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Revue Philosophique de Louvain

Léon Meynard, Le suicide. Étude morale et métaphysique


Maurice Van Vyve

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Van Vyve Maurice. Léon Meynard, Le suicide. Étude morale et métaphysique. In: Revue Philosophique de Louvain. Troisième
série, tome 52, n°35, 1954. pp. 493-495;

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Ouvrages divers 493

l'indétermination dont parle la physique pourrait permettre au libre


arbitre de déterminer les événements que la Nature laisse
indéterminés. Et il répond de façon très nette que la physique quantique
n'a rien à voir avec le problème du libre arbitre.
Clair, vivant, dense et traitant avec franchise d'idées
importantes, ce livre s'impose tant par la compétence de son auteur que
par l'intérêt des problèmes discutés.
Le lecteur apportera facilement les corrections suivantes aux
trois malencontreuses erreurs qui se sont glissées dans les exemples
arithmétiques du chapitre sur le continu: p. 69, la série infinie
exprimant 3/4 doit avoir comme dénominateurs les puissances
impaires de 3 ; p. 71 en note 0,1 = 0,0999... et p. 72, 0,022 = 0/3 +
2/9 + 2/27 = 8/27. F. Renoirte.

Léon MeynàRD, Le suicide. Etude morale et métaphysique («


Initiation philosophique »). Un vol. 19x12 de 123 pp. Paris, Presses
universitaires de France, 1954.
Ceux qu'intéresse le problème de la mort volontaire ne seront
pas déçus par l'excellente contribution de M. Meynard.
Dans un premier chapitre, intitulé Suicide et société, l'auteur
critique la thèse condamnant le suicide au nom d'un impératif
social. Il met bien en lumière l'insuffisance d'un tel fondement et
la nécessité d'« intérioriser la condition sociale » de l'homme en
opérant « le passage de la société... empirique à la société idéale...
où nous reconnaissons la communauté des hommes participant
d'une même nature et solidaires d'un même destin » (p. 16). Une
méthode exclusivement positive ne saurait être efficace. « Seule la
métaphysique peut éclairer les problèmes humains. Mais pour y
parvenir il... faut examiner... les raisons de cet ordre que l'on
avance pour légitimer le suicide et dont la moindre n'est pas la
revendication hautaine d'une liberté sans limites » (p. 16).
D'où le deuxième chapitre, Suicide et liberté. Par la mort
volontaire, l'homme affirmerait sa transcendance sur la nature.
L'auteur dénonce cette illusion en montrant « la contradiction d'un
s'
pouvoir qui se détruit et se renie en exerçant » (p. 28). En effet, « de
deux choses l'une : ou bien Dieu n'existe pas, et l'attitude se trouve
dénuée de toute signification intrinsèque, ou bien Dieu existe, et
le suicide est un geste de révolte métaphysique qui n'a de sens
que pour le croyant. Des deux côtés, la mort volontaire n'est pas
l'acte de la suprême liberté » (p. 29). M. Meynard conclut: « C'est
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par la prise de conscience du Devoir que l'on accède à la liberté


supérieure qui n'est plus celle de se donner la mort, mais au
contraire de s'arracher au suicide par une effective libération »
(p. 34).
S'il en est ainsi, le vrai courage (ce point fait l'objet du
chapitre III) consiste à accepter le devoir de vivre. Non point toutefois
de façon inconditionnelle: la condamnation du suicide n'atteint
pas le sacrifice, qui lui est diamétralement opposé.
Au chapitre IV, l'auteur développe cette distinction entre
suicide et sacrifice. « Le suicide implique de se donner soi-même la
mort et dans une disposition égoïste » (p. 70). Le sacrifice, au
contraire, « est le triomphe d'une fin impersonnelle » (p. 71).
Le suicide, ainsi défini, doit être condamné en tant que
contraire à la dignité humaine. « En me détruisant, lisons-nous au
chapitre V, je déchire ce précieux tissu de l'essence humaine dont je
suis fait et je nie cette Dignité dont je tiens ma raison d'être »
(P. 85).
Pourquoi en est-il ainsi ? Cette question nous introduit dans
le dernier chapitre, qui établit le lien entre suicide et sens de la
vie. Déjà les absurdistes refusent le suicide. A fortiori faut-il le
condamner si, en dépit du mal et de la souffrance, la vie a
véritablement un sens. « Par une réflexion approfondie sur sa
condition étrange et merveilleuse, l'homme peut trouver les plus hautes
raisons de vivre » (p. 115). « La méditation du suicide doit conduire,
selon nous, à considérer que l'existence de Dieu est l'argument
suprême que l'on puisse invoquer contre sa légitimité » (p. 116).
Le petit ouvrage de M. Meynard n'a pas l'ampleur des grandes
monographies consacrées au suicide par E. Durkheim, A. Bayet,
M. Halbwachs, G. Deshaies. Mais il traite le problème avec plus
de profondeur et une logique plus rigoureuse. Ayant pris
connaissance de quelques grands traités de morale générale, des
principales monographies sur le suicide, de certains romans célèbres
traitant ce problème, et de la littérature existentialiste, il en fait une
matière à réflexion exigeante et loyale. Quant à l'expression, elle
est claire, nuancée, moderne.
Le souci d'équité, qui inspire M. Meynard, apparaît dans la
méthode suivie, à savoir celle d'un approfondissement graduel, qui
n'élude aucune objection sérieuse, aucune difficulté réelle. Il est
cependant regrettable que l'auteur ait cru devoir, pour autant,
reléguer au chapitre IV, la distinction entre suicide et sacrifice. A
Ouvrages divers 495 .

la lecture des chapitres précédents, on éprouve un constant


malaise, faute de connaître la réalité précise signifiée par le terme de
suicide. Quant à la distinction elle-même, on la voudrait mieux
caractérisée. En quoi consiste la disposition égoïste propre au
suicide ? Et que penser de « l'acte du résistant qui se tue pour ne
Tien livrer des secrets dont il a la garde, car il craint de ne pouvoir
supporter les supplices dont il est menacé » (p. 69) ? L'auteur justifie
un peu sommairement le malheureux prisonnier, en alléguant qu'il
n'était peut-être pas taillé pour de telles responsabilités et que
« nul ne saurait présumer de sa capacité de résistance à la
douleur... Il est des circonstances maudites où les règles imperatives
perdent de leur rigueur... » (p. 69). Dans la logique d'une telle
solution, ne pourrait-on approuver également l'homme qui, sur le
point de faire faillite, se tue, en simulant une mort naturelle, pour
épargner aux siens le déshonneur et la misère ? A quelles
conditions précises un sacrifice est-il légitime ? On aimerait quelques
développements à ce sujet.
S'il est, enfin, permis de relever des imperfections de détail,
notons une certaine imprécision dans les notes bibliographiques
et une citation apparemment mal comprise: à la page 66, M. Le
Senne, examinant l'attitude du capitaine sombrant «
volontairement » avec son bateau, ne vise, semble-t-il, que le chef décidé
à quitter son bord après tous les autres passagers, et non celui qui
refuse de survivre à son bâtiment. Maurice Van VyvE.

Tolérance et communauté humaine. Chrétiens dans un monde


divisé. [Textes de] Roger AUBERT, Louis BoUYER, Lucien CERFAUX,
Yves CONGAR, Albert DoNDEYNE, Augustin LÉONARD, Joseph MASSON,
André MoLITOR, Bernard OLIVIER, Henri-Dominique ROBERT («
Cahiers de l'actualité religieuse »). Un vol. 21 x 14,5 de 245 pp. Tournai,
Casterman, 1952.
Morale chrétienne et requêtes contemporaines. [Textes de]
François-Marie BRAUN, Hubert Delville, Albert DESCAMPS, Prudent
DRIESSEN, François DUYCKAERTS, Robert FlaceliÈRE, Francis JEAN-
SON, Jacques LECLERCQ, Augustin LÉONARD, Bernard OLIVIER, Henri-
Dominique ROBERT, Ceslas Spicq (« Cahiers de l'actualité
religieuse »). Un vol. 21 x 14,5 de 291 pp. Tournai, Casterman, 1954.
Dans la collection a Cahiers de l'actualité religieuse », dirigée
par des professeurs du Collège de philosophie et de théologie des
dominicains à La Sarte-Huy, ont paru deux ouvrages collectifs que

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