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La mort volontaire
Maurice Van Vyve
Van Vyve Maurice. La mort volontaire. In: Revue Philosophique de Louvain. Troisième série, tome 49, n°21, 1951. pp. 78-107;
doi : https://doi.org/10.3406/phlou.1951.4328
https://www.persee.fr/doc/phlou_0035-3841_1951_num_49_21_4328
W Park, 1922.
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(5> Plusieurs d'entre eux irefuaent le nom de sacrifice à la mort que l'on se
donne (c'est-à-dire, que l'on veut directement) pour obtenir un bien supérieur ou
égal à la vie, parce que cet acte, d'après eux, est illicite. En réalité, licite ou non,
cet acte, dans le langage courant, s'appelle sacrifice.
Pour la clarté, nous reproduisons ci-dessous de façon schématique la
terminologie proposée :
la mort
1) voulue
a) au sens strict (ou mort directement volontaire)
1° quand on a le devoir de rester en vie, s'appelle SUICIDE.
2° pour un bien égal ou supérieur à la préservation de la vie, s'appelle
SACRIFICE.
N. B. A l'une et l'autre convient le nom de MORT VOLONTAIRE.
b) en un sens très large (en réalité impropre), c'est-à-dire prévue et
tée à regret comme l'effet mauvais d'une action bonne, compensé
par un autre effet bon (ou mort indirectement Volontaire), s'appelle
SACRIFICE.
2) non voulue (ou mort involontaire) (accident, démence...) ne nous intéresse
pas.
(*) Notre exposé reproduit la doctrine contenue dans les œuvres suivantes:
J. BeYSENS, Hoofd»tukken °«' de bijzondere Ethie\. III. Het verbod: gij zult
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(') Ces trois argumente se retrouvent chez presque tous les auteurs importants
que nous avons consultés. S'ils donnent encore d'autres preuves, celles-ci sont
secondaires à leurs yeux.
<10> B. H. Merkelbach, Summa Theologiae moralia, t. II, p. 347.
(u> Ad. Tanquerey, Syn. theol. mor., t. III, p. 127.
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La mort met fin à cette mission de l'homme. Mais s'il n'est pas
l'auteur de la mission, il n'a pas non plus à en choisir le terme.
Il doit donc accepter la vie aussi longtemps que Dieu la lui laisse,
c'est-à-dire aussi longtemps que l'ordre naturel la lui laisse,
puisque Dieu agit et manifeste sa volonté par l'ordre naturel dont
il est l'auteur » (19>.
L'argument des autres moralistes se réduit à ceci : tout homme
a le devoir de s'aimer, c'est-à-dire de tendre à sa fin. Or se tuer,
c'est mettre un terme à l'instrument même que Dieu a mis à notre
disposition pour atteindre le bien suprême : la vie est le plus grand
des biens temporels, la condition du mérite, du progrès dans la
charité (20>.
Voici la même preuve, reprise sous une forme plus développée :
« Celui qui spontanément, met fin à sa vie, perd de ce fait non
seulement un bien présent, mais nombre de biens ultérieurs, a) La
vie est le plus grand bien dont nous puissions jouir en cette vie :
elle est la condition à défaut de laquelle nous ne pouvons jouir
d'autres biens ; aussi longtemps que nous vivons, nous pouvons
acquérir non seulement des biens extérieurs, mais aussi intérieurs,
par exemple la science, la vertu, des mérites ; 01, en quittant
spontanément la vie, nous nous privons de tous ces biens, o) De plus,
aussi longtemps que nous gardons notre vie intacte, même si nous
sommes opprimés par de nombreuses misères et submergés de vices,
il reste l'espoir que, par un changement des circonstances ou une
réforme des moeurs, le succès nous sourie et que nous rachetions
les fautes de notre vie passée par une digne satisfaction et la
pratique des vertus ; si au contraire nous nous suicidons, tout espoir
s'évanouit et il ne nous reste plus qu'à expier nos fautes par une
peine proportionnée, c) Gravée dans notre nature est l'obligation
de cultiver par un effort viril les dons reçus de Dieu : facultés
physiques, mentales et morales ; plus cette évolution est parfaite, plus
grande est notre félicité, puisque par l'exercice légitime et
progressif de nos facultés, nous nous rapprochons de notre fin dernière ;
au contraire, si notre vie est coupée prématurément, l'homme,
desséché tel une fleur, se fane avant d'avoir atteint le degré de
perfectionnement auquel il était destiné » (21>.
<M> Clr par ex. PRUMMER, Manuale Theologiae Moralis, p. 106, vP 296.
(**) A. Vermeersch, Theologia Moralis, p. 276, n° 2%.
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<■*> MICHEL, art. Suicide, dans le Diet, de Théol. Cath., t. XIV, col. 2739-40.
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<M> MICHEL, art. Suicide, dan* le Diet, de Théol. Cath., t. XIV, cal. 2740.
<26> Ibid., col. 2745 sq.
<«f> Ibid., col. 2745 sq.
, La mort volontaire 91
<"> E. RANWEZ, Suicide permis ? dans Miscellanea Janssen, vol. 3, pp. 449-458.
(") Ibid., p. 450.
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<*°) E. RANWEZ, Suicide permis? dan» Miscellanea Janssen, vol. 3, pp. 452-53.
<"> MICHEL, art. Suicide, dans le Die. de Theol. cath., t. XIV, col. 2747.
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(") MlEHEL, art. Suicide, dans le Diet, de Théoî. Cath., t. XIV, col. 2747.
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II. — Critique.
(»*) MICHEL, art. Suicide, dans le Diet, de Théol cath., t. XIV, col. 2744-45.
(") Ibid., col. 2748.
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'**> « Bien compris, les deux arguments, écrit M. J. Leclercq, n'en font
qu'un, car Dieu s'exprime par la nature et la nature n'est respectable que parce
qu'elle exprime la volonté divine » (Leçons de droit naturel, t. IV, !*• partie,
p. 52). Texte cité plus haut, p. 86.
<"> J. LECLERCQ, Leçons de droit naturel, t. IV, lre partie, p. 53.
<**> J. BEYSENS, Het verbod: gij zult niet doodslaan, p. 62.
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(14> C'était le cas en Gaule. Cette coutume a longtemps persisté aux Indes
{DURKHEIM, Le suicide, p. 235).
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Louvain.