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En dehors du titre brusquement restitué, je Mais, l’évocation du souvenir est toujours partielle (« je n’avais
n’avais pratiquement aucun souvenir de pratiquement aucun souvenir », ligne 15). Il se compare à un enfant qui
W. Tout ce que je savais tient en moins de joue à cache-cache (L 19) et emploie l’antithèse « rester caché et « être
deux lignes : la vie d’une société découvert ». La répétition de l’expression « une fois de plus », à la ligne
exclusivement préoccupée de sport, sur un 18, souligne les réflexes de protection qui enserrent sa mémoire (« Tout
îlot de la Terre de Feu. ce que je savais tient au moins de deux lignes »). L’auteur exprime alors
Une fois de plus, les pièges de l’écriture se
une souffrance par rapport à son incapacité à retrouver la narration (« les
mirent en place. Une fois de plus, je fus
pièges de l’écriture »).
comme un enfant qui joue à cache-cache et
qui ne sait pas ce qu’il craint ou désire le
plus : resté caché, être découvert. Néanmoins, une chronologie se met peu à peu en place (« à treize ans »,
Je retrouvai plus tard quelques-uns des « il y a sept ans », « entre septembre 1969 et août 1970). Le projet
dessins que j’avais faits vers treize ans. d’écriture prend forme peu à peu (« je réinventai W et l’écrivis »). Le
Grâce à eux, je réinventai W et l’écrivis, le lecteur peut alors faire le lien entre le premier chapitre (qui correspond à
publiant au fur et à mesure, en feuilleton, « W » et le deuxième chapitre, celui de l’autobiographie). Les deux sont
dans La Quinzaine littéraire, entre liés, comme leurs narrateurs. On peut ainsi lire, dans le premier chapitre,
septembre 1969 et août 1970. celui de la fiction : « Il y a … ans, à Venise, (…), j’ai vu entrer un homme
que j’ai cru reconnaître. Je me suis précipité sur lui, mais déjà balbutiant
deux ou trois mots d’excuse. Il ne pouvait pas y avoir de survivant. (…) Ceci
(…) m’a décidé à écrire. »
Conclusion :
Ainsi, Georges Perec met en place ici un projet autobiographique original. Tel les deux « v »
qui s’imbriquent dans le titre « W », les vies qui se déroulent dans le livre, fictives et réelles, tissent
entre elles une nouvelle écriture autobiographique. Le pacte autobiographique tel qu’il était présent
dans Les Confessions de Rousseau, par exemple, semble être ici rompu. Le traumatisme de la grande
H de l’Histoire fait résonner son ombre dévorante. L’auteur n’est plus en mesure de garantir la sincérité
de ses propos. Comment peut-il se montrer dans toute sa nature quand sa nature même n’est pas
délimitée et reste pleine de lacunes. Ce roman nous donne à voir la complexité de l’entreprise
autobiographique. La fiction romanesque n’est-elle pas plus en mesure de dire la vie ? Cette
interrogation sur l’identité du moi trouve un écho contemporain dans le livre de Delphine de Vigan,
D’après une histoire vraie. Jusqu’au dernier signe typographique du livre, l’astérisque après le mot
« fin », le lecteur est amené à s’interroger sur la portée autobiographique et réelle du livre.