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Thierry ARNAL
STAPS Valenciennes
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La lutte est une activité peu pratiquée en France. Malgré le succès de certains
lutteurs au J.O, elle reste marginale et peu connue. La lutte à mains plates qualifiée
également de lutte française ou classique et plus tard de lutte gréco-romaine, par
opposition au style libre, se caractérise par rapport aux autres types de lutte connus au
XIXe siècle, par l’interdiction de lutter au dessous de la ceinture. Cette discipline, seule
à être pratiquée en France jusqu’au début du XXe siècle, obtient un certain succès au
tournant du siècle, comme pratique de spectacle tout au moins, et fut inscrite au
programme des premiers JO.
C’est précisément à partir de cette époque, précédant de quelques années la
fusion de la Fédération française de lutte (créée en 1913) avec la ligue parisienne de
lutte amateur, en 1919, que la perte d’audience de cette discipline s’accentue.
Ainsi, la lutte, activité populaire, n’a jamais été reconnue comme une
discipline à part entière par les précurseurs du sport moderne, généralement proches du
courant anglais et issus des classes nobles ou bourgeoises. D’autre part, elle fut
rarement préconisée par les courants nationalistes qui s’opposent à l’anglomanie. Elle
est en outre oubliée par l’éducation physique militaire et scolaire. Elle reste marginale.
Thierry ARNAL
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Si la lutte à mains
plates évoque généralement
les jeux Grecs, ses origines
sont cependant modernes et
françaises. Elle est
d'ailleurs appelée lutte à la
française dans les autres
pays. Mais c'est
paradoxalement sous le nom
de lutte Gréco-romaine
qu'elle est le plus connue.
Pourtant, il n'y a pas de
relation entre cette lutte
dont les actions se portent
uniquement au dessus de la
ceinture avec les bras et la
lutte verticale des anciens
qui se rapproche davantage
de la lutte libre.
Thierry ARNAL
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On pense que les premières règles de la lutte à mains plates seraient dues à
Jean Exbroyat, ancien grognard de l'Empire. Au milieu du XIXe siècle, il aurait
codifié la lutte alors en vigueur dans la région lyonnaise (mais ses origines peuvent
aussi venir de la lutte bourguignonne ou provençale). Il interdit les prises au dessous
de la ceinture. La victoire est obtenu quand les deux épaules de l'adversaire touchent
terre simultanément. Ce règlement permet aux lutteurs originaires de régions
différentes de se rencontrer.
Pour échapper à cette interdiction, les amateurs de lutte se réunissent, de manière informelle
dans des arrières salles de débits de boissons, transformées en arènes athlétiques. La lutte, associée au
travail des poids et haltères est ainsi pratiquée sous la forme d'une activité corporelle illégitime, à
l'intérieur de groupes restreints, populaires et dans des lieux non officiels. L'exemple du cabaret athlétique
créé par Noël Rouverolis dit Noël le gaulois s'inscrit dans cette logique. Venu de Sète pour travailler à la
compagnie transatlantique comme débardeur, il achète un débit de vin et ouvre une arène athlétique ou se
pratique la lutte et les poids et altères. Sur la devanture de son établissement on peut lire "vins et
liqueurs", mais aussi "Académie athlétique dirigée par Mr Noël". La devise de l'arène "Honneur à la
force, respect à la faiblesse" exprime l'esprit d'une pratique à l'intérieur de laquelle les athlètes sont
solidaires les uns des autres.
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En 1894, les premiers lutteurs turcs arrivent en France dans le but de relancer
l’intérêt du public pour ce spectacle. Parmi eux, Youssouf, est le plus terrible.
Rapidement, les lutteurs refusent de se mesurer à lui. Les impresarios doivent donc attirer
d’autres lutteurs turcs pour l’affronter. Un match fut donc organisé entre Youssouf et
Ibrahim Mammouth :
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« Dès le coup de sifflet, les attaques furent effroyables; avec leur force
incompréhensible et leur connaissance approfondie des points douloureux, les deux Turcs
commencèrent à se martyriser mutuellement… Pour la première fois Youssouf avait trouvé
un homme digne de lui et sa première surprise devant une résistance inattendue se changea
bientôt en une fureur épouvantable. … Tous les coups étant autorisés, il porta d’une main à
son adversaire une torsion atroce… tandis que de l’autre il arrachait littéralement les
narines d’Ibrahim. Ce dernier, le visage en sang, et malgré une souffrance qui eut fait
évanouir un taureau résistait toujours; mais c’en était trop pour le public et pour le jury.
Tom Cannon, le premier, se précipita sur les deux hommes enlacés et chercha à
faire lâcher prise à Youssouf…. Youssouf ne lâchait toujours pas. … Alors le public envahit
la piste et tenta de lyncher Youssouf, qui, enfin, lâcha sa prise épouvantable.
A ce moment, un commissaire de police accompagné de six agents pénétrait dans
la piste et l’ordre fut un peu rétabli. On passa tant bien que mal aux Turcs leurs vestes et
tout le monde s’en fut au commissariat, agents, lutteurs et organisateurs, suivis d’une foule
houleuse qui criait : « A mort ».
Léon SEE, La Culture Physique, n° 66, 1907
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Dans cette perspective, l’absence de catégories de poids en lutte où, dans le meilleur des cas,
la distinction entre légers (moins de 85 kg) et lourds ne répond à aucune nécessité technique mais impose
un affrontement valorisant la force. Cela n’est pas conforme à l’évolution des pratiques physiques et des
représentations du corps. L’idéal moderne de culture physique imposant, au début du XXe siècle, des
notions plus subtiles comme l’énergie ou l’adresse susceptibles d’être cultivés par chacun
indépendamment de sa morphologie.
A cette époque, la lutte se démarque de la boxe anglaise qui elle, s’organise autour d’une
codification très précise. A début du XXe siècle, la boxe peut en effet être considérée comme un produit
fini, façonné par 150 ans d’histoire et déjà très éloigné du type de combat non réglementé auquel font
penser les descriptions de certaines rencontre du XVIIIe siècle
Dés lors, on comprend mieux le succès obtenu par la boxe anglaise, notamment à
partir de 1910 lorsque des pugilistes français commencent à s’imposer chez les
professionnels. La pratique va être récupérée par les plus importantes fédérations sportives
quelles soient bourgeoises, ouvrières, laïques ou cléricales.
Au contraire, au moment où la promulgation de la loi de 1901favorise la création
d’associations sportives, tout se passe comme si la lutte n’avait jamais été totalement
associée au mouvement sportif français.
La fusion de la ligue parisienne de lutte amateur avec la fédération française de
lutte en 1919 ne contribue pas à résoudre les problèmes de la discipline. Bien au contraire,
l’appartenance simultanée durant l’entre-deux guerres des meilleurs lutteurs aux différentes
fédérations de catch amateur ou professionnel entretient une confusion dans l’esprit du
public. Le catch professionnel devient notamment le débouché presque obligatoire de
nombreux lutteurs prestigieux, perpétuant ainsi, en l’adaptant, la tradition foraine. Il faut
attendre 1951 pour que la double affiliation soit proscrite. Cela ne profite d’ailleurs pas à la
lutte qui est alors concurrencé par le judo.
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BIBLIOGRAPHIE