES NON BRETONNES SUR LES MIGRATIONS BRETONNES...

Nous croyons au contraire que tout ce que dit Procope est bien plus
complet, plus proche des événements, plus impartial, et incidemment plus
proche des versions bretonnes les plus anciennes, qu'elles proviennent
du nord ou du sud de la Manche.
Sozomène nous conte en détail l'odyssée du général breton de
Constantin, Gerontius, certainement roi de Domnonée pour ses troupes,
de 407 à 411. C'est un des deux généraux de Constantin, l'autre étant le
franc Édobinc. Après avoir aidé Constantin (il est qualifié de « meilleur
des généraux de Constantin »), il se met en tête de faire empereur un de
ses parents, Maxime, donc un Breton lui aussi, OB, p. 259. Ceci fait penser
qu'il y a eu dans la tradition bretonne tardive des confusions entre ce
Maxime, empereur plus qu'éphémère, et le Maxime de 383-388. Ce Geron-
tius, grand chef breton parfaitement historique, n'a, pas plus que
l'empereur Magnance (349-353), attiré l'attention des pourfendeurs de Conan
Meriadoc qui n'a, en lui-même, guère d'importance.
Quand nous arrivons à Zosime, autre grand historien du Ve siècle,
donc quasi-contemporain de ces événements, nous trouvons une foule de
renseignements concordants sur l'importance du passage des armées de
Bretagne sur le continent en 383 et 407, OB, p. 265-269. 11 nous rappelle
(OB, p. 268) que les Bretons furent quasiment les seuls en Occident, avec
les Basques, à repousser les Barbares. Contrairement à ce qui est écrit à
longueur d'ouvrages, ce n'est pas parce que la Grande-Bretagne était
perdue que les Romains cessèrent en 407 d'en être les maîtres officiels et la
quittèrent. C'est au contraire parce que l'Empire était en danger mortel
sur le continent. Les troupes de Bretagne sont venues sur le continent
pour essayer de le libérer des Barbares. Loin d'être écrasés, les Bretons
avaient vaincu dans lTle les premiers assauts des Barbares. Écoutons
Zosime, qui écrit vers 430440 : « Ceux de Bretagne, ayant revêtu leurs
armes et faisant face au danger pour eux-mêmes, libérèrent leurs villes
des Barbares qui les pressaient. Et toute l'Armorique et d'autres
provinces des Gaules, ayant imité les Bretons, se libérèrent elles-mêmes de la
même façon, ayant chassé les magistrats romains et constitué selon leur
pouvoir une administration propre ». Il convient cependant de rappeler
que les Bretons continuèrent à défendre Rome, non plus comme sujets,
mais comme alliés.
Il faut donc restituer à ces grands historiens grecs, contemporains des
événements, la place qui leur est due dans les études, au détriment
d'annalistes francs, de quatre siècles postérieurs, dont le silence sur ces
périodes paraît dû à un mélange d'ignorance et de partialité.
Pourtant, le plus ancien de ces historiens « francs », Grégoire de Tours,
n'est pas aussi muet ni aussi partial sur le Ve siècle. Il se tait sur bien des
points, et il aurait sans doute pu nous dire bien plus, notamment sur Chil-
déric, le père de Clovis, ses succès puis ses défaites, OB, p. 239. Dans un
cas au moins, nous voyons dans des sources méprisées des informations
puisées dans de très anciennes annales angevines et tourangelles, OB,
p. 227-229. Grégoire rapporte à dessein de façon très confuse la mort du

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LÉON FLEURIOT

général romain, le comte Paul, à Angers. En fait, les légendaires


Chroniques d'Anjou, légendaires sur la plupart des points, ont conservé, au
milieu de ce fatras, des bribes d'histoire. Et il ressort nettement de ce
récit que Childéric était alors en guerre avec les Romain et que c'est lui
qui tua le comte Paul en le faisant pendre. De même Grégoire est muet sur
la longue guerre de dix ans qui opposa Childéric aux Romains (et aux
Britto-romains) et eut pour résultat de ramener sur la Somme la limite
sud de sa domination, alors qu'auparavant il combattait sur la Loire.
Childéric perdit même un temps le pouvoir, et cela, ce n'est pas Grégoire qui
nous l'apprend, mais un autre texte méprisé, le Liber Historiae Francorum,
OB, p. 245. On nous fera difficilement croire que Grégoire en savait moins
sur tout cela que ces textes plus tardifs, bien que leurs sources soient
anciennes. S'il se tait, c'est qu'il ne veut point déplaire aux petits-fils de
Childéric.
Sur les Bretons du Ve siècle, il en sait visiblement beaucoup, mais ne
livre rien, sauf une petite phrase d'une extrême importance, OB, p. 239 :
« En effet les Bretons, après la mort du roi Clovis, furent toujours sous la
domination (potestatem) des Francs et [leurs chefs] furent appelés
comtes et non rois ». On a essayé de triturer ce texte gênant, mais il est
net et indique clairement que les Bretons n 'étaient pas sous la domination
des Francs avant Clovis et qu'il avaient des chefs appelés rois et non comtes
(par les Francs). Voilà qui nous montre combien il faut travailler les textes
des historiens grecs, antérieurs d'un siècle et plus à Grégoire. Grégoire,
par contre, nous rapporte la campagne de Riothamus contre les Goths en
469, ce qui n'est pas gênant, car il s'agit de batailles contre les Goths et
que les Bretons ont été vaincus.
Il nous faut attendre le IXe siècle et deux annalistes, contredisant
toutes les sources bretonnes et la plupart des textes romains ou grecs
anciens précédemment énumérés, pour trouver un autre tableau des
migrations bretonnes, mais c'est celui qui a eu le statut de vérité officielle
depuis trois siècles.
Éginhard donne quelques lignes, OB, p. 236 : les Bretons y sont
présentés comme des fuyards tard-venus, établis d'abord chez les Vénètes et les
Coriosolites, ce qui a suscité de graves controverses, alors que ce texte
tardif et sans valeur vise simplement à présenter une sorte de
propagande officielle qui est pleinement développée chez Ermold Le Noir, par
ailleurs remarquable écrivain et témoin extraordinaire des événements
du début du IXe siècle, OB, p. 235. C'est là, et là' seulement, que nous
trouvons cet exposé commode pour la justification des thèses franques :
« Une nation étrangère, admise sans redevance à cultiver nos terres, ose
déclarer la guerre aux miens » ; la réponse de Murman est certes élo-
quemment rapportée : « Va dire à ton roi que nous avions des rois sur ces
terres, avant que les Francs n'établissent leur domination ». Bref, il ne
s'agit pas ici de ranimer des passions autour d'événements très anciens.
Tant de siècles ont passé, tant de liens ont remplacé les vieilles hostilités,

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LES SOURCES LITTÉRAIRES NON BRETONNES SUR LES MIGRATIONS BRETONNES...

tant de raisons de s'entendre ont remplacé les raisons de combattre, qu'il


n'est pas sage de combattre un chauvinisme par un autre !
Nous voulions seulement rappeler que les textes, rares et tardifs, de
source franque, sur les migrations bretonnes, n'ont guère d'autorité face
à des foules de témoignages plus anciens de sources très diverses,
provenant des textes, des inscriptions, des trouvailles de l'archéologie.

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