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Faculté des Sciences Juridiques et Politiques Faculty of Law and Political Science
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Département de Droit des Affaires
Sujet : Elaborer une fiche de jurisprudence de l’arrêt : Cour de Cassation française, 1ère
chambre civile, 25 juin 1919
Analyse de la décision
Il s'agit d'un arrêt de cassation de la 1ère chambre civile de la Cour de cassation française en
date du 25 juin 1919 relatif au rejet de la demande de rémunération formée par un gérant
d’affaires agissant non pas dans l’intérêt du maitre d’affaires mais dans son intérêt personnel
La Cour ;
Attendu que le pourvoi soutient que l’arrêt attaqué aurait, contrairement à la loi, refusé de
reconnaître à Benoît la qualité de gérant d’affaires, et de lui allouer une rémunération pour
Mais attendu que l’arrêt attaqué constate que Benoît, loin d’avoir géré volontairement la
chose d’autrui, avait exploité les œuvres litigieuses parce qu’il s’en croyait propriétaire
exclusif et uniquement dans l’intérêt de son commerce personnel ; qu’en cet état des faits
souverainement constatés, c’est à bon droit que la cour de Paris a décidé que Benoît n’avait
pas agi en qualité de gérant d’affaires et a confirmé le jugement ayant rejeté la demande
d’allocation qu’il avait formée à ce titre… ;
Introduction
Mise en place du sujet : Le présent arrêt rendu le 25 juin 1919 par la 1ère chambre civile de
la Cour de Cassation française fait une application des règles en matière de gestion d’affaires.
Rappel des faits et procédures: M Benoit, éditeur avait exploité utilement dans son intérêt
personnel les ouvrages des sieurs Biollay et consorts. Prétendant avoir géré dans
l’intérêt et le compte des Biollay et consorts, il forma une réclamation aux fins
d’obtenir une allocation ou rémunération au titre de gérant d’affaires en se fondant
sur l’article 1375 du Code civil applicable au Cameroun : « Le maître dont l'affaire a
été bien administrée, doit remplir les engagements que le gérant a
contractés en son nom, l'indemniser de tous les engagements personnels qu'il a pris, et
lui rembourser toutes les dépenses utiles ou nécessaires qu'il a faites. ». N’ayant pas eu
gain de cause du jugement rendu par le tribunal d’instance, il fit appel de ce jugement.
Les juges du fond déboutèrent sa demande en fondant leurs arguments sur une
absence d’intention pour le gérant d’affaires de gérer l’affaire d’autrui (sieurs Biollay et
consorts) et bien plus dans son intérêt. S’étant pourvu en cassation, la 1ère chambre
civile de la Cour de Cassation française confirma la décision de la Cour d’Appel de
Paris/ rejeta le pourvoi de Monsieur Benoit aux motifs qu’il ne pouvait réclamer une
rémunération ou une allocation comme gérant d’affaires lorsqu’il n’avait jamais
manifesté l’intention de gérer les biens des sieurs Biollay et consorts et que
malheureusement ces ouvrages avaient été gérés dans son intérêt à lui.
Problème de droit : La cour de Cassation française était dès lors confrontée au problème
de droit suivant : Un gérant d’affaires qui gère dans son intérêt personnel les affaires
du maître d’affaires peut-il bénéficier des droits reconnus à un gérant d’affaires?
Peut-on réclamer les droits reconnus à un gérant d’affaires lorsqu’on n’a pas manifesté
l’intention de gérer les biens d’un tiers ?
La gestion d’affaires peut-elle jouer lorsqu’un gérant d’affaires gère les biens du maître
d’affaires dans son intérêt personnel ?
Ou encore :
I.Le rejet de la gestion d’affaires par un gérant d’affaires agissant dans son intérêt
personnel ou Les conditions de mise en œuvre de la gestion d’affaires dans la
personne du gérant d’affaires
II. Le refus d’octroi d’une rémunération à un tel gérant d’affaires ou les effets d’une
gestion d’affaires dans son intérêt personnel
Notes :
« Benoît, loin d’avoir géré volontairement la chose d’autrui, avait exploité les œuvres
litigieuses parce qu’il s’en croyait propriétaire exclusif et uniquement dans l’intérêt de
son commerce personnel » (Extrait de la Cour de Cassation française, 25 Juin 1919)
Peut-on ne pas avoir l’intention de gérer les affaires d’autrui et bien plus, peut-on ne
pas gérer les affaires d’autrui dans l’intérêt de ce dernier et oser prétendre à la
rémunération consécutive à un quelconque appauvrissement dont on a été victime ?
Entre gérer les affaires d’autrui et en avoir l’intention, il n’est pas toujours aisé d’établir
la ligne de démarcation, surtout lorsque, le gérant d’affaires réclame une quelconque
allocation de la gestion qu’il a faites des biens d’un tiers ou maitre d’affaires.
Il ressortait de la part des juges de fond, que M Benoit ne manifestait pas l’intention
de gérer les affaires des sieurs Biollay et consorts ; mais plutôt d’exploiter leurs œuvres
dans son intérêt personnel.
La valeur de cet arrêt se trouve justement à un double niveau : d’une part, il faut
manifester l’intention de gérer pour autrui, indépendamment du fait de connaitre le
maitre d’affaires ou non, d’autre part, il faut gérer dans l’intérêt du maitre d’affaires
(articles 1373 et 1374 du Code civil applicable au Cameroun) afin d’espérer la
rémunération qui ressort du même Code civil à l’article 1375.
C’est l’une des portées extra juridiques de cet arrêt : la moralité et la sincérité dans la
gestion des affaires d’autrui est un gage de confiance et de prudence : confiance car on
méritera toujours la gestion d’affaires des tiers ; et prudence dans la mesure où, on
Ainsi, et c’est là que se trouve la richesse juridique de cet arrêt, il ne suffit pas de
prétendre gérer les affaires des autres : il faut encore avoir l’intention de les gérer « en
bon père de famille » que cette gestion ait pour finalité l’utilité ou le bien du maitre
d’affaires (même de façon partielle): « le bénéfice de la gestion d’affaires peut être
accordé à quiconque a volontairement agi au nom et pour le compte d’autrui, dès lors
qu’il résulte des constatations des juges du fait de l’opportunité de l’intervention était
telle que l’initiative était justifiée et que l’affaire a été utilement gérée » (Cour de
Cassation française, chambre civile du 28 octobre 1942).
Le droit rendu par les juges du fond a été reconnu par les juges suprêmes et on peut
saluer cet alignement de la jurisprudence dans les trois ordres de juridiction. Ce qui
permet de montrer qu’il est bien possible que des tribunaux d’instance à la juridiction
suprême, la même compréhension et application du droit soit faite.
Seulement, on restera muet quant à la cassation dont cet arrêt a été l’objet. Le
dispositif allant a contrario des moyens : comment avoir pu souligner que les juges du
fond ont tranché le litige « à bon droit » mais casser cet arrêt de la Cour d’Appel. Car,
si un arrêt de cassation casse un arrêt de la Cour d’Appel, il faut bien aller rechercher
l’interprétation et l’application faite des règles de droit : or, en l’espèce, les articles
mobilisés pour ne pas accorder à M Benoit le bénéfice de la rémunération sont sans
équivoque et recentrés autour de l’article 1372 du Code civil applicable au Cameroun.
Cette cassation était-elle consécutive à la discordance entre la prévision législative et la
décision des juges du fond : « l’arrêt attaqué aurait, contrairement à la loi… » ?
Il serait difficile de donner une réponse à cette question si on aurait attendu cette
formulation du dispositif : « Par ces motifs, rejette… ». Mais au-delà, de tout cela, ce
que l’on peut retenir c’est que, la délicatesse d’appréciation sur la personne du gérant
d’affaires demeure constante au risque de se limiter à une appréciation erronée alors
qu’au fond, le soi-disant gérant d’affaires n’a nullement l’intention de gérer les affaires
d’autrui ; encore moins les gérer pour que son maitre d’affaire en recueille tous les
fruits.
Enseignant UYII-Privatiste-Affairiste