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EN SON NOM

Par Curuppumullage JINARAJADASA (1875-1953) — 1913


Traduit de l'anglais
Original : Publications Théosophiques — 1913

Droits : domaine public

Édition numérique finalisée par GIROLLE (www.girolle.org) — 2014
Remerciements à tous ceux qui ont contribué
aux différentes étapes de ce travail
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LIVRE

AVANT PROPOS

à WH
Notre unique entrevue n'a duré qu'une heure, mais dès l'instant où je
vous aperçus, je sentis que j'avais un message à vous apporter. Ce qu'est ce
message, vous le trouverez dans les pages suivantes.
Vous êtes parvenu à un point de votre vie où vous sentez qu'il ne vous
est plus possible d'appartenir exclusivement au monde. Vous vous êtes
engagé dans une carrière honorable et vous savez que le temps vous
apportera le succès et l'aisance, mais vous sentez déjà que vous ne pouvez
plus travailler en vue du seul succès.
Vous sentez qu'il vous faut devenir idéaliste dans votre profession et
rester fidèle à l'idéal que vous entrevoyez, même s'il vous en coute des
souffrances et des humiliations. Vous êtes dans le cas où se trouvent
aujourd'hui des centaines d'individus, mais vous différez d'eux par votre
croyance que l'idéal qui vous contraint à l'obéissance n'est pas un fruit de
votre imagination, mais qu'il est la première lueur vaguement entrevue d'une
personnalité que vous aimeriez tant pouvoir nommer "le Maitre". Vous
sentez que si ce Maitre existait réellement et qu'il vous fût possible de le
connaitre, vous pourriez alors lui être pleinement fidèle en toutes choses,
quoi qu'il puisse advenir.
Vous savez en outre qu'il ne vous est pas donné de chercher ce Maitre
en vous retirant dans la réclusion de quelque monastère où, par la méditation
et la contemplation, vous puissiez communier avec lui. Vous n'avez pas le
droit de considérer votre seul avantage, car d'autres êtres dépendent de vous
pour leur subsistance. Vous savez qu'il vous faut par amour pour eux vous
engager dans une carrière matérielle, mais, tandis que vous êtes ainsi
assujetti, vous aimeriez, si cela était possible, pouvoir en même temps servir
le Maitre en quelque chose. Et c'est parce qu'il est possible de le servir en
quelque chose que j'écris ces pages pour vous, et pour ceux des autres dont
les yeux commencent à s'ouvrir à ces possibilités humaines plus hautes que
vous avez déjà entrevues.
Chaque âme humaine a pour chaque autre âme humaine un message
qu'elle lui doit remettre, et j'écris ici le message que je dois vous apporter
maintenant. En réalité ce message ne provient pas de moi, car il me fut
communiqué par d'autres âmes humaines, et je vous transmets comme à un
frère ce que d'autres frères m'ont transmis.
LE RÉEL ET L'IRRÉEL

Vous qui désirez trouver le Maitre, vous devez, sous plus d'un
rapport, vivre dans le monde mais sans lui appartenir. Il vous faut donc tout
d'abord connaitre ce qui est le réel et ce qui est l'irréel.
L'univers dans lequel nous vivons est une grandiose manifestation du
Logos, et ainsi dans un certain sens, il n'existe aucune chose irréelle.
Cependant les modes suivant lesquels s'exprime ce Logos varient, et nous
passons d'un mode d'expression à un autre à mesure que nous nous
développons. Nous nous élevons d'une phase à l'autre, et dès l'instant où il
nous est possible de vivre et d'agir dans un plan appartenant à une phase plus
élevée, cette phase plus élevée constitue pour nous le réel et celle que nous
avons dépassée devient l'irréel.
Ceci s'applique tout spécialement à vous, car, bien que vivant dans le
monde, vous en avez dépassé le stade et vous êtes capable de vivre et d'agir
dans un monde plus haut. Voilà pourquoi vous êtes idéaliste, car, votre
idéalisme, c'est la résolution que vous avez prise de vous identifier avec le
monde au-dessus de vous et non avec le monde dans lequel vous vivez. Ceux
qui cherchent le Maitre doivent être idéalistes, et cela signifie davantage de
choses qu'il est possible d'en découvrir au cœur d'une vie entière ; mais, par
rapport au prochain pas que vous allez faire, votre idéalisme a bien cette
signification.
Il vous faut dorénavant reconnaitre que l'important pour vous n'est pas
le monde qui vous entoure, mais l'idée que vous faites de ce monde. Cette
remarque est déjà partiellement applicable à tous les hommes, mais vous
devez cultiver ce sentiment de façon à toujours vivre consciemment dans
deux mondes à la fois. L'un de ces mondes est celui de vos occupations
journalières, celui dans lequel vous vous mêlez aux hommes pour accomplir
certains devoirs et certaines obligations ; l'autre est ce même monde, mais
vu à travers votre imagination, et maintenant plein d'espérances et de rêves
en cours de réalisation.
Les hommes commettent la plus grande des erreurs lorsqu'ils pensent
que leurs espoirs de bonheur et les rêves qu'ils édifient sur la vie ne sont que
des fantasmagories sans fondements. En réalité, ces espérances et ces rêves
sont les premières lueurs que nous apercevons du monde réel ; car c'est pour
nous un monde irréel que celui-ci où nous vaquons à nos occupations
journalières. Non que ce monde irréel ne nous soit encore nécessaire, mais
son utilité est maintenant subordonnée au monde réel jusqu'auquel nous
nous sommes élevés.
Le monde réel nous entoure sans cesse, mais ce n'est que de temps autre
que nous en apercevons une échappée, lorsque, par exemple, dans quelque
heureuse disposition d'esprit, nous bâtissons des châteaux dans les nuages.
Le monde des réalités ressemble à la pression atmosphérique que nous ne
percevons qu'en faisant le vide ; c'est aussi lorsque nous sortons de nous-
mêmes que le monde réel apparait. Vous commencez maintenant à vivre
dans ce monde réel et c'est pourquoi vous êtes en train de chercher quelque
chose. Ce quelque chose est ce qu'il y a en vous de plus noble, ce qui est une
partie de Dieu. C'est le Dieu en vous qui vous fait rêver d'accomplir avec
désintéressement des actions aimantes, généreuses, créatrices, secourables.
Chaque pensée et chaque sentiment désintéressé est une fenêtre par laquelle
vous voyez dans votre moi véritable.
Pour l'idéaliste, les formes corporelles n'existent qu'afin de matérialiser
les idées. Les idées sont des unités de réalité qui relient entre eux les faits
d'un monde où nous sommes, les acteurs qui jouent le drame de l'évolution.
Chacune de ces idées peut être infiniment développée, semblable au
chiffre un qui, placé devant une série de zéros, les transforme en millions et
billions. Les idées véritables ne sont pas créées par des "faits" ; elles ont une
existence propre et peuvent être rapportées à une base commune qui permet
d'apprécier leur valeur intrinsèque. Cette conception doit être clairement
saisie, car c'est d'elle que tout dans notre étude dépendra maintenant
En général, les hommes n'arrivent aux idées que par l'exercice de leur
cinq sens. Ils s'imaginent que leur conduite doit être uniquement régie par
ce que leur font connaitre les sens, et pensent qu'une idée produite d'une
autre façon n'a aucune valeur en tant qu'idée véritable : c'est en cela qu'il
faut décidément vous écarter du monde. Vous devez vous rendre compte
que les sens ne sont que des instruments, de simples serviteurs, et qu'ils ne
sont pas des maitres. Ils ne doivent avoir le droit de contribuer à l'édification
de votre monde réel qu'autant que vous croirez devoir le leur permettre ; et
il vous faut apprendre jusqu'à quel point vous devez le leur permettre.
Il importe de vous tenir particulièrement sur vos gardes contre ce que
l'on appelle communément "la valeur des faits". Les faits sont des faits
lorsqu'ils ont été établis d'une manière scientifique bien que ce soit là chose
ardue, même pour des savants expérimentés ; respectez donc tout fait que
vous constatez, car il constitue une expression du Logos. Mais, si chaque
fait est une expression du Logos, la valeur que vous devez lui attribuer
appartient à une expression supérieure de ce Logos. Pour vous, les faits
appartiennent maintenant au monde dit irréel. Les idées sont dorénavant plus
importantes pour vous que les "faits".
Tout idéaliste est un constructeur dans le monde réel ; les édifices qu'il
bâtit par ses espérances et ses rêves sont stables ou transitoires selon que ses
pensées correspondent ou non à des réalités. Avant de commencer à vivre
dans une expression plus haute du Logos, il nous faut avoir fait preuve
d'exactitude en évaluant ses expressions inférieures ; en plus l'intelligence
est exercée à observer soigneusement au moyen des sens, mieux il est
possible de vivre dans le monde des idées. Exercez les sens à rendre un
compte fidèle du monde extérieur et la pensée cessera d'être capricieuse pour
commencer à devenir créatrice ; notez les impressions des sens tout en
demeurant séparé d'elles et l'imagination commencera à construire en
harmonie avec cette expression supérieure du Logos qui sera dorénavant le
champ d'action de votre âme.
Toutes les fois que votre imagination travaille, les édifices qu'elle élève
correspondent à des réalités, et peu importe les matériaux particuliers qui
servent à la construction. Ces matériaux peuvent être fournis par les
affections humaines, par la dévotion religieuse, la soif de la sagesse ou les
aspirations artistiques. Ce qui importe seul, c'est la dimension et la beauté
de l'édifice. Peut-être cet édifice échappera-t-il à vos yeux lorsque vous ne
serez plus capables de rêver ; ou peut-être il adviendra qu'heureusement, à
mesure que votre imagination se développera, vous puissiez bâtir édifice sur
édifice, chacun plus vaste et plus beau que le précédent.
Soit qu'ils ne durent que quelques heures ou quelques jours, comme
ceux que l'enfant construit lorsqu'il rêve éveillé, soit qu'ils durent une
éternité comme ceux qu'élèvent les pouvoirs réunis du cœur et de
l'intelligence, lorsque ayant atteint leur maturité ils se consacrent à un idéal,
ces édifices ne sont jamais inhabités. Tant qu'ils subsistent, quelqu'un y élit
résidence, qui regarde le rêveur et lui inspire sans cesse des constructions
plus belles.
Dans l'univers tout entier, il n'existe qu'un seul Être, c'est Lui qui réside
dans vos constructions idéales. Vous, moi et les millions d'individus qui
nous entourent, nous pensons tous être quelqu'un et constituer une entité
séparée, mais c'est en se débarrassant de cette illusion que vient tout le
bonheur de la vie. Nous nous attachons avec ténacité à notre personnalité
comme s'il nous était impossible de subsister sans elle. Mais vous, que les
choses de l'art intéressent, n'avez-vous jamais, en vous sentant fondre dans
quelque création de votre tempérament artistique, éprouvé ce ravissement
qui accompagne l'oubli de soi-même ? N'avez-vous jamais, en écoutant la
musique de Beethoven, senti que vous aviez cessé d'être quelqu'un pour
n'être plus que quelque chose d'indescriptiblement merveilleux qui écoute ?
Avez-vous quelquefois, alors que sur le rivage le vent de la mer venait vous
caresser éprouvé la sensation d'avoir laissé tout votre être derrière vous pour
n'être plus qu'un je ne sais quoi d'infiniment délicieux et pur qui s'élançait
les bras ouverts à la rencontre de la source même de la félicité ? Dans les
heures ou l'enthousiasme nous transporte, nous reconnaissons par
expérience que le bonheur consiste à briser les limitations du moi. Il n'y a
dans le Cosmos qu'un seul Être, et nous ne vivons qu'afin de le découvrir.
Cet Être, c'est vous-même, en ce sens que vous êtes des expressions du
Logos. Mais vous ne pouvez le voir tel qu'il est, car Sa lumière vous
aveuglerait et vous rendrait sourd. C'est pourquoi, par amour pour vous, Il
tempère l'éclat de Sa lumière et vous regarde à travers les visages de ceux
que vous aimez et que vous aimez précisément pour ce qu'il y a en eux de
Sa beauté. C'est Lui qui vous aide à découvrir ce qui en eux est digne
d'amour, afin qu'ainsi vous puissiez connaitre combien Il vous aime.
Cet Être unique qui remplit le Cosmos montre une partie de Lui-même
dans les châteaux de rêve que vous édifiez à vos heures d'aspirations
idéalistes, et Il vous montrera dans votre Maitre une partie encore plus
grande de Lui-même que celle perçue ailleurs ; c'est ainsi qu'en devenant
sans cesse plus idéaliste vous trouverez certainement votre Maitre, car c'est
le Maitre qui, toujours, conduit du monde irréel au monde réel.
LE MAITRE

Bien longtemps avant qu'il ne vous soit donné de le connaitre, votre


Maitre vous distingue, vous observe et vous encourage. Il veille sur vous
comme le soleil brille sur les fleurs, et, toujours inconnu, vous aide à vous
développer. Lorsque Dieu, pour vous encourager, vous souriait à travers les
formes édifiées par vos rêves, le Maitre était là, lui aussi, car il ne fait qu'un
avec Dieu : c'était le Maitre qui vous guidait dans l'édification de ces formes.
Lorsque vous vous pensiez enflammé d'un amour idéal, lorsque vous vous
imaginiez être le saint rempli de toutes les perfections, le philosophe ou le
philanthrope idéal, c'était un reflet du Maitre qu'entrevoyant votre
imagination, et c'est pourquoi le rêve vous paraissait si beau et semblait être
l'unique réalité existant dans le monde. L'idéal est la première lueur que nous
entrevoyons du Maitre.
Bien que ne faisant qu'un avec Dieu, le Maitre néanmoins est une
personne vivante, un être de chair et de sang. Dans le passé, il y a de cela
bien longtemps, Il était au stade où vous êtes maintenant et supportait alors
les épreuves et les souffrances que vous endurez aujourd'hui. Mais Il est
parvenu au but ; Il est maintenant une expression plus parfaite de la Divinité
que ne sont la femme, l'enfant ou l'ami que vous chérissez. Il est pour vous
le portail qui mène à Dieu. C'est à Lui qu'incombe le devoir de vous conduire
vers Dieu, et c'est votre privilège inaliénable d'être guidé par Lui.
Un jour viendra où vous verrez le Maitre face à face, et où vos sens
extérieurs vous donneront de son existence une certitude aussi grande que
celle qu'a déjà votre cœur de le connaitre et de la révérer dans le monde
intérieur et réel. Mais bien qu'alors vous le puissiez voir, entendre et toucher
comme s'il était l'un de vos proches, vous ne connaitrez de lui que bien peu
de choses tant que vous ne pourrez vivre dans son monde. En son aspect le
plus large, la vie du Maitre s'écoule dans le monde de l'idéal ; il vous faut
donc, pour le connaitre comme il est véritablement, vous élever jusqu'à ce
monde. Si, par l'intermédiaire de votre idéal, vous pouvez y parvenir, peu
importera alors que vous connaissiez ou non le Maitre avec vos sens
extérieurs. Pour vous, les sens appartiennent au monde irréel, tandis que les
murmures du cœur constituent la plus splendide des réalités. Une bougie ne
brule pas sans air, mais, voyez la lumière électrique, elle brille d'autant
mieux qu'elle est privée d'air ; tel est maintenant votre cas. Vous ne
dépendez plus des sens, car il y en en vous quelque chose de plus sûr que
les sens, pouvoir de contempler l'idéal.
Ainsi, vous avez déjà vu le Maitre ; il était présent dans chaque idéal
que vous avez nourri. Vous allez maintenant le connaitre davantage, si vous
voulez aider ceux qu'Il aime.
Or, le Maitre aime tous les hommes et cherche sans cesse à exprimer
son amour dans les limites de plus en plus étendues, en ayant pour le diffuser
autant de nouveaux centres que cela est possible. Vous cherchez le Maitre,
dites-vous ? Mais c'est bien plutôt lui qui vous cherche pour faire de vous
un centre d'où il puisse faire rayonner son amour sur tous ceux qui viendront
en contact avec vous. Facilitez-lui donc la tâche de se servir de vous comme
d'un centre, et il sera certainement avec vous.
Mais comment lui faciliter cette tâche, demandez-vous ? Il vous faut
pour cela employer toutes vos facultés à rendre la vie plus facile et plus
heureuse à ceux qui vous entourent. "Faites de bonnes œuvres en son nom
et par amour pour l'humanité", telle fut la réponse de mon Maitre lorsqu'on
lui demanda comment un néophyte pouvait trouver son Maitre. Chaque jour
et à chaque heure du jour efforcez-vous donc de rendre à autrui son fardeau
plus léger à porter, et dites-vous doucement en vous-même : "C'est en son
nom que je le fais."
Tâchez aussi de comprendre ce que le Maitre fait maintenant pour le
monde, et ce qu'il a projeté pour y faire régner la prospérité, afin que vous
puissiez l'aider dans son travail. Il ne fait qu'un avec les hommes comme il
ne fait qu'un avec Dieu ; il connait le plan qu'a tracé Dieu pour le bonheur
de tous, de même qu'il sait combien nous sommes encore loin de sa
réalisation. Il emploie chacun de ses instants à travailler pour rapprocher de
plus en plus de cette réalisation les millions de créatures qu'il aime. Or, afin
de coopérer avec le Maitre, il vous faut connaitre le plan de Dieu ; et dans
la mesure où vous comprendrez ce plan, le Maitre vous fera savoir en quoi
vous le pouvez aider. C'est ce dont je vais parler.
LE PLAN DE DIEU

"L'évolution est le plan de Dieu". C'est ainsi que parla mon Maitre.
Vous obtiendrez des faits accumulés par la science actuelle un aperçu de ce
qu'est l'évolution, mais vous n'en connaitrez la signification profonde que si
vous acceptez comme vrais les trois faits fondamentaux suivants :
1 La vie est partout ;
2 La vie ne s'éteint jamais ;
3 La vie évolue.
La vie est partout. – Il n'existe pas de substance qui soit réellement
morte, et le rocher, qui à vos yeux semble privé de vie est cependant animé
d'une sorte de vitalité que vous ne pouvez ni voir ni apprécier. La vie des
plantes, des animaux, des hommes, bien qu'évidente pour vos sens ne
présente aucune différence d'espèce avec cette vie cachée, la pierre. Il n'y a
non plus dans l'espace aucun endroit où la vie soit absente. En haut, en bas,
à l'extérieur ainsi qu'à l'intérieur, partout réside la vie unique qui pénètre
toutes choses, et cette vie est une expression de la nature divine.
La vie ne s'éteint jamais. – Nous vivons dans un monde où se trouvent
de tous côtés les changements et la mort, aussi nous semble-t-il que toutes
choses doivent périr. La nature parait être affreuse tragédie pleine de
massacres sans fin, mais, en réalité, il n'en est pas ainsi. Les changements et
la mort sont inévitables partout où la forme existe, mais ils n'ont lieu qu'afin
de rendre la vie plus intense qu'auparavant. Toutes les choses vivantes ont
une double nature, dont l'une est la forme édifiée à l'aide de matière et l'autre
la conscience qui édifie la forme. La mort n'atteint que la forme. La
conscience qui rendait la forme stable persiste après la mort et a toujours sa
racine en Dieu. "La mort n'existe pas", tel serait le joyeux cri de la nature si
vous pouviez l'entendre. La rose qui se fane à la fin d'un beau jour n'en
continue pas moins à vivre, bien que ses pétales gisent épars sur la terre, et
elle reparaitra vêtue de pétales plus parfaits encore. De même l'animal qui
devient la proie de son ennemi reviendra de nouveau habiter une forme plus
vigoureuse et plus évoluée.
La vie ne construit les formes qu'afin de pouvoir par leur intermédiaire
s'exprimer d'une façon plus intense. Aussitôt que la forme contrarie la venue
de cette vite plus intense, elle est jetée de côté pour se résoudre en les
éléments d'où l'avait précédemment tirée la vie. Tandis que les formes
périssent, la vie qui était en elles persiste indestructible, car elle fait partie
de la vie unique, et elle revient plus tard sous la direction divine édifier
encore des formes nouvelles.
La vie évolue. – Dieu qui est toute puissance, toute beauté, toute sagesse
et tout amour, Dieu désire voir toutes les choses qu'il a créées participer à
Sa nature et se réjouit avec lui. Aussi pénètre-t-il de Sa vie l'univers auquel
il a donnée l'existence. C'est par l'intermédiaire de cette vie qu'il veut se
révéler à Ses créatures, et c'est pourquoi il a doué Sa vie de cet instinct de
développement que l'on nomme la force évolutive ou l'évolution même.
Cet instinct-là est l'agent qui au moyen de matière construit des formes
à des stades différents de développement. La vie qui anime le minéral révèle
Dieu, mais faiblement ; la plante le révèle bien plus ; l'animal davantage
encore, et, de toute la nature visible, c'est l'homme qui le révèle le plus
complètement.
Il n'y pas d'étude plus passionnante que l'étude de ce processus de
développement. En étudiant la chimie, vous obtenez déjà une idée de la
façon merveilleuse dont les atomes sont réunis pour former les molécules
qui rendent possible la vie dans la matière organique et dans la matière
inorganique. Chaque phase de cette réunion en molécules s'exécute sous la
direction de Dieu, et chaque nouvelle agrégation de force révèle une plus
grande partie de Sa nature. Passez à un stade plus avancé, et vous verrez
avec quelle beauté Il édifie Ses minéraux, avec quelle grâce et quelle
harmonie Il trace Son plan afin que Sa nature continue à se révéler
davantage. Étudiez la botanique, parcourez les champs et les forêts en
regardant avec vos propres yeux, et en tâchant surtout de sentir la vie qui les
anime ; et vous comprendrez combien est grande la partie de Lui-même que
Dieu vous a ainsi révélée. Étudiez la zoologie, observez la structure et les
mœurs des innombrables formes qui se rencontrent dans le règne animal,
apprenez surtout à comprendre et à aimer les animaux, et vous sentirez qu'un
voile de plus est tombé pour vous permettre d'approcher encore plus près de
la Divinité. Si enfin, plongeant vos regards dans le cœur des hommes, vous
vous montrez impatient de partager leur fardeau, vous apercevrez Dieu de
beaucoup plus près qu'avant, et vous saurez que vous ne faites aussi qu'un
avec lui.
Dans tout ce processus indescriptiblement merveilleux qu'est
l'évolution en général, il est un point qu'il faut comprendre clairement : c'est
le plan qu'a tracé Dieu pour l'évolution humaine.
Pour la vie qui se manifeste dans le règne animal, la note dominante de
l'évolution est l'égoïsme, la sorte de séparation qu'est l'affirmation de soi-
même ; c'est là que Dieu prépare l'édification des formes. Il édifie les formes
et les éprouve afin d'en apprécier la résistance ; celles qui sont trop faibles,
Il les rejette de côté afin qu'elles se résolvent en poussière, et quant à celles
qui sont résistantes, il les utilise de façon à leur faire édifier avec cette
poussière des formes plus résistantes encore. À mesure que les formes
deviennent plus résistantes elles peuvent être rendues plus complexes, et par
l'intermédiaire de formes plus complexes, Dieu peut manifester et
développer dans la vie des qualités qu'Il ne pourrait exprimer par des formes
plus simples et moins évoluées. La lutte pour la vie et la survivance du plus
apte sont des lois qu'il a Lui-même établies. Dans le travail qu'Il effectue par
l'intermédiaire de Ses agents. Il sélectionne formes sur formes, types sur
types, dédaigneux à vrai dire des formes individuelles, mais toujours
soucieux de la vie qu'elles renferment et de son évolution. Au stade animal,
l'égoïsme est donc la méthode qu'emploie Dieu pour faire évoluer la vie.
Mais l'homme est une âme, et il diffère de toutes les créatures qui lui
sont inférieures. Il est une expression plus haute de Dieu et une révélation
plus complète de Sa nature divine que ne l'est la vie de la plante ou de
l'animal. Ce qui convient à la plante ou à l'animal ne convient plus à
l'homme. L'égoïsme édifia les formes dont se sert l'humanité mais le
sacrifice de soi-même doit maintenant transmuer les hommes – qui sont des
âmes – en des canaux par lesquels se manifestera la plus haute expression
de la Divinité.
Le but que Dieu se propose à l'égard des hommes est de les rendre
heureux. Mais les hommes ne peuvent être heureux qu'autant qu'ils
manifestent les aspects supérieurs de la nature divine qui ne peuvent être
révélés dans la vie de la plante ou de l'animal. Il importe donc que chaque
âme soit pleine d'activité et que ses actions contribuent à faire progresser le
plan de Dieu, et non à le retarder. Or, ce n'est que par le sacrifice de soi-
même et par un service volontaire que les hommes peuvent aider Dieu.
C'est en vue d'enseigner aux hommes que le bonheur résulte seulement
du service volontaire, que Dieu a établi le plan de toutes les choses visibles
et invisibles. Il crée les mondes, les peuples de ses créatures, élève les
continents et les détruit, édifie les civilisations et les réduit en poussière, afin
que par tout cela les hommes puissent lentement apprendre cette leçon. Il
envoie les âmes humaines maintes et maintes fois dans des corps charnels
et les dirige tantôt vers un pays, tantôt vers un autre, afin qu'elles apprennent
dans chacun une partie de la leçon. Il guide ces âmes pour les faire renaitre
tantôt hommes tantôt femmes ; il dispense à chacune la moisson de joie ou
de souffrance correspondant au bien ou mal que chacune a semée. Qu'il fasse
se manifester ces âmes sous les dehors d'esclaves ou de maitres, de
professeurs, de guérisseurs ou de marchands, qu'elles s'adonnent aux unes
ou aux autres des multiples occupations que fournissent d'innombrables
pays, Dieu les entoure partout des conditions qui leur permettent d'apprendre
cette leçon. Le progrès et la décadence des nations, l'apparition et le déclin
des cultes et des crédos, des sciences, des arts et des philosophies, tout cela
représente simplement la marche des pièces dans le jeu que Dieu joue afin
que nous puissions devenir des canaux pour Sa vie la plus haute.
L'égoïsme est donc la loi qui régit l'évolution de la brute, mais c'est le
sacrifice de soi-même qui constitue pour l'homme la loi de l'évolution.
CEUX QUI DIRIGENT L'EXÉCUTION DU PLAN DE DIEU

Le plan de Dieu, c'est-à-dire l'évolution, n'est pas un processus


s'exécutant mécaniquement dans la nature. À tous les Stades du processus
par lequel se manifeste la vie, des intelligences sont là pour guider
l'édification de la forme et la rendre de plus en plus semblable au modèle
qu'elles aperçoivent ; car Dieu a fait un modèle d'après lequel toutes choses
sont façonnées.
Sur cette terre, ceux qui exécutent la volonté de Dieu dans le champ de
l'évolution forment ce que l'on a appelé la grande Confrérie Blanche. Ils se
tiennent à mi-chemin entre la vie, entre l'amour de Dieu et la vie qui anime
la nature et l'humanité ; car c'est par leur intermédiaire que le monde reçoit
l'énergie nécessaire à son évolution. Leur œuvre s'exécute par des voies
visibles et des voies invisibles, et les hommes qui le veulent sincèrement ont
le privilège d'être enrôlés sous Leur direction pour devenir Leurs serviteurs
et Leurs aides.
Dans sa marche vers la perfection, toute âme passe par les stades qui
caractérisent le sauvage, l'homme civilisé, l'idéaliste, le disciple du Maitre,
l'initié de la Grande Confrérie Blanche, pour devenir enfin un Maitre de la
Sagesse. Ayant atteint le grade d'initié, l'homme devient membre de la
hiérarchie qui gouverne le monde ; parvenu à la dignité de Maitre de la
Sagesse, il dirige le travail d'un département de cette hiérarchie.
Le monde, et avec lui l'humanité, évoluent sous la direction des Maitres
de Sagesse ; ceux-ci dirigent l'édification et la destruction des continents, ils
guident dans la nature la lutte pour la vie, favorisent l'apparition des formes
les plus aptes qui permettront à la vie d'évoluer aussi rapidement que
possible. Ils surveillent et guident chaque stade du développement des
minéraux, des végétaux, et du règne animal, ayant pour but unique de
modeler les forces de la nature d'une façon telle qu'elles puissent
promptement exécuter le plan de Dieu.
Dans la vie des hommes, la Grande Confrérie Blanche surveille et dirige
de même toutes choses. Ses membres enseignent aux hommes à édifier les
civilisations ; ils envoient vers chaque nation les individus par
l'intermédiaire desquels ils pourront lui faire acquérir la culture dont elle a
besoin pour tenir son rôle dans le drame que jouent les nations. Ils inspirent
dans leur œuvre désintéressés les prédicateurs et les instructeurs, les
prophètes et les artistes, les hommes d'État et les savants ; ils emploient
également l'égoïsme et les méfaits des hommes pour jeter bas ce qui a rempli
son rôle, de façon à pouvoir plus tard reconstruire mieux qu'auparavant.
Dans la marche en avant de l'humanité, chaque pas fait partie du plan établi
par Dieu, et les Frères Ainés s'occupent de l'exécution de ce plan : ils
tiennent entre Leurs mains la destinée des soixante milliards
(60 000 000 000) d'âmes qui constituent notre humanité.
C'est la volonté de Dieu qui s'exerce par l'intermédiaire des hauts
Maitres de Sagesse, et quiconque les sert, sert Dieu. Le Maitre que trouvera
chaque idéaliste est l'un des Frères Ainés de cette hiérarchie qui gouverne le
monde, et quiconque a trouvé son Maitre est parvenu bien près de Dieu !
LE PLAN DU MAITRE

Imaginons-nous que, sur un métier à tisser, des millions de fils d'une


longueur infinie soient tendus pour former la chaine de l'étoffe future ;
supposons que chaque fil soit incolore, mais possède la propriété d'acquérir
toute couleur désirée aussitôt que la trame le touche. Imaginons en outre que
cette trame soit constituée par un fil sans fin qui, en passant et repassant à
travers les fils de la chaine, y tisse quelque dessin, et que le dessin ainsi tissé
dût correspondre à un modèle déjà exécuté. Les millions de fils constituant
la chaine représentent les âmes humaines, et l'unique fil de trame est la vie
de Dieu ; le dessin tissé sur le métier sera l'évolution, et le modèle d'après
lequel il est tissé est la pensée de Dieu représentant un monde parfait.
Se conformant au modèle qu'Il a Lui-même exécuté, Dieu entrelace en
effet Sa vie à celle des hommes, attendant de tous les fils représentant des
vies humaines qu'ils se colorent en réponse à Son contact partout où Il les
touche. Tant que chacun des fils de la chaine répond à ce contact en revêtant
la couleur demandée, le dessin tissé correspond à la pensée que se forme
Dieu du tissu tel qu'il doit être, mais lorsqu'un fil humain répond mal au
contact de la divinité et demeure incolore, le dessin se trouve défiguré et ne
correspond plus à ce qu'espérait Dieu.
Le Maitre, qui un avec Dieu, aperçoit le modèle d'après lequel le dessin
de l'étoffe est exécuté sur le métier. Le travail du Maitre consiste donc à
aider l'humanité, afin qu'à chaque endroit où le fil de trame représentant la
vie de Dieu touche le fil de chaine correspond à une vie d'homme, ce fil
humain puisse aussitôt briller de la couleur demandée, car, dans la vie, le
bonheur n'est acquis qu'en coopérant ainsi avec Dieu.
L'œuvre du Maitre s'exécute selon des voies visibles et des voies
invisibles, car l'âme humaine et la nature appartiennent en majeure partie à
ces régions supérieures. C'est là que le Maitre vient apporter à la nature et
aux hommes la vitalité dont ils ont besoin pour croitre et pour évoluer ; car
le Maitre n'est pas seulement un homme parfait, il est aussi une voie directe
par laquelle se déverse la vie de Dieu. De même qu'un courant électrique à
haute tension dont les effets sont foudroyants peut être amené par un
transformateur à un voltage assez bas pour qu'il soit possible de l'employer
sans dangers aux besoins de la vie humaine, de même, le Maitre transmue
dans sa propre nature la vitalité trop intense de Dieu pour la transmettre aux
hommes de la façon qui la leur rendra assimilable. C'est ainsi que dans le
monde invisible le Maitre fait sans cesse rayonner sur tous les hommes la
force qui les fait croitre, tel le soleil qui, brillant sur toutes les plantes, les
fait se couvrir de feuilles et de fleurs.
C'est aussi des mondes invisibles que le Maitre assiste les hommes
individuellement. Lorsqu'un homme devient idéaliste le Maitre le voit et
l'aide. Dans les régions invisibles, le Maitre déverse sur l'âme de cet homme
la force et la pureté, tout en l'encourageant à persévérer dans
l'accomplissement de sa tâche. Dans quelque branche que ce soit des
initiatives humaines, nul homme n'a jamais servi son semblable qui n'ait été
aperçu des Maitres de Sagesse et aidé par eux.
Le Maitre emploie des voies visibles pour aider l'humanité.
Quelquefois, si cela doit se trouver dans le dessin à tisser sur le métier, il
vient, sous des dehors humains, se mêler aux autres hommes et leur donner
des lois, les instruire et les inspirer. C'est ce que firent aux Indes Manou,
Bouddha et Krishna ; ce que firent Pythagore en Grèce et Jésus en Palestine.
C'est ce que feront d'ici peu de nombreux Maitres de Sagesse, et, conduits
par l'Instructeur Suprême, ils viendront parmi nous, pour nous instruire et
nous guider vers le salut.
Il existe pour le Maitre encore une façon aussi de servir les autres
hommes ; c'est en acceptant, en qualité de disciples, quelques-uns de ceux
qui marquent le plus de bonne volonté, et puisque vous espérez être un jour
agréé comme tel, il vous faut bien comprendre quelles sont les conditions à
remplir pour cela.
L'ÉTAT DE DISCIPLE

Sachez tout d'abord que vous ne vous exposez à aucun danger ni à


aucune punition en ne devenant pas le disciple d'un Maitre. Votre évolution
est entre vos mains, et, bien que sa rapidité dépende de vos efforts, il est
parfaitement certain que vous ne pouvez l'empêcher de s'accomplir, car c'est
la volonté de Dieu que tout doive évoluer. Votre évolution ne sera pas non
plus en péril parce que vous ne pourrez croire à l'existence des Maitres ;
indépendamment de votre croyance en eux, ils vous aideront de même qu'ils
aident tout homme de bonne volonté. Mais si vous devenez le disciple d'un
Maitre votre évolution sera par ce fait accélérée.
Le Maitre aime tous les hommes, mais il n'a en principe aucun motif
particulier pour vous choisir comme disciple parmi les millions d'individus
peuplant le monde, à moins que vous n'ayez vous-même crée ce motif. Ce
Motif sera constitué par les probabilités que vous présenterez d'être utile au
Maitre dans son œuvre. Le Maitre, en effet, est par-dessus tout un travailleur
qui, à chaque instant, s'occupe d'accomplir le plan, le projet de Dieu ; et,
bien qu'à nos yeux les forces dont il dispose semblent illimitées, il n'en est
réellement pas ainsi. Les forces que possède personnellement le Maitre pour
aider le monde sont limitées, et il veille à ce que chaque parcelle employée
de ces forces contribue dans la plus grande mesure possible à la réalisation
du plan de Dieu.
L'acceptation d'un homme en qualité de disciple implique pour le
Maitre la dépense d'une certaine quantité de force en faveur de cet homme,
le Maitre ne l'acceptera donc que si l'énergie dépensée en sa faveur produit
de cette façon un résultat supérieur à celui qu'elle produirait par un autre
intermédiaire. L'homme qui aspire à la qualité de disciple doit donc être
d'une nature telle, qu'une fois accepté, il soit en état de prendre une part du
fardeau du Maitre et n'alourdisse pas, au contraire, le poids de l'humanité
que le Maitre doit porter sur ses épaules.
Si le Maitre désire avoir des disciples, ce n'est pas pour les instruire et
les rendre plus sages que le reste de leurs semblables ; il cherche à faire de
ses disciples des apprentis pour son travail, des aides qui, en progressant,
pourront être chargés d'accomplir une partie de plus en plus grande de son
œuvre actuelle – le laissant ainsi libre d'entreprendre les tâches plus hautes
qui attendent son action.
L'acceptation d'un homme par le Maitre en qualité de disciple dépend,
en somme, d'une seule chose : de l'utilité que présentera le disciple pour
l'œuvre du Maitre.
Celui qui aspire à la qualité de disciple doit ainsi posséder quelques
capacités dont il puisse offrir au Maitre les services ; s'il est simplement un
homme bon, mais dépourvu de capacités positives de cœur ou d'intelligence,
il ne pourra guère être utile au Maitre. S'il cherche seulement à s'affranchir
de ses propres souffrances, s'il veut s'assurer des avantages spirituels, s'il
désire des pouvoirs matériels ou psychiques, il serait même un obstacle et
non un auxiliaire. Un tel candidat est encore loin d'avoir atteint le point de
son évolution où il sera digne d'être accepté en qualité de disciple. Mais celui
qui a développé en lui, aux services des hommes, certaines facultés du cœur
et de l'intelligence, celui qui, outre cela, est un idéaliste disposé à souffrir
pour son idéal, celui-là sera accepté s'il veut bien en outre remplir certaines
conditions.
Les qualités nécessaires, vous les trouverez exposées par le Maitre lui-
même, et bien plus clairement que je ne saurais le faire, dans le livre qu'il a
donné au monde par l'intermédiaire de mon frère, son disciple
J. Krishnamurti. Dans ce joyau intitulé Aux Pieds du Maitre, le sentier qui
s'ouvre devant chaque candidat est clairement décrit. Étudiez ce livre, et
souvenez-vous que le Maitre entend les choses exactement comme il les dit,
et que tous les Maitres de la Sagesse exigent la possession de ces mêmes
qualités. Il n'y a qu'une seule Grande Confrérie Blanche, et ce sont là les
règles qu'elle prescrit. Le Maitre n'attend pas de votre personnalité actuelle
la parfaite possession des vertus énumérés ; mais si vous devez un jour être
accepté en qualité de disciple, il faut dès maintenant vous exercer à les
acquérir avec autant de zèle que si leur possession parfaite rendait seule
votre acceptation possible. Vous devez être ardent au travail, reconnaitre
combien chaque instant est précieux, et vous exercer en vue de devenir pour
le Maitre un auxiliaire capable lorsqu'il demandera votre aide.
Il y a certains stades bien définis pour la situation dans laquelle vous
vous trouverez par rapport à votre Maitre, lorsqu'ayant désiré marcher sur le
sentier, le succès couronnera vos efforts. Le premier stade est celui où vous
serez mis l'épreuve, le stade dit probatoire.
Le stade probatoire. – Celui des Maitres de la Sagesse qui vous a
observé dans votre vie d'idéaliste, et qui accepte de vous former pour que
vous puissiez être son apprenti, vous fera d'abord amener vers lui par un de
ces disciples déjà initié ; et tandis que vous dormirez, vous serez, en astral,
conduit devant le Maitre. Il vous admettra alors d'une manière formelle à
effectuer votre probation ; mais vous ne serez pas encore son disciple – cela
ne vient qu'après l'acceptation définitive. Dès l'instant où vous serez soumis
à la probation, le Maitre fera d'une manière occulte une "image vivante" de
vos corps subtils, un duplicata qui se modifiera instantanément et
automatiquement pour suivre toutes les modifications apportées à votre
corps éthérique, à votre corps astral et à votre corps mental par vos
sentiments, vos pensées et vos aspirations. Il examinera chaque jour cette
image vivante afin de noter les progrès que vous avez faits sur la route qui
mène à l'acceptation en qualité de disciple.
Dans votre conscience à l'état de veille, vous pourrez ou non vous
rappeler avoir été admis par le Maitre au Stade probatoire, mais cela importe
peu ; l'essentiel maintenant comme toujours est la manière dont vous vous
préparez à effectuer son travail. Après vous avoir admis au Stade probatoire,
le Maitre ne vous imposera pas d'épreuves spéciales non plus qu'il ne
dirigera vos activités ; il vous laissera à vos propres ressources pour voir en
quoi la vie que vous mènerez sera noble et utile. Il notera la façon dont vous
vous comportez à l'égard de toutes les circonstances dans lesquelles vous
placera votre karma, soit que vous les considériez comme des occasions de
devenir plus sage et meilleur envers vos semblables, soit qu'au contraire
vous vous abandonniez à des désirs et à des regrets inutiles.
La longueur du laps de temps qui s'écoule entre ce Stade et le suivant
dépend entièrement de vous-même ; il peut, comme c'est le plus
habituellement le cas, durer environ sept années ; mais il peut être réduit si
vous vous montrez plein de zèle, ou allongé si vous ne faites usage des
occasions qui se présentent à vous. C'est de vous seul que dépend la
longueur de cette période probatoire.
L'acceptation en qualité de disciple. – Lorsque le Maitre vous a éprouvé
et que la période probatoire est terminée, alors, mais alors seulement, il vous
accepte en qualité de disciple. Dès cet instant vous vous trouvez vis-à-vis de
votre Maitre dans une situation nouvelle. D'une façon que vous ne pouvez
pas comprendre, il fait de vous un avant-poste de sa conscience. Votre nature
se trouve liée à la sienne, et, à tout moment qu'il désire, il peut percevoir vos
pensées et ressentir vos sentiments pour les employer à son œuvre. Mais,
étant donné que le Maitre ne peut tolérer que son œuvre soit entravée par
des pensées et des sentiments égoïstes ou vils, dès l'instant ou de telle
pensées et de tels sentiments se seraient, même temporairement, fait jour
dans la nature du disciple, le Maitre élèverait une barrière entre sa
conscience et celle de l'élève, et, puisque l'érection d'une telle barrière,
quelque temporaire qu'elle soit, nécessiterait toujours la dépense d'une
certaine quantité de force que le Maitre pourrait mieux utiliser, il est naturel
qu'il refuse d'accepter comme disciple la personne qui demanderait une trop
grande surveillance à cet égard. Si, au contraire, le disciple progresse et
devient sous tous les rapports plus pur, plus sage et plus noble, le Maitre se
servira davantage dans ce cas des pensées et des sentiments de l'élève, en
l'inspirant et en lui donnant une sagesse et une force bien au-delà de celle
qu'il pourrait manifester s'il demeurait livré à lui-même.
Lorsqu'un homme est parvenu à la qualité de disciple, sa responsabilité
est grande ; mais non moins grandes sont aussi les possibilités qui s'offrent
à lui et le bonheur qu'il en éprouve, car, s'il est sincère et plein de zèle, le
Maitre le guidera à chaque pas de sa route. En cas de perplexité l'élève
pourra se servir de la pensée du Maitre comme d'une pierre de touche pour
assurer la sienne, et il ne lui arrivera plus jamais d'avoir à hésiter dans le
choix de ce qui doit être fait au nom du Maitre, "en son nom". Le disciple
est sans cesse recouvert de l'égide du Maitre, et il n'est plus jamais seul
lorsqu'il vient parmi les hommes.
Stade filial. – Le stade suivant est celui de Fils du Maitre. C'est ici que
le Maitre rapproche encore davantage son disciple de lui ; dès cet instant, en
effet, le Maitre renonce au droit d'édifier une barrière entre sa conscience et
celle de son disciple au cas où la nature inférieure presque éteinte de celui-
ci serait temporairement revivifié. Il existe maintenant entre le Père et le Fils
un lien qui ne peut plus jamais être brisé. C'est habituellement à ce stade
d'adoption filiale que le Maitre présente son disciple à la grande Confrérie
Blanche en qualité de candidat à l'initiation.
Lorsqu'il a été accepté par la Confrérie Blanche et initié, le
disciple entre dans le courant ; il est dorénavant l'un des jeunes frères de la
grande confrérie, un cadet dans la hiérarchie qui gouverne le monde. Sur ses
épaules le triste fardeau de l'humanité repose maintenant ; mais il tient aussi
dans ses mains le pouvoir de bénir et de sauver.
AU NOM DU MAITRE "EN SON NOM"

Partout où la matière existe se trouve aussi la force, la vie les


accompagne toutes deux, et à travers cet ensemble, jaillit la conscience du
Logos. L'univers vit de la vie du Logos, et vous, moi, et les myriades d'êtres
qui nous entourent, nous sommes tous des cellules dans Son Être immense.
Chacun passe sa petite vie à découvrir peu à peu les merveilles de l'être dont
il est une partie, et la joie de cette vie consiste à marcher de découvertes en
découvertes.
Dans l'interminable voyage d'exploration qui constitue l'existence
humaine, il y un stade primitif et un stade avancé. La plus grande partie des
âmes sont encore au stade primitif, et la caractéristique de leur vie est la
demande. Les mains tendues, elles demandent à la vie de réaliser leurs rêves,
peu soucieuses d'appendre l'amère leçon qui montre que cette réalisation ne
peut jamais provenir de la demande.
Cependant, malgré que leurs rêves ne puissent se réaliser, elles
découvrent néanmoins quelque chose de Dieu. Dans l'amour de l'épouse, des
enfants et des amis, dans les titres et les honneurs, dans la simple piété et
dans les services que se rendent les voisins, dans les joies innocentes qui se
rencontrent partout pour les individus bien intentionnés, ces âmes trouvent
un bonheur qui est la voix de Dieu murmurant dans leur cœur et les
encourageant à découvrir davantage de Sa nature ; car c'est en Son nom que
sont accomplies toutes les actions désintéressées, et Il rencontre les hommes
face à face dans leur foyer et sur la place du marché aussi bien que dans leur
cabinet de travail ou dans le Saint des Saints.
Mais à ce stage primitif, les hommes voient Dieu confusément, comme
à travers une glace ternie. Ce n'est pas durant cette vie ni durant bien des
vies encore qu'ils pourront découvrir Ses beautés plus grandioses. Bien des
tristesses et des déceptions doivent encore leur échoir avant de parvenir à
maitriser suffisamment leur volonté pour ne rien demander à la vie, et pour
cependant mener une noble existence parce qu'il ne leur est plus possible de
vivre autrement. C'est quand ils sont à ce point qu'ils entrent dans le stade
avancé et que devant eux s'ouvre la Voie étroite.
Pour cette Voie-là, en vérité, les appelés sont nombreux, mais les élus
sont rares. Souvenons-nous cependant que ce chemin, bien qu'il ne soit
encore foulé que par le petit nombre, n'est pas néanmoins un nouveau
chemin s'ouvrant subitement devant l'âme ; il n'est ni insolite ni entièrement
nouveau. C'est le vieux et archaïque chemin, aussi large que le ciel, et par
lequel tous les hommes marchent vers Dieu. S'il parait maintenant étroit,
c'est que dorénavant l'âme doit fixer constamment son regard sur la face de
Dieu, et que, telle la flèche qui vole vers la cible, elle doit sans dévier se
hâter vers le but. Elle ne peut maintenant s'écarter du chemin sans récolter
une moisson de souffrance.
La Voie étroite, c'est le Sentier du disciple ; elle conduit au salut, à la
libération, au couronnement de la vie, comme il plaira de dire. Elle conduit
à la vie éternelle, car ce n'est qu'à partir de l'heure où elle parvient au grade
de disciple, que l'âme découvre la vraie signification intérieure de la vie et
en aperçoit le couronnement proche.
Le couronnement de la vie est de porter le fardeau des autres. C'est pour
cela, et pour cela seulement que vivent et travaillent les Frères Ainés de
notre race, les Maitres de Sagesse. Sans eux qui portent sur leurs épaules le
fardeau de l'humanité, hommes et femmes n'auraient guère le courage
d'effacer de leur mémoire le souvenir de leurs transgressions pour regarder
en avant vers un avenir de liberté, d'espérance et de joie. Si vous désirez que
les Frères Ainés acceptent de vous mener à la Vie Éternelle il vous faut donc
apprendre à porter le fardeau des autres ; il n'y a nulle autre route à suivre.
Pour apprendre à porter le fardeau des autres, apprenez d'abord à ne pas
le rendre plus lourd. Faites en sorte qu'aucun de vos actes n'augmente la
somme des souffrances qui existent dans le monde. Alors que vous
parcourez le chemin de la vie, efforcez-vous de faire en somme que vos
pensées, vos paroles et vos actions ne causent de peine à personne. Ayant
ainsi rendu vos mains inoffensives, vous parviendrez à la pureté du cœur et
trouverez en elle une force suffisante pour endurer patiemment tout ce que
votre Karma pénible vous apportera de douleur.
Exercez-vous à unir dans toutes les joies que vous éprouvez les
aspirations de l'humanité vers la joie. Lorsque la félicité vous échoit en
partage, causée par l'amour, la beauté ou la sagesse, pensez à ceux vers qui
votre cœur s'élance le plus volontiers, et unissez-les, faites-les communier
par la pensée à votre bonheur. Le vrai bonheur unit, et ce n'est pas le bonheur
que de n'avoir personne avec qui le partager. Il est certes facile de s'unir aux
autres lorsqu'on est heureux ; faites donc en sorte que cette faculté d'union
devienne en vous instinctive. Vous remarquerez alors que votre pouvoir
d'aimer s'accroit de jour en jour, en même temps que votre pouvoir de sentir
la beauté deviendra de plus en plus grand, et, lentement, la faculté d'endurer
la souffrance se développera de même en vous. En partant du petit cercle de
ceux qui vous sont déjà chers, vous l'accroitrez sans cesse jusqu'au jour où
vous pourrez unir dans votre joie toute l'humanité.
Puis, enfin, vous devrez unir en votre douleur la douleur de l'humanité.
Le couronnement de la vie est d'aimer beaucoup, – comme aussi de
beaucoup souffrir s'il en est besoin. Mais la joie et les peines n'acquièrent
d'importance qu'en réfléchissant ce qui provient d'en haut. La douleur des
hommes est la douleur de Dieu, et si vous la pouviez ressentir comme Il la
ressent Lui-même, vous percevriez alors autant de Sa face en supportant la
souffrance des autres qu'en partageant leurs joies.
Faites en sorte que chaque cri de la misère humaine trouve en vous une
corde qui vibre à son appel ; ne rejetez nul être, quelque abject et vicieux
qu'il soit. Mieux vaut être souillé en cherchant à aider ceux qui sont dans la
fange que de s'écarter d'eux afin de rester pur. Étudiez les causes de la
souffrance et cherchez à comprendre les voies du karma, parce que le Karma
est une expression de la volonté divine.
Acquérez par vous-même la certitude que le karma en apparence le plus
impitoyable est lui-même bienfaisant et compatissant. C'est ainsi en
s'efforçant d'aider avec compassion ceux qui souffrent, que vous leur
donnerez le plus de force.
Ne craignez pas de souffrir ; la clarté de l'enfer même vous révèlera
dans la vie des beautés que vous ne verriez pas à la lumière la terre. Tant
que l'humanité sera ce qu'elle est encore, la joie seule ne pourra point unir
les hommes ; mais vous apprendrez d'autant plus vite à vous unir tendrement
à eux par la joie que vous l'aurez déjà appris par la douleur.
C'est pour vous que j'ai écrit ces pages, pour vous qui êtes dans le monde
et qui ne pouvez le quitter, afin que vous puissiez voir comment, à la lumière
de la sagesse, vous pouvez y mener une vie d'action aimante véritablement
vécue "Au Nom du Maitre" et parvenir ainsi à le trouver. Bien des
souffrances vous attendent, car il vous faudra payer jusqu'au dernier centime
la dette que vous avez contractée envers vos frères pour avoir, par vos fautes,
rendu leur fardeau plus lourd à porter, mais une inspiration descendra aussi
dans votre vie comme il n'en viendra jamais à ceux qui ne se déciderons pas
au grand sacrifice.
Consacrez-vous à la recherche du Maitre, et nécessairement vous le
trouverez. Vie après vie vous passerez alors d'un stade à l'autre jusqu'à
devenir vous-même l'Oint du Seigneur, un des sauveurs de l'humanité. À ce
moment, Dieu vous enseignera à effacer de Son livre de vie tout ce qui fut
autrefois votre part de souffrances et de passions, et vous saurez alors écrire
à nouveau les pages du passé, et les remplir de joyeuses paroles. Car le passé
sera dans vos mains une argile aussi plastique que l'est maintenant celle de
l'avenir. La douleur du présent n'a d'autre but que de nous enseigner
l'alphabet de la vie afin que nous puissions écrire sur toutes les pages du
temps.
Alors, enfin, la fantasmagorie du passé s'évanouira, et toutes les heures
qu'attristèrent les larmes, vous les vivrez de nouveau, mais pleines de tout
ce après quoi soupirait votre cœur et vous vous prendrez à sourire. Vous
vivrez joyeusement dans le passé comme dans le présent, car tel est l'avenir
qui nous attend, et telle est aussi la gloire qui nous sera révélée.

FIN DU LIVRE

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