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Sainéan Lazare. Les éléments orientaux en roumain. In: Romania, tome 30 n°120, 1901. pp. 539-566;
doi : https://doi.org/10.3406/roma.1901.5222
https://www.persee.fr/doc/roma_0035-8029_1901_num_30_120_5222
EN ROUMAIN
grosso
cerne
les autres
la
modo
péninsule
similaires
le dénombrement
des
du Balkans;
grand de
slaviste,
mais
ces emprunts
cette
contient
publication,
pour
descematériaux
qui
comme
con¬
EMPRUNTS PRÉOSMANLIS
lecte
de base
nous
solide
a laissé
à cet des
ordre
matériaux
de recherches.
assez abondants
Ce fut assurément
pour servir
un
hasard heureux que la rédaction, en 1303, du vocabulaire manu¬
scrit comano-latin donné par Pétrarque à la bibliothèque Saint-
Marc
il y a de
uneVenise,
vingtaine
et dont
d'années
la première
3. édition scientifique a paru
Gröber
i. Voir
(Strasbourg,
l'article de1888),
M. Gaster
vol. I,dans
p. 406-414.
le Grundriss für romanische Philologie de
2. Miklosich, op. cit., Introduction (il s'agit de termes paléo-slaves comme
crïtogù « thalamus » et san « honor », en rapport avec les formes bul¬
gares modernes ¿ardak et san).
3. Codex cumanicus bibliothecae ad templum divi Marci Venetiarum, pri-
mum ex integro edidit Géza Kuun, prolegomenis, notis et compluribus glossa-
riis mstruxit ( Vocabularium cumanico-latinum, p. 247-307). Pest, 1880.
542 L. SAINÉ AN
Avant d'aborder l'étude de ce vocabulaire, également impor¬
tant
mots
Parties
pour
sur de
l'expansion
le leurs
lexique
steppes
géographique
et pour
près du
la fleuve
grammaire,
des Comans.
Kouma,disons
au nord
quelques
de la
Jaiyges
de diverses
et qu'on
localités.
retrouve en Hongrie (Jas%) comme appellation
Introduction.
I. Voir la liste de ces mots comano-turcs aux pages xvii-xvin de notre
2. Sur les éléments turcs en roumain , Bucarest, x 886, et Etymolog icum Magnum
Rumanix, i886-i&y6(A-Ba).
Romania , XXX. 2c
546 L. SAINÉAN
ment : d'abord à cause de la grande notoriété de l'auteur, puis,
dont
et surtout,
la portée
à cause
dépasse
des conséquences
l'ethnographiehistoriques
roumaine. qu'il en tire, et
1890
i. Radioff,
suiv., vol.
Versuch
I, p. eines
547. Wörterbuchs der Türk-Dialekte, Saint-Pétersbourg,
548 L. SAINÊAN
« Les Banatois ont dû hériter leur armig des Comans,
des Petchénègues ou même des Avares, car ils n'ont rien eu à
faire avec
recevoir deslesTurcs
Tatares
osmanlis.
proprement
» dits et ne pouvaient pas le
apporté
ont
n'est
paj,
Leformé
d'où
quepar
roumain
un
les
le les
persan
singulier
Roumains,
ne Petchénègues
possède
pajan
pajura.
par
pas
« l'intermédiaire
falco
un
»ou emprunt
les
milvus
Comans
» persan
(Vullers),
du sous
pluriel
quila ne
pajurï,
à forme
nous
soit
les
représenté
Comansenetosmanli.
les Petchénègues
Nous ne savons,
possédaient
et on ne
ce peut
terme;
savoir,
mais,si
même en laissant de côté cette incertitude, il est clair qu'une
forme comme pajan (cf. le synonyme archaïque zagan) ne
pouvait produire en roumain qu'une forme analogue, la der¬
nière syllabe étant accentuée et par conséquent inséparable. Une
forme hypothétique petchénègue ou comane paj est une asser¬
tion impossible à démontrer.
Une série spéciale de termes orientaux auxquels M. Hasdeu
s'efforce d'attribuer une origine très reculée, appartient à la
sphère pastorale; nous nous bornerons à en relever les mots baciü
LES ÉLÉMENTS ORIENTAUX EN ROUMAIN 549
« maître berger », et cioban « pâtre ». M. Hasdeu a toujours
considéré ces termes comme très anciens, et il les faisait autre¬
fois remonter aux origines mêmes de la langue, à l'époque dace,
avec deux autres mots de la même catégorie : dulaü « chien de
berger » et ortoman « opulent » (en parlant des pâtres). Plus
tard, revenant sur le caractère prétendu thrace de ces termes, il
se contente d'une provenance médiévale. Mais avant d'examiner
les nouvelles étymologies de M. Hasdeu, qu'il nous soit permis
d'établir la chronologie des mots baciü et cioban.
La terminologie pastorale roumaine est formée de différentes
couches linguistiques, entre lesquelles on peut discerner les
séries chronologiques suivantes :
a) latine : vitä, boü ( berbece , taur), vacà (yitel ), oaie (miel),
pâsune,
caprà
F) roumaine
( iedlapte,
), calcas,
(armäsar),
(obscure)
chiag , unt,
: iapâ
brân%à,
%er,
{mini),
staul ;turmä,
urdà, strungà,pästor
traistà
, ,pleur
mocan,
ar,
cârlan, jintitâ ;
c) slave : bivol, buhaiü, tap, cireadä, stand, tîrlà, i%laz,
suhat ;
d) magyare : berbintä, duläü (düllö = pers. tule; cf.
copoiü, ogar), imas (*nimas : nyomás) et salas « l'abri des
pâtres des Carpathes » ;
e) turque : caimac, iaurt , cascaval ; cdslä, odaie (de vite),
otac,perdea (de oí), saia ; ciair, herghelie, tamaMc ; ortoman 1, sai-
son
question,
d'aspect.
antériorité
Enenvisagée
soutenant
au contact
au l'origine
point
des de
Turcs
exclusivement
vue Osmanlis,
ethnographique,
tatare
M. Hasdeu
du change
mot se
et
trouve forcé, d'un côté, d'en faire don, non seulement au serbe
et au bulgare, mais à l'osmanli lui-même; d'un autre côté, il
LES ÉLÉMENTS ORIENTAUX EN ROUMAIN 55 I
élève une barrière entre ce terme turc et les termes de la
même catégorie; enfin, par cet isolement, il accorde à ce mot
un relief historique qu'il ne possède nullement.
J'ai dit plus haut que le mot cioban manque presque totale¬
les
ment limites
dans les
de anciens
sa circulation
monuments
actuelle
de la sont
langue.
extrêmement
J'ajoute ici res¬
que
treintes. Les Roumains de la Transylvanie et du Banat n'ont
comme
pas ce mot
les Roumains
et le remplacent
de l'Istriepar
et de
l'équivalent
la Macédoine.
latinDonc,
pëcurar,
en
réalité, non seulement pästor, qui existe presque partout, mais
son synonym e pëcurar, jouissent d'une extension plus grande que
le mot cioban (usité d'ailleurs par les Macédo-Roumains à côté
de picuraru) .
Nous concluons donc que le mot cioban, inconnu à l'ancienne
littérature religieuse et étranger aux Roumains de la Transylva-
vanie et du Banat, réunit les conditions historiques d'une déri¬
vation directe de l'osmanli; il n'est d'ailleurs qu'un fragment
de la série des nombreux termes pastoraux empruntés au turc
par le roumain.
Nous arrivons maintenant au mot baciü, dont l'étymologie
orientale est ainsi établie par M. Hasdeu ( ibid .) : « Dans tous
les dialectes turco-tatares, le radical bak signifie regarder,
surveiller; d'où, par le suffixe -tchi, baktchi, surveillant.
Chez les Roumains, ce mot a acquis la forme baciü dans le sens
restreint de « surveillant de la bergerie », forme et sens avec
lesquels il a passé, sous un cachet purement roumain, aux Slaves
et aux Hongrois. etAudesxe Macédo-Roumains,
Daco-Roumains siècle, quand eut lieu
le la
sens
séparation
strictement
des
II
EMPRUNTS TATARS
lesDans
mots suivants,
la secondeusités
catégorie
en Moldavie
des emprunts
exclusivement
tatars se
: rangent
en arcan
russe, etlacs
en =
ruthène
arkan,
; lacet; le mot se trouve en polonais,
ni
EMPRUNTS OSMANLIS
kaniques
le
prunts
tout
peut
gnol
emprunté
fait
supériorité
orientale
desvocabulaire
nous
Dans
Ce
est
mots
encore
àfrappe
d'un
fut
qu'ils
d'ailleurs
l'influence
le—àsur
qu'un
même
roumains
nombre
de
laserbe,
être
chez
ont
son
civilisation
turc
fameuse
nombre
très
faits
rapport
précisé,
les
lexique.
byzantine,
sont
bulgare
considérable
compréhensible,
d'origine
Mores
à bataille
l'osmanli.
aussi
extrêmement
des
ethnique
sont
etd'Espagne,
deux
arares
albanais
turque.
peu
compensé
dedeLe
peuples
semots
que
Kossovo,
degrec
si
trouvent
—
minime
chose
Le
sont
qui
l'on
arabes,
quelque
dont
moderne,
orientaux.
même
ont
tient
nombreux
enen
les
de
les
13S9,
enrichi
'et
compte
vocables.
idiomes
comparaison
peu
phénomène
traces
ne que
grâce
l'action
les
lui
l'espa¬
de
dans
sur¬
bal¬
em¬
ont
Le
les
la
LES ÉLÉMENTS ORIENTAUX EN ROUMAIN 557
Turcs Osmanlis entrèrent en contact effectif avec les peuples
balkaniques, Serbes, Bulgares, Albanais et Valaques. Cinq
années après, le prince valaque Mircea eut une rencontre san¬
glante avec Bajazet Ier à Rovine (1394), et un siècle plus tard, à
Rahova (1474), le prince moldave Etienne le Grand se mesura
pour la première fois avec Mahomet II, conquérant de Con¬
stantinople.
suivis de relations
Ces premiers
courtoises,
rapports
et des
hostiles
traités
furent
confirmant
immédiatement
ces rela¬
tions garantissaient, en échange d'une somme annuelle, offerte
à titre d'hommage (convertie plus tard en tribut obligatoire),
l'intégrité du sol, le libre exercice du culte national, et la con¬
servation intacte des us, coutumes et traditions indigènes. Cet
état de choses dura jusqu'au commencement du xviii6 siècle, où,
avec l'avènement des Phanariotes, l'influence turque, jusque là
très restreinte, devint tout à fait prépondérante. L'imitation ser¬
vile de la vie politique, sociale et privée des Ottomans fut
poussée à ses dernières limites; la cour du bey se transforma en
pastiche ridicule du sérail du sultan, et les façons de vivre orien¬
tales dans l'habitation, l'alimentation, le costume, furent adop¬
tées sans réserve par la classe noble. Le gros du peuple se
montra réfractaire à cette mode ; cependant, comme elle
se prolongea plus d'un siècle et demi, elle déteignit fatale¬
ment sur les classes inférieures, et ne disparut pas sans y laisser
quelques
dans certains
traces.
détails
Le paysan
de sa roumain
vie matérielle,
a gardé jusqu'à
surtout 110s
dansjours,
son
costume, des vestiges de ce qui faisait autrefois l'orgueil des
hautes
Mais classes
sur le de
vocabulaire
la société phanariote.
roumain et sur celui des idiomes
balkaniques, l'influence osmanlie eut un caractère autrement
sérieux et persistant. Son infiltration dura plus de trois siècles,
et s'effectua par le contact direct entre les deux peuples. On peut
diviser
mière aliant
ce long
duintervalle
xve au enxvne
deux
siècle,
périodes
la seconde
successives,
datant
la pre¬
de
l'époque phanariote. Ces deux périodes, représentant deux séries
d'emprunts turcs, se distinguent l'une de l'autre tant par l'usage
plus ou moins répandu de leurs vocables que par leur caractère
provisoire ou persistant.
En effet, presque tous les emprunts de la dernière période,
d'ordre politique et social, sont entrés dans le domaine de
55 8 L- s AÎNÉ AN
l'histoire, après la disparition des princes phanariotes et
la diminution de l'influence directe des Turcs qui en fut la con¬
étant
séquence.
de date
Le petit
récente,
contingent
et se rapportant
qui surnagea
à undans
ordrece de
naufrage,
choses
déjà passé, prit une teinte d'ironie populaire, et tomba dans le
domaine comique. Cette curieuse destinée des emprunts turcs
phanariotes
récent,
un
ou avec
réel lequel,
ceux
contraste
fut
qui
parégalement
sont
son
avecantérieurs
cachet
les le
emprunts
transitoire
partage
au xvnefaits
de
etsiècle.
superficiel,
l'élément
au grec byzantin,
néo-grec
présente
i . Considérations phonétiques.
tiennent
schrift
-2.l. Neue
Les
fürun
glossaires
romanische
Belege
grand%unombre.
annexés
den
Philologie
türkischen
auxdecollections
1893
Lehnwörtern
à 1895.
de Dozon
im Rumänischen,
et de Passow
dans en
la Zeit¬
con¬
LES ÉLÉMENTS ORIENTAUX EN ROUMAIN 559
parmi ces emprunts des mots d'origine autre que turque, mais
encore, ce qui est plus grave, qu'il confond sans cesse la
langue littéraire ottomane avec sa forme vulgaire, l'osmanli
et attribue en con séquence au roumain une série de phone -
tismes propres
idiomes des Balkans.
à l'osmanli,
Tels sontet: transmis par lui-même aux
L'alternance entre b et p, le premier figurant dans la pro¬
nonciation du turc littéraire (l'arabe ne possédant pas le son p),
et le second dans la langue vulgaire; de là des variantes
turques comme paklava et pazar, qui ont passé simplement,
en roumain et ailleurs, à côté des formes plus savantes baklava
et bazar ;
L'alternance entre d et t, le dernier propre à l'osmanli
comme au turc oriental (et au coman): tarak et tellal en
rapport avec les formes plus savantes darak et déliai; de là
des doublets phonétiques en roumain : tarac et darac;catifea et
cadifè (cette dernière forme est archaïque), etc. C'est générale¬
ment la forme vulgaire qui est restée dans la langue : testea
(pers. destè, osm. teste), testemel (pers. destimal, osm. tes-
timel ), etc. ;
L'alternance entre le k et l 'h (cf. les mots osmanlis kavaf et
h ar buz en rapport avec l'arabe khaffaf et le persan karpouz )
produit des doublets phonétiques tels que : casap et hasap
(ngr. xa<rá7rrjç et '/aià-ç), cârmî et hirmî cherestea et herestea
(cf. ngr. xaÇâvi et aÇàv.);
Enfin, l'alternance entre m et b initial (les mots turcs orien¬
taux commençant par m remplacent généralement ce son, en
osmanli, par un b) fait que la forme persane musulman sonne
en osmanli bousourman; de même que les formes littéraires
arabes mabeïn et mubachir aboutissent, dans le parler vul-
plète
restées
influence.
réduit
cription
ment
dans
pari.conséquent
les
abstraction
Iladmise.
aégalement
va
l'uniformité
des
mots
Nous
-sans
caractères
Nous
arabes
dire
pour
nous
des
étrangères
avons
que,
les
et
en
subtilités
turcs
persans,
finesses
tiendrons
emprunts
dans
cependant
enàles
caractères
l'osmanli
phonétiques
etcomme
remarques
aux
les
faits
omis
aspérités
sons
àétant
et
français
d'indiquer
cet primitifs,
aux
qui
idiome.
desans
del'alphabet
suivront,
idiomes
la
est
valeur
langue
la
du
celle
quantité
turc
pour
qui
nous
qui
arabe,
arabe.
vulgaire,
ont
est
l'osmanli,
des
ferons
La
générale-
subi
subtilités
voyelles
trans¬
cotrim
quison
eta
560 L. SAINÉAN
gaire, à babeïn et boubachyr; de là des variantes rou¬
maines
basir (à archaïques
côté de mumbasir
: babein) (dans
et busurman,
les chroniques
nom donné
: mabeiti),
aux Turcs
bum-
par les anciens chroniqueurs roumains.
Ensuite, des formes purement osmanlies, des emprunts arabes
ou persans, comme kavguir, tarab-hané et %ar%avat (pers. ki ar¬
güir et sebzevat; ar. dharbkhanè), ont donné en rou¬
main gherghir, tarapana et %ar%avat; ce sont des transpositions
normales qui n'ont rien à faire avec les formes savantes des
mots correspondants.
En tenant compte de ces réserves indispensables, la phoné¬
tique des emprunts turcs se réduit aux remarques suivantes :
Les voyelles turques eu, u et y deviennent en roumain io,
iü et î (ce dernier son guttural existe aussi en bulgare, en
albanais et en ruthène) : keustek, gulè et kalabalyk
sont rendus par chiostec, ghiulea et calabalîc; en osmanli même,
eu sonne parfois comme io : kior et karaguioz, pronon¬
ciations vulgaires dekeur et karagueuz.
Un br ou d final est rendu par p (comme d'ailleurs en
osmanli, où ces lettres ont une valeur purement graphique) :
arap etetkanad;
arab canat, en rapport
un b médial
avec subit
l'orthographe
la même littéraire
réductionturque
: tel-
piet tiptil, comparés à telbiz et tebtil (ar. tebdil).
Si, dans quelques mots, un í initial tend, en roumain,
à évoluer en c'est un phénomène tout moderne : galbana,
zaraf et %pf sont sortis des formes archaïques salhana, saraf
et sof (tout comme en turc zurna remonte à surna, ou en
ngr. Çcr/a pi à váyotpi) ; la même évolution est subie par un j-
final : atla% et tala% sont sortis de atlas et talas (le mot turc
tala dérivant de 6áXacr<7a).
L'alternance de k et g, de tch et dj est surtout propre au rou¬
main :gârbaciu, gavanos (osm. kyrbatch, kavanos), et inver¬
sement baltag et ciomag (osm. baltak, tchomak); ensuite
cance et cange, cercevea et gergevea.
Un m final devient ordinairement n : bàcan, taman (osm.
bakam, tamam); les mots näframä (archaïque mahramâ;
valaque moderne marama) et nâstrapa (seule forme survi¬
vante) ont subi la même réduction, et répondent aux mots
turcs mahrama, mach rapa (le dernier avec l'insertion d'un
t en roumain pour faciliter le groupe sr).
LES ÉLÉMENTS ORIENTAUX EN ROUMAIN 5 61
Un ch ou un tch turc.se conserve généralement en roumain;
cependant on rencontre, en Moldavie surtout, quelques mots
ou le tch figure à la place du ch final : cerviciü, à côté de cervis;
dîrviciu , à côté de dervis, et probablement baciii, à côté de (cw-
ban) bas. Une alternance semblable entre la sibilante et sa pala¬
tale ne doit pas être complètement étrangère à l'osmanli (cf.
tcharchaf et tchartchaf).
Le cas spécial où ch et tch se trouvent rendus par s ou ts
indique nécessairement un intermédiaire néo-grec, le grec, de
tous les idiomes balkaniques, étant seul dépourvu des sons en
question ; ainsi s'expliquent des formes comme masala, saltea ,
sefterea (¡¿saaa?, asXxsç, aatepeç), en rapport avec celles du
turc, m ac hala, chilté, chahterè; ou bien une forme comme
toi (ngr. tÇqùXi), comparé au turc tchoul (le composé tchol-
tar sonne en roumain cioltar, emprunt direct).
s'efforcent
Les langues
d'éviter
orientales,
la double
particulièrement
consonne initiale
l'arabe
en etla lefaisant
turc,
précéder d'un i (cf. en arabe Iflatoun pour nxá-rwv, et en turc
Iflak pourVlah); le roumain, n'étant pas réfractaire à un
groupe semblable, rejette cet i euphonique : schele , schingiü,
Stambul, sont ainsi abrégés de iskele, iskendjè, Istambol.
A ces remarques nous ajouterons les suivantes, d'un caractère
moins général :
La prothèse d'un a se trouve dans achindie, à côté de la forme
plus répandue chindie (cf. cependant le turc ikindi); celle d'un
j dans les mots sbenghiü (à côté du normal benghiu) et scrum
(turc kouroum).
L'épenthèse d'un b : dambla (en moldave damla ) ; d'un d : bi%-
dadè (forme populaire à côté de beilade)-, d'un n : amande (osm.
amadè); d'un r : arsa, arsic (osm. hacha, achyk).
Un i(ou d) parasite figure à la fin des mots archaïques maibent
(à côté de la forme plus savante mabein ), saivant (aujourd'hui,
en moldave, saivan), sahmarand (pers. chah me ran).
L'élision d'un r dans berbe(r)lic , murda(r)lic et serda(f)lic ,
et surtout de la syllabe atone : initiale, dans caba%, chindie , laie ,
leafà, satara , formes abrégées dehokkabaz, ikindi, ala y,
ulefè, musaderè; — inédiale, dans bulubas et suman (des
formes archaïques bulucbasâ et sucman ); — finale, dans iade$,
mes, patlagea qui répondent aux formes turques vulgaires
yades(t),
Romania, XXXmes(t), patlydjan. iß
562 L. SAINÊAN
Une métathèse a eu lieu dans micsunea (osm. menekchè),
tandis que les formes métathétiques chitie, siminechie subsistent
à côté des formes d'un usage plus général : tichie, sinamechie.
Une amplification finale a eu lieu dans quelques mots bisyl-
labiques, qui sont surtout des noms de parenté, par le suffixe
intensif cà (analogue aux diminutifs caressants comme
taicà, maicà, bunicà, etc.) : c'est le cas des mots babaca, duducà ,
meneacâ (cf. iacà, grand'mère = ngr. yiaytâ-j-ca), des formes
primitives baba, doudou, ninè; puis, par analogie, inicercà,
arme turque, de inicer, forme archaïque, pour ienicer , janis¬
saire, etc.
Une amplification d'autre nature est destinée à donner au
mot turc une forme plus foncièrement roumaine; ainsi, à l'aide
du suffixe -ie, on obtient les formes chirie (primitivement chira),
et magazje (à côté du moldave magaña)-, ou bien on ajoute
la voyelle a, qui, alors, change le genre, comme dans les
formes valaques bardacä, cäläuä et caraulà, à côté des formes
usitées en Moldavie bardac, calau, caraul.
Un petit nombre de ces emprunts ont subi la modification
dialectale des consonnes labiales : bidiviü, populaire ghidigiü ;
cilibiü, pop. cilibghiü; cirivis, pop. cirighis; filen, pop. (hyierï,
etc.
2. L'accent.
yádest,
Dans lesetc.mots finissant par une diphtongue dont le second
élément est un i final, l'accent tombe sur la première des deux
voyelles : aláy, béy, boy, etc.
La plupart des emprunts turcs en roumain gardent l'accent
sur la dernière syllabe. Les déviations de cette norme, lors¬
qu'elles
de différencier
n'existent
le sens
pas en
desosmanli,
mots (agà
sontet motivées
dgâ, bulgúr
: paretle bùlgàr,
besoin
mascará et mâscàra); ou bien parce que l'accent moderne diffère
de l'ancien, qui est toujours oxytonique (cf. cäslä et câslà, iâmâ
et iamà, iúres et iurús, ledfà et lefed, etc.); ou par suite d'une
influence analogique : bimbasâ , à côté du régulier bímba.¡a ; ou
enfin le mot prend l'accent sur la dernière ou l'avant-dernière
syllabe,
et ciôrbà,selon
dusmân
les localités
et dúsman,
: barém
haidém
et bàrem
et hdidem,
, bascà
sipét
et et
bâsca
sipet,
, ciorbâ
tavd
et tâvà, etc. \
L'obscurcissement des voyelles atones n'est pas rigoureux
dans les emprunts osmanlis. Le dialecte valaque garde souvent
tions
turcs
i. sont
:On
dripä
rencontre
particulières
et aripä,aussi
vúlíuret
à lacette
Moldavie,
vullùr
double, d'autres
etc.
accentuation
— Quelques-unes
à la Valachie.
en dehorsdedes
ces accentua¬
emprunts
LES ÉLÉMENTS ORIENTAUX EN ROUMAIN 565
les voyelles claires ; celui de la Moldavie, comme la langue
archaïque, tend au contraire à leur affaiblissement : bàcàn et
bacàl, bidineâ
dàlâc, macât et(=
màcât,
*bâdànâ
mahalà
) et badana
et màhàlâ,
, caftan
etc.et Cette
caftán,réduction
dalâc et
vocalique est observée avec plus de suite par le macédo-
roumain : mâràçe (daco-roum. mara%), pâ%àre (daco-roum.
ptx%ar), xàtnâne (daco-roum. %aman), etc.
Le problème de l'accent en osmanli est très important, sur¬
tout en ce qui concerne les rapports de cette langue avec les
idiomes balkaniques et particulièrement avec le roumain;
malheureusement, il n'existe pas encore d'étude complète sur
cette question
Ce qui étonne tout d'abord, c'est la différence d'accentuation
qu'on remarque entre le magyar, le finnois et le turc, trois
idiomes dans lesquels la syllabe radicale constitue également
l'élément stable, tandis que les flexions grammaticales sont
autant de syllabes additionnelles. Il paraît qu'au début le turc
accentuait aussi la première syllabe, — quelques proparoxytons
comme bâmia , tàkia , le prouvent, — et que l'accent s'est
avancé graduellement sur les suffixes jusqu'à ce qu'il fût fixé
sur la dernière syllabe. Les faits suivants, qui contredisent l'oxy-
tonie caractéristique de l'osmanli, semblent des vestiges de
cette ancienne prononciation. Ainsi, l'accent primitif reste :
Dans les formes dérivées háyde, sánki, tabándja, etc.;
Dans les mots d'origine étrangère : eféndi, hátman,
iskéle, koundoúra, touloúmba, etc. ;
Dans les néologismes : bandiéra, kazéta, lokánda, etc.
Une circonstance qui vient encore appuyer les exemples déjà
donnés, c'est qu'un nombre assez considérable d'emprunts turcs,
en roumain n'observe pas l'oxytonie quasi-générale. Pour
mettre plus en relief ces exceptions, nous en rapprocherons les
formes correspondantes du néo-grec, la seule langue balka¬
nique qui marque l'accent d'une manière graphique :
a) trisyllabes : dulâmâ-àolamà (ngr. vTouXaj/aç), ghiôtura-
keuturè '(cf. xoutcupoù), marâmà-mahramá (¡xocy.pa|jt.aç), tin-
gire-tendj er è (xsvt Çzpeç à côté de TevTÇépi).
intéresse
1893),
i. Celle
estici.
toutde à Bonelli,
fait insuffisante
Del movimento
sous le delV
rapport
accento
du lexique,
nel turco-osmanli
le seul qui
(Roma,
nous
566 L. SAINÉ AN
b) bisyllabes : rá//a-kalfá et xàçaç), chilâ-kWè.
(xtXéç), fotâ-ioli (<pouiaç), /wtzVwztá-payantá (îcayiaviaç), täftä-
taftá (xaç-aç), tám-tavá (-caßa<;), etc.
En osmanli, les syllabes d'un mot ne forment pas un tout
indissoluble, comme en français par exemple : chacune de ces
syllabesavec
nonce maintient
un accent
quelque
secondaire.
peu sonCette
individualité,
fluidité de l'accentua¬
et se pro¬
tion osmanlie explique, jusqu'à un certain point, les dévia¬
tions roumaines (et balkaniques) de l'oxytonie générale des
emprunts turcs.
Lazare Sainé an.
(A suivre. )