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Mahé Jean-Pierre. Le mythe d’Ištar dans l’oralité caucasienne. In: Comptes rendus des séances de l'Académie des
Inscriptions et Belles-Lettres, 152e année, N. 1, 2008. pp. 215-230;
doi : https://doi.org/10.3406/crai.2008.92117
https://www.persee.fr/doc/crai_0065-0536_2008_num_152_1_92117
1. Cette conception suppose une certaine connaissance de l’Asie, en principe vérifiée par les
campagnes d’Alexandre, mais qui ne s’est clairement imposée qu’après les campagnes de Pompée.
Dans la représentation archaïque des géographes grecs, le Caucase n’est pas une barrière, mais une
extrémité proche de l’Océan qui entoure les terres ; cf. Mahé 2009, p. 180-181.
2. Cf. Aleksidzé 2000.
3. Présentation générale dans Byhan 1936, p. 19-31 (carte p. 24-25) ; cf. Creissels 1977, p. 15-17
(mais l’auteur ne fait pas la distinction indispensable entre les langues « caucasiques », c’est-à-dire
proprement autochtones, et les langues « caucasiennes », c’est-à-dire parlées dans le Caucase, quelle
que soit leur origine). Pour la description des langues, l’ancien manuel de Dirr 1928 est aujourd’hui
remplacé par l’ouvrage collectif en quatre volumes, The Indigenous Languages of the Caucasus.
4. Cf. Burney, Lang 1971.
11. Texte géorgien chez Q’auxčišvili 1955, t. 1, p. 37-43 ; traduction française par Tamarati
1910, p. 120-124 ; cf. Charachidzé 1968, p. 560-562.
12. Contrairement à l’opinion de Tarchnišvili 1955, p. 91-94, et de Toumanoff 1963, p. 24 (cf.
Rapp 2003), nous maintenons (avec Lang 1966, p. 158-159) la datation traditionnelle de ce chroni-
queur au XIe siècle (et non pas au VIIIe-IXe s.) et nous l’identifions à l’auteur de l’inscription de 1066
découverte dans les grottes de Trexvi.
13. 955-1028 ; cf. Lang 1956, p. 154-165.
14. Cf. Tarchnišvili 1955, p. 135.
15. Titre consacré, qu’il partage avec son frère Simon Pierre, d’après le récit de la vocation des
Apôtres (Mt 4, 18 ; Mc 1, 16).
16. Discutant en 1055 avec le patriarche Théodose III d’Antioche, Giorgi Mtac’mindeli
(Georges l’Athonite) invoqua l’apostolat d’André en faveur de l’autocéphalie de l’Église géorgienne
(Lang 1956, p. 167) ; cf. Martin-Hisard 1993, p. 583.
17. Lc 7,11-17.
18. Lc 8,54.
19. Lc 7,14.
20. Cf. Charachidzé 1968, p. 559, 562.
21. Plus prosaïquement, le même mot s’emploie aussi au sens de « condoléances ».
22. Cité par Charachidzé 1968, p. 562. Le texte d’Orbeliani est édité par Abuladze 1991, t. 1,
p. 542.
23. Ct 4,9 ; mdzivi traduit ici le grec enthema « ornement » (LSJ, p. 566a).
dans un rêve »47. Ce n’est pas l’existence de Samdzivari qui est illu-
soire, ni le commerce du kadag avec elle, mais uniquement la forme
qu’elle prend d’une femme mortelle, alors qu’elle appartient en fait
au monde divin. En cela, elle rejoint la déesse Ištar, qui n’est pas de
même essence que ses amants humains, bien qu’elle puisse agir sous
le masque de Šamiram.
Ces parallèles éclairent l’identité véritable de Samdzivari, reine
du Samcxe, qui vient à la rencontre de l’apôtre du Christ. Si son nom
de Samdzivari n’était pas aussi chargé de réminiscences mythologi-
ques, on aurait tout lieu de croire, avec la naïve candeur d’André,
que le très jeune homme dont elle pleure la mort, est réellement son
fils. Mais comme elle est homonyme d’une divinité féminine insa-
tiable, connue pour ses multiples relations amoureuses, notamment
avec des adolescents qu’elle ramène parfois de l’autre monde pour
mieux assouvir ses désirs, on peut se demander si le jeune mort et sa
prétendue mère ne reflètent pas ici le mythe d’Ištar et de Tammuz,
ou de Šamiram et d’Ara.
Ainsi, l’épisode central de ces actes apocryphes représente
l’ultime avatar d’une légende païenne d’origine mésopotamienne,
particulièrement vivace dans le Caucase. Le seul intérêt historique
du texte est d’inventorier les églises et les icônes de Géorgie occi-
dentale qui se présentent, aux IXe-Xe siècles, comme les témoins les
plus anciens de la christianisation du pays. Pour revenir sur les traces
de l’apôtre et découvrir les lieux où l’on disait qu’il avait déposé
l’image miraculeuse, il nous resterait à confronter la légende avec
les vestiges environnants48. Jusqu’à nos jours subsistent à Ac’q’ur
les ruines de la grande église des Xe-XIe siècles, remaniée aux XIIIe-
XIVe et ruinée par les Ottomans. Bien qu’elle soit dédiée à la Mère de
Dieu, ce n’est pas celle que notre apocryphe nomme Dzveli ek’lesia
(« la vieille église »), bâtie sur l’emplacement du temple des idoles.
Celle-ci doit être le sanctuaire érigé par l’empereur Héraclius vers
630, qui servait encore de cathédrale aux VIIIe-IXe siècles. Notre texte
reflète une tradition légèrement plus tardive, puisqu’il sous-entend
qu’il y avait sur place une église plus récente. La demeure de la reine
Samdzivari se situe probablement dans la forteresse, toute proche,
des Xe-XIIIe siècles.
La mémoire des lieux nous a fait passer sans transition d’un
mythe mésopotamien au milieu chrétien de la Géorgie médiévale.