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Le piratage prive l'auteur ainsi que les personnes ayant travaillé sur ce livre
de leur droit.
ISBN : 9791038121980
Hayden
Oui.
Commençons ici cette histoire d’amour catastrophique.
Voulez-vous ?
Rupture no 1
Penelope
À l’époque…
Beurk : enfoiré arrogant : J’ai déposé un colis chez toi, tout à l’heure.
C’est de la part de Travis. Peut-être qu’il t’a enfin envoyé ce dont tu as
besoin : un foutu sens de la reconnaissance. Au fait, ne me remercie pas
pour mon aide GRATUITE.
Beurk : enfoiré arrogant : Il faut que tu appelles ton frère ce soir, après
ton entraînement. Il dit que tu dois être rentrée avant vingt-trois heures, car
tu as rendez-vous avec les journalistes du TIME et de Skate World demain
matin.
Beurk : enfoiré arrogant : Je VOIS que tu lis mes foutus messages,
Penelope. Tu pourrais au moins répondre, non ?
Je n’ai jamais répondu à aucun de ses messages, et je n’ai pas l’intention
de commencer maintenant.
J’ouvre à nouveau l’application Uber et décide d’attendre autant de temps
qu’il le faudra.
Je préfère encore crever de froid que d’avoir affaire à Hayden…
Rupture no 1,5
Celui qui avait gâché la Saint-Valentin
Hayden
À l’époque…
***
Quand je me gare devant la résidence Avis, j’aperçois Penelope par les
fenêtres du hall d’entrée, en pleine altercation avec un agent de sécurité.
Elle est rouge comme une pivoine et elle secoue la tête, comme si elle
refusait de partir.
Vêtue de talons aiguilles argentés et d’une robe rouge en tissu fin qui
laisse peu de place à l’imagination, je sais qu’elle n’est certainement pas
venue ici pour « réviser ».
Je klaxonne plusieurs fois, ce qui met fin à sa discussion animée avec le
vigile.
Elle saisit rapidement quelque chose dans la poche de l’homme, puis se
précipite dehors et l’agent de sécurité lui fait un doigt d’honneur.
Où est passé son manteau, bon sang ?
Elle ouvre brusquement la porte côté passager et j’allume le chauffage.
Alors qu’elle attache sa ceinture de sécurité, je ne peux pas m’empêcher de
remarquer les larmes qui coulent sur ses joues.
— Les révisions sont censées t’apporter du plaisir, pas te faire pleurer,
commenté-je en m’engageant sur la rue. Ton mec était si mauvais que ça au
lit ?
— Tu sais quoi ? s’agace-t-elle en s’essuyant les yeux. Peux-tu me
déposer sur l’autoroute ? Je crois que je préfère encore attendre le prochain
Uber.
— Trop tard, déclaré-je en m’assurant que les portes sont verrouillées. Je
n’en ai strictement rien à faire mais, je t’en prie, dis-moi que tu as utilisé un
préservatif.
— Je n’ai rien utilisé du tout, d’accord ? rétorque-t-elle en me lançant un
regard furieux. Car il ne s’est rien passé.
— Ce n’est pas ce que dit ta robe.
— C’est une tenue de patinage que j’ai déjà portée sur la glace, mais vas-
y, tu n’as qu’à prendre une photo. Je suis sûre que ça te démange de
l’envoyer à Travis et de lui raconter tout ça.
— Je ne vais rien dire du tout à ton frère, déclaré-je en me tournant vers
elle. Ta vie sexuelle ne le regarde pas. Et moi non plus.
— C’est certainement la chose la plus intelligente que tu ne m’aies jamais
dite.
— Non, ce qui est intelligent, c’est de te proposer de te donner des
capotes. Tu veux que je m’arrête et que j’aille t’en acheter ?
— Est-ce que tu es bouché ? Je viens de te dire qu’il ne s’était rien passé.
Et il ne s’est rien passé parce que mon soi-disant petit ami a gâché la Saint-
Valentin au moment où sa véritable copine qui est à la fac a débarqué.
Les mots se déversent de sa bouche.
— Il me trompait depuis le début, et je n’arrive pas à croire que j’ai été
assez naïve pour penser qu’un étudiant pourrait être fidèle à une lycéenne.
Pour penser qu’il était digne d’être mon premier.
Oui, tu aurais vraiment dû faire preuve d’un peu plus de bon sens.
— Tu veux un conseil pour tes futures relations ? proposé-je.
— Ha ha ! Je passe mon tour, ironise-t-elle en secouant la tête. Je ne
pense pas avoir un jour besoin de tes conseils au sujet de quoi que ce soit.
Mais en y réfléchissant bien, si jamais j’ai envie de savoir comment devenir
un enfoiré ou un gigolo, je t’appellerai.
— Laisse un message, dans ce cas.
J’augmente le volume de la musique pour couper court à la conversation.
Cette fois, je roule à vingt kilomètres-heure au-dessus de la vitesse
autorisée et grille tous les feux rouges.
Plus vite je la dépose, mieux ce sera.
Vingt minutes plus tard, alors que je me gare dans son allée pour la
deuxième fois de la soirée, je songe un instant à sortir et à lui ouvrir la
portière. Jusqu’à ce que je lui jette un rapide coup d’œil et que je
m’aperçoive qu’elle change de nouveau mon nom dans son téléphone. Je ne
suis plus enregistré en tant que « Beurk : enfoiré arrogant ».
Je suis désormais « Trou du cul antipathique (ne plus jamais le rappeler)
».
D’un côté, c’est mieux que les « Hayden l’enfoiré (je le déteste) » et «
Porteur de syphilis garanti » de la semaine dernière, mais pas assez pour
que je me conduise en gentleman.
— Eh bien, voilà. Tu peux ficher le camp de ma voiture. Je passe te
prendre samedi pour l’entraînement, à moins que tu n’aies trouvé un
nouveau partenaire pour réviser d’ici là. Pense d’abord à vérifier qu’il n’est
pas déjà en couple.
— C’est bas, réplique-t-elle. Même pour toi.
— Je peux faire bien pire, crois-moi, rétorqué-je en désignant sa porte
d’entrée du doigt. Seul l’un d’entre nous a essayé de se montrer cordial au
cours de ces six derniers mois. Et spoiler : ce n’est pas toi. Autre
révélation : à partir de ce soir, ce ne sera pas moi non plus.
— Inutile d’être cordial étant donné que c’est principalement à cause de
toi que Travis a accepté de me laisser ici. Le fait qu’il a un jour accepté
d’écouter le moindre conseil venant de quelqu’un dont le slogan personnel
est « les potes avant les putes » dépasse l’entendement.
— Je n’ai jamais dit « les potes avant les putes ».
Je me penche et ouvre la portière de l’intérieur, puisque Penelope ne
descend pas d’elle-même.
— J’ai peut-être dit « fais-moi passer avant les meufs » quelques fois,
mais cela ne te regarde pas, ajouté-je. Encore une fois, c’est le moment de
foutre le camp de ma voiture.
— Avec plaisir, répond-elle en sortant. Il faut vite que j’aille me laver au
cas où j’aurais attrapé l’une de tes MST pendant le trajet.
— Tu sais quoi ?
J’en ai marre de jouer au gentil.
— C’est exactement pour cette raison que ton mec t’a trompée. Il en a eu
marre de tes simagrées au lit, étant donné que tu as probablement dû lui
demander s’il avait des MST chaque fois qu’il te respirait dessus, déclaré-
je. Je parie qu’il a eu envie de sortir avec quelqu’un qui sait dans quel trou
prendre sa queue ; quelqu’un qui n’a pas le corps d’un garçon de douze ans.
Elle ouvre la bouche, sidérée.
— Fais-moi signe si tu veux que je te prenne un exemplaire du Sexe pour
les nuls la prochaine fois que je vais au supermarché. Je te surlignerai
même les parties anatomiques importantes, si tu veux.
— Va te faire foutre, Hayden, crache-t-elle en claquant la porte.
Je baisse la vitre avec le besoin soudain d’avoir le dernier mot.
— De rien pour le trajet, Penelope.
— Non, merci, rétorque-t-elle en me fusillant du regard. Je ne te
demanderai plus jamais de venir me chercher.
— Ça me va parfaitement. Je ne décrocherai plus jamais mon téléphone
aussi tard pour te répondre.
— En attendant, tu devrais nettoyer ta voiture. Elle sent la chatte frustrée.
— Qu’est-ce que tu en sais ? Tu ne sais même pas où est la tienne.
Je remonte légèrement la vitre, prêt à sortir de l’allée et à la laisser
plantée là, furieuse, mais je vois ses lèvres bouger.
— J’espère que ton application de rencontres va foirer et que tu vas
perdre chaque centime que tu y as investi, déclare-t-elle en me regardant
droit dans les yeux. Je ne sais même pas pourquoi toi, parmi toutes les
personnes qui existent, tu essayes de créer une chose pareille alors que ta
conception d’une relation se résume à coucher avec toutes les femmes que
tu croises. Mais je suppose que cela explique pourquoi tu n’as pas avancé
d’un pouce en deux ans. Peut-être que tu n’aurais pas dû abandonner la fac,
finalement. Tout le monde ne peut pas devenir Mark Zuckerberg, et surtout
pas toi.
Pendant plusieurs secondes, nous nous fusillons mutuellement du regard.
Je décide de ne pas poursuivre cette conversation et fais marche arrière
dans l’allée. Je suis déterminé à appeler Travis dès demain matin pour lui
annoncer que notre petit arrangement est terminé.
Ce « coup de main » dépasse largement mes obligations en tant que
meilleur ami et je refuse de supporter ça plus longtemps.
Penelope va devoir se débrouiller sans moi.
***
Une heure plus tard, je déambule dans l’allée de friandises d’une
supérette avec assez de boisson énergisante Monster et de Skittles pour tenir
tout le week-end, que j’ai prévu de passer à travailler sur mon application
de rencontres.
Contrairement à ce que pense Penelope, j’ai avancé sur mon projet ces
deux dernières années ; c’est seulement que je progresse lentement.
Des investisseurs ont manifesté leur intérêt, mais ils m’ont tous fait la
même critique : « ça manque d’âme », « revenez quand vous aurez le petit
truc en plus », ou bien « quelque chose me gêne, mais je ne saurais dire
quoi… ».
Je prends une boîte de donuts, puis me dirige vers la caisse. Au moment
où je sors mon portefeuille, un nouveau message fait vibrer mon téléphone.
La frangine casse-pieds de Travis : Juste pour ton information, je ne
regrette pas un mot de ce que je t’ai dit tout à l’heure.
Moi : Je ne regrette rien non plus.
La frangine casse-pieds de Travis : Bien… est-ce que je peux t’appeler,
une minute ?
Moi : Pour quoi faire ?
La frangine casse-pieds de Travis : Le conseil sur les mecs que tu
voulais me donner tout à l’heure. Je veux l’entendre.
Moi : Je n’ai plus envie de te le donner. Tu n’as qu’à appeler Travis et lui
demander ce qu’il en pense. Je suis sûr qu’il sera ravi d’apprendre que tu
avais un petit ami.
La frangine casse-pieds de Travis : *emoji doigt d’honneur* *emoji qui
vomit* *GIF va te faire voir*
La frangine casse-pieds de Travis : Désolée d’avoir ne serait-ce
qu’essayé de faire un effort avec toi. Je vais attendre que l’une de mes
amies se réveille.
Moi : Si tu as des « amies », pourquoi tu ne leur as pas demandé de venir
te chercher, ce soir ?
Elle ne répond pas à mon dernier message et, même si je suis plus que
prêt à couper tout contact avec elle pour toujours, je ne peux pas
m’empêcher de me demander pourquoi elle n’a pas appelé quelqu’un
d’autre. Pourquoi, au cours de ces derniers mois, elle ne m’a jamais
demandé de la déposer chez une amie, au cinéma, ou à un endroit qui n’ait
pas de rapport avec le patinage artistique.
Entre ses journées d’entraînement de douze heures et ses cours
particuliers, elle ne se rend à l’école que deux ou trois fois par semaine pour
participer aux évaluations et rendre les devoirs.
Quelque chose m’échappe.
De retour à ma voiture, j’ouvre la boîte à gants et fouille dans les papiers
à la recherche de la liste de Travis intitulée « Choses à faire pour aider
Penelope (Crown) pendant mon absence ».
Au dos, à côté du numéro treize, est écrite une consigne à laquelle je
n’avais jusque-là pas prêté attention. À présent, elle me saute aux yeux plus
que jamais :
13) L’aider à se faire des amis. Avant l’accident, notre mère faisait office
de meilleure amie, de coach et d’à peu près tout pour elle, alors… Je sais
que ce ne sera pas facile, mais pourrais-tu lui présenter les membres
féminins de ton équipe de travail, à l’occasion ?
***
Je ne le savais pas encore à l’époque, et je n’aurais jamais accepté de le
croire, mais c’était la première fois que je lui donnais des conseils
relationnels en temps réel. La première nuit de notre amitié.
Même si je voulais tout faire pour éviter cela, ma relation avec Penelope a
fini par devenir la plus belle amitié que j’aie jamais connue…
Ah.
Pitié.
Je lui indique quoi faire, récupère ses notes au sujet de mon application
en arrivant chez elle, puis reprends sans peine notre routine habituelle.
Les trajets avant de la déposer à l’entraînement se font toujours dans le
silence. Les messages que je lui envoie restent « lus » et pourtant sans
réponse.
Les rares occasions où je dis quelque chose, cela s’arrête à « félicitations
pour ton énième victoire », tandis qu’elle continue de se hisser vers le
sommet et de faire exploser les notes de tous les juges.
La seule chose qui a changé, c’est qu’il n’y a plus de tension désagréable
entre nous. Enfin, ça et le fait que je me nomme maintenant « Juste Hayden
» dans son téléphone.
Rupture no 3
Celui qui voulait un plan à trois
(La rupture no 2 était « celui qui voulait que je l’appelle papa », mais je
préfère faire comme si ce n’était jamais arrivé…)
Penelope
À l’époque…
L’un des plus gros problèmes quand on n’a pas d’amies, c’est qu’on ne
peut compter que sur les influenceurs de YouTube et d’Instagram quand on
a besoin de conseils sur les mecs et la vie en général.
Ma mère m’a enseigné le b.a.-ba du maquillage (héritage de sa brillante
carrière sur la glace) et m’a beaucoup appris sur le fait de persévérer et
d’être la meilleure, mais en ce qui concerne les relations amoureuses ?
Le seul conseil qu’elle a pu me prodiguer est le suivant : « Ne sors pas
avec quelqu’un comme ton frère… ni avec ce garçon, Hayden Hunter. »
C’est tout.
Et c’est pour cette raison que je suis plutôt reconnaissante que Kayla
Lilith, troisième patineuse au classement national et « copine
d’entraînement », se soit mise à passer du temps avec moi.
Après les cours de danse classique, entre les sessions d’étirements et
pendant les temps de pause lors de nos joggings matinaux, elle m’a
lentement fait entrer dans sa vie.
C’est aussi à cause d’elle que je risque (une fois de plus) ma place de
numéro un et me tiens devant l’appartement de mon petit ami Brody un
samedi soir.
J’ai expliqué à mon amie que je n’étais pas trop du genre à faire la fête,
même si c’est Brody qui l’organise, mais elle a insisté pour que je m’y
rende et que je demande à ce dernier des explications sur son « manque de
communication ». Puis, elle m’a suggéré de coucher enfin avec lui.
« Tu m’as dit que vous vous disputiez beaucoup plus que d’habitude
dernièrement, pas vrai ? Va à sa fête et parle-lui de ce qui te rendrait
heureuse… Je serai là pour te soutenir, si tu as besoin de moi. »
Je lisse ma robe de mes mains, puis ouvre la porte.
L’appartement est plein à craquer d’étudiants armés de grands gobelets
rouges et l’atmosphère est chargée d’une odeur d’alcool, de sueur et de
marijuana.
J’aperçois Brody qui discute avec ses amis sur le balcon, mais une horde
de filles me bloque le passage.
Elles sont toutes occupées à se pâmer devant un type qui porte un blouson
en cuir noir. Un type dont le profil laisse apparaître une mâchoire
parfaitement ciselée et un sourire d’un blanc étincelant, et… Hayden ?
Merde.
Tout à coup, son regard bleu croise le mien et il penche légèrement la tête
sur le côté.
Il m’a déposée à la patinoire quelques heures plus tôt et je suis certaine
qu’il s’attend à devoir me récupérer vers minuit.
Je tourne la tête et fonce tout droit vers la table où est servi le punch.
Je prends un gobelet rouge et le remplis à ras bord. Je le bois d’un seul
trait, comme si cela allait me faire disparaître.
Puis, je le remplis de nouveau.
— Alors, tu as décidé de venir, finalement ? murmure Brody en déposant
un baiser sur ma nuque et en me saisissant brièvement par les hanches. Je
suis content que tu sois là.
— Moi aussi.
Je me retourne et il m’embrasse langoureusement.
Il me prend par la main et m’entraîne à l’écart de la foule jusque dans le
couloir.
— Est-ce que tu as l’intention de passer la nuit avec moi ? demande-t-il
en posant ses lèvres au creux de mon cou dénudé.
— Oui.
— Bien, parce que je crois que j’ai compris pourquoi on a des problèmes
de communication. Et je sais aussi pourquoi tu me repousses toujours quand
je tente de passer à la vitesse supérieure.
Je hausse les sourcils, perplexe.
— Tu as du mal à me faire confiance, pas vrai ? poursuit-il.
— Non, c’est parce que tu oublies toujours d’apporter des préservatifs,
comme par hasard.
— On devrait prendre le temps d’en discuter.
— Ou bien tu pourrais simplement penser à en acheter. Encore mieux, tu
pourrais me demander d’en apporter, suggéré-je avant de tirer sur la lanière
de mon sac à main. C’est ce que j’ai fait, cette fois.
Il se met à rire et se penche sur moi, puis murmure à mon oreille :
— Je crois que ce serait mieux pour toi si on faisait un plan à trois pour ta
première fois. Je pense que ça te détendrait que deux personnes soient à
l’écoute de ton plaisir.
PARDON ? J’entends littéralement mon vagin menacer de s’immoler par
le feu si j’ose seulement réfléchir à cette proposition.
— Tu veux que je couche avec toi et avec un autre mec ?
J’ai envie de croire que c’est une blague.
— Tu veux que je fasse ça pour ma première fois ? insisté-je.
— Non, susurre-t-il en faisant glisser ses doigts dans mes cheveux. Avec
une autre fille. Quelqu’un en qui tu as confiance.
— Qui ?
— Kayla. Tu m’as dit que vous vous étiez rapprochées, alors…
— Alors quoi ?
— Alors, je crois qu’un plan à trois serait bénéfique pour nous tous.
Il dépose de nouveau un baiser dans mon cou et je suis parcourue d’un
frisson de dégoût.
Le point positif, c’est que nous ne sommes pas ensemble depuis
longtemps. Mais je déteste l’idée de devoir trouver quelqu’un d’autre et tout
recommencer.
Je ne pourrai plus jamais le regarder de la même façon après ce qu’il a
dit.
— Qu’est-ce que tu en dis, Penelope ? murmure-t-il. Je crois que c’est ce
qu’il y a de mieux, si tu veux poursuivre notre relation. Qu’en penses-tu ?
— J’en pense que c’est foutrement terminé entre nous.
Je le repousse – violemment – et me replie vers la salle de bain.
Je claque la porte derrière moi et pousse un cri de frustration, tout en me
jurant d’appeler Kayla et de lui dire qu’elle s’est complètement plantée en
insistant pour que j’aille à cette fête.
Je n’ai pas envie d’attendre qu’elle arrive, j’ai juste envie de rentrer à la
maison.
Alors que je m’asperge le visage d’eau, on frappe doucement à la porte.
Quelqu’un l’ouvre avant que j’aie le temps de la fermer à clé.
— Aux dernières nouvelles, tu n’as pas encore vingt et un ans, déclare
Hayden en entrant. Je ne crois pas que tu sois censée boire à une fête
étudiante.
— Merci de me le rappeler, papa. Aux dernières nouvelles, tu n’es plus à
la fac, alors toi non plus, tu n’as rien à faire ici.
Il semble sur le point de renchérir sarcastiquement, mais son expression
s’adoucit.
— Pourquoi est-ce que j’ai l’impression que tu vas pleurer ?
— Parce que j’ai séché l’entraînement pour venir à cette fête horrible.
— C’est ce que je vois, répond-il en souriant. Je suis certain que tes
concurrents seraient furieux d’apprendre que tu as assez de temps libre pour
sortir avec des garçons.
Je ne sais pas trop s’il s’agit d’un compliment ou d’une insulte, alors je ne
réponds pas.
Je porte le gobelet rouge à mes lèvres, mais Hayden me le prend des
mains et me tend une bouteille d’eau à la place.
— Plus sérieusement, reprend-il d’un air sincère. Qu’est-ce qui ne va pas,
Penelope ?
— Je n’ai pas envie d’en parler avec toi.
— Si tu ne le fais pas, j’appelle ton frère et tu pourras en discuter avec lui
directement.
Je suis tentée de lui dire qu’il bluffe, mais il sort son téléphone.
Argh, le traître.
— J’avais prévu de passer la nuit ici quand tout le monde serait parti
pour…
— Perdre ta virginité ?
— Passer le reste de la soirée avec mon nouveau petit ami.
— Tu n’as pas perdu de temps pour tourner la page.
— Tu peux parler, rétorqué-je en descendant la bouteille d’eau d’un trait.
Enfin bref, on se dispute beaucoup plus que d’habitude ces derniers temps,
alors je suis venue ici pour arranger les choses. Mais ensuite, il a déclaré
qu’il ne poursuivrait notre relation que si j’acceptais de faire un plan à trois
avec lui et l’une de mes coéquipières.
— Attends, quoi ?
— Tu as bien entendu, répliqué-je en évitant son regard avant de soupirer.
Travis ne m’a pas envoyé d’argent dernièrement, alors je ne peux pas te
rembourser l’essence aujourd’hui. Demain ?
— Pas si vite, proteste Hayden en inclinant mon visage vers lui du bout
des doigts. Comment est-ce qu’il peut avoir le culot de proposer un plan à
trois à ta copine d’entraînement ?
— Parce que tous les mecs qui voient Kayla Lilith patiner pendant
cinq secondes sont instantanément excités. Il pense probablement que nous
sommes proches au point d’accepter de le partager.
— Penelope, Penelope, Penelope, soupire-t-il en secouant la tête. Tu ne
vois vraiment pas ce qui se passe ?
— Si. Tu essayes encore de me miner le moral à propos d’une rupture.
— Ce n’est pas ce que j’ai fait pour la première. Je t’ai juste donné mon
avis honnête.
— Tu as dit que j’avais le corps d’une fille de douze ans.
— D’un garçon de douze ans, rectifie-t-il en ayant le culot de sourire.
Mais ça, ce n’est pas une opinion, c’est un fait.
— Je vais rentrer à pied.
Je tente de le contourner, mais il me barre le passage.
— Tout d’abord, ton ex-petit ami est trop vieux pour toi, une fois de plus.
Si le prochain mec que tu te trouves peut aller boire une bière avec moi en
présentant sa véritable carte d’identité, alors il est trop vieux pour toi. C’est
clair ?
Je croise les bras sur ma poitrine.
— Ensuite, ta copine – qui ne t’adressait que rarement la parole jusqu’à il
y a peu de temps – lui a probablement fait des avances à un moment donné.
Ou vice versa. Ce sont tous les deux des enfoirés, mais cette histoire de plan
à trois ne concerne qu’eux. Cela n’a rien à voir avec toi.
Je me remémore les dernières conversations que j’ai eues avec Kayla et
me souviens qu’elle passait plus de temps à dire que Brody était « mignon
et sexy » qu’autre chose.
— Alors je sortais encore avec un mec infidèle ? demandé-je.
— Un mec infidèle avec une tendance à te poignarder dans le dos,
répond-il. C’est légèrement différent.
Je commence à bouillir intérieurement.
— Qu’est-ce que tu ferais à ma place ?
— Je dirais à Hayden qu’il est l’homme le plus intelligent que j’aie
jamais rencontré. Ensuite, je lui promettrais d’être beaucoup plus gentille
avec lui et d’apprendre à exprimer ma gratitude envers lui.
Je lui adresse un regard blasé et il rit.
— Je quitterais cette maison, appellerais les flics en sortant et leur dirais
que j’ai vu un mineur boire de l’alcool pendant la fête, explique-t-il.
— Tu veux que je gâche la soirée de tout le monde ?
— Tu m’as demandé ce que je ferais si j’avais dix-sept ans, répond-il en
haussant les épaules. J’utiliserais l’immaturité qu’il me reste tant que j’en ai
encore, surtout s’il était question de mes sentiments.
— Et concernant Kayla ? Est-ce que je la laisse s’en tirer comme ça ?
— Ça dépend.
Il me rend mon gobelet rouge.
— Je t’attends de l’autre côté de la rue. Tu as trois minutes, puis je
t’emmène à la patinoire pour que tu rattrapes le temps perdu, ajoute-t-il.
— Parce que cela t’importe réellement ?
— Parce que j’ai fait une promesse à ton frère.
Il s’éloigne et je laisse échapper un soupir.
Je me regarde une dernière fois dans le miroir et sors de la salle de bain,
puis me fraye un chemin entre les corps gesticulants sur la piste de danse
improvisée.
Sans le moindre scrupule, Brody a plaqué Kayla contre un mur et la fait
glousser entre deux baisers.
Je me dirige droit sur eux et tapote l’épaule de mon ex.
— Oui ? fait-il en se retournant. Est-ce que tu as déjà changé d’avis ?
— Non, va te faire foutre, sifflé-je. Je voulais juste m’assurer que tu as
conscience d’être un parfait connard.
Il sourit, l’air complètement indifférent.
— Merci de m’avoir rappelé qu’il faut que j’arrête de sortir avec des
lycéennes. Tu n’es pas assez mature pour faire face à la complexité de la
vie.
C’est décidé. J’appelle les flics.
— Pauvre petite princesse de la glace, s’apitoie faussement Kayla en
confirmant que notre amitié ne signifiait rien pour elle. J’imagine que tu ne
peux pas gagner à tous les coups. Qu’est-ce que ça fait de perdre, pour une
fois ?
Je lui jette mon verre au visage.
— C’est plutôt génial.
Je me retourne sans ajouter un mot et me fraye un chemin au milieu des
invités. Je compose le numéro de la police et signale la fête tout en
rejoignant la voiture d’Hayden.
Au moment où je me glisse à l’intérieur, il démarre le moteur.
Nous roulons en silence pendant plusieurs minutes et je fixe du regard les
mots « futur milliardaire » placardés sur son tableau de bord.
— Ce petit incident ne fait pas de nous des amis pour autant, précise-t-il
alors que nous arrivons à un feu rouge. Je veux que tu le saches.
— Toi et moi, on ne sera jamais amis, Hayden, soupiré-je en levant les
yeux au ciel. Mais puisqu’on en est à enfoncer des portes ouvertes, je
déteste le nouveau nom de ton application de rencontres encore plus que le
premier.
— Quelque chose me dit que tu le détesteras même quand je serai
milliardaire.
Absolument.
— Je me suis entraînée trois heures supplémentaires tous les jours de la
semaine, juste au cas où je sortirais ce soir, lui signalé-je en changeant de
sujet. J’aimerais mieux rentrer à la maison pour réfléchir.
— C’est la pire chose à faire, affirme-t-il. Ruminer ne te mènera nulle
part. Tu devrais revoir ton programme court, au moins deux ou trois fois.
Je déteste le fait qu’il ait raison, mais je ne proteste pas.
— Tu ne crois vraiment pas que je vais devenir milliardaire, pas vrai ?
demande-t-il en se tournant vers moi.
— Non. Je sais que ça n’arrivera pas.
— On parie ? Parce que je suis prêt à parier que tu ne te feras jamais un
seul ami de toute ta vie.
— Marché conclu. J’ai vraiment hâte de te voir te planter.
— J’ai vraiment hâte de te voir pleurer de solitude éternelle quand j’aurai
gagné…
Hayden
De nos jours…
Penelope
De nos jours…
Penelope
Juste Hayden : Tu es sûre ? Elle est excitée par les photos de cadavres,
Pen.
Moi : Je suis sûre à 100 %.
Penelope
Hayden
De nos jours…
Hayden
À l’époque…
Penelope
De nos jours…
1. Petit objet utilisé pour effacer la mémoire à court terme dans le film Men
in Black.
Chapitre 5
Penelope
De nos jours…
Penelope
De nos jours…
Hayden
De nos jours…
Penelope
De nos jours…
Penelope,
Je crois qu’il est grand temps que tu possèdes ta propre garde-robe.
N’essaye pas de me rembourser et ne t’avise pas de me demander combien
ça a coûté.
Contente-toi d’accepter.
Dis-moi ce que tu auras choisi pour aller à la fête.
De rien,
Hayden
P.-S. Détache tes cheveux.
P.-P.-S. Ne mets pas de culotte. Fais-moi confiance.
Chapitre 7
Penelope
Samedi…
***
Le yacht leva l’ancre pour naviguer sur le fleuve et je m’appuyai contre le
bastingage tandis que Simon posait ses mains de chaque côté de moi.
Les années que nous avions passé éloignés l’un de l’autre s’évanouirent
et se transformèrent en une conversation de plusieurs heures, et j’eus
l’impression d’être de retour dans son ancienne chambre universitaire. Ses
lèvres frôlèrent les miennes à plusieurs reprises, mais il ne les laissa jamais
s’attarder plus de quelques secondes, tout en gardant les yeux rivés sur moi.
Très vite, je désobéis sans le moindre effort aux deux suggestions
d’Hayden.
Chapitre 7 bis
Hayden
De nos jours…
— J’aurais juré t’avoir dit que nous avions une séance de préparation à ta
déposition aujourd’hui, pesta mon conseiller en me fusillant du regard à la
seconde où j’entrai dans mon appartement.
— Entrer chez quelqu’un par effraction est un crime, Lawrence.
— J’ai dû poireauter ici et faire la conversation avec deux des plus gros
trous du cul de cette ville pendant une heure entière. En plus de ça, ils
m’ont pris par surprise avec tout un tas de trucs qui sortiront dans les
journaux demain. On ne peut rien faire pour empêcher cela, mais j’ai
mobilisé du personnel pour travailler les soixante-douze prochaines heures
sans interruption, histoire de faire le ménage au maximum.
Je laissai échapper un soupir.
— Je suis désolé.
— Quoi ? demanda-t-il, l’air surpris que j’aie prononcé ces mots.
D’accord, eh bien, euh… en parlant d’être désolé, combien de lettres as-tu
terminées ?
— Une.
— Pour qui ?
— Pour toi.
Je ramassai l’enveloppe sur ma table basse et la lui tendis, mais il ne
l’ouvrit pas.
À la place, il la rangea dans sa poche.
— Les meilleures excuses seraient de changer de comportement, Hayden.
C’est tout ce que je t’ai toujours demandé. En plus de mon salaire et de ma
prime annuelle, bien entendu.
— Bien entendu.
— Que faisais-tu au lieu d’écrire les lettres ?
Je me rendais compte à quel point Penelope était foutrement sexy.
— Je me suis arrêté à l’embarcadère soixante-deux pour me vider la tête.
— Dans ce cas, c’est officiel, tes excuses ne valent pas un clou.
— C’est la vérité, insistai-je en souriant. Je voulais être sûr de profiter de
mon dernier jour de liberté avant de me lancer dans ce qui ressemble à une
tournée d’excuses à n’en plus finir.
Il ne semblait pas croire un traître mot de ce que je disais. Il sortit son
téléphone et tapota l’écran, puis appuya sur le bouton du haut-parleur,
faisant retentir la sonnerie à travers la pièce.
— Sarah, comment puis-je…
Elle s’interrompit.
— Oh, Lawrence, c’est vous. Qu’est-ce qu’il vous faut ? demanda-t-elle.
— Pouvez-vous me dire où monsieur Hunter a passé son après-midi,
hier ?
— Il se vidait la tête.
— Ne m’obligez pas à vous reposer la question.
— Il était à une fête, sur un yacht, confessa-t-elle en me trahissant
immédiatement. Il y est allé pour Penelope et un type avec qui elle sort.
Mais il m’a fait promettre de ne rien dire et de ne lui parler d’aucune
réunion, car il ne voulait pas s’en préoccuper et il avait surtout peur que
Penelope fiche tout en l’air.
Sarah reprit enfin sa respiration, puis ajouta :
— Vous n’allez pas lui répéter que je vous ai raconté ça, n’est-ce pas ?
— Je ne ferais jamais une telle chose.
Mon conseiller raccrocha, puis se tourna vers moi en fronçant les
sourcils.
— Je veux cinquante lettres dans ma boîte de réception à la fin du week-
end, et trente lundi matin et chaque matin qui suivra. À quoi bon mobiliser
une équipe entière pour essayer de redorer ton image si tu ne t’impliques
qu’à moitié ? Est-ce que c’est clair, fiston ?
— Comme de l’eau de roche.
— Bien.
Alors qu’il se dirigeait vers la porte, il me lança par-dessus son épaule :
— Est-ce que Penelope a tout fichu en l’air ?
— Pas du tout.
Lawrence quitta mon appartement et je me rendis dans la cuisine. J’avais
besoin de quelque chose de fort.
Au départ, je n’avais pas du tout l’intention de me rendre sur le yacht,
mais je m’étais souvenu d’une fois où Penelope avait évité le gars qu’elle
voulait séduire toute la soirée et avait passé son temps enfermée dans les
toilettes à paniquer. En voyant qu’elle ne répondait à aucun de mes textos
concernant sa technique d’approche, je m’étais senti obligé de la rejoindre.
Et je m’en étais mordu les doigts.
À la seconde où je l’avais aperçue dans cette robe rouge, j’avais imaginé
ses jambes serrées autour de ma taille, mes mains saisissant ses cheveux
châtains à pleines poignées tandis que je la pénétrais de plus en plus
profondément.
Ce n’est que lorsque je m’étais réprimandé intérieurement avec un «
arrête, c’est ta meilleure amie et la petite sœur de Travis » que j’avais de
nouveau basculé dans le monde réel.
Dans un élan de curiosité, je sortis mon téléphone pour voir si elle avait
répondu à mes messages au sujet de la fête.
Toujours rien.
Mes « Est-ce que tu t’amuses bien ? » et « As-tu besoin que je te
ramène ? » n’apparaissaient même pas encore en « vu ».
Alors que je m’apprêtais à l’appeler, on frappa lourdement à la porte.
Déconcerté de ne pas avoir été d’abord prévenu par le service de sécurité,
je m’approchai et regardai par le judas. Penelope était dans les bras d’un
type et affichait une mine de poisson mort. Sa dégaine typique d’un
lendemain de fête.
Qu’est-ce que c’est que ce bordel ?
J’ouvris la porte et vis plus clairement l’homme en costume.
Simon, le mec de la fête.
— Euh, salut, commença-t-il. Cela ne vous dérange pas si je la dépose
chez vous ? Elle a dit que…
— Je lui ai dit de m’amener ici, intervint Penelope en souriant. Il y avait
trop de circulation et Tati ne répond pas au téléphone.
Je tins la porte ouverte.
— Le canapé blanc, près de la fenêtre, indiquai-je.
Simon la transporta jusqu’au sofa et la déposa doucement. Puis, il se
retourna et me tendit la main.
— Simon Gaines.
— Hayden Hunter.
— Je suis un grand fan, déclara-t-il. J’admire sincèrement votre
ascension.
— C’est noté, répondis-je avec un hochement de tête.
Je n’avais pas l’habitude de me montrer amical – et encore moins de
rencontrer un homme que Penelope fréquentait depuis aussi peu de temps.
Je ne souhaitais pas non plus l’encourager à rester chez moi trop longtemps.
— Pourquoi est-ce qu’il fait toujours si froid chez toi ? geignit Penelope.
Tu peux m’apporter une couverture ?
J’ignorai sa demande, de la même façon qu’elle avait ignoré mes
instructions.
— Combien de verres a-t-elle bus, ce soir ? m’enquis-je auprès de son
cavalier.
— On a bu trois bouteilles de champagne à deux.
Évidemment.
— Pour la prochaine fois, restez sur du vin. Elle ne tient pas le
champagne.
— Je m’en souviendrai.
Penelope laissa échapper un petit soupir sans parvenir à se mettre sur le
côté.
— Je crois qu’il me faut de l’eau. Est-ce que tu peux m’en apporter, avec
la couverture ?
— Je peux aller lui en chercher dans votre cuisine, proposa Simon.
— Je vais m’en occuper, intervins-je. Vous pouvez y aller.
— Vous en êtes sûr ? Je veux dire…
Je haussai les sourcils.
— Vous voulez dire quoi ?
— Je me sens un peu responsable de cette situation, alors je peux rester.
— Ou bien vous pouvez partir.
Il sembla sur le point de protester, mais il se contenta de s’éclaircir la
gorge.
— Je n’avais jamais remarqué à quel point les détails de ton plafond
étaient magnifiques, Hayden, s’extasia Penelope. Quelle est cette couleur ?
Taupe ? Chamois ?
Simon sourit et s’approcha d’elle. Il enleva sa veste et la déposa sur le
buste de mon amie. Puis, il murmura :
— Appelle-moi quand tu auras dessaoulé. Sauf si je t’appelle en premier.
Il se pencha sur elle comme pour l’embrasser, mais je m’éclaircis la
gorge.
— Ravi de vous avoir rencontré, Hayden, déclara-t-il en faisant un pas en
arrière. J’espère que l’on se reverra dans des circonstances moins
alcoolisées, la prochaine fois.
— Espérons-le.
Il se dirigea vers la porte et j’attendis le bruit de l’ascenseur pour me
tourner vers ma meilleure amie.
Même ivre morte, elle était incroyablement belle.
— Ne t’avais-je pas dit de ne pas te saouler ? demandai-je.
— Arrête de me crier dessus.
— La seule personne qui crie, c’est toi.
— Je vois bien que tu me juges.
— Crois-moi, je n’ai pas encore commencé. Néanmoins, je le ferai quand
tu auras décuvé. Je répète : est-ce que tu as loupé le moment où je t’ai
spécifiquement recommandé de ne pas boire ?
— Le yacht était magnifique, s’émerveilla-t-elle en se redressant avec un
sourire. Simon me l’a fait visiter en privé et il m’a montré toutes les pièces
secrètes.
— Donc, tu ignores ouvertement ma question ?
— On a dansé sur le balcon sur la chanson de Frank Sinatra, « New York,
New York ». J’avais l’impression d’être dans une comédie romantique des
années quatre-vingt-dix.
— Bon, très bien.
Je plaçai ses pieds sur un coussin et lui retirai ses talons aiguilles.
— Pendant un instant, c’était comme si nous étions seuls à bord.
— Pose ta tête sur l’accoudoir, s’il te plaît.
— À un moment, j’ai cru qu’il essayait de m’embrasser, mais je n’étais
pas sûre de bien comprendre, alors j’ai juste pris un autre verre de
champagne et je l’ai bu.
J’ajustai les oreillers derrière sa tête tandis qu’elle continuait de radoter.
Elle parla de l’argenterie qui portait les initiales de Simon, de la façon dont
les eaux du fleuve clapotaient contre le bateau, et puis j’eus droit à un
deuxième, troisième et quatrième récapitulatif mot pour mot de leur danse
sur « New York, New York » de Frank Sinatra, « comme dans une comédie
romantique des années quatre-vingt-dix ».
Alors que je dégageais quelques mèches de cheveux de son front, elle
posa sa main sur la boucle de ma ceinture et me regarda droit dans les yeux.
Je haussai les sourcils.
— Est-ce que c’est mal d’avoir pensé à ta queue pendant une heure
entière quand tu es parti ?
— Je vais te chercher une couverture. Tu me raconteras le reste de ta
soirée plus tard.
— J’ai imaginé la prendre dans ma bouche, je me demandais si elle
tiendrait tout entière, ou si mes yeux se mettraient à pleurer si je la mettais
jusqu’au fond de ma gorge.
— Penelope… l’avertis-je en sentant mon membre se durcir dans mon
pantalon. Il faut que tu te taises.
— Tu voulais mon avis sincère sur tes photos, non ?
— Pas maintenant.
— J’ai toujours pensé que tu étais l’homme le plus sexy que j’aie jamais
vu, même à l’époque où je te détestais, reprit-elle. Même quand j’étais
persuadée que ton arrogance te servait seulement à compenser ton petit
pénis.
Elle baissa les yeux sur mon pantalon, puis ajouta :
— De toute évidence, ce n’était pas le cas.
Je repoussai doucement sa main et disparus dans le couloir. J’ouvris le
placard et en sortis une couverture, me jurant d’effacer de ma mémoire ses
divagations sous l’emprise de l’alcool.
Quand je revins, elle avait le sourire aux lèvres, comme si elle attendait
d’aller jusqu’au bout de sa pensée.
— L’idée de coucher avec toi ne m’a jamais traversé l’esprit, je le jure,
poursuivit-elle. Pourquoi est-ce que tu ne t’es jamais lancé dans le porno ?
— Cette conversation est officiellement terminée pour aujourd’hui,
annonçai-je en la recouvrant avec la couverture. S’il te plaît, arrête.
— Je ne crois pas que je te dirais ces quatre mots si on couchait ensemble
un jour.
— Penelope Carter, bordel… l’avertis-je en fronçant les sourcils. Plus un
mot.
Elle rit et se retourna face à la fenêtre.
— Merci pour tes conseils à propos de Simon. Tu es le meilleur, Hayden.
Tu l’as toujours été, et tu as toujours été là pour moi.
Elle se mit à ronfler au bout de quelques secondes, j’éteignis alors les
lumières et me dirigeai vers la salle de bain.
J’avais besoin d’une douche froide.
Immédiatement.
Rupture no 7
Celui qui faisait des origamis
Penelope
À l’époque…
Sotchi, en Russie
Penelope
De nos jours…
Penelope
De nos jours…
Quelques heures plus tard, j’entourai une faute de frappe, puis levai les
yeux vers Hayden.
— Donc, tu as détruit une suite de luxe au Marriott à l’époque où on ne se
parlait plus… à tel point que le manager a dû tout remplacer, sauf les
rideaux ? m’exclamai-je en m’assurant que je lisais correctement sa liste de
« raisons pour lesquelles je dois demander pardon ». Pourquoi est-ce que tu
as fait une chose pareille ?
— C’est une longue histoire, répondit-il en me tendant un chèque. Mets
ça à l’intérieur avant de sceller l’enveloppe.
— Je le ferai. Tu sais, je pense que ce serait mieux si tu rédigeais
seulement plusieurs modèles que tu pourrais modifier. Comme ça, tu
n’aurais pas besoin de passer autant de temps à chercher de nouvelles idées
à chaque fois.
— Si deux personnes reçoivent la même lettre, ça les mettra encore plus
en colère qu’elles ne le sont déjà.
— Je réglerai les paramètres afin que les mots ne se répètent pas,
proposai-je en ouvrant mon ordinateur portable. J’ai appris à le faire dans
un cours d’art oratoire en développement personnel. Fais-moi confiance.
— Tant que Lawrence ne le découvre jamais.
— Il n’en saura rien.
Avant que j’aie eu le temps de faire couler une nouvelle tournée de café,
un appel fit sonner mon téléphone. Simon.
Je fixai l’écran du regard tandis que l’objet vibrait sur la table.
— Est-ce que je dois répondre ?
— Ça dépend, s’amusa Hayden en croisant les bras. Tu promets
d’accepter ma suggestion ?
— Oui.
— Bien.
Il saisit mon téléphone et le jeta sur le canapé.
— Non, reprit-il. Tu ne décroches pas à son premier appel. Mais tu
pourras répondre s’il retente sa chance.
— Pourquoi est-ce qu’il n’attendrait pas simplement que je le rappelle ?
Il m’adressa un regard appuyé.
— D’accord, concédai-je en levant les mains comme pour me rendre. Je
ne décroche pas, sauf s’il appelle une seconde fois.
— Gentille fille, se réjouit Hayden avant de montrer sa liste du doigt.
Remettons-nous au travail.
Les heures qui suivirent, je créai quarante modèles de lettres différents et
descendis l’équivalent d’une cafetière entière. Je ne regardai pas mon
téléphone ni n’osai aller le chercher, même quand Hayden disparut à
plusieurs reprises pour prendre des appels.
Ce n’est que lorsque Sarah arriva avec notre déjeuner que mon
impatience faillit prendre le dessus.
— Simon Gaines est sacrément sexy, lança-t-elle en me tendant un
plateau-repas. Mais tu sais, tu ne peux pas avoir deux mecs canon qui te
tournent autour en même temps. C’est vraiment injuste, maintenant que j’y
pense. Tu es jolie, mais tu n’es pas jolie à ce point.
— Bon sang, de quoi est-ce que tu parles, Sarah ?
— Rien, répondit-elle en souriant. Je suis juste contente de passer mon
week-end à récupérer un repas commandé pour mon patron et sa meilleure
amie. Ce n’est pas comme si j’avais ma propre vie.
— Vous pouvez prendre le reste de votre journée, offrit Hayden en levant
les yeux vers elle. Merci de vous être plainte de votre boulot super facile,
comme toujours.
— Tout le plaisir est pour moi, monsieur Hunter.
Elle se dépêcha de quitter la pièce.
— Il faut vraiment que tu la vires.
— Il faut vraiment que je la vire, nous déclarâmes en cœur en riant.
Alors que je prenais une bouchée, mon téléphone vibra de nouveau sur le
canapé.
Sans réfléchir, je me levai et me précipitai pour voir qui m’appelait.
Simon, encore.
— Allô ?
— Salut, beauté, répondit-il en souriant à l’autre bout du fil. Tu t’es
remise de ta gueule de bois ?
— Peut-être.
Il rit.
— Eh bien, dans ce cas, je t’appelle pour te supplier de m’accorder un
second rendez-vous.
— Vraiment ? demandai-je avec des papillons dans le ventre. Quand ?
— Demain, si tu peux. J’organise une autre fête dans les Hamptons. Est-
ce que tu pourrais te joindre à moi ?
— Euh… fis-je en me tournant vers Hayden. Attends une seconde, je dois
vérifier quelque chose.
— Bien sûr.
Je m’assurai de le mettre en sourdine.
— Il me propose un second rendez-vous demain dans les Hamptons.
Qu’est-ce que je dois répondre ?
— Que les gens normaux travaillent et qu’ils ne peuvent pas faire la fête
avec leur coup de cœur de jeunesse tous les soirs.
— Tu sais que c’est très hypocrite venant de toi, monsieur le play-boy
indompté de Manhattan, pas vrai ?
Il se pencha en arrière sur sa chaise et rit.
— Tu devrais y aller, oui. Dis-lui que tu acceptes.
J’enlevai le mode sourdine.
— Désolée pour l’interruption. Je peux venir.
— Génial. Je serais bien passé te prendre, mais j’ai déjà promis à mes
amis de conduire. Est-ce que je peux envoyer une voiture pour venir te
chercher, à la place ?
— Non, ce n’est pas la peine. Je demanderai à Hayden de m’emmener.
— Hmm.
Il marqua une pause, puis reprit :
— Alors d’accord. Je t’enverrai l’adresse et l’heure par message.
— J’ai passé un super moment avec toi sur le yacht, déclarai-je en
espérant que son « hmm » n’allait pas me mener à une situation familière
que je n’avais aucune envie de revivre.
— Moi aussi, répondit-il. Cependant, il faut que je t’avertisse. Quand les
gens sauront que mon entreprise a déménagé ici, il est possible que l’on soit
suivis par des paparazzis de temps en temps. Enfin, du moins, si tu sors
toujours avec moi.
— Cela ne me gêne pas du tout, déclarai-je en me mordant la langue pour
ne pas ajouter « j’ai l’habitude avec Hayden ». Fais-moi confiance.
— Explique-moi pourquoi ta dernière relation n’a pas fonctionné,
demanda-t-il tout à coup.
Sa question me prit de court.
— Quoi ?
— Ta dernière relation, répéta-t-il. Je suis curieux de savoir pourquoi un
homme sain d’esprit pourrait bien se séparer de toi.
— C’est compliqué, mentis-je en rougissant. Et puis, c’est une longue
histoire.
— J’ai toute la journée devant moi.
Je sentis de nouveau le rouge me monter aux joues.
— Ce n’était simplement pas celui qu’il me fallait. Nous sommes sortis
ensemble six mois et, pendant tout ce temps, il nourrissait de la rancœur à
propos d’un truc stupide. Quelque chose qu’il savait depuis le début.
— Tu veux dire, à propos du fait que ton meilleur ami ait une réputation
de bad boy et que c’est un PDG à qui tout réussit ?
— Oui, avouai-je en souriant. À propos de ça.
— Eh bien, juste pour que tu le saches, cela ne me dérange pas le moins
du monde.
— Vraiment ?
— Oui. La plupart de mes amis m’ont tourné le dos quand j’ai commencé
à être obnubilé par mon travail et cela n’a pas été facile de m’en faire de
nouveaux. Je pense que c’est une bonne chose d’avoir un ami aussi loyal
dans ta vie.
— Je crois que mon obsession pour le patinage m’a privée d’un bon
nombre d’amitiés, moi aussi. Cependant, je n’ai aucun regret.
— Il n’y a pas de regret à avoir. Tu as accompli pratiquement tout ce que
tu désirais pendant ta carrière, n’est-ce pas ?
Exactement comme pendant la soirée sur le yacht, une simple question se
transforma en une conversation de plusieurs heures, au sujet de tout et de
rien. Je ne calculais pas mes réponses et je ne me mettais pas de barrière
comme je le faisais habituellement lorsque je tentais de séduire quelqu’un.
Tout semblait simple et naturel, fluide et bienveillant.
Je ne me formalisai même pas qu’Hayden ait mangé mon déjeuner et
qu’il m’ait portée littéralement en plein milieu de la conversation pour
m’emmener dans la chambre d’amis afin de pouvoir se concentrer.
Alors que Simon était en train de me parler de son restaurant préféré en
Floride, nous fûmes interrompus par son assistant.
— Est-ce que je peux te rappeler dans l’heure ? demanda-t-il. Ce sera
rapide, c’est promis.
— Pas de problème.
Je raccrochai et retournai dans la cuisine, mais m’immobilisai en
apercevant Hayden vêtu uniquement d’un boxer noir.
Il se tenait devant la gazinière, laissant l’eau de ses cheveux tout juste
lavés ruisseler sur son torse parfaitement sculpté.
— Oui ? fit-il en retournant un pancake avant de lever le regard vers moi.
Est-ce que tu as enfin fini de parler à Simon de tes films de Disney préférés
ou bien y aura-t-il une deuxième partie à cette conversation fascinante ?
— Tu m’espionnais ?
— Je suis venu pour fermer la porte. Tu veux trois ou quatre pancakes ?
— Je veux que tu mettes des vêtements.
— Bon sang, dans mon propre appartement ? s’amusa-t-il d’un air
suffisant. Trois ou quatre ?
— Quatre. Et oui, dans ton propre foutu appartement.
Il rit et attrapa un bas de jogging posé sur une chaise, puis l’enfila.
— C’est mieux ?
— Beaucoup mieux, répondis-je en sortant le sirop. J’ai besoin que tu me
rendes un service.
— Dans ce cas, il va falloir m’écrire d’autres lettres.
— Est-ce que tu peux m’emmener dans les Hamptons, demain ? De
préférence tôt le matin, pour éviter les bouchons ?
Il m’observa comme si j’avais perdu l’esprit.
— Je te donnerai de l’argent pour l’essence, insistai-je.
— Le plein de ma Maserati coûte deux cents dollars.
— Tu as d’autres voitures.
— Celui de la Bugatti est encore plus onéreux. C’est ce que j’ai de plus
abordable à te proposer.
— Tu ne voudrais pas acheter une Honda ou une Prius d’ici demain ?
Il rit.
— Je croyais que tu avais un entraînement à la patinoire avec l’espoir
olympique, demain ?
— Je peux reporter, répondis-je en haussant les sourcils. Elle a seulement
besoin que je lui donne mon avis.
— Je t’emmènerai, mais à condition que tu n’annules pas une deuxième
fois sa séance. Tu détestais quand les entraîneurs te faisaient la même chose
et j’ai toujours les textos et les messages vocaux rageurs qui le prouvent.
Je le fixai du regard, agacée qu’il me connaisse sur le bout des doigts. Et
qu’il me fasse une leçon de morale culpabilisante bien méritée.
— Je demanderai à Tatiana d’y aller à ma place, proposai-je. Cela fait un
moment qu’elle a envie de voir quelqu’un patiner correctement.
— Bonne idée.
Il éteignit la gazinière.
— Soit prête pour quatre heures. Dans combien de temps est-ce que tu
peux te remettre à travailler sur les lettres ?
— Simon me rappelle d’ici une demi-heure.
— D’accord, alors pas de petit déjeuner pour toi. Uniquement des lettres
jusqu’à son appel.
Il mordit dans ma pile de pancakes et fit glisser un stylo vers moi, avant
d’ajouter :
— De rien.
Chapitre 9
Hayden
Le lendemain matin…
— Est-ce que je t’ai déjà dit que tu étais un très mauvais conducteur ?
lança Penelope en se tournant vers moi alors que je faisais slalomer mon
Audi dans les ruelles. La vitesse est limitée à trente kilomètres-heure et tu
roules à cinquante depuis le début.
— Si tu veux, on peut échanger nos places et tu peux conduire.
— J’aimerais beaucoup, en réalité.
— Dommage pour toi, c’était du sarcasme, m’amusai-je en changeant de
voie. Combien de temps ton cher et tendre et toi êtes-vous restés au
téléphone, hier soir ?
— Trois heures. Comme moi, on lui a brisé le cœur d’une façon assez
horrible. Je te raconte ?
— Bien sûr, répondis-je, déterminé à ne pas écouter le moindre mot.
J’avais cru que travailler sur les lettres et parler du « prince charmant »
suffirait à faire disparaître les images érotiques qui inondaient mon esprit
depuis la veille, mais je me trompais.
Je me trompais lourdement.
Pour ne rien arranger, Penelope avait décidé de monter dans ma voiture
uniquement vêtue d’un haut de bikini rouge vif et d’un short en jean clair
qui n’était pas plus couvrant qu’une culotte.
Je faisais de mon mieux pour me contenir à chaque virage, tout en me
demandant où diable ma meilleure amie, qui allait autrefois en soirée en
jean et en tee-shirt XXL, était passée. Ma meilleure amie qui ne m’excitait
pas à chaque fois que je la voyais…
— Que dis-tu de ça ?
Sa voix me tira de mes pensées.
— Sa fiancée l’a quitté le jour où ils visitaient le lieu du mariage, raconta-
t-elle.
— Ça a l’air affreux.
— Oui, c’est vraiment triste.
— S’engager sur le long terme ne mène qu’à la déception, déclarai-je.
Quelqu’un comme lui aurait dû le savoir.
— Évidemment, soupira-t-elle en levant les yeux au ciel. J’imagine que
c’est ce qui fait de toi ce que tu es. Tu es une bonne source d’inspiration
pour un orgasme solitaire en fin de soirée, mais tu n’es vraiment pas un
exemple à suivre pour un petit ami.
— Tu te caresses en pensant à moi ?
— C’était une analogie, Hayden.
— Je crois qu’il y a un sens caché, derrière.
Alors que nous arrivions à un feu rouge, je me tournai vers elle et
ajoutai :
— Tu peux être honnête avec moi, tu sais.
— Je pense sincèrement que tu es imbu de ta personne, et si j’avais su
que tu avais mille lettres d’excuses à écrire, je n’aurais jamais accepté de
t’aider.
— Dans ce cas, tu aurais probablement passé toute la soirée sur le yacht
enfermée dans la salle de bains. De rien, d’ailleurs.
Elle n’eut rien à répondre à cela.
Je tournai à l’angle de la rue et écrasai le frein en voyant ce qui nous
attendait.
— Qu’est-ce que c’est que ce bordel ? s’écria Penelope en retenant son
souffle.
Des kilomètres de bouchons, pare-chocs contre pare-chocs, s’étendaient
devant nous : des voitures pleines de gens qui avaient eu la même idée, ce
qui anéantissait le projet de mon amie d’arriver en avance.
Ou à l’heure.
— Est-ce que tu crois que je devrais envoyer un message à Simon pour le
prévenir que j’aurai trois heures de retard ? demanda-t-elle en soupirant. Je
ne vois pas comment je pourrais arriver plus tôt.
— Non, répondis-je en quittant la voie pour faire demi-tour. Je vais
mettre la voiture au garage et on aura qu’à marcher jusqu’à l’une de mes
maisons de plage. Je ferai venir Roger en hélicoptère pour vérifier que tout
va bien, puis je demanderai à quelqu’un de m’apporter une autre voiture
pour que je puisse rentrer.
— Est-ce que ça t’arrive de t’arrêter deux secondes pour te rendre compte
à quel point tu es incroyablement riche ?
— Cela m’arrive, mais ma meilleure amie n’est pas impressionnée le
moins du monde.
Je souris, puis empruntai le passage souterrain qui menait à un garage
privé.
Penelope attrapa ma casquette de baseball et mes lunettes de soleil sur la
banquette arrière, et me les tendit.
— Tiens. Je ne veux pas prendre le risque qu’une horde de femmes
essayent de détourner ton attention.
— Ce côté de la plage est désert.
Je lui fis signe de me suivre tandis que je traversais le chemin pour
marcher dans le sable.
Nous marchâmes en silence pendant le premier kilomètre, avec le bruit
des vagues qui frappaient le rivage pour seule compagnie.
— Tu devrais penser à t’envoyer en l’air, lança-t-elle de but en blanc.
— Je te demande pardon ?
— Tu n’as couché avec personne depuis des mois et je crois que cela
t’affecte profondément.
— C’est fort, venant d’une femme qui simule constamment au lit.
— Mes gémissements sont authentiques.
— Contrairement à tes orgasmes.
— Je dis seulement que tu es bien plus détendu quand tu as une vie
sexuelle, expliqua-t-elle en levant les yeux vers moi. À ce propos, est-ce
que ta règle des sept rencards s’applique à Simon et moi, étant donné que je
le connais déjà ?
— Je pense que tu devrais coucher avec lui dès que tu en as envie.
Cependant, te connaissant, tu vas probablement attendre qu’il te dise qu’il
tient à toi.
— Si c’était le cas, j’aurais couché avec toi depuis longtemps.
— Penelope, toi et moi ne serions pas compatibles au lit.
— Parce que ton ego serait blessé quand tu comprendrais que je simule ?
— Tu ne simulerais pas avec moi.
— Je crois que c’est ce que disent tous les mecs.
— Et moi j’en suis certain.
Je m’immobilisai et la fixai du regard.
Puis, comme j’avais besoin d’une excuse pour me mettre à l’eau afin de
dissimuler mon érection, je la soulevai et la jetai dans une vague qui
approchait.
— Sérieusement ? s’écria-t-elle en riant et en buvant une tasse d’eau
salée.
— C’est mérité, déclarai-je. Une autre opinion épouvantable que tu
souhaiterais partager ?
— Je crois que tu es surtout un beau parleur pour ce qui est de tes
performances au lit.
À nouveau, je la poussai dans une vague et la rejoignis dans l’eau.
Alors qu’elle m’attaquait en m’éclaboussant copieusement à l’aide de ses
bras, je compris que l’entraîner dans l’océan avait été une très mauvaise
idée.
Son haut de bikini était suffisamment fin pour que je puisse distinguer ses
tétons à travers le tissu.
Merde.
Tout à coup, elle m’envoya une énorme quantité d’eau en plein visage, ce
qui me tira de mes pensées.
— Tu vas le regretter.
Je la soulevai et la balançai sans difficulté par-dessus mon épaule. Puis, je
la jetai dans l’eau, encore et encore.
Quand elle se rendit enfin, elle monta sur mon dos.
— Tu ne peux pas me porter et me jeter à l’eau de cette façon, Penelope.
— Ce n’est pas mon intention.
Elle serra ses jambes autour de ma taille, puis appuya sa poitrine contre
mon dos.
— Je crois que je me suis tordu la cheville, déclara-t-elle. Tu veux bien
me porter un peu ?
Tu veux bien me promettre d’arrêter d’être aussi sexy ?
— Bien sûr.
***
Quand nous arrivâmes à la maison de plage, nous étions tous deux
complètement trempés et mon contact des Hamptons garait une voiture
dans l’allée pour mon retour à New York.
Je déposai Penelope près de la piscine et lui tendis quelques serviettes de
bain.
— À moins que tu ne désires te rendre à cette fête toute mouillée, il y a
un sèche-linge au fond.
— Je sais, répondit-elle en s’épongeant le visage. Je vais d’abord prendre
une douche.
— S’il ne propose pas de te raccompagner, appelle-moi et je reviendrai.
Mais dans ce cas, tu devras arrêter de lui parler immédiatement. Si tu lui
plais vraiment après tout ce temps, il voudra passer autant de temps que
possible en ta compagnie.
— C’est noté.
Elle fit un pas en arrière et j’essayai de ne pas trop laisser mon regard
s’attarder sur ses tétons.
Est-ce qu’ils sont durs ?
— Autre chose, repris-je en croisant les bras. Si jamais il te raccompagne
chez toi et que tu commences à rédiger ton conte de fées ce soir, ne
m’appelle pas pour me parler de ta soirée.
— Quoi ? Pourquoi ?
— Parce que chaque fois que tu es en train de me raconter ce qui s’est
passé au téléphone, le gars t’appelle, Penelope, expliquai-je en me dirigeant
vers la porte. Laisse-le t’appeler et te parler d’abord. Je te téléphonerai
demain.
— D’accord. Eh bien, merci pour tout. Tu te comportes en parfait
gentleman, aujourd’hui.
Non, je fais preuve d’une retenue impressionnante.
Chapitre 9 bis
Penelope
De nos jours…
Penelope
À l’époque…
Objet : Nous
Chère Penelope,
J’ai BEAUCOUP réfléchi dernièrement, et ces quelques mois avec toi ont
été foutrement merveilleux.
J’aime beaucoup ta personnalité et tout ça, mais je ne crois pas que ce
truc de relation à distance va fonctionner pour moi.
Tu passes plus de temps à l’entraînement/sur la glace qu’avec moi, et je
ne crois pas pouvoir gérer tous les voyages que tu fais, alors voilà…
Je ne veux pas DU TOUT que ce soit fini entre nous, je voudrais
seulement prendre un peu de recul jusqu’à ce que tu aies plus de temps à me
consacrer.
Bonne chance pour le Skate Canada le mois prochain.
Ryan
Objet : Tr : Nous :
Yo.
Qu’est-ce que tu penses de mon e-mail pour rompre avec madame « je
suis trop bien pour coucher » ?
Je culpabilise un peu parce que c’est une fille sympa, mais elle avait une
règle à la con selon laquelle elle devait attendre sept rendez-vous, et elle ne
m’a même pas proposé de fellation pendant que je patientais pour qu’elle
écarte les jambes. Je l’ai emmenée cinq fois au restaurant et ça ne lui a
même pas traversé l’esprit de me proposer sa bouche.
Si elle l’avait fait, peut-être que cela m’aurait un peu plus motivé à ne
plus fricoter avec Maya.
Tiens-moi au courant si tu prévois toujours d’aller à la fête des Alpha ce
soir.
Je vais d’abord chez Maya.
Ryan
Un sourire en coin se dessine sur les lèvres de Hayden tandis qu’il lit
pour la troisième fois d’affilée l’e-mail que m’a envoyé mon ex par erreur.
Mon meilleur ami l’a récité chaque fois avec un accent différent (russe,
anglais et italien) comme si, d’une façon ou d’une autre, cela rendait les
mots moins violents.
— Bon, déclare-t-il en me rendant mon téléphone. Je crois que ça suffit.
Il ne me reste plus qu’une chose à dire à propos de cette rupture.
— Tu n’as pas intérêt, Hayden, l’avertis-je en lui adressant un regard
menaçant. Tu peux garder ton commentaire à la con pour toi.
— Pourquoi ? demande-t-il en souriant. Il disait que vous aviez une «
relation à distance » alors que vous vivez à trente minutes l’un de l’autre.
Cela aurait dû tirer ton signal d’alarme dès le départ.
— Tout de même, je ne veux pas te l’entendre dire. Pas maintenant.
— D’accord, eh bien…
Il tapote le volant du bout des doigts, puis ajoute :
— Je ne me permettrai pas de te faire plus de peine que tu n’en as déjà en
te disant que je te l’avais bien dit, bordel.
— Pouah, m’exclamé-je en levant les yeux au ciel. Merci d’être aussi
mature.
— De rien. Pour ton information, la prochaine fois qu’un mec te dit qu’il
a besoin de prendre du recul, c’est seulement qu’il essaye de te larguer en
douceur.
— C’est noté.
Je regarde par la fenêtre en me demandant s’il a l’intention de démarrer la
voiture un jour ou l’autre.
Nous sommes enfermés là-dedans depuis des heures.
— Combien de temps est-ce qu’on va encore devoir rester assis là à
surveiller la maison de ton ex-petite amie ? m’impatienté-je.
— On n’est jamais sortis ensemble, déclare-t-il. Je l’appréciais beaucoup,
c’est tout.
Je tape du pied.
La femme en question fait (enfin, faisait) partie de l’équipe qui travaille
sur l’application de Hayden. Et c’est la première qui a réussi à décrocher
dix rendez-vous d’affilée avec lui.
Un record qui ne sera probablement jamais battu.
— Je ne comprends simplement pas pourquoi on fait la planque devant
cette maison, insisté-je. C’est…
— Elle est à l’intérieur en train de s’envoyer en l’air avec le type que je
viens d’engager dans l’équipe, m’interrompt Hayden. Il est fiancé et elle
couche avec lui. J’avais des doutes, mais il fallait que je le voie de mes
propres yeux.
Je regarde un peu plus loin et remarque le SUV rouge de son nouvel
employé garé de l’autre côté de la rue.
— Je prévoyais de lui préparer un repas italien, dans le cas où je me
serais trompé, explique mon meilleur ami. Eh bien, c’est râpé.
— Tous ces sacs de courses à l’arrière étaient pour elle ? Pas pour toi ?
Il ne me répond pas.
— Est-ce que tu veux un conseil de rupture ? proposé-je.
— Pas du tout, Penelope.
— Je vais quand même t’en donner un.
Je m’éclaircis la gorge et me tourne vers lui.
— Je pense qu’on devrait rouler jusqu’à Walmart et acheter leurs cutters
les plus tranchants. Ensuite, on devrait crever leurs pneus à tous les deux.
Après, il faudrait que tu envoies un message anonyme à la fiancée du type
via une application qui permet d’écrire de faux e-mails d’erreur, en joignant
une photo du SUV garé devant la maison. Ensuite, tu pourrais virer ton ex
par texto avec la même prévenance dont elle a fait preuve envers toi. Et,
pour finir, tu pourrais utiliser toutes ces courses pour me préparer un repas
italien. Je serai probablement affamée après tout ça.
— Est-ce que tu es sérieuse, Pen ? s’offusque-t-il en me regardant comme
si j’avais perdu la tête. C’est de loin le conseil le plus mesquin, le plus
immature et le plus ridicule que tu puisses donner à quelqu’un dans cette
situation.
— Ce n’était pas mon intention. Je sais que tu ne ferais jamais rien de
tout cela. J’essayais de détendre l’atmosphère et de te faire rire.
— Ça n’a rien de drôle, rétorque-t-il avant de marquer une pause. Parce
qu’il n’y a pas besoin d’aller jusqu’à Walmart pour trouver un bon cutter.
La station-service au coin de la rue en vend plein.
— Oh ? m’amusé-je en souriant. Dans ce cas, est-ce que tu as déjà
l’application pour envoyer de faux messages d’erreur ?
— Je l’aurai dans quelques secondes, annonce-t-il en me tendant son
téléphone portable. Télécharge-la pour moi, s’il te plaît.
— C’est comme si c’était fait. Euh, est-ce que ça veut dire que tu me
prépares un dîner italien une fois qu’on aura terminé ? Est-ce qu’on suit
aussi cette partie de ma suggestion ?
— Ne tire pas trop sur la corde.
Chapitre 10
Hayden
De nos jours…
Hayden
De nos jours…
S’il vous plaît, prévenez Hayden que je dois reporter notre dîner habituel.
Simon est venu à la patinoire et il m’a invitée à passer la soirée à Miami.
P.-S. Pourrais-tu s’il te plaît ne PAS faire comme si je n’avais pas appelé
pour te prévenir ? Pour une fois… pourrais-tu ne PAS me compliquer la
tâche ?
Chapitre 12
Penelope
Moi : Salut ! Pourquoi est-ce que j’ai l’impression qu’on ne s’est pas
parlé depuis des lustres ?
Hayden : Parce que ça fait cinq jours. C’est un record pour nous. C’était
comment, Miami ?
Moi : Carrément magnifiiiiique. Simon est propriétaire d’une résidence
en bord de mer et il m’a fait une visite privée. Il voulait qu’on y passe
quelques nuits (dans des suites séparées), mais je me suis dit que ce serait
précipiter les choses. Correct ?
Hayden : Correct.
Hayden : On se retrouve à Central Park pour débriefer ?
Moi : Pas dispo. Simon organise une soirée de remerciement en haut de
l’Empire State Building pour les cadres dirigeants de son entreprise, et il
m’y a conviée pour être sa cavalière. *emoji qui rougit*
Hayden : Tu es sûre qu’il a un vrai boulot ? Quand travaille-t-il
exactement, s’il dispose de tout ce temps libre pour te balader en jet et faire
la fête ?
Moi : C’est un comble, venant de ta part. (As-tu reçu les vingt lettres
d’excuses que je t’ai envoyées par e-mail ?)
Hayden : Comment ça ? Je suis un autre homme. (Oui.)
Moi : Tu es un homme en phase de transformation, rectification, mais tu
es toujours un enfoiré qui drague tout ce qui bouge. LOL. Je t’appelle
quand je rentre. Je te raconterai tout.
Chapitre 12 bis
Hayden
De nos jours…
Hayden
De nos jours…
***
En arrivant au Murray, je demandai la table juste à côté des fenêtres. Je ne
savais pas trop pourquoi j’avais accepté cette invitation ; je n’avais jamais
recherché la compagnie d’aucun des types qui sortait avec Penelope.
Sûrement juste pour pouvoir regarder encore ses lèvres.
Alors que je commandais des verres d’eau pour chacun de nous, un
rugissement retentit sur ma gauche. Une Ferrari rouge vif fit brusquement
demi-tour au milieu de la rue et se gara en dérapant.
Simon sortit de la voiture et se dirigea vers le côté passager.
Les clients près de la fenêtre laissèrent échapper des « ohh » et des « ahh
» alors qu’il aidait Penelope à descendre du véhicule. Les paparazzis
prenaient des photos tandis que les gens murmuraient en se demandant de
qui il s’agissait.
Le regard de Penelope croisa le mien et ils s’approchèrent tous les deux.
Tu es foutrement renversante.
Je ne la quittai pas des yeux tandis qu’elle avançait.
Je me levai pour tirer la chaise voisine de la mienne, mais Simon me
devança en lui proposant l’autre. La plus éloignée de moi.
Quant à lui, il s’assit entre nous deux.
— Est-ce que la seconde partie de la pièce était aussi bonne que la
première ? demandai-je.
— C’était incroyable, s’extasia Pen. Un spectacle dix étoiles.
— C’est bon à savoir. Il faudra que j’aille la voir, un de ces quatre.
— Penelope me disait que tu possédais le cinéma IMAX de Time
Square ? déclara Simon sur un ton qui ressemblait davantage à une
question. Tu t’essayes aussi à investir dans l’immobilier et les chaînes de
restaurants ?
— Oui, confirmai-je. Mon conseiller me l’avait suggéré, il y a plusieurs
années.
— Si seulement je pouvais me diversifier comme toi, répondit-il en
souriant. Mes actionnaires veulent que je me concentre sur les fonds
d’investissement et rien d’autre, mais peut-être qu’un jour ils m’y
autoriseront.
Heureusement, la serveuse arriva avant que je ne puisse répondre. Tout en
annonçant la suggestion du chef, elle déposa les menus sur la table ainsi
qu’une corbeille de pain.
— Monsieur Hunter, y aura-t-il une ou plusieurs additions ? demanda-t-
elle.
— Une, Simon et moi répondîmes en cœur.
— Tu devrais me laisser payer, insista-t-il en posant un morceau de pain
dans l’assiette de ma meilleure amie. Je veux dire, j’avais prévu d’inviter
Penelope, de toute façon.
— Très bien, concédai-je avant de me tourner vers la serveuse. Une seule
addition.
— Je repasse bientôt prendre les commandes, indiqua celle-ci avant de
partir.
— Je prendrai les huîtres, annonça Penelope en se levant. Je reviens.
Avant de s’éloigner, elle m’adressa deux clins d’œil et un sourire, notre
signal qui voulait dire : « Mène ta petite enquête sur lui. »
Simon et moi la fixâmes tous deux du regard, jusqu’à ce qu’elle
disparaisse à l’angle du couloir.
— Alors, reprit-il en s’éclaircissant la voix. Penelope m’a dit que tu avais
une passion pour les montres. Je n’ai pas pu m’empêcher de remarquer la
Yachtmaster à ton poignet. Est-ce l’une de tes préférées ?
— Oui, répondis-je en prenant mon verre d’eau. Tu aimes les montres, toi
aussi ?
— Beaucoup, oui.
Il me tendit son poignet. Il avait la même que moi, à quelques détails
près.
— Très joli.
J’étais impressionné.
— Combien de temps a-t-il fallu pour créer un tel objet ? m’enquis-je.
— Plus longtemps que ce à quoi je m’attendais, mais leur nouvelle
créatrice est l’une de mes amies. Elle me donne accès à toutes les
nouveautés avant leur sortie.
Je haussai les sourcils. Aucun des créateurs de montres que je connaissais
n’aurait laissé un client demander une option avant sa sortie. Peu importe le
montant de sa fortune.
— N’en parle à personne, ajouta-t-il comme s’il avait lu dans mes
pensées. Elle n’est pas autorisée à le faire et se ferait renvoyer si cela venait
à se savoir.
— Je ne me permettrais pas, assurai-je. Elle est prête à risquer sa place
seulement parce que vous êtes amis ?
— Je suis ami avec son mari et c’est grâce à moi qu’ils sont mariés. C’est
strictement platonique. Est-ce que c’est aussi votre cas, à Penelope et à toi ?
— Est-ce qu’on est mariés ?
— Est-ce que c’est platonique entre vous ?
— Elle sort avec toi, non ?
Il prit son verre et but lentement une gorgée.
— Joli Ferrari, lançai-je pour changer de sujet.
— Merci. J’ai vu ta collection de voitures dans GQ ce mois-ci. J’étais très
surpris que tu n’en aies montré aucune qui soit customisée.
— J’aime la subtilité.
— C’est cela, s’amusa-t-il. Eh bien, je n’ai aucune envie d’avoir la même
chose qu’un autre homme. J’opte toujours pour la customisation et je fais en
sorte que ce que je possède soit inaccessible.
Je tapotai la table du bout des doigts en espérant que Penelope se dépêche
de revenir avant que cette conversation ne se transforme en concours de
celui qui pisse le plus loin.
— J’ai lu dans Esquire que tu aimais investir dans un peu tout et
n’importe quoi, reprit Simon. Si tu es un jour intéressé pour placer une
partie de ton argent dans un fonds d’investissement à faible rendement,
mais avec des stratégies à long terme intéressantes, fais-moi signe. Je gère
trois milliards, ce qui est un peu plus que la valeur de ta société, mais
j’accepte aussi les clients plus petits.
Il sortit sa carte de visite et je la laissai suspendue dans l’air pendant
quelques secondes.
Est-il en train d’insinuer qu’il gagne plus que moi ?
— Merci pour la proposition, déclarai-je en prenant la carte. Je regarderai
ça plus tard cette semaine, Simeon.
— C’est Simon.
— C’est ce que j’ai dit.
Un silence.
— Désolée de vous avoir fait attendre, s’excusa Penelope en se rasseyant
à la table. J’ai manqué quelque chose d’intéressant ?
— Non, Simon et moi répondîmes en cœur.
Je m’éclaircis la voix et me levai.
— Je me suis souvenu que je devais faire quelque chose pour Lawrence,
ce soir. Ravi de t’avoir rencontré, Simon. Penelope, on se voit demain pour
le brunch chez Wagner.
— Je serai peut-être aussi de la partie, intervint Simon en souriant. Elle
voudrait me montrer cet endroit, et demain me semble être le moment idéal.
Je tournai les talons avant de répondre quoi que ce soit.
Chapitre 14
Penelope
De nos jours…
Hayden
Mardi soir…
Penelope : Est-ce qu’on peut reporter pour ce soir ? Simon m’a encore
fait une surprise.
Penelope : Je me rattraperai, promis.
Penelope : Hayden ?
Hayden
De nos jours…
Penelope
De nos jours…
Objet : ???!!!
Salut.
As-tu reçu mes derniers textos ? Ils sont tous en « vu ».
Par ailleurs, Simon et moi avons enfin dépassé l’étape des petits bisous et
on s’est caressés sur son canapé. C’était sacrément chaud pour du frotti-
frotta. :-)
Enfin, bref, je dois reporter Central Park pour ce jeudi aussi. Je te
raconterai plus tard.
Pen
P.-S. Mais sérieusement, est-ce que ton téléphone est cassé ou quelque
chose de ce genre ?
Objet : Demandes de report à l’avance
Dois-je partir du principe que tu vas reporter tous les jours cette
semaine ?
Cela m’éviterait vraiment des échanges inutiles avec mon patron.
Merci.
Sarah
P.-S. Son téléphone fonctionne à merveille…
Chapitre 17
Hayden
De nos jours…
Penelope
De nos jours…
***
Moi : Qu’est-ce que je devrais répondre à son texto (je t’envoie la capture
d’écran) ? Je crois qu’il veut que je le rejoigne à Napa Valley ce week-end.
***
Moi : Désolée d’avoir manqué ton appel ! Je te rappelle plus tard (merci
pour le conseil par message vocal *emoji qui sourit*).
Chapitre 19
Hayden
De nos jours…
Penelope
De nos jours…
Je restai là, immobile, les yeux rivés sur Hayden, clouée sur place par son
regard de braise.
— La porte est derrière toi, Penelope, déclara-t-il en s’approchant.
— Je sais parfaitement où elle se trouve.
— Dans ce cas, pourquoi est-ce que tu ne t’y diriges pas ?
— Parce que je commence à me dire qu’il faut qu’on établisse certaines
règles concernant notre amitié.
— Je suis d’accord. Tu peux m’envoyer la liste par e-mail ou par
message. Mais il faut que tu sortes de chez moi. Maintenant.
— Je n’ai plus envie de parler de ma vie sexuelle avec Simon.
— Tu veux dire, de ton absence de vie sexuelle ? rétorqua-t-il en fronçant
les sourcils. S’envoyer des messages cochons et jouer à frotti-frotta sur le
canapé, ce n’est pas du sexe. Mais bon, peut-être que c’est ce que tu fais
avec tous les mecs avec lesquels tu es sortie, depuis tout ce temps.
— Je ne souhaite pas non plus discuter de mes relations sexuelles avec
mes précédents petits amis.
— De toute façon, je n’aime pas tellement parler des choses qui ont foiré.
— En attendant, poursuivis-je en reculant à mesure qu’il avançait, je
voudrais que tu redeviennes un bon meilleur ami et que tu m’appelles.
— Ce serait plus facile si tu voulais bien décrocher ce putain de
téléphone.
— Je réponds à chaque fois.
— Seulement quand c’est pour reporter un de nos rendez-vous.
— On dirait que ça te dérange.
— Cela ne devrait pas.
— Alors est-ce que tu pourrais, s’il te plaît, redevenir mon meilleur ami et
me donner des conseils quand j’en ai besoin ? Nous avons un accord.
— On doit d’abord le revoir, déclara-t-il avant de me regarder de haut en
bas. Tu n’as pas rempli ta part du contrat.
— Sérieusement ? Je t’envoie dix foutues lettres par jour, minimum. J’ai
créé plus d’une centaine de modèles, et…
— Tu n’arrives quand même pas à trouver le temps de me voir.
— Je croyais que cela ne te dérangeait pas.
— Je n’ai jamais dit ça, murmura-t-il en réduisant à quelques centimètres
la distance qui nous séparait. J’ai dit que cela ne devrait pas me déranger.
Un silence.
— C’est le moment où tu sors de chez moi, Penelope.
Il leva la main et glissa quelques mèches de cheveux égarées derrière
mon oreille, puis ajouta :
— Sinon…
— Sinon, quoi ?
Il ne me répondit pas.
Il vint plaquer ses lèvres contre les miennes et passa son bras autour de
ma taille, m’attirant contre lui en quelques secondes.
Je perdis l’équilibre alors qu’il dominait ma bouche de la sienne et
domptait ma langue entre nos respirations haletantes. Je m’efforçai de
suivre le rythme et enfonçai mes doigts dans ses flancs pour tenter de
reprendre un peu le contrôle, mais il ne céda pas d’un millimètre.
Il me plaqua contre le mur tout en me maintenant fermement, et je sentis
son membre se durcir contre mes cuisses.
Oh mon Dieu…
— Ouvre un peu plus ta bouche pour moi… murmura-t-il. On sait tous
les deux que je ne tiendrai pas tout entier, sinon.
Dans un état second, je m’exécutai de bon cœur, puis il piégea ma lèvre
inférieure entre ses dents et la mordit si fort que je ne pus retenir un cri.
Sans me quitter du regard, il relâcha ma lèvre et glissa deux doigts dans
ma bouche en leur faisant faire de lents va-et-vient.
Tandis qu’il effleurait doucement le fond de ma gorge, je laissai échapper
un gémissement et sentis mon entrejambe mouiller un peu plus à chacune
de ses caresses.
À l’aide de ses hanches, il continua de m’exciter sur un autre rythme,
pour me montrer à quel point cela serait bon entre nous.
En souriant, il retira lentement son index et son majeur de ma bouche, et
fit courir le bout de ses doigts humides sur mes lèvres.
— Est-ce que ton mec te fait mouiller autant ?
Il glissa sa main sous ma robe et écarta ma culotte, puis titilla mon clitoris
trempé. Il enfouit ses doigts profondément entre mes cuisses et je
m’appuyai contre sa main.
Il étouffa à nouveau mes gémissements avec sa bouche, tout en me
donnant du plaisir partout à la fois avec habileté.
De toute ma vie, aucun homme ne m’avait embrassée de cette façon.
Aucun homme ne m’avait…
Tout à coup, je me rendis compte de ce que j’étais en train de faire. Qui
j’étais en train d’embrasser et de chevaucher.
Bordel de merde !
Je m’arrachai à lui et il fit un pas en arrière.
Nous nous fixâmes du regard, le souffle court, laissant notre frustration
restante anéantir la moindre possibilité d’en discuter.
— Je ferais mieux d’y aller, maintenant.
Ce fut tout ce que je pus dire.
Il ne répondit rien. Il se contenta de continuer à m’observer.
Je déglutis, puis le contournai et me dirigeai vers la porte.
Je pris l’ascenseur et fis signe à l’un de ses chauffeurs.
À la moitié du chemin pour rentrer chez moi, le goût des lèvres d’Hayden
encore sur la bouche, je lui envoyai un message.
Il ne répondit jamais.
Chapitre 21
Hayden
De nos jours…
Penelope
De nos jours…
Hayden
De nos jours…
Hayden
Le lendemain matin…
Hayden
Penelope : Salut. J’hésite entre deux robes pour ton gala. Qu’est-ce que
tu en penses ? [photo] [photo]
Penelope : Par ailleurs, j’ai dit à Simon que tu réservais habituellement
un emplacement spécial pour que l’on discute en privé, quand tu es trop
accaparé par les invités. J’espère que nous pourrons aussi avoir ces
quelques minutes en privé cette année. Il faut qu’on parle.
Penelope : À moins que tu préfères que l’on fasse ça maintenant ? Simon
a rendez-vous avec des associés de passage, ce soir. Réponds-moi, s’il te
plaît.
Mon doigt survola les photos, mais je ne pus me résoudre à les ouvrir.
Je savais que je ne pourrais pas le supporter.
Je supprimai ses messages et enclenchai la première tandis que Simon
s’installait au volant de sa Ferrari.
Je l’épiai en train d’acheter un autre bouquet, de roses rouges et blanches
cette fois, puis le suivis jusqu’à l’aéroport international John F. Kennedy, du
côté des arrivées.
Ce sera mon dernier arrêt, pensai-je. J’appellerai Penelope dès que ses
acolytes loueurs de montres et lui monteront en voiture pour aller en ville.
Tout en gardant mes distances, j’attendis que le groupe d’hommes en
costume devant lesquels il s’était garé s’installe dans la Ferrari, mais ils
n’en firent rien.
À la place, Simon sortit du véhicule et se dirigea vers les portes.
Avant qu’il n’ait eu le temps de pénétrer dans l’aéroport, une femme
brune vêtue d’une robe bleue lui courut dans les bras.
Il l’embrassa fougueusement en prenant une poignée de ses cheveux dans
une main et en lui touchant les fesses de l’autre.
Qu’est-ce que…
Ils ne prêtaient pas attention aux gens autour d’eux, comme si le terminal
leur appartenait.
Quand Simon arracha enfin sa bouche de la sienne, il la conduisit
jusqu’au coffre de sa voiture et lui tendit les roses et le sac de chez Tiffany
qu’il avait achetés plus tôt.
Je clignai plusieurs fois des yeux pour m’assurer que je n’étais pas en
train d’halluciner. Le « prince charmant » jouait à présent le rôle du
méchant aux deux visages.
J’y vois parfaitement clair, bordel.
Le nom de Lawrence apparut soudain sur le tableau de bord et j’appuyai
sur « accepter l’appel » par habitude.
— Ouais ? fis-je en décrochant.
— Oh, super, ironisa-t-il. Alors, tu es vivant. J’ai une bonne nouvelle, une
très bonne nouvelle, et, euh… des nouvelles de Tinder. Qu’est-ce que tu
veux savoir en premier ?
— Aucune ne m’intéresse.
— Dans ce cas, je commence par la très bonne nouvelle.
Je ne fis même pas semblant d’écouter. Toute mon attention était
focalisée sur Simon qui embrassait de nouveau l’autre femme.
Il glissa sa main sous sa robe et elle le repoussa d’un air joueur.
En retour, il lui mit une claque sur les fesses.
Si les « bisous façon Disney » et les caresses timides sur le canapé
finissaient par frustrer Penelope, c’était probablement parce qu’il
s’économisait pour se donner à quelqu’un d’autre.
— Euh, allô, Hayden ? Où es-tu ? demanda Lawrence.
— En mission secrète.
— Pardon ?
— Tu m’as bien entendu. Je mène une enquête plus que nécessaire.
— D’accord, très bien. Je te le demande une fois pour toutes, quelles
drogues prends-tu ?
— Au lieu de faire le malin, tu ferais mieux de me proposer un coup de
main.
— Je n’ai aucune idée de quoi tu parles, Hayden. Quand exactement
aurais-tu besoin de mon aide ?
— Demain et tous les matins de cette semaine, répondis-je. On prend la
route avant le lever du soleil.
Un silence.
— Tu veux bien être honnête avec moi ?
Il laissa échapper un long soupir, puis ajouta :
— Est-ce que c’est de la cocaïne ou de l’héroïne ?
— Je passe te prendre à quatre heures. Sois prêt.
Je raccrochai et envoyai un e-mail à Sarah.
Je voulais qu’elle fasse plus que de simples recherches Google, qu’elle
m’envoie tout ce qu’elle pourrait trouver sur Simon dans chaque base de
données, et je voulais tout avoir entre les mains avant minuit.
Je voulais aussi, non, je devais savoir si cette Ferrari lui appartenait
réellement.
Quand je sortis enfin de la file de stationnement et m’éloignai à vive
allure, un nouveau message de Penelope s’afficha sur le tableau de bord.
Penelope
À l’époque…
Ottawa, au Canada
***
Quand le soleil perce à travers le store le lendemain matin, Hayden me
fait couler un bain moussant.
Comme je refuse de sortir du lit, il passe son bras sous mes jambes et me
porte jusqu’à la salle de bains.
En parfait gentleman, il me déshabille en me laissant ma culotte et mon
soutien-gorge, sans jamais détourner le regard du mien.
— Je crois que tu peux enlever le reste toi-même, murmure-t-il. Si tu n’y
arrives pas, je suis juste à côté.
Une fois qu’il a fermé la porte, je retire mes sous-vêtements et prends
mon temps pour me glisser dans l’eau chaude et savonneuse.
Quand j’en sors, je m’attends à ce qu’il soit parti car j’ai passé deux
heures dans la baignoire. Mais quand j’ouvre la porte, il est sur le lit.
Je m’approche de lui, m’appuie contre son torse, et il m’enlace de
nouveau.
Il passe une nouvelle fois la nuit près de moi.
***
Lundi matin, je me redresse dans le lit, seule. Les rideaux sont ouverts et
il y a un mot sur l’oreiller à côté de moi.
Je ris et prends mon téléphone sur la table de chevet. Je fais défiler mes
contacts à la recherche de Joshua avec l’intention de lui faire savoir le mal
qu’il m’a fait, mais je ne le trouve pas.
Il n’est ni répertorié dans mes conversations, ni dans mes appels récents,
et quand je compose manuellement son numéro, le message « Erreur : non
autorisé » apparaît.
C’est quoi ce bordel ?
La porte de la chambre s’ouvre et Hayden entre, deux sacs en papier à la
main.
— Bien. Tu es réveillée. Je te laisse choisir quelle sorte de bagel tu veux.
— Qu’est-ce que tu as fait à mon téléphone ? Je n’arrive pas à joindre
Joshua.
— Cannelle ou nature ? Demande mon meilleur ami sans tenir compte de
ma question.
— Cannelle.
— D’accord.
Il ouvre l’un des deux sacs et installe un plateau devant moi sans se
presser.
Je ne peux pas m’empêcher de remarquer que ses mains sont couvertes de
bleus et d’égratignures. Des bleus et des égratignures qui n’étaient pas là la
veille ni la nuit d’avant.
— Qu’est-ce qui est arrivé à tes mains ?
— Ce n’est rien, déclare-t-il en me donnant une fourchette. Je me suis
seulement cogné dans quelque chose de stupide.
— Dans quelque chose ou dans quelqu’un ?
Il ne répond pas non plus à cette question. Il remet en forme l’oreiller
derrière ma tête et me tend un gobelet rempli de fruits.
— Hayden, qu’est-ce qu’il s’est passé ?
— Je veillais sur toi.
Puis il change de sujet en m’adressant un regard qui signifie que cette
conversation est terminée.
— Parlons de ton prochain concours. Il a lieu en Caroline du Nord, n’est-
ce pas ?
Chapitre 25
Hayden
De nos jours…
Penelope : Salut. Je ne suis pas sûre que tu aies reçu mes photos avec les
robes ? Laquelle est-ce que je devrais porter ? Peux-tu aussi répondre à mes
autres messages ? J’aimerais que tu m’aides.
Penelope : Je te vois à la télévision en train de donner une interview. Tu
as regardé ton téléphone quand je t’ai envoyé mon message. Pourquoi est-
ce que tu ne me réponds pas ?!
Penelope : Bon, on n’a qu’à dire que ces dernières semaines ont été
difficiles pour toi et que tu me raconteras tout ça plus tard. On repart à
zéro ? D’accord, super. Je vais sûrement coucher avec Simon après ton gala
étant donné que c’est de plus en plus chaud entre nous. Dis-moi ce que tu
penses de mes messages coquins et de ma lingerie. [photo] [photo]
Penelope
De nos jours…
***
Le lendemain soir, j’observai mon reflet dans le miroir du salon.
Puisqu’Hayden ne s’était pas donné la peine de m’aider à choisir une tenue,
j’avais choisi une robe de soirée couleur parme qui marquait ma taille et
retombait jusqu’au sol. Fendue sur le côté droit au niveau de ma cuisse, elle
laissait apparaître une paire de talons aiguilles à paillettes, façon Cendrillon.
— Waouh, s’extasia Tatiana en entrant dans la pièce en pyjama et avec un
bol rempli de glace à la main. Je croyais que Simon passait te prendre à
vingt heures trente.
— Vingt et une heures trente, rectifiai-je. Son vol depuis la Floride a du
retard. Pourquoi est-ce que tu n’es pas habillée ?
— Parce qu’il pleut. Je n’ai pas envie de mouiller ma robe.
— Le gala se déroule en intérieur, Tatiana.
— Ah bon ? fit-elle en souriant. Alors, attends. Laisse-moi trouver une
autre excuse pour m’éviter de passer la soirée au milieu d’un tas de gens
riches convaincus qu’ils sont meilleurs que tout le monde.
Elle tapota sa lèvre inférieure avec sa cuillère, puis s’exclama :
— Oh, noooon. Je ne me sens pas très bien, tout à coup.
— Tu racontes n’importe quoi, répondis-je en riant. Merci de m’avoir
prévenue que tu ne venais pas.
— De rien, tout le plaisir est pour moi.
Elle ramassa ma pochette et me l’apporta.
— Tu me raconteras comment c’était, au lit, reprit-elle. Je veux tout
savoir dans les moindres détails, jusqu’à la durée de vos baisers.
— Je te raconterai si on couche ensemble.
— Vous avez plutôt intérêt, s’offusqua-t-elle. J’ai l’impression que tu sors
avec lui depuis une éternité.
— Je sais.
Je m’assurai que j’avais toujours des préservatifs dans ma pochette.
Comme à point nommé, la sonnette retentit.
— Adieu, Cendrillon.
Tatiana se laissa tomber sur le canapé et je me dirigeai vers la porte.
Quand je l’ouvris, je ne pus m’empêcher de sourire à Simon. Il portait un
smoking noir impeccable et tenait deux grandes tiges de roses.
— Waouh.
Il me contempla pendant plusieurs secondes, sans parvenir à prononcer
un mot. À la place, il me prit la main et la leva en l’air pour me faire tourner
sur moi-même.
— Tu es absolument éblouissante, déclara-t-il enfin. Je vais sûrement
devoir surveiller mes arrières, car je crois que tous les regards seront
tournés vers toi et cette robe, ce soir.
Je rougis.
— Merci pour le compliment. Est-ce que tu sors avec d’autres femmes ou
quelque chose de ce genre ?
— Quoi ? s’étonna-t-il en fonçant les sourcils. Pourquoi cette question ?
— Je vois deux roses géantes dans ta main, mais il n’y a qu’une seule
moi.
— Oh, jamais de la vie.
Il déposa un baiser sur mes lèvres.
— L’autre est pour ta colocataire, expliqua-t-il. Elle ne vient pas avec
nous ?
— Non, elle vient juste d’attraper une flémingite aiguë et c’est une très
mauvaise personne.
— Je t’ai entendue ! s’écria l’intéressée depuis le salon.
— Dans ce cas, les deux sont pour toi, s’amusa Simon avant de déplier
son parapluie. Prête ?
— Plus que jamais.
Il posa sa main dans le creux de mes reins et me conduisit jusqu’à sa
Ferrari.
Étrangement, l’habitacle semblait un peu différent comparé à la veille.
Les options personnalisées avaient disparu et un étrange code-barre
marquait le tableau de bord.
— Le concessionnaire m’a prêté une voiture, car les finitions de la
mienne n’étaient pas assez soignées à mon goût, expliqua Simon qui avait
dû remarquer l’expression sur mon visage. J’espère que cela ne te dérange
pas qu’on utilise celle-ci pendant un moment.
— Pas du tout.
J’attachai ma ceinture et il referma la portière.
Alors qu’il contournait la voiture pour rejoindre le siège conducteur, une
sonnerie de téléphone que je n’avais pas entendue depuis une éternité
retentit.
C’était tout.
Pas de « je suis désolé de m’être comporté comme un gros naze et de
t’avoir ignorée », pas de « je n’ai pas été un bon ami ces derniers temps »,
pas même un « s’il te plaît, pardonne-moi ».
Je désactivai les notifications et me tournai vers Simon qui démarrait la
voiture. Je ne voulais plus penser à Hayden pour le reste de la soirée, et il
était hors de question que je l’appelle.
— Simon, parle-moi de ton dernier voyage en Floride…
Chapitre 27
Penelope
De nos jours…
Les flashs des appareils photo manquèrent de nous aveugler alors que
nous descendions de la Ferrari.
Comme toujours, un tapis rouge et épais était déroulé sous une longue
tonnelle qui s’étendait de l’espace voiturier à l’entrée bordée d’arbres du
lieu de réception.
— Bienvenue au gala de bienfaisance annuel d’Hayden Hunter pour
soutenir les enfants, nous accueillit un homme en smoking devant la porte.
Puis-je avoir votre nom et votre lien avec notre hôte, s’il vous plaît ?
— Simon Gaines, déclara mon cavalier en serrant ma main dans la
sienne. J’ai fait un don de plusieurs millions.
— En êtes-vous sûr ? demanda l’homme en secouant la tête. Vous n’êtes
pas sur la liste, monsieur. Est-il possible que vous soyez plutôt enregistré
sous le nom de votre entreprise ?
— Le fonds spéculatif Simon G., peut-être.
Il m’adressa un regard perplexe.
— J’ai bien peur qu’elle n’y soit pas non plus.
— Essayez avec Penelope Carter, intervins-je.
L’homme leva le regard vers moi.
— Comme vous le savez déjà, vous êtes sur toutes les listes de monsieur
Hunter, mademoiselle Carter.
Il sourit, puis souleva la corde en velours.
— Vous et votre cavalier pouvez suivre les panneaux argentés pour
rejoindre le quartier V.I.P.
— Je vous remercie.
— C’est bizarre, murmura Simon. Je lui ai remis mon chèque en
personne.
Quand a-t-il fait cela ?
— Il a probablement oublié de dire à Sarah de t’ajouter sur la liste,
supposai-je. Ou alors, elle l’a écrit trop rapidement et elle n’a pas réussi à se
relire. Ça lui arrive tout le temps.
— Je te crois.
Nous traversâmes les couloirs couverts de miroirs et, quand nous
pénétrâmes dans la salle de bal, j’eus le souffle coupé.
Des milliers de lumières blanches scintillantes étaient suspendues au
plafond, lui aussi couvert de miroirs. Elles étaient disposées de façon à
encadrer parfaitement le motif de patinoire dessiné sur le sol.
Le nom du thème de la soirée (« Les rêves sont éternels ») était inscrit sur
les coupes de champagne que les serveurs apportaient sur leurs plateaux.
— C’est spectaculaire, murmura Simon, qui semblait aussi émerveillé
que moi. Est-ce que tu l’as aidé ?
— Non, répondis-je en apercevant des sculptures de glace alignées
représentant des patineuses artistiques. Hayden ne m’a rien dit du tout.
— Il y a des flocons de neige qui tombent sur la piste de danse, me fit-il
remarquer. Sûrement des paillettes. Permets-moi d’aller nous chercher
quelque chose de plus fort à l’un des bars.
Il déposa un baiser sur ma joue, puis ajouta :
— Je reviens tout de suite.
Je remarquai à peine son départ.
J’avançai sur la « patinoire » et posai mon talon sur un flocon de neige
emprisonné sous le sol en verre. Je plissai les yeux pour tenter de lire les
mots minuscules figés dans les stries, mais je ne parvins pas à déchiffrer la
phrase en entier.
Toujours inégalée à vingt-sept ?
— Le voilà !
— C’est lui, là-bas !
— Prenez-le en photo, s’il vous plaît.
Des voix qui s’élevaient derrière moi me firent relever la tête.
Au milieu de la pièce, Hayden prenait la pose avec son conseiller.
Vêtu d’un costume noir sur mesure avec des boutons de manchette en
diamant à en faire pâlir tous les hommes présents dans la pièce, il devint
immédiatement le centre de l’attention.
Tout en dévoilant son sourire parfait, il exécutait son rire forcé devant les
journalistes quand Lawrence lui donnait le signal habituel.
Hayden croisa brièvement le regard des paparazzis qui prenaient des
milliers de clichés, puis il se tourna vers moi.
Il cligna plusieurs fois des yeux et entrouvrit la bouche en observant
longuement ma robe. Son regard parcourut mon corps de haut en bas, et
celui-ci me trahit en réagissant.
À chaque seconde qui passait, mon cœur battait la chamade un peu plus
fort, accélérant chaque fois qu’Hayden plongeait à nouveau ses yeux dans
les miens.
Je tentai de me détourner de lui, de me concentrer sur un autre élément
dans ce décor magnifique, mais il était la plus belle chose dans cette pièce.
Tout en me considérant une fois de plus du regard, il prit la pose pour une
dernière photo, puis s’avança vers moi.
— Bonsoir, Penelope. Je suis content que tu sois là.
— Ah oui ?
Je revins brutalement à la réalité. Il était hors de question que je pardonne
ou que j’oublie qu’il s’était comporté comme un enfoiré ces dernières
semaines.
— Vu la façon dont tu me traites en ce moment, je suis très étonnée que
tu veuilles de moi ici, répliquai-je sèchement.
— Évidemment que je te veux, souffla-t-il en parlant plus bas. Je crois
que j’ai été plutôt clair à ce sujet. As-tu reçu mes messages ?
— Oui, déclarai-je en haussant les épaules. J’ai l’intention de te répondre
dans quelques semaines puisque, apparemment, c’est notre nouveau rythme
de conversation ces jours-ci. Je me trompe ?
— À toi de me le dire, rétorqua-t-il en fronçant les sourcils. C’est toi qui
as commencé quand tu t’es mise en couple.
— Si tu étais avec quelqu’un, je suis sûre que ce serait pareil.
— Je te garantis que non.
Nous restâmes là à échanger des regards furieux, sans prêter attention aux
flashs des photographes autour de nous.
— Salut, Hayden.
Simon, qui revenait avec des boissons, s’interposa entre nous, ce qui fit
retomber un peu la tension.
— C’est la plus belle décoration de gala que j’aie jamais vue. On sent
bien que tu es un véritable artiste et un vrai organisateur.
— Oui, répondit mon meilleur ami. Je crois que c’est l’un des thèmes que
j’ai le mieux réussi, car il me tient personnellement à cœur. Merci beaucoup
du compliment, Simeon.
Cette fois, je ne me donnai pas la peine de le corriger. Je pris les verres
des mains de mon cavalier et les vidai tous les deux d’un trait.
— Eh bien, d’accord, s’amusa Simon en me prenant par le bras. Permets-
moi de t’aider à éliminer ça sur la piste de danse, veux-tu ?
— Oui, acquiesçai-je en fusillant Hayden du regard. Je crois que c’est une
bonne idée de changer d’air.
Mon meilleur ami serra la mâchoire, mais il ne prononça pas un mot. Ses
yeux s’attardèrent sur moi longtemps après que je me fus éloignée, et je
sentis qu’il me suivait du regard à l’autre bout de la pièce.
Sur la piste de danse, Simon me serra contre lui pendant plusieurs
chansons tout en me murmurant à l’oreille des mots que je n’écoutais qu’à
moitié. J’étais trop occupée à penser à Hayden pour lui prêter attention, trop
occupée à regretter que mon meilleur ami soit aussi incroyablement
séduisant.
Concentre-toi sur Simon, Penelope. Concentre-toi sur Simon.
— Tu es horriblement silencieuse, ce soir, susurra mon cavalier avant de
déposer un baiser au creux de mon oreille. Est-ce que tu passes un bon
moment ?
— Oui.
— Veux-tu qu’on aille chez moi après le gala ?
— Avec plaisir.
Je relevai la tête en prononçant ces mots, et aperçus Hayden qui nous
observait de loin.
Il avait les yeux rivés sur mes mains, alors j’entremêlai mes doigts dans
les cheveux de Simon, puis les fis descendre le long de sa nuque.
Le visage de mon meilleur ami vira au rouge, et je finis par détourner le
regard.
— Est-ce que tu veux qu’on aille se servir au buffet ? proposai-je à
Simon. C’est toujours la meilleure partie du gala.
— J’aimerais beaucoup.
Il relâcha son étreinte et me prit la main pour me conduire jusqu’à
l’espace délimité par les sculptures de glace de sept mètres de haut.
Il nous confectionna avec soin une assiette de mises en bouche, mais
avant que nous ayons pu y goûter, le PDG de Tinder, Tim Lassing, fit
irruption devant nous.
— Eh bien, regardez qui voilà, déclara-t-il en souriant. La complice
d’Hayden Hunter. Comme à votre habitude, vous êtes éblouissante,
Penelope.
Je ne me donnai pas la peine de le remercier.
— Avez-vous l’intention de reconnaître un jour ce qu’il m’a fait ? Ou est-
ce que vous comptez vous accrocher à ses mensonges pathétiques pour
toujours ? demanda-t-il.
— Pourriez-vous éviter de parler de ça ? soupirai-je en levant les yeux au
ciel. Je suis choquée qu’Hayden vous ait mis sur la liste des invités.
— Moi aussi, s’amusa-t-il en souriant de nouveau. Mais il a le truc pour
organiser des fêtes d’enfer. De plus, vous êtes toujours de la partie, et je ne
raterai jamais une occasion de vous taper sur les nerfs. Est-ce que cet
homme en costume à côté de vous est votre cavalier ?
— Simon Gaines, se présenta l’intéressé en tendant sa main. Ravi de vous
rencontrer.
Tim ne lui serra pas la main. À la place, il lui donna plusieurs tapes sur
l’épaule.
— Vous perdez votre temps avec celle-là, affirma-t-il. Fuyez avant que
les coïncidences ne commencent à s’accumuler.
Il vola une des fraises dans notre assiette, puis tourna les talons.
— Je ne veux même pas savoir de quoi il parle, déclara Simon en riant.
— Il fait ça tout le temps, répondis-je en secouant la tête et en ressentant
plus que jamais le besoin de prendre l’air. Tu veux bien m’excuser un
instant ? Il faut que j’aille aux toilettes.
— Prends ton temps.
Je m’éloignai et me dirigeai à l’étage, vers d’autres toilettes dont peu
d’invités connaissaient l’existence.
J’avais besoin d’être seule.
— Des bonbons à la menthe, des serviettes ou un rafraîchissement,
mademoiselle ? offrit une hôtesse en souriant quand j’ouvris la porte.
— De l’eau, s’il vous plaît.
— Tout de suite, mademoiselle. Quel type d’eau…
— Il faut qu’on parle, interrompit Hayden qui venait soudain d’apparaître
derrière moi. Maintenant.
— Je ne suis pas d’humeur à discuter avec toi.
— Je ne t’ai pas demandé si tu l’étais, répliqua-t-il en me contournant.
Pouvez-vous nous laisser un instant, Martha ?
L’hôtesse acquiesça d’un hochement de tête et quitta la pièce.
Hayden avança jusqu’au lavabo, mais je restai immobile contre le mur, à
côté de la porte.
J’attendais qu’il crache le morceau, qu’il implore ma pitié et qu’il me
présente ses excuses pour s’être comporté en parfait connard ces dernières
semaines, mais il n’avait pas l’air de s’en vouloir le moins du monde.
— Sache que tu es terriblement magnifique, déclara-t-il en croisant mon
regard.
— Merci. Et toi, tu m’évites terriblement.
— Je me souviens parfaitement d’avoir discuté avec toi il y a un peu plus
d’une heure.
— Tu sais de quoi je parle, insistai-je en sentant une douleur dans ma
poitrine. Le seul message que tu m’as envoyé ces dernières semaines c’est «
Appelle-moi avant de quitter le gala », Hayden.
— Dans ce cas, est-ce que monter ici est ta façon de me dire que tu es sur
le point de t’en aller ?
— Non, j’essaye de te faire comprendre que tu te comportes comme un
très mauvais ami.
— Vraiment ? s’étonna-t-il en haussant les sourcils. C’est ce que tu
penses ?
— Je peux répéter si ça te fait plaisir.
— Écoute, tu as passé beaucoup de temps avec ton petit ami,
dernièrement.
— Oui, c’est comme ça que fonctionnent les relations de couple.
— Il n’est pas celui que tu crois. Simeon trempe dans des trucs louches,
et je crois que tu devrais le savoir.
— Son nom est Simon.
— Son nom change en fonction de l’état dans lequel il vit, répliqua
Hayden. Par ailleurs, il n’a rien du prince charmant, et il faut que tu le
saches avant de commettre une énorme erreur.
— Tu veux dire, avant que je couche avec lui ce soir ?
— Tu ne coucheras pas avec lui. Jamais.
— Pourquoi est-ce que tu donnes l’impression d’être aussi jaloux,
Hayden ?
— Ce n’est pas une impression.
Un silence.
— Ton petit ami est un escroc, reprit-il. En gros, c’est Gatsby le
Magnifique sous stéroïdes et il te trompe depuis le début.
Je croisai les bras sur ma poitrine, sans rien dire.
— Il sort avec une femme dans six villes différentes, et je ne te compte
pas dans le lot.
Il leva son regard vers moi.
— Quant à son classement au Forbes 500 ? Il a payé un ami à lui qui est
journaliste pour qu’il fasse apparaître son nom sur le site pendant une
journée. Ensuite, il a fait une capture d’écran avant que le rédacteur en chef
n’intervienne.
— Comment est-ce que tu sais tout cela, Hayden ?
— La Ferrari dans laquelle il te promène depuis des semaines est une
voiture de location et il n’a pas versé le loyer depuis deux mois.
— Comment est-ce que tu sais tout cela ? répétai-je d’une voix brisée.
Il ne répondit toujours pas à ma question.
— Je crois que tu devrais rompre avec lui. Le plus tôt sera le mieux.
— Tu ne m’as pas adressé la parole depuis des semaines et maintenant, tu
me demandes de larguer le mec avec qui je sors.
— Oui, lâcha-t-il sans laisser paraître aucune émotion. Je voulais te le
dire plus tôt, mais tu ne m’aurais pas cru. Et tu le sais.
— Je ne te crois pas, répliquai-je avec un haussement d’épaules. Il y a
deux semaines, tu as dit qu’il était ton préféré de tous mes petits amis.
— Je n’ai jamais dit cela d’aucun de tes petits amis.
— Tu l’as sous-entendu. Tu as aussi laissé entendre que tu serais là pour
moi, mais on dirait que tu t’es bien planté, de ce côté-là.
— J’ai espionné ton mec tous les jours pendant des semaines, d’accord ?
s’agaça-t-il en m’adressant un regard noir. Et j’ai demandé à Sarah de faire
des recherches approfondies sur lui. Voilà où j’étais passé, bordel. Je
veillais sur toi.
Je déglutis.
— Tu sais quoi ? Je n’aurais jamais dû te demander de m’aider.
— Je ne regrette pas de l’avoir fait, affirma Hayden en s’approchant. Ce
que tu dois faire, c’est rompre avec Simon et sortir avec quelqu’un qui en
vaut la peine.
— Oh ? m’exclamai-je en le fusillant du regard. Alors pendant que tu
nageais en plein délire et que tu suivais mon mec à la trace, tu as aussi
réussi à me trouver un petit ami remplaçant ? Comme c’est généreux de ta
part. Est-ce qu’il va bientôt arriver au gala ?
— Il se tient juste devant toi, siffla Hayden entre ses dents. Et je veux que
tu largues Simon pour sortir avec moi.
Un silence.
Je clignai des yeux et il fit quelques pas supplémentaires vers moi.
— Je te désire plus que tout, Penelope. Ta place est avec moi.
La tension dans l’air était palpable ; aucun de nous ne prononça un mot.
La musique se mit tout à coup à résonner beaucoup plus fort depuis le
rez-de-chaussée et les basses grondèrent si intensément que le sol et les
murs se mirent à trembler.
Je fis un pas en arrière ; mon cœur battait à tout rompre et mon esprit
partait dans un million de directions différentes.
Hayden réduisit la distance qui nous séparait, puis posa ses mains de
chaque côté de ma tête contre le mur.
Emprisonnant mon corps entre ses jambes, il plongea son regard dans le
mien, avec un mélange de désir et d’envie dans les iris.
— Si tu ne me crois pas, tu ferais mieux de sortir.
Il ne me quittait pas des yeux, et la tension étouffante dans la pièce ne
demandait qu’à être brisée.
Je tendis la main jusqu’à la poignée de la porte sur ma gauche, et appuyai
sur le bouton de verrouillage.
— Je prends ça pour une réponse, déclara-t-il avant d’incliner mon
menton vers lui du bout des doigts.
Il posa sa bouche sur la mienne pour m’embrasser profondément et
passionnément.
— Ahhh, gémis-je en sentant sa langue prendre possession de la mienne.
Il glissa sa main sous la fente de ma robe et tira doucement sur ma
culotte.
Je m’attendais à ce qu’il me l’arrache comme il l’avait fait pendant la fête
sur le yacht, mais il s’interrompit tout à coup et mit fin à notre baiser.
— Mets-toi face au miroir, ordonna-t-il. Je veux te voir pendant qu’on
baise.
Je me tournai lentement sur ma droite et il me saisit par les hanches. Il
plongea ses yeux dans les miens dans le reflet du grand miroir et m’invita à
le regarder pendant qu’il faisait doucement tomber ma culotte sur le sol en
marbre.
Tout en la rangeant dans sa poche, il s’approcha de nouveau de moi et me
mordit l’oreille.
— Accroche-toi au lavabo pour moi.
Je m’exécutai et me tins fermement tandis qu’il mordillait la peau de mon
cou et remontait ma robe.
Il déboutonna son pantalon et sortit sa queue. Sans prononcer un mot, il
appuya le bout épais de son membre contre mon sexe.
J’écarquillai les yeux et il laissa échapper un petit rire grave tout en me
pénétrant lentement, très lentement.
Oh. Mon. Dieu.
— Oh… m’écriai-je, tout en m’habituant à sa longueur et à son épaisseur,
alors qu’il prenait son temps pour se placer juste derrière moi.
— Est-ce que c’est bon ? demanda-t-il alors qu’il n’était qu’à moitié à
l’intérieur de moi.
— Oui.
— Bien.
Il se glissa en moi tout entier et je laissai échapper un cri, mélange de
plaisir et de douleur.
— Oh mon Dieu…
Je ne le quittais pas des yeux dans le reflet du miroir. J’adorais le sentir
profondément en moi. J’adorais la façon dont il gémissait contre mon corps
tout en le possédant avec le sien.
Je m’accrochai plus fermement au rebord du lavabo et la jointure de mes
doigts blanchit, tandis qu’il se balançait contre moi et faisait d’amples va-
et-vient dans une sorte d’abandon à la fois sauvage et maîtrisé.
Nos années d’amitié s’effilochaient et s’envolaient un peu plus à chaque
coup de reins, à chaque baiser qu’il déposait sur ma nuque.
Il vint poser sa main gauche sur ma poitrine et pressa mon sein en
murmurant :
— C’est foutrement bon d’être en toi.
Alors qu’il me prenait plus fort, je gémis.
La façon dont il m’observait dans le miroir pendant qu’il me dominait et
me possédait était plus qu’enivrante. Je n’avais aucune envie de détourner
le regard.
— Caresse ton clitoris, susurra-t-il. Montre-moi ce que je t’ai appris.
Je retins mon souffle et, alors qu’il poursuivait son rythme effréné, je
glissai lentement ma main sous la fente de ma robe.
Je titillai mon clitoris du bout des doigts en décrivant de petits cercles, et
obtins le regard approbateur d’Hayden.
J’essayai de tenir la cadence, mais en vain. Tout à coup, me voir me
toucher et me rapprocher chaque fois un peu plus de l’orgasme l’excita
encore davantage.
Je n’en peux plus.
Je m’accrochai de toutes mes forces au rebord du lavabo et hurlai son
nom.
Juste après, je le sentis se tendre derrière moi, puis jouir à son tour.
Tous deux à bout de souffle, nos corps encore entremêlés, nous fixâmes
du regard notre reflet pour constater ce que nous venions de faire.
Il déposa un dernier baiser sur ma nuque avant de se retirer lentement. Et
il ne me quitta pas des yeux alors qu’il reboutonnait son pantalon.
Il lissa mes cheveux pour les remettre en place et sembla sur le point de
dire quelque chose, mais aucun mot ne sortit de sa bouche.
La prise de conscience de ce qui venait de se passer s’abattit sur moi au
ralenti. Chaque seconde qui passait révélait que nous avions fait plus que
franchir la ligne de notre amitié.
Nous l’avions détruite au bulldozer et nous avions mis le feu à ce qu’il en
restait.
— Je ne peux pas faire ça, murmurai-je en le repoussant. Je n’arrive pas à
croire que j’ai… que nous…
Je déverrouillai la porte et partis.
Chapitre 27 bis
Penelope
De nos jours…
J’ouvris les photos les unes après les autres, sentant mon estomac se
serrer et se tordre à chaque image volée des autres vies de Simon.
Il embrassait une femme blonde sur une plage de sable blanc, enlaçait une
brune sur une banquette au fond d’une crêperie, et riait aux éclats en
compagnie d’une jolie rousse en mangeant une glace avec des vermicelles
multicolores.
Il portait des lunettes et une chemise à carreaux avec un badge « S. Gines
», un costume en se tenant devant un panneau où on pouvait lire «
Séminaires de Sam Giannis : comment construire sa richesse », et un jean
avec un tee-shirt alors qu’il récupérait un mug de café au nom de « Silas
Gains ».
C’est impossible.
À chaque nouvelle image, le souvenir d’un moment que nous avions
passé ensemble ces derniers mois volait en éclats dans ma mémoire.
Alors que j’observais une photo de lui en train de toucher les fesses d’une
autre femme dans la zone d’arrivée de l’aéroport John F. Kenndy, son nom
apparut sur mon écran.
J’ignorai l’appel.
Je zoomai sur l’une des images et me rendis compte que cette femme
n’était pas n’importe qui. Il s’agissait de sa fiancée, celle qui l’avait soi-
disant laissé en plan le jour du mariage, celle qu’il décrivait comme une
véritable sorcière chaque fois qu’il en parlait.
Quel foutu menteur.
Il appela une seconde fois et je décrochai immédiatement.
— Ouais ? crachai-je sans chercher à dissimuler mon mépris. Qu’est-ce
que tu veux, Simon, bordel ?
— Je te cherche partout, répondit-il sans remarquer le ton de ma voix. Je
voulais danser encore une fois avec toi avant les feux d’artifice. J’espérais
aussi que nous partirions de bonne heure pour passer le reste de la soirée en
tête à tête.
Il semblait si foutrement adorable et sincère que je ne pouvais pas me
blâmer de ne pas avoir vu clair dans son jeu.
— Comment est-ce que tu arrives à dormir, Simon ? demandai-je. Je
voudrais savoir.
— Hein ? Qu’est-ce que tu veux dire ?
— Je veux dire, comment est-ce que tu arrives à dormir en sachant qu’il y
a plusieurs femmes dans ce pays qui se disputent chacune un morceau de
ton cœur ?
Il ne répondit rien.
Je n’entendais que le tintement des coupes de champagne et des rires en
arrière-plan.
— Combien de femmes y a-t-il ? Est-ce que certaines sont au courant ?
— Waouh. Je ne sais pas trop qui t’a retourné la tête avec ces mensonges
et ces horribles accusations, mais…
Pour la première fois depuis le jour de notre rencontre, sa voix hésita.
— Rien de ce que tu viens de dire sur moi n’est vrai, reprit-il. Je suis
amoureux de toi, et de toi seule.
— Tu sais, il y a des années, rien ne m’aurait fait plus plaisir que de
t’entendre dire ça.
— Mieux vaut tard que jamais, pas vrai ?
— Ou plutôt, mieux ne vaux jamais, répliquai-je avant de déglutir malgré
la boule que j’avais dans la gorge. C’est foutrement terminé entre nous,
Simon. Je t’envoie des photos en cadeau de rupture, mais s’il te plaît, ne me
contacte plus jamais.
— Penelope, ne fais pas ça, pas à nous.
Il avait le culot de sembler sincère.
— Il y a quelque chose de spécial entre toi et moi, poursuivit-il. Je l’ai
ressenti dès l’instant où je t’ai aperçue à l’aéroport.
— C’était probablement le sentiment de culpabilité de tromper les autres
filles.
Je n’attendis pas sa réponse. Je raccrochai et lui fis suivre tous les clichés
volés qu’Hayden m’avait envoyés.
Quand Simon eut reçu la dernière photo, il passa outre ma demande.
Simon : Je m’en veux tellement de cette situation, Penelope. J’ai toujours
eu peur de m’engager envers une seule personne, mais je peux affirmer en
toute honnêteté que tu étais sur le point de faire de moi l’homme meilleur
que je veux être.
Simon : Je peux toutes les quitter pour toi. Je le jure.
Simon : S’il te plaît, prends tout le temps qu’il te faudra pour réfléchir à
m’accorder ton pardon. Je n’adresserai plus jamais la parole à aucune
d’entre elles si tu me laisses une seconde chance.
***
Quand le chauffeur fut garé devant chez moi, il se retourna et me tendit
un Kleenex.
— J’espère que votre fin de soirée sera meilleure, mademoiselle.
— Merci.
Je lui donnai quelques billets de vingt dollars, puis montai les marches du
perron.
Alors que je cherchais mes clés, je remarquai un mot scotché sur
l’encadrement de la porte.
Boooon…
Je suis partie à une convention Sailor Moon dans le New Jersey pour le
week-end.
Ne me juge pas !
Raconte-moi tout (et je veux dire vraiment TOUT) lundi.
Tati
P.-S. S’il te plaît, ne déplace pas les cristaux d’étoile sur le tour de
cheminée.
Hayden
De nos jours…
Penelope
De nos jours…
— Allez, allez.
Je poussai sur la fenêtre de l’issue de secours de toutes mes forces, mais
elle refusait de céder.
— S’il te plaît.
J’avais besoin d’air. Et, ensuite, je devais analyser chaque seconde de ce
qui s’était passé la veille, de préférence dans un endroit où je serais seule et
avant qu’Hayden ne se lève.
— Besoin d’aide ?
J’entendis tout à coup sa voix grave derrière moi.
— Non, répondis-je en sursautant, mais sans me retourner. Je me
débrouille.
Il déposa un baiser sur ma nuque et passa tout de même devant moi, puis
ouvrit la fenêtre sans difficulté.
— Merci.
Je commençais à sortir quand il glissa son bras autour de ma taille et me
retourna face à lui.
Torse nu et vêtu du pantalon de la veille, il me mettait à nouveau dans
tous mes états avec une facilité déconcertante.
— Est-ce que tu veux qu’on en parle ? proposa-t-il en souriant.
— Je crois qu’il n’y a pas grand-chose à dire, rétorquai-je en croisant les
bras sur ma poitrine. On était ivres et on s’est laissé emporter.
— J’étais sobre à cent pour cent.
Moi aussi.
— Eh bien, pas moi, alors…
— Alors quoi ?
— Je veux bien fermer les yeux sur ce qui s’est passé et faire comme si ce
n’était jamais arrivé si tu le fais aussi.
Il laissa échapper un petit rire et me souleva en douceur jusqu’à l’escalier
de secours. Il me déposa délicatement sur la plateforme en métal et fit
courir ses doigts sur mes clavicules dénudées.
— Café ? proposa-t-il.
— Je veux bien, s’il te plaît.
Il disparut pendant plusieurs minutes et j’essayai de me focaliser sur les
embouteillages matinaux en contrebas.
Puis il revint avec une couverture et deux énormes mugs.
Il s’installa à côté de moi et enveloppa le plaid autour de mes épaules.
Nous restâmes assis en silence à siroter notre café et je m’efforçai de
trouver quelque chose à dire. Je sentis son regard posé sur moi, observant
chacun de mes mouvements. Il attendait que je me tourne vers lui, mais je
restai concentrée sur les voitures.
— J’ai vraiment hâte de voir quelle photo du gala Page Six et Sinful Suit
auront choisie pour faire leur couverture, ce week-end. Je parierais sur une
photo de toi sous les lumières de la tonnelle. Ça, ou bien toi en train de faire
ton grand discours habituel après les feux d’artifice.
— Il n’y a pas eu de discours après les feux d’artifice, cette fois, déclara-
t-il.
— Quoi ? m’exclamai-je en me tournant enfin vers lui. Pourquoi ?
— J’avais bien plus important à faire.
Un silence.
— Lawrence et Sarah ont parlé à ma place, expliqua Hayden. Je suis sûr
qu’ils s’en sont très bien sortis sans moi.
— Est-ce que des paparazzis t’ont suivi jusqu’ici ? demandai-je avec,
pour la première fois, un soudain accès de paranoïa. Et si…
— Personne ne m’a vu quitter le gala, m’assura-t-il. Et je suis venu avec
la voiture de Lawrence. Il ne m’a posé aucune question quand je lui ai
annoncé que je devais partir.
— Est-ce que tu lui as expliqué pourquoi ?
— Je crois qu’il le savait.
— Je ne peux pas être l’amie avec qui tu couches de temps en temps,
laissai-je échapper. Je ne fais pas ce genre de choses. Je suis désolée.
— Penelope…
Il soupira, puis releva mon menton du bout des doigts.
— Je pensais chaque mot que je t’ai dit hier soir, reprit-il. Je veux être
avec toi, et ta place est avec moi. Et avec personne d’autre. Tu ne me crois
pas ?
Dis-lui que ce qui s’est passé hier soir n’était qu’une erreur dans le feu
de l’action.
— Ce n’était pas une erreur dans le feu de l’action, déclara-t-il en
devinant sans peine le fond de ma pensée. Qu’est-ce qui te préoccupe
d’autre ?
— Tu es mon meilleur ami. Mon putain de meilleur ami, et même si je te
crois, je ne peux pas t’analyser comme n’importe quel autre homme et ça
me fout la trouille.
— D’accord.
Il passa son doigt sur mes lèvres, puis proposa :
— Dans ce cas, on a qu’à me passer au crible. Donne-moi les « pour » et
les « contre » d’être en couple avec le gars avec qui tu étais hier soir.
— Je ne vois pas d’argument « pour », là, tout de suite.
— Alors, commence par les « contre ».
— Il n’a jamais eu de relation exclusive.
— Cela ne signifie pas qu’il est incapable d’être fidèle.
— Tu n’es pas censé prendre son parti, protestai-je. Tu dois me laisser
finir et rester neutre.
— D’accord, concéda-t-il en écartant quelques cheveux égarés de mon
front. Argument suivant.
— C’est un ami proche de mon frère, et ce dernier n’approuverait pas du
tout cette relation.
— Je ne vois pas pourquoi tu ressentirais tout à coup le besoin de dire
quoi que ce soit à ton frère. Ce ne sont pas ses affaires.
— Est-ce que tu crois qu’il vaudrait mieux attendre jusqu’au mariage ?
— À quel moment l’homme en question t’a-t-il demandé de l’épouser ?
s’amusa Hayden avec un sourire en coin. Je crois qu’il veut seulement être
ton petit ami. Argument suivant.
— Il est connu.
— C’est un fait, pas un argument « contre ».
— Je n’ai pas envie que les médias me courent après ou inventent des
rumeurs uniquement parce que je sors avec lui.
— Je crois que les journalistes continueraient de croire qu’il ne se passe
rien. Ce n’est pas comme si le gars en question allait te tripoter en public. Et
pourtant, Dieu sait qu’il en a envie. Y a-t-il autre chose ?
— Je suis simplement terrifiée à l’idée de souffrir, répondis-je en le
regardant dans les yeux. Je ne le répéterai jamais assez, mais si tu me fais
du mal, je n’aurai aucun autre meilleur ami vers qui me tourner pour parler
de la rupture, et j’aurai tout perdu.
— Je peux te promettre que cela n’arrivera jamais, m’assura-t-il.
Maintenant qu’on a fini avec les arguments « contre », permets-moi de te
donner les arguments « pour ».
J’ouvris la bouche pour protester, mais il posa son index sur mes lèvres.
— Premièrement, je te connais mieux que tous les autres types avec qui
tu es sortie.
— Tu n’étais pas au courant pour Simon ni pour la poupée vaudou.
— Je n’accepterai de rediscuter que d’un seul de ces deux sujets à
l’avenir, répliqua-t-il en se retenant de rire. Deuxièmement, je refuse de te
voir fréquenter quelqu’un d’autre.
— Cela ressemble plus à une menace qu’à un argument « pour ».
— C’est une certitude.
Il déposa un baiser sur mon front.
— Troisièmement, poursuivit-il, je pense qu’au fond de toi, tu me veux
autant que je te veux, et que cela peut très bien fonctionner entre nous.
— Je pense qu’il y a seulement une petite chance pour que ça marche.
— Raison de plus pour me la laisser.
— Trois arguments « pour » ? C’est tout ce que tu as ?
— Ce n’est pas comme si les choses allaient beaucoup changer entre
nous, Penelope, soupira-t-il en passant ses doigts dans mes cheveux. On se
parle déjà un jour sur deux et on se voit dès qu’on en a envie.
— On ne couchait pas ensemble, avant.
— Et je ne veux plus jamais revivre ça, répliqua-t-il en souriant. Je te
promets de ne pas te faire souffrir. Laisse-moi une chance.
Je le fixai du regard pendant plusieurs secondes, sans prononcer un mot.
— Penelope ? demanda-t-il, l’air inquiet. Qu’est-ce que tu en dis ?
— D’accord.
— « D’accord », tu acceptes, ou « d’accord » tu as besoin d’y réfléchir ?
— « D’accord », ça dépend de notre prochaine partie de jambes en l’air,
répondis-je en esquissant un sourire. Je ne sais plus très bien si c’est aussi
bon que dans mes souvenirs.
— Pas de problème.
Il rit et me prit les mains pour me relever et m’attirer contre lui.
— Juste une question. Est-ce que c’est vrai que tu ne nous as jamais
imaginés au lit avant de voir les photos de moi qui ont fuité ? s’enquit-il.
— Sérieusement ? C’est à ça que tu penses, là, tout de suite ?
— Je suis simplement curieux.
— Oui, Hayden.
J’eus seulement le temps d’ajouter quelques mots avant qu’il ne se jette
sur moi pour m’embrasser.
— C’était la première fois.
Rupture no 13
Celui qui était un autre
Penelope
À l’époque…
***
— Mesdames et messieurs, bienvenue à Skate America ! résonne une
voix forte dans les haut-parleurs de la salle omnisport de Washington ce
matin-là.
Au premier rang, à l’autre bout du stade, Frankie porte un sweat où on
peut lire : « Allez Penelope ! » Plusieurs rangées derrière, Hayden attire
l’attention de chaque femme qui se trouve dans un rayon de trente mètres,
comme à son habitude, mais il a les yeux rivés sur moi.
Il agite sa main dans ma direction, et je lis sur ses lèvres : « Travis est
désolé de ne pas avoir pu venir. On repousse ? »
Je lui rends son signe de main en répondant : « C’est comme ça. »
Frankie me souffle un baiser, je souris et le rattrape, car je ne veux pas
que quelqu’un d’autre l’intercepte. Jamais.
Pendant une demi-heure, la gorge serrée, je regarde mes concurrentes
danser sur la glace.
C’est comme si elles avaient toutes remarqué que je m’étais un peu
reposée sur mes acquis ces derniers temps et qu’elles avaient élevé leur
propre niveau dans l’espoir de me détrôner.
Plus particulièrement Tatiana Brave.
Quand mon tour arrive, je me laisse glisser jusqu’au centre et ferme les
yeux.
Pense à Frankie. Ressens la passion pour Frankie.
Une version instrumentale de « Time After Time3 » filtre par les haut-
parleurs et je m’élance en arrière pour débuter ma chorégraphie.
Ma jupe bleu clair flotte dans les airs tandis que je tourbillonne sur la
glace, réalise un triple axel, puis à nouveau lorsque je saute pour faire un
double Lutz. Au lieu de suivre à la lettre mon programme pourtant déjà
difficile, je remplace chaque double saut par un triple salchow ou par ce
quadruple si compliqué qui a toujours été si facile pour moi.
Les cris de la foule emplissent le stade à chacun de mes gestes et je
continue à imaginer Frankie qui m’embrasse dans ma chambre, qui retire
lentement mes vêtements et me fait l’amour.
Je sais sans le moindre doute que chaque mouvement est parfait et, quand
la chanson touche à sa fin et que je réalise ma pirouette allongée finale, je
sais que je n’ai commis aucune erreur.
Mais alors que je termine mon programme et que la foule (dont les juges)
se lève pour applaudir, je me rends compte que ce n’est pas Frankie que j’ai
imaginé me faire l’amour.
C’est Hayden.
Hayden
De nos jours…
Boston, dans le Massachusetts
Penelope
De nos jours…
Je lâchai la lettre qui tomba par terre et Tatiana la ramassa aussitôt pour la
lire à son tour.
À chaque mot, elle écarquillait un peu plus les yeux, et elle laissa
échapper un soupir en arrivant à la fin.
— Waouh, s’exclama-t-elle. Tu vas carrément le faire, n’est-ce pas ?
— J’ai besoin d’y réfléchir.
— Pourquoi ? s’étonna-t-elle en croisant les bras. Tu vas pouvoir laisser
ta trace dans l’histoire et tu auras le droit de te la raconter pour toujours,
surtout qu’il ne fait aucun doute que Katie Folds sera sur le podium.
— Exactement, répondis-je avant de siroter une gorgée de café. Si la
modification du règlement s’avère permanente, je préférerais entraîner une
athlète qui est vraiment arrivée jusque-là grâce à mon aide. Cela aurait plus
de sens.
Ma colocataire s’approcha et posa sa main sur mon cou.
— Tu sais, je m’apprêtais à chercher ton pouls pour m’assurer que tu
étais vivante, mais…
Un sourire se dessina sur ses lèvres.
— Tu as des marques rouges partout dans le cou, alors je pense que c’est
le contrecoup de ta partie de jambes en l’air avec Simon après le gala qui te
fait dire ça, reprit-elle avant de se laisser tomber sur une chaise. Je veux
tous les détails cochons, image par image.
— Je n’ai pas couché avec Simon.
— Argh, je t’en prie, souffla-t-elle en croisant de nouveau les bras. Tu
veux te la jouer comme ça ?
— C’est la vérité. Enfin, j’ai couché avec quelqu’un, c’est vrai.
— De toute évidence.
— Mais ce n’était pas avec lui.
Elle retint un cri.
— Tu as rencontré quelqu’un d’autre ce soir-là ? s’écria-t-elle. Qui ?
— Salut.
La voix grave d’Hayden emplit soudain la pièce et attira mon regard vers
la porte.
Je sentis mes joues s’empourprer alors qu’il entrait nonchalamment dans
la pièce et mon corps réagit immédiatement en le voyant vêtu d’un bas de
jogging gris foncé et d’un tee-shirt blanc.
Il déposa mes clés sur le bureau, et je me revis en train de chevaucher sa
main sous la douche quelques heures auparavant.
— Tu risques d’en avoir besoin tout à l’heure, déclara-t-il. Tu ne crois
pas ?
— Oui, répondis-je en m’éclaircissant la voix. Merci de me les avoir
apportées, Hayden. Comme tu peux le constater, je suis occupée à parler
avec Tatiana.
— Je vois ça.
Un petit sourire amusé se dessina sur ses lèvres.
— Tu es partie sans prévenir, alors je voulais m’assurer que tu allais bien,
ajouta-t-il.
— Oui, je t’ai laissé au café, car c’est là que nous étions tout à l’heure,
précisai-je en essayant d’avoir l’air naturel. Je t’appellerai plus tard pour
qu’on reparle de ce café.
Il sembla sur le point de se pencher sur le bureau et de m’embrasser pour
balayer sur le champ ma tentative maladroite de dissimulation, mais il se
contenta de rire et sortit de mon bureau.
— Bon, reprit Tatiana. Revenons-en au mec avec qui tu t’es envoyée en
l’air ce week-end. Tu as dit que tu n’avais jamais été du genre à avoir des
coups d’un soir, alors…
Elle s’interrompit et pencha la tête sur le côté. Puis, elle prit une grande
inspiration.
— Tu as couché avec Hayden, pas vrai ?
— Non, mentis-je en rougissant de nouveau. Non, je n’ai pas couché avec
Hayden.
— Si ! s’exclama-t-elle en me perçant à jour. Est-ce que sa queue a pu
entrer entièrement ? Est-ce que c’était bon ? Non, attends. Ne me réponds
pas encore. Raconte-moi tout, et par tout, j’entends chaque seconde, à partir
du moment où Simon est passé te prendre jusqu’à maintenant.
— Est-ce qu’on peut en discuter quand j’aurai terminé avec ma cliente ?
— Ah ah ! Non.
Elle pointa du doigt la fenêtre qui se trouvait derrière moi, où ma «
cliente » mettait en scène son énième vidéo TikTok au lieu de s’échauffer.
— Elle est uniquement ici grâce à ses parents riches et tu le sais, reprit
Tatiana. Je veux le compte-rendu du sexe. Maintenant.
***
Deux heures plus tard, ma colocataire s’éventait à l’aide d’un classeur.
— Eh bien, merde, laissa-t-elle échapper. Je ressens tout à coup le besoin
de rentrer à la maison et d’avoir un rencard avec mon vibromasseur.
— Tu n’étais pas obligée de me le dire.
— Bien sûr que si, répliqua-t-elle en riant. Comme ça, tu peux rejoindre
Hayden chez lui et recoucher avec lui pour me raconter ensuite. Est-ce que
vous êtes ensemble, à présent ?
— Oui, acquiesçai-je. Mais s’il te plaît, n’en parle à personne.
— À qui voudrais-tu que j’en parle ?
— Bien vu, désolée. Je veux seulement être sûre que mon frère ne
l’apprenne pas tout de suite.
Bien plus tard.
— Je déteste ton frère, bordel, ragea-t-elle en se levant de sa chaise. À
l’époque, il me laissait des messages du genre « Tu ne dépasseras jamais ma
sœur » et « Qu’est-ce que ça fait d’arriver deuxième une fois de plus ? »
après chaque concours.
— Vraiment ? demandai-je en souriant. Il ne me l’a jamais dit. C’était
gentil de sa part.
Tatiana m’adressa un regard blasé.
— Je veux dire, je n’arrive pas à croire qu’il ait fait ça, rectifiai-je. Quelle
personne horrible.
Elle rit et prit son sac à main
— Si tu n’es pas encore en train de t’envoyer en l’air avec Hayden, on
brunche ensemble demain ?
— Avec plaisir.
Je hochai la tête et attendis qu’elle parte.
Je relus la lettre du Comité de patinage artistique à plusieurs reprises, en
regrettant qu’ils ne m’aient pas écrit plus tôt.
Alors que je pesais le pour et le contre, Hayden entra à nouveau dans mon
bureau.
— Je croyais vous avoir demandé de partir, monsieur.
Tandis qu’il avançait vers moi, je rangeai la lettre dans le tiroir.
— Je suis occupée à travailler, ajoutai-je.
— Tu étais occupée à raconter nos ébats, répliqua-t-il en souriant avant de
m’attirer vers lui et de me prendre les mains. Compte-rendu très intéressant.
— Tu écoutes aux portes ?
— J’ai pris quelques notes sur la deuxième partie, s’amusa-t-il en me
plaquant contre le mur. Si tu en voulais encore, il ne fallait pas partir.
— J’ai un travail, Hayden.
— Tu es à ton compte.
Il déposa un baiser sur mes lèvres.
— Et ta seule cliente de la journée est partie il y a plus d’une heure,
ajouta-t-il.
— J’ai un tas d’autres choses à faire.
— Je sais, répondit-il avant de poser sa bouche sur la mienne. Faire
l’amour avec moi en fait partie.
— Est-ce que tu as entendu le passage où j’ai dit que je voulais qu’on le
fasse sur la glace, un jour ?
— Je l’ai entendu.
Il glissa sa main sous mon tee-shirt, puis murmura :
— On réglera ça juste après.
Chapitre 31 bis
Hayden
De nos jours…
Penelope
De nos jours…
Dans mon bureau. Sur la patinoire. Dans son bureau. Sur chaque surface
de son appartement.
Pas un seul jour ne s’était écoulé sans qu’Hayden et moi ne fassions
l’amour. D’un côté, j’avais l’impression que nous rattrapions des années
d’attirance refoulée et de désirs inassouvis.
De l’autre, c’en était fini des conversations tard le soir au téléphone, des
messages toute la journée et des rendez-vous à Central Park. Je n’avais pas
envie de renoncer à tout cela contre du sexe, peu importe à quel point c’était
bon.
Ce vendredi après-midi, je passai ma clé électronique devant la serrure de
son appartement au dernier étage en espérant lui faire la surprise quand il
rentrerait du travail.
Quand j’ouvris la porte, je le trouvai près de la fenêtre en train de lire le
journal.
— Oui, Penelope ? me salua-t-il en souriant. C’est un délit d’entrer chez
quelqu’un par effraction, tu sais.
— Pas quand tu as les clés, répondis-je en rougissant. Je ne m’attendais
pas à ce que tu sois déjà à la maison.
Il posa son journal et s’approcha.
— Qu’est-ce qui ne va pas ?
— J’ai besoin de dire du mal de mon petit ami. Mais le mec à qui je
raconte habituellement ce genre de trucs est mon petit ami.
— Mhhh.
Il sourit.
— Est-ce que tu veux appeler Tatiana à la place ? suggéra-t-il.
— Elle est toujours dans l’avion en provenance de Los Angeles. Elle
n’atterrit pas avant encore deux heures.
— Je vois. Quel est le problème avec ton petit ami ?
— À part coucher ensemble, nous ne faisons pas grand-chose.
— Oh ? fit-il d’un air amusé.
— Je sais qu’il est censé faire profil bas à cause des scandales et tout le
reste, mais je crois qu’il me connaît suffisamment pour sortir avec moi
quelque part. Qu’il n’y ait pas de malentendu, je veux dire, le sexe est plus
que génial et je n’ai jamais pris autant de plaisir de toute ma vie, mais
j’aimais notre amitié.
Il ne répondit rien.
— C’est le moment où tu te mets à dire du mal de lui avec moi, ajoutai-
je.
Il se mit à rire et prit son portefeuille dont il sortit deux billets.
— Ton petit ami prévoyait de t’emmener à une première privée ce soir,
après t’avoir invitée à dîner en haut de l’Empire State Building et avoir
demandé à son service de sécurité de dégager un chemin pour une balade en
tête à tête dans Central Park.
Je sentis le rouge me monter aux joues alors qu’il m’enlaçait par la taille.
— Je crois que cet homme te connaît très bien et que tu devrais faire
preuve de patience avec lui, étant donné que tu es sa première vraie relation,
poursuivit-il. Il essaye d’être le meilleur petit ami que tu aies jamais eu.
Il l’est déjà.
— À quelle heure commence notre rendez-vous ? m’enquis-je.
— Autour de vingt-deux heures.
— Si je te disais que j’avais envie de faire l’amour avant d’y aller, est-ce
que cela ferait de moi une hypocrite ?
— Seulement si j’accédais à ta requête.
Il prit ma main dans la sienne et me conduisit hors de son appartement,
jusqu’à l’ascenseur.
— Faisons autre chose, d’abord.
Tandis que la cabine descendait, je levai les yeux vers Hayden.
— Dis-moi quelque chose que je ne sais pas à propos de toi.
— J’enregistre toutes les conférences de presse de ton frère et je les
regarde plus tard. Même si je lui certifie que je les suis en direct.
— Je suis là quand tu le fais, en général, répondis-je en riant. Autre
chose.
— J’ai envoyé une lettre d’excuses à mon père, aujourd’hui.
— Pourquoi diable voudrais-tu t’excuser auprès de lui ?
— Parce que je ne ressens pas le besoin de reprendre contact avec lui ou
d’arranger quoi que ce soit entre nous, déclara Hayden en me regardant. J’ai
toutes les personnes qu’il me faut dans ma vie et je n’ai aucune envie de
renouer avec des inconnus. À ton tour.
La porte s’ouvrit, et je réfléchis sincèrement pendant un moment à une
information qu’il ne connaissait pas déjà.
Quand nous arrivâmes à sa voiture, je laissai échapper un soupir.
— J’ai complètement craqué sur toi, à l’époque. Non, en fait, j’étais un
peu amoureuse de toi.
— Quoi ? Quand ?
— Il y a longtemps.
— Avant ou après notre guerre froide ?
— Certainement pas après, soufflai-je en levant les yeux au ciel. Mais
c’était passager. Je crois que ça a duré une semaine, environ.
— Pourquoi est-ce que tu ne m’en as jamais parlé ?
— Parce que tu n’aurais pas voulu de moi et tu aurais rétorqué que tu
étais trop vieux pour moi.
— Hmm. Probablement.
— Est-ce que tu as déjà ressenti quelque chose pour moi ?
— Non, Penelope, s’amusa-t-il. Tu n’étais qu’une amie à l’époque.
— Eh bien, heureusement que je ne t’ai jamais rien dit.
— Exactement.
Il se pencha vers moi et m’embrassa.
— Le trajet entre l’ascenseur et ma voiture compte comme « quelque
chose d’autre » avant le sexe, pas vrai ? demanda-t-il.
— Absolument.
Rupture no 15
Celle qui n’avait jamais existé
Hayden
À l’époque…
***
Ce soir-là, j’ignore ses appels en essayant de comprendre ce qui a bien pu
se passer sur ce banc public.
Cela m’a semblé si naturel et si facile. Je n’ai pas ressenti la moindre
hésitation, ce qui veut dire que nous devons établir des limites plus claires.
Peut-être que nous pourrions arrêter de nous appeler tous les soirs, de
dîner ensemble le mercredi ou de nous donner rendez-vous au parc le
dimanche. Ou bien je pourrais arrêter de l’emmener à l’entraînement et
d’assister à ses concours.
Merde.
Honnêtement, je ne veux rien abandonner de tout cela et je n’arrive pas à
croire qu’elle prenne autant de place dans ma vie. Notre amitié a largement
dépassé les conseils sur les ruptures et les relations que je lui donnais au
départ, et a débordé du cadre du « je serai là pour toi, tu seras là pour moi ».
C’est presque comme si elle était ma… petite amie ?
— Je ne veux même pas y penser, marmonné-je avant d’attraper la
télécommande.
J’allume la télévision et vois mon « père » qui joue les vedettes dans sa
dernière publicité à la con. Vêtu d’un costume sur mesure et d’une cravate
qui valent plus que ce que la plupart des gens gagnent en un mois, il sourit
comme si on venait de lui annoncer qu’il avait gagné au loto.
— Si vous ou vos proches avez besoin du soutien individuel d’un
professionnel de confiance, rejoignez-nous à Heartstone Therapy,
s’enthousiasme-t-il. Nous disposons de plus de quinze structures dans tout
le pays pour vous accueillir.
Conformément au scénario ringard, son nouveau fils, un enfant de deux
ans lui aussi nommé Hayden, court dans ses bras.
— Je t’aime, papa ! s’exclame le petit, la bouche pleine d’oursons rouges
en gélatine.
Par chance, l’écran passe sur une publicité pour une brosse à dents bien
plus divertissante.
Je trouve toujours tragiquement ironique le fait que mon père soit un
éminent thérapeute familial alors qu’il nous a abandonnés, ma mère et moi,
il y a des années. Que personne n’ait pris la peine de chercher au-delà des
apparences et de découvrir à quel point il est un imposteur.
Je parcours les chaînes et m’arrête sur un publireportage d’affaires. Au
moment où je sors mon carnet de notes, on sonne à la porte.
Je me dirige vers l’entrée et trouve Penelope qui se tient là, un énorme
sac de couchage dans les bras.
— Oui ?
— Est-ce que je peux dormir ici ce soir ?
— Pourquoi ?
— Parce que tu as une paire de bottes de compression que j’aime bien
utiliser le jeudi, explique-t-elle d’un air perplexe. Tu te rappelles ?
— Tu peux les prendre et rentrer chez toi, si tu veux.
— Non, ça me va.
Elle me contourne avant que j’aie le temps de dire quoi que ce soit
d’autre.
Comme d’habitude, elle s’installe sur mon canapé et glisse ses jambes
dans les bottes de compression. Comme instantanément emporté par ce qui
est devenu notre routine, je me rends dans la cuisine et lui prépare un shaker
de protéines à la vanille.
Je m’assieds à côté d’elle sur le canapé et elle se penche contre mon
torse.
— J’ai rencontré un mec super mignon au supermarché avant de venir,
déclare-t-elle en levant les yeux vers moi. Je crois que tu seras très fier de la
façon dont j’ai réussi à l’approcher.
— Je t’ai répété un nombre incalculable de fois de laisser le garçon venir
à toi.
— C’est ce que je voulais dire. Enfin, bref. Je me suis inspirée de ce qui
était écrit pour « Celui qui était timide » et je l’ai regardé droit dans les
yeux en souriant. Il lui a fallu un instant pour me demander mon numéro de
téléphone, mais on a vraiment bien accroché après ça.
Je l’écoute parler de ce type pendant une heure et me supplier de lui
donner des conseils, et je commence à me dire que mes pensées mal venues
sur le banc public ne voulaient probablement rien dire du tout.
C’est sûrement dans ma tête, tout ça.
Chapitre 33
Hayden
De nos jours…
Le diable était en train de préparer une pièce pour mon arrivée. Oubliez le
feu et le soufre ; mon châtiment serait une détonation nucléaire qui
laisserait un cratère de cinq mille mètres carrés en enfer.
Je ne pouvais pas m’empêcher de tomber amoureux de Penelope même si
je l’avais voulu et, à cet instant, je me moquais des répercussions et des
conséquences.
Nous nous approchions dangereusement de la frontière entre la folie et
l’imprudence, et nous nous montrions plus souvent en public sous les flashs
incessants des paparazzis. Cependant, ce n’était pas encore visible dans les
gros titres. L’attention des médias était encore tournée vers mes lettres
d’excuses et ils ne se doutaient toujours de rien.
— Est-ce que tu sais déjà ce que tu vas porter pour le combat de ton
frère ?
Je déposai un baiser dans la nuque de Penelope alors que nous étions
assis sur mon balcon.
— Non, mais maintenant que tu en parles, tu pourrais m’aider à choisir,
déclara-t-elle. J’ai mis plusieurs options dans mon sac l’autre jour, mais tu
peux d’abord décider de la lingerie que je porterai sous la robe.
— Tu n’as pas besoin de porter quoi que ce soit en dessous.
— On verra, s’amusa-t-elle. Va m’attendre dans le salon.
Je l’embrassai une fois encore, puis longeai le couloir. J’étais presque
arrivé au salon quand quelqu’un frappa à la porte.
Lawrence.
Je récupérai quelques lettres d’excuses sur ma table avant d’aller ouvrir
et, à la place, je me trouvai face à face avec Travis.
C’est quoi ce bordel ?
— Euh, salut.
— Euh, salut ? répéta-t-il en riant. C’est tout l’effet que je te fais ?
— Tu ne devrais pas être à Vegas ?
— Mon avion décolle dans quelques heures, expliqua-t-il avant de lever
devant lui une bouteille de champagne à mille dollars. Je n’ai pas le droit de
passer boire une coupe de champagne avec toi pour fêter ça ?
— Le combat n’a pas encore eu lieu.
— Je connais déjà les résultats.
Je résistai à l’envie de lever les yeux au ciel et le fis entrer. Puis,
j’envoyai rapidement un message à Penelope.
Penelope
De nos jours…
***
Plus tard cet après-midi-là, je déclinai la proposition d’Hayden de nous
retrouver à l’aquarium.
Lorsqu’il me demanda d’aller déjeuner avec lui dans l’après-midi à
l’Aria, je refusai et me mordis les doigts chaque seconde d’avoir accepté de
regarder une émission de cosplay de trois heures avec Tatiana à la place.
Quand je rejoignis ma suite, il était un peu plus de minuit et il
m’attendait, assis sur le canapé.
— Je ne me rappelle pas t’avoir donné le double de clé de ma chambre,
déclarai-je en laissant tomber mon sac à main par terre.
— Je l’ai prise pendant le brunch, répondit-il en souriant. Est-ce que tu
passes un bon moment à Vegas, jusqu’ici ?
— Oui. Et toi ?
— Pas vraiment. Ma meilleure amie m’évite pour une raison que j’ignore.
— Tu crois ça ? Ce n’est pas du tout mon impression. Je pense que tu te
fais des idées.
— Non.
Sans me quitter des yeux, il avança vers moi.
— Est-ce que tu as l’intention de te comporter bizarrement avec moi
pendant tout le week-end ? demanda-t-il.
— Je ne me comporte pas du tout bizarrement.
— Tu n’es pas venue dans ma chambre une seule fois. Et pendant le
brunch, je t’ai vu écrire des brouillons de messages d’excuses que tu
comptes m’envoyer cette semaine.
— Est-ce que c’est pour ça que tu m’as doigtée sous la table ?
— Je l’ai fait pour t’aider à te détendre. Et aussi parce que j’adore ton
visage quand tu jouis pour moi.
— Eh bien… commençai-je en sentant mes joues s’empourprer. Je suis
désolée que tu trouves que mon comportement est étrange. On peut monter
dans ta chambre immédiatement, si tu veux.
— Non, pas la peine, objecta-t-il en se rapprochant encore. La tienne fera
l’affaire. Dis-moi ce qui ne va pas.
— Ce n’est rien.
— Je te connais, Penelope.
Il plongea son regard dans le mien comme lui seul savait le faire, puis
ajouta :
— Explique-moi.
— Il y a deux choses.
— Commence par la première.
— Je crois que mon frère serait vraiment capable de te tuer s’il découvrait
que l’on sort ensemble.
— C’est un fait que nous avons déjà établi, répliqua-t-il avec un sourire
en coin. Est-ce que je peux compter sur toi pour m’organiser de belles
funérailles ?
— As-tu un thème de couleurs en tête ?
— Blanc et bleu ciel.
— C’est noté.
Je souris.
— Quelle est l’autre chose ?
— C’est idiot. Cela ne vaut même pas la peine d’en parler.
— Dis-moi.
— Je ne suis pas montée dans ta chambre parce qu’il y a des paparazzis
qui gardent les foutus ascenseurs. Ils crient des rumeurs à la cantonade dans
l’espoir d’obtenir le moindre commentaire et de photographier quiconque
osera se rendre dans la suite du dernier étage.
— Quel est le rapport avec nous deux ?
— Avant, leur présence ne m’avait jamais dérangée, mais à présent, je ne
sais pas pourquoi, mais je ne suis pas à l’aise.
Les mots se déversèrent avant que je n’aie eu le temps de réfléchir.
— Je veux dire, ils ne racontent rien que tu ne m’aies déjà dit, poursuivis-
je. Mais j’ai horreur qu’ils les crient à qui veut les entendre.
— Moi aussi, répondit Hayden avant de glisser quelques mèches de mes
cheveux derrière mon oreille. Mais cela fait partie du passé, Pen. Et tu sais
que le pire de tout ça s’est produit à l’époque où nous n’étions pas amis.
— Oui.
— Tu sais que lorsque nous aurons officialisé notre relation, ils
continueront à faire ce genre de choses, pas vrai ?
Je ne répondis rien.
— Tu devras continuer à les ignorer, comme tu le faisais avant que nous
soyons ensemble.
Il m’embrassa, puis murmura :
— Rien n’a changé.
— Quand nous étions tous les deux ici l’année dernière, je ne suis
pratiquement pas venue dans ta chambre et ce n’était pas un problème,
répliquai-je. Les choses ont changé.
— Pour le mieux.
Il me regarda dans les yeux.
— Du moins, c’est ce que je pense, reprit-il. Je crois que tu as besoin de
te concentrer sur quelque chose de bien plus divertissant le temps que nous
sommes ici.
— Quelque chose comme quoi ?
Il ne me répondit pas.
Il posa sa bouche sur la mienne et m’embrassa passionnément, me faisant
oublier mes inquiétudes sans importance à mesure que sa langue prenait
possession de la mienne.
Puis, il interrompit notre baiser et s’adossa contre le mur. Son regard
plongé dans le mien, il sourit.
— Voyons si tu peux me prendre tout entier dans ta bouche, comme tu
m’en parlais auparavant.
Je déglutis et il saisit une poignée de mes cheveux, avant de m’embrasser
de nouveau et de murmurer :
— Mets-toi à genoux.
Je m’exécutai et m’agenouillai sur la moquette rouge et moelleuse de la
chambre d’hôtel.
Il ne relâcha pas mes cheveux et, au contraire, resserra son emprise.
— Sors ma queue.
Je défis la boucle de sa ceinture que je fis glisser le long de sa taille, avant
de la laisser tomber par terre.
Tout en déboutonnant son pantalon à l’aide de mes mains, je me penchai
en avant et coinçai la tirette de sa fermeture éclair entre mes dents pour la
tirer vers le bas.
Tandis que je prenais mon temps et le regardais, il m’observait.
— Merde…
Il semblait impressionné.
Je glissai mes doigts dans le haut de son caleçon et le baissai jusqu’à me
trouver face à face avec son membre épais.
J’embrassai son gland en décrivant tout autour des cercles avec ma
langue. Tout en utilisant ma main pour l’astiquer de haut en bas, j’observai
la veine qui gonflait sous mes caresses.
— Continue à me regarder, souffla-t-il. Je veux voir ton regard pendant
que tu me prends au fond de ta gorge.
Je levai les yeux vers lui et ouvris la bouche aussi grand que j’en étais
capable. Puis je le pris, centimètre par centimètre, tout en écartant ma
langue tandis que je m’habituais progressivement à la taille de son membre.
Je le suçai avec envie et reculai légèrement, prenant mon temps pour faire
entrer quelques centimètres supplémentaires.
Sans prévenir, il guida doucement ma tête vers l’avant, puis vers l’arrière.
Vers l’avant, puis vers l’arrière.
— Comme ça, murmura-t-il sans me quitter des yeux. Comme si tu savais
qu’il n’y avait pas meilleur endroit pour ma queue que ta bouche toute
chaude.
Je ne pouvais même pas hocher la tête.
Son membre prenait trop de place dans ma bouche.
Je posai mes mains sur ses cuisses pour garder l’équilibre, puis
commençai lentement mes va-et-vient à mon propre rythme. Bientôt, il
n’eut plus besoin de me guider.
— Merde… grogna-t-il alors que je le prenais plus vite et plus
profondément dans ma bouche.
Entre chaque va-et-vient, je le caressais de ma main droite.
Sa respiration se fit plus lente et je sentis son corps se tendre contre moi.
Ses yeux toujours plongés dans les miens, il murmura :
— Laisse-moi jouir dans ta bouche.
J’acquiesçai du regard et il me saisit de nouveau par les cheveux. Je pris
son membre au fond de ma gorge, aussi profondément que j’en étais
capable, et je sentis immédiatement sa semence chaude qui franchissait mes
lèvres.
Je m’immobilisai en gardant le jus salé dans ma bouche.
Puis l’avalai.
Tout en me souriant, Hayden me prit les mains et m’aida à me relever. Il
m’embrassa sur la joue et me plaça sur le lit en laissant pendre mes jambes
dans le vide.
— Permets-moi de me venger, maintenant, déclara-t-il en déposant un
baiser sur ma cuisse.
Il glissa sa main entre mes jambes et se mit à décrire des cercles avec son
pouce autour de mon clitoris.
— Attends ! m’écriai-je en me redressant.
— Qu’y a-t-il ?
L’air parfaitement serein, il déposa un autre baiser sur mon épaule.
— Je crois que nous devrions nous habiller et poursuivre ce que nous
avons commencé dans ta suite.
Un sourire se dessina sur ses lèvres.
— Et pourquoi donc, Penelope ?
— Parce qu’il y a des agents de sécurité de mon frère dans les chambres
voisines et qu’ils risqueraient de nous entendre.
— Dans ce cas, essaye de ne pas crier.
Il me repoussa contre le matelas, et je devins impuissante sous les talents
de sa bouche.
Penelope
De nos jours…
Las Vegas, dans le Nevada
— Est-ce que c’est moi ou bien ton frère semble un peu plus psychotique
que d’habitude ? murmura Tatiana, qui était assise à ma gauche. On dirait
que quelque chose ne va pas.
Je relevai la tête et aperçus Travis qui dansait dans son coin du ring.
— Je ne vois rien de différent, répondis-je en remarquant dans son regard
la même flamme que lorsqu’il avait seize ans. Il a l’air concentré.
— Si tu le dis.
Elle haussa les épaules, puis reprit :
— Au fait, un tout nouveau portant de vêtements haute couture a été livré
dans notre suite hier soir. Mais étant donné que tu n’étais pas là et que ton
petit ami peut se permettre de t’en racheter un, je vais garder celui-là pour
moi.
Je ris.
— C’est noté.
— Mesdames et messieurs ! s’écria le commentateur, qui se trouvait au
centre de l’octogone, dans son micro. Bienvenue au combat numéro mille
deux cent vingt-quatre de l’UFC, qui oppose Travis Carter « le Punisseur »,
le champion invaincu et incontesté en poids welter, et son challengeur,
Christopher Juarez, « l’Œil Rouge » !
Les cris de la foule emplirent le stade. Les spots au-dessus de nos têtes se
mirent à lancer des faisceaux bleus et rouges.
— Le combat dure cinq rounds, poursuivit l’homme. S’il n’y a pas de K.-
O. technique, le vainqueur sera désigné par les juges. Messieurs, si vous
souhaitez taper dans les gants de votre adversaire en signe de respect, c’est
le moment.
Travis ne bougea pas d’un cil.
Le présentateur sembla surpris, mais il reporta son attention sur la foule.
— Que le combat commence !
L’arbitre entra dans l’octogone pour passer une dernière fois en revue le
règlement et je me préparai à assister à une série d’assauts brutaux et
ininterrompus.
Mon frère attaqua Juarez à la seconde où la cloche sonna et le cogna
directement au visage.
Mais son adversaire ne flancha pas.
Il le frappa aux épaules en lui donnant des coups de pied dans les jambes
quand il ne parvenait pas à se rapprocher suffisamment.
Un sourire jubilatoire se dessina sur le visage de Travis alors qu’il
donnait à Juarez un coup de poing à la gorge pile au moment où le premier
round touchait à sa fin.
— Je voudrais bien qu’il prenne sa retraite, chuchotai-je à l’oreille de
Tatiana tandis que la foule rugissait.
— Je ne comprends pas pourquoi, répondit-elle en penchant légèrement
la tête sur le côté. Je retire ce que je t’ai dit sur lui. Ton frère est
incroyablement sexy.
— Ne m’adresse plus jamais la parole.
Elle rit.
— Je ne fais que constater. Est-ce que tu sais s’il a des dick pics qui
traînent sur Internet ?
Je déglutis pour réprimer un relent de dégoût.
La cloche sonna pour le début du deuxième round et je me penchai contre
l’épaule d’Hayden.
Il sourit et prit ma main.
Mon frère enchaînait les feintes et les esquives afin d’éviter les tentatives
de Juarez pour le toucher, mais un coup de poing du gauche finit par atterrir
en plein sur son visage. Violemment.
Puis Juarez lui en assena un autre.
Et un autre.
La foule laissa échapper un cri de stupeur tandis que Travis reculait en
titubant.
Je me levai d’un bond au moment où sa tête heurta le sol de l’octogone
dans un ignoble bruit sourd. Du sang jaillissait de ses lèvres.
Juarez vint se placer au-dessus de lui et le frappa au visage à plusieurs
reprises, jusqu’à ce que l’arbitre le repousse et déclare le combat terminé.
Un silence abasourdi régnait dans le stade. Tous retenaient leur souffle
sans comprendre, quand des applaudissements déchaînés et tapageurs
s’élevèrent soudain parmi les fans.
Le vainqueur se pavana fièrement dans l’octogone en envoyant des
baisers à la foule.
Je sentis mon cœur se briser.
J’avais vu Travis vaincre ses adversaires les uns après les autres, mais pas
une fois n’avais-je été témoin de sa défaite.
En état de choc, je me précipitai vers le ring dans l’espoir qu’il bouge,
mais il était complètement inconscient.
Il perdait de plus en plus de sang.
Les médecins l’encerclèrent et je m’accrochai à la corde.
— Travis ! m’écriai-je plus fort. Travis, relève-toi !
— Ça va aller, Pen, intervint Hayden en posant sa main dans le creux de
mes reins. Viens.
Je hurlai tout de même le nom de mon frère une fois de plus car je voulais
rester le temps que les médecins l’aident à se remettre debout, mais Hayden
m’entraîna plus loin.
***
Plusieurs heures plus tard…
Hayden
Hayden
De nos jours…
« Hayden Hunter s’envole en jet privé avec une amie alors que le procès
contre Tinder s’intensifie »
« Hayden Hunter s’est-il moqué de nous avec ses excuses ? »
« Simon Gaines du fonds spéculatif Simon G. sur le gril pour fraude
présumée »
« Hayden Hunter aperçu dans un hôtel privé à Aspen avec une amie »
Chapitre 37
Hayden
De nos jours…
Pourquoi est-ce que nous n’avons pas sauté le pas des années plus tôt ?
Sortir avec Penelope était la meilleure chose qui me soit jamais arrivée, et
je comprenais à présent pourquoi elle recherchait tant ce sentiment
d’euphorie.
Mes journées commençaient et se terminaient avec le goût de ses lèvres
sur les miennes, avec son rire contre mon torse et par des conversations que
je souhaitais ne jamais interrompre.
Nos promenades nocturnes dans Central Park commençaient doucement à
se répandre sur les sites de ragots peu consultés, avec des articles du genre «
Hayden Hunter sort-il avec sa meilleure amie ? » et « C’est moi, ou est-ce
qu’ils sont un peu trop proches sur ces photos ? », mais cela n’allait pas
plus loin.
Et honnêtement, je m’en fichais.
J’étais amoureux d’elle.
De temps à autre, elle disait encore « s’il te plaît, ne me fais jamais
souffrir » et « je n’ai personne d’autre à part toi » quand nos conversations
duraient un peu trop longtemps. Mais j’étais bien décidé à faire en sorte
qu’elle ne s’inquiète plus que nous nous séparions un jour.
Armé d’un bouquet de roses et d’une bouteille de vin, je descendis de ma
voiture et montai les marches du perron jusqu’à son appartement. Je ne
savais pas trop ce qui m’avait pris cette après-midi-là, mais je m’étais levé
au beau milieu d’une réunion et avais roulé tout droit vers son quartier.
J’entrai dans sa cuisine et sortis quelques verres de vin. Ensuite, je
m’assurai que le traiteur livre la nourriture avant qu’elle ne soit de retour de
la patinoire.
Alors que je rinçais les tiges des fleurs, Tatiana s’éclaircit la voix.
— Est-ce que tu veux te joindre à nous pour le dîner ? proposai-je. J’ai
commandé italien.
— Non, je passe mon tour. Je préférerais savoir comment tu fais pour te
regarder dans le miroir, bordel.
Son ton abrupt me fit me retourner.
— Je te demande pardon ?
— Tu m’as bien entendue, rétorqua-t-elle en me fusillant du regard
depuis l’autre côté de la pièce. Est-ce que ça te rend heureux de la tirer vers
le bas ? Est-ce que c’est un truc tordu pour prendre ton pied ?
Je crois que je te préférais quand tu détestais Penelope.
— Je n’ai aucune foutue idée de ce dont tu parles.
— Ça doit être chouette d’obtenir tout ce qu’on a toujours voulu dans la
vie, pas vrai ? poursuivit-elle, lancée dans sa conversation à sens unique.
J’imagine que tu n’as aucun remords parce que le monde t’a déroulé le tapis
rouge et que tu ne sais pas ce que ça fait qu’on te l’arrache de sous tes
pieds.
— Tu sais, je me souviens vaguement de toi agitant une batte de baseball
près des genoux de Penelope pour plaisanter, pendant une compétition, il y
a plusieurs années de cela. Est-ce qu’il faut que je retrouve la vidéo et que
je te fasse du chantage avec pour que tu recommences à parler comme une
personne normale ?
— Je suis sérieuse, espèce d’enfoiré.
Elle semblait sur le point de pleurer.
— Bora-Bora, Aspen, Hawaï, reprit-elle. Et puis quoi, ensuite ?
— La République dominicaine, répliquai-je en croisant les bras. Je t’ai
proposé de nous accompagner dans tous ces voyages.
— Oui, et tu as intentionnellement fait de petites allusions à ton gala en
disant que « vingt-sept, c’est quand même génial », je me trompe ? souffla-
t-elle avec dédain avant de secouer la tête. Je suis sûre que tu t’es dit que ce
serait une gentille et délicate attention. Alors, laisse-moi te poser une
question. Quand est-ce que Penelope est allée à la patinoire pour travailler
avec un client pour la dernière fois ?
Je haussai les épaules. Honnêtement, je ne me rappelais pas.
— Quand a-t-elle fait une prise de parole ou fait autre chose que voyager
et coucher avec toi pour la dernière fois ?
Je ne répondis rien, pas certain de comprendre où elle voulait en venir.
— Tu la connais mieux que je ne la connaîtrai jamais, et quiconque vous
a déjà vus ensemble le sait.
Des larmes coulèrent sur son visage.
— Alors je ne comprends pas pourquoi tu ne te rends même pas compte
que tu fais obstacle à ce pour quoi elle a travaillé toute sa vie.
— Tatiana…
— Toute sa vie, m’interrompit-elle. Je l’ai peut-être détestée pendant des
années, mais j’ai toujours eu du respect pour ce qu’elle essayait
d’accomplir. Et je crois qu’elle y serait parvenue si elle n’était pas tombée.
Mais aujourd’hui, elle a une chance d’y arriver, et elle laisse tout tomber
pour toi.
— Honnêtement, je suis foutrement perdu, déclarai-je. Peux-tu
m’expliquer de quoi tu parles ?
Elle se dirigea vers un tiroir et en sortit deux lettres qu’elle me tendit.
— Ce matin, j’ai reçu une lettre du président de l’Association de patinage
artistique des États-Unis m’annonçant que Penelope m’avait désignée à sa
place pour aller entraîner l’équipe américaine à Salt Lake City, en prévision
des Jeux olympiques d’hiver.
Je haussai les sourcils. Penelope ne m’avait jamais dit un mot à ce sujet,
et je refusais de croire que c’était la vérité.
J’ouvris la première lettre, celle qui était adressée à Tatiana.
« Vous nous avez été vivement recommandée par Penelope Carter… »
Je remis le papier dans l’enveloppe et ouvris la seconde.
Puis je retournai la lettre et constatai qu’elle l’avait reçue plusieurs
semaines auparavant. Le cachet de la poste datait des jours précédant mon
gala.
Elle ne m’en a jamais parlé.
— Elle visionne ses anciennes performances en secret tous les soirs,
reprit Tatiana. Enfin, c’est ce qu’elle faisait avant de passer son temps à
voyager avec toi. Je ne vis pas avec elle depuis très longtemps, mais je n’ai
jamais vu quelqu’un regarder toutes ses prestations parfaites et dire : «
Dommage que je n’aie jamais battu le record de ma mère comme je l’avais
promis. J’aurais tellement aimé pouvoir le faire… » Et ensuite, elle se met à
pleurer comme si sa carrière n’était qu’un foutu échec.
Je soupirai.
Je savais qu’elle pleurait toujours de temps à autre, surtout avec moi,
mais j’ignorais que c’était récurrent au point où quelqu’un qui venait
d’entrer dans sa vie l’ait remarqué.
— Je n’étais pas au courant, expliquai-je en reposant les lettres. Vraiment,
je l’ignorais.
— Eh bien, maintenant, tu le sais, répondit Tatiana en haussant les
épaules. Je suis sûre qu’en tant que meilleur ami… enfin, petit ami, tu lui en
parleras ? Pour qu’elle change d’avis ?
La jeune femme quitta la pièce sans ajouter un mot et je pris mon
téléphone.
Je m’apprêtais à appeler Penelope, mais constatai qu’elle m’avait devancé
avec des messages.
Hayden
De nos jours…
Penelope
De nos jours…
***
Plus tard ce soir-là, la culpabilité prit le dessus sur mes émotions, me
fendant le cœur un peu plus à chaque seconde.
Je ne pouvais pas m’empêcher de repenser aux longues semaines par le
passé où je n’étais autorisée à lui envoyer des messages ou des e-mails que
si certaines audiences ou dépositions traînaient en longueur.
Par ailleurs, il n’avait pas dit « Séparons-nous », ni quoi que ce soit de la
sorte.
Je réagissais de façon excessive, et c’était certainement lié au fait que
l’Association de patinage artistique des États-Unis avait dû recevoir ma
lettre de refus à l’heure où je parlais.
Je n’assumais pas d’avoir dit non, et je me défoulais sur Hayden.
Je laissai échapper un soupir et descendis jusqu’à son nom dans mes
contacts. Je commençais à écrire un message quand la culpabilité se
transforma soudain en méfiance.
Quelque chose me poussa à taper son nom sur Internet pour voir de quels
« nouveaux gros titres ridicules » il parlait.
À la seconde où les résultats apparurent, je sentis le sol se dérober sous
mes pieds.
Penelope
De nos jours…
***
Après avoir passé trois jours à pleurer, j’appelai l’Association de patinage
artistique des États-Unis et suppliai que l’on me passe Deborah.
Il fallait que je me concentre sur autre chose qu’Hayden et, de toute
façon, je n’aurais jamais dû refuser cette offre.
— Oui, mademoiselle Carter ?
Elle prit la ligne au bout de quelques minutes.
— Je souhaiterais annuler ma lettre de refus. J’aimerais beaucoup
entraîner Katie Folds et être éligible pour la médaille.
— C’est bien ce que je pensais, répondit-elle avec un sourire dans la voix.
Je vais demander à notre responsable de vous réserver un vol, ainsi que de
vous trouver un logement pour les trois mois obligatoires. Désirez-vous
rejoindre le centre à la fin du mois ?
— Non, j’aimerais venir dès que possible.
— Ce week-end ou le week-end suivant ?
— Ce week-end.
Quelques minutes plus tard, un billet d’avion en première classe pour Salt
Lake City ce vendredi arriva sur ma messagerie, ainsi qu’une réservation
pour une suite dans le centre d’entraînement privé.
Je n’en parlai à personne.
J’avais bien trop mal.
Par dépit, je supprimai Cinder de mon téléphone et téléchargeai Tinder.
Puis je me fis le serment de ne plus jamais laisser Hayden me faire
souffrir.
J’aurais déjà dû m’en douter la première fois. Du moins, si j’en croyais
les souvenirs qui commençaient à me revenir.
Rupture no 16
Celui qui avait commencé la guerre froide
Penelope
À l’époque…
« Vous vivrez votre plus belle histoire d’amour avec votre meilleur ami. »
Le biscuit chinois ne m’apprend rien que je ne sache déjà.
Je suis en train de tomber amoureuse de Hayden Hunter.
À tel point que je m’invente parfois des problèmes uniquement pour
pouvoir l’appeler le soir. À tel point que je mens en disant qu’il me faut
quelque chose au supermarché en fin de journée pour que nous passions
plus de temps ensemble.
Dans mon esprit, tout est clair : il est celui avec qui je passe le plus de
temps, il s’assied au premier rang à toutes mes compétitions et il me connaît
mieux que quiconque.
Compte tenu de notre différence d’âge de six ans, je sais qu’il répondra
probablement « Hors de question, Pen », mais j’espère qu’il poursuivra
avec un « On essayera quand tu auras tes vingt-huit médailles, ou bien
quand ton frère sera enfermé dans un asile. Peu importe dans quel ordre ».
Pour moi, c’est plus d’espoir qu’il n’en faut, plus que suffisant pour que
je quitte mon petit ami pour lui. Même si je dois attendre des années.
— Montre-moi ce que tu as eu dans ton biscuit chinois, bébé.
Tim Lassing, mon petit ami « bouche-trou » du moment, me prend le petit
papier des mains.
Je sors uniquement avec lui parce qu’il me fait penser à Hayden et qu’il
use de la même conscience professionnelle pour concevoir son application
de rencontres.
Mais il n’est pas Hayden.
— Eh bien, c’est le destin, alors, s’enthousiasme Tim en lisant le mot.
Nous sommes sur la bonne voie, toi et moi.
C’est ça.
Dans la voiture, sur le chemin du retour, mon téléphone vibre et je reçois
un message.
***
Mon cœur bat la chamade alors que j’attends devant l’entrée du cinéma.
Habillée comme pour un rencard, je porte un haut rouge sexy et un jean
moulant, assortis de chaussures à talons couleur chair.
Quand je m’aventure à l’intérieur, j’aperçois Hayden qui serre la main du
responsable en riant.
Il commence à avancer vers moi, puis s’immobilise.
Pendant un instant, je crois qu’il m’observe avec envie, mais je balaye
cette pensée d’un revers de main en m’approchant de lui.
— Salut.
— Salut. De quoi voulais-tu me parler ?
Il sourit et mon cœur bondit dans ma poitrine.
— Je crois que je suis en train de tomber amoureuse.
— Tu veux dire, de Tim ?
Non, de toi.
— En fait, je voudrais lui avouer, mais j’ignore comment m’y prendre.
Cela pourrait tout faire foirer, parce qu’il y a beaucoup d’enjeux pour lui en
ce moment, mais j’ai le sentiment que c’est le bon.
— Le bon quoi ?
— Le bon, c’est tout.
— Hmm…
Hayden glisse quelques mèches de cheveux derrière mon oreille en me
regardant dans les yeux.
— Eh bien, dans ce cas, tu devrais lui dire la vérité, me conseille-t-il. Il
serait fou de ne pas ressentir la même chose.
— Même s’il a six ans de plus que moi ?
— Si ses intentions sont bonnes, je ne vois pas le problème, déclare-t-il
en faisant un pas en arrière. Bon, ton frère ne sera probablement pas
d’accord, alors tu devras faire profil bas pendant encore deux ans avant de
lui annoncer quoi que ce soit. Tu dois aussi t’assurer que ce garçon ne
détourne pas ton attention de ton objectif professionnel ultime. Vingt-huit
médailles, pas vrai ?
— Quand je suis avec lui, je me fiche de tous ces trucs.
— De tous ces trucs ? répéta mon ami d’un air perplexe. Tu veux dire, ce
pour quoi tu as travaillé toute ta vie ? C’est bien plus que des trucs,
Penelope.
— Je sais, mais…
— Ne laisse pas un mec te détourner de tes rêves, m’interrompit Hayden.
Aucun homme n’en vaut la peine, peu importe qui il est.
Je le fixe du regard et sens mon cœur battre à un rythme qui m’est
inconnu. J’ai les mots sur le bout de la langue.
Lance-toi. Dis : « Je t’aime, Hayden Hunter » et embrasse-le.
Maintenant.
— Penelope ?
La voix de Tim me tire de mes pensées et je me tourne vers l’autre bout
du hall.
— Salut.
Je m’écarte d’Hayden et souris à mon petit ami.
Celui-ci s’approche, et nous observe tour à tour.
— Est-ce que je dérange ?
— Non, intervint mon meilleur ami. J’étais en train de dire à Penelope
que j’avais un investisseur pour mon application. Il voudrait que je
déménage, et je suis en train d’y réfléchir.
Quoi ?
J’ai l’impression que la Terre s’est arrêtée de tourner et je lève les yeux
vers Hayden, complètement incrédule.
— Tu ne m’as pas dit ça.
— J’étais sur le point de le faire.
— Oh, s’exclame Tim. Société d’investissement ou investisseur privé ?
— Privé, du moins pour l’instant.
Mon meilleur ami sourit, puis se tourne vers moi.
— Je me suis dit qu’il était temps pour moi de faire des projets d’avenir.
De toute façon, je crois que Travis sera d’accord pour que j’arrête enfin de
m’occuper de sa petite sœur.
— Eh bien, félicitations, déclara mon petit ami. J’ai hâte de rivaliser avec
toi, plus tard.
— De même, répondit Hayden en lui serrant la main. Je suis sûr que nos
chemins se recroiseront un jour.
— Viens, Pen, j’ai acheté des billets pour The Tracy Show, déclare Tim
en passant son bras autour de mes épaules avant de m’éloigner d’Hayden.
Il me faut tous les efforts du monde pour ne pas lancer un regard par-
dessus mon épaule, pour ne pas revenir vers mon meilleur ami en courant
pour lui dire ce que je ressens, mais la blessure de ses mots persiste.
Que j’arrête enfin de m’occuper de sa petite sœur ?
Rupture no 16 bis
Celui qui avait commencé la guerre froide
Penelope
***
En arrivant, je me retrouve face à un panneau « À vendre » posé sur
l’herbe.
Un papier jaune vif est également accroché à sa porte.
***
Une demi-heure plus tard, je me fraye un chemin à travers la foule de
l’aéroport international de Seattle, à la recherche d’Hayden.
Deux portes d’embarquement plus tard, je l’aperçois assis dans un
Starbucks.
— Hayden…
Je me plante devant lui.
— Bon sang, Hayden, qu’est-ce que tu fais ?
— Je vais à New York. Je t’ai dit que je partais.
— Non, tu as dit que tu y réfléchissais. En principe, tu m’appelles pour
me parler des décisions importantes avant de te précipiter, parce qu’elles
ont aussi un impact sur moi.
Il m’observe avec le regard vide, comme si je parlais une langue
étrangère.
— Alors tu t’en vas, comme ça ? demandé-je d’une voix brisée. Quand
comptais-tu me le dire ?
— Je n’en avais pas l’intention.
— Pourquoi ?
— Tu n’avais pas besoin de le savoir. Il s’agit de ma vie.
— Quoi ? m’écrié-je en le poussant d’une main sur le torse. Il s’agit aussi
de ma vie. Tu es mon meilleur ami.
— Nous serons toujours amis, Penelope.
Son regard est froid et le ton de sa voix, monocorde. Il n’a plus rien de
l’homme avec qui je discutais au cinéma l’autre jour ; plus rien de l’homme
qui est devenu mon principal soutien.
— Pourquoi est-ce que tu te comportes comme ça avec moi, Hayden ?
demandé-je en sentant les larmes me picoter les yeux. Pourquoi est-ce que
tu m’abandonnes ?
— Je ne me comporte d’aucune façon en particulier avec toi, s’agace-t-il
en me saisissant par les poignets pour me maintenir immobile. J’ai du retard
sur mon application, et je suis à court d’argent et d’investisseurs qui veulent
bien m’aider à l’améliorer. Je suis dans l’impasse.
— À tel point que tu es incapable d’en discuter avec moi ? répliqué-je en
sentant mon cœur se serrer. Dis-moi la vérité, Hayden.
— Je dois partir pour travailler sur mon application, persiste-t-il. Il n’y a
rien à dire de plus.
— As-tu l’intention de revenir ?
— Je ne vois pas ce qui m’y oblige.
Il hausse les épaules, puis ajoute :
— Tu t’en sors très bien toute seule, maintenant. Je continuerai de
t’appeler et de t’envoyer des messages, bien sûr.
— Bien sûr.
Des larmes coulent sur mes joues.
— Tu te comportes comme un enfoiré, Hayden.
— Je te demande pardon ?
— Tu disais que tu serais toujours là pour moi.
— Je le serai toujours.
— Dans ce cas, t’excuser pour m’avoir prise de court avec ton départ
serait un bon début.
— Les excuses ne changent rien, Pen. Elles ne font que confirmer ce que
l’on sait déjà.
— D’accord, soufflé-je avec dédain en reculant d’un pas. Eh bien, je te
confirme que tu peux aller te faire foutre. Va bien te faire foutre.
— Penelope, ne le prends pas comme ça.
— Toi et Travis êtes les enfoirés les plus égoïstes sur Terre. Vous ne
pensez qu’à vous-mêmes.
— Pen…
— J’espère que tu vas te planter, craché-je sans en penser un mot.
J’espère que tu vas faire faillite et que tu ne te feras aucun ami, car tu ne
mérites pas d’en avoir, bordel.
Il ne montre toujours pas la moindre émotion humaine et je ne peux pas
supporter de l’avoir en face de moi une seconde de plus. J’arrache la chaîne
en argent qu’il m’a offerte à Sotchi, celle que je porte tous les jours depuis
qu’il me l’a donnée, et la lui jette au visage.
— Je ne veux plus jamais entendre parler de toi.
Je tourne les talons sans ajouter un mot et laisse les larmes couler sur mes
joues.
C’est douloureux de savoir que mon amour pour lui n’est pas réciproque,
mais au fond de moi, je sais qu’il en sera toujours ainsi. Mieux vaut lever
l’ancre et couper la chaîne pour voguer vers d’autres horizons où l’on
voudra de moi.
Je sais qu’il n’a jamais été mon petit ami, mais « rompre » avec lui est
plus douloureux que toutes mes autres ruptures réunies.
Rupture no 16 ter
Celui qui avait commencé la guerre froide
Penelope
Hayden
De nos jours…
Hayden
Hayden
De nos jours…
Penelope
De nos jours…
Salt Lake City, dans l’Utah
Penelope
De nos jours…
Hayden
De nos jours…
Pilote Nav : Je ne peux pas vous emmener dans l’Utah tant qu’un
médecin ne vous a pas donné le feu vert, monsieur.
Pilote Joel : Vous m’avez posé la question vingt fois aujourd’hui,
monsieur. Il vous faut l’autorisation de votre médecin.
Docteur Murray : J’ai appelé tous les aéroports privés et les syndicats
de pilotes, et j’ai signalé aux compagnies aériennes que vous comportiez un
risque pour la sécurité. Vous avez encore deux semaines de convalescence,
monsieur Hunter. Soyez patient.
Hayden
À l’époque…
Penelope (trop jeune pour toi) : Salut. Merci pour les shakers de
protéines et les manchons de compression supplémentaires que tu m’as
envoyés hier. Ça m’a fait plaisir.
Moi : De rien. Tu fais quoi ce soir ?
Penelope (trop jeune pour toi) : Rien. Tu veux passer à la maison ?
Moi : Je suis là dans dix minutes.
***
En arrivant devant chez Penelope, je prends une grande inspiration et
cherche le meilleur moyen d’aborder la situation.
Tout comme moi, elle a des rêves à accomplir et je ne veux pas être un
obstacle.
Mais je suis aussi égoïste et je veux qu’elle ne sorte avec personne
d’autre.
Même pas avec Tim, seulement avec moi.
Je trouverai un moyen.
Je sors de ma voiture et frappe à la porte.
Cependant, ce n’est pas Penelope qui vient m’ouvrir. Mais Tim.
C’est quoi cette histoire ?
— Salut, Hayden, dit-il en souriant. Content de te voir.
Comme s’il lisait l’expression d’incompréhension sur mon visage, il
s’éclaircit la gorge, puis ajoute :
— Une conduite d’eau a explosé dans ma maison il y a une heure, alors je
me suis dit que je pourrais loger chez ma copine pendant quelques jours, le
temps des réparations. C’est à cela que servent les petites amies, pas vrai ?
— Tout à fait.
J’entre et constate que le salon de Penelope est rempli des affaires de
Tim. Je lève les yeux au ciel en partant à sa recherche, et la trouve dans
l’ancienne bibliothèque de sa mère.
— Est-ce que Tim t’emmène toujours camper ce week-end ? m’informé-
je, ne sachant quoi dire d’autre.
— Oui, sauf si…
— Sauf si quoi ?
Elle ne me répond pas.
— Est-ce que tu pensais ce que tu m’as dit au cinéma l’autre jour ?
demandé-je.
— Oui, acquiesce-t-elle avec un hochement de tête. Je pensais chaque
mot. Je l’aime vraiment.
Ma poitrine se serre en l’entendant renouveler ses sentiments pour Tim.
Ce que je lis dans les yeux de Penelope lui est indéniablement destiné.
— Dans ce cas, ne précipite pas les choses avec lui, déclaré-je en baissant
les armes. Assure-toi qu’il est tout ce que tu désires avant de franchir la
ligne.
— Il l’est. Je voudrais seulement qu’il le voie.
Elle me serre contre elle plus longuement que d’ordinaire et je lui caresse
doucement le dos.
Nous nous écartons lentement l’un de l’autre et nous fixons mutuellement
du regard.
Et puis, merde. Dis-lui que sa place est avec toi. Au diable les
conséquences.
— Salut.
Tim entre dans la pièce avant que je ne puisse prononcer un mot.
— Je vous cherchais, tous les deux. Je viens de recevoir un e-mail du
Brick Oven, ils font une soirée pizzas gratuites. On y va ?
— Non, ce sera sans moi, refusé-je. De toute façon, je dois ramener des
trucs pour son frère tant que je suis là. Je ne vais pas vous déranger
longtemps.
— Je veux bien y aller, moi.
Penelope ne me quitte pas des yeux, mais passe son bras dans celui de
Tim.
— On ferait mieux de partir maintenant si on veut arriver avant qu’il n’y
en ait plus, poursuit-elle. Oh et, Hayden, peux-tu faire attention à bien
fermer la porte quand tu t’en iras ? Le chien de Tim est ici.
— Ce sera fait.
Je les observe par la fenêtre tandis qu’ils sortent de la maison et montent
dans le pick-up. Une fois qu’ils ont quitté l’allée et franchi le stop du
carrefour au bout de la rue, je m’autorise une visite privée des affaires de
Tim qui sont dans le salon.
Je me souviens que Penelope m’a expliqué qu’il développait lui aussi une
application de rencontres, mais à en croire ce qu’elle m’a dit, il a un peu
d’avance sur moi. Mon équipe est composée de sept personnes, alors qu’il
en compte vingt dans la sienne.
Je parcours ses dossiers, et hausse les sourcils en voyant ses idées pour le
logo et le nom.
Tinder ? Une flamme rouge ou rose vif comme logo ?
J’ouvre l’un des petits classeurs à tiroirs à côté de la table basse et
marque un temps d’arrêt. Il y a un tas de feuilles, toutes dégoulinantes de
lignes de codes. Entre les lignes, on peut lire : « Suggestions de
fonctionnalités et d’algorithmes. »
Je sais que je devrais les laisser là, à leur place, mais c’est plus fort que
moi.
Je photocopie tout dans la bibliothèque de Penelope et débranche
l’imprimante. Puis, juste parce qu’il a eu le culot de séduire ma meilleure
amie, je renverse toutes ses affaires avant de partir.
Rupture no 16,5 bis
Celui avec qui c’était impossible
Non, mieux…
Celui qui avait vraiment commencé la guerre froide
Hayden
À l’époque…
***
Une heure plus tard…
Hayden
Hayden
Plusieurs mois plus tard, je suis assis dans un bar de Soho pour regarder
Penelope concourir à Skate America. J’ai cloisonné mes sentiments et j’ai
mis tout ce que je ressentais jadis pour elle dans mon application de
rencontres fraîchement baptisée Cinder – oui, je sais que c’est mesquin de
l’avoir fait rimer avec Tinder, mais je ne me suis pas complètement
débarrassé de ma jalousie, et de toute façon, ce nom sonne mieux que
Tinder.
Hélas, presque toutes mes tentatives d’autopersuasion à base de « elle est
trop jeune pour toi », « cela ne fonctionnera jamais entre vous » et « c’est la
petite sœur de ton meilleur ami » ont fini par porter leurs fruits. J’ai
également réussi à laisser un psychiatre me convaincre que j’ai projeté sur
Penelope l’amour que je n’ai jamais pu donner à ma famille.
— Pouvez-vous monter un peu le son de la télé ? demandé-je au barman
au moment où le concours commence.
— Comme vous voulez.
— Mesdames et messieurs, bienvenue à Skate America ! annonce le
présentateur en souriant. Tout d’abord, au programme de ce soir, nous
accueillons la championne du monde en titre de patinage artistique en solo,
mademoiselle Penelope Carter !
J’observe mon amie faire son entrée sur la glace vêtue d’un costume bleu
éblouissant, et des émotions que je croyais disparues depuis longtemps
refont surface.
Il faut que je l’appelle après sa victoire, aujourd’hui. Nous devons mettre
un terme à cette guerre froide.
La musique se lance et elle capte l’attention de tous les occupants du bar.
De tous les spectateurs dans le stade.
Pendant la première minute, elle n’est que pure perfection, et les
commentateurs la donnent déjà vainqueure.
Elle dévie de son programme avec un quadruple Lutz qu’elle réalise sans
la moindre faute. Puis, elle enchaîne avec un deuxième.
Comme si elle avait quelque chose à prouver, elle tente avec succès
plusieurs triples salchows consécutifs, avant de se préparer à un quatrième
quadruple Lutz.
Elle s’élance dans les airs, mais cette fois, elle ne se réceptionne pas sur
ses patins.
Sa tête heurte le sol en premier.
Alors que son sang éclabousse la glace et que les commentateurs crient à
l’aide, je me lève d’un bond.
Des hurlements assourdissants et des pleurs emplissent le bar, et le
programme s’interrompt pour une courte page de publicité.
Sans réfléchir, je me précipite à l’aéroport et paye trois fois le prix d’un
billet d’avion de dernière minute pour Chicago.
***
— Il t’en a fallu du temps, ronchonne Travis en se levant au moment où
j’entre dans la salle d’attente.
— Comment va-t-elle ?
— Les jambes cassées, une fracture du poignet, du crâne et une perte de
mémoire sélective avec une désorientation temporo-spatiale. Ce doit être
seulement une amnésie à court terme, car elle se souvient parfaitement bien
de toutes mes infractions, explique-t-il en levant les yeux au ciel. Les
médecins affirment qu’elle sera vite sur pied, mais elle ne patinera plus
jamais. Ils disent que sa course aux vingt-huit médailles est officiellement
terminée.
— Je n’y crois pas.
— Moi non plus, soupire-t-il en me tapotant l’épaule. Je vais lui chercher
de quoi grignoter à la cafétéria. Tu veux quelque chose ?
— Non, merci.
Je longe le couloir et entre dans la chambre de Penelope. Je m’attendais à
la trouver endormie, mais elle est assise dans son lit.
Même la tête recouverte de bandages, elle est toujours renversante.
— Tu portes des costumes, maintenant, Hayden ? me taquine-t-elle en
souriant. Je te ferais bien un compliment sur ton apparence, mais je ne
voudrais pas gonfler ton ego. De plus, à en croire mon journal, je te déteste.
— Oh, ça oui.
Je ris et dépose un bouquet de fleurs sur la table.
— Avant toute chose, peux-tu me dire s’il neige en enfer ou bien si je suis
toujours dans le coma ?
— Pourquoi cette question ?
— J’ai eu une vision dans laquelle Tatiana Brave venait ici avec des
fleurs et pleurait comme si elle était affectée que je sois blessée. Je refuse
d’y croire.
— Hmm, voyons voir.
Je retourne les cartes de plusieurs bouquets, et m’arrête sur celle signée «
Ton ennemie jurée et deuxième meilleure patineuse au monde ».
— Elle est vraiment venue ici, déclaré-je.
Je prends la carte et m’éclaircis la voix.
Penelope,
Comment oses-tu te blesser quelques mois avant les championnats du
monde ?
Tu es totalement égoïste d’avoir tenté un quad supplémentaire alors que la
victoire t’était déjà assurée et je ne te le pardonnerai jamais DE LA VIE.
Je prie pour qu’un miracle se produise, car je veux te battre une bonne fois
pour toutes.
Bisous
(Ahah ! Je ne le pense pas, je n’ai simplement pas de correcteur :-/)
Tati
P.-S. Tu es la seule personne dans ce sport que j’ai toujours respectée à
cent pour cent, mais je te déteste quand même jusqu’à la moelle.
— Elle a tiré plusieurs traits sous ce mot et, en dessous, elle a écrit : «
Ton costume était nul à chier et j’ai hâte d’être la nouvelle numéro un. »
— Évidemment, souffle Penelope avec dédain. Bon sang, je la déteste
tellement.
— Non, c’est faux.
Je m’assieds au bord du lit, puis ajoute :
— Je crois que toi aussi, tu la respectes. En fait, je crois que vous vous
entendriez très bien toutes les deux, si vous n’étiez pas d’aussi féroces
compétitrices.
Elle ne répond pas à cela, mais son regard en dit long.
— Pourquoi est-ce que nous ne sommes pas amis, toi et moi ? demande-t-
elle.
— Probablement à cause de notre guerre froide.
— Une guerre froide que tu as commencée, à en croire ce que j’ai écrit,
déclare-t-elle en brandissant son journal intime.
— Je suis certain que ton point de vue sur ces derniers mois n’est pas
objectif.
Je retire ma veste.
— Pourquoi as-tu arrêté de me parler ? Est-ce que j’ai fait quelque
chose ?
— Non, lui assuré-je en secouant la tête. J’ai simplement été égoïste.
C’est tout.
— Égoïste à propos de quoi ?
Je ne réponds pas à cette question, mais demande :
— Es-tu toujours avec Tim ?
— Bon sang, qui est ce Tim ? s’exclame-t-elle en secouant la tête à son
tour. Tu es la deuxième personne à me poser la question aujourd’hui. Il ne
devait pas être si important, car il ne figure nulle part dans mon journal, et
je me souviens de tous les mecs avec qui je suis sortie depuis ton départ. Il
y a Jackson, Roger, Tate et Randall ; que des ruptures pour lesquelles tu
n’étais pas là.
— Je suis désolé. Est-ce que je vais devoir ramper pour être à nouveau
digne de ton amitié ?
— Tu en serais capable ?
— Oui.
— Dans ce cas, je vais faire une liste.
— Je la suivrai.
Elle déglutit.
— Tu m’as manqué, Hayden.
— Toi aussi.
Je désigne son journal intime.
— Est-ce qu’une de ces ruptures vaut la peine d’être racontée ?
— Eh bien, voyons cela. Il y a celui qui m’a volé ma voiture.
Elle tourne une page, puis reprend :
— Celui qui n’arrêtait pas de roter, celui qui m’a dit que j’en aimais un
autre, et celui qui a sorti sa queue au cinéma.
— J’aimerais que tu me les racontes toutes, sauf la dernière.
— Alors je vais devoir commencer par celle-là.
Elle rit et referme son journal d’un coup sec.
— Promets-moi quelque chose, déclare-t-elle.
— Oui ?
— La prochaine fois que je suis folle amoureuse d’un mec, si je ne suis
pas exactement la personne que je veux être et que ça commence à devenir
sérieux, dis-moi de rompre avec lui.
— Pourquoi diable te demanderais-je de faire une chose pareille ?
— Parce que j’ai remarqué un thème récurrent dans mon journal. Je veux
dire, à la fin de chaque histoire, je tire les mêmes conclusions et clairement,
je ne retiens jamais la leçon. Je mets de côté mes propres rêves pour
m’accrocher aux siens, ou bien j’essaye à tout prix de faire partie de son
monde, tout en sacrifiant mon univers.
— Alors, tu préfères repousser l’homme qui t’aime ?
— S’il m’aime, il comprendra.
— Cela n’a pas le moindre sens, Penelope.
— Promets-moi seulement que tu le feras, peu importe combien je
souffre. Tu me diras de me concentrer sur mes rêves et d’atteindre tous mes
objectifs avant de me lancer dans une relation très sérieuse.
— Même s’il t’aime vraiment ?
— Surtout s’il m’aime vraiment.
***
Après nous être raconté nos dernières aventures, elle s’endort. Le
lendemain soir, elle subit plusieurs opérations chirurgicales.
Puis de nouveau le jour suivant.
La mémoire lui revient par fragments sporadiques, mais jamais
entièrement. Et jamais vraiment dans l’ordre.
D’un côté, le fait qu’elle ne parvienne pas à se souvenir de Tim m’aide en
ce qui concerne Tinder. Je veux dire, Cinder. Mais de l’autre, je sais que si
nous devions un jour franchir la limite, elle serait incapable de voir que j’ai
fait exactement ce qu’elle m’a fait promettre.
Chapitre 45
Hayden
De nos jours…
Hayden
De nos jours…
Penelope
De nos jours…
Dès que j’eus atterri à New York, je pris un taxi pour me rendre à la
banque sur la Septième Avenue.
Puisque Travis avait fait tout un plat de ce compte bancaire, j’avais
décidé de retirer chaque centime qui s’y trouvait et d’utiliser cet argent pour
m’acheter un appartement.
Enfin, à supposer qu’il y ait assez sur le compte.
— Merci d’avoir appelé pour nous prévenir de votre arrivée,
mademoiselle Carter, me salua le directeur en me tendant sa main quand
j’entrai dans le bâtiment. Nous procédons encore à quelques formalités,
mais nous réglerons cela dans mon bureau.
— C’est parfait.
Je le suivis jusque dans une grande pièce où attendaient d’autres hommes
en costume.
Il me fit signe de m’asseoir.
— Juste pour confirmation : il y a quelques années, monsieur Carter a
transféré ce compte sur le marché monétaire. Puis il en a ouvert un autre à
votre nom et a pratiquement tout investi en achetant des actions chez
Cinder. Cela vous semble-t-il correct ?
Il ne m’en a jamais parlé.
— Tout à fait, acquiesçai-je avec un hochement de tête.
— D’accord, eh bien…
Il s’éclaircit la voix, puis reprit :
— Je vous conseille de demander plusieurs chèques de banque, mais je
me ferai un plaisir de placer votre capital comme il vous plaira. Comment
désirez-vous procéder ?
— Je voudrais la totalité en liquide, s’il vous plaît, déclarai-je en posant
mon sac sur son bureau. En billets de cent.
Il prit le sac et jeta un œil à l’intérieur.
— D’autres sacs vont-ils être livrés chez nous ?
— Non, répondis-je en haussant les épaules. Il n’y a que celui-là.
Le directeur se tourna vers son associé, avant de reporter son attention sur
moi.
— Mademoiselle Carter, commença-t-il en retirant lentement ses lunettes
de vue. À votre avis, combien y a-t-il sur ce compte ?
— Dans les cinquante mille, je dirais.
— S’il s’agissait de cinquante mille dollars, je ne serais pas venu vous
accueillir moi-même et vous seriez déjà partie.
Il se pencha vers moi, puis ajouta :
— Il y a sept millions de dollars.
Je restai bouche bée et sentis mon visage devenir très pâle.
— Je disais donc, reprit-il en me regardant, comment désirez-vous
procéder ?
— Par chèque de banque, répondis-je en entendant à peine le son de ma
propre voix. Mais seulement pour, euh… dix pour cent de la somme.
— C’est bien ce que je pensais.
Il se leva.
— Je reviens tout de suite, mademoiselle Carter.
Je me penchai en arrière dans ma chaise, complètement sonnée.
Je sortis mon téléphone pour enlever le mode sourdine de Travis et lui
envoyer un message de remerciement, mais il m’avait déjà écrit.
Plusieurs heures auparavant.
Hayden
De nos jours…
Penelope
De nos jours…
Manhattan, à New York
« Il m’a fallu tout ce temps pour comprendre que tout ce que j’avais
accompli avec Cinder, chaque décision que j’avais prise, c’était parce que
j’étais amoureux de ma meilleure amie et que je voulais qu’elle soit avec
moi et personne d’autre…
J’étais prêt à mentir, à tricher et à voler pour me venger de l’homme qui
l’avait éloignée de moi, du moins, c’est ce que je croyais à l’époque. »
Des larmes tombaient sur l’écran de mon téléphone tandis que je relisais
pour la énième fois la lettre d’Hayden dans le New Yorker. En révélant la
vérité à propos de Tinder, il avait dévoilé des fragments de notre histoire
que j’avais oubliés depuis longtemps et, tard dans la nuit, les mois qui
avaient précédé mon accident avaient défilé dans ma mémoire comme les
pages d’un roman.
Une image après l’autre, je m’étais revue voulant être avec Hayden, mais
sortant avec Tim par défaut, ignorant que mon meilleur ami ressentait la
même chose que moi.
J’avais désespérément envie de l’appeler et de lui donner rendez-vous
quelque part où nous pourrions parler, mais c’était impossible.
Les gros titres au sujet de sa liaison avec Anya interdisaient que nous
puissions un jour être à nouveau amis.
Nous pouvons faire une garde partagée et rien de plus.
— Hé ho, Penelope ?
La voix de Tatiana me tira de mes pensées.
— Il faut que tu sortes de la voiture maintenant, déclara-t-elle.
Je regardai à ma gauche et la vis qui tenait un parapluie devant la porte
ouverte du taxi.
— Oh, pardon.
Je descendis et me réfugiai sous le parapluie, puis refermai la portière.
— Je crois que c’est une bonne résidence, commenta-t-elle en penchant
légèrement la tête sur le côté. Ils proposent de nombreux services
intéressants et ce n’est pas très loin de deux patinoires. C’est aussi proche
de… enfin, euh…
— De Cinder, répondis-je à sa place. En cas de besoin.
— Oui, en cas de besoin, répéta-t-elle avant de glisser son bras sous le
mien pour me conduire à l’intérieur. Désolée d’avoir évoqué le sujet.
— Ne t’en fais pas.
Nous empruntâmes l’ascenseur jusqu’au dernier étage et nous
retrouvâmes au beau milieu d’une fête privée. Nous inscrivîmes nos noms
sur des badges, puis nous dirigeâmes vers le buffet gastronomique. De là où
nous nous trouvions, la vue sur Manhattan était imprenable.
Alors que je me servais quelque chose à boire, un courant électrique
familier me traversa le corps, une sensation de palpitation que je ne
ressentais que lorsque…
— Est-ce Hayden Hunter ?
— Oh bah ça alors, regarde !
— Tu crois qu’il vient pour tout acheter avant nous ?
Des murmures emplirent soudainement la pièce.
— Est-ce que tu veux t’en aller par l’ascenseur de derrière ? chuchota
Tatiana. Je peux participer aux enchères à ta place si tu n’as pas envie de
rester.
Oui.
— Non, répondis-je en secouant la tête. Ça va aller.
— Tu es sûre ?
Je hochai la tête et laissai échapper un soupir. Sans prêter attention aux
murmures, je repris une poignée de M&M’s et la déposai dans mon assiette.
Quand j’atteignis le bout du buffet, je cédai à la tentation et jetai un
rapide coup d’œil en direction d’Hayden.
Plus séduisant que jamais, il portait un tee-shirt noir avec un col en V qui
faisait ressortir ses muscles et un jean foncé. Il n’était toujours rien de
moins que la perfection même.
Ses yeux bleus se posèrent sur moi et j’essayai de détourner le regard, en
vain.
— Mesdames et messieurs, puis-je avoir votre attention, s’il vous plaît ?
demanda l’organisateur en tapant dans ses mains et en avançant au centre de
la pièce. Merci infiniment à tous d’être venus à notre journée portes
ouvertes. Veuillez me suivre dans le showroom où nous avons aménagé un
espace pour la vente aux enchères.
Les invités se dirigèrent vers la salle des ventes, mais je restai immobile.
Un homme qui semblait avoir quelques années de moins que moi
s’avança vers Hayden en tenant son téléphone au-dessus de lui.
— Vous êtes mon idole, déclara-t-il. Est-ce que je peux prendre un selfie
avec vous, s’il vous plaît ?
Hayden acquiesça d’un hochement de tête, mais il ne me quitta pas des
yeux. Il ne réagit même pas quand le jeune homme prit sa photo.
Tatiana s’approcha de moi dans mon dos.
— Est-ce que tu veux que je vous laisse seuls, tous les deux ?
— Non, reste s’il te plaît.
Hayden vint vers nous et s’arrêta juste devant moi.
— Tu es incroyablement belle, déclara-t-il d’une voix rauque.
Je ne répondis rien. Je me contentai de l’observer.
— Tu m’as manqué, reprit-il en me regardant dans les yeux. Je t’ai
appelée vingt fois par jour, j’ai laissé des messages et j’ai envoyé des fleurs.
J’ai acheté du temps de publicité pendant les émissions que tu regardes et
j’ai écrit une lettre dans le New Yorker.
Il marqua une pause.
— Tu n’as rien vu de tout cela ?
— Non, mentis-je en déglutissant, la gorge nouée. J’ai fait de mon mieux
pour suivre les conseils d’une certaine personne et tourner la page.
— As-tu réussi ?
— Pas encore.
Je sentis les larmes me piquer les yeux, mais refusai de les laisser couler.
— Toi aussi, tu es très séduisant, Hayden, repris-je. Je suis sûre qu’Anya
est très contente de se réveiller à côté de toi.
— Je ne te tromperais jamais, Penelope. Ces photos ne sont pas ce que tu
crois, mais quoiqu’il en soit, je n’aurais jamais dû te demander de mettre de
la distance entre nous. Je suis prêt à tout pour te récupérer et me faire
pardonner.
Il s’approcha encore, suffisamment pour que je sente l’odeur de son
parfum.
Nous restâmes plongés dans le regard l’un de l’autre pendant un moment,
tous les non-dits restant en suspens.
— Est-ce vraiment le genre d’appartement que tu as envie d’acheter ?
demanda-t-il enfin. Ce n’est pas ton style.
— J’ai l’intention de tout refaire. Je participe aux enchères à cause de
l’espace et des services, pour que…
— Pour que quoi ?
— J’avais prévu de t’appeler la semaine prochaine.
Je refusais d’aborder le sujet maintenant.
— J’ai quelque chose d’important à te dire, ajoutai-je.
— Je suis là, devant toi, s’impatienta Hayden en réduisant encore la
distance qui nous séparait. Ce n’est pas la peine d’attendre une semaine.
Il posa sa main sur ma joue, et une onde de chaleur me traversa le corps.
— Qu’est-ce qu’il se passe ? demanda-t-il.
— Veuillez noter vos initiales sur vos cartons pour le premier tour, s’il
vous plaît ! appela l’organisateur depuis la pièce adjacente. Vous être libre
de surenchérir, mais cela permettra au commissaire-priseur de ne pas
commettre d’erreur.
— Je dois y aller, déclarai-je. Je dois faire une offre sur celui-là.
— Sinon, tu peux me laisser te l’acheter, intervint Hayden en me prenant
les mains. J’ai besoin que tu m’écoutes maintenant, Pen. Il faut qu’on parle.
— C’est prévu, répliquai-je en reculant. La semaine prochaine.
Je m’éloignai avant qu’il n’ait eu le temps d’ajouter quoi que ce soit.
Nerveuse, je me munis d’une pancarte et d’un feutre. Puis je m’installai
au premier rang.
— Dans le premier lot, nous vous proposons quatre appartements
identiques à celui-ci, expliqua l’organisateur. Afin de commencer les
enchères, j’accueille maintenant…
— Si tu ne veux pas me parler en privé, je vais le faire en public.
Hayden apparut tout à coup devant moi, les sourcils froncés et la
mâchoire tendue.
— Monsieur, il s’agit d’une vente aux enchères, intervint l’organisateur
en s’éclaircissant la voix. Si vous désirez y participer, vous pouvez vous
inscrire et…
— Si tu crois que je serais seulement capable de te faire du mal après tout
ce que nous avons traversé ensemble, tu te trompes lourdement.
Les murmures emplirent la pièce, puis se turent pour faire place au
silence.
— Je refuse de passer un jour de plus sans que tu m’adresses la parole,
poursuivit-il d’une voix éraillée. Ce que je ressens pour toi, je ne l’ai jamais
ressenti pour personne, et tu es plus que ma meilleure amie, Penelope. Je
crois que tu as toujours été plus que ça.
Des larmes coulaient sur mes joues.
— Je suis amoureux de toi depuis ta quinzième rupture…
Il passa ses doigts dans mes cheveux.
— Je voulais que nous soyons ensemble à l’époque, mais je t’aimais
suffisamment pour vouloir que tu te concentres sur ta propre carrière…
Ma respiration ralentit.
— Je t’aime, et je sais que tu as lu ma lettre. Je le vois dans ton regard.
Mais juste pour que ce soit clair : je suis amoureux de toi, de toi tout
entière, et je ne te donnerai plus jamais de conseils pour séduire un autre
homme, car ta place est avec moi. Et si tu me laisses une seconde chance, tu
n’auras plus jamais à vivre une autre rupture.
Il régnait un tel silence dans la pièce qu’on aurait pu entendre une
mouche voler. Les mots que je voulais prononcer restaient piégés sur le
bout de ma langue.
Je sentais tous les regards braqués sur nous, me suppliant de lui donner
une réponse.
— Je t’en prie.
Hayden se pencha si près que nos lèvres se touchèrent presque.
— Accepte de me reprendre, Penelope.
Je déglutis.
— Je n’ai jamais voulu te donner un titre de rupture, déclarai-je enfin.
— Tu n’es pas obligée de le faire. Reviens.
— D’accord, sanglotai-je en hochant la tête tandis que d’autres larmes
coulaient sur mes joues.
— « D’accord » oui, ou « d’accord » tu vas y réfléchir ?
— « D’accord » oui. Et partons d’ici.
Il m’embrassa sans prêter la moindre attention aux autres invités, sans se
préoccuper de savoir s’ils filmaient la scène ou non.
— Tu m’as manqué, murmura-t-il.
Il glissa ses doigts dans mes cheveux tout en prenant possession de ma
bouche, ce qui me rappela à quel point lui aussi, il m’avait manqué.
Lorsque notre baiser s’interrompit enfin, quelques personnes dans
l’assistance applaudirent.
— Pouvez-vous ficher le camp tous les deux, maintenant ? ronchonna
l’organisateur. J’ai des appartements à vendre.
Nous rîmes et Hayden me prit par la main, avant de m’entraîner hors de
la salle. Il me conduisit jusqu’à l’ascenseur et posa de nouveau sa bouche
sur la mienne tandis que la cabine descendait les étages.
Quand nous arrivâmes au rez-de-chaussée, il me plaqua contre un mur et
m’embrassa avec une passion telle que je me fis la promesse de ne plus
jamais laisser passer autant de temps sans goûter à ses lèvres.
— Chez toi ou chez moi ? demanda-t-il.
— Chez toi.
— Excellent choix.
Il passa son bras autour de ma taille et me conduisit au bout de la rue
pour rejoindre sa voiture. Quand le premier paparazzi apparut devant nous,
il me serra plus fort contre lui.
Hayden déposa un baiser sur mon front sous les flashs invasifs de deux
autres photographes.
— Vous n’avez pas de parapluie avec ce temps ?
— Êtes-vous ensemble à présent ?
— Avez-vous un commentaire à faire à propos de la lettre d’Hayden,
Penelope ?
Il ouvrit la porte côté passager et me fit entrer sans leur adresser un mot.
Puis il s’installa derrière le volant et s’élança dans la rue à vive allure.
Alors qu’il tenait ma main derrière le levier de vitesse, il se tourna vers
moi au moment où nous arrivâmes à un feu rouge.
— De quoi voulais-tu me parler exactement, la semaine prochaine ?
— D’un calendrier de communication.
— Quoi ? souffla-t-il avec dédain. Tu croyais honnêtement que j’aurais
suivi un emploi du temps juste pour pouvoir te parler ?
— C’était au sujet de la garde partagée, expliquai-je avant de marquer
une pause. Je suis enceinte.
Il mit la boîte de vitesse au point mort et se tourna vers moi.
— Avant que tu ne poses la question, c’est inutile de faire un test de
paternité, poursuivis-je.
— Je n’avais pas du tout l’intention de demander ça.
Il lança un regard en direction de mon ventre, puis m’interrogea :
— Tu en es à combien ?
— Treize semaines. Est-ce que tu as peur ?
— J’ai la trouille de ma vie.
Il se pencha vers moi et m’embrassa sans prêter attention aux voitures qui
klaxonnaient derrière nous une fois le feu passé au vert.
— Dis-moi quelque chose, dans ce cas, déclara-t-il. Un calendrier de
communication entre amis, c’est une chose. Mais pourquoi as-tu pensé que
j’accepterais une chose pareille quand j’aurais découvert que tu portais mon
enfant ?
— J’avais l’intention d’ajouter quelques clauses de sexe sans engagement
si tu respectais ta part du contrat.
Un sourire se dessina sur ses lèvres.
— « Quelques » n’auraient jamais suffi.
Il passa ses doigts dans mes cheveux, avant d’ajouter :
— J’ai hâte de prendre un véritable nouveau départ avec toi, Penelope.
Mais je veux être sûr de ne jamais être un obstacle à tes rêves.
— Je comprends.
— Bien, je veux aussi m’assurer que tu seras toujours transparente avec
moi et que tu me diras toujours ce que tu veux pour que je puisse te le
donner.
— Au lit ?
— Ça va de soi, mais pas seulement, répondit-il en secouant la tête. Je
veux dire, pour tout. Dis-le-moi.
— Et si tu me laissais conduire ta voiture ?
— N’exagère pas, bordel, s’exclama-t-il en riant avant de m’embrasser de
nouveau. Il faudra d’abord que je t’emmène sur un parking pour faire un
test cette semaine. Que désires-tu vraiment ?
Chapitre 50
Penelope
Je caressai du bout des doigts une bobine de ruban rouge et retins mon
souffle en lisant ce qui était incrusté dans le tissu :
La Plume de glace : pavillon de patinage artistique
L’inauguration de ma patinoire ne devait pas avoir lieu avant plusieurs
mois, mais je m’étais donné comme mission de superviser la
personnalisation de tous les détails pour la cérémonie d’ouverture.
La collection de médailles et de récompenses de ma mère trouverait
bientôt sa nouvelle place sur le mur de gauche, juste à côté de la mienne.
Entre les deux, je prévoyais de laisser de la place pour que d’autres
femmes puissent exposer leur réussite. Je savais déjà que les patineuses qui
avaient signé pour travailler avec moi au printemps avaient de grandes
chances de faire évoluer leurs carrières sur la glace sur le long terme.
Je savais aussi que j’aurais probablement un jour l’occasion d’entraîner
une athlète qui m’aiderait à atteindre les vingt-huit médailles grâce à la
nouvelle réglementation des Jeux olympiques. Mais je préférais mille fois
avoir vingt-huit élèves à la place, et ce n’était que le début.
Le sourire aux lèvres, j’avançai vers une paire de patins à glace posée sur
le banc et résistai à l’envie de les chausser.
— J’aurais juré que nous nous étions mis d’accord pour que tu ne viennes
pas ici avant la naissance de notre fils.
Je me retournai en entendant la voix grave d’Hayden.
— Tu me connais, tu aurais dû savoir que c’était un mensonge.
— Je le savais.
Il sourit, et déposa un baiser sur mon front.
— Je savais aussi que je devais prendre un vol qui me ferait arriver plus
tôt si je voulais découvrir ce que tu faisais vraiment, ajouta-t-il. Tu n’as pas
vraiment l’air d’être avec Tatiana.
— Tu n’imagines pas ce que c’est que de se taper des heures d’anime
avec une fan inconditionnelle, répondis-je en secouant la tête. Comment
s’est passée ta réunion avec Sarah et Lawrence ?
— Bien.
Hayden passa ses bras autour de ma taille.
— Ils sont contents d’évoluer, expliqua-t-il. D’ailleurs, sur une échelle
d’un à dix, à quel point es-tu heureuse avec moi ?
— Huit.
— Seulement huit ? s’exclama-t-il en haussant les sourcils.
— Ce serait dix si tu pouvais faire en sorte que la presse à scandale arrête
de parier tous les jours sur : « Combien de temps l’histoire entre Penelope
Carter et Hayden Hunter va-t-elle durer ? » Ils rabâchent cette histoire
plusieurs fois par semaine.
— Je t’ai dit que tu n’étais pas censée lire ces torchons.
— J’y travaille.
— Hmm.
Il m’embrassa, puis sortit une petite boîte rouge de sa poche.
— Tu sais quoi ? demanda-t-il. La prochaine fois qu’ils s’amuseront à ce
petit jeu, tu devrais te joindre à eux, et parier sur « pour toujours ».
Il fit un pas en arrière et posa un genou à terre.
Je laissai échapper un cri de surprise alors qu’il prenait ma main et levait
le regard vers moi.
— Je voulais te faire ma demande il y a plusieurs mois, mais je savais
que tu voudrais respecter la tradition, c’est-à-dire que je demande ta main à
tes parents, ce qui malheureusement est impossible.
— S’il te plaît, ne me dis pas que tu as posé la question à mon frère à la
place.
— J’ai en effet demandé ta main à ton frère, confirma Hayden en
souriant. Il a répondu « hors de question ». Mais je lui ai bien posé la
question.
Je ris.
— Cependant, il a changé d’avis au bout de quelques jours, reprit
Hayden. Même s’il ne l’avait pas fait, je me serais quand même lancé.
Il serra ma main dans la sienne.
— Penelope Carter, je suis amoureux de toi depuis ta quinzième rupture.
Je regrette de ne pas te l’avoir dit à l’époque, pour que nous n’ayons jamais
eu à traverser notre guerre froide.
Les larmes me montèrent aux yeux.
— Cependant, cela ne se reproduira plus jamais, et je veux passer le reste
de ma vie en étant plus que ton petit ami.
Il plongea son regard dans le mien.
— Veux-tu m’épouser ?
— Oui, acquiesçai-je en hochant la tête. Oui.
Il fit glisser un énorme diamant à mon doigt et déposa un baiser sur ma
main avant de se relever. Il m’attira contre lui et m’embrassa jusqu’à ce que
j’en aie pratiquement le souffle coupé.
— Je suis heureux que tu sois ma première et dernière relation, murmura-
t-il contre mes lèvres.
— Pourquoi ?
— Parce que je sais que je n’aurais jamais à te donner un titre de rupture.
FIN.
Épilogue
Rupture no 17
Celui ou celle qui me devait des excuses
Hayden
FIN
(encore)
Note de l’autrice