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Les langues Néo-Latines – 109e année – 4 – n° 375 – Décembre 2015

DON QUICHOTTE :
LES ENJEUX DU LIVRE OU
LE LIVRE EN JEU(X)

Isabelle ROUANE SOUPAULT


Aix Marseille Université
CAER- EA 854

À Jean Vilar, in memoriam

En réalité tout est jeu dans le Quichotte, mais jeu pour signaler un sens ou un
double sens. Tout nous apparaît porteur d’une double intention, bonne ou mau-
vaise, ou bonne et mauvaise, une double et même une triple ou une quadruple
intention1.

Cette affirmation de Ángel Rosenblat a inspiré le jeu de dérivation


du titre de cet exposé et je traiterai donc de cette facétie cervantine qui,
avec Don Quichotte, fait du livre l’enjeu de lui-même. Le jeu y appa-
raît comme un trait constitutif qu’il soit revendicatif ou stratégique,
narratif ou stylistique, spéculatif ou générique. Cervantès combine les
stratégies d’occultation et de séduction qui entraînent le lecteur dans
la complexité féconde de son œuvre par la voie du plaisir. La mise
en abyme est une figure récurrente dans l’architecture du roman et le
motif du livre ou des livres dans le livre s’impose comme l’un des plus
féconds par les livres de référence bien sûr, mais surtout par le roman
lui-même.
Je partirai de la matérialité concrète du livre de papier, objet présent
dans le roman, feuillets manuscrits ou volume relié, de la bibliothèque
à l’imprimerie, pour aller vers la représentation imaginaire du livre-
texte, sujet de la narration autant que des discours théoriques qui s’y
mêlent. Marthe Robert décrit fort justement ce « mouvement d’une

1. Ángel ROSENBLAT, La lengua del Quijote, Madrid, Gredos, 1971, p. 167. Je traduis.

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littérature qui, perpétuellement en quête d’elle-même, s’interroge, se


met en cause, fait de ses doutes et de sa foi à l’égard de son propre mes-
sage le sujet même de ses récits »2, ce mouvement qui est à l’origine du
Quichotte et fonde sa modernité. Dès les premières pages du Quichotte
de 1605, on perçoit cette mise en miroir : alors que don Quichotte se
prépare à sa première sortie, il se projette déjà dans la mise en récit de
ses aventures. Tel un nouvel Amadis, il imagine le livre dont il sera le
héros : « Qui doutera que dans les temps à venir, lorsque la véridique
histoire de mes exploits fameux viendra à la lumière, le sage qui les
écrira [...] »3. Cette première projection du protagoniste en héros réflé-
chit l’image du livre dans le texte : la véridique histoire est celle dont le
lecteur est en train de prendre connaissance et son auteur entame un jeu
de cache-cache aux multiples déclinaisons dont il sera question plus
avant. Dès le chapitre deux du volume de la Seconde partie, le livre
est une réalité éditoriale incluse dans la fiction nouvelle par l’annonce
de Samson Carrasco aux deux principaux personnages. L’effet de sur-
prise est suivi d’un sentiment de perplexité du héros-protagoniste qui
pose clairement le problème de cette réflexivité, au sens où l’entendait
Bourdieu, du personnage qui devient pour lui-même un sujet d’étude :
« Don Quichotte resta tout pensif à attendre Samson Carrasco dont il
comptait entendre des nouvelles de lui-même mises en livre [...] »4.
Ainsi s’installe le jeu principal et l’enjeu majeur de cette Seconde Par-
tie : tout se passe comme si le personnage fictif était renvoyé dans un
monde réel dans lequel la fiction l’informe de sa réalité de personnage.
Désormais, fort de sa renommée livresque, qui n’est pas forcément
celle qu’il avait imaginée, il se sait lu et il va voir le monde l’imiter
comme il a pu, par le passé, imiter ses héros épiques favoris. Cervantès
offre au lecteur un texte qui construit progressivement son propre uni-
vers fictionnel5. Ces jeux de miroirs invitent à une réflexion sur les
modalités de l’écriture fictive tout en satisfaisant au « plus haut but

2. Marthe ROBERT, Roman des origines et origines du roman, Paris, Gallimard,


1972, p. 11, note 1.
3. Miguel de CERVANTES, Don Quijote de la Mancha, ed. de Francisco Rico, Barcelona,
Punto de Lectura, 2013 (I, 2, p. 35). La traduction utilisée est celle de Jean-Raymond
FANLO, Don Quichotte, Le livre de poche, Paris, 2008, ici p. 151. J’indiquerai à la suite de
la référence à cette édition celle du texte espagnol : Miguel de CERVANTES, Don Quijote
de la Mancha, ibid. Ici II, 2, p. 565.
4. Don Quichotte, ibid., p. 668 ; II, 3, p. 566.
5. Voir Daniel Henri PAGEAUX, Les aventures de la lecture. Cinq essais sur le Don
Quichotte, Paris, L’Harmattan, 2005, 3. Des livres au livre, p. 73-86.

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Don Quichote : les enjeux du livre ou du livre en jeu(x)

qu’on puisse viser dans un écrit, enseigner et plaire en même temps


[...] »6, comme le dit le chanoine dont le discours normatif rappelle les
préceptes aristotéliciens et horatiens qui président à toute composition
littéraire à l’époque.
Par un constant retour au texte, je vais ici envisager d’abord les
enjeux économiques et leurs conséquences en termes de notoriété et
de légitimité pour l’auteur ; puis, j’examinerai les enjeux esthétiques
de ces propositions nouvelles pour tenter, en conclusion, de dégager
l’enjeu philosophique de l’entreprise cervantine célébrée encore au-
jourd’hui comme l’invention du roman moderne.

Enjeu économique : du marché à la postérité


Une brève remarque du curé rappelle les difficiles relations entre
créateurs et éditeurs à cette époque charnière de la fin du XVIe siècle
et ce qui est dit pour le théâtre vaut aussi pour la prose romanesque :
« Mais comme les comédies sont devenues une marchandise à vendre
[...] le poète essaie de s’accommoder à ce que lui demande l’homme de
théâtre qui doit lui payer son travail »7. Comme l’ont écrit biographes
et exégètes, Cervantès connaît bien ces soucis, et la préoccupation liée
aux vicissitudes de l’ouvrage imprimé affleure régulièrement dans ses
œuvres8.

Des intérêts financiers aux fruits de la renommée


Les ouvrages ont un coût : don Quichotte n’a-t-il pas dû vendre
de nombreux arpents de terre pour acheter ses livres9. Au marché de
Tolède, le narrateur précise qu’il n’a payé que medio real pour les pré-
cieux manuscrits : une bonne affaire soulignée avec malice comme
pour mieux rappeler les aléas de ce marché. Contrairement aux in-
variants du motif des romans de chevalerie, le manuscrit n’a pas été
retrouvé mais bien acheté. Cette transaction commerciale dissipe le

6. Don Quichotte, ibid., p. 599 ; I, 47, p. 492.


7 Don Quichotte, ibid., p. 604 ; I, 48, p. 497.
8. Jean CANAVAGGIO, Cervantès, Paris, Mazarine, 1986, chap. 6 : « Le métier
d’écrivain », p. 255-302 ; Michel MONER, Cervantès conteur. Écrits et paroles, Ma-
drid, Casa de Velázquez, 1989, « L’objet », p. 17-46.
9. I, 1, p. 28.

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mystère de la tradition et oppose un contrepoint concret à l’idéalisation


de l’écrit en faisant entrer la réalité économique dans la fiction. La
scène de l’imprimerie de Barcelone, à la fin du parcours, achève de
confirmer l’essor de la nouvelle industrie. Don Quichotte, curieux de
découvrir cette technique, s’enquiert auprès d’un auteur des conditions
financières de l’édition. Les chiffres, sciemment répétés dans le récit,
attestent de la tension latente entre commerce et création : « Je m’im-
prime à mon compte et j’espère gagner au moins mille ducats pour
cette première impression qui va atteindre deux mille exemplaires ».
Et la conclusion de ce dialogue est claire : « Je cherche le profit car
sans lui la bonne réputation ne vaut pas un liard »10. Pour prouver le
succès de l’histoire, Samson Carrasco dresse un inventaire éditorial qui
coïncide avec la liste des grandes places commerciales du royaume11 et
les chiffres sont là pour l’attester puisque « [...] au jour d’aujourd’hui,
on a en imprimé plus de douze mille livres »12. Mais la fiction reprend
vite ses droits : la géographie se dilate et les données chiffrées dérapent
lorsque le chevalier témoigne de sa fierté d’être le héros d’un best sel-
ler : « J’ai mérité de parcourir maintenant par le livre toutes les nations
du monde ou presque : on a imprimé trente mille volumes de mon his-
toire, on est en voie d’en imprimer encore trente mille milliers de plus,
si le Ciel n’y remédie »13. Le recours à l’hyperbole focalise la dérision
sur les excès du personnage mais, à l’évidence, la raillerie atteint le
système dans son ensemble. Pour don Quichotte, il n’est de renommée
que si le livre est là pour la prouver. Il exprime très tôt sa foi en l’écrit
par ce vœu : « Ô toi, sage enchanteur, qui que tu sois, à qui doit revenir
d’être le chroniqueur de cette histoire unique, je te prie de ne pas ou-
blier mon bon Rossinante [...] »14. Mais, quand le livre devient une réa-
lité, au seuil de la Segunda Parte, l’auteur n’est plus un enchanteur : il
est maure et sa parole est suspecte. Le constat du chevalier dévoile son
premier désabusement : « Je dis que l’auteur de mon histoire n’était
pas un sage mais un quelconque bavard ignorant »15. Contrairement
aux modèles exemplaires de ses romans favoris, il doit sa célébrité à
ses mésaventures comiques. Pourtant, le rire qu’il engendre n’est pas

10. Don Quichotte, ibid, p. 1109 ; II, 62, p. 1032-1033.


11. II, 3, p. 567.
12. Don Quichotte, ibid., p. 669.
13. Don Quichotte, ibid., p. 756 ; II, 16, p. 662.
14. Don Quichotte, ibid., p. 152 ; I, 2, p. 35.
15. Don Quichotte, ibid., p. 673 ; II, 3, p. 571.

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Don Quichote : les enjeux du livre ou du livre en jeu(x)

empreint de mépris. Par un revirement typique des jeux de paradoxes,


Cervantès confère une nouvelle dignité à son personnage. Comme le
constate E. Riley, la destinée posthume de don Quichotte fait de lui un
héros moderne au-delà sa condition de héros burlesque et pathétique16.
Celui qui l’a engendré, même s’il se cache derrière le masque du pa-
râtre (padrastro)17, relate ainsi les effets de cette gloire : « Il n’y a pas
une antichambre de seigneur où on ne trouve un Don Quichotte : dès
que les uns le laissent, les autres le prennent, les uns s’en emparent, les
autres le réclament »18. Le glissement du nom propre au nom commun
qui apparaît ici, « un Don Quichotte », renvoie à une revendication
implicite de l’auteur sur sa propriété intellectuelle. Or c’est bien sa
légitimité qui est mise en jeu par l’irruption de la version apocryphe de
1614 : où quand le jeu devient une joute...

De la légitimité à la légalité
Cervantès, menacé par la rivalité de l’imposteur, implique le lec-
teur dans sa riposte dès le prologue de 1615. Jouant de la prétérition,
il répond aux piques calomnieuses reçues du rival comme autant de
blessures personnelles. Les cinq occurrences du mot libro résonnent
dans ce passage liminaire comme pour mieux rappeler la thématique
prioritaire de l’ouvrage. Mais la progressive liquidation du livre apo-
cryphe s’inscrit dans le corps même du récit cervantin avec un ingé-
nieux crescendo19. La critique est tout d’abord déléguée à des lecteurs
rencontrés dans une auberge qui déplorent le désamour pour Dulci-
née qu’a choisi d’illustrer le continuateur. Puis, la confrontation entre
lecteurs et personnages donne lieu à un élan soudain, empreint d’une
reconnaissance exaltée, où le livre devient concrètement une pièce à
conviction : « Il n’est pas douteux que tu es, seigneur, le véritable don
Quichotte de la Manche, le nord, le phare de l’errante chevalerie, en
dépit et au mépris de celui qui a voulu usurper ton nom et ruiner tes ex-
ploits comme l’a fait l’auteur de ce livre que je te remets à présent »20.

16. Voir Edward C. RILEY, « La singularidad de la fama de don Quijote », Bulletin of the
Cervantes Society of America, XXII, 1, 2002.
17. Don Quichotte, Prologue [1605], ibid., p. 127.
18. Don Quichotte, ibid., p. 673 ; II, 3, p. 572.
19. Voir David ALVAREZ ROBLIN, De l’imposture à la création, Madrid, Casa de
Velázquez, 2014.
20. Don Quichotte, ibid., p. 1079 ; II, 59, p. 1001.

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Isabelle Rouane Soupault

Ce sont ensuite les protagonistes qui assument la mission d’anéantir


l’usurpateur. Don Quichotte, le premier qui, une fois le livre en main,
le feuillette d’un regard dédaigneux et, de façon très laconique, relève
trois erreurs suffisantes pour en démontrer la vaine stupidité. C’est plus
tard, dans l’imprimerie de Barcelone, que le vieil hidalgo se radicalise,
sans doute en souvenir de sa bibliothèque décimée par l’autodafé que
l’on sait, et s’étonne que l’ouvrage en question n’ait pas encore été
brûlé et réduit en cendres21. Puis, d’autres personnages interviennent :
Altisidora, complice de la duchesse, au terme d’une longue série de
bourles aux dépens de don Quichotte, lui raconte une insolite catabase22.
Son rêve l’entraîne aux enfers au milieu de gentils diables vêtus de
pourpoints et de cols en dentelle qui jouent au ballon avec des livres
sans intérêt. Parmi ceux-ci, surgit un nouveau jouet qui est justement la
Deuxième partie de l’histoire de don Quichotte dont il est précisé qu’il
ne s’agit point de celle son premier auteur mais d’un Aragonais, habi-
tant de Tordesillas. Jugé illisible par les diablotins footballeurs, l’ou-
vrage est envoyé dans les abîmes par un coup de pied vigoureux qui
le décompose littéralement et en éparpille toutes les pages. La concor-
dance entre légitimité et légalité est ensuite amorcée par le personnage
de don Antonio Moreno lors de l’arrivée à Barcelone. Il accueille don
Quichotte avec toute la solennité que confère à ses propos l’usage du
rythme ternaire : « [...] Bienvenu, dis-je, le valeureux don Quichotte
de la Manche, non le faux, le fictif, l’apocryphe, celui que des histoires
mensongères nous ont dernièrement représenté, mais le véritable, le
légitime, le fidèle que nous a décrit Cid Hamet Benengeli »23. Enfin, le
dernier acte qui donne l’estocade a lieu lors de la rencontre entre don
Quichotte et don Álvaro Tarfe24. La gravité du propos l’emporte sur
le burlesque de la situation dans cette confrontation entre auteurs par
personnages interposés. Par une habile stratégie de retournement de
l’emprunt, le personnage d’Avellaneda vient intégrer la fiction cervan-
tine pour mieux y achever l’auteur qui l’avait conçu. À la demande de
don Quichotte, le maire et le greffier du village prennent la déclaration
écrite de don Álvaro attestant de la différence entre le vrai et le faux
don Quichotte. Les destins de l’auteur et du personnage s’unissent dans

21. II, 62, p. 1033.


22. II, 70, p. 1079.
23. Don Quichotte, ibid., p. 1097. II, 61, p. 1019-1020. On notera que le texte espagnol dit
« el verdadero, el legal, el fiel », (je souligne).
24. II, 72.

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Don Quichote : les enjeux du livre ou du livre en jeu(x)

la même revendication. L’argument juridique vient ici assister la fiction


littéraire. Le constat a valeur de preuve et interrompt le cycle de l’imi-
tation ou de la réinvention : on ne cherche plus la cause, on atteste juri-
diquement de la réalité du fait. Il est le vrai don Quichotte et l’écrit fait
loi par la puissance performative du langage. S’il sacralise le livre-objet
par la voie de la légitimation auctoriale, Cervantès entreprend symétri-
quement un processus de démystification du livre-texte et de la doxa du
récit de fiction. La loi doit protéger l’auteur authentique qui, en défen-
dant ses droits, s’affirme pleinement comme « père » (padre) et n’est
pas cet « esprit (ingenio) stérile et mal cultivé » tel qu’il se décrit dans
le prologue de 1605 en cédant aux topoï du genre25 mais bien un de ces
un de ces « esprits si parfaits » (ingenios tan perfectos), capables d’une
véritable inventivité créative, tels que Huarte de San Juan les envisage26.
La condamnation de l’apocryphe apparaît en parfaite conformité avec le
jugement de Huarte, dont l’influence est notoire sur la pensée cervantine,
quand il oppose à ces esprits parfaits : « Les autres, ceux qui manquent
d’invention, la république ne devrait ni les autoriser à écrire des livres
ni à les imprimer car ils ne font que tourner en rond et redire les phrases
des auteurs sérieux, et les répéter en volant par ici et en prenant par là »27.
Le débat doit se poursuivre sur le terrain de l’écriture.

Enjeu esthétique : une écriture en jeux


Ainsi que l’affirme « l’ingénieux chevalier » en écho aux propos
liminaires et en hommage à ces « esprits parfaits » (ingenios perfec-
tos) : « Ce sont les grands esprits (grandes ingenios) qui disent les
bons mots et écrivent des plaisanteries [...]28» . Depuis la prescription
de l’ami imaginaire du prologue de 1605, on perçoit la primauté de
l’humour dans le récit. Dès les premiers épisodes, la veine comique
des héros, véhiculée par leurs origines dans le théâtre populaire, pro-
longée par le Carnaval, apparaît comme inhérente à la nature des deux
personnages principaux. La théâtralité du discours romanesque installe
une mise en abyme du rire qui ricoche sur les personnages-specta-
teurs pour atteindre et intégrer les lecteurs dans la scène donnée en

25. Don Quichotte, Prologue [1605], ibid., p.127.


26. HUARTE DE SAN JUAN, Examen de ingenios, [1575], Madrid, Cátedra, 1989.
27. Ibid, op. cit., p. 343-344.
28. Don Quichotte, ibid., p. 674 ; II, 3, p. 572.

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Isabelle Rouane Soupault

spectacle : « Qui, parmi les assistants, aurait pu ne pas rire au spectacle


de la folie du maître et de la naïveté du valet ? »29. Outre les person-
nages, la source essentielle de l’humour du récit réside dans le recours
au dialogue entre chevalier et écuyer, à ses quiproquos loufoques,
ses sous-entendus ambigus et ses décalages insolites, sans oublier les
situations scabreuses qui engendrent un plaisir partagé. C’est de ce
même plaisir dont rend compte l’éloge de la lecture publique de Juan
Palomeque, complété par une remarque tout aussi laudative de Mari-
tornes, pourtant peu autorisée en la matière :
Car au temps de la moisson, de nombreux moissonneurs se rassemblent ici pour
les fêtes, et il y en toujours quelques uns qui savent lire : l’un d’eux prend un de
ces livres en main et nous sommes plus de trente à l’écouter avec tant de plaisir
que nous ne nous faisons plus de cheveux blancs [...].
– C’est vrai, dit Maritornes, et ma foi moi aussi j’aime beaucoup entendre
toutes ces choses, elles sont si jolies... Je le dis, tout ça c’est du petit miel30.

Facéties de l’écriture et jeux d’architecture


La langue du Don Quichotte a été l’objet de nombreuses études qui
ont défini et analysé les effets comiques des figures de style31. Les in-
nombrables bons mots, détournements ou emprunts, simples déforma-
tions ou calembours élaborés, dérivations sémantiques ou résonances
phoniques32, tous ces procédés contribuent au plaisir du texte. L’ono-
mastique est particulièrement féconde en la matière33. On le sait, rien
n’y est anodin et les redondances lexicales ou les chaînes allitératives,
dès lors qu’elles se font insistantes, doivent être considérées comme
de véritables signaux34. J’ai choisi ici d’illustrer mon propos par deux
exemples de jeu : l’un de langage et l’autre de montage.

29. Ibid., p. 413 ; I, 30, p. 305 ; I, 30, p. 305.


30. Don Quichotte, traduction citée, p. 430 ; I, 32, p. 321.
31. Ángel ROSENBLAT, op. cit, et Léo SPITZER, « Perspectivismo lingüístico en
el Quijote », Lingüística e historia literaria, Madrid, Gredos, 1955, p. 161-225 ; José
Manuel MARTÍN MORÁN, « Tranca, retranca y trancazo. La doble intención en los
diálogos del Quijote », Autour de «Don Quichotte» de Miguel de Cervantès, P. Rabaté et
H. Tropé éds., Paris, Presses de la Sorbonne Nouvelle, 2015, p. 165-173.
32. Michel MONER, Cervantès conteur, op. cit., chap. 3, p.87-141.
33. Dominique REYRE et son Dictionnaire des noms des personnages du Don
Quichotte de Cervantès, Paris, Éds. Hispaniques, 1980.
34. Isabelle ROUANE SOUPAULT, « Hacia una poética del encubrimiento en al-
gunas aventuras de aposento en Don Quijote [1615] », Criticón, Toulouse, P.U.M.,
N°124, 2015, p. 101-112.

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Don Quichote : les enjeux du livre ou du livre en jeu(x)

Le séjour au palais ducal est placé sous le signe des bourles (burlas),
farces héritées des mascarades nées de l’imagination d’une noblesse
oisive. Elles apparaissent comme des fictions secondaires théâtralisées
et insérées dans la fiction initiale. La supposée requête de la comtesse
Trifaldi et son « escadron de duègnes » (dueñesco escuadrón)35 incitent
Sancho à répondre en imitant les exagérations de la duègne Dolori-
da. Il use et abuse du superlatif absolu offrant ainsi une parodie de la
fiction dans la fiction déjà parodique des organisateurs : « – Le Panza
est ici, et le don Quichotissime aussi, et donc vous pourrez, doulou-
reusissime duègnissime, dire ce que vous voudrissimerez, parce que
nous sommissimes tous prêtissimes et disposésissimes à êtrissime vos
serviteurissimes »36. Ce jeu dépasse la farce spectaculaire pour impo-
ser un Sancho décalé, doté d’ironie et d’esprit critique et capable de
s’approprier avec efficacité et d’imiter un style loin de sa nature. Le
narrateur note que tout cela faisait rire aux éclats le duc et la duchesse,
et avec eux, le lecteur. Or, le mécanisme qui engendre ce rire est à
double détente. L’évolution de Sancho annonce déjà le paradoxe de
l’épisode de Barataria et le constat du majordome surpris : « Chaque
jour on voit du nouveau dans le monde, les comédies deviennent vraies
et les trompeurs se retrouvent trompés »37.
Si l’on considère à présent l’espace de ces épisodes, on remarque une
homologie structurelle entre le château, cadre spatial de la séquence et
le recours à l’inclusion narrative. Comme l’auberge dans le Don Qui-
chotte de 1605, l’espace clos favorise l’insertion des récits seconds ou
interpolés. La clôture figure l’enchâssement que la narration se plaît à
démultiplier tels des cercles concentriques qui mettent en abyme les
différents niveaux du récit. Ainsi la rencontre avec doña Rodríguez38
constitue-t-elle une scène enchâssée au cœur des bourles ourdies par
Altisidora39, elles-mêmes insérées dans la vaste comédie imaginée
par leurs maîtres, macrostructure qui parodie des scènes des romans
de chevalerie40. L’inclusion s’y combine avec l’alternance des réclu-
sions. Sancho est dans le palais du gouverneur, ceint des murailles qui

35. II, 38.


36. Don Quichotte, ibid., p. 926 ; I, 38, p. 840.
37. Don Quichotte, ibid., p. 1003 ; II, 49, p. 919.
38. II, 48, p. 52-56.
39. II, 44-46, p. 49-70.
40. II, 30-57 et 69-70.

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Isabelle Rouane Soupault

entourent la ville. Dans le même temps, don Quichotte passe l’essentiel


de son temps dans sa chambre, au château ducal. Les deux héros se
retrouvent ainsi symétriquement isolés, dans une insularité métapho-
rique qui rend compte de leur solitude réciproque41. Ce jeu d’espaces
qui théâtralise la fiction figure l’isolement des subjectivités, chacune
aux prises avec son imaginaire. Les regards sur le monde sont autant
de points de vue qui peuvent être réversibles : ici, le lecteur devient
auteur et l’acteur devient spectateur. Le schéma inclusif qui préside à
l’élaboration des épisodes du château se projette par un effet d’ampli-
fication sur toute la structure de l’œuvre. La linéarité chronologique et
discursive qui suit le cheminement du héros n’est qu’un trompe l’œil.
L’ouvrage affiche une structure circulaire faite de cinq séquences sy-
métriques autour de l’épisode central du château : le village sans nom
de la Manche sert de cadre initial et final au récit, puis s’enchaînent
deux séries d’épisodes dynamiques marqués par des rencontres suc-
cessives qui encadrent la séquence statique auprès du duc et de la du-
chesse. Sous cette esthétique de la varietas affleure le fil conducteur de
la Seconde partie : l’interrogation sur les modalités de la fiction. Des
conversations avec Diego de Miranda à l’épisode des noces de Ca-
macho, de la Cueva de Montesinos aux marionnettes de Maître Pierre
et à la fausse Arcadie, c’est la poésie et la pastorale, la comédie et
l’épopée qui sont sans cesse questionnées.

Les masques de l’auteur ou le jeu des possibles


Par un habile jeu de déguisement, l’auteur superpose des masques
qui sont autant d’instances narratives au service d’un récit-gigogne. La
stratégie est traditionnelle et ce recours au topos de l’auteur fictif entre
dans l’intention parodique initiale des romans de chevalerie. S’il n’a
donc rien inventé, Cervantès nous entraîne pourtant au-delà du recours
formel sur le terrain du statut implicite de l’auteur tel que la narrato-
logie contemporaine l’a défini42. La critique a analysé les multiples

41. I. ROUANE SOUPAULT, « L’aventure en chambre : Don Quichotte et la duègne


Rodríguez, le personnage en question », Autour de «Don Quichotte» de Miguel de
Cervantès, P. Rabaté et H. Tropé éds., Paris, Presses de la Sorbonne Nouvelle, 2015,
p. 113-122.
42. Michel FOUCAULT, « Qu’est-ce qu’un auteur ? », Bulletin de la Société fran-
çaise de philosophie, n° 3, juillet-septembre 1969, p. 73-104.

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Don Quichote : les enjeux du livre ou du livre en jeu(x)

voix qui constituent les instances narratives du livre43, je ne rappelle-


rai donc que le schéma de base de cette polyphonie diégétique : le je
anonyme du début ou narrateur initial, le « second auteur »44 chargé de
poursuivre la narration à partir des textes récupérés, l’auteur nommé
Cid Hamet, entité fictive dit « premier auteur », son traducteur et com-
mentateur zélé occasionnel, la voix-cadre extradiégétique qui fait des
observations sur les autres instances ou supernarrador45. D’autres voix
s’immiscent comme l’auteur anonyme du Curioso impertinente et des
manuscrits de la valise oubliée à l’auberge. D’autres fois, lors de récits
rétrospectifs, la parole est déléguée à des personnages, tel le capitaine
captif46 qui devient ainsi l’un des narrateurs intradiégétiques. Ce bref
inventaire ne doit pas omettre don Quichotte et Sancho, eux-mêmes
auteurs et narrateurs des deux fictions qui vont traverser et structurer
toute la Segunda parte : le récit des profondeurs de la Cueva de Monte-
sinos pour l’un et l’invention de Ducinée enchantée pour l’autre.
Dans le Quichotte de 1615, la virtuosité de ce procédé est patente
dès le début du livre. L’instance auctoriale est l’objet d’un jeu de reflets
divergents :
– Est-ce que par hasard, l’auteur promet une seconde partie ?
– Oui, il la promet, mais il dit qu’il n’a pas trouvé celui qui la détient et qu’il
ignore qui c’est, c’est pourquoi nous ne savons pas si elle paraîtra ou pas [...].
– Et à quel avis se range l’auteur ?
– À celui-ci : s’il se trouve qu’il retrouve cette histoire qu’il recherche avec des
diligences extraordinaires, il la mettra aussitôt sous presse, poussé par le profit
qui suivra plus que par n’importe quel éloge.
Sancho dit alors :
– L’auteur pense à l’intérêt et au profit ? Ce sera un miracle s’il fait bien, parce
que tout ce qu’il fera, ce sera aller vite, aller vite, comme un tailleur à la veille
de Pâques, et ce qu’on fait en vitesse n’est jamais aussi accompli qu’il faudrait.
Que monsieur le Maure ou je ne sais pas qui, pense bien à ça, car moi et mon
maître nous allons lui mettre en main tant de farcissure en matière d’aventures
et d’événements variés, qu’il pourra composer non seulement une partie mais
cent. Le bonhomme doit croire qu’ici, en ce moment, nous dormons dans les
foins, mais non, qu’il vienne un peu nous tenir le pied quand on ferre et il verra
de quel côté on boîte47.

43. José María PAZ GAGO, Semiótica del Quijote, Amsterdam, Rodopi, 1995, cap.
3, p. 55-81.
44. I, 8.
45. Voir James A. PARR, « Del interés de los narradores del Quijote », Actas AIH,
1995, p. 102-107, p. 104 : http://cvc.cervantes.es/literatura/aih/pdf/12/aih_12_3_017.pdf
46. I, 39-41.
47. Don Quichotte, ibid., p. 678 ; II, 4, p. 576.

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Isabelle Rouane Soupault

Et voilà le brave Sancho capable de juger en expert de l’art d’écrire !


La proposition est novatrice : le personnage peut juger son auteur avec
ironie et redevenir vite conforme au modèle initial conçu par celui-ci
pour satisfaire l’attente du lecteur comme le montre l’usage embléma-
tique du proverbe final. Cette autodérision spéculaire a pour effet de
rendre lecteurs et personnages parfaitement autonomes. José Manuel
Martín Morán définit la nature métaparodique de ce nouveau pacte de
lecture dans le Quichotte de 1615, par la mise en place d’un système
énonciatif différent des précédents, dans lequel le traducteur intensifie
son rôle de correcteur imposant ainsi une mise à distance de plus en
plus systématique48. Ainsi, lors de l’arrivée des héros dans la demeure
de don Diego de Miranda :
Ici l’auteur peint tous les détails de la maison de don Diego, et donc ce que
contient la maison d’un gentilhomme campagnard et riche. Mais le traducteur
de cette histoire a cru bon de passer sous silence ces vétilles et d’autres sem-
blables, car elles sont peu pertinentes pour le sujet principal de l’histoire la-
quelle tire plus sa force le la vérité que des froides digressions49.

De même, le recours fréquent à des annotations attribuées à Cid


Hamet naît-il de la même intention : en soulignant sa condition mau-
resque – ses récurrentes invocations d’Allah ou l’évocation de ses bur-
nous –, on rend sa parole suspecte même si par un jeu de paradoxe, il
est qualifié avec dérision de « scrutateur très minutieux des moindres
atomes de cette véridique histoire »50. À travers lui, c’est bien la dia-
lectique du vrai et du faux qui est régulièrement convoquée. Le masque
est soulevé pour pointer la nature du récit et sa vraisemblance comme
dans l’incipit du chapitre dix : « Lorsqu’il en vient à conter ce qu’il
conte dans ce chapitre, l’auteur de cette grande histoire dit qu’il aurait
voulu le passer sous silence, par crainte de n’être pas cru »51, ou dans
celui de l’épisode de la grotte de Montesinos quand l’emboîtement des
instances se fait explicite : « Celui qui a traduit cette grande histoire sur
l’original de celle qu’a écrite son premier auteur, Cid Hamet Benen-
geli, dit que [...] »52. Cervantès amplifie le procédé jusqu’à l’absurde

48. José Manuel MARTÍN MORÁN, « Reunión de narradores, autor muerto. Los
tres sistemas enunciativos del Quijote », en Releyendo el Quijote cuatrocientos años
después, A. Redondo ed., Paris, Presses de la Sorbonne Nouvelle, 2005, p. 159-173.
49. Don Quichotte, ibid., p. 774 ; II, 18, p. 680.
50. Don Quichotte, ibid., p.1011 ; II, 50, 928.
51. Don Quichotte, ibid., p. 712 ; II, 10, 613.
52. Don Quichotte, ibid., p. 825 ; II, 24, p. 734.

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Don Quichote : les enjeux du livre ou du livre en jeu(x)

au début du chapitre 44, poussant le jeu dans ses extrémités : « On


dit qu’on lit dans l’original de cette histoire qu’au moment d’écrire ce
chapitre, l’interprète de Cid Hamet ne l’a pas traduit comme il avait été
écrit [...] »53. Et, pour achever l’édifice, les mots de la fin sont délégués
à une entité métaphorique, la plume, confondant ainsi l’auteur fictif
supposé et la voix prologale de l’auteur réel.
C’est bien un art nouveau d’écrire que Cervantès propose à travers ce
jeu du roman dont Jean-Raymond Fanlo écrit qu’il consiste « à confron-
ter une poétique raisonnable à la déraison ludique »54. Aux jeux de para-
doxes et de retournements s’ajoutent ceux de la contamination et de l’hy-
bridation : Sancho et don Quichotte sont réversibles, sagesse et folie se
confondent... L’esthétique baroque de ce récit aux multiples dédouble-
ments nous rappelle, comme l’écrit Jean Rousset, que « dans le monde
du trompe-l’œil, il faut le détour de la feinte pour atteindre la réalité »55.
Cervantès joue avec ces concepts : ingenio vs discreción et l’imaginaire
du lecteur est opposé à son discernement, dans une éternelle tension qui
fonde la création. Faut-il croire ou douter ? Les personnages, qui sont
aussi des lecteurs, ne semblent pas surpris de l’incarnation de leur héros
dans le réel, brouillant la limite entre fiction et réalité. La jeune fille de
la fausse Arcadie, habituée à jouer avec le monde fictif qu’elle réinvente,
est à peine déstabilisée par l’apparition de don Quichotte :
Vois ce seigneur qui est devant nous. Je t’apprendrai que c’est le plus vaillant,
le plus amoureux et le plus courtois qu’il y ait au monde, si une histoire de ses
exploits qu’on a imprimée et que j’ai lue ne nous ment et ne nous trompe pas56.

Ce scepticisme positif trouve une réponse dans la brève expression


souvent répétée par don Quichotte et parfois par Sancho : « Tout est
possible » (« Todo puede ser »). C’est sûrement aussi ce que pense le
lecteur perplexe face aux potentialités infinies du roman57. L’inquié-
tude du chevalier initiant sa troisième sortie acquiert alors une portée
programmatique :

53. Don Quichotte, ibid., p. 962 ; II, 44, p. 877.


54. FANLO, 2008, op. cit., introduction, p. 52.
55. Jean ROUSSET, La littérature de l’âge baroque en France, Paris, Corti, 1995, p. 54.
56. Don Quichotte, traduction citée p. 1071 ; II, 58, p. 992.
57. J.-R. FANLO, « Todo puede ser : le jeu des possibles dans le Quichotte », Philo-
sophie et esthétique dans le Don Quichotte de Cervantès, D. de Courcelles, éd., Paris,
École des Chartes, 2007, p. 25-33. Exemples : II, 8, p. 602 ; II, 11, p. 624 ; II, 17, p. 671 ;
II, 25, p. 749.

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Isabelle Rouane Soupault

C’est pourquoi j’ai peur que dans cette histoire de mes exploits qui, dit-on,
circule imprimée, l’auteur si par hasard c’est un mage qui me soit hostile, ait
mis une chose pour une autre, mélangé mille mensonges à une vérité, qu’il se
soit amusé à raconter d’autres événements que ceux que requiert la continuation
d’une histoire véridique58.

La polysémie du verbe divertir, qui dit à la fois détournement et


divertissement, résume bien l’écriture en jeux qui caractérise ce livre.
La quête de vérité s’y fait obsédante comme le prouve la saturation
sémantique de certains passages : dans les seuls huit premiers chapitres
de la Segunda Parte, on ne trouve pas moins de quarante-deux occur-
rences de « vérité/véritable » (verdad/verdadero).
Pour conclure, j’emprunterai à Jorge Semprun un oxymore éloquent
qui me paraît résumer l’ambigüité fondatrice du Quichotte et sa portée
métalittéraire et philosophique : « la réalité rêvée de l’écriture ». À
propos de son roman Le grand voyage et du récit autobiographique
de son transfert vers Buchenwald, Semprun dit : « J’ai inventé le gars
de Semur, j’ai inventé nos conversations : la réalité a souvent besoin
d’invention pour devenir vraie. C’est-à-dire vraisemblable. Pour em-
porter la conviction, l’émotion du lecteur »59. Ce lecteur doit rester
actif, ou coopératif comme dirait Umberto Eco60. C’est ce que suggère
également le traducteur de Cid Hamet au lecteur de Don Quichotte,
après le récit de l’aventure dans la grotte de Montesinos. C’est donc
à lui que revient le dernier mot : « Puisque tu as du discernement, toi
lecteur, juges-en comme il te semblera ; moi je ne dois ni ne peux rien
de plus »61.

58. Don Quichotte, ibid, p. 702 ; II, 8, p. 603.


59. Jorge SEMPRUN, L’écriture ou la vie, Paris, Gallimard, 1994, p. 337.
60. Umberto ECO, Lector in fabula ou le rôle du lecteur dans la coopération inter-
prétative des textes narratifs, Paris, Grasset, 1979.
61. Don Quijote, II, 24, p. 734 ; ibid., p. 826.

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