La 'diphtongaison .desvoyelles
fermees du latin~
,
principalement
..
.dansIodomaine g~,llo~roma~,.\
et 'la palatalisation' de u,'
_', .' .~ 't. '
EXTRAIT, DE
ROMANIGA· GANDENSIA <t. I) .
Gand
,1953
La diphtongaison des voyelles Iermees
du latin, principalement dans le domaine
gallo-roman, et la palatalisation de Ü 1
1 Certains aspects des problemes ici etudies l'ont ete une premiere fois dans notre
cours de grammaire historique du frsn9ais fait 8 nos etudiants de la licence pendant 11'8
anneee aeademiquee 1947.48 et 1950·51.
24 GUY DE POERCK
1 Nous n'oublions bien entendu pas lea Sermenl8 de Stra800urg : la place exa.cte qui
leur revient dans revolution du phonetisme et du graphisme fran9ais ne nons parait
pas avoir eM bien comprise. Nons nons expliquerons assez longuement a ce propos
plus bas,
DIPHTONGAISON ET PALATALISATION 25
1 Cette importance du point de vue auquel on se place, nous l'avons soullgnee dans
une communication au XIX. Congres des Philologues flamands, intitu!t\e La diphton-
gaÜJon de ~ eI de ~ en ancien jra~au eI la palatalÜJation de ü, reprise in-extenso dans lea
Handelingen van llet XIXe Vlaamae Philologencongru, Bruxelles, 1951, pp. 141-47 :
voir plus spöcialement pp. 141 et 142.
I Paris, 1890. Nos citations de Oregolre de Tours renvoient A l'tldition Br. Krusch,
.1IM. G. HH., SS. rer, meroo., t. I, I, principalement A l'hÜJt. Fr.
a Die Latinitäl Fredeqars, dans Romanuche ForBchungen, t_ X, 1899, pp_ 835-932.
Nos citations renvoient A l'edition Br. Krusch, M.lf. G. HH., SS. rer. Merov., t. n, chron.
, Le latin du jormulu merovingiennea et carolingiennu, dans Romanuclle For.
8chungen, t. XXVI, 1909, pp. 837-944. Nos citations de formulaires renvoient A l'edition
K. Zeumer, MM. G. HH., LL. 8ec/io V, Formulae. -
, De /ormulartlm Andecaven8ium latinitate dÜJputatio, these Amsterdam, 1906.
• La langue du jormulu de Sena, these Paris, 1910.
7 Bruxellcs, 1901.
• Le latin du diplömu royaua: et chartu privt!eB del'epoque merovingienne, Paris, 1927.
26 GUY DE POERCK
1 The language of the eight-century texl8 in northern France, New York, 1932.
I Zur Lautlehre der Griechischen, Lateinischen und Romani8chen Lehnworle im All-
engliBchen, dans Quellen und For8chungen zur Sprach- und Culturgeschichle der Germa-
nischen Völker, tome LXIV, 1888.
a Nous n'avons pu consulter le livre classique de J. LOTH, LeB mol8 latins dans lea
langues Iwittoniques, Paris, 1892. Ce que noUB disons de ces emprunts vient de K.
LEWIS· H. PEDERSEN, A concise Celtic grammar, Göttingen, 1937.
& Einführung, 19203, § 116.
DIPHTONOAISON ET PALATALISATION 27
1 Aucun des points de vue que nous nous proposons de developper dans ce chapltro
ne paralt avoir retenu l'attention de H. F. MÜLLER, A Chronology 0/ Vulgar Latin,
Halle, 1929, et L'Epoque merovingienne, Essai de BynthMe de philologie et d'hiatoire,
New York, 1945. M. CORTI, Studi. BUlla lalinild merovingia in tesei agiografici minon,
Messine.Milan, 8. d. (1939), n'aborde pa.s le problerne des graphies.
S Un son , interrnediaire • entre ~ et i, entre ö et 11,n'aurait phonologiquement pas
de sens. Que! que soit son degre d'aperture reel, ce qui importe, c'est la place que les
sujets parlants lui accordent dans leur systöme vocalique : variete de e, 0, ou variotö
de i, u.
28 GUY DE POERCK
***
,
a) i pour e.
FICI410,15, CIDO 5" s, 10, refletent A n'en pas douter la.
RETENIRE 4lt,
realitö phonetique : la metaphonie, I'analogie, I'action de C initia.l sont
respectivement responsables du passage de ~ A i (il) 1 dans ces trois mots.
Slijper, pp. 35·38, donne de nombreux exemples de ohaque cas : FICI
19", FICIT 23'; v. encore plus bas ACCIPI, ACCIPIT, ACCIPlMUS, ACCIPE-
RIT, PRECIPIMUS, SUSCIPI; - ADEMPLlRE 2311; CONPLITI 1711, CONPLI-
VERO 1817; TENIRE 7lZ, 15", 1636, 2318,11,11, 2531, CONTENITUR 181&; -
CONCIDERE 1731, 2028, 2411, DISCIDAS IP', SUCCIDENT 18u; ACCIPI 616,
780, 1033, 13', 1921, 201, 2530, ACCIPIT 1916, 243,1,1, ACCIPIMUS 1227, ACCI-
PERlT 2330, PRECIPIMUS Ill, SUSCIPI 2P'; COGNUSCIBANT 158; CINSO
711 (aj. avec Pirson, pp. 849·50 : citeri, -a, mercidis corrigö de mercedis, etc.,
dulcidine, exercimus). Enfin on sait qu'en grec 1) se ferme en i des le
ve siecle : ainsi peut s'expliquer MONASTIRIO etc. 2011,38 (mais MONA-
STERIO 208', et aj. MISTERIO 2U).
par -i. Pour l'hist. Fr., Bonnet, p. 107, cite trois exemples de
derives de FICI, deux de derives d'nrr, un de derive de SIDI;
pour les chron., Haag, § 11, donne davantage d'exemples : il
s'agit ici de derives de FICI, de SIDI, de INVINI, de POSSIDI et
de DELIVI (abstraction faite des cas oü e est precede d'une
mouillure) ; me me apport de la part des inscriptions, v. Pirson,
pp. 2-4 ; dans les diplömes et chartes (v. Vielliard, p. 9, pour les
exemples), le type FICIT regne quasiment sans partage dans la
formule : « quod fecit mensis ... regni ), o. c., p. 5 et n. 7 ; les
quelques exceptions proviennent toutes de chartes privees ; aj.
avec Pei, p. 20, OBVINIT(794), VINIT (812), et v. aussi o. c., p. 21.
La graphie -IRE pour -ERE de l'infinitif se rencontre dans
presque tous nos textes; compte tenu des verbes qui n'ont pas
survecu en gallo-roman, et pour lesquels, par consequent, le con-
tröle est impossible, il s'agit presque toujours de verbes qui ont
reellement change de conjugaison : Bonnet, p. 107, releve RE-
CENSIRE, SILIRE, Il\IMINIRE, puis RETENIRE, ADIMPLIRE, Haag,
§ 11, SUSTENIRE,Pirson, inser., p. 3, CONFETIRI,Vielliard, p. 9,
HABIRE, POSSEDIRE, COl\Il\IANIRE,INDULGIRE, RECENSIRE, puis
ADIMPLIRE,PERTENIRE, Pei, p. 22, COMMANIRE,HABIRE, ADRA-
BIRE (les deux derniers en 775); ces derniers exemples sont
fournis presque exclusivement par les diplömes. Il n'est pas
impossible que certains verbes, comme RABIRE, POSSEDIRE et
COMMANIREaient hesite un moment entre la lIe et la IVe con-
jugaison latine.
Quant a la substitution de i it e ton.libre derriere c, g, i, elle est
aussi tres frequente ; les continuateurs gallo-romans des mots oü
elle se manifeste nous obligent a voir derriere cette substitution
une realite phonetique : e se confond ici avec i du la tin classique.
L'exemple type, tres frequent, est MERCIDE= mercedem, fr.
merci, v. Bonnet, pp. 107-8 (aj. PRIMICIRIUS, hiet. Fr., 1006),
Haag, § 11, 3 (aj. PRECIDENS, p. 843), Pirson, inscr., pp. 2-3
(nombreux exemples, le seul date avec precision, 601, est EGINIS ;
RECISSIT est de 347, mais la fermeture peut etre due au -i de
*recissi), Vielliard, pp. 6-7 (aj. Noorro = Nuceto, et CINSO, et
les nombreux exemples de NL en -censis, -gensis), Pei, pp. 20-21,
MERCIDE, PRECIPIMUS,CAMLIACINSE,MADRIACINSE(mais MER-
CEDIS, 716, BONISIACENSE,vers 700, MASILIENSIS,777, BELLoA-
CENSE, 751, ACCEPERUNT,759).
Mais c'est surtout MERCIDEet SARRACINUSqui sont frequents,
fr. merei, Sarrazin : le second de ces deux mots a ete relevö
30 GUY DE POERCK
30 fois dans Yhiet. Fr. et les chron., contre une fois seulement la
forme classique; pour le premier, voir surtout les ex em ples de
Pirson, form., et Vielliard. Certains mss. vont bien entendu plus
loin que d'autres dans la voie de l'innovation graphique : ainsi
les mss. B3 (VIle 8.) et B4 (VIlle s.) de l'hist. Fr., en regard
de BI (VIle s.), B2 (VIne s.) et B5 (VIle s.) ; le Parisinus (VIIe-
VIlle s.) des chron. semble plutöt conservateur cet egard. a
Si nous nous demandons main tenant quelle est la qualitö .
de l'i de MERCIDE,SARRACINUS,no us sommes conduits a la con-
clusion que la graphie recouvre ici un i identique au i du latin
olassique, ou tout au moins en voie de s'identifier avec lui : les
continuateurs francals ne laissent aueun doute a ce sujet,
v. Schwan-Behrens, § 39, I, b.
Il n'y a rien a conclure, semble-t-il, des mots d'emprunt dont
le e remonte a
1) du grec, car on sait que cette voyelle a eM
assimilee tantöt a <l, tantöt a e, tantöt enfln a i, selon la date
de l'emprunt, Schwan-Behrens, § 29, I ; le i generalise dans les
graphies de I'epoque merovingienne : ECCLISIA,MONASTIRIUM,
lfISTIRIUM,DIOCISßI, etc., v. Bonnet, p. 106 et n. 3, Haag, § 11,3,
Pirson, form., p. 849, Vielliard, p. 8 (et nn. 2 a 4), et Pirson,
inser., pp. 3, 4, s'expliquerait aussi en partant de e dans le dernier
exemple, et de <l dans les autres, oü la derniere syllabe contient
un yod; voir en franeais d'une part eglise, de l'autre diocese,
baptisrere, monastete (a cötö de moutier), comete, mystere.
Ces quatre types 1 de fermeture de i et de confusion avec i
du latin classique (nous appelerons desormais cet i : P), nous
apprennent que l'orthographe latine, a I'epoque merovingienne,
n'etait nullement figee, et qu'elle savait parfaitement s'adapter
a l'evolution de la prononciation. Les exemples provenant des
mss. litteraires, sortis des « scriptoria » monastiques, sont cet a
1 Sont evidemment dues a l'action de l'analogie les quelques formes oil, par suite
d'une confusion de suffixe, le fr. moderne repond par i a e ton. du lat, el., et oil i
ost deja atteste dans le latin merovingien : v e n i n u m (4 fois hist. Er., 7 fois ehron.),
fr. venin, be r bio e m, PIRSOH, form., p. 850, inaer. p. 3 (Ver v i 0 i v s), fr. brew.
De plus, il y a eu, dans Iea mss. de I'hist. Fr., confusion de prefixe entre de. et di. sous
l'accent : leur quasi.homopbonie, a l'epoque oil e ton. tend vers il, explique aussi bien
diruit, o. c., 19011, = cl. deriHt, que, inversement, deruta, 712, = 01. dirtlta,
v. BONNET, pp. 106, n. 4, 107, 109, llO. AilIeurs nous trouvons surtout din u 0 = cl.
denüö; aj. pourtant PIRSOH, form., p. 865. Nous esperons pouvoir revenir ailleurs sur
lcs cas tres nombreux, et encore mal elucides, oil la metaphonie est due a l'action d'un
jod suivant ; c'est un ,I qu'j) faut attribuer abi s ti a, ehron., paBBim = lat. cl. beBlia,
afr. bis8e; Ö est sensible a la meme action, comme le montre sfr. uis < ö8tium, v. FEW,
I, pp. 343·44.
DIPHTONGAISON ET PALATALISATION 31
* **
Une fois ecartes les cas Oll i s'est reellement confondu avec i
(= iI) du latin cIassique, nous pouvons porter notre attention
sur les autres.
La premiere des formules angevines en presente trois : MINSIS (= men.
sis) 43, et VIRO (= vera) 415, 11 2, contre 25 cas de maintien, soit 10 %
d'innovations. l\IlNsus se lit encore 43, 931, 238, et MINSE, 21321 3, VIRO,
1811 et 2331•
Les formules suivantes fournissent de nouveaux exemples, dont nous
donnons le releve, toujours d'apres Slijper : DEBIRE 1731, HABIRE 1227,
1730, 1818, 2418,37, POSSEDIRE 711, 1228, 1514, 1831, 2328,21,31, RESEDIRE
1308, 2116, RESIDIRE 1111; (H)ABITUR 1234, 1729, 208, DEBIRET 10", 1220,
PERHIBITUR 1426, VIDIMUR 1226, VIDITUR 157, 1625, 245,5, DEBIRIMUS
2015, 2330, DILIGO 25' ; MICUM llU, FIDILITER 1621, VIRO 415, 1821, VIRUM
2331, QUERILLA (= ·ela) 173, PARITIS (= par(i)etes) 1532, MINSUS 931,
238; VINDrr 525, 718, VINDlTUM 1524; RIS 6', 1027, 1528,36, TRIS (= tres)
1821,13,u.
certainement a
tort que Pirson, [orm., p. 849, ecrit que la tran-
scription de i par i « semble avoir atteint ... (dans les formu-
laires) son maximum d'extension & ; en realite, il n'en est rien:
tous les exemples de reqnum. que no us avons releves dans les
plus anciens formulaires presentent e : 43, 162, 3911, 4123, 436,
453, 4624, 5318, 6224, 6815, 10710,16, II 133, 1122• A cet egard, l'oppo-
sition entre les copistes de formulaires et les notaires royaux
charges de mettre par eorit les diplömes royaux ne pourrait
recevoir une illustration plus suggestive.
Les diplömes etudies par :MIle Vielliard couvrent en gras le
VIle siecle ; les plus re cents sont de 717 ; les chartes privees se
groupent de la möme faeon. Mais ilest possible maintenant d'eten-
dre l'enquöte au VIIle siecle, grace au ban travail de M. Pei.
Cet auteur a eu I'idee d'etudier la frequenoe relative de e et de i
sous l'accent dans les differentes periodes du VIlle siecle pour
lesquelles nous avons des documents : 700-7171, 750-702,
769-812 3. Malheureusement, il n'a pas tenu a part, ou suffi-
samment, les cas all i pouvait etre dü a la metaphonie, a un
changement de conjugaison ou a la precession d'une mouillure.
Corrigeant dans la mesure du possible 4 les tableaux de M. Pei,
nous arrivons aux donnees statistiques que voici :
~
Periode de %
d'innovations
conserve
I rendu par i
Illest bon de noter que l\L Pei n'admet qu'une charto prlvöe, sur un ensemble
de onze documents dans le premier graupe .
• Trois chartes privees sur un total de onze documents.
I Huit chartes privees sur un total de vingt-cinq documents.
I Nous ne tenons done pas compte des trois dernieres eolonnes du tableau de !Ir. PEI,
o. C., p. 364. . ... .
I L'etude de Pirson sur lea inscriptions se preta mal a une teile vue d'ensemble,
Romanlea Gandensla, I 3
24 GUY DE POERCK
* **
b) u pour Ö.
MUS 711, NUN 813, NUS passim; CURTE 55; et dans les roots en -ürium :
TERRATURIUM etc. 614, 720,l1, 111,,31, 1633, 1782, 2325, VACUATURIUM10
passim.
(b) COGNUSCAS passim, COGNUSCI 2122, 2235•
* **
Nous nous sommes trouves, jusqu'ici, en presence de faits
bien etablis qui se m b 1e n tin d i que run e fer m e-
t ure del a v 0 yell e : e est ren d u par i, apar u
e
dan sun nom b rea s s e z eie v de cas, san s q u'o n
pu iss ein v 0 que r I'a c t ion fer m ant e des 0n s
v 0 i sin s. L'a b 0 uti s sem e n t est e
r e II e men t,
comme nous le verrons plus loin sous II et
sou sIll, une v 0 yell e t res fer m e e d e tim b r e
DIPHTONGAISON ET PALATALISATION 37
***
Les faits que nous alIons examiner maintenant presentent,
assez paradoxalement, le phenomena inverse : i est rendu
par e, i;, par o. Nous tächerons d'abord de nous faire une idee
de l'extension de ces deux dernieres graphies, ensuite nous nous
efforcerons d'en donner une explication vraisemblable.
c) e pour t
Un exemple, sur 72 cas possibles, de cette graphie figure
.dans la premiere des formules angevines : RECEPERE 58 (mais
RECIPERE13).
Me me rarere dans les autres (toujours d'apres Slijper), si I'on
ne tient compte ni des cas de recomposition 1, ni de ceux Oll e
est sui vi d'une consonne mouillee, et Oll par consequent e pour i
peut etre une graphie inverse 2. Nous avons alors simplement :
_ devant nasale : MENUS 614, l\IENIME 1013,19,26, 2313;
- devant orale: VERO 226, RECEPERE 58 (accent. paroxyt.I),
Aussi est-ce tres justement que Slijper, p. 35, note (a propos
de cette substitution de e a i) : « apud nostrum perraro hoc fit I).
Les autres formulaires reunis ne donnent pas un tableau sen-
siblement different :
_ devant nasale: NnIILO:\IENUS 7321, SE:\IUL 498, SENE 999•10,
TRIGENTA 16930;
- devant orale (a l'exclusion des cas de re composition et de
sequence de consonne mouillee) 3 : BASELICA passim (trea fre-
I Outre certains des exemples cites a la note preeedente, qui combinent les deux
formules phonetiques : pos sed i as 1611, 18u,p o s sed i at 166•
I Pen e tea t, p 0 r r e ger e, p 0 8 8 e d e ant, r e ten; a t, t r a d e dim u 8,
t rad e der i t, dir e ger e, le premier cite par Bonnet, le second par Vielliard, lee
derniers par Ppi, p. 26. 11est remarquable que 111.Pe; ne relöve que dos exemples expli-
eablea par I'action de yod ou par la recomposition.
38 GUY DE POERCK
d) 0 pour d.
La premiere des formules angevines fournit deux cas de
substitution sur un maximum de 21, soit 9 % d'innovations 3.
pourrait etre une simple graphie inverse, puieque devant cj,l > i, v. (inecr.) Sen i 0 i 0
(= Sonöcio) ; re • inverse t de eie o i u n t pourrait s'etre propage analogiquement
dans a die c i t. Voir cependant aussi note suivante.
1 :MU. Vielliard et M. Pei (pour ce demier voir cependant encore ici page 41) s'ex.
pliquent cette situation, qui ne peut qu'ötre paradoxale 8. leurs yeux, par la oonsidä-
ration que e ton. serait plus frequent que J ton. (et d ton. plus frequent qua tl ton.),
Nous avons peine a le croire. Un depouillement rapide de H, 32 de l'hist. Fr. nous a
foumi 50 , contra 52 e (y compris les nombreuses formes verbales dont la desinenco
accentuea presente cette voyelle), et 31 tl contra 26 d, toujours sous l'accant.
S Il n'y a que Haag, § 10, qui parait croire quo. e fOr' ist stärker vertreten t quo
le phenomena inverse; en fait il ne donne, si nous comptons bien, quo onze exemples
non suspects; tous les autras s'oxpliquent par des faits de phonetique conditionnee.
Voir aussi ce qu'il dit de 0 pour tl ton., ici meme page 41.
I Il est interessant de remarquer qu'en protonia ill· est rendu par io. : i 0 b eat i8
40 . GUY DE POERCK
* **
Etant donne le rapport numerique des deux types de permu-
tation de lettres etudies plus haut, et compte tenu des indi-
cations tres nettes du britto-roman (v. Il) et des analyses des
grammairiens latins (v. Ill), i I no u spa r a i tim p 0 s-
s i b l e de reconnaitre dans les graphies -
rar e s - e po ur t, et 0 po u r iL (sauf devant nasale ou
liquide, particulierement devant r), I a not a t ion d' u n
cl eve lop p e men t p h 0 net i que. Pour nous, ces e et
ces 0 sont de pures graphies. Encore faut-il pouvoir les expliquer.
Ce que nous dirons des conditions dans lesquelles no us croyons
voir apparaitre ces graphies concerne e pour t, mais la möme
explication vaut evidemment aussi pour 0 substitut de ü.
Et tout d'abord, est-il possible d'expliquer e pour i comme
une graphie inverse? Nous ne le croyons pas. En effet, aucun
e
des deux que connaissait le latin ne peut etre mis ici en cause.
Si i devient tot i, il continuera pendant assez longtemps encore
(v. infra p. 76) it se distinguer du continuateur de du latin t
classique par sa quantite longue. Quant it i, il ne passe jamais
it P.
La rime condiqnum : regnum :
Illud enim non fuit condignum
Quod egisti in Segeberto regnum 2
t. VI, 1881, pp, 75-76, conteste l'authenticite, que P. Mayer avait soutenua dans la
Revue Oriiique, t. H, 1867, p. 349, de cette epitre et des autras de la mäme collection.
1 Le fe i (d a t a e) = fidei d. d'un autre pamphlet appartenant It. la mäme collec-
tion a beaueoup plus de chances d'ätre une simple corruption, vu I'allure « savante •
de l'invective oil il figure, qn'un vulgarisme, comme le veulent PIRSON, [orm., p. 855,
et d'autres.
I Pirson soutient encore le mäme point de vue dans son article Pamphlets baa-latiM
du VII. Biede, dans Melangea ... M. lVilmoUe, Paris, 1910, p. 496.
I Bien entendu ce timbre commun tltait distinct de celui de i1 ; il en tltait cependant
suffisamment rapproche encore pour fournir It. un versificateur peu Bcrupuleux: lea
assonances que voici : OhriBtum : 8tmet'lpaum 22231-', digito : mvo 222'°_2231, oblituit :
fecit 2238-', reHquo : amicou-" 8cribit : fecit: credit 22421-'.
DIPHTONGAISON ET PALATALISATION 43
* **
Qu'est exactement ce latin merovingien sur lequel nous nous
sommes penohes! C'est avant tout une langue eerite, et qui
par la obeit [usqu'ä un certain point a des lois propres, mais
cette langue eorite se parle aussi, des qu'elle se lit, car la lecture
des yeux, teIle que nous la connaissons, etait sans doute excep-
tionnelle. On lit des levres 8, on prononce les'mots que l'on lit,
et on les prononce comme on prononce ces memes mots dans
la langue parlee, avec d'autant moins de scrupule, ou pour mieux
dire d'autant plus naturellement, .que si la notion d'une ortho-
graphe a respecter survit [usqu'ä un certain point a travers
1 Un facteur concomitant d'importance, qui a mis son empreinte sur le latin mero-
vingien, c'est la manie de l'hypercorrectisme. Elle s'öpenouit dans toute pöriode de
demi-culture. En garde sans cesse contra les vulgarismes triomphants, on croit les avoir
.evittls, mais ce n'est que pour retomber de Charybde en Scylla, et se rendre eoupabl ...
d'une grsl?hie qui n'est ni traditionnelle ni phonetique, Pour nous, cas graphies ont ate
d'un certain secours, car, 8 travers leur image en quelque sorte renversöe, ell('OS nOU.i
permettent de saisir sur le vif le sens du mouvement phonetique.
46 GUY DE POERCK
1 F; LOT dans I'HÜltoire du moyen age, t. I, 2· partie, chap. XXVI, Paris, 1941"
de I'Hiatoire generale r- p. G. GLOTZ.
I F. HAVERFIELD et G. MACDONALD, The romanization of Roman Britain, Oxford •.
1923', p. 34.
• Vulgar latin of Roman Britain, p. 96, dans Mediaeval Studie8 in honor of J. D. M •.
Ford, Cambrldge-Mass., 1948.
, o. e., pp. 49, 53 (nous eitons de seconde main).
I M. R. Derolez nous signale que lea rapports entre le celtique et I'englo-saxon sont.
cltudicls par M. FÖRSTER, Der Fl'U887UJ7MTheT1l8e, dans lea Bitzungsber. d. Bayer. Akad.
d. WÜlS., riu.u«. Abt., 1941, t. I.
I Selon J. LOTH, p. 65, le latin des Bretons de l'ouest aurait prclsente un caractere"
DIPHTONGAISON ET PALATALISATION 47
a) Le temoignage du brittonique.
plus scolaire que celui en usage dans l'est et le sud ; K. JACKSON, pp. 97·98, insiste sur
le caract€re peu tlvolue de ce latin.
1 R. G. CoLLINGWOOD, The archaeology of Roman Britain, Londres, 1930, p. 177.
I K. JACKSON, p. 83, n. 1.
a F. HAVERFIELDetc., p. 35.
, Elles ont tlte recueillies par E. HßBNER, Imcriptione8 Britanniae Ohristianae,
1876 (Pays de GaUes et Cornouailles), et J. O. WESTWOOD, Lapidarum Walliae etc.,
1876·79.
6 Le D" excidio et conquestu Britanniae de Gildas, lid. Th. Mommsen, MM. G. HH.,
Auctorum antiqu~sim. t, XIII, est Iegerement anterieur il. l'h~t. Fr. de Gregoire
de Tours; il ne nous est malheureusement connu que par un ms. du XI. s,
48 GuY DE POERCK
1 On trouvera une liste commode de mots latins avec 11passes en brittollique dans
Tr. BOLELLI, L'ü latino e i prestiti latini neUe lingue britanniche, dans ltalia Dialettale,
t. XIX, 1943, pp. 41·44. Cat auteur croit que l'ü latin etait plus palatal que velairt'
(d'ou son identification avec britton. il « · oil. tout en etant cependant moins palatal
que le upsilon grcc. Dans la plupart des latins provinciaux, 11lat. [ill aurait ete rendu
par [ull per la lorD ripugnanza a pronunziare ilt, et de meme en irlandais. Seulle gallo.
roman aurait reproduit correctement la prononciation palatale. Ces vues reposent sur
une interpretation personnelle de faits paralleles fourni. par le latin et le brittonique,
et de graphies isolees iu ou ui pour 11dans les mss.latins du IV' au VI' sioole et au dela:
niube = nübe. uiaibWJ ~ tiBibWJ, etc. Nous lea croyons fsusses.
DIPHTONGAISON ET PALATALISATION 49
Romaniea Gandensla, I
50 GUY DE POERCK
1 Vers 120, Juvenru fait allusion, incidemment, iI. des juristes bretons formes a
I'eeole de maitres gaulois, HAVERFIELD, etc., p. 34.
I C'est aussi l'opinion de POGATSCHER, p, 13.
I Les criteres adoptee par POGATSCHER, p. 5 et §§ 356 sqq., pour identifier les em.
prunts de cette eategorie sont : 1. la conservation des sourdes intervocaliques latines ;
2. la participation du representant haut allemand iI. la mutation consonantique.
• H. WILLIAJIIS, ChrUJtianily in Early Britain, 1912. On notera la remarque de R. G.
COLLINGWOOD, The archaeology, p. 176 : • archaeological evidence of Christianity in
Roman Britain is exceedently scanty t.
DIPHTONGAISON ET PALATALISATION 51
tant sans doute que ne l'indique la difference des dates entre la conver-
sion de Clovis en 496 et celle du roi du Kent, Aethelberht, en 597. Ce
n'est vraiment que vers le milieu du VIle siecle que le mouvement vers
le christianisme devient irresistible. Le möme retard vaut sans doute
pour lea emprunts lexicaux. Des lors, les traits non elassiques que noua
releverons dans la derniere couche d'emprunts vieil anglais au britto-
roman ont toute chance de refleter l'etat atteint par le vocalisme de cette
derniere langue entre le VIle et le VIlle siecle.
L est i m b res.
Iat. i, e > v. a. t
i : licum > rto « fig t, pUum > piL « pile ., primam (horam) > PRiM
« prime scrinium > SCRiN « shrine t, vinum > wiN « wine. ; Christum
t,
> CRisT, dictum> DIRT (DiRT!j.
e: tegulam (REW 8618) > TiGLE, TiGOL (v. h. a. ziagal) « tile t, me(n).
sam> ?lYSE (fj = £), cf. minsa Marini, Papyri diplomatici, LXXVI, 46
(doe. franc du VIle s.), pe(n)8tlm> north. ptS(LIC), Sequanam> SiGEN
(emprunt plus recent), v. Siquana, Le Blant, Inscr, ehret., 63 (Lyon
450-502) •
.Le continuateur de eetait devenu suffisamment ferme pour produire
par inflexion palatale la fermeture de la voyelle initiale dans carenum
> CEREN, CEREN, CYREN, sägenam > north. SEGNE, täpetum > TEPED,
äcltum > ECED, ECED (mais *lampredam > LAMPEDU); au moment de
l'emprunt, done, le timbre i etait atteint, et c'est secondairement, en
anglais möme, que ce i est redevenu e ; en effet möme i primaire passe
icia e : latinum> L..EDEN, pelliceam > PILECE «pilch t, mölinam > MY·
LEN, coquinam > CYCENE; le möme sort a affecte J, comme nous le
verrons plus bas,
lat. u, ö ;> v. a. U.
Ü : mürum > Mfut (hapax), mülum < MUL(uniquement dans une tra-
duction du latin 1) t mule t, rüünn > RÖTE, RtmE true ., etuor > SlITERE
« souter • (ecossais}, ·cl(a)'llsam < CLßS(E) « close .; prünum > PLtl"ME
lat. ü = V. a. ü.
hInkam> TUNECE ; ma.is cOPOR < cyprum fait diffieulte 3 ; mmtam >
I On sait que le cl lat. ee continue en gallo-roman par une palatale [aJ, qui, si elle
s'etait produite tres rot ici, et en britto-roman, aurait pu la.isser des traces dens Ies .
emprunts v. a. Notons d'abord que le v. a. n'a de graphie distincte pour noter [a]
qu'it. partir du moment OU ce BOnapparait clans BOnsys~me vocalique propre, comme
nSsultat de I'inflexion palatale de u, o'est·"·dire clans la seeende moitie du VIle aioole,
par exemple dans pIt m e < ·prüneam, at r t t a <8trillhio (aUB8i • t r ft t a, avec
tl pour .y !), Y n n e < iinio; de meme avee une breve : 0 y men < ctlmlnum. Le
aigne graphique employe est 1/. n est evident que si nous retrouvions avec !1 « ii)
des mots v. a. d'origine latine dont la structure phonetique ne ee preUt pas ,. l'inflexion
palatale, il faudrait bien conclure que la palataIisation est d'origine britto.romane •
• CliiBa eerait precia6ment un tel mot. De fait, it. cote de la forme habituelle, citee plus
haut, cl u a (e), noua rencontrona aUBBi, une fois, le compose mu n t·c 1t s e (.a)
(ToIler), • a place abut in by hills, a mountain prison t. Cependant, cette variante n'est
pas a l'abri de tout BOUP90n,car on pourrait a la rigueur la conaiderer comme un de.
verbal de 0 It. a n < ·cliiB.io ... et p (e) < cüpam eat aussi suspect I la ooneervation
de I'occluaive intervocalique au atade d'une aourde dans un mot populaire est tout
a fait improbable (cf. cependant plus haut rut e a cote de ru de). Pogatscher, qui
signale le mot aux §§ 71 et 181, prend bien soin d'ajouter que 9, ici, • kann eeht leicht
durch Ausgleich mit dem germ. ctc, dem dieselbe Bedeutung zukommt, entstanden
eein t. Le meme auteur, § 217, distingue pI ft m e < prünum et pIt me < -prü_m
(arborem). Phonetiquement excellente, cette explication demande une mise au point:
en roman -prünea comme -prün-a (pI.) demgnent le fruit, non l'arbre, v. REW 6798·99 :
c'est une premiere diffioulte; mm surtout l'equation britto·r. .prnnea = lat. cl.
pnlnus (f.), • l'arbre t, ne trouve guere de support dans lea textes: Aelfric Gramm.,
20, 17, distingue haec prunU8 : (! i 8 pI ti m·t r A 0 W, et hoc pnlnum : S 6 0 pIt m e,
.Ie fruit t ; pnlnum (n.) aurait donc ete remplace (seulement en britto.roman ; v; cepen.
dant le fr. brugncm) par le derive -prünea, tout au moins partiellement; il y a du fiotte·
ment dans les gloees : Ep. Er/. 812 Corp. 1664 ont, treB oorrectement, piu m as: pru.
nUl, mais ailleurs on B pit me: prunUl. Bref, aucun exemple abBOlument cronvain.
cant ne nous incite a croire que la palatalisation de cl s'etait deja produite en britto·
roman, tout au moins au moment des emprunts mBBBifs,et meme noua voyons daM
une certaine repugnance de 6 ton. a paseer a ii (v. note ci.deS8ous) un indioe de plus en
faveur du maintien de la prononoiation velaire de 11. Pogatscher. 1182, conclut dans
le meme eens'
I On a aUBBim ö r (b e 8 m). Rom, et en outre n ö n < nOnam (horam); et, si
I'etymologie est exacte (Holthausen), s 0 r 0 fe I < scrö/fllam. Comme a l'initiale pro·
tonique 6 parait coneerve. il ee pourrait que le mot continuAt -scrö/illam (Pogatscher) ;
non pourrait etre la variante proolitique de n ti n, mm m 6 r et R 6 m ne sont evi.
demment pas justiciables de la meme explication. Il est plus simple de aonger a une
action ouvrante de la nasale ou de r suivants. V. page Buivante.
I Angl •• copper t. C'est le v. h. a. qui rOOlame une base cyprum (REW 446). Pour
KLuGB, VC' Kup/w, v. a. copor continuerait le germ. commun .ku~ (emprunte au lat.
ctlprum): il n'y aurait plus lieu d'en tenir compte. C'est a tort que pour v. a. s t r 0 p (p)
• strop t et 0 r c, Pogatscher, I 1112,part de -tlrea, v. urutU, et de 'Cr4ppus : le voca.
lisme 0 est atteste pour le latin par 6rCG et ,'riJppa.Le v. a. (et aUBBia. mod.) box _
54 GUY DE POERCK
L a qua n tit e.
L'accent expiratoire v. a., qui, dans les mots simples (les seuls
que nous etudierons), frappe toujours l'initiale, atteint par
consequent tantöt une tonique latine, tantöt un protonique,
selon la structure accentuelle du mot emprunte, 11 n'exerce
aucune influence sur la quantite de la voyelle qui le recoit :
cette voyelle conserve la quantite qu'elle avait en britto-roman
au moment de l'emprunt. De meme, la desaccentuation de l'an-
cienne tonique Iatine n'amene aucun bouleversement de la quan-
tite primitive. V. Pogatscher, § 482• Des Iors, no u s po u-
von S con s i der e r 1e v. a. co m mer e fl eta n t f id e-
lement la q u a n t i t e vocalique en usage au
m 0 men t de l'e m p run t. Nos con cl u S ion s va u-
dront evidemment au premier chef pour le
b r i t t o-r 0 m a n, m ais n 0 u s n e c r 0 y 0 n spa s n 0 u S
flexion velaire 10, Sievers-Bnmner, § Ill. Or une teile fonne n'est pas
parvenue [usqu'ä nous : le nivellement analogique ulterieur ne peut
suffire s rendre compte de l'absence de tout exemple avec 10, d'autant.
plus que le mot est abondamment atteste. ,
EALHTBE< elect",m. BT n'a que des formes avec eo, s cote de e :
EOLH-SAND : elect",m (BT 253), EOLHSANDES : electri, EOLCSANDES(BT S)
postulent l, mais la. base etymologique, pour ces composes, n'est pas tres
claire, et en tout etat de cause le mot est savant.
SICOR< 8ecü",m. C'est un • hapax. : Our. Past.; 425, 6 (426, 3, 10)
(d'apres BT) ; l'emprunt parait ancien, car e intervocalique est encore
intact, Pogatseher, §§ 138-40 (Bussi cet auteur envisage-t-illa possibilite
d'un emprunt au Heliand v. sax.). Des lors il y a peu de chances qu's
l'cpoque de l'emprunt I'abregement ait deja pu se produire. En fait,
le m. a. SIKERne prouve rien, car I'abregement doit en tout cas se pro-
duire en anglais dans les formes flechies, Luick, §§ 353, 386 sqq. C'est,
tout a fait arbitrairement que Sievers-Bnmner, § 66 A 2 et Luick, § 217, 3,
posent SiCOR.
CJEIU'lLLE < c1uIerophyUon. (Ef' < er n'est possible que Bi la voyelle
est breve, Sievers-Bnmner, § 55 Anm.; v. encore Pogatseher, §§ 42, 96
et 109; CERFlLLE• chervil. presente un stade ulterieur 1.
SOLOR< 8ölarium. La fonne syncopOO ne se rencontre qu'une foia.
SOLBE,An. Ox., 8, 355, SOLER(E),SOLOREetant les types nonnaux.
Nea.nmoins elle suffit pour ouvrir la porte a la possibilite d'une longue
conservee,
OBEL< *öräle (pour örärium!). On a aussi ORL (dissyll.), Wright
Voc., I, 17, 1-3; 40, 34 (d'apres BT). Comme ici la syncope de 12median
se produit aussi bien derriere breve que derriere longue, Sievers-Brunner.
§ 162, il n'y a rien a conclure, ni da.ns l'un ni dans l'autre sens. Mais rien
n'indique un abregement de Ö-.
MOROD< *mörätum (mnum). On s'attendrait a la chute de -a-, comme
dans le cas precedent : sa conservation pourrait parler en faveur de
l'abregement de ö- ; elle pourrait cependant etre due a d'autres causes:
caracrere livresque du mot, eventuellement souci d'cviter toute collision
homophonique avec more! • meurder t. Malgre tout lJ est plus probable.
SOLS"lECE < solalquium. Le dictionnaire latin de Quicherat-Daveluy-
Chatelain ne aurmonte pas le 0 d'un signe de quantite. REW 8078 part
meme de sOl8lquium. Pourquoi' S6LSECE,Wright, Voc., I, 30, 20 (BT}
parIe en faveur de la longue. ,
CuSTANTIN< Oo(n)8tantinum. Il n'y a rien a tirer de ce mot.
EOTUL< Itdliam. Pogatscher place la sonorlsation de -t- intervo-
calique au IVe siecle, § 374. L'abregement de I· en protonie semit dono
au moins aussi ancien (et par consequent, a fortiori, l'abregement des
voyelles plus ouvertes). Mais cet exemple n'a rien de convaincant, car le
'latin connait aussi Itdlia. .
Mais les exemples ne manquent pas qui plaident contre l'abregement :
il y a, de l'aveu m~me de Pogatscher, § 143, SCR"ÖTNUN < 8crü.täri;
la. quantite de l'initiale de TRIFULIAN < tribulare est douteuse. Ajoutons
* * *
En conclusion, nous croyons avoir rendu probable la conser-
vation de la longue protonique en britto-roman au moment de
l'emprunt pour /enuculum, sölarium, sölsequium et scrütari;
Säturni et denarium peuvent avoir passe en v, a.au moment
Oll la quantite de cette longue etait devenue indecise ; mais
*möratum (pour aut ant qu'il ne s'agisse pas d'un mot livresque)
pourrait avoir eM adopte par les envahisseurs anglo-saxons
posterieurement it I'abregement, et de möme chaerophyllon.
Quant it electrum, securum, *örale, Constantinum et tribulare,
la quantite de leurs continuateurs v. a. reste adeterminer. Si
l'on peut degager une impression de cet ensemble de faits, elle
n'est pas favorable it la these de Pogatscher. Tout semble indi-
quer qu'ä I'epoque Oll de meilleurs rapports entre vainqueurs
et vaincus ouvraient la porte aux emprunts lexieaux (VIe au
VIIle s.) le s Ion g u e s pro ton i que set a i e n t e n-
e 0 res e n tie s . e 0 m met e 11 e sen b r i t t o-r 0 m a n.
I I n'y a aue une ra iso n po ure r 0 ire que I a s i-
tuation f t sensiblement
ü d i f f e r e n t e sur le
eo nt i n e n t.
(oc)Breves libres.
pira pI. > PERU « pear» (la breve est atteste par -u, Sievers-
58 GUY DE POERCK
Brunner, § 45 A 2); synödum > SIOXOD, SEOXOD (eo dans et». 782
(var.), L. Allr. 49 = Th. I, 58, 2; El. 154:; Ph. 493; El. 552 ;
Chars. Th. 70, 10) (la breve est attestee par l'inflexion velaire,
Sievers-Brunner, § Ill) ; lebr-em : certains faits parlent en faveur
de l'allongement de la voyelle, d'autres en faveur du maintien
de la breve: 1° FEOFRE (signale par Holthausen), avec inflexion
velaire, pourrait n'ötre qu'une faute : en effet, il ne se rencontre
qu'une fois, comme variante de FEFORE (Leh. I, 328, 9); les
formes sans voyelle epenthetique : FEFRE (Lchdm. 11, 134, 27,
Bt. 32. 2 F. 116. 31 ; FEBRUl\I MK. L. 1, 31 et FEBBRES Past.
229, 3 doivent etre conslderes comme des latinismes) militent
e.
plutöt en faveur de Sievers-Brunner, § 159b : aussi trouve-t-on
l'indication de la longue (FEFOR) dans Pogatscher, § 118, Bül-
bring, § 442, Kluge, VO Fieber, et Sievers-Brunner, § 192, 2 (mais
FEFOR, § 152 Anm. 2 et index; et aussi dans BT). 11 est difficile
de dire [usqu'ä quel point on peut tirer argument du v. h. a.
Eiebar < *Iebr-em, Kluge, I. e. ; 2° une base *Iebr-em en britto-
roman fait difficulte, car ici e devient regulierement £, v. supra
p. 51; par contre, quant au timbre, [ebr-em ;» FE FORE donne-
rait une correspondance tout a fait reguliere. L'histoire du mot
est loin d'ötre simple: pour designer la fievre, les langues germa-
niques ont continue d'abord a se servir de termes traditionnels,
Kluge, I. c. Si la date des textes v. a. ne s'y oppose pas, il faudrait
voir dans FEFORE un emprunt tres tardif, interessant neanmoins
en ce qu'il ne presente encore aucune trace de diphtongaison
romane; mödium > MYDD : la breve est attestee par l'inflexion
palatale, qui du möme coup montre que l'emprunt ne pent etre
posterieur a la seconde moitie du Ve sieole, Pogatscher, § 228.
l'evolution est parallele a celle de *öli > ELE « oil» (pour oleum).
Bülbring, § 158 Anm. 2, considere l'emprunt de glö88a comme
contemporain de l'evangelisation.
* **
Ainsi nous rejoignons pour l e s anciennes
toniqueslatineslaconclusiondejaatteinte
p 0 u r I e s pro ton i que s : pirum, sfjnodus et mödius
d'une part, glö88a, de l'autre, avaient certainement conserve
leur quantite originelle en brit to-roman au moment Oll ces mots
furent empruntes par le v. a. ; l'exemple de glö8sa montre que
ce moment a pu ötre relativement tardif 1.
* **
Au debut du Ve siecle, la Gaule n'etait pas la province la plus
septentrionale Oll se parlät le latin. En Grande-Bretagne aussi
la langue de Rome avait pris solidement pied, gagnant elle a
les Bretons, comme, sur le continent, elle gagnait a elle les Gau-
lois. Le processus de romanisation, toutes conditions etant
egales, a dü se derouler parallelement, et tout indique que l'An-
gleterre parlerait une langue romane, aujourd'hui, s'iI y avait
eu dans la seconde moitie du Ve siecle occupation de la cote est
et sud-est non par les Angles, les Saxons et les Jutes, mais par
les Francs ou une quelconque des nations germaniques qui ont
oecupe la Gaule. lei, ce sont les populations celtiques romanisees
qui ont impose leur langue, sauf dans I'extröme nord et le nord-
est, aux envahisseurs germaniques, la, le möme con flit entre
latin et germanique a tourne a l'avantage du germanique. Iei,
si nous pouvons dire, le germanique etait parle par des « mous I),
la par des « durs I). L'assimilation rapide des Francs etablis en
Gaule, la reluctance des Anglo-Saxons a se plier aux moeurs des
Bretons romanises se marque tres bien dans I'ecart entre le
debut de la conquöte et la christianisation en Gaule d'une part,
en Angleterre de l'autre. La mainmise des Germains sur la
moitie orientale et meridionale de l'aneienne Bretagne com-
mence des 441-42, tandis que Clovis ne remporte sa victoire
sur Syagrius qu'en 486. Deja dix ans plus tard le meme Clovis
reeoit le bapteme a
I'instigation de son epouse Clotilde, fille
d'un roi burgonde, convertie elle-möme, tandis qu'il faudra
attendre plus d'un sieele, exactement jusqu'en 597, pour voir
le vieux roi de Kent Aethelberht s'engager dans la meme voie
sur les instances de sa femme Berthe, une ehretienne fille du
roi de Paris Charibert. Du cote franc, dix ans suffisent pour
passer de la prise de possession du sol et du pouvoir la con- a
version du prince, du cote anglo-saxon cette meme etape deman-
dera un siecle et demi.
Pendant ce long laps de temps, et sans doute bien au delä,
le britto-roman n'a cesse de se defendre. Organe d'une civili-
sation superleure, il n'a cesse de ceder des mots la langue des a
envahisseurs jusqu'au jour oü il s'est eteint, Ces mots, ou tout
au moins quelques-uns d'entre eux, nous ont eM conserves, par
une heureuse circonstance, sous la forme de cliches phonetiques,
sournie dans la suite aux mömes transformations que les mots
hereditaires du vieil anglais. 11 est possible, en tenant compte
de ces transformations, d'en degager I'aspeet primitif. D'oü
autant de temoignages revelateurs de I'etat du phonetdsme britto-
roman entre 450 et la date d'extinction du latin de Grande-
Bretagne.
***
On admet generalement qu'en latin classique e avait le möme
timbre que e. Ceci n'etait certainement plus vrai it l'epoque du
grammairien Marius Victorinus (vers 350) 3, ni peut-ötre meme
it celle de Terentianus Maurus (IIIe sieele) 4. Servius Honoratus
1Marius Victorinus (vers 350) pose deja la rögle r , 0, ut e, geminum uocis Bonum
t pro condicione temporis promit t (0. C., VI, 33, 3). Elle semble avoir ete formulee
avant lui par Terentianus llaurus (IIIe siecle) ; la chose est möme süre en ee qui con-
cerne la difference de timbre entre ö et ö, voir in/ra p. 64.
t Ruoma n'est sans doute qu'un expedient ingönieux pour noter ö.
t Noua avons cite ce texte page precedente.
C Le grammairien Pompeius (vers 480) ecrit It. propos des deux e : c dicit ita Teren-
62 GUY DE POERCK
* * *
Nous avons, sur la prononciation de i et i en Gaule vers le
milieu du Ve siecle, un temoignage interessant, celui de Consen-
tius, grammairien de la Narbonnaise 2. Il semble qu'il faille
distinguer dans ce temoignage : 1° des regles traditionnelles
d'orthophonie, perimees a. l'epoque de Consentius, 2° une regle
nouvelle, qui tient compte de la difference de timbre venue se
greffer sur la difference de quantite traditionnelle, 3° une obser-
vation sur la prononciation « reelle. des Gallo-Romains vivant
autour de Consentius.
Iv La bonne prononciation traditionnelle «( Romanae linguae ...
moderatio ») ne faisait pas de distinction qualitative entre i et i.
Tout dependait de la place de la voyelle dans le mot. On avait
eM amene ainsi a distinguer un i •exilis » ou palatal, un i ccpin-
guior » ou plus velaire, et enfin un son intermediaire entre i et e
(<< medium quendam sonum inter e et i ») ; i devait se prononcer
palatal al'initiale absolue, p. ex. dans ite, plus velaire la a
finale absolue, p. ex. dans habui, tenui, tandis qu'il se situait
it mi-chemin entre i et e en position interne dans hominem,
On voit immediatement que cette regle de position presente
des analogies certaines avec celle que 1'0n enseignait pour 13,
• tianus , quotienscumque e Iongam uolumus proferri, uieina sit ad i Iitteram s (0. e.,
V, 102, 4 sqq.), Rien de tel ne se lit aujourd'hui dans Terentianus (0. e., VI, 329, 116.18),
mais peut-etre ne sommes-nous plus en possession du texte integral de cc grsmmairien.
1 Voyez Ieurs textes page 60.
I Nous n'avons pu consulter H. KOHLSTEDT, Das Romanische in den Artes des Oon-
sentiua, Diss, Erlangen, 1917, dont nous ignorons par consequent I'Interpretation du
texte que nous analysons. Le texte de Consentius se lit aujourd'hui dans l'edltion de
111.Niedermann, Cons.ntU Ars de baroorismis et metaplasmis, Neuehätel, 1937, p. 15,
lignes 15 sqq.
I E. KIECKERS, Historische Lateinische Grammatik, I.Lautlehre, :llünich, 1930, p. 18.
DIPHTONGAISON ET PALATALISATION 63
a
L'evolution de la prononciation par rapport a.I'etat anterieur,
tel que l'avaient deerit Sergius et Servius, se ramene done essen-
tiellement a. ceci, que le mouvement differenciateur, base uni-
quement sur la quantite (traditionnelle), a gagne maintenant
la voyelIe d'avant la plus fermee, i : desormais i ne se prononce
plus comme 1,. Rien, cependant, n'indique que cette differen-
ciation soit due it un deplaeement d'articulation plutöt de i
que de i.
30 Consentius decrit enfin une prononciation vicieuse, mais
bien reelle, celle du i de He dans les bouches gauloises. Il resulte
de ce que nous avons dit plus haut que la voyelle, pour etre
correcte, devait s'y prononcer soit nettement palatale (seion la
GUY DE POERCK
* **
C'est l'objet d'un enseignement constant depuis Terentianus
Maurus (HIe siecle) que ö ne s'articule plus de la möme faeon
que o. La description versifiee que cet auteur no us a laissee des
deux articulations sera reproduite presque mot pour mot [usqu'ä
la fin du Ve siecle, avec une servilite qui eveille un leger doute
sur sa valeur pour la fin de la periode,
Dans l'articulation de la breve, nous enseigne-t-il, la langue
n'est que legerement retiree vers I'arriere, les levres sont legere-
ment entr'ouvertes. Dans l'articulation de la longue, notee
acoustiquement cam me un son caverneux, rappelant celui qu'e-
mettait l'acteur affuble du masque tragi que (<< sonum tragicum ))),
le dos de la langue se masse dans la partie la plus profonde de
la voüte palatine (<< alto ... sub oris antro &), tandis que l'air
expire se force un chemin entre les levres projetees en avant
1 E. SEELlIIANN,Die AU8sprache de» Latein, 1885, pp. 193.94, croit que Consent ius
a voulu indiquer par la une prononciation diphtonguee de la voyelle: [i]. Le fait que
cette möme analyse est appliquee au i de hominem rend cette opinion peu vraisemblable.
Noua ne pouvons nous rallier davantage a I'Interpretation de H. MIHÄESCU, 0 barba.
ri8mo, se guOOo 08 gramdlic08 latin08, Coimbre, 1950, p. 20, qui etudie sous la rubrique
• Inmutatio temporis • ce que dit Consentius de la prononciation romaine et gauleise
de ire: par. exiliter • il faudrait comprendre une prononciation breve: Ire (pron. ro.
maine), tandis que. pinguius t est expüque : • corn _ boca mas cheia, tornando -0 [le i]
mais longo do que era habito em Roma t.
I Sauf peut.etre le cas non explique de _fr. lum (a cöte de l'apr. lim), continuateur
de limum (REW 5058).
DIPHTONGAISON ET PALATALISATION 65
(<< molita rotundis ... labellis ))) (0. C., VI, 329, 130-34). La me me
description reparait un siecle plus tard chez Marius Victorinus
(vers 350), avec la notation supplementaire «( rictu tereti I),
earacterisant l'arrondissement des levres (0. c., VI, 33, 3-8) 1.
Les grammairiens du Ve siecle sont surtout frappes par le fait
que la voix paralt s'echapper de points differents du canal buccal,
selon la longueur de la voyelle : la breve s'articule du bout des
levres 11, la longue, au contraire, se forme dans la partie la plus
profonde du canal buccal",
Par contraste avec ces notations, la description de paralt u'
bien incolore. Terentianus Maurus (0. C., VI, 329, 142-45) dit
simplement 5 que le sou me suit le canal des levres projetees con-
jointement en avant, et Marius Victorinus (0. c., VI, 33, 8-9)
ne trouve rien it ajouter a
ce renseignement, qui vaut aussi pour ö.
Il n'est cependant pas certain que le point d'articulation de ö
tendit a se confondre aveo celui de u. Si ceIa avait ete,
en effet,
nous pouvions no us attendre it voir revenir les memes formules
que pour e ; or, aucun auteur ne nous apprend que ö se pronon-
~ait « quasi u », «( uieinum ad sonum u litterae ». Y a-t-il la. un
argument «a silentio s l
~I-=1=~I-=I=
Ce systerne est-il propre au gallo-roman septentcional, ou
peius).
• • ore sublato , (Servius), • intra palatum, (Sergius, Pompeius) ; v. 11. CC., et aj.
pour Pompeius o. c., V, 102, 13-17.
• Aucune distinction de quantite n'cst encore faite.
• Peut-etre certaines nuances nous echsppent-elles ; le texte est peu clair.
Romanlca Gandensla, I 6
66 GUY DE POERCK
1 L'ed. Fr. Bluhme des MM. G. HH., LL., t. IV, nous a fourni entre Ies §§ 178
et 189 le8 exx. suivants : quatinu8 (§ 178), neclicto (autre ms.) (§ 180),
fie e r i t (§ 186), mai8 e pour { ton. parait aussi frequent: lee i a t (§ 178), lee eat,
recepiat (autre ms.) (§ 179),legetimam (§ 181), accepere (§ 182), inle.
cetas (= illrcltaa),leciat, inlecitas (§ 185), vedua (autre Ins.) (§ 188).
DIPRTONGAISO:S-
ET PALATALISATION 67
(8) Afrique :
(inscriptions :) Orelli-Henzen, Ill, 5329 (Dugga) : AURILLI(AE). -
(mss. Iitteraires :) Evangiles (ms. Palatinus, Iye.ye s.), ed. C. Tischen-
dorf, 16, a, 11 : PROFITAVIT (avee i pour '1), 96, a, 1, 6 : VINDEBANT,
406, b, 11 : PROFITEZA (avee i pour '1), 450, b, 6 : PROFICISSET ; Ep.
S. Paul (ms. Claromontanus, VIe s.), ed. C. Tischendorf, 68, 11 : PROFI-
TIAM (avec i pour '1),83, 17 : EFFICIT.
76, 20 : FIDEIUSSUREM, 54, 19, 33 (aj. 54, 54) : PATRUNUS, 55, 43 : LE-
BRUSOS (= leprösus), 50, 29 : SULA, 45, 23 etc. SPUNSUS; (v. Schuchardt,
Voc., t. Ill, p. 204), 71, 56, 72, 1 : COGNUSCAT. - (mss. Iitteraires :)
Pline (ms. Veronensis, v. supra), 167, 10 : FUNGUSAM, 196, 12 : NUTA,
130, 2 : PUMI.
(ß) Rome:
(inscriptions :) Rossi, t. I, 355 (385) : NUMINE, 379 (389) : PROMUTO,
943 (509) : MURIBUS, 972 (520) : PATRUNUS, 977 (522) : PETRUNJA, 980
(522) : OXURE (= uxÖTe), 1092, 556 : LUMlNUSUS, 1177 (VIe s.) : OCTUBR.,
1316 : OCTUBR. ; Perret, V, IX, 16 : BONUSA ; Gruter, Corp. inscr., 711, 3
(Tibur) : FURCEPEM; CIL, VI, 2521 : PANNUNIA, 2746 : PANNUNJUS,
3282 : CUlUX.
(y) ltalie meridionale :
(inscriptions :) Mommsen, Lnser, regni Neap., 6697 (560) : DEUSDUNA,
1613 (Beneventum) : FLURI (2 fois), 1717 (ib.) : AURURA; CIL, IX,
+ 648 (Venusia) : MENSURUM, PARENTURUM, DOLUREM, MAJURES. -
(mss. litteraires :) Nouveau Testament (Ins. Fuldensis, v. supra), Eph.
VI, 14, Thess., I, v, 8 : LURICAM (a], Schuchardt, Voc., t. II, p. 110).
(8) Ajrique :
(mss. litteraires :) Schuchardt, Voc., ne cite aueun exemple provenant
du Palatinus (Evangiles) ou du Claromontanus (Epttres de S. Paul).
(e) Peninsule iMrique :
(inscriptions :) Rarissimes sont les exemples allegues par
Schuchardt. Il n'y a rien a tirer de Gruter, 550, 4 (Alhambra) :
RUM. (= Rom.1) (ö se trouvait-il sous l'accent 1). M. Oarnoy, p. 56
sqq., cite OIL, Il, 2959 (119) : OCTUBER(aj. IHO, 123 (642),
272 (965», 2577 (av. IVe s., lect. difficile) : EX VUTO,IHO, 152
(ve-VIe s.) : MUSES (= .ßföses), bien peu de choses en somme,
si l'on compare aux nombreux exemples produits par Pirson
pour la Gaule. - (ehartes et diplömes :) Eep, Sagr., V, 214 :
PATRUNUS (nom d'un prelat toledan du IVe s.) (cf. ib.; XXXVII,
306 : PATRUNEL NL, et aj. pour Patrunus Sehuehardt, Voe.,
Ill, p. 105), XXXIV, 430 (874) : NUNNUS (aj. ib., 451 (945) :
NUNNIZ). Dans les documents leonais des Xe et XIe siecles etu-
dies par M. Menendez-Pidal, Ortgenes, territörium est frequem-
ment rendu par -urium : TERREDURIO(932) eto., qui pourrait
etre phonetique, puisque le cast. mod. -dero vient d'un plus
ancien -duero pour *-duiro, 1Jfanual, § 14, 2, d. Comme la forme :
medievale en leonais est -doiro, il y aurait done reellement eu
iei d'abord fermeture de ö (sous l'aetion du yod suivant 1) 1,
suivi d'un retour a°
en leonais. Il ne peut bien entendu etre
1 Vie t. u r i a IRC, 527 (VIe 8.) • peut titre un cas d'Umlaut gcrmanlque ,
(Carnoy).
70 GUY DE POERCK
(x) Germanie :
(chartes et diplömes :) Neugart. Ood. dipl. Alem., x, XII (744) : PUMI·
FERIS, XLVII (769) : OCTUB., LI (772) : PATRUNIS, LXVI (776) : NEBUTES
(= nepötes), LXXII (779) : PUMIFERIS. - (mss. Iitteraires :) Gloss. Sangall.
(VIle B.), ad. Graff, Ahd. Sprochsch, I, LXV sqq. : EX AMURS (= amÖTe),
GUBRUNES (= crabrOnes), GEBERUSUS.
* **
Il est bien evident que pour chacune des provinces du monde
romain une enquöte detaillee, qui pourrait ötre conduite sur les
principes qui nous ont guide dans l'interpretation des graphies
gallo-romanes, est hautement souhaitable. Pour chaque mot
verse au debat, il faudra tenir compte de sa date, de son entou-
rage phonetique, de la nature du document qui l'a fourni, sans
oublier d'examiner comment sont traites, dans le meme docu-
ment, les deux voyelles qui, au terme de leur evolution, se con-
fondront avec ~ et 6, a savoir les voyelles toniques i et u. Il y a
la un vaste programme de recherehes a faire, dont to us les mate-
riaux n'ont pas encore eM mis en chantier. Nous devons nous
bomer a en souligner I'interet, sans pouvoir songer nous-meme
a en entreprendre la realisation. Ceci dit, nous croyons eepen-
dant que nous n'avions pas le droit d'ignorer les materiaux,
incomplets eertes, qu'un monumental repertoire comme celui
de Schuchardt, ou qu'une probe monographie comme celle de
DIPHTONGAISON ET PAL..O\TALISATION 71
a) Sort de ~.
Dans la peninsule italique, deux centres historiquement im-
portants, dont les liens linguistiques ont eM bien mis en valeur
par 1\1. G. Rohlfs 1, se signalent immediatement a l'attention
par la fröquence de leurs graphies i pour ~. 11s'agit de Ravenne
et de Rome. Peut-ötre l'abondance des materiaux est-elle pour
quelque chose dans cette impression. En tout cas, il ne nous
paralt pas douteux que ces notations sont phonetiques, que ~
est devenu commeen Gaule un veritable i2• Le glissementphone-
tique decrit par Terentianus Maurus des le HIe siecle a pleine-
ment abouti. Dans le nord de la peninsule, les indications nettes
ne manquent pas: minsis, havite, mais elles sont sans doute plus
fröquentes au sud : /ilix, Ostinsium, minsis, lictor, duodinos,
stilla, querilla, parlent clairement en faveur de notre these. Dans
la peninsule iberique les temoignages ne semblent pas tres nom-
breux. Avant d'en tirer des conclusions, on voudra bien tenir
compte du fait que le latin d'Espagne avait maintenu un haut
degre de correction orthographique en pleine periode d'occu-
pation wisigotique 2. A priori nous ne devons pas nous attendre
a une cueillette tres abondante. Les quelques (c lapsus e qui ont
pu echapper aux lapicides n'en prennent que plus de valeur,
Pendant une premiere periode, qui correspond en gros aux
inscriptions paiennes, i pour ~ manque oompletement, mais
1\1. Carnoy a pu signaler quelques cas d'ouverture de t. Avec les
b) Sort de a.
Les descriptions des grammamens latins ne laissent encore
deviner aucune ten dance a la fermeture. Celle-ci est cependant
nettement attestee dans les principales provinces du monde
romain (toujours avec un doute pour la peninsule iberique), En
Italie, d'abord, la notation u pour aest particulierement fre-
quente dans les papyrus ravennates et dans les inscriptions ro-
maines, la a partir du milieu du VIe siecle, ici des la fin du
IVe siecle, Au nord du futur « Patrimonium Petri I), on notera
l'abondance et la nettete de la möme graphie : u pour a paralt
memo ici plus general que i pour e, en particulier dans l'Edictus
Rothari, dont le principal ms. (un Sangallensis) est du VIle siecle.
Par contre, dans le sud de l'Italie, nous nous trouvons plutöt
devant un phenomena de fermeture conditionnee, ou parait jouer
une nasale suivante (Deusduna), mais surtout r. Dans la penin-
sule iberique, octuber se rencontre des 119, et puis encore en 642
et en 965; aj. vuto, Muses et tutos (932). Nombre reduit des
exemples, done, tout eomme pour i de i, mais qui s'explique
peut-etre toujours par un niveau relativement eleve de l'instrue-
tion. Cependant, devant n ou r, il y a des indications plus nettes,
d'abord les NP Patrumus et Nunnus, puis, beau coup plus tard,
terreturium, curies, Urbieus, patrunus. Regne-t-tl ici les mömes
conditions que dans le sud de I'Italie l
En Grande-Bretagne.ji parait avoir eu, au moment des em-
prunts, un timbre tres ferme, Mais par un etrange paradoxe, n
DIPHTONGAISON ET PALATALISATION 73
* **
1 Nous n'avons pas traite SOUS I du sort des voyelles ouvertes dans le latin mero-
vingien. Disons simplement qu'un examen attentif ne nous a permis de retenir auoun
cas probable de diphtongaison epontanee de Il et 0 brefs sous l'accent.
I Nous developperons aiJIeurs lea raisons qui nous ont conduit B interpreter comme
nous le faisons le tanil et le p0i8 des Serments.
I Voir infra pages 76-77.
, Lud her est interessant. Il a comme correspondant dans la version allemande
(m i t) Lu <d) her e n. Si un mot venait en ligne droite de l'autre (germ. Ludhl!ri >
. afr. Ludher), it n'y aurait 16 qu'un exemple de plus, et une confirmation, de la non.
74 GUY DE POERCK
***
L'etat phonetique dont nous venons de decrire un des aspects,
a la lumiere des Serments, constitue l'aboutissement, tout mo-
mentane d'ailleurs, d'une evolution qui se trouve en germe dans
le latin imperial, et dont les premieres manifestations n'ont pas
eohappe a l'oreille des grammairiens du lIIe et du IVe sieele, it
savoir la fermeture de ~ et de 6. Indifferent en soi aussi long-
temps qu'il demeurera purement phonetique, ce deplacement do
point d'articulation sortira tous ses effets lorsqu'il se traduira
sur le plan phonologique. C'est chose faite le jour Oll it et US
1 On pourrait se demander si la plus ancienne litterature n'a pas garde des traces
de cet etat de choses. La Iaisse 78 de Roland reunit sur la mäme assonance: 10 des
mots en i: Munigre, sapide « sspiniere e (Godefroy ne connait que 8apine dans ce sens)';
20 des presents oll ·ienl peut altemer avee -eien' : baUenI, BUmeient, 8'alienl, haste'en' ;
30 des mots presentent le continuateur de il : 8'enveiBet, eateit, creiBtre, adeiBet, neire,
ceinle, vermeille (v. oreillea dans une laisse en i, la laisse 143), veie, ereir«; meie, meinen'
(le melange de ein aveo ei est suspect aux yeux de SUCHIER, Voyellea toniqueB, p. 119).
Mais en tout etat de cause, la presence des mots suivants demeure difficilement expli-
~able : 40 meignenl = manen'; 5~ deaerte < dealrtam (v. cependant leneatrea : veire <
tJeram Ch. d. Guillaume, v. 2302). La laisse 14 du Pelerinage de Charlemagne reunit
trois mots en i : pri, deapit, pletJi, avec quatre mots en ei (qui peuvent dono continuer
des il) : aveir, remaneir, '"it, 8ei. Pour cette raison, et aussi pour des considerations
d'ordre logique, H. SUCHIER.La zive laiBse du Voyage de Oharlemagne, dans L. Moym
Age, 1888, pp. 10 sqq., considere que toute la laisse, en meme temps que les vers 224-25
qui precedent immediatement, est interpoIee.
I L'evolution phonetique que nous venons de supposer (il > eil a des paralleles
dans d'autres langues. Sans avoir pousstl notre enquete de ce cote, nous 80mmes en
mesure de signaler un fait similaire pour le germanique : on comparere. lat. ptlum,
v. h. all. pji,l aveo all. m. Pfeil, nld. m. pijl [p@il], et v. h. a. blidi (m. h. a. blide), v. a.
blide aveo angl. m. blithe [blait], nld. m. blij(de). Ces diphtongues regressives appa-
raissent beaucoup plus tardivement qu'en gallo-roman, v. W. WILlIIANS, DeutBche
Grammatik, t. ra, § 219, 1 (aj. C. BATTISTl, Fonetica generale, Mila.n, 1938, p. 3'!6),
M. J. VAN DER MEER, HiBtoriBche Grammatik der NiederländiBchen Sprache, t. I, 1927,
§§ 52 et 56 et Bibi. § 25, K. LUICK, HiBtoriBche Grammatik der Englischen SpracM,
Leipzig, 1914-39, §§ 482, 571, I. Enfin on n'oubliera pas qu'une des 80urces de germ. ,
(all. m. eil est precistlment le 11latin : lat. metam > mnld. mile, nld. m. mijl [mcit].
~f. E. GAMILLSCHEG,Romania Germanica. t. I, p. 236.
Un cas parallele sensiblement plus ancien nous est fourni par le brittonique, Oil
correspond a i. e. ii devant voyelle : en v. gall. ai, en corn. oy, oe, aa, en bret. aa, oUa,
LEWIS.PEDERSEN, § 21, 2. On notere. I'aspect tres • fran9ais • de ces derniers conti.
nuateurs.
78 GUY DE POERCK
***
Phonologiquement, la diphtongaison de t2 s'explique parfaite-
ment. La fermeture de ~ en tz, si elle developpait tous ses effets,
devait aboutir a a
confondre i1et iz,bref simplifier outre mesure
une serie palatale deja. amputee d'une de ses voyelles par la
confusion de i avec i21• Etant deja. une voyelIe d'avant trea
fermee, i1 pouvait difficilement deplaeer son point d'articulation :
le reculer, c'etait se rapproeher de i , l'avancer, c'etait se dena-
2
1 Dans le Roland d'Oxford 01£ < aut, a cöte de 0, ne se lit qu'une fois, au v. 3670 :
BUrIes vv. 3004 et 3025 v. BEDIER, Comment., p. 232 et gI088., sub va.
I Dans Ies patois normands actuels cülum > [lü). On sait que ni la situation de la
voyelle par rapport a l'accent ni la structure de la syllabe (presence ou absence d'en-
travel ne jouent un role dans la palatalisation de "I. Notre explioation de oette pala-
talisation implique qu'en dehors de l'accent, et notamment a l'initiale protonique, ö et tl
lat. ont .IM rendus tres töt par [u). C'est ce qu'enseignent \V. MEYER-L()BKE, Gramm.
dulangue8 rom., t. I, § 353 et Hist. Gramm., t. I, § 110, C. H. GRAND GENT, Introduzione
allo 8tudio dellatino volgare, Milan, 1914, § 228, P. E. GUARNERIO, Fonologia romanza,
Milan, 1918, § 272, et E. BOURCIEZ, EUmenlB de linguistique romane, Paris, 1930', § 1620.
Sur oette fermeture, v. 8upra p. 43 n. 1. Les textes merovingiens meriteraient d'etre
BoUmis a UD nouvel examen.
80 GUY DE POERCK
1 C'est a tort, selon nous, que Herzog, § 20, voit dans [u1:] le continuateur d'une
diphtongue primitive ~~.
I D'une maniElre plus generale, il faudrait considerer [il] pour u1 comme importe,
partout ou u' est rendu par une diphtongue descendante, ou par une monophtongue
dont on a des raisons serieuses de croire qu'elle n'est pas importee, mais qu'elle con-
tinue une ancienne diphtongue du type 8usdit. Sur la repartition geographique des
continuateurs de u1 et de u' toniques, voir les theses de E. JACOBY, Zur Geschichte des
Wandela von lat. ü zu y im Galloromanischen, Dissert. Berlin, 1916, et P. MÜLLER, Zur
Geschichte de8 lat.freien und betonten ö (u) im Franzö8ischen, Dissert. Bonn, 1929.
DIPHTONGAISON ET PALATALISATION 83
* * *
Avant d'abandonner le domaine gallo-roman, nous voudrions
encore dire un mot des parlers proveneaus 2. La combinaison
la plus ancienne :
u [1] «ul) "'0 [1] «u2Iibre ou entravö),
it laquelle correspond aujourd'hui :
u [ü] '" ou [u],
repond tres exactement it celle que nous avons reconnue dans
les parlers francals occidentaux. Faut-il vraiment accorder it la
graphie 0 de l'a. provo dans amor, [lor, crotz, mon « mündum)
la valeur d'une voyelle de timbre 0 (füt-elle möme fermee), ou
y aurait-il Iä simple graphie archaisante pour distinguer le con-
tinuateur de u2 de celui de u11 Une autre hypothese se presente
aussi it l'esprit. La tendance it la fermeture de J lat. a pu se
manifester dans le midi beaucoup plus tardivement que dans
le nord de la Gaule, si bien que u2 n'y aurait eM atteint qu'au
XIIe siecle par exemple, et que la palatalisation de ul qui en
est·une consequence, n'aurait commence it se faire sentir qu'au
siecle suivant, V. pour les datations J. Ronjat, Grammaire ieio-
rique des pariere proveru;aux modernes, t. I, Montpellier, 1930,
pp. 128 et 143. Cette explication a centre elle que des les plus
anciens textes la confusion paralt realisee des continuateurs de ö
et de ü lat., ce qui implique des ce moment une fermeture com-
plete de ö.
1 Ö, tl ton. lat. entravee sont done devenus u', puis afr. (l, puis redevenus [u],
I lei i', dissimil6 par rapport e. i1, s'ouvre et passe e. [el, comme en toscan. L'acoent
d'intensitAI apparait ici vierge de toute influence germanique, eomme il est normal.
a M. Louis l\[ourin, agrege de l'enseignement superieur attache e. notre Faoultö, a
bien voulu se charger pour nous du contröle des exemples produits par Guarnerio.
, Dans le Surmeir (Sutsea et Surses}, les conditions primitives sont aujourd'hui
GUY DE POERCK
84
masquees par des developpements secondaires. Bur lesquels nous manquons de la pre.
paration necessaire pour nous prononcer, v. M. GRIseR, Die 1.Iundart von Surmeir
(Ober. und Unterhalbstein). 1939, et, pour un examen plus rapide, les donnees du § 200
de GARTNER,Q. C., pour les pointoJ Cl (CastijTiefenksstel) et f (SavogninjSchweiningen).
DIPHTOXGAISON ET PALATALISATION 85
* **
Nous ne dirons rien de ei < i2[ : tout
le domaine rheto-roman
connait, ou a connu jadis, cette diphtongue, qui s'explique de
la möme facon que le ei des parlers d'oll ; i2], bien entendu,
passe a [~].
Voir P. E. Guamerio, o. c., §§ 141, 150.
* **
L'etape intermediaire i1 =F i2 et ü1 =F .fi_2, que nous avons
posee a la base de toute l'evolution ulterieure du gallo-, du
britto- et du rheto-roman, constitue aussi le meilleur point de
depart pour rendre compte de I'etat du vocalisme dans le NORD
DE L'ITALIE. Hypothese necessaire, elle n'est cependant pas suffi-
sante, car, pas plus que dans l'est du domaine d'oll, il n'est
possible de se passer de I'hypothese d'un accent d'intensite plus
ou moins intense. A en juger par ses effets, cet accent, auquel
nous attribuerons l'allongement de la voyelle tonique libre,
aurait eM particulierement intense dans tout l'ouest, en Piemont,
en Lombardie, en Ligurie, mais il se manifeste aussi en direction
du sud-est, en borduredesApennins, vers l'Emilie et la Romagne.
Dans I'est (Ferrare, Verone, Trente, etc.) et dans le sud (Tos-
cane, etc.), par contre, ce me me accent d'intensite, qui dans
tout le monde roman a remplaoe, sous I'Empire, l'ancien accent
musical, ne parait jouer aucun role appreciable. A ce point de
vue, les regions que nous avons nommees en dernier lieu vont de
pair avec le midi et l'ouest de la Gaule. On echappe difficilement a
I'impression que le renforcement, sinon l'exageration, de l'accent
d'intensite doit etre mis sur le compte des Lombards, qui enva-
hissent l'Italie en 568, et y exercent au point de vue phonetique
la möme action troublante que les Francs dans le nord de la
Gaule. Le parallelisme a eM bien mis en Iumiere par M. W. von
Wartburg, Die Ausgliederung der Romanischen Sprachräume,
Berne, 1950, pp. 144-461•
1 Cet auteur note, e. propos de le. differenciation entre toniques Iibres et entravees I
• Man vergleiche die maximale Grenze der Differenzierung von gedecktem und freiem
Vokal und die Grenze des langobardischen Königreichs im 7. Jahrh., soweit dieselbe
festgestellt werden kann, miteinander. Wenn man festhält, wie ähnlich ihr Verlauf
ist, wird man die hier vertretene Auffassung von einem kausalen Zusammenhang
zwischen langobardischer Siedlung und Vokaldifferenzierung, ähnlich wie wir es für
die Franken im Galloromanischen gesehen haben, nicht als zu kühn ansehen t, o, C.,
p. 146, et p. 144 : • Ähnlich hat ja im östlichen Oberitalien der Einfluss Venedigs die
alten Sprachverhältnisse weithin verschüttet, weswegen jetzt dort eine Mundart er-
scheint, die nicht stärker differenziert als die Toskana .•
DIPHTONGAISON ET PALATALISATION 87
* **
Dans l'aire qui a echappe it l'influence allongeante de l'accent
d'intensite du lombard, et oü, par consequent, les toniques mömes
libres ne sont jamais tres longues, et cela tant dans l'est que
dans le sud, [i] repond aujourd'hui a P, et [~] it lat. e, i (> il).
On pourrait croire qu'ici c'est simplement i qui s'est ouvert et
a
confondu date tres ancienne avec ~, eonformement la theorie a
traditionnelle, si l'istrien (particulierement tel qu'il est parle a
Dignano et it Rovigno) n'etait la avec ses [i], continuateurs it la
.fois de i1 et de i2 (aussi en syllabe entravee), pour nous suggerer
que toute la Venetie, it un moment donne, a dü oonnaitre le
couple i1 ,..., i2• C'est grace a un heureux accident, le nivellement
ulterieur des deux voyelles (3. la peripherie comme en britto-
roman), que nous a ete conserves une image döformee, mais
neanmoins suggestive, de la situation ancienne. En venitien, et
aussi en toscan, ce nivellement a pu etre evite par l'ouverture
en [~] de i2• Les parlers en question se sont done comportes
comme les parlers d'oc : ici c'est toute la voyelle libre qui passe
it [~], et non seulement la partle initiale. Encore une fois, le midi
de la France parait n'avoir pas subi l'action de l'accent d'inten-
site germanique 1.
1 On trouvera le detail des faits dans G. ROHLFS, Historisehe Grammatik der Ltalie-
nischen Sprache und ihrer lIfundarten, t. I, Lautlehre, Berne (1949), pa8sim. L'Inter-
pretation et la presentation de ces faits nous sont personnels. Voir aussi W. VON 'VAST.
BURG, O. C., pp. 45·48 et la carte 5 pour lat. d. pp. 127·31 et la carte 16 pour lat. i.
pp. 131.32 et la carte 17 pour Iat; &. Une discussion du detail des faits et de leur inter.
88 GUY DE POERCK
***
L'histoire des voyelles velaires est pour l'essentiel curieuse-
ment parallele it celle des voyel1es palatales. L'istrien, ce pre-
cieux temoin peripherique des situations anciennes dans le nord-
est, confond ül et '!i2 exactement comme ill'avait fait pour Ies
deux i. C'est dire que dans la plaine venete les deux u avaient
a un moment donne eoexiste. lls ne cesserent d'ailleurs d'y etre
tenus distincts : ül conserva son point d'articulation, et ü2 s'y
ouvrit par dissimilation en [9]. Et de möme en Toscane.
pretation n'a de sens que s'il y a accord prealable sur le point de depart pan-roman de
l'evolution phonetique, ce qui n'est pas le cas.
1 Le c initial ne joue ici aucun röle dans la fermeture de e long tonique.
DIPHTO~GAISO~ ET PALATALISATION 89
* * *
Toute l'Italie centrale et centro-meridionale s'accorde a dis-
tinguer les deux i et les deux u du latin de basse epoque, et cela
selon les mömes processus phonetiques que le toscan et le veni-
tien. En d'autres mots i1 et ül conservent leur point d'articu-
lation, foreant iz et -fi,2 a s'ouvrir. Seul l'extröme sud de la
peninsule, et la Sicile, n'ont pas pu operer le redressement qui
s'imposait : comme le britto-roman, et l'istrien, ils ont tout
simplement confondu leurs deux i et leurs deux u. Ce n'est
peut-etre pas pur hasard que trois regions peripheriques se ren-
contrent dans une me me faillite phonologique.
* **
En resume, le latin a connu successivement trois systemes de
voyelles toniques :
1. Le systeme « classique -
i+i ü+ii
90 GUY DE POERCK
ö
ä
C'est un systeme essentiellement instable et transitoire, oü
seul i1 occupe une position solide. Aussi aboutit-il rapidement
dans certaines aires peripheriques it une simplification par con-
fusion:
i u
e o
a
Mais c'est une solution de desespoir, a laquelle on prefere
presque toujours la suivante : i2 s'ouvre, et passe ainsi soit it $l,
soit a ei (oi... ) si la syllabe tonique est libre et si l'accent d'inten-
site est fort. Dans la serie velaire, il y avait le choix entre deux
methodes : la preeedente, d'oü 9, ou vu (eu .•. ), et la palatalisation
de üt, auquel cas '112 restait inchenge.
Conclusion