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RECITATION 3ème trimestre

Victor Hugo (1802-1885)


« Melancholia » - Extrait 2
Poèmes extraits du recueil
Les Contemplations (1856)
Où vont tous ces enfants dont pas un seul ne rit ?
Ces doux êtres pensifs que la fièvre maigrit ?
Ces filles de huit ans qu’on voit cheminer seules ?
Ils s’en vont travailler quinze heures sous des meules ;
Ils vont, de l’aube au soir, faire éternellement
Au choix : Dans la même prison le même mouvement.
Accroupis sous les dents d’une machine sombre,
Monstre hideux qui mâche on ne sait quoi dans l’ombre,
Innocents dans un bagne, anges dans un enfer,
Ils travaillent. Tout est d’airain, tout est de fer.
« Melancholia » - Extrait 1 (à deux) Jamais on ne s’arrête et jamais on ne joue.
Aussi quelle pâleur ! La cendre est sur leur joue.
Cette fille au doux front a cru peut-être, un jour, Il fait à peine jour, ils sont déjà bien las.
Avoir droit au bonheur, à la joie, à l’amour. Ils ne comprennent rien à leur destin, hélas ! « Le Mendiant » (à deux)
Mais elle est seule, elle est sans parents, pauvre fille !
Seule ! — N’importe ! elle a du courage, une aiguille, Un pauvre homme passait dans le givre et le vent.
Elle travaille, et peut gagner dans son réduit, Je cognai sur ma vitre ; il s'arrêta devant
En travaillant le jour, en travaillant la nuit, Ma porte, que j'ouvris d'une façon civile.
Un peu de pain, un gîte, une jupe de toile. « Melancholia » - Extrait 3 Les ânes revenaient du marché de la ville,
Le soir, elle regarde en rêvant quelque étoile, Portant les paysans accroupis sur leurs bâts.
Et chante au bord du toit tant que dure l’été. Tu casses des cailloux, vieillard, sur le chemin ; C'était le vieux qui vit dans une niche au bas
Mais l’hiver vient. Il fait bien froid, en vérité, Ton feutre humble et troué s’ouvre à l’air qui le mouille ; De la montée, et rêve, attendant, solitaire,
Dans ce logis mal clos tout en haut de la rampe ; Sous la pluie et le temps ton crâne nu se rouille ; Un rayon du ciel triste, un liard de la terre,
Les jours sont courts, il faut allumer une lampe ; Le chaud est ton tyran, le froid est ton bourreau ; Tendant les mains pour l'homme et les joignant pour Dieu.
L’huile est chère, le bois est cher, le pain est cher. Ton vieux corps grelottant tremble sous ton sarrau ; Je lui criai : « Venez vous réchauffer un peu.
Ô jeunesse ! printemps ! aube ! en proie à l’hiver ! Ta cahute, au niveau du fossé de la route, Comment vous nommez-vous ? » Il me dit : « Je me nomme
La faim passe bientôt sa griffe sous la porte, Offre son toit de mousse à la chèvre qui broute ; Le pauvre. » Je lui pris la main : « Entrez, brave homme. »
Décroche un vieux manteau, saisit la montre, emporte Tu gagnes dans ton jour juste assez de pain noir Et je lui fis donner une jatte de lait.
Les meubles, prend enfin quelque humble bague d’or ; Pour manger le matin et pour jeûner le soir ; Le vieillard grelottait de froid ; il me parlait,
Tout est vendu ! L’enfant travaille et lutte encor ; Et, fantôme suspect devant qui l’on recule, Et je lui répondais, pensif et sans l'entendre.
Elle est honnête ; mais elle a, quand elle veille, Regardé de travers quand vient le crépuscule, « Vos habits sont mouillés », dis-je, « il faut les étendre,
La misère, démon, qui lui parle à l’oreille. Pauvre au point d’alarmer les allants et venants, Devant la cheminée. » Il s'approcha du feu.
L’ouvrage manque, hélas ! cela se voit souvent. Frère sombre et pensif des arbres frissonnants, Son manteau, tout mangé des vers, et jadis bleu,
Que devenir ? Un jour, ô jour sombre ! elle vend Tu laisses choir tes ans ainsi qu’eux leur feuillage. Étalé largement sur la chaude fournaise,
La pauvre croix d’honneur de son vieux père, et pleure. Piqué de mille trous par la lueur de braise,
Elle tousse, elle a froid. Il faut donc qu’elle meure ! Couvrait l'âtre, et semblait un ciel noir étoilé.
À dix-sept ans ! grand Dieu ! mais que faire ?… — Voilà Et, pendant qu'il séchait ce haillon désolé
Ce qui fait qu’un matin la douce fille alla D'où ruisselait la pluie et l'eau des fondrières,
Droit au gouffre, et qu’enfin, à présent, ce qui monte Je songeais que cet homme était plein de prières,
À son front, ce n’est plus la pudeur, c’est la honte. Et je regardais, sourd à ce que nous disions,
Sa bure où je voyais des constellations.

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