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Naissance de la natation sportive

Thierry ARNAL
STAPS Valenciennes

Critérium de natation
Puteaux 1898
Source : Gallica (BNF)
Thierry ARNAL
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Selon Chapus (Le sport


à Paris, 1854), La natation est un
art dans lequel le parisien excelle:
"il n'y a guère qu'aux tropiques
qu'on trouve de plus habiles
nageurs que ceux de Paris".
Toujours selon le journaliste, "ce
qui explique l'engouement des
parisiens pour la natation, c'est le
rôle important que la Faculté de
médecine de Paris assigne aux
bains froids comme agent
thérapeutique". Le bain n'est donc
pas un sport mais un soin du
corps.

• Deux bains pour hommes sur le quai du Louvre


• Fin XVIIIe
Thierry ARNAL
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Les premiers de ces bains, aménagés sur la seine au XVIIIe siècle, sont principalement
constitués d’un bateau à fond plat, appelé toue . Le bateau amarré au quai ou à la berge d’où il est
accessible par une traverse de bois, est recouvert d’une toile qui, sur un côté, s’étend en dehors du
bateau et vient s’attacher à des pieux enfoncés dans la rivière formant ainsi la limite du bain
proprement dit. ... Des échelles fixées au flanc de la toue permettent de descendre dans l’eau, et le fond
de la Seine, dans la limite des pieux, est sablé et dressé de telle sorte que l’on puisse s’y baigner sans
danger . Ces bains, relativement ouverts sur l’extérieur et collectifs ne conviennent toutefois pas à tous.
Certains baigneurs, issues de catégories sociales favorisées, ne souhaitent pas se baigner à la vue de
tous ou encore se mêler au gens du peuple. Ils peuvent alors fréquenter un autre type d’établissement
appelé gores. Ils sont faits de « petites tentes, constituées de quatre pieux recouverts d’une toile, un
autre pieu étant planté au milieu de l’espace pour se soutenir dans l’eau. Sous la Monarchie de Juillet,
le bain reste d’ailleurs une pratique dont la distribution sociale est très inégale : « la plupart d’entre eux
(83 sur 101 en 1839) sont situés sur la rive droite de la Seine, celle des quartiers les plus riches (à
l’exclusion du faubourg Saint-Germain). Et bon nombre se sont installés, après 1830, à l’ouest de la rue
Saint-Denis où s’étendent les nouveaux quartiers de la bourgeoisie.

Une toue
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Ce sont les bains chinois, installés par Turquin près du pont des Tourelles qui vont
donner naissance, à la première école de natation parisienne. Le bassin n’a alors rien
d’extraordinaire. Cependant, l’existence de cette école de natation manifeste un début de
distinction entre l’activité physique qu’est la nage, qui peut alors se dérouler en bassin collectif, et
des soins de propreté, plus privés, qui gagnent peu à peu la discrétion des cabinets de toilette. Sur
le même principe, d’autres écoles de natation vont s’installer su la Seine tout au long du XIXe
siècle. Les deux premières tenues par M. Petit et Deligny se composent d’un bassin entouré par
plusieurs bateaux amarrés entre eux. Un pont, jeté au milieu de l’école, la partageait en deux
bassins ; aux quatre coins de ces bassins, des échelles plongeait dans l’eau pour faciliter l’entrée et
la sortie. Des deux cotés sur les flancs des bateaux de construction s’étendaient des filets
solidement fixés ; à l’extrémité des claies épaisses et serrées formaient une clôture protectrice

Source : Gallica (BNF)


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Fondée entre 1801 et


1803, l’école Deligny, également
nommée Ecole royale de natation
est la plus importante et la plus
connue de son époque. Son bassin
rectangulaire, mesure environ 78
mètres sur 15. Rapidement elle
s’impose comme un « lieu de
rencontre et de divertissement de
la haute-société.
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A l’image de l’école Deligny, les bains publics, souvent luxueux, sont des
institutions élitistes. Les prix d'entrée dans ces bains sont élevés et correspondent à 3 à 5 fois
le salaire d'un ouvrier journalier. En 1790, Paris compte environ 150 baignoires, 300 en 1800.
L'Ecole Impériale de natation est "un modèle parfait d'aménagement commode, de propreté,
de gout et de bonne tenue. Au milieu du XIXe siècle, il mesure 106 mètres de long sur 30 de
large, contient 350 cabinets, seize salles dans chacune desquelles vingt personnes se tiennent à
l'aise. Il comprend également des salons réservés, pour les princes. Dans l'établissement, "on
se baigne, on boit, on cause, on fume". L'établissement vend 1200 cigares par jour. selon
Chapus, "le cigare est l'indispensable complément de ce plaisir du bain froid, qui prend, grâce
à cet accessoire, tout le charme des rêveries et des nonchalances de l'orient".
Dès le début du XIXe siècle, des bains ouvrent également dans d'autres villes françaises
révélant la présence d'une pratique limitée mais bien réelle . Il existe aussi des écoles de
natation pour femmes.

Source : Gallica (BNF)


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Peu à peu, au cours du XIXe siècle, le bain tiède va remplacer le bain froid. Il entre
progressivement dans l’arsenal des moyens de prévention des maladie, notamment après
l’épidémie de choléra qui frappe Paris en 1832. . A Paris, la première piscine couverte, chauffée
et construite en dehors de la Seine, rue Chateau-Landon , sera ouverte en 1884 à l’initiative de
Paul Christmann, président de la Société des Gymnases Nautiques.

La piscine est
inaugurée le 8 juillet 1884 par
un concours de natation. Elle
accueille plus de 200.00
baigneurs la première année
dont 1000 apprennent à nager
Le mardi est le jour
réservé aux dames.
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Tandis qu'en France se développe la pratique des bains, un autre modèle, celui de la
natation sportive, apparaît en Angleterre. Certes, l'Angleterre a aussi ses bains dont le nombre est
important d'autant qu'en 1846 est voté au parlement un acte destiné à faciliter l'accès des lieux
d'hygiène à la classes ouvrière. les premiers Publics baths avaient vu les jour à Liverpool dès
1828. les bains anglais ne sont pas établis selon un modèle standard; certains comportent des
baignoires et des douches, d'autres des piscines. les plus populaires comprennent des lavoirs.
l'eau est tantôt froide, tantôt chaude. En 1878, les pouvoir publics votent une nouvelle loi pour
promouvoir non seulement le publics baths mais aussi les Swimming baths. Pour fonctionner ces
établissements ont besoin de professeurs de natation. sans diplômes ils n'ont d'autre choix pour
justifier leur fonction que de faire valoir leur réputation. Pour ces professionnels, le niveau de
rémunération est fonction de leur notoriété. c'est pourquoi, afin d'acquérir une certaine
renommée, ils participent à des compétition et à des exhibitions. Les défis, les concours, les
courses se multiplient et, relayés par les journaux, leurs exploits attirent public et clients. Très
vite, ces professionnels s'organisent et créent The National Swiming Society en 1837.
La NSS organise alors des compétitions. En 1838, 12 nageurs se défient lors d'une course
organisé dans une petite rivière qui traverse Hyde park. Elle est reconduite les années suivante
avec des évolutions (pré sélections par secteurs géographiques ou par ville avant la finale de
Londres). Peu à peu le temps est mesuré. On compare le record d'une année sur l'autre.
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A partir de 1842, les


défis de champions, les
tentatives spectaculaires, les
concours locaux se multiplient .
rapidement la NSS disparait et
est crée une national Swiming
Association qui elle même
disparait assez vite. Au milieu du
XIXe siècle, amateurs et
professionnels s'exhibent et les
nageurs s'affrontent en général
pour des prix en espèces ou des
trophées. Bientôt la presse
sportive anglaise ouvre une
rubrique natation qui relate les
évènements.
Départ d’une course de natation (1869) depuis l’aqueduc de Putney
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Parmi les défis les plus spectaculaires, l'exploit du


capitaine Webb est remarquable. Après avoir commandé un
navire de la flotte marchande Webb devient nageur
professionnel; Pour se faire une réputation, il décide de
traverser la manche. Avant lui, en 1872, un autre professionnel,
JB Johnson avait échoué. Après quelques tentatives, Webb
réussit la traversée de Douvres à Calais les 14 et 15 août 1875.
Son effort dure 21h45. Webb devient un héros; Une foule
énorme l'attend lors de son retour en Angleterre. Grace à sa
notoriété il donne des conférences, publie plusieurs ouvrages et
perd la vie en 1883 en tentant de traverser les chutes du
Niagara. Après lui, d'autres intrépides tenteront la traversée du
Pas-de-Calais. Mais sans succès. Il faut attendre 1911 pour que
le franco-anglais WT Burgess, renouvelle l'exploit.

Quant aux chutes du Niagara, elles suscitent


également nombre de tentatives.
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Un tonnelier Américain, Graham, réussit à les


traverser en se faufilant à l’intérieur d’un tonneau.
Graham renouvela plusieurs fois son exploit et fit
quelques émules. Puis en 1887, Kendall, policier et
maitre nageur à Boston accomplit la fameuse traversée
en étant équipé d’un gilet de liège.
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Dès le milieu du XIXe siècle quelques clubs de natation existent en Angleterre. Ces
associations se constituent en continuité avec les structures universitaires telle que le Cambridge
University club, fondé en 1855, bien que la pratique de la natation soit très minoritaire à
l’université.
En 1869, une association des principaux clubs de Londres voit le jour pour devenir la
Swimming Association of Great Britain en 1873.
Les compétitions regroupent alors deux types de nageurs : les amateurs et les
professionnels.

Vers 1860, trois types de pratiquants se mesurent souvent dans les mêmes épreuves :

Des spécialistes, souvent maitres-nageurs qui considèrent les compétitions comme


faisant partie de leur profession.

Des pratiquants qui pour des raisons hygiéniques ou récréatives participent à des
épreuves variées et qui considèrent la compétition comme un loisir

Une minorité, issue des grands collèges et des universités, qui promeuvent uniquement
des compétitions amateurs, c'est-à-dire dotées de prix et dépourvues de gains en espèces.

Source : Gallica (BNF)


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Peu à peu s’opère une distinction entre amateurs et professionnels. Des « Laws of
Amateur Swimming » sont élaborées en 1869 qui visent à définir une natation spécifiquement
amateur. Le titre d’amateur est alors interdit à quelqu’un qui a nagé pour de l’argent ou qui vit, à
un titre ou a un autre, de la natation. Il peut toutefois participer à une course open. Mais ce texte
est vivement critiqué. La règlement change encore en 1880 lorsque toute participation d’un
amateur or un prix en argent où à une manifestation où sont présents des professionnels, y
compris les courses open, lui fait désormais perde son statut.
Cependant, tous les amateurs n’adhèrent pas à cette orientation. Quant aux professionnels, ils
réagissent en créant une Professional Swimming Association dont le bureau se réunit chaque
mois. Toutefois, après 1891, la PSA semble ne plus avoir d’existence.
Dans les rangs amateurs, l’Amateur Swimming Union vient concurrencer la SAGB. Les deux
organisations s’opposent sur la définition de l’amateurisme avant de fusionner en 1886 en
fondant l’Amateur Swimming Association. Pour l’ASA le professionnel est désormais celui qui :

Nage, enseigne ou entraine contre rémunération


Vends tout prix gagné par lui
Se fait payer pour nager en public
Occupe un emploi dans une piscine

La SAGB compte 16 clubs en 1880, 27 en 1881, puis 40 en 1884. La constitution de


l’ASA amplifie encore ce phénomène : 106 clubs en 1889, 307 en 1895, plus de 500 en 1907.
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Cette natation n’est pas exclusivement masculine. L’affirmation des rapports


entretenus par la natation avec l’hygiène a conduit plusieurs femmes influentes à revendiquer la
création de bains pour dames dès le milieu du XIXe siècle. Les femmes ont cependant du mal à se
faire accepter en compétition. Seules quelques couses ont lieu entre nageuses professionnelles
vers 1860-70. L’exhibition, ici tolérée, ne l’est plus lorsqu’il s’agit de nageuses amateur. Elle serait
perçue comme une atteinte à la moralité. Toutefois, les associations féministes tentent d’imposer
l’organisation de championnats. L’Ecosse montre la voie en créant, dès 1891, un « championschip
for ladies ». En 1890, le premier club spécifiquement féminin est créé : le Brighton Ladies SC. Dès
sa naissance il possède 60 membres qui s’adonnent à la natation et au sauvetage. Le club va
organiser des compétitions en public. Reste qu’avec les mentalités de l’époque, le principe
heurte. En 1899, l’ASA impose pour toute épreuve publique le port d’un maillot de bain conforme
aux exigences de pudeur. L’ASA peut alors organiser un premier championnat pour femmes en
1901. Des critiques continuent cependant à se faire entendre dans les épreuves mixtes lors
desquelles les femmes et les hommes s’affrontent selon la formule du handicap.
En 1907, l’ASA compte 33 sociétés féminines sur un total de 518.
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Dans le dernier quart du XIXe siècle en Angleterre, les nageurs qui adhèrent à ces
clubs sont des adultes engagés dans la vie active. Aussi, les épreuves se déroulent-elles en soirée
ou très tôt le matin. Certains galas se déroulent à 6h du matin. Ces fêtes sont populaires. Ainsi, le
gala annuel du Brighton SC ne regroupe pas moins de 194 candidats appartenant à 20 clubs
différents. Certains concours se déroulent devant 1500 à 2000 spectateurs. Les rencontres sont
toujours publiques et payantes. Elles sont fréquentes.
L’activité du nageur ne se réduit pas à la compétition. Il s’entraîne aussi sous la direction d’experts
rémunérés pour cette tâche.
A l’époque, la technique de la grenouille est la référence principale des maîtres
nageurs. Cela donne un ensemble de styles peu académiques. La plupart du temps, les bras
servent à maintenir la tête hors de l’eau. Pour des raisons d’efficacité, la technique de la
grenouille est progressivement abandonnée par les nageurs au profit de positions qui imposent
que le corps soit plus à plat sur l’eau. A la fin du siècle, le crawl est importé d’Australie par le
professionnel Cavill. Dans l’ensemble, la brasse et ses variantes restent cependant les techniques
les plus communes. Sa version sportive, reste cantonnée à la sphère des nageurs de compétition
jusqu’au début du XXe siècle.
Toujours dans le dernier quart du XIXe siècle, apparait le Water polo dans le but de
favoriser la motivation des équipes de natation. Initialement les règles sont floues, la présence du
gardien n’est pas systématique. En 1879, un code de jeu est diffusé à tous les clubs de Glasgow.
En 1888, un championnat voit le jour et ce sport connait un essor important à la fin du siècle.
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En 1898, il n’existe que trois sociétés de natation en France : La Libellule de Paris qui a
été créée en regroupant une dizaine de nageurs isolés de la capitale, les Tritons Lillois et les
Pupilles de Neptune de Lille.
L’activité de ces premières associations était nécessairement limitée par leur nombre, leur
recrutement restreint et leurs pratiques méconnues du grand public. Aussi, ces sociétés vont-
elles créer des liens avec les sociétés Belges de natation sportive qui ont été créées au sein des
clubs d’aviron dans le dernier quart du XIXe siècle. En 1895, le water-polo est introduit à
Bruxelles. Les Belges, plus que les Français, semblent reproduire les pratiques anglaises en
matière de natation. Les bourgeois Belges qui organisent le développement de ces pratiques
reconnaissent dans le water polo les valeurs qu’une classe moyenne active a développées en
Angleterre : l’initiative, le contrôle de soi, la formation d’hommes d’action. Ce modèle Belge va
servir de modèle aux clubs Lillois qui dès 1898 rencontrent le Brussels Swimming Club. Puis, le
water polo sera présenté à Paris, lors de l’exposition universelle de 1900.
Thierry ARNAL
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Dans le même temps, le


journal Le Vélo, dirigé par Pierre
Giffard décide de créer une épreuve
de natation sur la Seine à grand
renfort de publicité. L‘idée est de
reproduire à Paris la traversée
annuelle de Londres sur la Tamise.
Le succès est au rendez-vous ce 4
septembre 1898 : 73 candidats sont
inscrits, dont Paulus, le champion
Français et deux des meilleurs
nageurs anglais, détenteurs de
plusieurs records. Cette
manifestation servira de point de
départ à la création de plusieurs
sociétés de natation en France.
Traversée de Paris
1908
Source : Gallica (BNF)
Thierry ARNAL
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Lorsque l’USFSA voit le jour


en 1889, elle s’intéresse prioritairement à
des activités comme la course à pied, le
football, le tennis. La natation n’est pas
perçue par ses responsables comme
relevant d’une logique sportive. Le
problème réside aussi dans le caractère
professionnel de l’activité. L’USFSA
souhaite quand même accueillir la
natation sous sa coupe, pour en faire une
activité relevant de l’amateurisme. Mais
ce n’est pas simple d’autant qu’elle doit
composer avec la création en 1899 d’une
Union Fédérale des Sociétés de Natation
et de sauvetage (par Raymond Pitet). Pour
concurrencer cette union, l’USFSA
nomme une commission natation présidée
par Raoul Fabens dont la mission est
d’organiser, dès 1899, un championnat de
France. Trois épreuves seront retenues : Critérium de natation
100 mètres en bassin fermé, 500 mètres en Puteaux 1898
eau libre, 400 mètres en mer.
Source : Gallica (BNF)
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Toutefois, dans l’esprit du public, demeure la confusion entre amateurs et professionnels. Selon le
modèle anglais, qui est également celui de l’USFSA, est professionnel tout individu ayant reçu un prix
en argent. Or, ces professionnels ne sont en fait que des amateurs qui ne vivent pas de la natation.
Contrairement aux champions cyclistes ou aux stars de la natation anglaise, personne, en France, ne
peut vivre avec les revenus de la natation. Certains auteurs reprochent donc à l’USFSA, de
sanctionner de faux professionnels et de vouloir les empêcher de pratiquer la natation sportive. Tout
se passe comme si, avec cette définition très stricte de l’amateurisme, l’USFSA voulait écarter des
compétitions tous ceux qui n’ont pas les moyens de pratiquer uniquement pour le plaisir ou pour le
loisir. Les arguments des tenants d’un système « open » tournent autour du fait que les nageurs
français qui touchent quelques primes, ont un autre travail et n’ont donc rien à voir avec les véritables
professionnels que sont les stars anglaises. Au début des années 1900, Paulus, le meilleur français ,
qui est commerçant à Paris, est, selon les fédérations, tantôt considéré comme amateur, tantôt
comme professionnel.
Cette ambigüité apparait même au sein de l’USFSA puisque c’est l’un de ces membres, Georges
Moebs, qui créé la Société Nationale d’Encouragement de la Natation, en 1898. La Société considère
normal de « distribuer des prix en espèces ou en objets d’art ». Elle ne distingue donc pas vraiment
amateurs et professionnels.
Finalement, cette situation amènent chaque fédération à proposer des championnats soit amateurs,
soit professionnels. C’est le cas des championnats de France qui ne connaissent pas un vif succès,
contrairement aux épreuves cyclistes ou aux sports collectifs.
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L’USFSA organise alors, en 1903, ce qu’elle appelle un championnat du monde, avec le


soutien de l’Auto-vélo. Peut être du fait de l’augmentation importante du nombre de lecteurs due au
tour de France, ces championnats sont un succès suivis par 15000 spectateurs la première année et
40000 la suivante. En 1906, les français découvrent pour la première fois le crawl. Ces championnats
du monde officieux, remportés par des britanniques, seront remplacés en 1908 par des
championnats plus officiels, organisés par la Fédération Internationale de Natation Amateur. De son
coté, la SNEN, toujours avec le concours de l’Auto, organise, à partir de 1905, une Traversée de Paris à
la nage ouverte à tous. 50000 spectateurs se pressent alors sur les berges de la Seine pour assister
aux finales regroupant 14 concurrents, dont une femme, l’Australienne Annette Kellermann,
professionnelle. Puis, en 1906, ce sont deux traversées de Paris qui ont lieu : l’une professionnelle,
l’autre, dans laquelle sont inscrite 4 femmes, strictement amateur. La même année, trois
championnats du monde différents se déroulent à Paris.
Puis, les traversées de ville se multiplient, comme celle de Lyon en 1906.

Traversée de Paris
1913

Source : Gallica (BNF)


Thierry ARNAL
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Cette spectacularisation de la natation


passe aussi par le renouveau des tentatives de
traversée de la Manche. 70 tentatives ont lieu entre
1875 et 1911 dont 29 entre 1904 et 1911.
La plupart des concurrents sont des professionnels
anglais, qui écartés de nombres de compétitions par le
pouvoir des fédérations amateurs, cherchent à
Joinville, course de l’heure
renforcer leur notoriété dans un exploit hors du 1910
commun. Plusieurs femmes tentent aussi l’aventure
comme l'australienne Annette Kellermann qui, en
1905, abandonne après 6 h d'efforts. Chez les hommes,
Burgess qui est marchand de pneumatique à Paris, et
néanmoins considéré comme professionnel par
L'USFSA réalise son exploit à sa 16e tentative. Mais, au
delà de la critique du professionnalisme, les milieux
sportifs officiels critiquent aussi le caractère hasardeux
de la réussite dans de telles tentatives: les vagues, le
vent, la marée, les courants, le froid et même les
méduses rendent l'épreuve aléatoire. Les
performances des nageurs ne sont donc pas
comparables entre elles contrairement à celles
réalisées en piscine sur des distances standardisées. Source : Gallica (BNF)
Thierry ARNAL
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Au début du XXe siècle trois fédérations différentes revendiquent l'autorité pour


s'occuper du développement de la natation en France.
Il y a l'Union fédérale des Sociétés de Natation et de Sauvetage fondée en 1898 par Raymond
Pitet qui est, dès sa création, subventionnée par le gouvernement. Tout comme les sociétés de
gymnastique, de tir ou de préparation militaire, les sociétés de sauvetage présentent un intérêt
national. Tout oppose alors la fédération Pitet, devenue Fédération Nationale des Sociétés de
natation et de Sauvetage (FNSNS), à la commission natation de l'USFSA créée pour empêcher la
dérive professionnelle des pratiques. Il existe aussi, au sein de la Fédération des Sociétés
Athlétique de France une commission natation dont certains membres dissidents vont créer en
1911 l'Union Française de Natation.
Les relations entre ces trois grands courants incarnés par l'USFSA, la FNSNS et la
FSAF/UFN sont organisées par des convictions différentes. La position des dirigeants de l'USFSA
est claire : il faut épurer le sport français de tout ce qui pourrait l'éloigner de l'esprit de
l'amateurisme. Ils orientent leur action contre toutes les autres fédérations avec la volonté
d'imposer une forme de pratique unique sur laquelle ils règneraient seuls. En revanche la FSAPF
et la FNSNS revendiquent seulement le droit de se développer et de proposer une autre forme,
professionnelle, de pratique. Ils n'attaquent pas l'USFSA mais sont obligés de se défendre contre
elle. D'ailleurs, ces fédérations ouvrent leurs compétitions aux amateurs alors que l'USFSA ferme
les siennes aux professionnels.
Thierry ARNAL
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Les compétitions et autres championnats participent de


cette lutte entre fédérations.
La première réalisation de la commission natation de l'USFSA
fut le championnat de France de 1899. Au épreuves de base
sont ajoutés le plongeon puis le Water-polo en 1900. En
1901 un mile est programmé qui sera transformé en 1500 m
en 1909.
Quant aux traversées de villes, plus longues, elles ne sont au
départ que des moyens de propagande; mais, leur succès
médiatique oblige l'USFSA à les intégrer à son programme. Joinville, départ du 500 m
Dans les fédérations professionnelles, les épreuves sont 1910
assez équivalentes. La commission natation de la FSAF
organise dès 1902 son premier championnat de France en
parti calqué sur celui de l'USFSA. La FSAF organise même un
mile à partir de 1909. La FSAF est même la première à
organise un championnat féminin dès 1908 soit un an avant
ceux de l'USFSA.
Quant à la FNSNS, elle met en place des rencontres
nationales dès 1902 qui sont le prétexte à de brillantes
démonstrations de natation et de sauvetage devant les plus
hautes notabilités.
Finalement, on peut dire que la période qui s'étend de 1900
à 1914 correspond à une phase de développement de la
natation qui ne touche pas seulement sa forme sportive mais
aussi les formes traditionnelles et professionnelles contre
lesquelles s'élèvent les dirigeants de l'USFSA.
Source : Gallica (BNF)
Thierry ARNAL
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Conclusion

On peut dire de l'implantation de la natation sportive en France qu'elle s'est faite selon
un modèle importé d'Angleterre et qui l'éloigne de ses premières formes de pratique soumises aux
exigences patriotiques, utilitaires ou hygiéniques. Le modèle sportif, codifié et structuré, se
propage en France malgré les résistances des professionnels de la natation, maitres nageurs et
sauveteurs qui le voient comme un danger menaçant leur propre identité. Il s'imposera
définitivement après la première guerre mondiale.

Fête des Ondines


1911

Source : Gallica (BNF)


Thierry ARNAL
STAPS Valenciennes

Bibliographie

Andrieu G. « Del’art de surnager au XIXe siècle dans la Seine », STAPS n°10, 1984.
Terret T., Naissance et diffusion de la natation sportive, 2000.
Vigarello G., Le propre et le sale, 1985.

Leçon de natation
1912

Source : Gallica (BNF)

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