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Thierry ARNAL

STAPS Valenciennes

Les femmes et le sport


(Fin XIXe - années 1950)
Thierry ARNAL
STAPS Valenciennes

Les femmes et le sport


(Fin XIXe - années 1950)

Les femmes sont présentes dans les compétitions


sportives du XXIe siècle. C’est notamment le cas
aux jeux olympiques où elles concourent dans des
épreuves le plus souvent similaires à celles des
hommes : en athlétisme, en natation mais aussi
dans des activités souvent jugées très viriles,
comme la boxe. Même les grands sports collectifs
comme le football et le rugby, longtemps réservés
aux hommes, ont aujourd’hui des coupes du monde
féminines. Cette situation de relative parité ne fût
pas toujours la norme aux XIXe et XXe siècles.
Longtemps et peut-être encore aujourd’hui, parfois,
le monde du sport a été l’un des bastions
misogynes les mieux gardés. Naturellement, mais
sans doute serait-il plus juste de dire
Hassiba Boulmerka culturellement, le sport a longtemps semblé devoir
être la propriété des hommes.
Médaille d’or sur 1500 mètres
JO de Barcelone
1992
Thierry ARNAL
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Les femmes et le sport


(Fin XIXe - années 1950)

A l’occasion des jeux de Stockholm, en 1912,


Pierre de Coubertin explique qu’ « une olympiade femelle
serait imparfaite, inintéressante, inesthétique et incorrecte ».
Peu avant sa mort, en 1937, le rénovateur des Jeux
Olympiques réitère encore son point de vue en disant que
« le seul véritable héros olympique, c’est l’adulte mâle ...
Les Jeux Olympiques doivent être réservés aux hommes. ..
le rôle des femmes devrait être avant tout - comme dans les
concours antiques - de couronner les vainqueurs ».
La position de Coubertin vis à vis du sport
féminin n’a rien d’original dans la première moitié du XXe
siècle. Elle est majoritaire même si les femmes ont réussi à
conquérir leur place dans l’espace des compétitions. Elles
ont notamment été progressivement admises aux JO.
D’abord dans des sports jugés peu athlétiques comme le
golf ou le tennis puis dans les épreuves de natation, en
1912. Plus difficile fût leur conquête de l’athlétisme : elle
devront attendre les JO de 1928 pour être acceptées dans
ces épreuves athlétiques.
Thierry ARNAL
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Les femmes et le sport


(Fin XIXe - années 1950)

Les réticences envers


l’athlétisme féminin, et plus générale
ment envers tous les sports qui demandent
une débauche d’énergie ou de force
importante, sont un grand classique des
XIXe et XXe siècles. Dans les années
1880, alors qu’apparaissent les premiers
coureurs à pied masculins, quelques
courses de femmes ont eu lieu sur des
hippodromes. Aussitôt elles sont
désavouées et même dénoncées comme
des atteintes à la féminité. La description
que donne un article du Monde illustré de
1881 à propos de l’une d’elles est sans
équivoque : "la femme qui court fond
fatalement en sueur. La femme qui court
s'ébouriffe, se dégingande, se dépoétise. je
Course de femmes – vers 1880 vous assure que c'est bien laid - oh oui,
bien laid - à voir une coureuse qui rentre
soufflant comme un asthmatique,
ruisselante, luisante, à demi apoplectisée".
Thierry ARNAL
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Les femmes et le sport


(Fin XIXe - années 1950)

L’exercice physique n’est


cependant pas totalement banni du mode de
vie féminin. En 1882, la gymnastique entre
dans le programme de l’enseignement féminin
obligatoire. Mais, la gymnastique prescrite est
une gymnastique de plancher, sans appareils.
Une gymnastique aux finalités essentiellement
hygiéniques et surtout gynécologiques. Si le
jeune homme doit devenir un soldat, la jeune
fille est toujours une future mère. Le principe
selon lequel « les mères fortes font les peuples
forts » est alors couramment admis par la
plupart des médecins. Peu à peu, la pratique
gymnique scolaire, peu mise en œuvre
cependant, s’étend vers la société civile et une
première section de gymnastique féminine est
créée en 1900 au Havre. Ce type d’association
se multiplie au début du XXe siècle et conduit
en 1912 à la création de l’Union Française des
Sociétés de Gymnastique Féminine (UFSGF),
dont les orientations visent le bien-être de la
Gymnastique Suédoise femme au service de la Patrie.
Thierry ARNAL
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Les femmes et le sport


(Fin XIXe - années 1950)

Les femmes ne sont toutefois pas L’escrime est parmi toutes les
complètement exclues de l'espace des sports. Dans les activités féminines, celle qui la mieux
classes aisées, une pratique hygiénique ou récréative est considérée. On peut ainsi lire dans la presse
même encouragée. Ces femmes du monde qui pratiquent de l’époque que "la coquetterie ne perd
l'équitation, la natation, le tennis, le golf ou l'escrime ne jamais ses droits" lorsque ces dames
souffrent d'aucun désaveux. brandissent le fer. Dans plusieurs capitales
européennes comme Vienne ou
Copenhague, l'escrime s'impose comme une
école d'élégance, de grâce pour les jeunes
personnes du monde. Mais, c'est
l'Angleterre qui compte le plus d'adeptes
féminines. Des cours de dames existent
dans tous les grands centre urbains et
surtout à Londres où le Ladies Fencing
Club compte plusieurs centaines de
membres au début du XXe siècle. A Paris,
quelques grandes bourgeoises fondent en
1894, un cercle d'escrime et donnent leur
premier assaut public.
Thierry ARNAL
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Les femmes et le sport


(Fin XIXe - années 1950)

Parmi ces premières sportives, ce sont


incontestablement les cyclistes qui subissent les
attaques les plus violentes et les plus répétées. Sur
les vélodromes, elles doivent subir un flot régulier
de mauvaises plaisanteries, tantôt « graveleuses ...,
paillardes ou grossières ». Mais, plus encore que le
public, ce sont les journalistes qui manifestent, à
leur égard, une intolérance féroce. Dans les articles
de presse, c’est leur féminité ou plutôt leur absence
de féminité qui est toujours dénoncée. On les dit "
peu femmes d'aspect". On les décrit comme "de
petits garçons indécis ... [aux] formes graciles
d'hermaphrodites". Toujours, leur corps se voit
dépouillé de son identité sexuelle. La presse invente
même une figure, celle de « la femme - homme » à
propos de laquelle, le président du CIO Baillet-
Latour qui a succédé à Coubertin dira toute son
horreur dans les années 30.
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Les femmes et le sport


(Fin XIXe - années 1950)

Même leurs vêtements posent problèmes.


Ceux des cyclowomens sont jugés trop
masculins, inconvenants et scandaleux. Le port
de la culotte par les femmes est jugé odieux par
certains, jusqu'à être interdit par la loi. Il est
vrai que le port du pantalon bouleverse bien
plus que les notions ordinaires de l'esthétique.
Plus qu'un vêtement il est parfois présentée
comme une conquête, "un coup terrible [porté
au prestige masculin], un emblème de l'égalité,
... un symbole de la force et du pouvoir". Le
port du pantalon prend ici la forme d’une
révolution dont les conséquences pourrait
bouleverser l’ordre social. Vraisemblablement
"associé dans l'imaginaire de l'époque à la
vitesse, à la mobilité et à l'indépendance, le vélo
apparait ... comme accordant trop de liberté
d'action aux femmes". La féministe Maria
Pognon considère d’ailleurs, dès 1896, que la
bicyclette est « égalitaire et niveleuse ».
Thierry ARNAL
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(Fin XIXe - années 1950)

Autour d'enjeux politiques ou Malgré ces réticences, l’accès des


médicaux, c'est donc tout un édifice ordonné femmes aux pratiques sportives se concrétise
autour d'une séparation hiérarchisée des sexes que lentement au travers de la création, avant la 1ère
la mise en mouvement du corps des femmes guerre mondiale, de plusieurs sociétés sportives
semble susceptible d'ébranler. L'esprit de liberté féminines comme Fémina sport (à Paris en 1912).
qui semble accompagner la mise en mouvement Dès 1917 les sportives du Fémina jouent au
d'un corps sportif féminin sonne comme le signal football. Un premier match international France-
d'une émancipation jugée dangereuse. Angleterre se déroule même au stade Pershing en
octobre 1919. Mais ce n’est là que feu de paille
Le football féminin caricaturé car les arguments sur les dangers du sport pour la
femme ressurgissent. Le football considéré
comme violent pourrait rendre stérile les jeunes
femmes qui le pratique. La presse relaye
notamment des discours médicaux expliquant que
la pratique du football favoriserait l’étroitesse du
bassin et provoquerait des accouchements
difficiles. Au delà de la natalité c’est la beauté des
footballeuse qui est questionné : le football serait
inesthétique. Dans ces conditions, la FFFA prend
très vite ses distances avec le football féminin. Ce
dernier est caricaturé et ne se développe pas.
Dessin paru dans la presse, 1920
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(Fin XIXe - années 1950)

Le sport féminin va cependant s’affirmer et


s’institutionnaliser durant l’entre-deux guerres
notamment grâce à l’action d’Alice Milliat, à qui
l’on doit la création de la fédération Sportive
Française du Sport Féminin, que les femmes
prendront part à des compétitions internationales,
notamment dans les sports athlétiques. Alice Millat
organise notamment les premiers jeux mondiaux
féminins à Monte-Carlo en 1921. L’année suivante
elle crée un Fédération sportive internationale et
organise, au stade Pershing, les premiers jeux
olympiques féminin qui regroupent 77 athlètes
américaines, britanniques et françaises. Ces actions
favoriseront la présence des femmes dans l’espace
des sports et notamment leur intégration aux
épreuves des JO. Cependant cette concession faite
à la présence féminine aux JO réside
essentiellement dans le fait que les instances
dirigeantes du sport masculin craignaient que les
fédérations féminines ne constituent des contre-
pouvoirs face à leurs propre organismes.
D’ailleurs, cette ouverture tarde à se traduire dans
les faits : en 1932, le Comité olympique français
Alice Milliat n’envoie ainsi qu’une seule athlète, une nageuse,
aux JO de Los Angeles.
Thierry ARNAL
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Les femmes et le sport


(Fin XIXe - années 1950)

Outre cet effet d’institutionnalisation


progressive, le sport féminin se développe aussi durant
l’entre-deux guerres grâce aux exploits de Suzanne
Lenglen. La tenniswomen devient la première icone du
sport féminin français. Mais tandis que le boxeur Georges
Carpentier, l’athlète Jean Bouin ou le cycliste Edmond
Jacquelin étaient déjà des célébrités avant même la
première guerre mondiale, c’est dans un sport à la fois
élitiste, considéré comme peu athlétique , que celle que
l’on surnommera « La Divine » réussit à s’affirmer en
prenant soin d’allier performances de haut niveau et
élégance, notamment au travers de ses tenues très
sophistiquées, conçues pour elles par jean Patou le grand
couturier parisien.
Thierry ARNAL
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Les femmes et le sport


(Fin XIXe - années 1950)

Curieusement la seconde guerre


mondiale donnera une impulsion au sport
féminin, notamment grâce à l’action de
Marie-Thérèse Eyquem et cela même si le
gouvernement de Vichy reste sur une
conception sexuée des pratiques physiques. Il
faudra toutefois attendre la seconde moitié
du XXe siècle pour que le sport féminin
prenne son véritable essor : c’est ainsi que
511 femmes participerons aux jeux
d’Helsinski en 1952 alors qu’elles n’étaient
que 7 en 1900.

Marie-Thérèse Eyquem
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(Fin XIXe - années 1950)

Bibliographie

ARNAL T., « Science et séduction du nouveau corps athlétique : à l’origine du sport en France »,
Revue d’histoire du XIXe siècle, n° 56, 2018.

ARNAUD P., TERRET T. (Eds), Histoire du sport féminin, Paris, l’Harmattan, 2000.

CARPENTIER F., « Alice Millat et le premier “sport féminin” dans l’entre-deux guerres », 20 &
21. Revue d’histoire, n° 142, 2019.

GUIDO L., HAVER G. (Eds), Images de la femme sportive, Genève, Georg, 2003.
Thierry ARNAL
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