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« La littérature permet de ne rien échanger. La poésie ?

Elle n’est pas où


on
la croit ».
André Breton, Entretien avec Roger Vitrac, 7 avril 1923.

« La signification d’une vie ne regarde seulement celui qui l’a vécu. Elle
contribue, d’autant plus qu’elle s’est trouvée en lumière, à la formation
d’autres individualités. De là l’obligation où nous nous trouvons d’honorer
ou flétrit telle ou telle attitude, d’écrire des livres d’or et de dresser des
bûchers ».
André Breton, Robert Desnos, 1924.

I. L’homme sans masque


Être « radical », pensait Karl Marx, c’est prendre les choses par leur racine. Comme Marx, André
Breton, qui l’admirait, était un radical. Sur quoi se fondait son radicalisme ? Une intransigeance qui
jaillissait d’un rejet contre ce qu’il jugeait faux. Ce poète qui s’opposa au travail, à toute institution,
au monde des lettres, à l’idée de patrie, au Dieu chrétien, à la guerre ; cet homme qui rejeta tantôt la
liberté de la démocratie bourgeoise, tantôt le communisme staliniste au milieu de l’ascension
fasciste, paya le prix de sa pensée avec une misère continue. Malgré ses erreurs, quoi qu’il lui en ait
causé, sa vie est un cas inusité : il s’agit d’un homme qui ne tombe pas en défection. Ici, les mots de
Sartre purent être les siens : « Dans ma vie, j’ai commis des fautes […] mais chaque fois que j’ai fait
une faute, c’est que je n’ai pas été assez radical1 ».

Étant donné que Breton ne transigea pas face à ce qu’il mettait en accusation, pour lui la situation
du poète exigeait un « état de grâce » qui est enraciné à la rébellion 2 ; par conséquent, une clarté
morale qui est réellement une morale de l’intransigeance. Ici le portrait de Péret donné par Buñuel
est une image de celle-ci : « Péret représentait le poète surréaliste […] à l’état naturel : pur de toute
compromission et presque toujours très pauvre 3 ». En un mot, un radical, et le dernier surréaliste :
le seul qui reste avec Breton. À la fin de sa vie, dans une enquête à des écrivains, Péret présentait sa
position qui est à la fois celle de Breton :

Décorations : aucune ; Parenté avec personnalités : aucune ; Résidence d’été : aucune ; Voiture : aucune ;
Distractions : offenser les prêtres ; Collections : aucune ; Événements dans sa carrière : il n’y a pas eu telle
carrière, mais… ; Prix, distinctions : aucun ; Signes particuliers : je hais les prêtres, les policiers, les stalinistes
et les commerçants4.

Face à un tel choix de vie, on songe aux conditions pitoyables du monde contre lesquelles cette
morale fut choisie par Breton. Sa position n'était-elle pas la négation d'un état de conditions sociales
1
Sartre, Autoportrait à soixante-dix ans, en Situations X.
2
Breton, Perspective cavalière.
3
Buñuel, Mi último suspiro (Barcelona: Plaza & Janés, 1987), 132.
4
Péret, Œuvres complètes VII (Paris : Gallimard, 1995) (couverture).
sous lesquelles on se trahit en les acceptant, ou dont on s’écarte pour éviter des problèmes qui
feraient de la vie une expérience plus pénible ? Et ne pas transiger face à ces conditions n’est-ce pas
une affirmation morale contre des valeurs qui, tant que bourgeoises, la refusent ?

Face à un monde où les valeurs bourgeoises semblaient s’enfoncer – condamnées par la misère
qu’elles avaient édifiée –, le monde littéraire n’était-il pas un écho de celles-ci ? Si l'institution
littéraire est une émanation bourgeoise, quel écrivain se soustrait de toute accusation lorsqu’il est la
connivence entre ces deux mondes ? Deux conditions s’imposent avec Breton : d’un côté, peu de ce
qui s'écrit se rattache à la vie ; d’un autre côté, comment on s’affirme dans cet « état de grâce » dans
une réalité qui signale son échec ?

On devine pourquoi Péret est, dit-on, le dernier surréaliste (et celui que Breton apprécie le plus). La
vie révèle elle-même que les hommes, à peu d'exceptions près, cèdent malgré ce qu’ils affirment :
ils s’abandonnent à ce qu’ils prétendaient refuser, pressés au départ, captivés à la fin par un ordre de
principes qui les déterminent, bien que ceux-ci soient ou non près ou hors de la vie. Mais, même si
l’infidélité de soi-même est une condition humaine liée en partie au changement sous lequel
l’existence devient, Breton a agi à rebours, en se donnant la défaveur de s’obstiner à rester le même,
à l'abri de sa morale :

L’assez grande misère qui avait été et reste la mienne, pour quelques jours faisait trêve. Cette misère, je n’étais
d’ailleurs pas braqué contre elle : J’acceptais d’avoir à payer la rançon de mon non-esclavage à vie, d’acquitter
le droit que je m’étais donné une fois pour toutes de n’exprimer d’autres idées que les miennes 5.

II. Les défections surréalistes


Le groupe surréaliste exista par quatre décades. Après La Grande Guerre, ses membres y trouvent
l'opposition contre l'ordre social qui l'avait déclenchée. L'écroulement de cet ordre définit la
position du groupe : condamnation des piliers qui le soutenaient : famille, Dieu, nation, armée,
travail, littérature. En conséquence, l'appui au communisme une fois qu’il menaçait cette société.
Dès lors que le groupe choisit l'opposition contre ces valeurs, il adopta une position morale
irrévocable. Une position qui rejaillira contre ses propres membres jusqu'au point de se retourner
moralement contre eux.

Si ces valeurs-là étaient « ultra-sophistes », il n’est pas une exception que ceux qui les appuient se
fassent suspects : non seulement les écrivains révélaient le lien littérature-bourgeoisie ; outre celui-

5
Breton, L’amour fou, en Œuvres complètes II (Paris : Gallimard, 1992), 779.
ci, le mensonge de toute vie discursive. Dès lors, l'outrage à l'ordre sophiste n'est pas distinct de
l'outrage à la littérature qui a contribué à le construire. Refuser celui-ci supposait retirer toute
confiance à ses valeurs littéraires ; en d’autres termes, ceux qui jusqu’à présent les avaient
personnifiées : Apollinaire, Claudel, Gide, Barrès, France, Valéry, Maurras.

En ce sens, celui qui songeait à s’instaurer à la sécurité institutionnelle, ou plutôt qui avait
l’ambition de s’établir ou former partie d’une institution officielle (Valéry) était honni. Tantôt celui
qui se complaisait de son œuvre et qui tournait l’attention vers la reconnaissance (Gide), tantôt celui
qui voulait s’assurer un nom posthume ou en qui s’éveillait le désir de gloire (France) était
désapprouvé. Il y avait des cas plus vulgaires : ceux dont les idées allaient vers des positions
antisémites-chauvinistes (Barrès, Morand, Bourget), miliciennes (Apollinaire) ou nationalistes
(Bazin, Péguy, Claudel). Que Claudel fût un poète officiel (ambassadeur de France), catholique
orthodoxe, signalait aux yeux de Breton un avilissement de la poésie ; Il n’acceptait pas non plus
que ses œuvres piteuses furent présentées en U.R.S.S pour façonner les ouvriers. Par ailleurs, un
écrivain qui défilait aux salons des nantis (Cocteau) était assailli par des critiques, affublé de mépris
et d’une certaine haine : Cocteau assumait bien le fait d’être le poète le plus abhorré de son temps.
On peut conclure qu’avec la mort d’Anatole France devait mourir, en outre ce que son nom
symbolisait, le patriote estimé, l’intellectuel renommé, la célébrité du prix Nobel, l’auteur de best-
sellers, le membre de L’Académie des Lettres Françaises ; c’est-à-dire, tout ce que haïssait le
surréalisme.

Breton ne nia pas les mérites littéraires de Valéry ou Claudel : il ne tolérait guère leurs attitudes
bourgeoises. Lorsque Paulhan se raille de la critique de Breton sur la littérature et Drieu La
Rochelle dénonce sa pseudo-inclination révolutionnaire, tous deux méconnaissent le désarroi de
Breton : il n’assumait la poésie que hors du domaine littéraire, et non point isolée d'une morale
subversive. En somme, aux antipodes des sentiers vénaux (Paulhan) et antirévolutionnaires (Drieu).
C’est pour ça que des mots dans l’isolement littéraire sont ambigus : « Me croyez-vous antifasciste ?
Je suis comme chaque homme. Je suis violemment fasciste et violemment démocrate 6 ». De même,
le lien intellectuel-vénalité est un malaise : « devant Claudel – dit Gide – il me surplombe ; il a plus
d’argent, de génie, de puissance7 ».

6
Paulhan, Choix de lettres II. Traité des jours sombres (Paris : Gallimard, 1992), 298.

7
Gide, Journal 1889-1939 (Paris : Gallimard, 1948).
Lorsque Breton s’approcha du communisme (1926), la chute du régime bourgeois n'était pas une
utopie : ce qui se passait en U.R.S.S. n'avait eu lieu dans l'histoire. Cette illusion –méprisée comme
une maladie par ce régime – qui s'empara de ceux qui la croyaient réelle, tient à s’atténuer. Dans le
pire des cas, à la dénigrer face à son horreur en mains de Staline. Mais avant cette défaite, beaucoup
l’embrassèrent. Le marxisme devint une cause sacrée : la décomposition de cette société était
imminente ; elle était destinée à s’anéantir. Par l’observation des documents comme Terre sans
pain (Buñuel, 1932), La terre tremble (Visconti, 1948), on assimile pourquoi des surréalistes furent
accablés par le Cuirassé Potemkine (1925). Il s’agit d’une époque de la plus sombre à la plus
humaine : des masses opprimées auxquelles le marxisme donna un credo. Car le communisme était
une religion. De même que la plus grande tragédie du XX siècle.

A l’approche du Parti communiste (P.C.), Breton ne se soumit pas au rôle d'écrivain. Le directeur
de L’humanité (Barbusse) lui conseillait d’écrire des récits pour encourager les ouvriers. C’est-à-
dire, des « niaiseries8 ». La littérature, dit Breton, n'est rien d'autre que ce qui nous parle
de « sornettes9 ». Cela dit, il met en évidence des mots de Flaubert, bien qu’il ne l’apprécie pas : «
La littérature n’est plus pour moi qu’un terrible godemiché qui m’encule et ne me fait pas même
jouir10 ». Quand Aragon doit brûler La recherche de l'infini (1927), il ne peut pas se justifier : dans
le surréalisme, les romans étaient interdits. Mais pourquoi ? Ne s’agit-il pas en outre du même
dédain de Claudel après la mort de son ami Gide ? « La moralité publique y gagne beaucoup et la
littérature n’y perd pas grand-chose11 ».

On peut dire que des manuels littéraires favorisent l’œuvre au profit de la personnalité créative pour
s’oublier de la vie et de l’individu réel. Comment un homme hanté par l’aristocratie, le
catholicisme, laudateur de Hitler et Franco (Dalí) fut dénoncé si tard par Breton ? À cause de son
génie. Le même individu frappé par Buñuel, jugé « sans force humaine12 » par Miro et à qui Ernst
refuse de tenir la main à cause de son opportunisme. À cet égard, pourquoi Éluard publie-t-il des
vers propagandistes dans une revue fasciste (1938) et n’a rien dit lorsqu’un surréaliste (Salandra)
fut pendu par le P.C. (1950) ? Ces cas enferment l’un des conflits des défections : la
déshonnêteté intellectuelle.

8
« Aujourd’hui, pour compter écrire ou désirer lire une nouvelle, il faut être un bien pauvre diable ». Breton, « Légitime
Défense », en Œuvres complètes II, 287.
9
Breton, « Entretien avec M. Chapsal » (1962), Perspective Cavalière (Paris : Gallimard, 1970), 211.
10
Breton, « Mise en accusation d’Arthur Meyer », en Œuvres complètes I (Paris : Gallimard, 1970), 638.
11
Claudel, Journal, Cahier X, T.II (Paris : Gallimard, 1969), 763-764.
12
Miro. Conversaciones (Madrid: Gedisa, 1977), 102.
Breton ne concevait qu’un poète pût vivre aux dépens de ces dilemmes. Sans l'intolérance de Breton
le poète surréaliste aurait péri dans le monde des lettres. Disent les surréalistes d'antan : sans Breton,
on aurait eu une « éclosion » de poètes qu'il a « éliminée » (Delteil), sans « le côté destructeur » du
surréalisme qui a blessé beaucoup de jeunes gens… (Limbour), si le surréalisme n'avait pas été
« abîmé », au lieu de préserver le meilleur « l'écriture automatique, les récits de rêves » (Hugnet),
si, enfin, Breton se serait intéressé aux études du merveilleux au lieu de le conjurer (Caillois),
estiment-ils, alors le mouvement ne se serais pas dérouté 13. En somme : il aurait dégénéré en
littérature. Se peut-il ne pas remettre en question ces considérations littéraires ? Hugnet méprisait
Breton : mais il ne dit pas pourquoi fut giflé trois fois par les surréalistes (1931, 1943, 1962).
D’autre côté, pourquoi des surréalistes (Baron, Limbour, Masson) ne concevaient-ils pas que Breton
fût un poète ?

Face à la crise matérielle (1929), l'offensive du groupe devient un conflit : l’opposition à la dyade
littérature-bourgeoisie ne cessent pas. Appuyer aux Ballets de la Russie Blanche (Miro-Ernst,
1926), écrire une biographie de Ducasse (Soupault, 1927), représenter Songe à l’honneur d’un
ambassadeur (Artaud, 1928), ouvrir un café Lautréamont (Desnos, 1930), tomber aux tendances «
réactionnaires14 » (Giacometti, 1934), ce sont des incidents qui consternèrent à ses membres. Même
Breton n’était pas invulnérable à la faiblesse qu’il dédaignait : Minotaure (1933-1939) était une «
objet mondain et bourgeois par excellence » (Buñuel) 15 ; le surréalisme se perdait « à la maison […]
des Belles lettres » (Tzara, Char)16. Mais s’ils sont partis, c’était comme si Breton ne pouvait pas
faire machine arrière. Le prix de cette offensive, sans cesse, a réduit le pacte du groupe à une
minorité. Par ailleurs, en 1930 peu de surréalistes ayant passé les trente ans pouvaient assumer que
cette offensive se nourrisse de leur pauvreté.

Aragon n'a pas seulement remis en question ce qu'il écrivait, mais voire ses amis : « Et vint le temps
ou je ne pouvais pas écrire une chose appelée roman. Devant cette impuissance, il me fallut essayer
de comprendre pourquoi je ne pouvais pas écrire 17 ». Cette crise est un traumatisme. Après sept ans
Aragon a écrit un roman, aidé par une romancière qui méprisait Breton et que Breton ne tolérait pas
(Elsa Triolet). Le cas d’Aragon est-il la défection la plus déchirante ? Ou, au contraire, Aragon n'a-
13
Delteil (01.01.1974) (archives INA), Limbour (22.01.1965) (archives France culture), Hugnet (05.02.1973) (INA),
Caillois (30.06.1970) (France culture).
14
Giacometti (12.11.1963) (archives INA).
15
Buñuel, Mi último suspiro, 136.
16
Char, « Lettre à Benjamin Péret », en Tracts et déclarations collectives, t. 1 (Paris : Le terrain vague, 1980), 290-292.
17
Aragon, Henri Matisse, roman, T. II. (Paris : Gallimard, 1971), 153-154.
t-il pas été le plus honnête à trahir sa vie passée (bourgeoise) ? A tort ou à raison, Aragon fut qui
comprit où conduisait la crise du groupe : en prenant parti par le P.C. il choisit la dialectique de
l'histoire que la même histoire ferait échouer. Où est de nos jours la classe ouvrière ? L’histoire n’a
pas aucun but. Grâce au capitalisme, l'ouvrier est devenu un bourgeois.

À ceux qui faisaient bon marché de ce traumatisme moral, Breton les marqua avec sa défiance (rue
Blomet : Leiris, Desnos, Masson, Artaud). Et la même méfiance fut opposée à Breton par la suite :
soit pour le P.C. (Aragon, Éluard, Sadoul), soit pour l’opposition trotskyste (Naville, Thirion),
Breton était un idéaliste. Quoi qu’il en ait été, il reste ce qu’a dit Soupault : « Nous sommes les
enfants de la guerre18 ». Par suite, comment peut-on canaliser le surréalisme vers la littérature ?
Pour l'histoire de celle-ci, il y a des défections de ceux qui n'ont rien écrit (Morise, Tual, Duhamel)
ou qui ont flirté avec le group. Mais aussi des surréalistes morts (Crevel, Desnos) : disparu dans
la guerre d'Espagne (Marcel Noll), disparu dans la deuxième guerre (Pierre Unik), fusillé (Mathias
Lübeck).

Après maintes scissions, Breton lui-même ne put pas concilier avec la révolution : du point de vue
matérialiste, magie, occultisme, ésotérisme, ils étaient inadmissibles. La dialectique de Breton
n’était pas marxiste. Malgré tout, Breton garda un réconfort : le plus grand révolutionnaire marxiste
accepta le surréalisme (Trotsky). Enfin, avec l’échec du marxisme s’est évanoui le surréalisme : le
monde et la vie n’ont pas changé. Mais Breton incarna la poésie vivante avant que la littérature
rattrapât ses droits d’antan. En quoi sens est-il sain de mésestimer le monde des lettres ? Par les
chemins de la littérature, on vit « impunément19 ». Puis, quelle était la sauvegarde d’un surréaliste ?

Je voudrais vous partager, Anne Marie, des mots de Soupault qui m’ont beaucoup touché en me
rappelant ce qui signifiait d’être surréaliste :

Je n’ai jamais beaucoup cru à la littérature, je ne l’ai jamais aimée et surtout les littérateurs, sauf quelques rares
exceptions, m’ont toujours paru être les plus traitres des hommes20.

III.
Cette esquisse rend compte d’une activité qui a eu lieu pendant quatre décennies. Le surréalisme,
que Breton imaginait comme un « château », se dresse entre deux guerres : plus de cinquante noms
y ont été accueillis et l’ont quitté à cause de désaccords et ruptures affectives. C’est à partir de ce
18
Philippe Soupault et le surréalisme : 1ère partie (02.12.1984) (INA).
19
Breton, « Le bouquet sans fleurs », en Œuvres complètes I, 896.
20
Soupault, Histoire d’un blanc, (Paris: Sans Pareil, 1927), 83.
conflit de dissensions que je voudrais mener une recherche sur les défections surréalistes à la
lumière des événements historiques qui les encadrent, et qui constituent la racine historique du
surréalisme. C’est-à-dire, d’une quête poétique dont les objectifs de Breton se situent au-delà de la
littérature. Concernant les défections, on peut les placer à quatre moments entre la guerre coloniale
française au Maroc (1922) et celle d’Algérie (1960).

1) Contre la vie discursive (jugements contre des écrivains) (1920-1929)


2) Premières épreuves et dissensions (1924-1929)
3) crise politique et dernières défections (1929-1939)
4) Après-guerre et décadence : le dernier surréaliste (1945-1966).

La sommation contre toute défection chez Breton ne lui empêcha pas de se contredire à plusieurs
reprises. Il a beau avoir accepté le droit à la contradiction au nom de la liberté, il ne consent pas à la
trahir quels que soient les commandements que la société offre au poète-écrivain pour se justifier. Il
s’agit, en vérité, d’une imputation sur la vie spéculative de celui-ci. C’est pourquoi l’intransigeance
de Breton est aussi une intransigeance morale : contre la dissolution de la personnalité, sa velléité,
le caractère inconstant, malléable, changeant sous des pressions du milieu social, la nature obscure
de Breton est celle qui ne peut pas qu’embrasser l’intransigeance s’on choisit la liberté. Peut-être ne
devrait-on aucunement transiger devant ce que l'on méprise au nom de la liberté.

***

Une partie des faits du surréalisme se trouvent dans les cent quatre-vingt déclarations du groupe
environ. Une fois que Breton indiqua la date pour publier sa correspondance (2016), d’autres
trouvailles précisent ces faits. Le site André Breton (2009), créé après la dispersion de son atelier,
ajouté aux biographies des surréalistes qui sont apparus au cours des dernières années, constituent
aussi une porte ouverte à documents inédits et faits inconnus qui permettraient d’approfondir sur le
conflit des défections au sein du groupe. Je dois signaler que la plupart de ces documents que les
mêmes surréalistes ont écrits, à la fin de leur vie, en réfléchissant sur ces années-là, ne se trouvent
pas dans mon pays.

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