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Femmes de pouvoir,
femmes politiques
durant les derniers siècles
du Moyen Âge et au cours
de la première Renaissance
Illustration de couverture :
Élisabeth Woodville, reine d’Angleterre, en majesté, Guild Book of the London Skinners’ Fraternity of the
Assumption of the Virgin Mary, ca 1472, LONDRES, London Metropolitan Archives, ms. 31692, © LMA, avec
l’aimable autorisation de The Skinners’ Compagny, Londres.
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Imprimé en Espagne
Dépôt légal
Bibliothèque nationale, Paris : janvier 2012 ISSN 0779-4649
Bibliothèque royale de Belgique : 2012/0074/141 ISBN 978-2-8041-6553-6
Marguerite de Clisson,
comtesse de Penthièvre,
et l’exercice du pouvoir
Michael JONES
University of Nottingham
349
350 MICHAEL JONES
2. Ibid., p. 258–273.
3. MICHEL PINTOIN (RELIGIEUX DE SAINT-DENIS), Chronique, éd. L. BELLAGUET, t. 6,
Paris, 1852, réimpr. Paris 1994, p. 400–407. Le 16 mars 1420 le dauphin écrivit de Car-
cassonne félicitant les frères de Penthièvre pour la capture du duc (E. COSNEAU, Le
connétable de Richemont (Artur de Bretagne) (1393–1458), Paris, 1886, p. 494–497), mais
le 8 mai suivant il fut forcé de leur donner l’ordre de le libérer (A. BOURDEAUT, Jean V
et Marguerite de Clisson. La ruine de Châteauceaux, Bulletin de la Société archéologique
de Nantes et du Département de la Loire-Inférieure, t. 55, 1913, p. 374).
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4. J. KERHERVÉ, L’État breton aux 14e et 15e siècles. Les ducs, l’argent et les hommes,
2 vol., Paris, 1987, est une étude magistrale de ce thème ; pour l’importance des terres
des Penthièvre, voir spécialement t. 1, p. 53–58.
5. A. BOURDEAUT, op. cit., p. 410–413. Il n’existe, par exemple, aucune preuve
du fait que Clisson ait jamais assumé le rôle de tuteur ou de gardien des enfants de
Jean IV.
6. J. B. HENNEMAN, Olivier de Clisson and Political Society in France under Charles V
and Charles VI, Philadelphie, 1996, p. 203.
7. A. BOURDEAUT, op. cit., p. 331 citant B. D’ARGENTRÉ, Histoire de Bretagne, 3e éd.,
Paris, 1618, p. 722.
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12. Une malédiction lancée contre Marguerite par Clisson sur son lit de mort est
citée par Roland de Dinan dans le procès engagé par lui contre la comtesse à propos
de la seigneurie de Moncontour, v. 1408 (PAU, Archives départementales des Pyré-
nées-Atlantiques (= ADPA), E 92, […] et en ce dissant combien qu’il fust moult foible se
leva sur son lit et croizoit ses bras en faisant la maledicion […].
13. B. SCHNERB, Jean sans Peur. Le prince meurtrier, Paris, 2005, p. 183 a finalement
établi de façon indubitable que c’est Jeanne, et non sa sœur Isabelle, qu’Olivier épousa
le 12 juillet 1406 ; cette question a induit en erreur de nombreux auteurs, y compris
R. VAUGHAN, John the Fearless. The Growth of Burgundian Power, Londres, 1966, p. 114, qui
a affirmé qu’Isabelle fut substituée à sa sœur Jeanne, à cause de la mort de cette der-
nière, peu de temps avant le mariage. Comme Schnerb le montre (p. 383), Isabelle ne fut
jamais mariée. Les négociations en vue du mariage semblent avoir commencé au moins
un an avant, lorsqu’une ambassade du comte de Penthièvre (en réalité probablement
envoyée par sa mère) se rendit auprès de Jean sans Peur à Lens-en-Artois le 22 juin 1405
(B. SCHNERB, op. cit., p. 194).
14. ENGUERRAND DE MONSTRELET, Chronique, éd. L. DOUËT D’ARCQ, t. 2, Paris, 1858,
réimpr. New York, 1966, p. 35–36.
15. H. MORICE, op. cit., t. 2, col. 1070–1080. La sentence de Jean V, du 16 février
1424, contre la famille de Penthièvre contient l’exposé le plus complet de ce qui lui
arriva durant sa captivité.
16. Ibid., col. 1100.
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après sa propre mort en 1433, laissant la charge à une veuve éplorée, Jeanne
de Lalaing, d’ériger une tombe grandiose à Avesnes qui ne pouvait pas dis-
simuler l’échec politique d’Olivier 25. Son plus jeune fils, Guillaume, qui, à
moins de 20 ans, était promis à de hautes fonctions ecclésiastiques 26, fut livré
comme otage alors qu’il y avait un espoir d’arriver à un accord avec Jean V
au cours de l’été 1420. Il fut longtemps gardé prisonnier en Bretagne ; il fut
le seul de la famille qui tomba entre les mains du duc. Il ne fut relâché qu’en
1448, à moitié aveugle et en mauvaise santé, sept ans après la disparition
de sa mère, lorsque son seul frère toujours en vie, Jean, parvint finalement
à un accord avec François Ier (1442–1450) et récupéra quelques-unes des ter-
res bretonnes des Penthièvre 27. Marguerite, quant à elle, semble avoir vécu
modestement principalement dans ses seigneuries du Limousin à Excideuil
ou Saint-Yrieix-la-Perche, où elle fut enterrée en 1441 ; d’autres détails sur
son existence sont désormais fort probablement introuvables 28.
Étant donné ces difficultés à retracer la plus grande partie de la vie de Mar-
guerite de Clisson ou à suivre de près et d’une quelconque manière les évo-
lutions de ses desseins et pensées politiques sur une longue période, je me
concentrerai maintenant sur la décennie la mieux documentée, de 1404 à 1413,
en m’efforçant de mettre en lumière son « exercice du pouvoir ». À ce moment
de sa vie, bien sûr, le déclin était déjà clairement annoncé et ce caractère inévi-
table marqua son combat pour la défense des intérêts familiaux, même si cette
politique défensive offrait une certaine diversité de moyens dont certains,
s’ils avaient été choisis, auraient pu orienter différemment les conséquences
sur le long terme. Cependant sans tenter de la disculper, nous pouvons tout
au moins essayer de voir comment Marguerite fut, à bien des égards, autant
une victime de son statut social que l’instrument des malheurs de sa famille.
Quelle était sa position à la mort de son mari ? Et quelle était sa marge de
manœuvre ?
Âgée d’environ 32 ans, avec au moins six enfants mineurs, de par son héri-
tage et son douaire, Marguerite était, de prime abord, une veuve extrême-
ment riche qui avait de grands intérêts territoriaux. Leur défense devait être
une priorité absolue. Sans tenir compte de quelconques ambitions politiques,
25. Ibid., p. 101, 104–105, 116, 127. La tombe, à Saint-Nicolas d’Avesnes, fut détruite
lors de la Révolution.
26. Selon des lettres d’Olivier de Blois en date du 6 mai 1419, Jean V avait pro-
mis de soutenir la candidature de Guillaume au siège épiscopal de Vannes, à celui de
Saint-Brieuc ou à un autre siège convenable en dehors du duché (H. MORICE, op. cit.,
t. 2, col. 995).
27. C.-Y. ROUSSEL, op. cit., p. 109–112.
28. Ibid., p. 107 affirme qu’il y a débat concernant le lieu de sa sépulture, Ségur
étant une possibilité, mais le don d’une rente de 20 l. par Guillaume de Bretagne au
curé du Moutier de Saint-Yrieix « pour faire une absolution sur le tombeau de sa
mère » semble régler le problème (A. BOURDEAUT, op. cit., p. 417 n. 1).
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elle pouvait considérer, du fait que son fils aîné, Olivier, avait un droit poten-
tiel sur le duché de Bretagne, que c’était son devoir, comme toute famille
médiévale noble le concevait, de s’assurer que cet héritage, comme la cou-
tume et la loi le permettaient, revînt à ses enfants sous une forme, si ce n’est
améliorée, à tout le moins égale à celle sous laquelle elle l’avait reçu. Ceci
s’avéra toutefois ne pas être une tâche aisée, étant donné que l’héritage de
Marguerite fut l’objet de disputes entre les nombreux ayant droits. De pré-
cédents accords concernant les seigneuries qui devaient lui revenir avaient
fréquemment laissé des revendications pendantes.
29. Clisson se maria probablement en 1362, mais « les sources restent curieuse-
ment silencieuses à propos de Béatrix de Laval durant son mariage » (J. B. HENNEMAN,
op. cit., p. 228) comme elles le sont aussi pour sa fille, Marguerite. Béatrix semble être
morte vers 1384 et Clisson était certainement remarié à Marguerite de Rohan, veuve
du fameux héros chevaleresque Jean de Beaumanoir († 1366), chef des Trente, à la
Olivier I er le Vieux
(v. 1220–1262)
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Tabl. 1 : LA FAMILLE DE CLISSON Olivier II le Jeune
(v. 1262–v. 1298)
Guillaume
(mort avant son père)
=
Olivier IV 1) Blanche de Bouville Amaury = Isabelle de Ramefort
MICHAEL JONES
(1320–1343) 2) Jeanne de Belleville († 1347)
(1) (1)
Béatrix = Alain VIII de Rohan Marguerite = Jean de Bretagne Jean de Harpedenne
(† 1439) († 1429) (v. 1372–1441) († 1404)
date du 22 mai 1390 (Ibid., p. 229, d’après NANTES, Médiathèque, ms. 1691, no 8) ; il n’y
eut pas d’enfants de ce second mariage.
30. J. YVER, Les caractères originaux des coutumes de l’Ouest, Revue historique du
Droit français et étranger, 4e sér., t. 30, 1952, p. 18–79.
31. Thème traité magistralement par E. CHENON, Les marches séparantes d’An-
jou, Bretagne, et Poitou, Nouvelle Revue historique du Droit français et étranger, t. 16,
1892, p. 18–62, 165–211 ; pour une discussion récente, voir R. CINTRÉ, Les Marches de
Bretagne au Moyen Âge. Economie, guerre et société en pays de frontière (XIVe–XVe siècles),
Pornichet, 1992, spécialement p. 36–52.
32. La Très ancienne coutume de Bretagne, éd. M. PLANIOL, Rennes, 1896, réimpr.
Genève, 1994.
33. Jean fit hommage au bailli de Hainaut le 2 mars 1398 pour les terres d’Avesnes
qui lui étaient venues par la succession de Blois et qui étaient tenues d’Aubert de
Bavière, comte de Hainaut et de Hollande (NANTES, ADLA, E 243, fol. 242r). Le 31 jan-
vier 1399 il présenta un aveu à Charles VI pour ce qu’il tenait en Thiérache sous la
seigneurie de Ripemont (Ibid., E 90).
34. H. MORICE, op. cit., t. 2, col. 732–733 pour l’accord du 24 décembre 1403 entre
Jean, comte de Penthièvre, et Alain VIII, vicomte de Rohan, sur les terres des Avaugour.
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35. Ibid., col. 778–779, 4 février 1407 (d’après NANTES, Médiathèque, ms. 1708,
no 4), agrément donné à ce principe par Béatrix et Marguerite, avec le consentement
de leur père qui fit son testament le lendemain (H. MORICE, op. cit., t. 2, col. 779–782).
36. Suivant l’accord général du 4 février 1407, un autre partage fut élaboré le
4 mai 1407 (PAU, ADPA, E 636), tandis que Marguerite et Béatrix conjointement pas-
saient un accord avec Jean Harpedene, seigneur de Belleville, leur cousin (sa mère
Jeanne était la sœur d’Olivier de Clisson), à propos de terres situées principalement
en Poitou, le 5 mai 1408 (NANTES, Médiathèque, ms. 1708, no 6), avant l’accord de mai
1409 (H. MORICE, op. cit., t. 2, col. 818–819).
37. Cette seigneurie faisait partie du douaire de Béatrix de Laval.
38. Elle prit possession de La Motte-Broons le 1er août 1409 (NANTES, Médiathèque,
ms. 1703).
39. On ne sait pas clairement quelles terres des Penthièvre lui avaient été assi-
gnées au titre de son douaire car on ne conserve pas son contrat de mariage. En mai
1408 elle ajouta dame d’Avesnes et dou Nouyon à sa titulature habituelle de comtesse de
Penthievre, vicomtesse de Limoges (NANTES, ADLA, E 168, no 10), ce qui laisse entendre
que ces seigneuries lui avaient été récemment remises.
40. Yvon Boinnière, receveur de Charles de Dinan, seigneur de Châteaubriant,
pour sa seigneurie d’Huguetières, dans ses comptes pour 1409–1410 mentionne trois
voyages faits par lui, avec son clerc et ses chevaux de Saint Mesme a La Garnache parler
aux officiers mons. de Rohan pour le fait desdiz prisonniers (meurtriers d’un certain Mai-
gnen) qui avaient été pris en Saintonge (Ibid., E 500, no 6, fol. 40r).
41. PAU, ADPA, E 636.
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42. H. MORICE, op. cit., t. 2, col. 783–784 et Lettres de Jean V, t. 2, p. 24–26, no 564, le
19 avril 1407, Jean V confirma les termes du contrat de mariage ; le 22 avril il autorisa
les Rohan à prendre possession des terres de Clisson, alors detenu de maladie greveuse-
ment, parquoy l’en espoire plus en lui la mort que la vie (H. MORICE, op. cit., t. 2, col. 787, avec
la date erronée du 27 avril, et Lettres de Jean V, t. 2, p. 28–29, no 571) ; et le 23 avril, jour
de la mort du vieux connétable, il exonéra la succession de Clisson de l’obligation du
paiement du rachat (représentant coutumièrement une année de revenus) en échange
de 100 000 francs comme en convinrent les Rohan (NANTES, Médiathèque, ms. 1708,
no 5 ; NANTES, ADLA, E 236, fol. 1r–v ; Cartulaire, général du Morbihan, éd. L. ROSENZWEIG,
Vannes, 1895, no 651).
43. H. MORICE, op. cit., t. 2, col. 797 ; A. BOURDEAUT, op. cit., p. 337 et n. 1.
44. H. MORICE, op. cit., t. 2, col. 786–787 ; Lettres de Jean V, t. 2, p. 30–31, no 574,
23 avril 1407.
45. Guillaume Jaumoille fut envoyé par le châtelain de Clisson à Josselin avec
une copie des ajournemens roiaulx que fist fere a Clicon ma dame de Painthevre contre mesd.
seigneur et dame [de Rohan] à l’été de 1407, selon des fragments de comptes (NANTES,
ADLA, 1 J 228 (1), no 4, fol. 10v). Ces comptes, qui se présentent aujourd’hui sous la
forme de 16 folios, furent tenus par le châtelain de Clisson pour la période au cours de
laquelle la seigneurie était entre les mains des Rohan après que Jean V eût demandé
un rachat symbolique de trois semaines (7 l. 10 s. 8 d., par exemple, furent payés à
Geoffroy de Lescuet pour les dépenses de ses chevaulx le temps de trois sepmaenes finis-
sant au dernier jour de may [1407] que celui Geoffroy seroit a la garde du chastel dud. lieu de
Clicon pour et ou nom de mons. le duc de Bretaigne, Ibid., fol. 8r) mais contiennent aussi
des informations remontant à 1406.
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46. H. MORICE, op. cit., t. 2, col. 775 d’après NANTES, Médiathèque, ms. 1702, no 9,
pour son testament, daté du 14 décembre 1406 ; elle laissa quatre filles de son premier
mari Jean de Beaumanoir († 1366). L’échange entre Clisson et sa femme fut ratifié devant
le Parlement de Paris plus tard dans le mois (PARIS, BnF, ms. Doat 244, ff. 167–172) et
Clisson donna Moncontour à sa fille en tant que partie de sa succession le 25 janvier
1407 (PAU, ADPA, E 619). Roland de Dinan affirma plus tard que selon la coutume de
Bretagne, quand un couple avait été marié plus d’un an et un jour, tous les acquêts
étaient considérés comme faisant partie de la communauté, même si ce n’était pas sti-
pulé dans le contrat de mariage (Ibid., E 92, et cf. La très ancienne coutume, § 207 et 211).
47. Edmund Holand, comte de Kent, lança une attaque sur l’île de Bréhat mais
fut tué le 15 septembre 1408 (cf. MICHEL PINTOIN, Chronique, t. 4, p. 316 ; Calendar of the
Patent Rolls Preserved in the Public Record Office, Henry IV, t. 3, 1405–1408, Londres, 1900,
p. 497–498), tandis que les hommes de Jean V prenaient La Roche Derrien et Château-
lin-sur-Trieu au même moment. Dans le but de réduire cette violence, des mandements
royaux furent publiés dans plusieurs places de Normandie, entre le 19 et le 27 septem-
bre, portant ordre aux hommes de guerre de ne se joindre ni au camp de Jean V ni à
celui de Marguerite (NANTES, ADLA, E 158, nos 11–28).
48. Ibid., E 168, no 29 (= H. MORICE, op. cit., t. 2, col. 835–840 ; cf. Lettres de Jean V,
t. 2, p. 139–140, no 1104), le 8 août 1410, pour l’acceptation par Jean V d’un arbitrage
royal (en fait bourguignon) concernant Moncontour, qu’il devait garder en échange
de la restitution des autres terres des Penthièvre à Olivier de Bretagne, et de la consti-
tution d’une rente de 2 000 l. assignée sur des terres en Champagne, en Brie et dans le
Gâtinais. Les lettres de Charles VI confirmant l’accord furent données le jour suivant
(NANTES, ADLA, E 168, no 30) et le Parlement de Paris l’homologua le 9 septembre
1410 (Ibid., no 31), tandis que Marguerite en accepta le principe à la fin du mois de sep-
tembre (Ibid., nos 32, 33) et finalement donna pouvoir à ses procureurs de confirmer
son acceptation le 11 décembre, ce qu’ils firent le 23 de ce mois (Ibid., no 34 ; H. MORICE,
op. cit., t. 2, col. 840 ; Lettres de Jean V, t. 2, p. 139–140, no 1104). Les différents trans-
ferts furent finalement achevés en mars 1411 (Ibid., nos 35–38, et cf. H. MORICE, op. cit.,
t. 2, col. 848–849). Il est intéressant de noter que Me Hervé Le Grant, le très probable
auteur du Chronicon Briocense (M. JONES, Memory, p. 289–295), en plus d’avoir siégé
au Conseil ducal lorsque nombre de décisions furent prises concernant la querelle
de Moncontour, reçut aussi les lettres de Marguerite du 11 décembre 1411, acceptant
l’accord final, pour le Trésor des chartes, dont il était le garde, le 6 février 1411, comme
l’atteste une mention dorsale (NANTES, ADLA, E 168, no 32, […] Jehan Halouart baille
a mestre Hervé Le Grant cestes dous letters par le commandement des gens du conseill de
MARGUERITE DE CLISSON, COMTESSE DE PENTHIÈVRE 363
été une affaire compliquée, même dans les meilleures circonstances, sans ces
facteurs aggravants. Il y avait aussi la question du douaire de Marguerite,
que Jean de Bretagne lui avait constitué, et son rôle dans l’administration du
comté de Penthièvre pendant la minorité de leur fils, dont la future carrière
politique doit également être prise en ligne de compte. Marguerite fut donc
confrontée à un grand nombre de problèmes distincts mais interdépendants
dans les années qui suivirent immédiatement la mort de son père et de son
mari. Nous ne pouvons qu’avoir un aperçu de la façon dont elle s’y prit face
à certains d’entre eux ; toutefois il est bien évident qu’il faut renoncer, faute
de temps et de place, à toute discussion concernant l’impact des projets de
Marguerite pour Olivier sur les rivalités de cour après l’assassinat de Louis
d’Orléans 49.
Il ne fait aucun doute qu’elle ait assumé ses responsabilités personnelles.
Pour autant que nous puissions le dire, elle ne planifia jamais sérieusement
un second mariage, mais elle joua avec enthousiasme le rôle de gardien de
ses enfants et d’administrateur du patrimoine de son fils aîné ainsi que de
ses propres terres qu’elle tenait en douaire. Les châtellenies formant le comté
de Penthièvre (Lamballe, Guingamp, La Roche-Derrien, Châtelaudren, Châ-
teaulin-sur-Trieu et Bréhat) constituait un impressionnant ensemble homo-
gène de territoires au nord de la Bretagne, avec Lamballe jouant le rôle de
centre administratif. Le don de Moncontour par Clisson devait clairement
consolider plus encore ce bloc territorial. Marguerite continuerait d’adminis-
trer conjointement Penthièvre et les terres issues de son douaire jusqu’à ce
qu’Olivier, enfin majeur, retournât en Bretagne après la mort de sa femme,
Jeanne de Bourgogne, en 1413 50.
monseignour le duc.). Jean V avait acquis ses droits sur Moncontour en les achetant
à Robert de Dinan, malgré le fait que ce dernier avait auparavant cédé ses intérêts
à Marguerite par une série de manœuvres juridiques complexes qui sont le mieux
résumées dans PAU, ADPA, E 92, mais voir Ibid., E 619, E 636 et H. MORICE, op. cit., t. 2,
col. 789–790.
49. B-A. POCQUET DU HAUT-JUSSÉ, Deux féodaux. Bourgogne et Bretagne (1363–1491),
Paris, 1935, p. 36 s. était une étude pionnière. L’exposé le plus détaillé que je connaisse
de la rivalité entre Armagnacs et Bourguignons de 1407 à 1412 est celui de F. LEHOUX,
Jean de France, duc de Berri, sa vie, son action politique (1340–1416), t. 3, Paris, 1966, p. 9–292 ;
B. SCHNERB, Jean sans Peur, p. 205–291 et 513–596 donne une bonne perspective de la
question vue du côté bourguignon. Tous les trois exposent le rôle de Jean V, pour lequel
le Chronicon Briocense est la source bretonne contemporaine la meilleure, bien qu’assez
confuse (cf. M. JONES, Memory, p. 291–292).
50. Olivier semble être né le 7 septembre 1393, puisqu’il accepta Jean sans Peur
comme son curateur lors de son quatorzième anniversaire, en septembre 1407 (H. MORICE,
op. cit., t. 2, col. 836). Déjà marié depuis un an, il semble avoir passé la majeure partie
de la période 1406–1413 à la cour de Bourgogne, où il reçut de nombreux dons de Jean
sans Peur et se distingua en tant que combattant dans la guerre civile aussi bien qu’en
tant que participant aux joutes et tournois (F. LEHOUX, op. cit., t. 3, p. 254 n. 2, 310 n. 1 ;
364 MICHAEL JONES
B. SCHNERB, op. cit., passim) ; il n’y a pas de traces de sa présence en Bretagne durant ces
années-là, bien qu’il ait pris part à la querelle de Moncontour en 1408–1409.
51. NANTES, ADLA, 1 J 228 (1), no 5, comptes de Guillaume Simon, châtelain de
Clisson, 4 juin 1409–11 mai 1410, 20 folios. Ces comptes n’ont pas fait l’objet d’un
contrôle final et contiennent des articles concernant des dépenses jusqu’à la fin de
l’année 1411.
52. Ibid., fol. 6r.
53. Ibid., ff. 6v–7v.
54. Ibid., fol. 8v.
55. Une Chambre des comptes a fonctionné à Clisson du vivant d’Olivier, mais
ses officiers de finances étaient aussi itinérants (cf. Ibid., 1 J 228 (1), no 1, pour lettres
données es countes generaulx de monseignour de Cliczon et de Belleville tenauntz a La Gas-
nache par nous Robert de Mareill, Pierres Heaume, Dom Michel Gorbin et Guillaume Philot,
24 octobre 1398).
MARGUERITE DE CLISSON, COMTESSE DE PENTHIÈVRE 365
56. Ibid., ff. 2r, 6r, 8v, 9r. Marguerite reconnut plus tard avoir reçu des biens meu-
bles pour une valeur de 218 000 francs, ce qui représentait plus d’un tiers, et qu’elle
avait elle-même pris à Blain et ailleurs à la mort de son père (J. B. HENNEMAN, op. cit.,
p. 231 citant PARIS, Archives Nationales de France, X 1a 55, fol. 214r).
57. NANTES, ADLA, 1 J 228 (1), no 5, fol. 9v.
58. Par exemple : Ibid., fol. 6v, paiement de 2 361 l. 8 s. 2 d. à Thomine de Dinan
pour et en l’aquit de ma dame a Guillaume Beaupoill (son receveur-général) par son com-
mandement a Olive Roussel que aultrement, donné sous son signet, 18 novembre 1411.
59. M. FABRE, Héraldique médiévale bretonne. Images personnelles (vers 1350–1500).
Armoriaux, sceaux, tombeaux, t. 1, Paris, 1993, no 637 d’après une empreinte apposée sur
RENNES, Archives départementales d’Ille-et-Vilaine (= ADIEV), 1 E 7, no 6 (1411).
60. Ibid., no 636 citant huit empreintes. Jean de Bretagne avait été contraint d’ac-
cepter que ses armoiries soient différenciées de celles de Jean IV, à Tours en janvier
1392, quand il accepta de respecter les termes du traité de Guérande en échange de la
restitution de son héritage (H. MORICE, op. cit., t. 2, col. 581–585).
366 MICHAEL JONES
61. M. FABRE, op. cit., t. 1, no 638, citant RENNES, ADIEV, 6 J 26 et PARIS, BnF,
ms. fr. 22331 p. 589 ; représenté ici (fig. 1) d’après l’empreinte apposée sur RENNES,
ADIEV, 1 F 1544, lettres de Marguerite, Champtoceaux, 11 décembre 1419. Je suis très
reconnaissant à Chantal REYDELLET, conservateur, pour l’avoir localisé et à Claudine
PIAULT pour l’avoir photographié.
62. L’hermine au naturel avec un long manteau flottant avait été adoptée par
Jean IV et fut l’un des emblèmes ducaux les plus employés au XVe siècle, spécialement
en association avec l’Ordre de l’Hermine, sur les sceaux du duc et en décoration sur
des édifices comme au Folgoët ou en la cathédrale de Quimper, en tant que marque
du patronage ducal. Voir, par exemple, M. JONES, The Seals of John IV, duke of Brit-
tany, 1364–1399, The Antiquaries Journal, t. 55, 2e part., 1975, p. 378–379. Une hermine
au naturel apparaît aussi assez régulièrement sur les monnaies bretonnes durant les
principats de Jean IV et Jean V, mais elle porte habituellement, au lieu du manteau, un
écu aux armes de Bretagne pendu à son cou (cf. Y. JÉZÉQUEL, Les monnaies des comtes et
ducs de Bretagne (Xe au XVe siècle), Paris, 1998, p. 161, 208–210).
63. Je suis très reconnaissant à Don SHEWAN qui a dessiné les deux cartes avec
son efficacité coutumière, et à Philippe CHARON, Directeur des Archives départemen-
tales de la Loire-Atlantique, et à son équipe qui m’ont permis de consulter certains
documents pendant une période très difficile, marquée par d’importants travaux aux
archives.
MARGUERITE DE CLISSON, COMTESSE DE PENTHIÈVRE 367
AVANT-PROPOS ....................................................................................... 3
Éric BOUSMAR, Jonathan DUMONT, Alain MARCHANDISSE, Bertrand SCHNERB
Première partie
POUVOIRS DE REINES ET DE RÉGENTES ....................... 9
653
654
Deuxième partie
REINES ET MAÎTRESSES ....................................................... 157
Troisième partie
FEMMES POLITIQUES ET PRINCIPAUTÉS
TERRITORIALES ...................................................................... 183
Cinquième partie
FEMMES, LITTÉRATURE, ARTS ET POUVOIRS ............. 549
ISBN 978-2-8041-6553-6
ISSN 0027-2841
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