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Jeudi 26 mai 2011 Le journal des ressources humaines Cahier trimestriel

ECOLES D’INGENIEURS

Le grand chantier Le moule ne fonctionne plus. Au coeur du problème, l’innovation


Ils furent les piliers créatifs de l’indus- des idées au cours d’un processus créa-
trie française. Etudes prestigieuses, tif collaboratif. Alors, après la gigan-
carrières époustouflantes, le siècle tesque réforme des universités, reste à
passé en a quasiment fait les héros de entreprendre l’ambitieux chantier des
l’économie moderne. En avance sur grandes écoles d’ingénieurs. Ces insti-
leur temps. C’était hier. Le monde a tutions traditionnelles vont certaine-
changé, la globalisation s’est imposée, ment devoir réformer leurs program-
la donne s’est brutalement inversée. mes, leur mode de recrutement –
Comme les exigences de ladite écono- actuellement 88 % de garçons dans
mie qui aspire toujours à la modernité. certaines promotions – et leurs cursus
Ils seraient plutôt en retard avec un afin de relever ce rude défi : mettre
appareil balkanisé : les bataillons trop l’innovation au cœur de leur formation.
nombreux d’écoles, leur hyper-sélec-
tion exclusive par les maths, le manque Par Patrick Arnoux
de recherche et le peu de formation des Ariane, le nucléaire, le Minitel, Concorde, le
cursus à l’innovation, enfin les défi- viaduc de Millau, le TGV... L’énumèration à
ciences criantes en soft skills “plom- la Prévert rend un bel hommage à un génie
bent” le modèle français, comme vien- français, celui des ingénieurs formidable-
nent de le souligner un certain nombre ment formés à la réalisation de vastes projets,
de reproches. Que font nos ingénieurs ? champions du colbertisme high-tech cher à
La nature du métier en fait des acteurs Elie Cohen, rompus à “l’économie de l’arse-
centraux de l’innovation, formés pour nal”, lorsque l’Etat était l’omnipotent maître
innover, développer et mettre en œuvre Après la gigantesque réforme des universités, l’ambitieux chantier des grandes écoles d’ingénieurs. d’oeuvre de leurs défis... Suite p.2

PIERRE VELTZ, Enseignants-chercheurs et enseignants-praticiens


pdt de Paris-Saclay
Savoirs, savoir-faire et faire-savoir
L’interaction entre création de connaissances théoriques et apports managériaux
Enseignants-chercheurs et professionnels issus nique et d’informatique). En 2009-2010, 93 000 mondiale grâce à la qualité de sa formation
du monde de l’entreprise transmettent leurs sa- enseignants se répartissaient en trois catégo- continue –, l’Essec, EM Lyon, l’ESCP ou l’Edhec
voirs au sein des grandes écoles. La théorie se ries : les enseignants-chercheurs et assimilés, les rivalisent avec les grandes écoles du monde en-
mêle à la pratique. Mais le vieux cliché qui veut enseignants du second degré et les enseignants tier de par l’excellence et l’exigence de leurs
“La France est le seul pays que les uns s’adonnent à la théorie pendant que non permanents, selon la typologie du ministère programmes. Certains des cours dispensés dans
où les entreprises considèrent les autres dispensent la pratique est tombé en dés- de l’Enseignement supérieur et de la Recher- ces écoles sont exclusivement enseignés en an-
uétude. Les chercheurs ont depuis longtemps un che. Au sein des grandes écoles, 60 à 70 % des glais.“Nous proposons une vingtaine de program-
qu’un diplôme d’ingénieur pied dans l’entreprise et les professionnels sont enseignants sont essentiellement des ensei- mes pour 3 000 étudiants, dont plus de 30 % d’entre
vaut plus qu’un doctorat” devenus des professeurs aguerris. Les exigences gnants-chercheurs et des professeurs perma- eux viennent de l’étranger. Il est donc indispensa-
des étudiants d’aujourd’hui n’y sont peut-être pas nents, et 30 à 40 % représentent les professeurs ble de dispenser des cours voire des programmes
Pôle mondial dominant dans les années étrangères. issus du monde de l’entreprise qui ont choisi de complets en anglais”, explique Patrick Houdayer,
2020 ? Le défi de Paris-Saclay décrypté “Un cours sur Edison, c’est bien. Mais si une entre- transmettre leurs connaissances professionnel- directeur général délégué d’EM Lyon Business
par son responsable prise expose une problématique bien concrète, c’est les et de donner de leur temps aux jeunes étu- School. Les étudiants étrangers qui viennent s’i-
extraordinaire”, affirme Eric Parlebas, président diants des masters et mastères spécialisés. Les nitier à l’excellence française sont américains,
L’interlocuteur est courtois mais résolu. On de la CGE (Conférence des grandes écoles) et grandes écoles françaises de commerce et de indiens, issus du Proche-Orient, de l’Asie ou
sent, dans ses propos, la volonté de réussir directeur de l’Efrei (Ecole française d’électro- management comme HEC – classée première d’Europe de l’Est... Lire p.15
un ensemble assez extraordinaire, l’un des
chantiers les plus vastes de la république
dont la visibilité est pourtant fort médiocre,
compte tenu de ses enjeux : le plus grand
campus d’Europe dont l’attractivité pour
MBA full-time et EXECUTIVE MBA part-time Partenariats écoles/entreprises
son formidable potentiel de recherche doit
séduire non seulement les étudiants
français et étrangers mais aussi les Rupture et continuité Intérêts bien compris
entreprises. Cet aménageur sait bien qu’il Un choix pour l’intéressé, une négociation pour l’entreprise Emploi, enseignement, recherche, des liens toujours plus forts
faut se battre pour les infrastructures,
initier des rapprochements d’institutions L’offre de MBA s’étoffe chaque professionnelle et apprentissage. Les diplômes délivrés par les écoles Selon une étude de la Conférence
jalouses... Lire p.4 jour tant sur la forme que sur le C’est de la prestigieuse université d’ingénieurs assurent à leurs élèves des directeurs des écoles françaises
fond. Toutes les écoles de com- d’Harvard qu’est né le premier de trouver rapidement un travail à d’ingénieurs (CDEFI), les forma-
merce proposent des MBA en “full MBA – le Master’s degree in Busi- un bon niveau de salaire. Mais les tions menant au titre d’ingénieur ne
Quelques chiffres révélateurs time” et, depuis peu, également en ness Administration –, rebaptisé le écoles ne se reposent pas pour au- cessent de croître. Le nombre d’élè-
27 600 ingénieurs diplômés en 2008 par 220 écoles “part time” généralistes ou spé- Master of Business Administra- tant sur leurs lauriers car elles s’ef- ves ingénieurs a doublé en 20 ans,
dont, cialisés ainsi que des EMBA. Si les tion, en abrégé MBA. Si l’intitulé forcent d’adapter, constamment, passant de 57 700 en 1990 à 122 000
66 écoles de l’Education nationale premiers sont souvent destinés à est universel, il regroupe des réali- leurs formations aux attentes des en 2010.Un dénominateur commun
56 écoles privées de véritables ruptures de carrières, tés, des modalités, des enseigne- entreprises. Il est désormais de- rassemble les formations délivrées
55 écoles internes à l’Université les seconds permettent des “re- ments et des durées bien mandé aux jeunes diplômés d’être par les 250 écoles d’ingénieurs fran-
naissances” au sein de l’entreprise, différents. A l’origine, aux Etats- conscients des problématiques so- çaises : l’habilitation de la Commis-
43 écoles des ministères techniques, dites indépendan-
tes. sous réserve d’avoir bien négocié Unis, le MBA était décerné après ciales et environnementales, orien- sion des titres d’ingénieur (CTI). Ce
le pendant et l’après avec l’em- deux années d’études à temps tés clients et ouverts à contrôle donne aux élèves ingé-
Ce qui pose un problème de tutelles – elles relèvent de
ministères différents – et ne facilite donc pas les regrou- ployeur. Mais si ces formations plein, fondées sur la méthode des l’international. Les liens entre les nieurs l’assurance de recevoir un so-
pements et fusions. prestigieuses constituent un accé- cas interconnectés avec des tra- écoles d’ingénieurs et les entrepri- cle commun de connaissances et
41,3 % des effectifs sont passés par les classes prépara- lérateur de carrière indéniable, el- vaux de groupe. Dernièrement, la ses ne cessent de se resserrer à tra- reste un gage de qualité et de sé-
toires. les peuvent aussi être un véritable durée des études a été réduite à vers trois types de partenariats : rieux. Notamment à l’international.
(Source : Rapport de l’Institut Montaigne : “Adapter la sacerdoce, nécessitant une par- une année ou encore organisée à l’emploi, l’enseignement et la re- “Les ingénieurs français sont très de-
formation de nos ingénieurs à la mondialisation”.) faite maîtrise du jonglage entre vie temps partiel. Lirep.15 cherche. mandés à l’étranger”... Lirep.21

Le nouvel Economiste - Grandes Ecoles - Supplément au n°1568 - Du 26 mai au 2 juin 2011 - Hebdomadaire 1
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l’ayant mené après son diplôme devant par les grandes firmes françaises de di- 80 à 90 % d’entre elles proviennent de l’u-
les ordinateurs d’une banque afin de mension internationale comme les niversité.”
mouliner de la mathématique finan- meilleurs au monde pour leur capacité
cière. Au passage, ce titre d’ingénieur, d’adaptation et à diriger de grands pro- Frilosité et peur du risque
spécificité bien française, oblige à jets.”
quelques exercices sémantiques pour Recherche, création d’entreprise, in-
lui trouver son équivalent et ne brille Les chiffres parlent novation, derrière tous ces termes, un
guère par sa lisibilité. Comme le cons- d’eux-mêmes ressort semble avoir déserté ces
tate le patron de Centrale Nantes, Pa- brillantes institutions : le goût du
trick Chedmail : “Dans le monde, notre Déjà en 2003, une catastrophe avait risque ! “Le confort des écoles d’ingé-
diplôme d’ingénieur n’est souvent pas li- provoqué sidération puis un électro- nieurs qui offrent des voies quasiment
sible. Ce titre est perçu à l’étranger comme choc dans toutes les “fabriques” à in- toutes tracées dans les grandes entrepri-
l’équivalent pour nous des techniciens su- génieurs de l’Hexagone : ces moules à ses ne pousse pas à l’entrepreneuriat,
périeurs, alors que ce titre correspond plu- élites se retrouvaient relégués aux tré- perçu comme une alternative très risquée.
tot au master in engineering ou au fonds de l’Academic Ranking ofWorld Sans oublier l’innovation par l’entrepre-
master in technology.Mais bien souvent, Universities, classement mitonné par neuriat, socialement moins valorisée qu’à
on rencontre des professionnels ayant un quelques universitaires de Shanghaï. l’étranger, et nombre de freins – adminis-
doctorat, diplôme d’excellence reconnu à Certes les critiques ont fusé sur la mé- tratifs, culturels et financiers - à la mise
bac +8. La mondialisation et le reflux de thodologie, les critères retenus mais en œuvre des idées”, déplorent les trois
l’Etat ont balayé ce lustre traditionnel l’atteinte à l’image fut malgré tout suf- jeunes polytechniciens qui prennent le
d’une élite choyée.”Ce n’est guère l’avis fisante pour provoquer une rude prise risque, eux, d’instruire le procès de ces
SIPA

Valérie Pécresse, ministre de l’Enseignement supérieur, dans son dernier livre avec deYves Demay,directeur de l’Ensta Pa- de conscience. Cette fois-ci,encore plus moules prestigieux.Tandis que le PDG
Axel Kahn, Controverses : “Les grandes écoles fonctionnent d’abord sur le mimétisme. ritech : “Notre spécificité française n’est brutaux, les coups sont portés “en de l’éditeur de logiciel Ilog, Pierre Ha-
Il faut reproduire un certain mode de fonctionnement intellectuel” ren, pointe le changement de para-
La mondialisation place l’innovation à tous les étages digme :“Dans les grands projets, la prise

D
ans l’ADN de ces grandes qu’à l’intérieur. Ce décalage pose une de l’économie, dans toutes les fonctions de l’entreprise. de risque est collective : la pénalité ne re-
écoles prestigieuses, le question essentielle : sont-elles au- pose sur personne. Les grands projets
concept originel de l’Etat jourd’hui prêtes à préparer les plus
Quel est, théoriquement, l’homme de la situation ? consomment de l’innovation et diluent
napoléonien, soucieux de brillants esprits aux nouveaux défis ? L’ingénieur bien évidemment les responsabilités.” Dans son opus Faut-
former les cadres de l’armée et de l’in- Oubliés, les grands programmes ambi- pas un handicap mais un atout ! Certes interne” : ceux d’une agence officielle il sauver les grandes écoles, PierreVeltz,
dustrie du pays, a laissé une organisa- tieux au profit d’innovations décentra- notre cursus est particulier avec ses deux – l’Aeres - s’ajoutent à un think tank ré- PDG de Paris-Saclay, l’un des leurs
tion très structurante, un process de lisées et multiformes. Alors, où sont années de classes préparatoires auxquel- puté, l’Institut Montaigne, pour verte- donc, fait l’inventaire des atouts et fai-
formation passant par le rite initiatique aujourd’hui les concepteurs de Google, les s’ajoutent trois années dans une école, ment critiquer les grandes écoles blesses du french engineer, espèce exo-
soit 2 + 3, alors que les standards interna- d’ingénieurs. Le rapport de l’Agence tique, qui selon son expression “adore
Oubliés, les grands programmes ambitieux tionaux sont plutôt calés sur un cycle 3 + d’évaluation de la recherche et de l’en- la complication et déteste la complexité
au profit d’innovations décentralisées et multiformes 2.”De son côté,Benoît Legait,directeur seignement supérieur considère que le et dont le contexte de formation entretient
de la prestigieuse Ecole des mines, ré- modèle français, “pas toujours compris l’aversion au risque” (voir l’entretien
des prépas qui “formate” les jeunes Apple, Facebook, Microsoft et autres fute vertement ces accusations : “La à l’étranger”,repose sur “une formation page 4).
cervelles en laissant peu de place au géants high tech ? spécificité française se situe plutôt dans le par le stress”,accorde trop d’importance
développement de la créativité indivi- La mondialisation place l’innovation à caractère généraliste, moins spécialisé de aux mathématiques et à la physique au Pénurie à l’entrée...
duelle. tous les étages de l’économie, dans tou- ces formations. Loin de pénaliser nos élè- détriment du “coeur de la formation en et à la sortie...
tes les fonctions de l’entreprise. Quel ves, elles permettent au contraire une ingénierie”et de la spécialité, “quelque-
La nouvelle donne est, théoriquement, l’homme de la si- grande adaptabilité des ingénieurs à di- fois réduite au statut d’option, adaptée à Plus grave. Ce paradoxe en forme d’ac-
de la mondialisation tuation ? L’ingénieur bien évidemment vers métiers : énergie, transports, banque, la formation de certaines catégories d’in- cusation pour un système qui cumule-
mais il serait plutôt aux abonnés ab- chimie, BTP… Ces profils sont très appré- génieurs de haut niveau”,il ne couvre pas rait deux insatisfactions, en aval et en
Les temps ont tant changé, bien da- sents pour la création de nouvelles en- ciés des entreprises françaises et interna- tous les besoins. Effectivement, la glo- amont, de ces grandes écoles d’ingé-
vantage à l’extérieur des salles de cours treprises innovantes, le tapis doré tionales. Nos ingénieurs sont considérés balisation bouscule les modèles de for- nieurs, et frustrerait ainsi ses deux
mation des élites et la course effrénée clientèles.Il y aurait de 2 000 à 4 000 pla-
à l’innovation impose que la recherche ces restées vacantes à l’entrée des 220
Paradoxe fondamentale soit réellement au cœur écoles tandis qu’à la sortie, les indus-
de l’enseignement supérieur. Ce que triels se plaignent du manque de can-
Jean-Claude Pomerol, président de l’UPMC - Université Pierre et Marie Curie pointent trois jeunes anciens de Poly- didats. Pénurie alarmante pour
“Nous ne formons pas assez d’ingénieurs et les écoles ont du mal à se remplir” technique, Romain Bordier,Aloïs Kirch- Jean-Charles Pomerol, président de
ner et Jonathan Nussbaumer,dans leur l’UPMC - Université Pierre et Marie-
En France, “ingénieur” est un titre plus, la plupart des écoles n’ont pas dans les classes prépa, c’est pour- rapport : “Adapter la formation de nos Curie :“La France manque et va man-
délivré par des établissements de recherche de niveau national quoi certaines écoles recrutent en ingénieurs à la mondialisation” dont la quer d’ingénieurs” (voir l’encadré ci-
habilités par la CTI (Commission alors évidemment pas internatio- voie parallèle, plus de la moitié de recommandation essentielle tient à ces contre). Tandis que les candidates se
du titre d’ingénieur). A l’étranger, nal, ce qui induit un manque d’am- leurs effectifs des étudiants de quelques mots : “faire de l’innovation le font vraiment très rares dans ces salles
c’est plutôt un métier. Le titre nor- bition dans l’initiative des ingé- licence sur dossier. moteur principal de la formation d’ingé- de cours dédiées aux sciences dures - 12
mal à l’étranger est master en ingé- nieurs de haut niveau. C’est paradoxal, nous ne formons nieur”. Certes,mais le constat est cruel à 18 % selon la réputation, alors qu’el-
nierie et au-dessus, “docteur en IV. Le cursus des ingénieurs est pas assez d’ingénieurs et les écoles et l’ambition vaste compte tenu de la si- les sont quasiment à parité à la sortie du
ingénierie” (PhD). L’avantage du déséquilibré, trop de maths pour le ont du mal à se remplir pour deux tuation actuelle,déplorable.Seul un in- Bac S. “Trop peu de filles, c’est vrai. N’a-
titre à la française est qu’il garantit concours et pas assez d’ingénierie raisons, les prépas et le concours génieur français sur seize – 5 % d’entre voir que 20 % de jeunes femmes dans les
une place sociale. Comme de plus dans les trois premières années, forment un filtre social, donc rédui- eux – selon l’Agence pour la création classes préparatoires,dans les écoles et dans
la plupart des grandes écoles d’in- ainsi qu’un cursus théorique bien sent drastiquement le nombre de d’entreprises - va créer son entreprise la profession est devenu une préoccupation
génieurs recrutent avec des souvent faible une fois que l’on a jeunes qui pourraient postuler à la au cours de sa carrière. Et comme le re- nationale. Par souci d’équité, mais aussi
concours difficiles, cela conduit à intégré une école. A l’étranger c’est formation d’ingénieur. Ce serait lèvent les auteurs du rapport de l’Insti- parce que l’expérience montre que plus les
l’excellent niveau intellectuel des l’inverse, les premières années sont beaucoup plus ouvert aux jeunes tut Montaigne sur les ingénieurs, il se équipes sont proches de la parité, meilleu-
ingénieurs (ce niveau n’a pas pluridisciplinaires et comportent de tous milieux si se généralisaient
grand-chose à voir avec l’enseigne- de l’initiation à l’ingénierie, et les les formations en cinq ans de type Il se crée en France, proportionnellement,
ment qu’ils reçoivent dans les éco- deux dernières années, les sciences master d’ingénierie comme trois fois moins de start-up qu’aux Etats-Unis et deux fois
les). Cette qualité a accompagné et de l’ingénieur deviennent domi- l’UPMC vient de lancer. Cela per- moins de brevets sont déposés
facilité le développement écono- nantes à un très bon niveau. Une mettrait de déboucher plus naturel-
mique de la lement sur les étu- crée en France, proportionnellement, res sont leurs performances. Plusieurs in-
France, de la “La voie du concours difficile est bien pour donner un statut social, des doctorales et trois fois moins de start-up qu’au Etats- itiatives sont en cours...”,explique Julien
Libération aux elle devient un handicap pour former un nombre important nous mettrait ainsi Unis et deux fois moins de brevets sont Roitman, président des Ingénieurs et
années 80. d’ingénieurs qualifiés” dans les normes déposés. Le Massachussets Institute of Scientifiques de France. Et face à ces
Ce système mondiales. La Technology (MIT) dépose deux fois plus chaises vides, certains directeurs de
devient un handicap pour plusieurs bonne formation en cinq ans vaut seconde raison est le très grand de brevets que ParisTech, alors qu’il vous expliquer le mal qu’ils se donnent
raisons : bien le système “préparation au déséquilibre de genre, il y a de l’or- compte deux fois moins d’étudiants, pour remplir leur classe avec des étu-
I. Le statut social garanti des gran- concours + 3 ans d’école”, comme dre de 75 % de garçons dans les deux fois moins de chercheurs. Du côté diants étrangers.15 à 30 % des effectifs.
des écoles n’incite pas à aller se le démontrent tous les jours les études d’ingénieurs. Le biais cultu- de la recherche, la situation n’est guère Certes une preuve de diversité qui ne
salir les mains dans la production, INSA et les universités technolo- rel qui pousse les filles vers la santé plus reluisante.L’ingénieur français est va pas faire de mal sur des campus où
beaucoup d’anciens élèves préfè- giques, Compiègne en premier. et les sciences humaines diminue à la traîne : seuls 4 % d’entre eux réali- règne la“consanguinité sociale”: 90 %
rent des métiers plus en vue. Bien que ce soit nié par les grandes considérablement parmi les jeunes sent une thèse (15 % aux Etats-Unis). des étudiants des écoles d’ingénieurs
II. Le statut social à la sortie de l’é- écoles, la France manque et va embrassant les études d’ingénieurs. Et en guise d’analyse,Valérie Pécresse, les plus prestigieuses appartiennent
cole n’incite pas à continuer en manquer d’ingénieurs. Elle en Peut-être qu’une première année ministre de l’Enseignement supérieur, aux milieux les plus favorisés (70 % il y
thèse, si bien qu’il y a très peu d’in- forme 32 000 par an, dont 10 000 après le bac beaucoup plus pluri- dans son dernier livre avec Axel Kahn, a 50 ans).
génieurs-docteurs, ce qui devient dans les Polytech, écoles d’ingé- disciplinaire, avec une initiation Controverses, livre un diagnostic sans Ce à quoi répondent, en le déplorant,
un réel problème pour accéder à nieurs au sein des universités avec progressive à l’ingénierie, permet- fard : “Les grandes écoles fonctionnent d’a- les responsables de ces écoles : “Les
des responsabilités dans les grou- statut de semi-autonomie. Comme trait de faire évoluer les esprits. La bord sur le mimétisme. Il faut reproduire jeux sont faits bien avant nos concours
pes internationaux (seule excep- il y a des centaines de petites éco- voie du concours difficile est bien un certain mode de fonctionnement in- d’entrée !” Non seulement ces institu-
tion notable : l’ESPCI). les (le nombre d’étudiants en éco- pour donner un statut social, elle tellectuel. A l’université, l’étudiant doit tions doivent faire face à une crise de
III.Comme les ingénieurs ne font les privées d’ingénieurs a été multi- devient un handicap pour former trouver de nouvelles idées, changer d’ap- vocation (pour les disciplines scienti-
pas de thèses, ils n’ont pas de for- plié par 2,5 en vingt ans), cela un nombre important d’ingénieurs proche, renouveler le sujet.”Tandis que fiques à l’entrée) mais elles subissent
mation par la recherche, l’exposi- entraîne qu’il y a plus de places qualifiés, il vaut mieux recruter au son co-auteur,en scientifique,pointe les une hémorragie à leur sortie : “Un trop
tion à la recherche des ingénieurs dans les écoles d’ingénieurs (les niveau du bac et convaincre plus de faits : “Quand on regarde l’origine des re- grand nombre d’ingénieurs formés et di-
français est ainsi très faible car, en Polytech compris) que d’élèves filles d’y aller. cherches qui font le prestige de la France, plômés en France s’éloignent non seule-

2 Le nouvel Economiste - Grandes Ecoles - Supplément au n°1568 - Du 26 mai au 2 juin 2011 - Hebdomadaire
A la une
I. Des acteurs atomisés sur une pédagogie au plus proche des at- Editorial
En 2009, 27 600 ingénieurs sont sortis tentes de nos étudiants et des entreprises.
de 220 écoles. Soit 125 diplômés en En effet, la petite taille de nos promotions Grands corps malades
moyenne par école, alors qu’il en sort permet d’adapter nos programmes aux Plus qu’un signe,un symbole.De tout temps,les grandes entreprises du type France
500 d’HEC et de l’Essec. Pas étonnant attentes de demain des industriels dans Télécom, EDF,Total étaient présidées par des ingénieurs appartenant aux grands
que la formation de niveau master co- un délai très court. Nous sommes néan- corps les plus prestigieuxde l’Etat. Ils ont perdu ces territoires de choix, le premier
ûte en moyenne 65 000 euros, soit le moins conscients de la nécessité d’avoir étant dirigé aujourd’hui par un énarque, le deuxième par un HEC et le troisième
double d’un master à l’université (34 un minimum de masse critique pour un par un SupdeCo Paris ! A l’heure où justement, les critiques pleuvent dru sur ces
000). certain nombre de projets, notamment fabriques à élites, les grandes écoles d’ingénieurs où l’on se gaussait de ces “épi-
dans un contexte qui s’internationalise”, ciers” qui ne comprenaient rien à la virtuosité dans la résolution des intégrales.
II. Un standard de formation contesté répond Benoît Legait. Basculement radical.Le
Trop de maths, trop peu de sciences de rouleau compresseur de Le rouleau compresseur
l’ingénieur, le cursus traditionnel doit V. Un déficit impressionnant de soft skills la mondialisation n’a de la mondialisation n’a guère épargné
être adapté. L’enquête AERES cons- Si la plupart des grands chasseurs de guère épargné le mo-
tate que les Français consacrent têtes s’accordent sur les compétences dèle du french engineer, le modèle du “french engineer”
22 % de leur temps en spécialisations, technologiques de l’ingénieur français, valeureux artisan des
contre 47 % dans le système anglo- ils sont également unanimes sur “la fai- grands projets mais innovateur moins fécond que l’économie ne le souhaite. Sans
Claude Bébéar, président de l’institut saxon. blesse de leur capacité managériale et un doute la faute au dosage trop carencé en recherche de son cursus et à une bien trop
Montaigne : “Créativité et innovation, les déficit en soft skills”. Certains d’entre chiche propension à la prise de risque. L’industrie en pâtit. La lisibilité du titre à
grands oubliés de la formation des
III. L’innovation en panne eux du cabinet Egon Zehnder ont cons- l’international aussi. Dans ces prestigieuses institutions dis-
ingénieurs.”
C’est un polytechnicien, Claude Bé- taté que de nombreux ingénieurs, très tillant l’élite depuis des lustres, les remises en cause des tradi-
béar, qui “balance” : “Créativité et in- compétents, voient leur carrière sta- tions pédagogiques ne sont pas des exercices familiers. Pour les
ment du métier d’ingénieur stricto sensu novation, les grands oubliés de la gner du fait de leur incapacité à mana- aider, l’aiguillon de la réforme des universités qui devrait sus-
mais également des métiers de l’industrie formation des ingénieurs.” ger les équipes. Ce qui fait proposer citer quelques établissements d’excellence pourrait bien pro-
en leur préférant notamment la finance”, aux auteurs de ce rapport la mise en voquer regroupements et transformations.
déplore Henri Lachman, vice-prési- IV. Le malthusianisme place d’épreuves prenant en compte la Patrick Arnoux
dent de l’Institut Montaigne. Ce à quoi, de certaines écoles élitistes personnalité des candidats. Car la me-

Avis d’experts
sur le terrain, le patron de Centrale La régulation excessive de quelques sure des qualités humaines, filtre effi-
Nantes répond :“Nos élèves cherchent à établissements contribue à la pénurie cace à l’entrée du MIT, ne s’est pas
valoriser leur diplôme, donc à être légiti- de diplômés qui manquent à l’indus- encore imposée aux matheux de ce
mement bien payés, est-ce si choquant ? trie. “En 10 ans,les écoles d’ingénieurs ont côté-ci de l’Atlantique. Ensuite, dans le “Comment adapter les écoles d’ingénieurs
La situation de la grande industrie est de- augmenté leurs effectifs de plus de 25 %, cursus, il faudra développer ces soft à la nouvelle donne de la mondialisation ?”
venue moins séduisante, du point de vue passant de 13 037 places offertes en 2000 skills. Dernier trait culturel dénoncé
De nombreux ingénieurs, très compétents,
par Pierre Veltz, ce “contexte qui exa- Julien Roitman,
cerbe l’esprit de classement et fige les hié- président des Ingénieurs et Scientifiques de France
voient leur carrière stagner du fait de leur incapacité rarchies”dans un certain esprit de caste
à manager les équipes qui fossilise les élites. Alors, parmi les “Préserver la dynamique qui résulte de leur capacité
solutions : le développement, parallè- à se remettre en cause”
financier, que la finance.Et dans les PME, à 16 388 en 2010. Le phénomène inverse lement aux fourches caudines des pré-
le différentiel de salaires – moins 10 à s’est produit dans les universités françai- pas, impitoyables sur le niveau de L’adaptation à la nouvelle donne mon-
20 % - n’est pas un facteur d’attractivité.” ses. La limite à l’augmentation des effec- maths, des cursus alternatifs après le diale est en permanence la préoccupa-
Alors, le modèle classique de l’ingé- tifs est fixée par l’amont, les lycéens, à bac et filtrant sur d’autres critères afin tion des écoles d’ingénieurs :
nieur français est-il en danger ? Sans l’issue du baccalauréat, désireux de me- de ne pas se priver de jeunes doués et confrontées sans relâche aux entrepri-
doute si de vigoureuses transforma- ner des études scientifiques et techniques prometteurs pour les disciplines scien- ses, elles savent depuis toujours qu’el-
tions ne viennent pas l’adapter à la dans l’enseignement supérieur. La for- tifiques. Et l’industrie dans tout cela ? les doivent évoluer sous peine de
nouvelle donne. Il ne suffira pas de re- mation des ingénieurs nécessite de nom- Eh bien elle se délite : elle pesait pour disparaître. Le meilleur garant de leur
médier à l’inquiétante carence des breux travaux pratiques, des projets 22 % dans le PIB en 1998 contre 15 % avenir est donc à mes yeux de préserver
cours en anglais ! Parmi les symptô- encadrés... impliquant donc des petites aujourd’hui... et 30 % en Allemagne. la dynamique qui résulte de leur capa-
mes, cinq dysfonctionnements doivent promotions. Nous misons essentiellement cité à se remettre en cause. La mondia-
faire l’objet d’un vaste chantier : sur la qualité des enseignements et ainsi partick.arnoux@nouveleconomiste.fr lisation est déjà entrée dans les moeurs,
avec 50 % et bientôt 100 % des élèves
“Les écoles d’ingénieurs ont beaucoup
3 questions à de nombreuses écoles effectuant un à apprendre des universités pour ce qui
stage à l’international, avec 10 à 15 % concerne la recherche.”
Patrick Molle, directeur général de l’EMLyon d’élèves étrangers (ex : 80 étudiants chi-
“Idea, un petit “MIT” avec un focus très fort sur les sciences, l’ingénierie et le business, nois à Supélec) et le rayonnement (ex : confusion, et ce serait un leurre que de
Centrale Pékin), et il va falloir mainte- vouloir les réduire au plus grand com-
entrepreneuriat et innovation” nir, voire accélérer ce processus. mun dénominateur. La voie de l’avenir
Pourquoi créer cette nouvelle école ? Sciences Po Lyon, de l’ENS, de l’INSA, des gens des De même que les universités ont beau- est à mon sens l’ensemble de Saclay où
Nous sommes dans un processus de rapprochement sciences humaines, de toutes les disciplines pour aug- coup à gagner en se rapprochant des l’on verra bientôt sur le plateau du
stratégique avec Centrale, de cette alliance va naître menter des programmes véritablement intégrateurs. écoles pour faire l’apprentissage de Moulon un “Collège des Sciences de
une troisième école : Idea School (Innovation, Design, Elle part de la licence et ira jusqu’au doctorat, à terme l’entreprise, les écoles d’ingénieurs ont l’ingénieur” fort de plusieurs milliers
Entrepreneurship and Art). Un nouvel établissement avec une licence à vocation professionnelle. elles beaucoup à apprendre des uni- d’étudiants, partie intégrante mais
pluridisciplinaire avec un focus très fort sur les scien- versités pour ce qui concerne la re- autonome de l’Université de Paris Sud
ces, l’ingénierie et le business, entrepreneuriat et Quel est le profil des candidats visés ? cherche. Mais coopération n’est pas
innovation. Donc un petit “MIT”, qui laisse la place à Il nous faut aller chercher des parcours d’entrée diffé-
d’autres pour nous rejoindre demain. L’idée étant de rents, des gens qui ont des sensibilités artistiques, une
monter de toutes pièces une nouvelle école vraiment culture scientifique, qui viennent du littéraire et les
tournée vers l’innovation, elle-même extrêmement faire travailler tous ensemble demain. De cette diver-
Christian Lerminiau,
innovante. Il est sité va naître la président du CDEFI
parfois très diffici- richesse. Donc on
“Dans les années 60, il fallait être ingénieur. “Il faut injecter davantage d’ingénierie dans nos programmes”
le au sein de l’or- recrutera après le
ganisation existan- Dans les années 70, il fallait avoir fait du marketing. bac, y compris les La recherche est plus développée à l’u-
te, avec plus de Après, on a connu l’ère des financiers. Nous pensons que le leader bac pro. Et puis il y niversité que dans nos écoles mais cela
130 ans d’histoire, du futur doit être pluridisciplinaire” aura un master. s’explique aisément par la différence
de faire de l’inno- D’ailleurs, on le de moyens. Il faut savoir que les écoles
vation de rupture, d’implanter des nouveaux concepts lance dès septembre 2011 pour ouverture en septem- d’ingénieurs représentent 7 % des res-
pédagogiques, de nouvelles disciplines, etc. Donc nous bre 2012. Il y a un master qui vise à recruter au niveau sources financières consacrées aux la-
avons préféré créer de toutes pièces ce que l’on consi- Bachelor et un petit peu partout en France et à l’é- boratoires et aux chercheurs et les
dère comme la formation des leaders du futur. Dans tranger, et là aussi en respectant le même critère de universités en captent 93 %... Certes, il
les années 60, pour accéder à la présidence d’une diversité. Nous allons démarrer un master à 30 mais faut injecter davantage d’ingénierie
entreprise, il fallait être ingénieur. on va arriver sur des promotions de 250. dans nos programmes et il faut davan-
Dans les années 70 et début des années 80, il fallait tage réfléchir au dosage des maths
avoir fait du marketing. Après, on a connu l’ère des Selon quel concept ? après deux ans de classes préparatoi-
financiers. Nous pensons que le leader du futur doit Cette école a aussi vocation à introduire de l’innova- res. Durant les trois dernières années, “220 écoles, c’est vraiment beaucoup.
être pluridisciplinaire grâce à une approche beaucoup tion dans nos propres cursus dans les deux écoles : des il faut également s’assurer des ensei- Donc il faut mettre en œuvre des
plus complète qui lui permette d’intégrer, sur toutes cours de cette école seront accessibles aux étudiants gnements en physique. Parmi les ré- regroupements.”
les disciplines du management, les connaissances de l’école d’ingénieurs et à ceux de l’école de mana- formes à mettre en œuvre, il faut ouvrir
scientifiques dont on a besoin aujourd’hui ; d’avoir gement. Donc elle va être un pourvoyeur de cours les prépas sur le monde tel qu’il est. travaillant sur des chantiers ou des ate-
aussi un solide bagage en sciences humaines qui per- extrêmement pointus, originaux que l’on a du mal à 220 écoles, c’est vraiment beaucoup. liers en bleu de travail... Ce qui évi-
mette de comprendre les cultures du monde, de rela- produire dans nos propres cursus. Nous allons recruter Donc il faut mettre en œuvre des re- demment ne correspond en rien à la
tiviser, et qui comprenne mieux les systèmes éthiques. 25 nouveaux professeurs et vont aussi intervenir les groupements et entrer dans un cycle réalité. Cet imaginaire se forge dès l’é-
Enfin, un sens politique - et donc une formation en professeurs des deux écoles existantes, plus les pro- d’absorption/fusions tout en accélérant cole primaire. C’est donc cette percep-
science politique - qui soit le plus fin possible pour fesseurs des établissements partenaires. Dans le la montée en puissance des réseaux, tion qu’il faut transformer très tôt. Car
comprendre les gouvernances actuelles, les modes de dispositif d’Idea, il est prévu des laboratoires de tandis que certains ne veulent aug- il manque des ingénieurs à l’économie,
décision. recherche autour du design, de l’entrepreunariat, de menter leur vivier de peur de renoncer or nous pourrions facilement passer de
Idea School est une école travaillant sur tout cela, la créativité, du management et de la technologie. Il y ainsi à leur stratégie élitiste. 20 000 diplômés à 30 000 avec un ac-
donc sur la pluridisciplinarité. Copilotée par Centrale aura aussi des incubateurs. Dans l’imagerie classique, l’ingénieur croissement possible à 40 000.
et EML, elle va intégrer dans le dispositif des gens de est souvent perçu comme un spécialiste

Le nouvel Economiste - Grandes Ecoles - Supplément au n°1568 - Du 26 mai au 2 juin 2011 - Hebdomadaire 3
Vu d’en haut
Pierre Veltz,
président de l’établissement public de Paris-Saclay

“La France est le seul pays où les entreprises considèrent


qu’un diplôme d’ingénieur vaut plus qu’un doctorat”
Pôle mondial dominant dans les années 2020 ? Le défi de Paris-Saclay décrypté par son responsable
SIPA

“Face à ce potentiel extraordinaire en matière de recherches fondamentales et appliquées, les créations d’entreprises - et d’emplois - ne sont vraiment pas à la hauteur.”

Par Patrick Arnoux


L’interlocuteur est courtois mais résolu. On sent, dans ses propos, la volonté de univers complexe. “Il serait absurde de vouloir supprimer les prépas. Mais il pourrait
réussir un ensemble assez extraordinaire, l’un des chantiers les plus vastes de la y avoir en parallèle, y compris pour les écoles les plus prestigieuses, une voie d’entrée après
République dont la visibilité est pourtant fort médiocre, compte tenu de ses le bac, avec un collège de premier cycle (licence).” Polytechnicien mais sociologue,
enjeux : le plus grand campus d’Europe chercheur mais économiste, fortement
dont l’attractivité pour son formidable “Il serait absurde de supprimer les prépas. dosé en convictions sur le système
potentiel de recherche doit séduire non d’enseignement supérieur, et surtout
seulement les étudiants français et
Mais il pourrait y avoir, y compris pour les écoles sur les transformations dont il a besoin,
étrangers mais aussi les entreprises. Cet les plus prestigieuses, une voie d’entrée après le bac” Pierre Veltz a le sourire aimable des
aménageur sait bien qu’il faut se battre calmes qui avancent sans fracas ni
pour les infrastructures, initier des rapprochements d’institutions jalouses de leur gesticulations.Ce qui contribue sans nul doute à sa puissance d’entraînement pour
identité et marque traditionnelle. Bref, il lui faut faire bouger les lignes dans cet cette si vaste organisation, le cluster de Paris-Saclay.

L
e projet Paris-Saclay a différentes dimensions et ment sur le terrain parce qu’il est très étalé. Premier sujet : créer Les entreprises s’implantent aussi
concerne un espace géographique très grand, situé davantage de synergies auu sein du monde académique, puis avec S’ajoute bien sûr à ces mouvements d’institutions académiques,
entre les deux vallées de la Bièvre et de l’Yvette, le monde des entreprises. Il faut passer de la culture de la coe- le volet développement économique, avec l’arrivée d’un certain
vaste plateau encore agricole, vraiment très proche xistence à celle de la coopération. Deuxième grand constat, le dé- nombre d’entreprises, en particulier celle du centre de recher-
du centre de l’agglomération parisienne. Depuis les années 50, veloppement économique aval est relativement faible, et pas ches d’EDF, déplacant son centre de Clamart à Saclay. D’autres
ce dernier a été investi par des implantations de type enseigne- vraiment à la hauteur du potentiel scientifique. L’un des grands projets devraient contribuer à créer des pôles de recherche pro-
ment et recherche ne trouvant plus de place dans le cœur de Pa- problèmes de la France, voire de l’Europe, est que l’on a du mal à ches du volet Campus.
ris, ni même en première couronne. Cela a commencé par le CEA, passer du labo au marché. Face à ce potentiel extraordinaire en La grande caractéristique de Paris-Saclay : son spectre de disci-
l’université d’Orsay, le centre de biologie du CNRS à Gif, tout ceci matière de recherches fondamentales et appliquées, les créations plines extrêmement large. Il existe deux types de clusters, cer-
sous la houlette du professeur Joliot-Curie. Ensuite, vers la fin d’entreprises - et d’emplois - ne sont vraiment pas à la hauteur. tains très spécialisés, les autres plus généralistes. Ici le concept
des années 60, le site a connu une vague d’implantation d’écoles Enfin, troisième constat : le déficit d’aménagement et d’accessi- est vraiment différent : un spectre de disciplines unique en France
d’ingénieurs et d’écoles de management avec HEC, l’Ecole poly- bilité. La vallée est desservie par le RER B mais dès qu’on monte
technique, Supelec, etc. Sans oublier l’ouest du plateau avec la sur le plateau, le site n’est plus desservi par un transport en com- “La grande caractéristique de Paris-Saclay :
ville nouvelle de Saint-Quentin-en-Yvelines, où nous bénéficions mun. Sur la base de ces trois constats, faits par des gouvernements son spectre de disciplines extrêmement large”
d’un pôle composé à la fois d’habitats et d’entreprises très im- successifs, le projet de Paris-Saclay a tout de suite été identifié
par Christian Blanc et le président de la République comme un par son ouverture. A deux exceptions près, la médecine et les
“Il y a ici un potentiel considérable, des grands sujets de développement de l’Ile-de-France, ce qui a sciences humaines et sociales car ici, c’est quand même très
donné lieu à la création, dans la loi du Grand Paris, de l’établis- “sciences dures” : on connaît surtout Saclay par les maths, la phy-
mais avec des établissements qui incitaient sement public de Paris-Saclay. Ensuite, concomitamment, le Plan sique, les nanotechnologies, etc. Pourtant, ce qui monte actuel-
finalement très peu à la création Campus a aussi donné une impulsion forte dans la mesure où il a lement, ce sont aussi les orientations vers le pôle santé, médecine,
de synergies et aux pratiques de collaboration” incité les acteurs académiques à se regrouper, pour la première médicament, etc.
fois, au sein de la Fondation de coopération scientifique. Pour in-
portantes avec, par exemple le technocentre de Renault, 12 000 citer ces acteurs à travailler ensemble, le levier des ressources fi- Une gouvernance originale
salariés aujourd’hui, 15 000 bientôt. Pour compléter l’ensemble, nancières est un moyen puissant. Notre fonctionnement est sans doute compliqué à comprendre
de grandes zones d’activités, commeVélizy ou Courtaboeuf, cons- car nous travaillons en binôme avec la Fondation de coopération
tituent les principales zones d’activités franciliennes. Tout cela Le regroupement des écoles d’ingénieurs scientifique. Selon un partage des rôles : la fondation regroupe
représente un ensemble absolument majeur en matière d’en- Tout cela interfère avec l’évolution des écoles d’ingénieurs qui, les acteurs académiques du plateau. C’est donc elle qui a voca-
seignement supérieur et de recherche mais aussi de R&D et d’in- à juste titre, souhaitent se regrouper, ce qui indispensable pour tion à piloter le projet sur le plan scientifique. L’établissement
génierie privée avec des entreprises comme Dassault Systèmes, leur survie. D’où le projet d’implantation de l’Ecole centrale et public s’occupe de l’aménagement et du développement écono-
Thales, bref tout le Cac 40 de la technologie y est présent. Consé- de l’ENS Cachan qui se rapprochent de Supelec, de l’ENSTA, de mique. Nous travaillons étroitement ensemble. D’ailleurs notre
quence : il y a ici un potentiel considérable, mais avec des éta- l’ENSAE, d’Agro ParisTech, des Mines et de Télécoms qui vont gouvernance est croisée : je fais partie du conseil d’administra-
blissements qui incitaient finalement très peu à la création de se regrouper autour de l’Ecole polytechnique. Ces implantations tion de la fondation et son président fait partie de notre conseil
synergies et aux pratiques de collaboration. représentent non seulement une occasion unique de constituer d’administration ; concrètement on se voit quotidiennement pour
Les acteurs restaient chacun dans leur coin, les uns à côté des au- ces groupements d’écoles d’ingénieurs, indispensables à l’échelle porter des projets ensemble.
tres, travaillant vraiment très peu ensemble. Or le potentiel est internationale, mais surtout de les rapprocher de l’université Aujourd’hui, il faut vraiment “booster”, par tous les moyens, le
énorme ; à peu près 13 % du potentiel national du CNRS, soit plus qu’elles ont regardées en chien de faïence pendant des années. développement économique. Et cette attractivité pour les en-
que celui de la région Rhône-Alpes. Ce qui ne se voit pas forcé- Pour initier cette dynamique, il faut un fort volontarisme. treprises ne se résume pas à quelques start-up et labos ! C’est l’i-

4 Le nouvel Economiste - Grandes Ecoles - Supplément au n°1568 - Du 26 mai au 2 juin 2011 - Hebdomadaire
Le nouvel Economiste - Grandes Ecoles - Supplément au n°1568 - Du 26 mai au 2 juin 2011 - Hebdomadaire 5
Vu d’en haut
mage d’Epinal. Il faut aussi être capable d’accueillir des PME. un projet de déménagement s’il n’y a pas vraiment d’intérêt vi-
Accueillir des grands groupes est plus facile. Les sujets d’amé- tal ! Le modèle international est celui de grandes universités gé-
nagement et les sujets de fonds sont extrêmement liés. L’acces- néralistes avec des départements de sciences de base très forts
et des écoles d’ingénierie regroupant les diverses disciplines tech-
“La fondation a vocation nologiques. Paris-Saclay permet de construire quelque chose qui
à piloter le projet sur le plan scientifique. ressemble à ce modèle qui aujourd’hui est celui des institutions
les plus prestigieuses du monde. Avec des atouts particuliers. Par
L’établissement public s’occupe de l’aménagement exemple, la force des mathématiques.
et du développement économique”
Le désamour des disciplines scientifiques
sibilité est vraiment une question clé qui doit être réglée en Les jeunes Français, comme les jeunes Américains, les jeunes Bri-
priorité. tanniques, et même les jeunes Allemands montrent une certaine
désaffection par rapport aux sciences et aux technologies. Certes,
Une image en déficit de lisibilité aujourd’hui un ingénieur gagne beaucoup plus d’argent dans la fi-
Aujourd’hui nous sommes encore très clairement en déficit de li- nance que dans tout autre secteur.Les élèves des écoles d’ingénieurs
sibilité. On dit beaucoup de choses inexactes sur Saclay dans la ont massivement opté pour la finance. Cela a été assez destructeur.
presse. Il est vrai que nous communiquons mal. Pourtant, j’ai le On gagne plus d’argent en étant juriste ou commercial, qu’en étant
sentiment très clair d’une dynamique forte et positive.Très fran- ingénieur bac +8. Les jeunes font leurs calculs et les métiers de cher-
chement, quand je vois l’évolution des esprits, des pratiques sur cheurs, très mal payés en France, n’attirent pas comme ils devraient.

SIPA
ces trois dernières années, c’est assez spectaculaire. La France est le seul pays où les entreprises considèrent qu’un di-
“Pourquoi mettre autant d’énergie à sélectionner en tout petits
Evidemment nous avons aussi un enjeu de visibilité et de perti- plôme d’ingénieur vaut plus qu’un doctorat, à rebours du modèle
paquets, aussi homogènes que possible ? Laissons la vie faire,
nence internationale. Le but du projet est de mettre Paris et la international ! laissons entrer des gens plus nombreux”
France sur la carte des grands pôles mondiaux que chacun connaît Nous sommes à la fin d’un cycle, à l’orée d’un cycle nouveau. Ce qui
en matière de science et technologie. A commencer par les pôles domine désormais, c’est l’internationalisation des équipes diri- il pourrait y avoir en parallèle, y compris pour les écoles les plus pres-
américains et d’autres, dans le monde, qui ont su générer autour geantes ; il faut donc arrêter de faire cette comptabilité pour savoir tigieuses, une voie d’entrée après le bac, avec un collège de premier
combien il y a d’ingénieurs des Mines dans les équipes dirigeantes. cycle (licence).Toutes les grandes universités mondiales fonction-
“Le but du projet est de mettre Le classement produit par l’Ecole des mines montrant qu’une poi- nent comme cela, avec des collèges premier cycle, où les premières
Paris et la France sur la carte des grands pôles gnée d’écoles françaises produisent un taux particulièrement élevé années sont très sélectives. Cela existe déjà dans certaines écoles
mondiaux que chacun connaît en matière de cadres dirigeants, démontre surtout que la France se distingue (prépas intégrées). Pourquoi ParisTech, par exemple, ne créerait-il
pas un tel collège, avec l’université, bien sûr ? Cela permettrait aussi
de science et technologie” “Les élèves des écoles d’ingénieurs de mettre de la diversité dans le système et d’accueillir des étudiants
d’eux un écosystème spectaculaire de PME, de start-up, etc. Nous ont massivement opté pour la finance. Cela a été qui ne passeront jamais le filtre des prépas. Il faut des formules qui
avons des leçons à prendre, mais aussi des atouts extraordinaires assez destructeur”
et nous devons inventer notre propre voie. “Preuve est faite, en tout cas pour les plus grandes
Ce site n’a pas de vocation spécifique ni de “coloration” spéciale. par l’étroitesse du recrutement de ses élites ! écoles que le système des prépas ne produit pas
En fait, tous les secteurs sont potentiellement concernés par ce Se regrouper est toujours un exercice difficile quand on a une iden- vraiment aujourd’hui de diversité sociale”
qui se fait à Saclay.Tout cela est en train de se reconfigurer. Le nu- tité historique très forte et que les anciens sont extrêmement atta-
mérique, la biologie, les nanotechnologies ont des applications chés aux marques, comme les jeunes d’ailleurs. Ils ont passé un laissent leur chance à tout le monde. Preuve est faite, en tout cas
tous azimuts. Seuls quelques grands pôles dans le monde pré- concours difficile caractérisé par cette chose très française : cette pour les plus grandes écoles, que le système des prépas ne produit
sentent un tel éventail. Nous sommes comparables, par le spec- hiérarchie généralisée entre écoles qui fait que l’on choisit son pas vraiment aujourd’hui de diversité sociale.
tre des activités, aux grandes plates-formes mondiales. Cela ne orientation selon ce classement. C’est une absurdité. Je suis très cri-
se voit pas immédiatement, ne se sait pas assez et n’est pas en- tique sur ce point. Franchement, les hasards du concours font que, La tyrannie des maths
core assez structuré. à un demi-point de plus par-ci, par-là, on se retrouve dans telle ou Il y a des étudiants en science extrêmement brillants, même de
telle école. C’est tellement absurde ! Que les étudiants choisissent grands savants, qui n’étaient pas forcément des génies en maths. ll
Les pôles de compétitivité ce qu’ils ont envie de faire. faut évidemment préserver cette brillante école de mathématique
En France, nous avons la spécialité de faire les choses en couches Préoccupante, également, la carence de diversité sociale et cultu- française. Mais n’imposons pas la monoculture. Cela bloque l’ou-
superposées, en millefeuille. Les pôles de compétitivité n’ont pas relle. Si réelle dans des écoles de premiers rangs ! Les quotas ne sont verture internationale.Les étudiants étrangers venant des meilleu-
de rôle académique. Mais nous nous appuyons fortement sur deux certainement pas la solution mais il faut arriver à créer davantage res universités techniques ont souvent du mal à suivre les cours de
d’entre eux : le pôle Systématic, orienté système et logiciel et dont de mixité. Il y a plusieurs voies : ces campus doivent devenir plus
le président, Dominique Vernay, vient d’être élu président de la cosmopolites qu’ils ne le sont aujourd’hui. Il y a une vraie ouverture “N’imposons pas la monoculture.
fondation. Egalement le pôle Moveo dédié au secteur automo- aux étrangers, parfois plus forte dans une école qu’à l’université, Cela bloque l’ouverture internationale”
bile, du côté de Satory. Les choses sont aujourd’hui moins claires mais il faut encore l’amplifier.Aux Etats-Unis, les campus sont glo-
avec le pôle Médicen de biologie-santé, très vaste, et qui a un peu balisés. Même s’ils sont très américains dans leur fonctionnement. maths de nos écoles. Il y a de la place pour d’autres talents, d’autres
plus de mal à se structurer. Or la biologie est en train de devenir Or l’un des enjeux majeurs est de mettre Paris et la France sur la façons de s’exprimer, y compris dans le domaine des sciences. Sans
carte des jeunes élites d’Asie, d’Amérique latine, d’Afrique aussi. même parler de l’ouverture culturelle plus générale, etc.
“Aujourd’hui les questions du vivant Observez la part de la recherche américaine faite aujourd’hui par
et de la biologie deviennent des domaines majeurs les Indiens et les Chinois. Et ces derniers retournent ensuite en Le déficit de créativité
pour les écoles d’ingénieurs” Chine, ce qui permet de tisser des liens géopolitiques extrêmement Il est certain que le cursus scolaire français n’encourage pas la créa-
puissants et porteurs d’avenir. Nous sommes très partiellement sur tivité. L’expérience psychologique la mieux partagée par les étu-
un des enjeux majeurs non seulement des sciences fondamen- cette carte. Pour des raisons simples : le petit Chinois brillant et am- diants, c’est qu’on n’a pas droit à l’échec. Un diktat très puissant à
tales, de la médecine, mais aussi de l’ingénierie. Les écoles d’in- bitieux, même dans la campagne, entend vite parler de Harvard, du partir du primaire, l’échec scolaire est quasi irrémédiable : il ne faut
génieurs étaient traditionnellement très orientées vers la MIT, etc. Avant qu’il arrive à Paris-Saclay... pourtant nous avons le jamais sortir du système. Cela est très mauvais car il faut qu’on
mécanique, le génie électrique, puis l’informatique.Aujourd’hui, potentiel. Soyons optimistes. Mais cela prendra quand même puisse décrocher et revenir. Ceux qui ont fait les meilleures prépas,
les questions du vivant et de la biologie deviennent des domai- 10 ans ! sont entrés à l’X, sont bien dans leur baskets, mais ils ont eu de la
nes majeurs pour les écoles d’ingénieurs. On voit bien par exem- chance car cela se joue parfois à une tête d’épingle. Ils ont eu la
ple les interfaces entre médecine, imagerie, chirurgie et Le mur université/grandes écoles
ingénierie qui ouvrent des champs gigantesques. C’est une des C’est incroyable qu’entre les étudiants de l’université et ceux des “Le cursus scolaire français
raisons pour lesquelles Centrale et d’autres écoles veulent être à grandes écoles, il n’y ait aucun contact. Il faut absolument qu’à Sa- n’encourage pas la créativité”
proximité d’un grand pôle de biologie et de santé. De manière gé- clay cela change. Pas seulement dans le domaine scientifique, mais
nérale, les relations avec les univers industriels sont cruciaux et aussi dans celui de la création d’entreprise. On trouvera sans doute chance de ne pas être malades, de ne pas avoir connu de problèmes
il y a encore de grands progrès à accomplir. davantage de créateurs d’entreprise à l’université, où les étudiants familiaux. Savez-vous comment Harvard recrute ? Comme la plu-
sont habitués à se battre, à se débrouiller tout seuls, que dans les part des grandes universités américaines, sur des essais où il vaut
La grande mue des écoles d’ingénieurs écoles où ils sont terriblement “cocoonnés”, pris en charge, avec ta- mieux se montrer créatif, original.Bien sûr, ces universités prennent
Les écoles les plus connues ont beaucoup évolué au cours des pis rouge à l’entrée et à la sortie. Aussi nous défendons des choses un risque. Or nous ne voulons pas prendre de risques, focalisés que
20 dernières années. Elles ont développé des recherches alors nous sommes sur cette obsession de la sélection. Pourquoi mettre
qu’il n’y en avait pas. Et la formation des ingénieurs à la française “On trouvera sans doute davantage autant d’énergie à sélectionner en tout petits paquets, aussi homo-
est en général appréciée des industriels. Mais il y a des choses à de créateurs d’entreprise à l’université, gènes que possible ? Laissons la vie faire, laissons entrer des gens
améliorer, notamment les structures. En effet, les écoles sont trop où les étudiants sont habitués à se battre, plus nombreux, il y en a qui feront mal, il y en a qui feront bien. On
se prive de talents. J’en suis absolument convaincu.
“Les écoles sont trop petites, trop balkanisées : à se débrouiller tout seuls”
elles n’ont pas la taille internationale
et ont donc besoin de se regrouper” très simples : nous voulons que les résidences universitaires ne soient
pas dédiées à telle école ou université mais soient des bâtiments
Bio express
petites, trop balkanisées : elles n’ont pas la taille internationale interécoles de façon à créer une sociologie étudiante plus diversi- Urbaniste de l’intelligence
et ont donc besoin de se regrouper. C’est d’ailleurs pour cela qu’el- fiée et que simplement ils apprennent à se connaître. Il faut égale- Polytechnicien, chercheur, professeur, patron de
les viennent à Saclay. On ne les oblige pas à venir. Pour un direc- ment imaginer que les étudiants des grandes écoles puissent grande école,sociologue et économiste,la carrure
teur d’ecole, il faudrait être un peu masochiste pour se lancer dans accéder aux excellents cours de l’université. Et réciproquement. intellectuelle de Pierre Veltz est en adéquation
Cela ne se fait pas aujourd’hui ! Donc il y a un énorme chantier d’ou- avec l’ambition du plus vaste cluster européen
CHIFFRES CLES verture et de brassage. qu’il a la charge d’animer en suscitant des syner-
Paris-Saclay, gies entre des institutions peu familières de l’exercice.Vaste défi.
le plus grand campus d’Europe Il n’y a pas que les prépas Auteur de nombreux ouvrages scientifiques, il a publié il y a peu
Les prépas font partie du paysage français, avec des avantages mais Faut-il sauver les grandes écoles ?, vif essai garanti sans langue de bois
Sur 9 km2 aussi des défauts. Pour une partie des jeunes, pas forcément les qui augure bien du franc-parler dont il doit user pour ces grandes
23 établissements regroupés au sein d’une fondation (dont l’Ecole poly- moins brillants, ce système ne convient pas. L’histoire est toujours manœuvres. L’ancien patron de la prestigieuse Ecole des ponts et
technique, l’Ecole centrale, l’ENSTA Paritech, l’ENS Cachan, Mines écrite par les gagnants du système. Mais il y a aussi les perdants, chaussées est devenu super aménageur de ce site marqué par l’i-
Paritech, Agro Paritech, l’ENSAE Paritech, les Télécoms, etc.) beaucoup d’étudiants brillants qui ne sont pas faits pour le système nertie durant de longues années.La dynamique impulsée, il devient
43 200 personnes dont 9 000 chercheurs, 4 000 doctorants et 17 500 de la prépa et qui y perdent des plumes. Je suis partisan d’un dou- l’architecte en chef de ce vivre-ensemble qui doit réunir les éner-
étudiants. ble système. Il serait absurde de vouloir supprimer les prépas. Mais gies des universitaires, des entreprises et des grandes écoles.

6 Le nouvel Economiste - Grandes Ecoles - Supplément au n°1568 - Du 26 mai au 2 juin 2011 - Hebdomadaire
Le nouvel Economiste - Grandes Ecoles - Supplément au n°1568 - Du 26 mai au 2 juin 2011 - Hebdomadaire 7
8 Le nouvel Economiste - Grandes Ecoles - Supplément au n°1568 - Du 26 mai au 2 juin 2011 - Hebdomadaire
Grandes écoles
MBA

- MBA ou EMBA, une question d’expérience


- Le full time à la cote
- Le MBA suprême
- Formule hybride part-time intensif et e-learning

MBA Full time et Executive MBA part-time

Rupture et continuité
Un choix pour l’intéressé, une négociation pour l’entreprise

L’offre de MBA s’étoffe chaque jour tant sur la forme que sur le fond. Toutes les
écoles de commerce proposent des MBA en “full time” et, depuis peu, également
en “part time” généralistes ou spécialisés ainsi que des EMBA. Si les premiers sont
souvent destinés à de véritables ruptures de carrières, les seconds permettent des
“renaissances” au sein de l’entreprise, sous réserve d’avoir bien négocié le pen-
dant et l’après avec l’employeur. Mais si ces formations prestigieuses constituent
un accélérateur de carrière indéniable, elles peuvent aussi être un véritable sacer-
doce, nécessitant une parfaite maîtrise du jonglage entre vie professionnelle et
apprentissage.

Par Carole Soussan

C
’est de la prestigieuse université organisée à temps partiel. En France et même – souvent minimum de 5 ans – conditionne le MBA ou EMBA,
d’Harvard qu’est né le premier en Europe, la pionnière est l’Insead, très vite choix de MBA. Comme dans la plupart des pays une question d’expérience
MBA – le master’s degree in busi- suivie de toutes les grandes écoles de com- européens, les écoles françaises ont privilégié Bernard Garrette, directeur délégué du MBA
ness administration –, rebaptisé d’HEC, précise qu’il est fondamental “de dis-
le Master of Business Administration, en abrégé “La chrysalide, le jeune ingénieur, l’avocat, tinguer le MBA de l’Executive MBA. La cible est
MBA. Si l’intitulé est universel, il regroupe des bien différente sur le marché. Le MBA d’HEC
réalités, des modalités, des enseignements et au bagage de 5 à 6 ans d’expérience professionnelle, concerne plus particulièrement les jeunes, de 25-
des durées bien différents. A l’origine, aux s’y fabrique des ailes de leader” 35 ans, à haut potentiel. L’EMBA est quant à lui
Etats-Unis, le MBA était décerné après deux destiné aux cadres dirigeants d’entreprise âgés en
années d’études à temps plein, fondées sur la merce. Mais ce retour sur les bancs d’école ne un format d’enseignement concentré allant de moyenne de 39 ans”. Il voit le MBA comme un
méthode des cas interconnectés avec des tra- concerne pas tout le monde. Il est plus particu- 9 à 16 mois. Ce diplôme concerne en effet sou- profond processus de transformation. “La chry-
vaux de groupe. Ces dernières années, la durée lièrement ouvert aux candidats ayant une véri- vent des cadres de haut niveau devant minimi- salide, le jeune ingénieur, l’avocat, au bagage de 5
des études a été réduite à une année ou encore table expérience professionnelle, dont la durée ser le temps passé en dehors de l’entreprise. à 6 ans d’expérience professionnelle, s’y fabrique

Le nouvel Economiste - Grandes Ecoles - Supplément au n°1568 - Du 26 mai au 2 juin 2011 - Hebdomadaire 9
Grandes écoles
MBA
des ailes de leader. Après un MBA, beaucoup chan- Proximité et coprésidente de l’IMVE (Institut stratégie RH et de la marque employeur à la qu’il souhaitait: un haut niveau d’excellence,
gent de métier, d’entreprise, il y a une réelle rup- Mieux Vivre en Entreprise), “il représente un Société Générale, Luz-Helena Rojas a long- une multiculturalité enrichissante et l’incon-
ture pour 80 % d’entre eux. Aujourd’hui, de plus véritable investissement. Les entreprises peuvent temps misé sur ce profil MBA dans ses fonc- tournable et indispensable carnet d’adresses.
en plus de participants – on ne dit pas étudiants accompagner leurs cadres désirant suivre un MBA tions précédentes de responsable du Il a aujourd’hui atteint son objectif: booster sa
– changent même de pays, surtout en Europe. en finançant les études (entre 15 000 et 50 000 recrutement à l’international chez Schneider carrière tout en changeant de direction et en
L’enseignement de première année se concentre entrant dans un réseau, bien loin de son pays
sur les fondamentaux de la gestion”. natal. Il se souvient, même si la période a été
Mais s’offrir une renaissance coûte cher, et “Le MBA full-time accompagne un changement personnel radical parfois harassante – car le full time est un
rares sont les entreprises qui financent ces plutôt qu’une volonté de l’entreprise” sacerdoce –, s’être profondément immergé, d’a-
absences longue durée. Aux frais de scolarité bord en anglais, puis en français. “En full-time,
– au moins de 45000 euros par an dans les gran- j’ai pu énormément m’impliquer dans Net
des écoles – s’ajoute la perte de salaire sur euros) et/ou en leur accordant du temps. Electric. Elle se souvient, enthousiaste : “Je Impact, une association présente dans plus de 100
toute la période considérée.Tout prétendant à L’entreprise est en droit d’attendre un retour. Or, multipliais les contacts directs avec les écoles pour Business schools à travers le monde dont la mis-
un MBA doit donc se préoccuper particulière- dans la pratique, bon nombre de cadres ayant rencontrer les plus de profils différents. J’apprécie sion est de faire de l’entreprise un contributeur
ment du retour sur investissement. suivi un tel cursus quittent leur entreprise, même tellement ce type de candidats que je les rencon- positif au développement social et environne-
“Fondamentalement, tout MBA qui se respecte si les clauses de dédit de formation permettent de trais avant d’avoir des postes à leur proposer. C’est mental en regroupant des futurs leaders. En full-
doit intégrer le meilleur processus d’accompa- limiter les départs. L’entreprise et les participants ensuite, quand l’opportunité se présentait, que je time, j’ai travaillé sur la durée, je me suis
gnement possible. Nous devons mener le partici- sont confrontés à deux difficultés majeures: com- leur offrais un poste en adéquation avec ce que j’a- totalement immergé et j’ai pu réfléchir à un pro-
pant à un projet professionnel construit, lui ment gérer l’absence partielle ou totale d’un vais perçu d’eux. Cela enrichit considérablement jet de vie, où l’humanitaire prenait sa place aux
apprendre à se vendre auprès des entreprises en cadre? Comment permettre au cadre d’intégrer l’entreprise de procéder ainsi. Je cherchais plus par- côtés du marketing. J’ai changé ma façon de pen-
bénéficiant de l’accompagnement individuel du dans sa pratique ce qu’il a appris lors du MBA? ticulièrement des participants aux MBA Full ser et d’approcher un projet, je me suis challengé,
service carrière dédié”, souligne Bernard adapté et surtout je me suis approprié une vision
Garrette. MBA en poche, le nouveau diplômé “Comment gérer l’absence partielle ou totale? Comment permettre multiculturelle du monde.” Enseignants et par-
pourra prétendre à une rémunération de au cadre d’intégrer dans sa pratique ce qu’il a appris lors du MBA? ticipants sont unanimes, le full-time donne le
100 000 dollars en moyenne par an, et ainsi temps de tester différentes stratégies de pro-
“amortir” son engagement sur deux à trois ans.
Comment lui apporter l’évolution de carrière qu’il attend?” jets. Le travail de groupe, avec des participants
Françoise Rey, directeur des programmes de différents horizons, en est une composante
Masters et MBA de l’Essec, confirme “le MBA Comment lui apporter l’évolution de carrière qu’il time. Ceux qui m’intéressent réellement sont ceux essentielle. “C’est un vrai laboratoire où l’on
full-time est ouvert sur les managers plutôt que attend après s’être ainsi investi dans une forma- qui ont déjà une expérience professionnelle consé- essaie différentes méthodes et où l’on expérimente
sur les entreprises. Il accompagne un changement tion diplômante?” Pour fonctionner, l’obtention quente, et donc une valeur à offrir à l’entreprise différents styles de management. De plus, en
personnel radical plutôt qu’une volonté de l’en- du MBA doit inscrire, tant pour l’entreprise en termes de compétitivité”. C’est d’ailleurs ce immersion, on n’a rien d’autre en tête”, conclut
treprise. On le voit en termes de financements, qui que pour le salarié, dans une démarche de qui s’est produit avec Jonah Goldstein, aujour- Jonah Goldstein. Pour lui comme pour la quasi-
sont essentiellement individuels. Les participants construction de carrière. d’hui project manager “global workplace totalité des détenteurs de MBA, un fait est cer-
se préparent pour l’entreprise de demain, multi- rights” au sein de Sodexo (promotion HEC sep- tain, immersion et exposition à l’international
culturelle, pour faire face à de nouveaux mar- Le full time à la cote tembre 2007), recruté bien après avoir passé permettent ensuite une extrême adaptabilité
chés”. Le MBA est source de valeur ajoutée Même si le marché du travail a connu des heu- son entretien. Cet Américain de 32 ans vit et jouent à plein leur rôle d’accélérateur de
pour les dirigeants et les encadrants mais, res plus glorieuses, les titulaires de MBA Full aujourd’hui à Paris et a mûrement réfléchi son carrière, à condition d’avoir précisément ana-
explique Valérie Bossard, ex-DRH Carrefour time ont la côte. Aujourd’hui responsable de la choix de MBA Full time. Il y a trouvé tout ce lysé ses attentes.

Témoignage full time Témoignage part-time


André Terrail, propriétaire de la Tour d’Argent, Aurélie Cambier, alterne ses fonctions d’analyste valeurs
actuellement engagé dans un MBA Full time à l’Insead avec un MBA Part time à HEC
“J’avais besoin d’être coupé du quotidien” “Mon entreprise a vu d’un bon œil ce complément de formation”
André Terrail représente la troisième génération Après 4 années passées à Londres dans une
de propriétaires de l’un des monuments de la grande banque et un break de six mois, Aurélie
restauration française, la Tour d’Argent. “Je Cambier, diplômée de Dauphine et de la London
pense que je suis né et que j’ai grandi investi de School of Economics, spécialité comptabilité et
cette mission ! J’ai succédé à mon père en 2006, finance, a décidé de “rebondir” à Paris dans la
prenant les rênes d’un groupe de 120 personnes gestion d’actifs, où elle intègre la fonction d’ana-
et chargé de quatre cents ans d’histoire”, racon- lyste valeurs. “Je souhaitais, comme la plupart
te le jeune dirigeant de 30 ans. “Auparavant, j’a- des gens le font dans la finance, compléter ma
vais travaillé à ses côtés durant trois ans, après formation, très orientée produits et clients, pour
avoir étudié aux Etats-Unis et décroché un en apprendre plus sur la gestion d’entreprise,
Bachelor of Science à Babson. Ma richesse, c’est explique Aurélie Cambier. De mon point de vue,
aussi ma double nationalité, ma mère étant fin- on ne peut pas être absent trop longtemps du
landaise et mon côté très globe-trotter. J’ai passé monde de la finance, donc j’ai préféré intégrer un
7 mois en Argentine et je suis allé une quinzaine programme part-time, afin de pouvoir rester
de fois au Japon.” Une multiculturalité qui lui “dans le marché”. De plus, et c’est là toute la
apporte une vraie richesse dans ses fonctions beauté du format part-time, nous accumulons
managériales. Mais après quatre ans à la tête de des connaissances en cours, que nous sommes
La Tour d’Argent, “entouré de la plus formidable en mesure d’appliquer dès la semaine suivante
des équipes qui soit, j’ai estimé que je pouvais au bureau.” Si le format du MBA à intégrer était
faire encore mieux. Il y a toujours des ajuste- clair, en était-il de même de l’école à intégrer ? “Je
ments à faire, des erreurs à éviter”, estime André exemple un Brésilien de chez Accenture à Sao ne me suis pas vraiment posée la question du monde professionnel. Mais très rapidement, on
Terrail. Celui-ci se tourne donc vers l’Insead, qui Paulo, une Taïwanaise pro du marketing ayant choix de l’école puisqu’HEC était, à ma connais- prend le rythme.” Concrètement, devant la
offre un MBA pointu et ouvert aux probléma- travaillé pour Samsung en Corée du Sud, un Turc sance, le seul programme de ce type à offrir des nécessité de cumuler deux activités, une organi-
tiques des entreprises familiales. Son objectif ? et un Bulgare ayant fait de l’analyse quantitative cours modulaires sur une semaine.” A HEC, la sation rigoureuse s’impose. “Les semaines sont
Se perfectionner su certains secteurs clé de la à Londres et un Indien de chez Bloomberg… On jeune analyste a donc cours une semaine par certes bloquées, mais certains projets nécessi-
panoplie du dirigeant. “J’ai besoin d’une exposi- dit que lorsque l’accent, la nationalité et le nom mois, le calendrier académique permettant d’or- tent un travail d’équipe en dehors des semaines
tion à la finance, du conseil et de l’expérience de ne correspondent pas, c’est que vous êtes étu- ganiser son temps de travail et d’avoir une bonne modulaires, d’où l’importance de croiser les
personnes ayant des préoccupations similaires diant à l’Insead !” Après 5 mois de campus visibilité dans son planning. Une nécessité autant emplois du temps de chacun. Pour moi, qui
aux miennes.” Autre question posée avant de Europe à Fontainebleau, André Terrail passe pour elle que pour son entreprise. Car l’aspect venais d’un milieu plutôt individualiste, cela a été
s’engager, celle de la formule à choisir. “Le choix actuellement sur le campus de Singapour. “Le entreprise n’est certainement pas à négliger dans une révélation et s’est avéré très bénéfique !” Sur
du full-time était une évidence pour moi. En part- monde évolue vers l’Asie, c’est déterminant de un format part-time. “Faire un MBA est un inves- un programme de deux ans, dans lequel la pre-

“J’ai besoin d’une exposition à l’expérience “Nous accumulons des connaissances en cours, que nous sommes
de personnes ayant des préoccupations similaires aux miennes” en mesure d’appliquer dès la semaine suivante au bureau”

time, l’immersion n’est pas la même, j’avais connaître ces marchés lorsque l’on veut que son tissement tant côté employeur qu’employé. C’est mière année est dédiée aux cours fondamentaux,
besoin de cette césure, d’être coupé du quoti- entreprise change de dimension. J’apprends, en donc l’objet d’une négociation. Je connais cer- le rythme s’accélère en deuxième année. “A cer-
dien. De plus, je ne comprends pas comment un gouvernance, en transmission aux générations tains étudiants qui ont préféré financer eux- tains moments je ne savais plus où donner de la
professionnel qui a des responsabilités peut futures, en ressources humaines, en continui- mêmes leur cursus, alors que d’autres ont obtenu tête, et j’avoue que la première partie de l’année
s’engager sur deux ans.” Pourtant, comme le té…” Bref, une expérience très haut de gamme le support de leur patron. C’est une affaire où 2010 a été par moments très pénible. Mais je ne
souligne le jeune dirigeant, cette formule n’est dont le bénéfice rejaillit automatiquement sur le chacun voit son intérêt et chaque cas est particu- regrette pas car j’ai appris énormément. Ce que
pas de tout repos. “Dix mois, cela me semble la restaurant parisien, comme l’affirme son direc- lier. Personnellement, le financement a été 50/50 j’ai aussi apprécié, ce sont des expériences plus
durée idéale même si l’emploi du temps est sur- teur. “Je suis fier d’être à la tête de La Tour avec mon entreprise, qui a vu d’un bon œil ce inhabituelles comme un séminaire de deux jours
chargé. Au total, il y a 6 à 8 heures de cours par d’Argent, et un MBA comme celui que je fais, c’est complément de formation.” Au début alterner la à Saint-Cyr, qui donne une vision tout à fait origi-
jour, auxquelles s’ajoute le travail en équipe. La une réponse pour l’entreprise, pas uniquement casquette “étudiante” avec la casquette “profes- nale du leadership. Ou encore un cours où les
vraie richesse est là aussi, dans cette incroyable pour moi. Le réseau incroyable, la richesse des sionnelle” a été un peu déstabilisant, admet la étudiants endossent chacun leur tour le rôle de
multiculturalité. Je n’ai jamais fait partie d’un discussions, les liens noués en groupe. J’utiliserai jeune femme. “On se remet en cause en perma- chef d’orchestre, une vision alternative, ludique
groupe où il y ait plus d’un Français. Nous som- tous ces éléments afin de poursuivre les change- nence, en MBA ! Il faut savoir admettre quand on et très instructive du management.”
mes tous mélangés et tous en immersion. L’un ments engagés et construire l’avenir de cette ne sait pas, il faut savoir demander de l’aide, ce
des groupes dont j’ai fait partie réunissait par maison.” C.S. qui est plutôt vu comme une faiblesse dans le C.S.

10 Le nouvel Economiste - Grandes Ecoles - Supplément au n°1568 - Du 26 mai au 2 juin 2011 - Hebdomadaire
Grandes écoles
MBA
ainsi que les EMBA “tournent entre l’Europe
et l’Asie avec des sessions disponibles à Abu
Dhabi, ce qui offre des opportunités de déve-
loppement professionnel et personnel. Nous
avons 145 enseignants de nationalités diffé-
rentes, ce qui est aussi une vraie richesse. Il ne
s’agit pas de quitter l’entreprise mais de lui
injecter régulièrement son savoir-faire”. Si les
avantages sont considérables en termes d’a-
vancement de carrière, il faut savoir tenir
compte des inconvénients. Les participants
s’accordent à reconnaître que l’EMBA néces-
site de s’organiser, de prévoir et de planifier
au plus précis son emploi du temps. Cette
formule, qui permet la continuité dans le
changement, demande un fort mental, mais
peut séduire même les plus jeunes.
“Nous formons des chefs d’entreprise dotés
d’une perspicacité transculturelle et de Formule hybride,
compétences créatives en matière de résolution part-time intensif et e-learning
de problèmes.” Peter Zemsky, Insead. C’est ainsi qu’à la croisée du MBA et de
l’EMBA, une autre option a vu le jour. Elle
concerne les jeunes de 25-35 ans, au profil
Le MBA suprême MBA mais qui souhaitent rester en poste.
L’executive MBA, le MBA suprême, vise HEC propose ainsi un MBA nouvelle for-
quant à lui les séniors déjà bien ancrés dans mule. “Nous nous sommes adaptés en propo-
la vie professionnelle. Il concerne plus par- sant un MBA part-time comprenant une
ticulièrement les cadres supérieurs et les semaine de cours par mois. Pour le participant,
dirigeants de 35 à 55 ans dont les responsa- cela peut être idéal : le processus de transfor-
bilités sont amenées à évoluer, de manière mation est identique et la notion de ROI prend

“Les participants ont le recul nécessaire pour savoir


ce qu’ils veulent et la lucidité pour construire un parcours
qui leur est propre”

parfois considérable. L’Executive MBA, ou ici toute sa dimension.” La plupart des autres
EMBA, étant par essence une formation Part time MBA” comprennent en règle géné-
continue, les cours sont généralement rale des cours dispensés le soir et le week-
dispensés en part-time. Ils se déroulent sou- end. Enfin, nouveau venu dans la cour des
vent le soir et les week-ends sur une durée MBA, les MBA à distance – accrédités – à la
de 18 mois ou de deux ans. Comme le relève popularité croissante. Les tendances vont
Bernard Garrette, “il s’agit le plus souvent de avec l’air du temps et les formidables possi-

Il faut savoir jongler entre vie professionnelle,


vie étudiante et vie privée

programmes à temps partiel qui sont, contrai- bilités qu’offre le Web 2.0 dans l’offre d’ap-
rement aux MBA, souvent soutenus financiè- prentissage. Du fait de l’évolution
rement par les entreprises”. technologique, tout devient possible. Même
C’est l’executive MBA de l’Essec qui est le si Lionel Prud’homme émet quelques
premier MBA à temps partagé développé en bémols. “Malgré des programmes qui alternent
France dès 1993. Pour Françoise Rey, “ce présence et distance de l’apprentissage, ces MBA
diplôme permet d’élargir son champ de compé- s’adressent davantage à ceux qui veulent étof-
tences et d’inventer son propre modèle mana- fer leur portfolio de compétences. C’est une
gérial. Un MBA développe la capacité approche plus axée sur le contenu cognitif que
d’anticipation, l’intuition. Il forme les diri- sur l’échange avec les autres. Dans les pro-
geants à la compréhension des besoins de l’en- grammes MBA et EMBA ou spécialisés, les par-
treprise et à la conduite du changement. Les ticipants d’une même promotion vivent les uns
participants d’un programme Executive MBA avec les autres constamment, même en part-
ont souvent une quinzaine d’années d’expé- time. Mais le MBA à distance répond lui aussi
rience, ils ont le recul nécessaire pour savoir ce à une demande spécifique.” 
qu’ils veulent et la lucidité pour construire un
parcours qui leur est propre”. En full-time, le
participant peut se consacrer à sa formation,
étant dégagé de toute obligation profes-
sionnelle. Ce qui est loin d’être le cas en
EMBA où il faut apprendre à jongler entre
vie professionnelle, les bancs de l’école et la
vie privée. Néanmoins, comme le précise
Valérie Bossard, “le part-time présente l’a-
vantage pour le participant de garder contact
avec l’environnement professionnel, il pourra
ainsi, entre deux sessions, chercher à mettre à
profit ce qu’il a abordé, et confronter son
apprentissage, ses découvertes avec la réalité de
l’entreprise”. Le part-time est ainsi particu-
lièrement intéressant pour le management
et les comportements managériaux, “qui
nécessitent d’être intégrés, mis en pratique, CHIFFRES REVELATEURS
ajustés avant que la compétence ne soit vérita- MBA et ROI
blement ancrée”. Plus facile aussi pour l’en- De 15000à 100000 €à débourser pour un MBA recon-
treprise de gérer le part-time, puisqu’elle n’a nu et classé au Financial Times, au Wall Street Journal,
pas à remplacer le participant. Ceci dit, une dans Business Week ou encore The Economist et
organisation transitoire doit être mise en Forbes.
place. “Cette précaution préalable est d’autant L’augmentation de salaire “après MBA” varie de 10 à
plus importante que le MBA demande un 35 % et est souvent directement corrélée à la réputa-
énorme investissement personnel, générant une tion de l’établissement choisi.
fatigue importante pendant la formation et un Pour être sûr de son choix, vérifier que l’école dispose
bouleversement de l’équilibre familial. Si l’en- d’une accréditation (Equis pour l’Europe).
treprise accepte qu’un cadre s’engage dans une
telle démarche, elle ne peut le faire sans se pen-
cher sur la charge de travail du cadre”, observe
Lire les dossiers précédents
Valérie Bossard. L’EMBA apporte aussi la Les archives numériques
richesse de la multiculturalité aux partici- nouveleconomiste.fr
pants. Peter Zemsky, doyen Insead, explique (consultation gratuite)

Le nouvel Economiste - Grandes Ecoles - Supplément au n°1568 - Du 26 mai au 2 juin 2011 - Hebdomadaire 11
Grandes écoles
INTERVIEW

“La segmentation de l’offre


couvre la totalité de la demande”
fait un constat similaire : statistiquement, il programme, et non plus uniquement dans
y avait 4 chances sur 5 que la personne leur contenu. La plupart des programmes
parte peu de temps après son retour. Les proposent aujourd’hui des modules dispen-
postes proposés étaient très souvent éloi- sés sur des campus différents, dans des pays
gnés des nouvelles attentes d’individus différents. Avant, le MBA revêtait la forme
ayant découvert un “nouveau monde”. Or du théâtre classique : unité de temps, de
l’investissement était considérable. Il pou- lieu et de thèmes. Aujourd’hui MBA et
vait comprendre le coût de la formation en EMBA sont devenus itinérants. Pour appré-

La lecture de l’offre est rendue complexe par l’entrelacement


entre contenu des MBA et formule de participation, full-time ou part-time

elle-même – qui varie de 40 000 à hender les problématiques interculturelles,


80 000 euros –, celui du remplacement de la la diversité des participants et des profes-
personne et parfois même du maintien de seurs était déjà largement répandue, cette
tout ou partie du salaire. Les entreprises diversité est aujourd’hui celles des lieux.
sont passées d’une stratégie de promotion Par exemple, l’Executive MBA d’HEC per-
entière à celle du goutte-à-goutte. met aux participants de suivre des modules
dans cinq villes distinctes. A l’Insead, le
Nouvelles attentes des entreprises, MBA accueille 80 nationalités différentes et
nouvelles réponses des écoles ? le programme se déroule sur trois campus
L’offre s’est segmentée pour s’adapter à possibles.
tous. Le “Coke classique” a fait des petits, la
version sans sucre, à la cerise… Les institu- Comment se “vivent” MBA et EMBA,
tions comme HEC, l’Insead ou l’Essec ont l’immersion complète ou le temps
donné de nouvelles réponses. La plus partagé ?
importante est celle de la création des Pour le MBA “classique”, je dirais qu’il s’a-
©.KERNEVEZ

Executive MBA (EMBA). Le MBA est git d’une période intense et prenante où
encore une formation initiale, l’Executive l’individu travaille jour et nuit, principale-
MBA se range dans la catégorie formation ment en groupe. Cela constitue souvent une
continue, en adéquation avec un public plus période déstabilisante pour l’individu. C’est
Il faut au moins cinq ans de vie en entreprise, une certaine maturité, pour pouvoir profiter pleinement
expérimenté dont l’âge varie de 35 à 45 ans. un processus d’apprentissage difficile, et
de ce qu’un MBA peut offrir.
L’Executive MBA vise les dirigeants déter- plus on l’effectue tard, plus il faut se remus-
minés à accélérer leur carrière. Par essence, cler les neurones ! Il est de surcroît très dif-
Par Carole Soussan puisqu’il s’agit de formation continue, l’en- ficilement compatible avec le maintien
Lionel Prud’homme, Quelle est la genèse du MBA ? seignement s’effectue la plupart du temps d’une vie privée harmonieuse : même si on
Aujourd’hui, il y a différentes formes de en part-time. Il y a toutes sortes de formu- est à la maison, on travaille. Chacun vit sur
ancien dirigeant RH MBA : les MBA spécialisés, sectoriels, les les – une semaine par mois, le week-end – et un “autre” rythme, avec des gens venus de
chez HP, Motorola, GDF-Suez, plein-temps, les part-time… Mais le Coca- les modules sont très variés. Les EMBA sont tous horizons et parfois – de plus en plus
Alstom, et dernièrement vice-pdt Cola “regular” du MBA, le grand classique, souvent cofinancés par l’entreprise, qui souvent – à l’étranger. C’est une immersion
RH au sein de Carlson est celui qui nous vient des Etats-Unis. Il investit de 35 000 à 70 000 euros, et le parti- dans un monde nouveau. Le MBA joue aussi
correspond à une “formation initiale” qui cipant conserve son salaire. Logique, puis- sur une dimension narcissique, et il y a des
WagonLit Travel. s’effectuait en full-time. Il s’agit d’un MBA
général qui concerne plus particulièrement “Aujourd’hui, le retour est verrouillé,
les 25-35 ans, à haut potentiel. Aujourd’hui, il n’y a plus de gens qui partent à perte de l’entreprise”
les diplômes européens, et notamment les
français délivrés par HEC, Insead, EM Lyon
n’ont plus rien à envier à ceux de Columbia, qu’il continue à travailler. Comme il s’agit effets retour à ne pas négliger. Le MBA
Harvard, ou Stanford ! Certains l’envisagent de former des dirigeants, la stratégie, la incarne en effet une énorme ouverture sur
en sortie d’études mais, à mon sens, cela politique générale d’entreprise, les systè- un monde que l’on ne connaissait pas, et
n’est pas adapté. Idéalement, il faut au mes de gestion, les modèles de leadership et tout peut paraître affadi au retour. On cons-
moins cinq ans de vie en entreprise, une cer- l’entrepreneurship, etc., figurent parmi les tate de nombreux baby-blues : ce – et ceux –
taine maturité, pour pouvoir profiter plei- matières de base enseignées. que l’on a connus dans la société, et laissé
nement de ce qu’il peut offrir. D’ailleurs, derrière soi le temps du cursus, peuvent
dans les MBA les plus prestigieux, une expé- Finalement, combien existe-t-il de parfois apparaître insipides. Tout ceci est
rience professionnelle significative est à la MBA différents ? très différent pour l’EMBA. Le postulat de
base de la sélection dans le programme. Pour simplifier, l’évolution autour du MBA départ est un consentement réciproque.
s’est réalisée par une segmentation opérée Souvent, ce diplôme s’effectue en part-time.
Quelle est l’approche des entreprises par les écoles de gestion (Business schools) Le travail est aménagé mais le salarié n’est
vis-à-vis du MBA ? pour couvrir la totalité de la demande généralement pas remplacé durant les
Elle a considérablement changé ces derniè- potentielle. Les MBA spécialisés se sont périodes où il s’absente. Il conserve les
res années. J’ai débuté ma carrière chez multipliés de deux manières : d’une part, pieds dans l’entreprise et donc, davantage
Hewlett-Packard où j’étais responsable des avec des MBA fonctionnels (Finance, la tête sur les épaules ! La dimension narcis-
RH division réseau en 1984. Il y a eu des Achats, RH, etc.), d’autre part avec des sique entre moins en jeu. Bien que pour lui
aussi, l’investissement soit très prenant, il
“Les postes proposés sont très souvent éloignés est davantage axé sur la concession et le
des nouvelles attentes d’individus ayant découvert compromis réciproque avec son entreprise
(sur les congés payés, les libertés horaires,
un “nouveau monde”” l’aménagement des équipes dirigées, etc.).
L’individu reste enraciné dans le contexte
vagues successives de MBA sur plusieurs MBA sectoriels (Luxe, Hospitality, Energie, de son entreprise. Dans tous les cas de
années. HP les finançait intégralement, etc.). La lecture est rendue complexe par figure, le retour est verrouillé, il n’y a plus
estimant qu’il s’agissait d’une récompense, l’entrelacement entre contenu des MBA et de gens qui partent à perte. Entreprises et
mais aussi d’un accélérateur de développe- formule de participation (full-time et part- participants veillent à ce que l’investisse-
ment tant pour l’individu que pour l’entre- time). Tout ceci a généré une offre gigan- ment s’intègre aux plans de l’entreprise et à
prise. Au retour des 18 mois que durait la tesque, même s’il est certain que les MBA ceux de l’individu. Tout le monde a mûri sur
formation, l’individu s’attendait à ce que spécialisés s’effectuent davantage sur un ces sujets ces 10 dernières années. Ce qui
tout change et que sa carrière soit boostée, mode part-time. explique le succès des part-time, même si le
et l’entreprise espérait des individus un full time MBA “classique” reste le must, et
apport d’approches novatrices, une remise Avec, en plus, l’internationalisation qui perçu comme le sésame absolu pour une
en cause du statu quo… A l’instar de HP, de constitue une nouvelle ramification… carrière accélérée. 
nombreuses entreprises encourageaient et Effectivement, au-delà de toutes ces spécia-
favorisaient les départs pour MBA. Mais lisations, l’internationalisation a peu à peu
après deux ou trois promotions, toutes ont imprégné les MBA dans la structure de leur

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Grandes écoles
MASTERS ET MASTERES

- Perfection oblige
- Les critères de recrutement
- Théorie et pratique, deux approches complémentaires
- Pédagogie des uns, expertise des autres

Enseignants-chercheurs et enseignants-praticiens

Savoirs, savoir-faire et faire-savoirs


L’interaction entre création de connaissances théoriques et apport managériaux

Enseignants-chercheurs et professionnels issus du monde de l’entreprise trans-


mettent leurs savoirs au sein des grandes écoles. La théorie se mêle à la pratique.
Mais le vieux cliché qui veut que les uns s’adonnent à la théorie pendant que les
autres dispensent la pratique est tombé en désuétude. Les chercheurs ont depuis
longtemps un pied dans l’entreprise et les professionnels sont devenus des pro-
fesseurs aguerris. Les exigences des étudiants d’aujourd’hui n’y sont peut-être
pas étrangères.

Par Valérie Auribault


Un cours sur Edison, c’est bien. Mais donner de leur temps aux jeunes étudiants de l’étranger. Il est donc indispensable de dispen- professeurs d’EM Lyon Business school, “40
si une entreprise expose une problé- des masters et mastères spécialisés. Les gran- ser des cours voire des programmes complets en ne sont pas Français mais viennent d’autres
matique bien concrète, c’est extraor- des écoles françaises de commerce et de anglais”, explique Patrick Houdayer, direc- pays”, rappelle Patrick Houdayer.
dinaire”, affirme Eric Parlebas, management comme HEC – classée première teur général délégué d’EM Lyon Business
président de la CGE (Conférence des gran- mondiale grâce à la qualité de sa formation School. Les étudiants étrangers qui viennent Perfection oblige
des écoles) et directeur de l’Efrei (Ecole fran- continue –, l’Essec, EM Lyon, l’ESCP ou s’initier à l’excellence française sont Cette mixité des cultures et des connaissan-
çaise d’électronique et d’informatique). En ces encourage l’émulation et oblige à la per-
2009-2010, 93 000 enseignants se répartis- fection. Dans les grandes écoles de commerce
saient en trois catégories : les enseignants- Au sein des grandes écoles, et de management, les différents masters
chercheurs et assimilés, les enseignants du 60 % à 70 % d’enseignants-chercheurs et 30 % à 40 % de professeurs s’articulent autour de la finance, du marke-
second degré et les enseignants non perma- issus du monde de l’entreprise ting, de la stratégie, du droit et de la gestion.
nents, selon la typologie du ministère de “Nos masters et mastères spécialisés sont tour-
l’Enseignement supérieur et de la nés vers les étudiants qui ne bénéficient pas
Recherche. Au sein des grandes écoles, 60 % l’Edhec rivalisent avec les grandes écoles du Américains, Indiens, issus du Proche-Orient, encore d’expérience professionnelle, explique
à 70 % des enseignants sont essentiellement monde entier de par l’excellence et l’exi- de l’Asie ou d’Europe de l’Est. “Le phénomène Bernard Ramanantsoa, professeur et direc-
des enseignants-chercheurs et des profes- gence de leurs programmes. Certains des est en perpétuelle croissance”, observe Anne teur général d’HEC. Nos MBA sont réservés au
seurs permanents, et 30 % à 40 % représen- cours dispensés dans ces écoles sont exclusi- Zuccarelli, directrice des programmes aca- public ayant déjà une expérience d’au moins 6
tent les professeurs issus du monde de vement enseignés en anglais. “Nous proposons démiques et directrice entreprises et carriè- ans dans le milieu de l’entreprise. L’Executive
l’entreprise qui ont choisi de transmettre une vingtaine de programmes pour 3 000 étu- res de l’Edhec. Une pluralité qui s’observe MBA s’adresse quant à lui aux personnes âgées
leurs connaissances professionnelles et de diants, dont plus de 30 % d’entre eux viennent aussi chez les enseignants. Sur la centaine de de 35 à 45 ans qui optent pour une reprise d’é-

Le nouvel Economiste - Grandes Ecoles - Supplément au n°1568 - Du 26 mai au 2 juin 2011 - Hebdomadaire 15
Grandes écoles
MASTERS ET MASTERES

leurs études. Les entreprises peuvent aussi cise-t-elle. “Nous recevons plusieurs centaines
demander une formation sur mesure de de CV du monde entier, poursuit Patrick
manière ponctuelle aux grandes écoles, pour Houdayer. Les éléments de publication sont for-
un groupe d’individus sur quelques jours ou cément pris en compte ainsi que le potentiel de
une ou deux semaines. Le public qui se création de savoir.” Une ou deux visites du
tourne vers ces programmes est de plus en campus accompagnées par des enseignants
plus exigeant et informé de la réalité du déjà en place permettent également de juger
monde de l’entreprise. C’est pourquoi les des capacités du candidat. “Dans les écoles pri-
connaissances des enseignants, qu’ils soient vées, nous procédons comme pour n’importe
permanents ou vacataires et issus de l’entre- quel recrutement dans une entreprise, précise
prise, se doivent d’être sans cesse renouve- Eric Parlebas. Les annonces dans les journaux
lées et répondre à certains critères de ne sont pas exclues.” La cooptation est égale-
performances. ment l’une des voies utilisées pour recruter
les professeurs. “Si une personne proche vous
Les critères de recrutement conseille un candidat, c’est rassurant. Cela signi-
A l’Edhec, les professeurs-chercheurs sont fie que le postulant est fait du même bois”,
choisis selon leur curriculum vitae et sur can- assure Eric Parlebas. Les rencontres sur les
didature spontanée. “Nous évaluons leurs forums peuvent aussi ouvrir la voie de l’en-
HEC

“Entre professionnels et enseignants-chercheurs,


“Les éléments de publication sont forcément pris en compte “Dans les cursus plus techniques comme les
les élèves ne font pas la différence.” ainsi que le potentiel de création de savoir” écoles d’ingénieurs, les professionnels
Bernard Ramanantsoa, HEC. interviennent moins durant les 3 premières
années.” Eric Parlebas, Conférence des Grandes
publications, leur thématique de cours et la qua- seignement. “Nous demandons généralement Ecoles.
tudes à mi-temps pour un jour ou deux par lité de leur enseignement”, explique Anne une lettre de recommandation émanant de leur
semaine.” Une formation permanente qui Zuccarelli. Une commission de recrutement directeur de thèse”, explique Bernard Une fois recrutés, les professeurs sont éva-
s’organise le plus souvent en accord avec l’en- de 4 à 5 personnes reçoit les candidats qui Ramanantsoa. HEC invite ensuite les postu- lués tout au long de leur enseignement par
treprise. “Pour un tiers d’entre eux, il s’agit sont appréciés par un professeur de la disci- lants à présenter leurs travaux de recherche les élèves. D’autres critères de jugement sont
d’une démarche personnelle, souligne Jean- pline, le doyen de l’école, un directeur de et à démontrer leurs capacités pédagogiques également pris en compte, comme la présen-
Marc Xuereb, doyen des professeurs de tation du cours et son apport. “La capacité d’é-
l’Essec. Une négociation a été amorcée avec l’en- coute, de partage, d’empathie et le talent
treprise pour que le collaborateur organise ses “La capacité d’écoute, de partage, d’empathie et le talent oratoire oratoire doivent impérativement faire partie
études sur ses RTT ou ses congés. La direction des doivent impérativement faire partie intégrante de la personne enseignante” intégrante de la personne enseignante, souligne
ressources humaines a pu également encoura- Jean-Marc Xuereb. Nous possédons un public
ger une reprise des études et apporter un finan- particulièrement sélectionné au départ et qui
cement.” Ces cadres dirigeants conservent recherche et un directeur des programmes, au cours d’une visite du campus. exige donc un certain niveau de performance.
malgré tout un rôle actif au sein de leur en l’occurrence Anne Zuccarelli. “Chacun fait Pour les candidats issus du monde de l’en- Les capacités de compréhension, d’analyse et de
entreprise, en plus de leur implication dans son évaluation en fonction de ses attentes”, pré- treprise qui souhaitent transmettre leur synthèse sont aussi observées par les élèves.” Si
expérience, les candidatures spontanées sont les notes attribuées par les étudiants décli-
aussi les bienvenues. Les partenariats entre nent, Jean-Marc Xuereb rencontre alors les
Cadre et enseignant les entreprises et les grandes écoles facilitent enseignants concernés pour faire le point.
Gagnant aussi pour l’entreprise souvent ces échanges. “C’est une façon, pour
l’entreprise, de rechercher de jeunes talents et de Théorie et pratique,
Ils représenteraient environ 30 % du corps ensei- partager avec les étudiants”, constate Anne deux approches complémentaires
gnant des grandes écoles : certains profession- Zuccarelli. Des rencontres qui peuvent don- Les professionnels qui enseignent intervien-
nels ont choisi de transmettre leur savoir aux jeu- ner envie de postuler. L’entreprise envoie nent généralement en deuxième ou troisième
nes étudiants des grandes écoles. C’est le cas de généralement un candidat volontaire qui pos- année de programme. “Les premières années de
François Sonntag, manager chez Capgemini sède de réelles qualités d’orateur et aura mastères sont dédiées à l’enseignement des com-
Consulting. Issu de l’Edhec Business school, ce ainsi la possibilité de faire passer des messa- pétences initiales en matière de management,
cadre dirigeant, qui enseigne déjà au sein de l’u- ges. explique Patrick Houdayer. C’est une entrée en
niversité de son entreprise depuis près de 5 ans,
a décidé de dispenser son expérience auprès des
plus jeunes. “La force première d’un consultant,
c’est de transmettre ses connaissances et ses
Universités d’entreprise
convictions auprès de ses collaborateurs et ses Un outil de management
clients, explique François Sonntag. Cette envie Elles sont au nombre de 4 000 dans le monde et fine de l’importance de leur relation à leurs
d’enseigner m’est apparue tout naturellement. près de 70 en France, selon le club européen des clients, leurs personnels, leurs actionnaires et
C’est un prolongement de mon métier.” François universités d’entreprise. Essentiellement l’apa- leurs différents partenaires, note Annick Renaud-
Sonntag a été vivement encouragé par son entre- nage des grands groupes du CAC 40, ces structu- Coulon. Ces universités d’entreprise permettent
prise, laquelle a noué de nombreux partenariats res éducatives internes, physiques ou vrituelles, d’affronter les ruptures de toute nature telles les
avec d’autres grandes écoles notamment l’Essec, n’ont rien de comparable aux grandes écoles. fusions-acquisitions, les changements d’architec-
HEC et l’Ecole Centrale. Les entreprises qui don- Leur vocation est en effet d’aider à mettre en ture organisationnelle, l’abandon de pans d’acti-
nent du temps à leurs cadres dirigeants pour œuvre, via l’éducation, les stratégies écono- vités, l’introduction de nouvelles techniques de
enseigner font le plus souvent partie de grands miques, financières, technologiques, sociales et production… bref, tout ce qui survient de maniè-
groupes. Ces sociétés souhaitent être présentes “L’envie d’enseigner m’est apparue environnementales de l’entreprise. Annick re inattendue.” L’entreprise bioMérieux a créé
sur les campus pour différentes raisons. La pre- naturellement. C’est un prolongement de mon Renaud-Coulon, présidente du club européen son université en 2007 dans le souci d’accompa-
mière est que cela leur permet d’être en contact métier.” François Sonntag, Capgemini des universités d’entreprise, s’interroge sur l’ef- gner et d’aider leurs collaborateurs au quotidien.
avec les jeunes générations. “Du haut de ses 32 Consulting. fet de mode qui pousse les entreprises à créer “C’est un business pour le business, souligne
ans, François dispose de dix années d’expérience leur propre université : “Est-ce parce que le “pro- Philippe Devaux, global learning vice president
professionnelle et a su garder une proximité réel- laquelle l’entreprise n’a pas nécessairement de duit fini” de l’école ne convient pas ou plus aux chez bioMérieux. Nous impliquer dans la forma-
le avec ses étudiants, répondant au mieux à leurs réponse. “Une idée peut en amener une autre et employeurs ? Parce qu’enseignants et patrons tion permet d’être plus compétitif. Le training, le
aspirations et attentes”, souligne Claire faire ainsi germer d’autres perspectives, explique divergent sur la vision de l’entreprise et de l’édu- learning sont des éléments clés pour une entre-
Thiebaut, directrice de la communication de Eric Parlebas, président de la CGE (Conférence
Capgemini Consulting. Qui plus est, “enseigner des grandes écoles) et directeur de l’Efrei (Ecole
devrait être obligatoire pour les professionnels, française d’électronique et d’informatique). Ce Leur vocation est d’aider à mettre en œuvre, via l’éducation,
insiste Bernard Ramanantsoa, professeur et genre de pratiques devrait pouvoir se générali- les stratégies de l’entreprise
directeur général d’HEC. C’est la meilleure forma- ser, mais pour des questions de confidentialité,
tion possible car cela réclame de l’exigence. Il cela reste marginal. Pourtant les idées foison- cation ? Parce que les échelles de temps de la per- prise.” Les collaborateurs de bioMérieux sont for-
faut savoir allier l’approche académique et le ter- nent parmi les jeunes générations.” Et parmi les sonne et des marchés n’ont aucune commune més par des confrères de l’entreprise dans le but
rain, répondre aux questions qu’on oublie de se plus anciennes. “L’enseignement est une maniè- mesure, et les besoins en compétences ont évo- de “fédérer et développer une même culture de
poser au quotidien, actualiser ses connaissances re intéressante d’utiliser les cadres dirigeants à lué en conséquence ? Ou parce que nous sommes l’entreprise”, poursuit Philippe Devaux. Ainsi,
et préparer ses cours en amont. Car on ne peut l’approche de la soixantaine qui peuvent ainsi dans une ère de démocratisation du savoir ?” Une n’importe quel collaborateur peut accéder à la
chose est sûre, des besoins de compétences nou- formation et perfectionner ses capacités.
velles – technologiques, environnementales, cul- Ces universités sont-elles pour autant une alter-
“Enseigner devrait être obligatoire pour les professionnels.
turelles, managériales – ont émergé. “Cette stra- native aux grandes écoles ? Pas vraiment car ces
C’est la meilleure formation possible car cela réclame de l’exigence” tégie répond à de nouveaux instruments de lec- “académies” répondent à un besoin interne très
ture du monde, ainsi qu’à une nouvelle relation précis et ne peuvent délivrer de diplômes recon-
présenter un cours uniquement sur son expérien- valoriser l’entreprise plutôt que de se retrouver au savoir et au pouvoir”, poursuit Annick nus par l’Etat. De plus, contrairement aux gran-
ce, sinon cela devient un témoignage. Et un poussés vers la retraite”, regrette Eric Parlebas. Renaud-Coulon. Ces universités permettent d’in- des écoles, certains soulignent un risque de repli
témoignage de 30 heures n’est pas possible”. Remise en question, réévaluation de son métier, tégrer les salariés à la culture de l’entreprise et sur soi. Pour autant, bon nombre d’universités
L’autre raison est en lien direct avec le recrute- proximité des futurs candidats des entreprises, de rassembler les collaborateurs éloignés les uns d’entreprise font appel à des équipes externes,
ment, un poste de coût important pour l’entrepri- des intérêts qui incitent de plus en plus les socié- des autres le temps d’une formation, et ainsi pluridisciplinaires et à des partenariats avec les
se. Enseigner permet en effet un premier repéra- tés à céder du temps à leurs consultants pour créer de la cohésion. Mais pas seulement. “Cela grandes écoles afin de conserver une ouverture
ge des étudiants les plus vifs et les plus motivés. transmettre savoir et expérience. permet aussi d’accompagner les changements, sur le monde et rester ainsi attractives, innovan-
L’enseignement peut en outre amener à poser V.A. un élément essentiel des stratégies modernes en tes et créatrices.
une problématique concrète aux étudiants sur ce qu’il donne aux entreprises une lecture plus V.A.

16 Le nouvel Economiste - Grandes Ecoles - Supplément au n°1568 - Du 26 mai au 2 juin 2011 - Hebdomadaire
Le nouvel Economiste - Grandes Ecoles - Supplément au n°1568 - Du 26 mai au 2 juin 2011 - Hebdomadaire 17
Grandes écoles
MASTERS ET MASTERES

n’a, au départ, pas nécessairement toutes ces


aptitudes, il apporte une expertise et des
illustrations qui s’insèrent parfaitement aux
cours de l’enseignant permanent. “Certains
prennent l’habitude de travailler ensemble
durant des années”, poursuit Anne Zuccarelli.
L’interaction permanente entre création de
connaissances théoriques et apport managé-
riaux se fait au fil des programmes. L’apport
extérieur des experts issus du monde profes-
sionnel est indéniable. 500 professionnels
interviennent chaque année dans les divers
programmes d’EM Lyon Business school. “Les
études de cas concrets sont les plus pertinents et
permettent aux étudiants d’intervenir dans la
problématique de l’entreprise, affirme Patrick
Houdayer. Qui mieux qu’un cadre dirigeant
peut témoigner d’un choix, d’une démarche ana-
lytique qui conduit à une décision ?”
Pour autant, Eric Parlebas souligne le fait que
le professionnel reste au service de son entre-
“Certains chercheurs et professionnels de prise avant tout et “si le dirigeant de la société
l’entreprise prennent l’habitude de travailler décide de la présence de son collaborateur pour
ensemble durant des années.” une réunion le lendemain, ce dernier peut par-
Anne Zuccarelli, Edhec. faitement annuler un cours”. De plus, les pro-
fessionnels viennent rarement avec des
matière importante avant d’avoir un premier polycopiés. “Ils ne laissent parfois pas de traces
contact avec un professionnel qui viendra témoi- aux élèves”, regrette Eric Parlebas. Des aléas
gner de son expérience.” Les stages se multi- qui empêchent de moins en moins les profes-
plient tout au long des programmes et au fur sionnels de s’investir et d’être efficaces et en
et à mesure des années. Au bout des douze pre- osmose avec leurs homologues chercheurs. Le
miers mois de formation, l’étudiant a déjà corps professoral s’est internationalisé au
acquis une petite expérience pour une pre- même titre que les cadres dirigeants des

“Qui mieux qu’un cadre dirigeant peut témoigner d’un choix,


d’une démarche analytique qui conduit à une décision?”

mière approche de l’entreprise. Dans les cur- entreprises qui se sont adaptés à la mondia-
sus plus techniques comme les écoles lisation. Les enseignants permanents ont un
d’ingénieurs, les professionnels interviennent pied dans l’entreprise, et les professionnels
moins durant les trois premières années “car s’appliquent à donner un véritable cours, et
l’étude d’autres matières fondamentales – pas seulement un témoignage. L’un et l’autre
comme les mathématiques, l’électricité, la méca- semblent interchangeables et les étudiants
nique des fluides –entre en ligne de compte”, rap- des masters et mastères des grandes écoles
pelle Eric Parlebas. en tirent les bénéfices. Car aujourd’hui, les
Entre enseignants-chercheurs permanents et dirigeants et enseignants font le même cons-
praticiens issus du monde de l’entreprise, tat. L’exigence des étudiants est de plus en
lequel est alors le plus pertinent pour former plus grande. L’écart entre les générations
les futures élites des entreprises ? De la théo- s’est creusé. Les étudiants ont désormais un
rie des professeurs et de la pratique des pro- niveau d’implication très important à la fois
fessionnels, laquelle de ces deux formations dans leurs études et dans la connaissance du
est la plus appropriée? “Penser que l’un est trop monde de l’entreprise. 
théorique et l’autre trop dans le cas particulier
est un cliché, affirme Jean-Marc Xuereb, pro-
fesseur de marketing depuis 15 ans après
avoir œuvré 10 ans dans le monde du conseil.
Du professeur ou du professionnel, les deux res-
tent pertinents. Le chercheur permet une appro-
che générale et le professionnel apporte son
expérience personnelle.” Deux approches diffé-
rentes et complémentaires qui offrent une for-
mation optimale aux étudiants. “Les
chercheurs ne sont jamais déconnectés du monde
de l’entreprise, souligne Anne Zuccarelli. On ne
fait de la recherche qu’à partir du moment où
l’on est en relation avec l’entreprise. Les cher-
cheurs peuvent présenter un jour les résultats de
leur recherche lors d’une conférence face à 800
professionnels et être le lendemain face à leurs
étudiants.” Une analyse qui fait l’unanimité
parmi les dirigeants des grandes écoles. “La
recherche est plus ou moins académique ou pro-
fessionnelle, remarque Patrick Houdayer.
Chacun doit produire notamment dans les revues
CHIFFRES REVELATEURS
internationales. Le métier de professeur est
moins manichéen qu’autrefois.” Entre les deux, Enseignants, chercheurs et professionnels
“les élèves ne font pas la différence”, conclut Au sein des grandes écoles, 60 % à 70 % des
Bernard Ramanantsoa. Car les professeurs enseignants sont essentiellement des enseignants-
purement théoriques se font rares. Et du cher- chercheurs et des professeurs permanents, et 30 % à
cheur et du professionnel, chacun possède ses 40 % représentent les professeurs issus du monde de
propres talents. “Les chercheurs ont accès à des l’entreprise
bibliothèques virtuelles qui constituent des
points immenses de connaissances, souligne Eric
Parlebas. Personne d’autre ne saurait produire
et apporter cette profondeur de cadre théorique.”

Pédagogie des uns, expertise des autres Sigles & acronymes


Sans oublier que l’enseignant-chercheur
CGE (Conférence des grandes école )
enseigne avant tout. “Certes, c’est leur métier,
reconnaît Anne Zuccarelli. Les enseignants-
chercheurs possèdent des qualités pédagogiques
évidentes. Ils savent construire un cours, définir
Lire les dossiers précédents
des objectifs d’apprentissage, de compétences et Les archives numériques
d’évaluation, et ont cette capacité de correction nouveleconomiste.fr
propre à leur profession.” Si le professionnel (consultation gratuite)

18 Le nouvel Economiste - Grandes Ecoles - Supplément au n°1568 - Du 26 mai au 2 juin 2011 - Hebdomadaire
Le nouvel Economiste - Grandes Ecoles - Supplément au n°1568 - Du 26 mai au 2 juin 2011 - Hebdomadaire 19
20 Le nouvel Economiste - Grandes Ecoles - Supplément au n°1568 - Du 26 mai au 2 juin 2011 - Hebdomadaire
Ressources humaines
ECOLES D’INGENIEURS

- Développement durable et RSE, les incontournables


- Double compétence et ouverture d’esprit, les souhaitables
- Partenaires sur l’emploi
- Partenaires sur l’enseignement
- Partenaires sur la recherche

Partenariats écoles/entreprises

Intérêts bien compris


Emploi, enseignement, recherche, des liens toujours plus forts

Les diplômes délivrés par les écoles d’ingénieurs assurent à leurs élèves de trou-
ver rapidement un travail à un bon niveau de salaire. Mais les écoles ne se repo-
sent pas pour autant sur leurs lauriers car elles s’efforcent d’adapter, constamment,
leurs formations aux attentes des entreprises. Il est désormais demandé aux jeu-
nes diplômés d’être conscients des problématiques sociales et environnementa-
les, orientés clients et ouverts à l’international. Les liens entre les écoles
d’ingénieurs et les entreprises ne cessent de se resserrer à travers trois types de
partenariats : l’emploi, l’enseignement et la recherche.

Par Fabrice Humbert

S
elon une étude de la Conférence des nes ingénieurs et de les adapter à leurs spécificités. Il s’agit d’abord d’une attente de la part des entre- “Nos jeunes élèves ingénieurs sont très sensibles à ces
directeurs des écoles françaises d’in- y a toujours un petit écart entre l’enseignement et l’o- prises, qui sont de plus en plus confrontées aux questions car ils ont grandi dans un contexte de crise
génieurs (CDEFI), les formations pérationnel.” problématiques environnementales et sociales. économique et environnementale. Nous sommes
menant au titre d’ingénieur ne ces- Cependant, la tendance pour les écoles d’ingé- “Désormais on demande aux ingénieurs de prendre confrontés à un facteur générationnel, analyse
sent de croître. Le nombre d’élèves ingénieurs a nieurs et les entreprises est de nouer des parte- en compte l’impact social et écologique des projets Robert Thummel. Cependant ces éléments de for-
doublé en 20 ans, passant de 57700 en 1990 à nariats toujours plus étroits et diversifiés. qu’ils développent”, explique MatthieuTezenas du mation s’insèrent dans un enseignement global dont
122000 en 2010. Un dénominateur commun ras- “L’imbrication entre les écoles et les entreprises est de Montcel. En somme, il leur est demandé de savoir le but est de les insérer professionnellement.”
semble les formations délivrées par les 250 écoles plus en plus grande, analyse Laurent Rota, cor- prévenir plutôt que de guérir mais aussi de savoir
d’ingénieurs françaises: l’habilitation de la respondant PSA pour l’Ecole polytechnique. C’est gérer sur le long terme. Lorsqu’ils travaillent sur Double compétence et ouverture d’esprit,
Commission des titres d’ingénieur (CTI). Ce une mutation profonde de l’enseignement et une un projet ou une infrastructure,les ingénieurs doi- les souhaitables
contrôle donne aux élèves ingénieurs l’assurance orientation nécessaire.” Cette porosité entre ces vent désormais penser sa fin de vie, son déman- Soit, les qualités que les entreprises recherchent
de recevoir un socle commun de connaissances et deux mondes pousse les écoles d’ingénieurs à s’ou- tèlement et son recyclage. Ces facteurs sont donc chez les élèves ingénieurs sont en premier lieu
reste un gage de qualité et de sérieux.Notamment vrir aux nouvelles thématiques qui traversent le pris en compte dans les formations des écoles d’in- leurs connaissances scientifiques et leur capacité
à l’international. “Les ingénieurs français sont très à résoudre des problèmes complexes. Mais cette
demandés à l’étranger pour faire de la gestion de pro- Le nombre d’élèves ingénieurs a doublé en 20 ans, formation technique doit désormais s’accompa-
jets ou diriger de gros chantiers, constate Matthieu passant de 57700 en 1990 à 122000 en 2010 gner d’une vision économique et commerciale des
Tezenas du Montcel, administrateur de Syntec problèmes. “Nos ingénieurs doivent souvent repré-
Conseil en Recrutement,car grâce à leur formation monde de l’entreprise et la société française dans génieurs, comme par exemple à Polytechnique. senter l’entreprise et assumer un vrai rôle de conseil
scientifique et pluridisciplinaire, ils sont capables d’a- son ensemble. “Tout en conservant notre approche polytechni- auprès des clients”,explique Christine Damasceno,
voir une vision d’ensemble des problèmes.” Il existe cienne,donc scientifique et globale de l’enseignement, responsable recrutement et compétences chez
de nombreux palmarès notant les écoles d’ingé- Développement durable et RSE, nous avons complété notre offre de formation disci- T Systems France. “Nous recherchons des gens qui
nieurs françaises, mais elles sont en général clas- les incontournables plinaire par des parcours interdisciplinaires et trans- sauront manager le côté technique d’un projet mais
sées en quatre groupes allant de A à D. Les plus Les grandes problématiques auxquelles doivent versaux, explique Yves Gnanou, le directeur aussi sa dimension commerciale, confirme Alexis
prestigieuses d’entre elles sont invariablement faire face les entreprises sont prises en compte et adjoint à l’enseignement. C’est ainsi que nous avons Harmel, directeur des ressources humaines de
l’Ecole polytechnique, l’Ecole centrale de Paris, parfois devancées par les écoles d’ingénieurs.“Les mis en place des parcours Energie renouvelable, Eco- Fujitsu France. Mais cette double compétence est
L’Ecole des mines-Paris ou encore l’Ecole natio- nouvelles thématiques telles que le développement science (étude de la biodiversité) ou encore parfois difficile à trouver.”
nale des ponts et chaussées. Les jeunes diplômés L’ouverture à l’international et la maîtrise de la
sortant d’une école d’ingénieurs ont de bonnes
“Les écoles ne forment pas des personnes clés en main, langue anglaise sont des compétences extrême-
chances de trouver rapidement un travail au sein directement opérationnelles pour les entreprises. ment prisées chez les jeunes ingénieurs. Les éco-
d’une entreprise (environ 90 % deux mois après C’est à l’entreprise de les adapter à leurs spécificités” les comme les entreprises l’ont bien compris.
l’obtention du diplôme). “Mais les écoles ne forment “L’Ecole polytechnique a noué des partenariats avec
pas des personnes clés en main, directement opéra- durable ou la Responsabilité sociale des entreprises Environnement et climat.” des universités étrangères de renom, notamment chi-
tionnelles pour les entreprises, prévient Wilhelm (RSE) apparaissent très fortement dans nos forma- Peut-être davantage encore que les entreprises, noises, explique Laurent Rota. Cette approche inté-
Laligant, directeur général de Randstad Search tions”, confirme Richard Thummel, directeur de les élèves eux-mêmes sont demandeurs de for- resse particulièrement le groupe PSA car nous avons
and Selection. C’est à l’entreprise d’intégrer ces jeu- l’enseignement de l’Ecole des Ponts ParisTech. Il mations sur le développement durable ou la RSE. besoin d’ingénieurs capables d’accompagner notre

Le nouvel Economiste - Grandes Ecoles - Supplément au n°1568 - Du 26 mai au 2 juin 2011 - Hebdomadaire 21
Ressources humaines
ECOLES D’INGENIEURS

Fujitsu est avant tout un groupe participatif. Nous de proposer des postes aux élèves qui ont suivi le cur-
ne voulons pas de gens qui pensent qu’ils savent tout.” sus,précise Laurent Rota.Une chaire fonctionne sur
le principe du donnant-donnant. Mais ce n’est pas
Partenaires sur l’emploi non plus un précontrat, chacun est libre.”
Le premier type de partenariat entre les entre-
prises et les écoles d’ingénieurs concerne l’em- Partenaires sur l’enseignement
ploi. Si les crises de1993 et2001 ont eu un impact Le second type de partenariat entre les entrepri-
sur le taux d’insertion des jeunes ingénieurs,celui- ses et les écoles d’ingénieurs concerne l’ensei-
ci est resté très limité après la crise de 2008.Ainsi, gnement lui-même. “A l’ENPC, 40 % des
une étude commandée par la Conférence des intervenants sont issus du monde de l’entreprise, pré-
grandes écoles en 2009 montre que leur taux de cise Richard Thummel. Ils président même parfois
chômage n’était que de 2,4% six mois après l’ob- des départements. Ainsi le département Ingénierie et
tention de leur diplôme.Aujourd’hui, la situation mathématique/informatique est présidé par un direc-
semble encore meilleure. “Des groupes comme teur scientifique d’EADS et le président du départe-
Alstom, Areva, EADS ont des gros besoins d’ingé- ment de génie industriel est le fondateur associé
nieurs sur le long terme, révèle Wilhelm Laligant. d’Argon.”Dans ce cas, une véritable gouvernance
“Les ingénieurs français sont très demandés à Les entreprises du secteur des technologies de l’infor- commune peut se mettre en place. Mais ce sera
“Nous recherchons des gens qui sauront
l’étranger pour faire de la gestion de projets ou matique ont elles aussi besoin de jeunes ingénieurs, toujours l’école qui aura le dernier mot. “Les entre- manager le côté technique d’un projet mais
de gros chantiers.” Matthieu Tezenas du aussi sa dimension commerciale.” Alexis
Montcel, Syntec Conseil en Recrutement. “Des groupes comme Alstom, Areva, EADS Harmel, Fujitsu France.
ont des gros besoins d’ingénieurs sur le long terme”
développement en Chine.” même si elles préfèrent le plus souvent externaliser et prises ne sont pas décisionnaires, les départements ciblées et ponctuelles, les entreprises et les écoles
Dans le même esprit, il est désormais demandé passer par des SSII.”A tel point que les élèves doi- scientifiques sont en charge de décliner et de valider peuvent s’associer pour porter des projets de
aux ingénieurs d’être capables de travailler dans vent parfois choisir entre plusieurs offres d’em- une offre de cours, prévientYves Gnanou. Mais lors- grande ampleur.“Les écoles sont souvent porteuses
un environnement multiculturel.“Un certain nom- ploi avant même la fin de leur cursus scolaire. Les qu’il n’y a pas l’expertise au sein de l’école, nous pou- de procédés innovants, mais elles n’ont pas le savoir-
bre de nos projets sont à l’international, témoigne entreprises n’hésitent pas à venir chercher leurs vons très bien nous tourner vers les entreprises. Par faire ou la puissance financière pour les développer
Christine Damasceno, nos ingénieurs sont donc futurs salariés au sein des écoles. Lesquelles les exemple pour le cours d’ingénierie financière, nous au niveau industriel et les mettre sur le marché,
appelés à collaborer au quotidien avec des gens de cul- sollicitent pour financer des stages et trouver des demanderons à des représentants des banques d’in- explique Yves Gnanou. C’est là que les entreprises
ture différente, que ce soit au bureau, au téléphone ou débouchés à leurs élèves. Les interventions des tervenir.” interviennent.”Et si le procédé finit par être com-
par mail.” entreprises peuvent d’abord prendre la forme de D’une part, la formation des ingénieurs est sur- mercialisé, les écoles toucheront leur part des
Enfin, les entreprises recherchent en priorité des conférences techniques où des salariés viennent veillée de très près par la CTI et d’autre part, les bénéfices qu’il engendrera.
jeunes diplômés ayant un bon état d’esprit et présenter leur groupe ou leurs métiers (consul- écoles elles-mêmes veillent à ce que leurs élèves Un autre exemple de partenariat entre une école
démontrant une véritable capacité d’adaptation. tants, chefs de projets…) aux étudiants. Mais ce acquièrent un socle commun de connaissances d’ingénieurs et une entreprise au niveau de la
Plus que la somme de connaissances accumulées, n’est pas le seul point de rencontre entre un élève scientifiques. Cependant, plus l’étudiant se dirige recherche est le soutien apporté aux start-up.
c’est le savoir-faire et le savoir-être qui feront la ingénieur et un potentiel employeur. vers la fin de son cursus scolaire et plus la présence “Lorsqu’un élève ou un chercheur issu de l’école sou-
différence. “Nous recherchons des têtes bien faites “Les bourses d’excellence sont une modalité de mise des entreprises se fait sentir. “Au cours de la haite créer son entreprise et développer une innova-
plus que des têtes bien pleines”, explique Christine en relation très étroite entre un étudiant et une entre- 2e année, chaque étudiant doit mener un projet à bien tion, nous hébergeons leur entreprise naissante le
Damasceno. “Nous ne surévaluons pas l’importance temps que le projet prenne de l’ampleur”,révèleYves
du diplôme. Nous faisons aussi confiance aux écoles Gnanou.
d’ingénieurs du groupe B, confirme Alexis Harmel. “Mais lorsqu’il n’y a pas l’expertise au sein de l’école, Ainsi les relations entre les entreprises et les éco-
nous pouvons très bien nous tourner vers les entreprises”

prise, explique Richard Thummel. Les élèves doi- avec recherche de financement auprès des entrepri-
vent aussi effectuer deux stages en entreprise au cours ses, explique Richard Thummel. En 3e année, c’est
de leur cursus. La somme des deux représente 40 à l’entreprise qui donne le cahier des charges, accom-
50 % des sources des élèves pour trouver leur futur pagne et finance le projet.”
poste.” Les chaires d’entreprises sont aussi un moyen
Les entreprises et les futurs salariés sont aussi pour ces dernières d’intervenir dans la mise en
amenés à se rencontrer lors de forums annuels place du projet pédagogique. Car les élèves qui y
organisés au sein des établissements. “Lors du prennent part doivent être formés à des problé-
X forum, les entreprises paient pour figurer dans le matiques très pointues avant de participer aux
grand hall de l’Ecole polytechnique, révèle Yves recherches menées conjointement par l’entre-
Gnanou. C’est à elles de convaincre nos élèves, car les prise et l’école. “Par exemple dans le cadre de sa
meilleurs d’entre eux préfèrent souvent intégrer les chaire à l’ENPC, Lafarge soutient directement la for-
grands corps de l’Etat.” mation Science des matériaux pour la construction”,
A noter également les chaires d’entreprises, ces confirme Richard Thummel. Dans le cadre de la
modes de mise en relation très étroite entre les chaire André-Citroën de l’Ecole polytechnique,
Plus que la somme de connaissances accumulées, entreprises et les élèves des écoles d’ingénieurs. des modules d’enseignement dédiés à l’automo- “Lors du X forum, les entreprises paient pour
c’est le savoir-faire et le savoir-être qui feront la Les entreprises mécènes jouent un rôle moteur bile dans lesquels interviennent les cadres de chez figurer dans le grand hall de l’Ecole poly-
différence. “Nous recherchons des têtes bien dans la création et le financement de ces parte- PSA ont été mis place.L’entreprise peut ainsi déli- technique.” Yves Gnanou, Ecole polytechnique.
faites plus que des têtes bien pleines”, Christine nariats. Elles investissent du temps et de l’argent vrer aux élèves ingénieurs des connaissances spé-
Damasceno, T Systems France. pour former leurs salariés de demain. “L’idée est cifiques au monde de l’automobile. “Cette
collaboration peut aller encore plus loin car nous four- les d’ingénieurs ont probablement vocation à s’in-
nissons aux étudiants qui le désirent des thèmes pour tensifier car les deux mondes en profitent sans
Ecoles d’ingénieurs leurs thèses et leurs stages, explique Laurent Rota. perdre leur spécificité. 
Disparité hommes-femmes Cela permet à l’école et au groupe PSA de faire avan-
cer leurs projets de recherche communs.”
Selon une étude menée par la Conférence des direc- pour les ingénieures ayant de 50 à 60 ans.
teurs des écoles françaises d’ingénieurs (CDEFI) sur Les pouvoirs publics et les associations sont cons- Partenaires sur la recherche
l’année scolaire 2009-2010, les femmes représentent cients du problème et mènent régulièrement des cam- Le troisième et sans doute le plus étroit des par- CHIFFRES REVELATEURS
27,4 % des élèves ingénieurs. Soit 30554 sur 111666. pagnes pour pousser les filles à suivre les filières scien- tenariats noués entre les entreprises et les écoles
Même si c’est loin de l’objectif de parité affiché par le tifiques. Les entreprises elles-mêmes s’engagent. d’ingénieurs concerne la recherche. Les entre- Des élèves de plus en plus nombreux
ministère de l’Enseignement supérieur et de la C’est par exemple le cas d’Orange, signataire sous l’é- prises installent par exemple des centres de Il y a 250 écoles d’ingénieurs en France.
Recherche, la progression est tout de même de 12,6 % gide de l’Union européenne, du Code des bonnes pra- recherche au sein même des campus. “Depuis la Le nombre d’élèves ingénieurs a doublé en 20 ans,
réforme de l’Université, nous constatons un rappro- passant de 57700 en 1990 à 122000 en 2010.
Les femmes représentent 27,4 % des élèves ingénieurs chement des écoles d’ingénieurs entre elles et une den- 6 % des élèves ingénieurs sont des femmes.
et 17 % des ingénieurs en activité sification des campus, analyse Matthieu Tezenas Une promotion de l’Ecole polytechnique compte
du Montcel. Il est plus facile pour elles de nouer des 500 élèves. Le taux d’insertion des élèves ingénieurs
partenariats avec les entreprises.” 2 mois après l’obtention de leur diplôme est de 90 %.
en quatre ans. Mais la progression reste trop faible et tiques pour inciter les femmes scientifiques à faire car- Ainsi,Thales et Danone Research sont déjà pré- Leur salaire d’embauche varie entre 30000 et plus de
la profession d’ingénieur est toujours fortement mas- rière dans le secteur des technologies de l’information sents sur le campus de l’Ecole polytechnique.EDF 40000 €.
culine. Ainsi, le taux d’ingénieures en activité est et des communications. Notamment à travers un pro- et Nano-innov sont en cours d’installation. Cette Le groupe PSA a noué des partenariats avec 25 écoles
aujourd’hui de 17 % seulement. gramme de shadowing, selon lequel une collégienne proximité permet en premier lieu d’alimenter le d’ingénieurs.
L’étude de la CDEFI montre en outre que les écoles les suit une femme ingénieur durant une journée de tra- vivier en doctorants. “Les entreprises expriment des
plus prestigieuses sont les moins féminisées. Ainsi, les vail en entreprise. Ceci afin de se projeter dans une car- problématiques et le centre de recherche les traduit
écoles de type Ensam scolarisent 14% d’élèves femmes. rière scientifique et de modifier l’image que se font les en recherches,expliqueYves Gnanou.Les entrepri-
Sigles & acronymes
De même, les Académies les plus prestigieuses comme jeunes femmes du secteur technologique et de ses ses peuvent de plus prendre en charge le recrutement CDEFI (Conférence des directeurs des écoles françai-
celle de l’Ile-de-France concentrant les meilleures écoles métiers. Cisco, de son côté, organisait le 18 mai dernier d’étudiants qui travaillent sur une thèse ou des post-
(Polytechnique, Centrale Paris, Mines Paris, Ponts et l’événement “Connected Girls” qui réunissaient des doc.” ses d’ingénieurs), CTI (Commission des titres d’ingé-
chaussées, Ensam Paris, ou Télécom Paris…) sont les jeunes filles âgées de 15 à 18 ans. Les participantes ont Dans le cadre de la chaire André-Citroën, qui tra- nieur)
régions qui sont les moins féminisées (Créteil compte eu l’opportunité de rencontrer des femmes – parmi les- vaille sur la modélisation mécanique et multi-
15 % de femmes dans ses élèves-ingénieurs, Versailles quelles Ellen Mac Arthur – qui après des études scien- physique, les chercheurs du groupe PSA
21 %, Paris 23 %) alors que l’académie de Montpellier tifiques, exercent avec passion leur métier dans le sec- accueillent des chercheurs de l’Ecole polytech- Lire les dossiers précédents
Les archives numériques
affiche un taux de 44%. A noter aussi que le taux d’ingé- teur des nouvelles technologies. nique dans leurs locaux et inversement. nouveleconomiste.fr
nieurs femmes de moins de 30 ans est de 27% et de 8% F.H. Alors que les thèses sont des collaborations plus (consultation gratuite)

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