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DERRIDA

Grondin

1. RÉSUMÉ :

Le débat entre Hans-Georg Gadamer et Jacques Derrida en 1981 à Paris a mis en lumière la
confrontation entre une herméneutique de la confiance et une herméneutique du soupçon. Bien que
Gadamer et Derrida aient des origines communes, notamment leur engagement dans le programme
herméneutique de Heidegger, Derrida se distingue par son approche "destructrice". Il remet en
question la conception métaphysique du sens, en particulier dans la linguistique de Saussure, en
introduisant la "différance" qui souligne l'écart infini entre le signe et le sens.
Derrida accorde une importance primordiale à la dimension linguistique de la compréhension,
mais il diffère de Gadamer en adoptant une perspective plus structuraliste. Pour Derrida, l'être
devient un effet de la différance, et il affirme qu'il n'y a "pas de hors texte". Cela soulève des
critiques quant à savoir si sa déconstruction ne succombe pas elle-même à un nominalisme en se
concentrant exclusivement sur les signes.
La déconstruction de la métaphysique chez Derrida se manifeste par une remise en question de la
logique qui sous-tend l'idée d'une présence réelle du sens en dehors des signes. Il exprime une
suspicion envers le projet herméneutique, le percevant comme une tentative d'appropriation
impérialiste. Pour Derrida, l'impératif n'est pas de comprendre l'autre, mais d'interrompre la volonté
de compréhension, considérée comme emblématique de la "métaphysique".
Malgré cela, Derrida défend une perspective panherméneutique en niant la possibilité de trouver
un sens en dehors du discours. Il distingue deux interprétations de l'interprétation, opposant la
recherche d'une vérité derrière les signes à une affirmation du jeu et de la libération par-delà
l'humanisme. Ces perspectives ont été confrontées lors du débat public entre Gadamer et Derrida en
1981.
Suite à la rencontre entre Derrida et Gadamer en 1981, les divergences profondes entre les deux
penseurs ont été mises en évidence, démontrant une difficulté à trouver un terrain d'entente. Malgré
leurs points de départ communs, tels que leur héritage heideggérien, leur critique du scientisme et
leur thèse sur l'universalité du langage, la rencontre a été qualifiée d'échec, se transformant en un
dialogue de sourds.
Gadamer, représentant de l'herméneutique, a exposé son idée de la compréhension en tant que
dialogue vivant, insistant sur l'importance du langage comme moyen d'accéder au sens. Cependant,
Derrida a soulevé des questions cruciales remettant en cause la possibilité même de la
compréhension. Il a remis en question l'idée de bonne volonté, affirmant que cette notion pouvait
être une forme de domination, et a souligné que la compréhension pourrait être limitée, voire
impossibilitée, par le langage et ses structures.
Les questions de Derrida ont exposé les tensions entre les deux approches. Il a évoqué la
possibilité que la compréhension soit liée à une métaphysique de la volonté, remettant en question
la prétendue inconditionnalité de la bonne volonté. De plus, il a suggéré que l'herméneutique
pouvait être associée à une tentative de totalisation et de domination par le langage, un point de vue
auquel il s'opposait fermement.
Le débat a également porté sur la nature de la compréhension elle-même, Derrida remettant en
question si celle-ci était véritablement une ouverture à l'autre ou plutôt une forme de violence,
imposant des schèmes de pensée au détriment de la spécificité de l'autre.
En fin de compte, la rencontre a illustré les différences irréconciliables entre l'herméneutique de
Gadamer, axée sur la compréhension et le dialogue, et la déconstruction de Derrida, remettant en
question les présupposés métaphysiques et les tentatives de totalisation. Ces différences ont
alimenté le débat entre les deux approches, laissant peu de place à un terrain commun.
Après la rencontre de 1981 entre Derrida et Gadamer, la stupéfaction initiale de Gadamer a laissé
place à une réflexion continue sur le débat. Les objections de Derrida ont probablement influencé
Gadamer, conduisant à une révision implicite de certaines thèses herméneutiques.
La critique de Derrida sur la métaphysique de la volonté a peut-être incité Gadamer à atténuer
l'aspect "appropriant" de la compréhension présenté dans "Vérité et méthode". En 1986, Gadamer a
ajouté une note soulignant le risque de « s'approprier » l'autre dans la compréhension, semblant
ainsi corriger sa conception.
La rencontre entre l'herméneutique et la déconstruction a également influencé la notion de
compréhension chez Gadamer. Dans ses derniers écrits, il insiste sur l'idée que l'herméneutique
consiste à reconnaître que « c'est peut-être l'autre qui a raison ». La compréhension devient plus
une ouverture à l'autre que simplement une appropriation.
De plus, dans ses derniers écrits, Gadamer met moins l'accent sur l'universalité du langage,
préférant parler des « limites du langage » face à tout ce qui peut être dit. Ces évolutions semblent
être des fruits de la rencontre entre la déconstruction et l'herméneutique.
Après la mort de Gadamer en 2002, il a été révélé que le dialogue interne entre Gadamer et
Derrida n'avait jamais cessé. Derrida a prononcé une conférence en hommage à Gadamer en 2003,
intitulée "Béliers. Le dialogue ininterrompu : entre deux infinis, le poème." Cette expression
paradoxale de "dialogue ininterrompu" souligne la persistance du dialogue malgré la mort de l'un
des interlocuteurs.
Derrida considère la mort comme faisant partie intégrante du dialogue entre amis. Selon lui, l'un
des amis survivra à l'autre, et le dialogue ininterrompu signifie que le survivant doit porter l'ami
décédé en lui. Cette idée de dialogue posthume fait écho à la notion d'interruption discutée lors de
leur rencontre en 1981.
La conférence de Derrida en 2003, qui explore un poème de Celan, illustre cette idée de dialogue
entre "deux infinis." La notion d'interruption, discutée en 1981, semble être liée à la pensée
testamentaire de Derrida, où la parole survit à son auteur et doit être portée par l'ami survivant.
Derrida témoigne également de son admiration et de son affection pour Gadamer dans un texte
publié peu après la mort de ce dernier. Derrida exprime sa difficulté à accepter la mort de Gadamer,
soulignant l'impression que ce dernier communiquait une sérénité philosophique par sa manière de
vivre.
Cependant, le dialogue posthume entre Derrida et Gadamer a été interrompu par la mort de
Derrida en 2004. La responsabilité de poursuivre cet échange entre "deux infinis," représentant
l'herméneutique et la déconstruction, incombe désormais à leurs amis.

2. FICHE :

2.1. Déconstruction, Herméneutique et Interprétation chez Derrida


• Jacques Derrida (1930-2004), figure emblématique de la pensée déconstructiviste, a
profondément influencé le domaine de l'herméneutique en confrontant les perspectives de la
confiance et du soupçon.
• Sa rencontre avec Hans-Georg Gadamer en 1981 à Paris a marqué un moment clé dans cette
confrontation.
a) Contexte et Fondements Philosophiques
i. Origines Communes :
• Derrida, tout comme Gadamer, a débuté avec le programme herméneutique de Heidegger,
tel que présenté dans "Être et Temps".
• Cependant, il se distingue en privilégiant le volet "destructeur" de Heidegger, mettant en
lumière les présupposés métaphysiques de la tradition occidentale.
ii. Métaphysique de la Présence :
• Derrida adopte l'idée heideggérienne selon laquelle la pensée occidentale est régie par une
détermination de l'être comme présence.
• Il remet en question la conception métaphysique du sens, notamment à travers une critique
de la linguistique de Ferdinand de Saussure.
b) Déconstruction de la Métaphysique
i. La Différance :
• Derrida introduit le concept de "différance", soulignant l'écart et le report infini entre le
signe et le sens.
• Ainsi, le sens demeure toujours différé, échappant à une présence pleine, déconstruisant la
conception traditionnelle du langage.
ii. "Pas de Hors Texte" :
• Derrida affirme qu'il n'y a "pas de hors texte", suggérant que toute réalité, y compris l'être,
est inatteignable en dehors des signes linguistiques.
• Cette perspective peut être interprétée comme une radicalisation du structuralisme.
c) Critique de l'Herméneutique Classique
i. Métaphysique de la Présence des Signes :
• Ironiquement, Derrida est accusé de succomber lui-même à une "métaphysique de la
présence" en se concentrant exclusivement sur l'ordre des signes, ignorant peut-être d'autres
dimensions de l'expérience humaine.
ii. Suspicion envers l'Herméneutique :
• Derrida exprime une suspicion envers l'herméneutique classique qu'il associe à une quête
métaphysique d'un sens ultime derrière les signes, dénonçant cette volonté comme
impérialiste et appropriatrice.
d) Interprétation et "Deuxième Herméneutique"
i. Panherméneutique :
• Derrida soutient une conception "panherméneutique", niant la possibilité de trouver un sens
en dehors du discours.
• Tout rapport à l'être relève du jeu des interprétations.
ii. Deux Interprétations de l'Interprétation :
• Derrida distingue deux approches de l'interprétation : la première cherche un sens ultime
derrière les signes, tandis que la seconde affirme le jeu et cherche à dépasser l'humanisme,
embrassant une perspective nietzschéenne.
➢ Première Approche - Recherche d'un Sens Ultime :
 CARACTÉRISTIQUES :
• Cette approche, souvent associée à l'herméneutique classique, cherche à déchiffrer les signes
en quête d'un sens ultime, caché derrière eux.
• C'est une démarche métaphysique qui suppose l'existence d'une vérité ou d'une origine
transcendantale.
 OBJECTIF :

• L'objectif de cette approche est de découvrir une signification fixe et immuable, un "sens"
qui transcende le jeu des signes.
• C'est une recherche de stabilité et de certitude dans la compréhension du monde.

➢ Deuxième Approche - Affirmation du Jeu et Dépassement de l'Humanisme :

 CARACTÉRISTIQUES :

• Cette approche, liée à la perspective déconstructionniste de Derrida, se distingue en


affirmant le caractère ludique et non fixe du langage. Elle rejette l'idée d'un sens ultime en
faveur du jeu infini des interprétations.

 INSPIRATION NIETZSCHE :

• En embrassant une perspective nietzschéenne, cette approche reconnaît l'influence de


Friedrich Nietzsche, philosophe qui a remis en question les concepts traditionnels de vérité
et d'objectivité.
• Nietzsche célèbre le jeu du monde, l'innocence du devenir, et s'oppose à la recherche d'une
vérité ultime.

 DÉPASSEMENT DE L'HUMANISME :

• En rejetant l'humanisme, qui souvent cherche à établir des significations stables et des
vérités universelles, cette approche encourage à dépasser les conceptions
anthropocentriques pour reconnaître la diversité des interprétations possibles.

 EN RÉSUMÉ,

• Derrida oppose une approche traditionnelle de l'herméneutique, centrée sur la recherche


d'un sens fixe et ultime, à une perspective déconstructionniste qui célèbre le jeu des signes
et s'inspire d'une vision nietzschéenne du monde en constante transformation.
• Cette distinction souligne le rejet de Derrida envers les tentatives de saisir une vérité
définitive et son engagement en faveur d'une compréhension dynamique et pluraliste du
langage et de la réalité.

e) Conclusion et Débat avec Gadamer


• En 1981, lors du débat avec Gadamer, ces deux visions divergentes de l'herméneutique se
sont confrontées, illustrant l'irréductibilité des deux interprétations de l'interprétation selon
Derrida.
• Cette confrontation révèle la complexité de la pensée déconstructionniste et son impact sur
l'herméneutique contemporaine.
2.2. La rencontre parisienne entre Derrida et Gadamer

a) Introduction :
• Malgré des points communs, la rencontre de 1981 entre Jacques Derrida et Hans-
Georg Gadamer a été perçue comme un échec, se transformant en un dialogue de
sourds.
• Les deux philosophes partagent une ascendance heideggérienne, critiquent le
scientisme, et ont des thèses différentes mais liées sur l'universalité du langage.

b) Les Présentations de Gadamer :


• Gadamer a présenté une conférence sur le défi herméneutique, mentionnant le défi
que représentait la rencontre avec Derrida.
• Il souligne l'importance du dialogue vivant et de la réinscription des concepts vides
dans le langage.

c) L'Heritage Heideggérien de Gadamer :


• Gadamer affirme la supériorité de Heidegger sur Nietzsche, reprochant aux héritiers
français de ne pas comprendre le caractère exploratoire de la pensée nietzschéenne.
• Il souligne la nécessité de reconnaître la limite de toute expérience herméneutique
du sens.

d) Les Questions de Derrida :


• Derrida interroge la notion de bonne volonté dans le dialogue, suspectant qu'elle
puisse être une forme de domination.
• Il associe l'herméneutique à une volonté de compréhension, critiquant cette volonté
comme une forme de violence imposée à l'autre.
• Derrida met en question la possibilité même de la compréhension, suscitant
l'incompréhension chez Gadamer.

e) L'Échec du Dialogue :
• Gadamer et Derrida ne parviennent pas à s'entendre sur la possibilité de la
compréhension.
• Le débat de fond porte sur la question de savoir si la compréhension est toujours
possible (Gadamer) ou jamais vraiment atteinte (Derrida).

f) Conclusion :
• L'échec de la rencontre entre Derrida et Gadamer met en lumière les divergences
profondes dans leurs perspectives philosophiques, notamment sur la possibilité de la
compréhension et la nature du dialogue herméneutique.
2.3. Les Suites de la Rencontre entre Derrida et Gadamer

a) Transformation après la Rencontre :


• Les objections de Derrida ont eu un impact sur Gadamer malgré sa première réaction
de stupéfaction.
• Gadamer est revenu sur le débat, montrant une réflexion continue sur les différences
entre son herméneutique et la déconstruction.

b) Révision tacite des Thèses de Gadamer :


• La critique de Derrida concernant la métaphysique de la volonté a peut-être
influencé Gadamer à atténuer l'aspect "appropriant" de sa conception de la
compréhension.
• Gadamer, dans une note de 1986, reconnaît le risque de"s'approprier" l'autre dans la
compréhension, suggérant une autocritique.

c) Évolution de la Conception de la Compréhension :


• Gadamer semble avoir corrigé sa conception de la compréhension, reconnaissant
plus explicitement le risque d'une compréhension qui ne respecte pas suffisamment
l'altérité.
• Une définition ultérieure de l'herméneutique met l'accent sur l'ouverture à l'autre,
soulignant que "c'est peut-être l'autre qui a raison."

d) Changement d'Accent dans les Derniers Écrits :


• Dans ses derniers écrits, Gadamer parle moins de l'universalité du langage que des
"limites du langage" face à ce qui devrait être dit.
• Les nouveaux accents de l'herméneutique gadamérienne sur l'ouverture à l'altérité et
les limites du langage pourraient être des résultats de la rencontre entre la
déconstruction et l'herméneutique.

2.4. Le Dernier Dialogue entre Derrida et Gadamer

a) Révélation du Dialogue Ininterrompu :


• Après la mort de Gadamer en 2002, Derrida a révélé que le dialogue intérieur entre
eux n'avait jamais cessé.
• En 2003, Derrida prononce une conférence à la mémoire de Gadamer, soulignant le
"dialogue ininterrompu" entre deux infinis.

b) Le Dialogue Posthume :
• Derrida, bien que décédé en 2004, considère la mort comme faisant partie intégrante
du dialogue entre amis.
• La loi de l'amitié veut qu'un ami survive à l'autre, portant en lui la voix de l'ami
disparu.
• L'idée d'un dialogue "ininterrompu" résonne avec la notion d'interruption évoquée
lors de leur rencontre en 1981.

c) Conférence "Béliers" :
• La conférence de Derrida en 2003 à Heidelberg, "Béliers. Le dialogue ininterrompu :
entre deux infinis, le poème," témoigne de cette amitié et du dialogue continu.
• Derrida explore le poème de Celan et souligne le caractère testamentaire de toute
parole, survivant à son auteur.

d) Témoignage d'Admiration :
• Après la mort de Gadamer, Derrida publie un texte où il exprime son admiration et
son affection pour Gadamer, soulignant sa sérénité et son amour de la vie.
• Derrida avoue qu'il avait du mal à croire à la mort de Gadamer et qu'il enviait la
force de vie de son ami.

e) Interruption du Dialogue Posthume :


• La mort de Derrida en 2004 met fin au dialogue posthume entre les deux penseurs.
• La responsabilité de poursuivre cet entretien entre "deux infinis," l'herméneutique et
la déconstruction, revient à leurs amis.

3. CITATIONS :

• Derrida distingue avec soin deux stratégies possibles, ou « deux interprétations de


l'interprétation, de la structure, du signe et du jeu » :
1. «L'une cherche à déchiffrer, rêve de déchiffrer une vérité ou une origine échappant au jeu et
à l'ordre du signe, et vit comme un exil la nécessité de l'interprétation. »
2. «L'autre, qui n'est plus tournée vers l'origine, affirme le jeu et tente de passer au-delà de
l'homme et de l'humanisme, le nom de l'homme étant le nom de cet être qui, à travers
l'histoire de la métaphysique ou de l'onto-théologie, c'est-à-dire du tout de son histoire, a
rêvé la présence pleine, le fondement rassurant, l'origine et la fin du jeu. »
• « Tournée vers la présence, perdue ou impossible, de l'origine absente, cette thématique
structuraliste de l'immédiateté rompue est donc la face triste, négative, nostalgique,
coupable, rousseauiste, de la pensée du jeu dont l'affirmation nietzschéenne, l'affirmation
joyeuse du jeu du monde et de l'innocence du devenir, l'affirmation d'un monde de signes
sans faute, sans vérité, sans origine, offert à une intetprétation active, serait l'autre face »
Gadamer lors de la rencontre avec Derrida :
• « Mon idée propre me paraît être celle-ci: il n'existe pas de langage conceptuel, pas. même
celui de la métaphysique, qui puisse circonscrire la pensée de façon définitive, pour peu que
le penseur s'abandonne au langage, ce qui implique qu il accepte le dialogue avec d'autres
penseurs, pensant autrement que lui »
• «C'est ainsi que je me suis toujours efforcé de garder à l'esprit la limite imposée à toute
expérience herméneutique du sens »
• En reconnaissant la limite de toute interprétation du sens, l'herméneutique invitait dès lors à
s'ouvrir à l'autre, «à la potentialité de l'altérité » : «Avant même qu'il ait pris la parole pour
répliquer, il nous aide, par sa seule présence, à découvrir l'étroitesse de nos préjugés, et à les
faire éclater. »
Derrida à poser quelques questions à Gadamer au lendemain de sa conférence.
• Cet axiome inconditionnel, demandait Derrida, « ne suppose-t-il pas que la volonté reste la
forme de cette inconditionnalité, le recours absolu, la détermination de dernière instance ?
»C'est la référence à Heidegger qui donnait toute sa portée à cette interrogation : «Est-ce que
cette détermination de dernière instance n'appartiendrait pas à ce que Heidegger appelle
justement la détermination de l'être de l'étant comme volonté ou comme subjectivité
volontaire ? Est-ce que ce discours, dans sa nécessité même, n'appartient pas à une époque,
celle d'une métaphysique de la volonté ? »
• Derrida fut frappé dans ce contexte par l'allusion de Gadamer à l'idée d'un dialogue « vivant
», qu'il rattachait à une quête de système : « Ce fut hier soir l'un des lieux les plus décisifs, et
selon moi des plus problématiques, de tout ce qui nous fut dit de la cohérence contextuelle,
cohérence systématique ou non systématique, car toute cohérence n'a pas nécessairement la
forme d'un système. »
• La troisième question focalisait d'ailleurs le débat sur le terme même de compréhension : «
On peut se demander si la condition du Verstehen [compréhension], loin d'être le continuum
du "rapport'', comme cela fut dit hier, n'est pas l'interruption du rapport, un certain rapport
d'interruption, le suspens de toute médiation. »
Gadamer après la rencontre :
• «Ici on risque toujours, dans la compréhension, de s'"approprier" ce qui est autre et d'en
méconnaître l'altérité.
• Dans ses derniers écrits, Gadamer a volontiers souligné que l'âme de l'herméneutique
consistait à reconnaître que «c'est peut-être l'autre qui a raison ».
Derrida suite à la mort de Gadamer
• « Je ne crois pas à la mort de Gadamer. Je n'y arrive pas. J'avais pris l'habitude, si j'ose dire,
de croire que Gadamer ne mourrait jamais. Qy'il n'était pas un homme à mourir. [ ... ]
Depuis 1981, date de notre première rencontre [ ... ], tout ce qui me venait de lui me donnait
une sérénité dont j'avais l'impression que Gadamer lui-même, en personne, me la
communiquait, par une sorte de contagion ou de rayonnement philosophique.]' aimais tant le
voir vivre, parler, rire, marcher, boiter même, et manger, et boire. Tellement plus que moi!
J'enviais cette force qui en lui affirmait la vie. Elle paraissait invincible. J'étais même
convaincu que Gadamer méritait de ne pas mourir, parce que nous avions besoin de ce
témoin absolu, de celui qui assiste et participe à tous les débats philosophiques du siècle. »

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