ANDREOLETTI Nolan

LE DESSIN DE PRESSE
Entre satire et limites de la liberté d’expression
«Je leur ai dit que ce dessin était tout à fait
défendable, et que faire des excuses sur
ce dessin, sous la pression des réseaux,
c’est une erreur» : ce sont les mots de
Xavier Gorce après la polémique autour
d’un de ses dessins de presse publié dans
« Le Monde ». Mais alors comment préser-
ver l’essence même du dessin de presse,
c’est-à-dire dénoncer par l’humour, dans
une société où les réseaux sociaux peuvent
entraîner la chute du dessinateur (voire
du journal) au moindre faux pas ?

Qu’est-ce qu’un dessin de presse?

Le dessin de presse nous représente un
événement de l’actualité, imagé par un
artiste et journaliste. Il peut être une
caricature, un croquis d’audience... Il est
subjectif : le dessinateur témoigne d’un
regard personnel sur l’actualité et invite à
porter un autre regard sur une situation
et à se faire son propre jugement. Les
fonctions principales de ces caricatures
sont les suivantes : exagérer, défigurer,
accuser. Sous couvert d’humour, elles
cherchent à faire réfléchir et réagir le lec-
teur et ne sont pas à prendre au premier
degré mais plutôt avec un certain recul.
Les inégalités de genre, par DELIGNE
La guerre en Ukraine, par COCO
Les défis de la liberté d’expression
Malgré son rôle crucial, le dessin de
presse se heurte à de nombreux dé-
fis en matière de liberté d’expression :
- La censure gouvernementale :
Dans de nombreuses régions du monde,
comme la Chine, les dessins de presse sont
soumis à une censure gouvernementale, ce
qui limite la possibilité de critiquer les au-
torités en place. La liberté d’expression est
bafouée au nom de la stabilité politique.
- L’auto-censure :
Sous la pression de forces politiques, éco-
nomiques ou sociales, les dessinateurs
peuvent s’auto-censurer pour éviter de
susciter la colère et d’en subir les consé-
quences.
- Les menaces et le harcèlement :
Les caricaturistes peuvent faire face à des
menaces, de l’intimidation voire à des vio-
lences physiques, en raison de leur travail.
 «Un bon dessin de presse, c’est un
coup de poing dans la gueule» Cavanna,
fondateur de Charlie Hebdo
C’est le cas du dessinateur danois Kurt
Westergaard qui a été la cible d’une ten-
tative d’assassinat en 2010 en raison de
ses caricatures du prophète Mahomet
publiées dans Jyllands-Posten en 2005.
- Les sensibilités culturelles :
Les dessins de presse peuvent être inter-
prétés de différentes manières en fonction
des cultures, et ce qui est perçu comme de
l’humour dans un contexte peut être jugé
offensant dans un autre.
Polémique autour du dessin de
Xavier Gorce
Le 19 janvier 2021, Xavier Gorce, dessi-
nateur de presse pour «Le Monde» depuis
2002, publie un dessin dans le journal
comme à son habitude, il était loin d’imagi-
ner les conséquences de celui-ci.
La polémique est immédiate. Les réseaux
sociaux relayent le dessin massivement et
les réactions mettent en avant l’irrespect
du dessin. «Immonde blague sur l’inceste
et la pedocriminalité qui au passage jette
l’opprobre sur les femmes transgenres.» :
cette phrase n’est qu’un exemple parmi tant
d’autres de la pensée générale.
Sachant que près d’une personne sur dix
serait potentiellement touchée en France
par l’inceste, le dessin de Gorce est jugé
comme irrespectueux et délégitimisant les
victimes.
«Le monde» s’excuse dès l’après-midi aux
lecteurs et lectrices qui auraient pu être
choqué et reconnait que «Ce dessin peut
en effet être lu comme une relativisation de
la gravité des faits d’inceste, en des termes
déplacés vis-à-vis des victimes et des per-
sonnes transgenres». Le journal ne censure
pas pour autant le dessin et décide de le
laisser publié.
Cette décision n’est pas approuvée par
Xavier Gorce qui reproche au journal d’avoir
cédé sous la pression des réseaux sociaux.
Ainsi, Xavier Gorce décide de démission-
ner du «Monde», assurant ne pas avoir été
compris.
Cet exemple montre bien l’impact des ré-
seaux sociaux sur le dessin de presse. En
effet, là où un dessin de la sorte n’aurait
pas fait l’objet d’une réelle polémique il y a
quelques décénies, il peut aujourd’hui être
relayé et partagé en un temps record. Dans
une société qui met de plus en plus en lu-
mière les minorités, les dessinateurs doivent
être bien plus pointilleux lorsqu’ils publient
un dessin de presse, au risque d’entraîner
la fin de leur carrière, et même du journal en
question.
Bibliographie
- «Dessinateurs de presse», Numa Sadoul (livre)
- «Nos explications sur le départ de Xavier Gorce, Le Monde
(site web)
- «Inceste : la polémique autour du dessin de Xavier Gorce
publié par «Le Monde» en cinq actes», FranceInfo (site web)
- «Les réseaux sociaux vont-ils tuer les dessins de presse ?»
Patrick Chappatte et Xavier Gorce (podcast)