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Philippe Liotard
Article publié dans Thierry Terret, Education physique, sport et loisir.
1970-2000, AFRAPS, 2000, p. 121-138
Les instructions officielles de 1967 ont opéré un choix qui consiste à fonder l'enseignement des
techniques corporelles à l'école sur les pratiques sportives. Pour la majorité des étudiants
d'aujourd'hui et pour une grande partie des enseignants d'éducation physique, voire des
formateurs à la première épreuve écrite des concours de recrutement officiant dans les IUFM ou
les UFRSTAPS, ce choix ne fait «qu'entériner ce qui se faisait déjà sur le terrain». En d'autres
termes, aucun autre choix ne pouvait être fait.
Les préparateurs actuels qui pour certains n'ont d'autre carte de visite en matière de
compréhension des réalités historiques que leur participation aux jurys des épreuves écrites
véhiculent cette idée, oubliant qu'avant 1967, des résistances très fortes ont été formulées à
l'égard d'un enseignement exclusivement sportif et que ce texte a engendré de nombreuses
critiques exposées tout au long des années soixante-dix. Un débat extrêmement riche se tient
alors sur la question de l'enseignement sportif et au-delà sur l'éducation physique.
Mais curieusement, si l'on connaît les slogans utilisés pour justifier un enseignement sportif, les
études critiques qui se sont développées à la suite des Instructions officielles de 1967 sont
inconnues des étudiants ou bien réduites à quelques caricatures. Dans les copies de concours, il
est rituel d'évoquer brièvement «la critique du sport», à propos des années soixante-dix. Les
candidats ouvrent alors un tiroir (sous forme de parenthèses) duquel ils extraient pêle-mêle
«Brohm, Pujade-Renaud, Denis», sans savoir qui sont ces auteurs ni ce qu'ils ont écrit. En outre,
ils semblent réduire ce qu'ils appellent «la critique du sport» au mouvement organisé à partir et
autour des écrits mais aussi de la personnalité de Jean-Marie Brohm. Or, c'est méconnaître la
diversité des points de vue et des auteurs qui alimentent le débat.
La critique du sport n'existe pas. Réduire les positions critiques (1)Telle que l'écrivent Henri
à celle de Jean-Marie Brohm, c'est ou bien se laisser aller aux Vaugrand et Jean-Pierre Escriva,
L'Opium sportif. La Critique radicale
défaillances de la mémoire collective ou bien se laisser abuser du sport de l'extrême gauche à Quel
par l'histoire officielle de la critique dite radicale(1). Il existe Corps ?, Paris, L'Harmattan, 1996 ou
en revanche une multitude de réflexions sur la question de Henri Vaugrand, Patrick Vassort et
l'enseignement sportif obligatoire. La critique de l'institution Fabien Ollier, «L'illusion sportive.
Sociologie d'une idéologie
sportive ou de l'institution scolaire, la dénonciation du totalitaire», Cahiers de l'IRSA, n°2,
caractère réducteur ou mécaniste des techniques et des 1998.
pédagogies sportives, les réquisitoires contre l'emprise
normative et inconsciente des pouvoirs sur le corps, sont des
dimensions qui ne se réduisent pas les unes aux autres. Les
niveaux de l'analyse, les objets sur lesquels elle porte, les
projets qu'elle sert, les théoriciens qui s'y livrent, n'autorisent
pas l'amalgame. Au contraire, ce foisonnement intellectuel fait
des années soixante-dix une période extrêmement riche du
point de vue de la compréhension des logiques et des
mécanismes institutionnels.
Cependant, la mise en évidence des convergences autour de la
(2) Pour un panorama de ce débat, le
critique de l'éducation physique sportive ne doit cependant pas lecteur peut se reporter à Quelles
faire oublier les points de vue parfois irréductibles des pratiques corporelles maintenant ?,
différents acteurs dont il va être question. La dispute entre sous la direction de Michel Bernard,
Jean-Marie Brohm et Daniel Denis ou Georges Vigarello, les Paris, Jean-Pierre Delarge éditeur,
critiques faites par Michel Bernard à Jean-Marie Brohm ou 1978 ou encore aux articles de Jean-
Marie Brohm et Daniel Denis dans
Daniel Denis et celles que ce dernier lui adresse en retour, la Quel Corps ?, n°12-13, 1979.
controverse entre Georges Vigarello et Pierre Parlebas attestent
à l'évidence qu'il n'y a pas en matière d'analyse critique de
pensée unique(2). Pourtant, du conflit émerge une
compréhension nouvelle de l'éducation physique et du sport
dont la portée critique dévoile des dimensions occultées, des
phénomènes inconscients, des logiques invisibles jusqu'alors.
Car ce qui est commun à tous ces auteurs et ce qui est nouveau
c'est qu'ils s'appuient sur des travaux anthroposociologiques
qui placent le corps au centre de leur questionnement. Leurs
apports critiques s'appuient sur les recherches les plus récentes
des sciences sociales. Chacun apporte ainsi à partir de
l'analyse des fondements corporels de notre société des
éléments de compréhension sur l'éducation physique et le
sport. À leur égard, le terme de «dominés»(3) semble donc (3) La demande de Thierry Terret
inadéquat . Car leurs analyses ont profondément modifié la quant à ma contribution était
explicite. Il s'agissait de rédiger un
manière d'appréhender la culture corporelle. Et il n'est pas utile article sur la dialectique des modèles
qu'elles soient partagées par le plus grand nombre pour que dominants et des modèles dominés à
leur pertinence soit mise en cause. propos de l'éducation physique.
Dans la revue Partisans, François Gantheret dénonce ce caractère (13) François Gantheret,
aliénant de la pédagogie sportive. À partir d'un point de vue «Psychanalyse
institutionnelle de l'éducation
psychanalytique, il met en évidence les conséquences fantasmatiques physique et des sports», in
des pédagogies véhiculées dans le milieu sportif : elles imposent «non Partisans, («Sport, culture et
seulement un système de conduites, mais aussi un système de répression»), n°43, juillet-
névroses.» Pour lui, le mode d'organisation réel et symbolique de septembre 1968, (Réédition
Maspero 1972) Article
l'éd i h i d d ié é i ilé i ff
l'éducation physique et du sport dans notre société privilégie en effet réédité dans Quel Corps?,
«un mode sado-masochique du rapport de l'individu à son corps et au n°43-44, («Sciences
humaines cliniques et
corps d'autrui.»(14) Cet aspect donne d'ailleurs lieu à une question pratiques corporelles»,
dans l'ouvrage Questions réponses sur l'éducation physique et Tome1), février 1993
sportive, publié une dizaine d'années plus tard : «La pédagogie de (14) Pour une analyse récente
l'E.P.S. implique-t-elle une valorisation de l'effort et de la de cette dimension, voir mon
article «L'entraîneur
souffrance?». l'emprise», dans Frédéric
Baillette, Philippe Liotard,
Sport et virilisme,
Montpellier, Éditions
Quasimodo & fils, 1999
La réponse de François Gantheret est claire: «l'idée d'un plaisir corporel gratuit est proprement
inconcevable pour l'éducateur physique, il y voit, scandalisé, le gaspillage de quelque chose.» Il
en résulte une morale de l'effort dont le critère est la souffrance, illustrée par une anecdote:
«Nous avons vu récemment un jeune stagiaire faire trimer la classe qui lui était confiée jusqu'à
la limite de l'épuisement. Pourquoi? "Je n'ai pas l'impression de les avoir fait travailler, si elles
n'ont pas souffert"». Cette attitude traduit les implications inconscientes de l'éducateur,
imprégné des valeurs du sport mais aussi de l'école. À son tour, il les transmet par l'effort qu'il
impose. Le corps ainsi mobilisé «est le médiateur privilégié de cette intériorisation» par
laquelle chaque individu apprend et s'approprie les logiques des rapports de production.
Ces critiques sont à replacer dans le contexte de l'époque. Deux tendances majeures sont
repérables. Tout d'abord, toutes les institutions sont soumises au feu de la dénonciation des
pouvoirs. L'institution scolaire comme l'institution sportive ont donc été passées à la moulinette
de l'accusation d'aliénation. Lieux d'imposition d'un pouvoir, elles ne pouvaient pas être
épargnées par la critique. Lieux de diffusion et de reproduction de l'idéologie dominante, elles
ont été dénoncées quant à leur organisation, leur fonctionnement, leurs normes, leur discours
Bref leur double réalité (objective et subjective) a subi une analyse critique dont la conséquence
fut la dénonciation des mécanismes inconscients grâce auquel les pouvoirs s'inscrivent dans les
corps.
Et c'est justement la compréhension du corps qui traduit la seconde tendance de l'époque. Une
collection riche d'ouvrages majeurs a, durant une petite décennie, posé les bases d'une mise en
question radicale des représentations du corps qui avaient cours jusque là dans le domaine de
l'éducation physique: la collection «Corps et culture» aux éditions universitaires.
3) Corps et culture: de la compréhension du corps à la critique d'un
enseignement
3-a Compréhension du corps
Le directeur de cette collection était Michel Bernard dont l'influence sur la
pensée critique concernant le sport et l'éducation physique est indéniable. Il a
enseigné la psychopédagogie à l'ENSEPS où Jean-Marie Brohm et Georges
Vigarello y suivirent son enseignement. En 1972, il publie un ouvrage majeur,
Le Corps qui inaugure la collection Corps et culture. Son projet est aussi clair
que critique puisqu'il s'agit de «démystifier une certaine image du corps». À
une époque où les sciences humaines commencent à peine à organiser les
réflexions de l'éducation physique, Michel Bernard met en évidence la
pluralité des dimensions du corps et s'attache à atténuer la portée du corps
anatomique et physiologique (le corps machinal) qui prévaut alors sous
l'influence des sciences de la vie. «Nous nous proposons de montrer et
expliquer au lecteur, écrit-il, comment son expérience corporelle, qu'il croit
être sa chose propre, sa citadelle inexpugnable, est investie et façonnée dès (15) Ginette
son origine par la société dans laquelle il vit. [...] Nous découvrirons ainsi au Berthaud et Jean-
Marie Brohm,
centre de notre corporéité l'impact sociologique et idéologique d'une société «Présentation» à
omniprésente.» Le concept de corporéité apparaît pour rendre compte de ce Partisans, n°43,
travail de la culture sur les corps qui ne peut plus être appréhendé comme une 1968
«évidence chiffrée, classée, repertoriée»(15) et coupée de l'histoire.
Dans cette logique, une série d'ouvrages va être publiée. Ils mettront en évidence la manière
dont la société investit les corps et leur impose ses normes, sans que les individus n'en ait
conscience (Jean-Marie Brohm, Corps et politique). Le poids de l'idéologie et des institutions
est ainsi relevé pour indiquer comment ce qui nous paraît le plus naturel (notre corps) est en fait
structuré par la société et les mythes qui la traversent. L'article de Marcel Mauss sur les
techniques du corps est sorti des oubliettes pour rappeler que le corps est un montage
symbolique, un entrelacs de significations.
Les évidences sont ainsi mises à l'épreuve des sciences socio-historiques. Dans cette
perspective, Georges Vigarello dévoile comment depuis le XVIè siècle se norment les corps.
En étudiants le discours pédagogique de la rectitude et les techniques proposées à cet effet, il
permet de comprendre les conditions d'apparition d'une pratique sociale de transformation des
corps, les mutations qu'elle subit et les justifications qui lui permettent de se reproduire. Son
analyse ne s'arrête pas aux méthodes d'une autre époque. Au contraire, il utilise les apports de
l'histoire pour discuter les effets normalisants des pratiques les plus récentes comme la
psychomotricité ou l'expression corporelle.
De la sorte, l'analyse du discours menée au sein de Corps et Culture ne se
réduit pas à une analyse des idées éducatives. Elle permet de saisir l'efficacité
du discours lui-même dans la mise en oeuvre des pratiques d'éducation
physique. «Le mirage d'un savoir total sur le corps»(16) dénoncé. Georges
Vigarello, Jean-Marie Brohm, Daniel Denis, Yves Le Pogam ou Michel (16) Georges
Bernard interrogent finalement les présupposés les plus ancrés dans le Vigarello,
«Éducation
discours d'éducation physique. À partir des sciences sociales, leur travail physique et
théorique bouscule les évidences et interdit de recourir à la seule force de revendication
l'affirmation pour justifier une éducation physique sportive. La mise en scientifique»,
évidence des normes corporelles et des processus de pouvoir par lesquels Esprit, n°5, 1975
elles se reproduisent autorisent une prise de conscience permettant de s'en
dégager. Les normes du corps redressé, du corps maîtrisé, du corps
performant ne vont plus de soi. Elles résultent d'un processus social et ne
peuvent plus être considérées comme des invariants culturels.
C'est en ce sens que leur travail sapant les croyances les plus profondes car les moins
questionnées rencontre bon nombre de résistances. En pensant l'impensé (le corps), ces auteurs
bousculent l'idéologie de l'éducation physique. Corps et culture fait ainsi office de laboratoire à
une époque où la recherche n'existe pas dans les UEREPS fraîchement instituées. Mais il faut
du temps pour que des analyses critiques portant sur les processus invisibles de l'éducation
deviennent des vérités collectives.
3-b Critiques d'un enseignement
Lorsque ces critiques portent sur l'institution scolaire elles se heurtent en effet au poids des
traditions et des habitudes. Néanmoins, les positions critiques à propos de l'éducation physique
entrent en résonance avec celles qui se développent au même moment dans le champ des
sciences de l'éducation. Elles indiquent le foisonnement intellectuel des années soixante-dix qui
se joue autour de l'analyse institutionnelle et des travaux de Georges Lapassade, René Lourau,
Jacques Ardoino, Cornelius Castoriadis, Rémi Hess, etc. Elles mettent en évidence que les
règles de la vie collective traduisent le plus souvent l'imposition d'un pouvoir. Toute institution
fonctionne sur un ordre établi, certes. Mais il est également possible d'instituer collectivement
les règles, dans l'ici et le maintenant d'une expérience.
Ce que Georges Lapassade et René Schérer appellent le (17) Georges Lapassade, René
champ neutralisé de l'éducation(17) rencontre ainsi les Schérer, Le Corps interdit. Essais sur
l'éducation négative, Paris, ESF, 1976
analyses de Daniel Denis dans Le Corps enseigné ou de (18) Les réflexions de cette auteure
Claude Pujade-Renaud sur la place du corps dans la relation sont exposées dans des ouvrages peu
pédagogique(18). Au sein de l'école, et a fortiori au sein des connus du monde de l'éducation
leçons d'éducation physique «au lieu de laisser les enfants physique: Claude Pujade-Renaud et
vivre l'espace et le temps, les éducateurs le leur donnent à Daniel Zimmermann, Voies non
apprendre: cela conduit à fabriquer un système simpliste de verbales de la relation pédagogique,
Paris, ESF, 1979, Claude Pujade-
repérage, un quadrillage figé et clos. Il existe un espace- Renaud, Le Corps de l'enseignant dans
temps pédagogique» (Daniel Denis). Le corps enseigné est un la classe et Le Corps de l'élève dans la
corps qui échappe tout autant aux élèves qu'aux enseignants classe, Paris, ESF, 1983
qui prétendent le modifier pour son plus grand bien.
L'institution scolaire neutralise en effet la relation maître-élèves et neutralise
les corps. Il en découle «la neutralité dont la signification profonde est sans
doute la neutralisation des affects générateurs de conflits qui va fonctionner
pour l'élève sur le mode de non-implication affective.»(19) Les (19) Jacques
rationalisations pédagogiques qui prétendent régler jusque dans le moindre Ardoino,
détail le déroulement des leçons et par suite les acquisitions des élèves Éducation et
construisent cette neutralité, autant qu'elles en sont le résultat. Faire porter le politique, Paris,
débat sur des techniques d'enseignement et sur les «recettes» demandées par Gauthier-Villars,
1977
les enseignants pour «faire leur cours» contribue à taire la réalité de cet
enseignement faite de conflits, de pouvoirs et de contre-pouvoirs, de désirs et
de non-désirs, de soumission et d'insoumission, d'ordre et de chahut, de labeur
et d'indolence, de motivations et d'indifférence.
La mise en cause des traditions pédagogiques de l'éducation physique et (20) Paule Paillet,
du sport intègre les points de vue critiques sur l'institué pédagogique. «Autour du non-
directivisme»,
C'est ainsi qu'apparaisent des articles sur la non-directivité dans la revue Éducation physique et
Éducation physique et sport (1970)(20) . Le recours aux sciences sport, n°102, juillet
humaines amène de plus à se questionner sur les stratégies d'intervention 1970;
dans la classe, groupe institué sur un mode hiérarchique. Comme l'écrit Collectif, «A propos de
la non-directivité»,
Jean Le Boulch, «une attitude pédagogique non directive suppose une Éducation physique et
formation à la pratique de techniques propres et la prise de conscience, sport, n°103, 1970
par l'éducateur, de sa propre responsabilité à l'intérieur du groupe»(21).
Les références aux travaux d'Anzieu et Martin, les analyses de Jacques (21) Jean Le Boulch,
Ardoino et les travaux de la pédagogie institutionnelle sont ainsi utilisés «L'éducation physique
et sportive voie
pour mettre en question les usages les plus convenus des pédagogies d'intégration_ sociale»,
corporelles. Les Cahiers
scientifiques d'éducation
physique, juin-
septembre 1967
5) Vers une éducation physique ouverte grâce à une éducation (32) Voir sur ce point: «Pour
physique critique un changement radical en
éducation physique et
Finalement, les critiques sur l'enseignement sportif obligatoire au sportive», Quel Corps?, n°23-
sein de l'enseignement français traduisent un espoir de changer 24, avril1983 et le manifeste de
l'éducation physique. Comme le souligne Daniel Denis, la Quel Corps? «Pour un autre
perspective d'une éducation physique massivement envahie par le sport, pour une autre éducation,
pour une autre société», in
sport est «contestée en tant que système privilégié d'intégration aux Jacques Ardoino, Jean-Marie
normes sociales dominantes. Un désir parfois furieusement Brohm, Anthropologie du
exprimé d'autre chose s'exprime en un lancinant leitmotiv.» sport. Perspectives critiques,
Autre chose, oui mais quoi? Car critiquer l'usage des sports ne Paris, AFIRSE-Quel Corps?,
signifie pas renoncer à la nécessité d'éducation physique, y compris 1991
pour les approches les plus radicales(32).
Après la démission de Jean Le Boulch de l'Éducation nationale en 1969, deux orientations se
dessinent pour proposer des alternatives à un enseignement sportif D'une part les pratiques
corporelles privilégiant l'expression, l'imagination, la créativité, sont sollicitées. Par ailleurs,
des réflexions visant à instituer une «pédagogie aléatoire» (Daniel Denis) préconisent un refus
des règles définies a priori par les règlements sportifs au profit de celles qui s'instituent au fur et
à mesure de l'expérience du groupe.
5-a L'expression corporelle
Une ouverture possible pour l'éducation physique est apparue du côté des
pratiques d'expression corporelle. Présente dans les Instructions officielles de
1967, elle est préconisée pour l'éducation physique des jeunes filles, selon une
vision sexuée et sexiste de l'enseignement. Deux expérimentations vont poser
les bases d'une réflexion sur sa portée éducative. En 1969, le GREC (Groupe
de recherche en expression corporelle) est créé à l'IREPS de Toulouse. Entre
1969 et 1971, Claude Pujade-Renaud expérimente la pratique de l'expression (33) Jean-
Bernard
corporelle dans le cadre de l'université (à l'UER des sciences humaines de Paris Bonange,
VII et à l'UEREPS de Paris V). Les théorisations qui accompagnent ces «L'activité
expériences posent l'enjeu d'une éducation artistique pour enrichir l'inventaire expression
des possibles corporels. La dimension expressive, grande oubliée de corporelle à
l'IREPS», Les
l'instruction sportive, est ainsi réhabilitée dans la formation de l'homme. Pour Cahiers du
Jean-Bernard Bonange, fondateur du GREC, «préparé par l'expression et GREC, n°1, avril
préparé à l'expression, cet homme sera en état de mieux vivre.»(33) 1969
L'élucidation des axiologies secrètes (Michel Bernard ) de cet enseignement, est reléguée aux
oubliettes. Tout se passe aujourd'hui comme si l'éducation physique était une évidence.
Obligatoire au baccalauréat, elle est devenue un nouvel outil de la normalisation scolaire à
laquelle se livrent les enseignants persuadés d’œuvrer pour l'éducation d'élèves qu'ils ne font
qu'instruire.
Et finalement, malgré les incantations verbales et les nouvelles lubies
comme la citoyenneté, malgré l'ambition de son projet explicite et la
certitude qu'elle est nécessaire, elle en proie à une sorte de pensée magique (38) Daniel Denis,
par laquelle il suffirait d'énoncer ses objectifs pour évaluer ses effets. Le «Le succès damné
du corps», in Quelles
débat sur les valeurs préalable à toute stratégie résolument éducative est pratiques
évacué. corporelles
Face à l'aveuglement de la pensée éducative au bénéfice des rationalités maintenant?, 1978
pédagogico-didactiques, «la voie se dessine donc avec clarté: il faut
souhaiter la fin de l'éducation physique.»(38)