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26 MAI 2017
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l’écrivain face au pouvoir
28 MAI 2017
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Kamel Daoud Non, parce que là, c’est une question de hiérarchie de
publics. La télévision et la radio touchent de manière directe l’Algérie
dans ses profondeurs. L’Algérie est un pays rural, on l’oublie quand on
visite simplement Alger et Oran. La télévision et la radio touchent le
public rural, qui est à la fois la cible et la crainte du politique. Il ne devait
pas avoir accès à ce qui s’écrivait dans les journaux des villes. Toutes ces
choses sont en train de changer avec Internet.
Revue des Deux Mondes – Lorsqu’on lit les 182 chroniques aujourd’hui
rassemblées dans Mes indépendances, on observe que vous prati-
quez la défense tous azimuts, moquant aussi bien le pouvoir que l’op-
MAI 2017 29
l’écrivain face au pouvoir
position, les barbus que l’homme de la rue, les vôtres que les autres.
Seriez-vous d’accord avec Charles Péguy, lorsqu’il écrivait dans
l’Argent, en 1913 : « Une revue n’est vivante que si elle mécontente
chaque fois un bon cinquième de ses abonnés. La justice consiste
seulement à ce que ce ne soient pas toujours les mêmes qui soient
dans le cinquième. Autrement, je veux dire quand on s’applique à ne
mécontenter personne, on tombe dans le système de ces énormes
revues qui perdent des millions, ou en gagnent, pour ne rien dire, ou
plutôt à ne rien dire » ?
30 MAI 2017
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Revue des Deux Mondes – Vous avez décidé d’arrêter votre chronique
« Raïna Raïkoum » en mars 2016. Est-ce l’angoisse de voir le journa-
lisme dévorer la littérature ?
Revue des Deux Mondes – On observe chez vous une passion pour la
géopolitique et pour la place de l’Algérie dans le monde. Le journa-
lisme est-il le seul qui peut en rendre compte ?
MAI 2017 31
l’écrivain face au pouvoir
Revue des Deux Mondes – Parlons un peu de votre langue. Vous assu-
mez votre « style incorrect, dur et irrespectueux des convenances gram-
maticales ». Dans une chronique, vous évoquez cependant l’écartèle-
ment douloureux du romancier constantinois Malek Haddad, publié par
Julliard dans les années soixante. Comme l’écrivain marocain Abdelfat-
tah Kilito, ne souffrez-vous pas quelquefois d’entendre « l’ancien
colon » vous suggérer : « Tu ne parleras pas ma langue ? »
32 MAI 2017
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Kamel Daoud Pour moi, c’est un bien vacant. Ni pour moi ni pour
beaucoup d’écrivains francophones qui quand même illuminent l’uni-
vers littéraire en France avec brio et parfois même avec génie, sou-
vent même avec génie, cela n’est un problème. Je n’ai pas l’impression
d’avoir coupé la parole à quelqu’un d’autre avec cette langue ni d’avoir
volé le micro ou le dictionnaire de qui que ce soit.
Kamel Daoud Là, c’est un constat, pas une question. Je n’ai pas
besoin de répondre.
MAI 2017 33