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LL extrait 2 MH pp 51-52 – Corrigé

Introduction :
Situation du passage : Après Animula vagula Bandula, où il accepte sa maladie et où il dessine
l’objectif de son autobiographie : « se définir, se juger, ou tout au moins mieux se connaître », le
narrateur, dans « Varius Multiplex Multiformis » entreprend de se connaître. D’abord par l’étude de ce
qui compose son identité (extrait 1 analysé), et dans ce passage que nous allons étudier, par la
comparaison aux autres hommes.
Pbtiq : Comment le narrateur, en cherchant à se définir par comparaison aux autres hommes, nous
amène-t-il à réfléchir à nos vraies valeurs ?
Plan du texte / commentaire : Après avoir dégagé deux catégories d’hommes, les sages, et la vaste
majorité des hommes qui, ni bons ni mauvais, sont inconstants, il distingue ce qui fait sa supériorité sur
les autres hommes, sa liberté réelle face à l’existence.
I. L1 à 11 : Ce qui fait la valeur des hommes selon Hadrien : Sagesse, constance et sincérité
A. Sa théorie de deux catégories d’hommes permet de connaître ses valeurs
- Hadrien fait l’inventaire des hommes qu’il a connus pour se comparer à eux : emploi du passé-
composé et de la première personne qui font ref à l’expérience personnelle (« J’ai connu »,
« j’ai fréquenté », « j’ai rencontré » : le mouvement ternaire semble faire l’inventaire d’une
longue expérience).
- Jeu d’oppositions distinguant deux catégories : D’un côté les « êtres », des « héros »,
« quelques sages » : termes mélioratifs qui dénotent des qualités de cœur et d’âme, et la rareté
- et de l’autre des « hommes » tout simplement et en nombre (« la plupart »)
- La peinture de cette seconda catégorie est nuancée, faisant une part égale aux défauts et aux
qualités grâce au parallélisme de construction («peu de consistance dans le bien, mais pas
davantage dans le mal ») et aux champs lexicaux équilibrés (« méfiance, Indifférence,
égoïsme » puis « gratitude, respect, utiles »).
- Un autre aspect est mis en avant chez cette seconde catégorie : son inconstance. Le narrateur
marque sa désapprobation à propos des comportements souvent changeants (voir les
modalisateurs qui accompagnent l’idée de changement, en rythme ternaire insistant : « cédait
presque trop vite, presque honteusement, se changeait presque trop facilement ») Cette valeur
prêtée à la constance s’accompagne en fin de paragraphe de celle prêtée à la sincérité grâce à
la métaphore : « le dieu qu’ils portent en eux se révèle souvent lorsqu’ils meurent. ». On peut
supposer qu’Hadrien lui-même au seuil de la mort est sincère et porte la sincérité comme
valeur propre.

Ce jugement sur les hommes dessine donc en creux le portrait d’Hadrien : il admire la sagesse, le
courage, la constance, la sincérité.

B. Il évalue aussi ses qualités aux relations qu’il a eues avec les autres : un être aimé pour lequel
certains ont tout donné
- D’autres modalisateurs montrent qu’il est aimé : « je m’étonne d’avoir eu aussi peu
d’ennemis »
- et surtout sa modestie : litotes «je m’étonne », « quelques-uns m’ont aimé », « m’ont donné
beaucoup plus que je n’avais le droit d’exiger », « leur mort (…) parfois leur vie » (plusieurs sont
donc morts pour lui ou lui ont consacré toute leur vie).
- Le fait que certains aient sacrifié leur vie pour lui est mis en valeur par la place finale et le jeu
sur le sens des mots « mort » et « vie ».
Hadrien, en faisant le constat modeste qu’il est aimé, montre en réalité sa grandeur, en passant par
autrui.

II. Une valeur qui définit Hadrien par opposition aux autres hommes : la liberté. (l 12 à la fin)

A. Ce en quoi Hadrien se sent supérieur : sa liberté


- Nouveau paragraphe : passage à une autre étape du texte où Hadrien cherche à nommer ce qui
le distingue de l’ensemble des hommes : « Il n’y a qu’un seul point sur lequel je me sens
supérieur au commun des hommes ». Le présentatif + la négation exceptive « il n’y a que »
mettent en valeur l’originalité de Hadrien face aux autres (comparaison Je / « commun des
hommes » repris par « ils » puis « presque tous » opposé à « pour moi »). Constat très clair de
ce qui le distingue au présent de vérité générale.
- La supériorité de la liberté sur tout, notamment sur la puissance, ce qui est surprenant de la
part d’un empereur romain, est exprimée par le chiasme : « j’ai cherché la liberté plus que la
puissance, et la puissance seulement parce qu’en partie elle favorisait la liberté ».

B. Série de phrases qui explicitent un paradoxe : la liberté véritable est autodiscipline.


- Les deux points puis la parataxe apportent avec limpidité et rapidité des explications logiques :
- Il d’abord fait le constat paradoxal de sa propre liberté liée à la soumission, constat souligné par
l’oxymore « tout ensemble plus libre et plus soumis ».
- Il explique ce paradoxe par l’ignorance générale de ce que sont réellement la liberté et la
servitude : « méconnaissent » ; la liberté apparente ne serait pas réelle (vaines licences), de
même la servitude semblerait être un outil de libération, ce dont témoigne l’antithèse et le
chiasme : « Ils maudissent leurs fers ; ils semblent parfois s’en vanter » : il remet en question la
définition de la liberté et de la servitude (champ lexical de l’exactitude : juste liberté, vraie
servitude).
- La série d’explications débouche directement, toujours par la parataxe, sur une nouvelle
définition de la liberté : « ils ne savent pas se tresser à eux-mêmes le joug le plus léger ». La
métaphore « se tresser le joug » montre effectivement que celui qui choisit ses contraintes est
libre, puisque c’est lui qui agit (verbe pronominal de sens réfléchi renforcé par le pronom « eux-
mêmes »). La soumission à sa propre volonté devient outil de libération.

C. Etre libre : c’est connaître et s’entraîner ä …


- Il précise le sens du mot liberté : par la forme emphatique et la proposition incise dévalorisante
(« m’ennuyèrent »), il annule le sens commun « philosophie de l’homme libre » et y substitue
un sens très pragmatique : « une technique ».
- La conquête de la liberté est décrite comme une quête initiatique (« je voulais trouver », « je
m’efforçais d’atteindre par degrés cet état (…) presque pur »)
- La distinction entre ce qui relève de la volonté individuelle et ce qui n’en dépend pas est l’objet
de cette quête : voir les oppositions entre les deux champs lexicaux « volonté, discipline,
dressé, décision de l’esprit » et « destin, nature, cheval, corps » ;

D. … se soumettre volontairement

- Il fait une digression pour préciser que ce n’est pas la même liberté que celle des stoïciens
« Comprends bien qu’il ne s’agit pas ici de la dure volonté du stoïque » ; en effet, les stoïciens
« purs et durs » refusent tout attachement aux choses du monde, par définition périssables,
refus qu’Hadrien désapprouve (termes péjoratifs : « dure volonté », « refus abstrait ») ; cette
digression lui permet de rappeler, comme dans le premier chapitre, son attachement aux
plaisirs simples et merveilleux des hommes : ceux du « monde plein, continu, formé d’objets et
de corps ».
- Les métaphores de la « vie » qui est « un cheval dont on épouse les mouvements, mais après
l’avoir, de son mieux, dressé », ou de la « décision de l’esprit qui entraîne l’adhésion du corps »
précisent encore l’idée de « liberté soumise » : il s’agit d’apprendre à supporter le mieux
possible ce qui ne peut être changé pour mieux profiter de la vie. La liberté se trouve où la
soumission est volontaire, d’où le champ lexical des compromis, de l’union des contraires
« (charnière, s’articule, seconder la nature, acquiescement / souple bonne volonté »)
- L’hyperbole finale : « cet état de liberté, ou de soumission, presque pur », en rendant liberté et
soumission synonymes, met en valeur cette idée que se soumettre volontairement au destin
rend véritablement libre.

Conclusion :

Le narrateur se définit un peu plus dans ce passage : en évaluant les autres hommes, il s’avère attaché à la
sagesse, à la constance, au courage. Se décrivant aimé, il se montre à la fois grand et modeste. Mais quand il se
dit attaché à la liberté, il montre aussi sa singularité parmi les hommes : loin d’être attaché à une liberté
superficielle, il montre qu’il a mené une quête initiatique, celle de vivre libre dans sa condition d’homme soumis
au destin et aux aléas de l’existence. Ce passage fait de lui un sage stoïcien, un modèle de sagesse, et pousse le
lecteur à réfléchir à ses propres valeurs, et à la cohérence entre celles-ci et ses actions.

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