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En appliquant ses propres contraintes à celles déjà utilisées couramment, l’auteur oulipien

peut investir des possibilités encore négligées du langage : les contraintes n’appauvrissement
pas, elles sont au contraire une force de production. L’oulipien peut se définir, selon les mots
mêmes du groupe, comme « un rat qui construit lui-même le labyrinthe dont il se propose de
sortir ».
Les souvenirs sont des morceaux de vie arrachés au vide.
Assez bizarrement, quand il débute son autobiographie, Perec écrit « Je n'ai pas de souvenirs
d'enfance. Jusqu'à ma douzième année à peu près, mon histoire tient en quelques lignes : j'ai
perdu mon père à quatre ans, ma mère à six ; j'ai passé la guerre dans diverses pensions de
Villard-de-Lans. En 1945, la soeur de mon père et son mari m'adoptèrent.
Il va pourtant, à travers des lieux de mémoire éléboré toute une oeuvre plein de souvenirs:
- Souvent, Perec présente plusieurs variantes de la même scène
(qu’est-ce qui est dû à l’imagination et l’affabulation ?) : « Son
énoncé le plus simple serait : mon père rentre de son travail ; il me
donne une clé. Dans une variante, la clé est en or ; dans une autre,
ce n’est pas une clé d’or, mais une pièce d’or ; dans une autre
encore, je suis sur le pot quand mon père rentre de son travail ;
dans une autre enfin, mon père me donne une pièce, j’avale la
pièce, on s’affole, on la retrouve le lendemain dans mes selles.
_« de [sa] mère, le seul souvenir qui [lui] reste est celui du jour où elle [l]'accompagna à la
gare de Lyon (W, p. 45) » pour assurer son départ en zone libre. Il raconte ce dernier instant à
trois reprises, à chaque fois avec des variantes : la première fois, il mentionne son bras en
écharpe et l'achat d'un illustré, celui d'un Charlot qui saute en parachute (W, p. 45); la
deuxième, il croit se souvenir qu'elle lui acheta un« illustré qui devait être un Charlot (W, p.
52) »et il pense qu'elle agitait un mouchoir blanc ; pour la troisième, il est sûr qu'elle lui a
acheté un Charlot illustré. Par contre, il se voit le bras en écharpe parce qu'il «fallait faire
comme [s'il était] blessé (W, p. 80) »afin de pouvoir être convoyé par la Croix-Rouge
Perec parsème le texte de souvenirs qu'il présente comme réels (sa mère à la gare) ou comme
inventés (le bras dite cassé,.....). Et lorsqu’il commente les photos qu’il possède : il se
positionne en tant qu’observateur objectif d’une situation vécue. Puis, à partir de cette
situation, il tente d’évoquer le sentiment procuré pour potentiellement aller retrouver la
mémoire perdue. Une fois que tous ces éléments sont mis en place, il les retranscrit le plus
fidèlement possible; or, dans le cas des annotations qu’il ajoute, elles viennent confirmer
l’authenticité du souvenir. En d’autres termes, ces commentaires apportent une notion de
validité ou d’invalidité du souvenir. Ils s’inscrivent dans une volonté de véracité des
événements, détachés de tout lien parasitaire. A partir de photos, de témoignage de proches,
des notes qu'il pris dans son enfance, et aussi de ses quelques bribes de souvenirs. Qu'il
questionne systématiquement, mais qui sont remet en cause sans cesse, Perec montre à quel
point la mémoire est infidèle, comme elle reconstruit, oublie, invente. Jamais gratuitement
bien entendu. Puisque Ces variantes ruinent la validité d'un souvenir.
Si le récit GP (1 et 2) retrace en somme les moments forts de l'existence du jeune Perec, le
va-et-vient incessant, les tentatives de rectifications ne contribuent finalement qu'à étourdir le
lecteur en lui découvrant l'énorme béance qui tient lieu de mémoire pour l'écrivain. À ces
débris autobiographiques. il faut ajouter les longs et très éloquents silences du texte (une
évaluation de l'espace occupé par les nombceux interstices du texte ainsi que les blancs entre
les chapitres serait à ce titre révélatrice) qui renforcent ce sentiment de vide et de
dépossession. Conscient de l'insuffisance de l'évocation de ses souvenirs, l'écrivain démuni
s'est trouvé devant la nécessité de créer une structure textuelle pouvant pallier à ces manques
et trous qui nient toute possibilité de récit autobiographique. Tous les éléments fournis par le
narrateur invitent le lecteur à distinguer dans le récit de W l'enrichissement, le prolongement
significatif de la matrice événementielle de GP.
Donc Les lieux de mémoire de Perec ne sont pas seulement des lieux de souvenirs de
vie mais des lieux d’écriture. Ce n’est pas du contenu de l’œuvre, mais de l’acte
d’écriture, dans sa matérialité, que parlent les Souvenirs. C’est pourquoi ils
contiennent un abondant métadiscours et une puissante autoréflexion.. Ce sont les
lieux de son « champ littéraire » d’écrivain et dans ce sens ce sont également des
lieux rhétoriques, des lieux d’écriture . c’est un style d’écriture parmis d’autres
sont étroitement liée au groupe Oulipo (Ouvroir de Littérature Potentielle).

Perec, représente une épreuve de lecture ; le constant va-etvient entre le récit


autobiographique et la fiction peut perturber la compréhension de l'œuvre. Persévérer dans
cette lecture tortueuse permet d'avoir accès à une des autobiographies les plus inventives,
énigmatiques et fascinantes qui soient. Au final, le lecteur comprend les implications que
recèle l'alternance des deux récits et tout s'éclaire. En faisant de son autobiographie un jeu de
piste ardu.

Selon Pierre Nora, « un lieu de mémoire dans tous les sens du mot va de l'objet le
plus matériel et concret, éventuellement géographiquement situé, à l'objet le plus
abstrait et intellectuellement construit »2. Il peut donc s'agir d'un monument, d'un
personnage important, d'un musée, des archives, tout autant que d'un symbole,
d'une devise, d'un événement ou d'une institution. Même les réseaux sociaux sont
utilisés actuellement comme lieux de mémoire virtuelle3.
« Un objet », explique Pierre Nora, « devient lieu de mémoire quand il échappe à
l'oubli

d'enfant qui s'est déformé avec le temps et que 1' écriture rend suspect au terme de ces trois
occurrences

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