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Blandine Le Masne

HKBL 2020 - 2021

LA PLAGE : CULTURE ET SOCIÉTÉS DE 1871 AU MILIEU DES ANNÉES 1990

Eugène Boudin, Baigneurs sur la plage de Trouville (1869)

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I. Domestiquer la plage (1871 – 1918)
A. État des lieux
1. Une relation mouvante à l’eau
2. La « mort du pêcheur » (Jean-Didier Urbain)
3. Envahir la plage
B. Sociologie des villégiateurs : emménager à la plage
1. La plage, « prolongement du salon » (Frères Goncourt)
2. Se jeter à l’eau
3. La troublante question du rapport au corps
C. La plage et la Grande Guerre
1. La plage mobilisée dans une guerre totale
2. La rupture des débuts de l’héliothérapie

II. L’apprentissage du plaisir au soleil (1919 – 1945)

A. De l’héliothérapie au bain de soleil


1. La révolutionnaire héliothérapie
2. La fin de la migration saisonnière
3. Âge du bronze, âge des scandales
B. La maïeutique de la natation et la balnéophilie
1. L’apprentissage de la natation
2. Aimer la plage
3. Les balbutiements du tourisme populaire
C. De la plage de tous les dangers à la plage libérée
1. Du maillot de bain à l’uniforme militaire
2. La guerre et la transformation durable du profil des côtes françaises
3. La libération par les plages

III. Réensauvager la plage (1946 – 1990s)


A. La Polynésie en métropole
1. Le campeur
2. L’ultime défaite du tissu
B. Tous à la plage !
1. Les effets enfin visibles des réformes du Front Populaire
2. La plage ou la noyade des barrières de classe
3. Un renouveau des pratiques sur la plage
C. La plage victime de son succès
1. Une manne inespérée, l’exemple du Languedoc
2. La plage mourante
3. La plage envahit la ville

ANNEXES PHOTOGRAPHIQUES

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BIBLIOGRAPHIE

Jean Didier Urbain : Sur la plage, mœurs et coutumes balnéaires (XIXe – XXe siècles), Payot, 2002
Alain Corbin : Le territoire du vide, Champs, Flammarion, 2018
Emmanuel Blanchard : « L’odyssée des plages »
Philippe Clairay « Le pays des bains de mer » Histoire, 2017
Larousse médical illustré de guerre, 1917, article du Dr Galtier Boissière à « héliothérapie »

La plage est aujourd’hui un lieu évident du plaisir, de la détente : ce sont chaque année 30
millions de Français qui s’y rendent pour se baigner et profiter du soleil. Mais sa conquête
n’a en fait rien d’une évidence : elle est le résultat d’un double processus d’apprivoisement :
celui des éléments et celui des corps. Longtemps plage de tous les dangers, aussi bien du
ciel et de son astre brûlant que des profondeurs abyssales, elle devient peu à peu plage de
la libération des corps et des esprits. Le vacancier s’affranchissant peu à peu du tissu semble
aussi s’affranchir des frontières de classes, indécelables sur le sable.
De la fin du XIXe siècle à la fin de la Première Guerre mondiale, l’aristocratie et la bourgeoisie
s’efforce de domestiquer la plage et d’en faire un espace mondain où le bain, d’abord
strictement médical, devient peu à peu un plaisir qui pose le problème du dévoilement du
corps. La période d’Entre-deux guerres marque un réel tournant dans le rapport à la plage,
initié par un bouleversement du rapport au soleil : le tissu perd de plus en plus de terrain,
le baigneur prend de l’assurance mais surtout du plaisir. La Seconde Guerre mondiale vient
mutiler les plages et leur rendre leur dangerosité mais c’est d’elles d’où la libération partira.
De la fin de la Seconde Guerre mondiale au milieu des années 1990, la plage conquis toute
la France : les plages sont noires de monde et deviennent une manne inespérée. Les
questions environnementales se posent parallèlement à l’essor du tourisme du mal. La
plage est-elle victime de son succès ?

I. Domestiquer la plage (1871 – 1918)

A. État des lieux


1. Une relation mouvante à l’eau

Si la plage aujourd’hui a des airs de paradis, elle a longtemps été associée à un lieu
désert, froid, battu par les vents, qui avait quelque de dangereux et d’agressif, voire même de
malsain. La plage effrayait par les deux infinis qu’elle brassait : l’infini de l’horizon et l’infini
des abysses. Il faudra à l’homme et à la plage des décennies pour s’apprivoiser.

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La ruée vers l’eau française de la fin du XIXe siècle est largement imputable à un
basculement dans la relation de l’homme à l’eau : la tendance est alors progressivement à
l’hygiénisme. L’insalubrité, cette pathologie urbaine, est désignée comme responsable du
dérèglement de la santé ; le lavage du corps devient de plus en plus fréquent. Symbole de
modernité et d’aisance, l’eau est peu à peu installée dans les immeubles et la propreté se voit
associée à la respectabilité. C’est donc la médecine qui marque le grand basculement du
rapport à l’eau, et tout particulièrement à l’eau de mer : on lui prête toutes les qualités, toutes
les vertus. Elle guérirait du scorbut par exemple, ou encore de la rage, et stimulerait les
apathiques. Le littoral attire donc peu à peu nombres de malades, ou plutôt ceux qui ont les
moyens de s’y soigner, avant d’attirer les amoureux du bain.

2. La « mort du pêcheur » (Jean-Didier Urbain)

Il ne faut pas oublier ces premiers habitants des côtes, ces « sauvages du
littoral », dont le spectacle des éléments est le quotidien. Dépendant du rythme des saisons
et d’un environnement sans cesse changeant, le métier de la pêche est loin d’être facile ou
lucratif. Avec l’arrivée des baigneurs, les pêcheurs ont tout d’abord été esthétisés, pris pour
de véritables légendes vivantes (celle du vieux loup de mer sage, avec la pipe à la bouche) ou
bien, moins flatteur, pour de véritables baromètres vivants, à qui l’on s’adressait
religieusement pour connaître la météo du lendemain. Les pêcheurs ont intéressé les artistes,
qu’il soient peintres ou écrivains. Mais il est curieux de noter que, à la fin du siècle, que ce soit
dans la littérature ou dans la peinture, le pêcheur et sa barque, sur lesquels on avait mis la
lumière, passent progressivement à l’arrière-plan. La construction de jetées-promenade,
comme sur la plage de Pornic en Bretagne, dresse une barrière aussi symbolique que
matérielle entre deux mondes : celui des travailleurs de la mer et celui des villégiateurs. La
récolte du goémon est même sectorisée en Bretagne dès 1850. Après cette ségrégation
spatiale du pêcheur s’amorce ainsi doucement sa disparition. Le pêcheur devient une espèce
en voie de disparition qu’il faut tâcher de conserver : il entre ainsi au musée, comme un
vestige à archiver. En 1889, le Musée de la pêche d’Arcachon expose des filets et autres
instruments de pêche ainsi que des modèles de navire et différents poissons. Les pêcheurs et
paysans seront les témoins silencieux de cette colonisation balnéaire qui ne se fait ni pour eux,
ni avec eux.

La disparition du pêcheur est en fait complexe et polymorphe : elle n’est pas


simplement liée à l’arrivée du baigneur et à sa conquête du littoral. Les « baigneurs » du XIXe
siècle sont en fait peu nombreux et ne se baignent que peu. Il faut plutôt imputer la mort du
pêcheur à l’évolution des métiers de la mer, se tournant déjà vers l’industrialisation. La pêche
devient la « grande pêche » : le pêcheur devient ouvrier de la mer. Il ne tresse plus ses nasses
sur la grève : elles sont désormais produites industriellement ; les barques disparaissent
progressivement du paysage. Le baigneur aurait plutôt aidé le pêcheur à se reconvertir, que
ce soit en « guide baigneur » (que l’on renommera par la suite maître-nageur), en capitaine

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de bateau de plaisance, ou encore en artisan des boutiques de souvenirs, qui apparaissent
très tôt et alignent cartes postales, petits coquillages et autres bibelots.

3. Envahir la plage

Des promoteurs audacieux se lancent dès le milieu du XIXe siècle dans la construction
de nouvelles stations balnéaires. Ils parient sur une clientèle plus large : si la plage était jusqu’à
lors essentiellement aristocratique, ils comptent bien y attirer la bourgeoisie des villes, à
laquelle ils souhaitent proposer, au-delà du bain, le divertissement. L’instrument de cette
conquête littorale, c’est le chemin de fer. Dénaturant l’ancien espace-temps qui séparait Paris
des côtes normandes, la ligne baptisée « chemin de fer de Paris à la mer » permet désormais
de se rendre au Havre en moins de 5h, là où le voyage se comptait en jours. Ces nouvelles
stations qui voyaient le jour se sont donc rapidement trouvées reliées au réseau, qui s’étend
aux côtes bretonnes et part à la conquête du Sud pour arriver à Biarritz.

Nous l’avions vu, la bonne mer, selon les dires de la médecine, c’est la mer froide. Aussi
la Méditerranée est-elle regardée non pas comme la mer de la santé mais la mer du vice.
Anticipant l’arrivée de la chaleur, les villas ferment dès le mois d’avril. Les hivernants mettent
alors cap sur les plages du Nord, où l’été est plus respirable. Chapeaux, ombrelles, même sur
les plages normandes où le soleil n’est pas toujours accablant, on s’en protège du mieux qu’on
peut. Les médecins l’accusent encore de tous les maux, mais au-delà de ça, le teint hâlé est
réservé aux travailleurs de la terre et de la mer. Médicalement, socialement, le soleil est
l’ennemi numéro un des villégiateurs. C’est pourquoi s’organise cette migration des plages du
Sud vers le Nord à la fin du printemps, et des plages du Nord vers le Sud à la fin de l’automne,
migration qui s’installera dans la durée.

B. Sociologie des villégiateurs : emménager à la plage


1. La plage, « prolongement du salon » (Frères Goncourt)

Les stations balnéaires sont en fait des villes nouvelles. C’est en ce sens que l’on peut
parler d’une domestication de la plage jusqu’à la fin de la Première Guerre mondiale. On en
exclut ses indigènes, les pêcheurs et les paysans, et on y importe la ville et tous ses codes. La
bourgeoisie qui entend bien s’approprier la plage va vouloir avoir ses terres, sur le modèle
aristocratique, et habiter dans leur château en bord de mer. On ne quitte pas Paris pour se
retrouver dans une masure. Ces châteaux au bord de mer, ce sont les premières villas qui
surgissent fièrement dans le paysage et rivalisent d’élégance et de fantaisie. Tout d’abord sur
la côte normande puis méditerranéenne (que l’on surnommera dès 1869 la « côte d’Azur »)
comme à Cannes, des villas aux profils époustouflants fleurissent (voir image 1). Le comble du
luxe, c’est d’avoir une vue sur mer, à travers des fenêtres qui sont « le cadre d’un tableau
vivant » (Marcel Proust).

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Lorsque l’envie nous en prend, on quitte la villa pour se rendre sur la plage. Mais elle
est aussi mondanisée et devient « prolongement du salon », où tout, des tenues aux fauteuils
de salle à manger, semble citadin (image 2). La mer est tenue à bonne distance de la plage :
« Au fond, la plage n’a pas forcément de mer pour exister. Parce que la plage sert d’abord à
autre chose. Elle sert d’abord à mettre ensemble, à être ensemble : c’est un lieu de
rassemblement comme nulle part ailleurs, où la promiscuité n’est plus promiscuité, elle est en
fait convivialité » (Jean-Didier Urbain). Le sable est couvert de planches de bois pour mieux
permettre aux vacanciers de se promener sur la plage dans leurs chaussures de ville, loin de
l’eau. Car il abandonne vite le bain thérapeutique pour la vie mondaine. On assiste au transfert
du mode de vie urbain sur le bord de mer. Pour se divertir, on va au casino. Le casino, c’est un
théâtre, la salle de concert où défilent toutes les vedettes du moment. Si les jeux d’argents
sont alors interdits en France, les casinos obtiennent une dérogation qui va faire leur fortune.
Ils rencontrent un succès phénoménal et la concurrence les poussent à sans cesse se
renouveler : le casino de Trouville sera reconstruit six fois pour toujours plaire davantage.

2. Se jeter à l’eau

Les premiers bains se déroulent donc sous l’œil sévère des médecins, à l’abri des
regards et dans une certaine forme de violence. La plage est alors aux malades, ou plutôt à
ceux qui ont les moyens de se faire soigner. Certaines femmes, sujettes selon la médecine de
l’époque, à toutes les afflictions, se voient ainsi se faire plonger dans l’eau la tête en bas, eau
dont la température dépassait alors rarement les 15 degrés (image 3) ! Pour certains, la
panique est telle qu’on déplore des cas de noyades dans 30 cm d’eau. Les médecins
établissent une stricte règlementation du bain : le malade est limité à deux baignades par
jours, d’une durée croissante au fur et à mesure de sa thérapie, mais qui ne pourra en aucun
cas dépasser les 20 minutes. Cette médicalisation se présente ainsi comme un obstacle
idéologique au plaisir du bain. Selon Jean-Didier Urbain, il fallait alors, « en couplant la vitesse
au froid, se faire du mal pour que le bain soit bon ». Si l’insertion du sport à la plage s’impose
qu’à la Belle Époque, où un homme du monde se doit d’être un sportsman (courses
automobiles sur le sable tassé par la mer, char à voile, équitation), la natation ne se développe
que très tardivement. Elle en est encore « au temps des héros », fanatisés par l’opinion
publique : en 1875, le Britannique Matthew Webb effectue la toute première traversée de la
Manche à la nage en 21 h 45 min. Mais pour l’aristocrate ou le bourgeois, l’eau reste encore
résolument dangereuse et répulsive. La plage est en fait loin de la mer et est plutôt le théâtre
d’activités mondaines. C’est cependant bien au cours du siècle que l’on commence
doucement à s’amuser, même si on reste où on a pied, et que « pour la première fois s’opère
le basculement du thérapeutique à l’hédonique » (Alain Corbin) du bain de mer : on assiste à
la naissance progressive du libre baigneur qui, s’affranchissant du médecin, s’installe
confortablement sur la plage pour y passer du bon temps.

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3. La troublante question du rapport au corps

On redoute le soleil, ennemi qui marque la peau du stigmate des travailleurs : on se


couvre donc le plus possible. Les estivants, encore résolument attachés aux plages
normandes, restent souvent bien couverts. Mais au-delà des considérations météorologiques,
il y a bien encore hésitation et réticence à découvrir le corps, dans tous les sens du terme. Le
premier maillot de bain féminin, une fois mouillé, pouvait dépasser les 20 kg ! En laine, bien
loin du « une pièce » d’aujourd’hui, ils étaient alors composés de six pièces : un bonnet, une
chemise large à manches courtes, un pantalon bouffant jusqu’aux genoux, une ceinture, des
bas et des chaussures (image 4). Mais une femme du XIXe siècle s’y sent extrêmement
dénudée : une fois mise à l’eau, on y voit ses formes. A l’été 1914, le maillot de bain n’a pas
vraiment changé. La seule fine touche de fantaisie est la rayure.
Ainsi, pour l’heure, les baigneurs utilisent la « bathing machine » (image 5), inventée
en Angleterre. Dotée d’une bâche, cette roulotte de bain permettait de se baigner à l’abri des
regards. La roulotte est l’emblème du premier âge des bains de mer.
Nous l’avons vu, les images des exploits des nageurs font vibrer le public. Mais c’est
aussi parce qu’elles montrent des corps dans une nudité inédite : torses moulés, jambes nues,
ces sportifs se sont débarrassés des lourds costumes de bains pour des maillots de
champions… Réservés aux hommes.
Annette Kellermann a 20 ans en 1906. Elle a été sauvée d’une atrophie des jambes par la
natation et défie alors les champions dans des compétitions où elle aussi porte un maillot
moulant, qui défraie la chronique. La même année, elle est arrêtée à Boston pour indécence.
La frontière de la pudeur est encore bien défendue.

C. La plage et la Grande Guerre


1. La plage mobilisée dans une guerre totale

La grande guerre s’est finalement déroulée loin des plages. Elle a eu lieu à l’autre bout
de la France, sur sa frontière Est. Mais finalement, même le littoral s’investit dans cette guerre
totale : les stations vides accueillent les soldats blessés. Les casinos se transforment en blocs
opératoires, les hôtels en dortoirs et les music halls en hôpitaux.

2. La rupture des débuts de l’héliothérapie

Dès les premiers temps de la guerre, M. le Dr Grangée, médecin-chef de l’hôpital


d’Évian, eut l’idée de traiter un certain nombre de blessures des Poilus par héliothérapie. Les
soldats devaient s’exposer 3 à 4h par jour dans des solariums fabriqués ex nihilo. Il en expose
les résultats dans Paris médical et, en observant les images des lésions des soldats avant et
après cette thérapie du soleil, il semble bel et bien qu’elle ait favorisé la cicatrisation. Bien que
cette expérience se soit déroulée loin des plages, elle y aura des conséquences retentissantes,
tant sur le rapport au corps que sur l’affection grandissante des Français pour cette dernière.

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II. L’apprentissage du plaisir au soleil (1919 – 1945)

A. De l’héliothérapie au bain de soleil


1. La révolutionnaire héliothérapie

C’est bel et bien la médecine qui, une fois de plus, a lancé l’étincelle. Elle clame
désormais les bienfaits thérapeutiques du soleil. Le soleil, après l’eau de mer, se voit à son
tour devenir le remède à tous les maux, et même celui de la tuberculose, la grave maladie de
l’époque. Le développement de l’héliothérapie est lancé : le bain de soleil concurrence le bain
de mer.
Tout débute en 1921, lorsque Jean Saidman soutient sa thèse de doctorat en
médecine. Le domaine de recherche de celui qui a été le plus jeune médecin de France
s’oriente vers l’actinologie, autrement dit les traitements médicaux à base de rayonnements
lumineux. En 1930 commence la construction du « solarium tournant » dans la station
thermale d’Aix en Provence (image 6), tout autant un lieu de soin qu’un outil
d’expérimentation d’une science encore balbutiante. Le soleil fait du bien, on y guérit, puis on
s’y prélasse. Ce retour en grâce du Soleil est à l’origine de la grande révolution du monde
balnéaire.

2. La fin de la migration Nord/Sud

Ses précurseurs seront une bande d’Américains, en vacances sur la côte d’Azur. Ils sont
alors nombreux à fuir le puritanisme et la prohibition sévissant aux États-Unis pour la France.
Nous sommes à Nice en avril 1923 : l’été approche dangereusement. C’est l’heure de
la grande migration vers le Nord : les hivernants ferment leurs villas. Mais les millionnaires
bohêmes Sarah et Gérald Murphy, qui séjournaient au fameux hôtel Eden-Roc, ont d’autre
projet. Ils demandent à rester. La direction de l’Eden-Roc accepte de leur laisser une aide de
l’hôtel. C’est la première fois qu’un palace de la Côte d’Azur reste ouvert l’été. L’été suivant,
ils reviennent, avec leurs amis, entres autres Hemingway et Fitzgerald, Picasso et sa femme
Olga. Mais il devient vite difficile de garder un tel paradis secret. Les premiers Casinos d’été
fleurissent la côte.
L’année 1923 est aussi celle du lancement du luxueux train bleu, par la compagnie des
wagons-lits, reliant toute l’année la capitale à la côte d’Azur. Parmi ses premiers passagers, on
peut retrouver Coco Chanel ou encore Jean Cocteau, qui lanceront la mode d’un été sous un
soleil de plomb. Le grand basculement est effectif dès 1931 : on compte à Cannes plus de
vacanciers en août qu’en février.

3. Âge du bronze, âge des scandales

La chaleur, le soleil, la lumière deviennent désirables : les corps se transforment et les


plages deviennent horizontales. Les magazines féminins, qui avaient toujours fait l’apanage

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de la blancheur par la publicité pour des poudres de riz, mettent désormais en avant des huiles
de bronzage. On ne parle plus que de peau dorée et de bienfaits du soleil (contre l’acné, la
cellulite, favorisant la circulation sanguine, etc.). Cependant, le bronzage est aussi à codifier
socialement : il est resté plusieurs siècles le stigmate de la classe paysanne, et il n’était pas
question d’avoir un bronzage paysan (pas de marque de chaussette) ! Il s’agit de montrer
qu’on a une vie de plein air certes, mais qui est avant tout une vie de loisir. Ainsi, pour éviter
d’insultantes marques de bronzage, le tissu perd chaque année un peu plus de terrain. Les
années folles marquent en ce sens un tournant. Une nouvelle génération de couturiers fait
défiler ses maillots : 20 ans après le scandale Annette Kellermann, le « une pièce » s’impose
et ne pèse plus mouillé que 3kg ! Il découvre peu à peu les épaules et ses bretelles s’affinent.
Au début des années 1930, les hommes prennent, avec le slip de bain, une longueur d’avance.
Mais au même moment, on commence tout juste à voir des maillots à deux pièces, qui à leur
tour rétrécissent. Mais ces corps qui se dévoilent troublent le paysage du vieux monde
balnéaire. En 1927, des paysannes bretonnes s’attaquent à coup de ronces à des baigneuses
trop dénudées. Les ligues chrétiennes passent sur les plages et défendent aux mères de
famille, qu’elles considèrent être le signe de la décadence française. Certaines plages
commencent à mettre en place un certain nombre de réglementations.

B. La maïeutique de la natation et la balnéophilie


1. L’apprentissage de la natation

Une autre conquête de l’Entre-deux guerres est la natation. La plupart des villégiateurs
ne savent toujours pas nager et se contentent de jouer avec l’écume, jouissant du plaisir « de
se tenir au point de contact avec les éléments » (Corbin). Ce sont d’abord les militaires qui
vont lancer le mouvement. Puis des installations pédagogiques sont mises en place telles que
les méthodes de suspension ou encore la méthode au sec (soit apprendre à nager depuis son
salon). Le cinéma y est également pour beaucoup : le film Tarzan chez les singes de Scott
Sidney, où le personnage éponyme se jette dans les flots avec aisance, sort en 1918. La
natation devient alors à la mode ; les baigneurs deviennent nageurs et découvrent un nouvel
état : l’état flottant. La natation a alors profondément bousculé la perception du littoral, qui
s’élargissait considérablement. La plage avait été vaincue : la conquête se poursuit enfin
jusqu’à la mer, qui devient un lieu de bonheur, de plaisir et de jeu. Évanouie, la peur au ventre.
L’apprentissage de la natation favorise également la démocratisation des sports de la
plage, où le sportif ne cherche pas la performance mais le jeu. Le ski nautique, qui devient un
sport absolument iconique dans les années 1950, concurrence le paddle et le pédalo.

2. Aimer la plage

On commence à considérer la plage comme elle est : on ne cherche plus à la


domestiquer, à y prolonger son salon, mais à s’y détendre, à s’y allonger, à s’y fondre. Les
transats ont remplacés les fauteuils de casino. L’entre-deux guerres est aussi le temps des

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années folles et de ses nouvelles modes. Les peignoirs et les ombrelles chinoises
accompagnent tous les nouveaux baigneurs qui, en Normandie, n’hésitent pas à s’en servir de
parapluie !

3. Le début des congés payés : les casquettes sur la plage

Les plaisirs de la plage restent obstinément réservés à une élite. En 1936, seul 1
Français sur 400 a déjà vu la mer ; pour tous les autres, les vacances n’existent pas. Avec le
Front Populaire, les plages s’entrouvrent lentement. A l’été 1936, le Front Populaire voit aurait
vu les ouvriers débarquer massivement les ouvriers sur les plages, effrayant la bourgeoisie des
stations. En réalité, sur les 5 millions de travailleurs qui bénéficient des congés payées, seules
600 000 prennent un des billets de train à tarif réduit accordés par le gouvernement, et en
général pour rejoindre leur famille à la campagne. L’idée de partir en vacances pour le plaisir
ne va pas de soi : profiter d’elles pour se rendre à la plage encore moins. Ainsi, même après
les réformes du Front Populaire, il faudra laisser passer un temps de latence pour que les
classes ouvrières accèdent au sable. Il est cependant vrai que les ouvriers vivant dans les villes
proches de la plage s’y rendent dès ce fameux été 1936 : on peut déjà y trouver des images
d’ouvriers en casquettes sur les plages de Deauville. Mais l’impact des réformes du Front
Populaire en 1936 est à minimiser : il sera en revanche frappant après la Seconde Guerre
mondiale.

C. De la plage de tous les dangers à la plage libérée


1. Du maillot de bain à l’uniforme militaire

Dès l’été 1939, des navires de guerre se dessinent au large. A la différence de


la première, la Seconde Guerre mondiale a laissé sur les plages une empreinte indélébile. Sous
l’occupation, les plages françaises ont vécu la période la plus sombre de leur histoire.
La guerre est tout d’abord, pour l’ennemi, un territoire à conquérir. En 1940, sur la
plage de Dunkerque puis Nice, Deauville, Biarritz, l’armée allemande savoure sa victoire sur la
France. Les nazis prennent leur quartier dans les palaces des stations chics. Dès lors qu’Hitler
commence à envisager un possible débarquement anglo-américain sur les côtes françaises,
sont mises en place une multiplicité de mesures qui vont toutes dans le même sens :
transformer les côtes françaises en un lieu désert et hostile.
A partir de l’été 1940, les plages et le littoral sont interdits d’accès sur une bande de 5
à 20 km, et ce jusque tard dans l’année 1946 (image 7). Cette interdiction est décrétée pour
que les civils et résistants ne puissent pas y observer les fortifications. Le littoral se sépare du
reste de la France, s’en isole. En décembre 1940, les communications téléphoniques entre la
zone côtière et le reste du pays furent coupées. La plupart des riverains des littoraux sont
autorisés à rester sur place faute de mieux, mais dans le Nord et dans le Pas-de-Calais, où le
débarquement était le plus probable, les habitants qui ne sont pas indispensables au bon
fonctionnement du littoral sont évacués. Ceux qui vivent dans la zone côtière interdite et

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veulent en sortir tout comme ceux qui souhaitent y pénétrer ont besoin d’un laissez-passer,
délivré uniquement pour des raisons restrictives.

2. La guerre et la transformation durable du profil des côtes françaises


Avec la guerre sur le front de l'Est moins rapide qu'espérée par les Allemands et
l'entrée en guerre des États-Unis, Hitler commence à envisager un possible débarquement
anglo-américain à l'ouest. Dans le but de s’en protéger, il fait commencer la construction du
mur de l’Atlantique. Bâti en un temps record, il est alors le plus gros chantier militaire entrepris
depuis la Muraille de Chine. Il fait 4000 km de long et apporte des dizaines de millions de
tonnes de bétons sur les côtes. Il était composé de forteresses protégeant les ports, de
stations de radars et d’écoute, d’ouvrages de défense rapprochés des plages et d’obstacles
anti-débarquement. Entre les blockhaus et les mines, le littoral français devient alors la
frontière du Reich.

3. La libération par les plages

Mais en juin 1944, les plages de la côte de Nacre prennent des noms américains :
Omaha, Gold, Sword, pour le plus grand débarquement de l’histoire. C’est bien des plages, et
dans la douleur, qu’est revenue cette liberté tant espérée. Après la libération, les plages n’en
ont pas fini avec la guerre. Il s’agit encore de les déminer, de les débarrasser du bois et du
béton armé. Face à une entreprise aussi laborieuse, on renonce : la moitié du mur de
l’Atlantique restera dans le paysage. A l’été 1945, tant de plages ressemblent encore à des
champs de batailles désertés envahis par les enfants et ont l’allure de drôles de terrains de jeu
(voir image 7). Une partie des plages reste fermée jusqu’à l’été 1946. Les vacances sur le
sablent reprennent, avec toute leur candeur, dans un décor qui lui confère une étrange
dimension.

III. Réensauvager la plage (1946 – 1990s)

A. La Polynésie en métropole
1. Le campeur

L’année 1945 est celle du début de ce que certains ont nommé « la révolution
polynésienne ». Cette révolution marque un renouveau dans le rapport des Français à la plage.
S’ils ont tout d’abord souhaité la domestiquer afin d’y agrandir leur salon, avant de se
résoudre à s’y fondre aux différents éléments, ils souhaitent désormais remettre la main sur
tout ce qu’il y avait de sauvage dans la plage. Ainsi, à la sortie de la guerre, la mode est à
l’exotisme. Les plages se couvrent de paréo, dans lesquels on vit, garçon comme fille, du matin

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au soir. On importe Tahiti en Méditerranée. Le littoral se couvre de pagodes polynésiennes,
très prisées, et on se couvre de fleurs.
Le camping… Jamais villa ne s’était autant approchée du rivage. Il est d’abord
absolument sauvage : on dort dans une tente, ou bien même dehors ; on mange sur des
réchauds. Il est également sauvage au sens où il n’est soumis à aucune réglementation. Cette
pratique se démocratise peu à peu et l’espace balnéaire s’en empare. En Corse, par exemple,
des villages entiers de tentes fleurissent sur la côte.
Mais ce « réensauvagement » du littoral est assez ambigu : il reste très superficiel et
codifié. La plage doit paraître sauvage, sans pour autant trop l’être. La plage est aseptisée et
régulièrement « désalguée ». Ce paradoxe entre retour à une forme de primitisme fantasmé
et érotique et artifice se retrouve également dans la question du rapport au corps.

2. L’ultime défaite du tissu

En 1946, c’est Louis Réard, un ingénieur automobile, qui dessine le premier bikini,
maillot de bain qui découvre enfin le nombril. Il nomme son maillot de bain « bikini » d’après
le minuscule atoll du pacifique du même nom, sur lequel les Américains réalisent des essais
nucléaires. Mais son slogan accrocheur, « le bikini, la bombe anatomique », ne suffit pas pour
convaincre des mannequins réticentes de le porter. Cependant, après l’apparition de Bardot
dans « Et Dieu… créa la femme », film de Roger Vadim sorti en 1956, dans cet audacieux
maillot de bain, il devient l’uniforme des plages, et sera même adopté par la bourgeoisie ! EN
1964, il représente la moitié des maillots de bains vendus en France. Plus tard, à Saint-Tropez,
rendez-vous des excentricités, le tissu connaîtra son ultime défaite : le bikini nous emmènera
au monokini, au topless, puis à la seule mince barrière restante de l’épiderme.
Si l’on cherche donc davantage à se dévêtir, voire même à se dénuder, comme en
témoigne l’essor du nudisme, dont la pratique commence dès 1931 avec la fondation et le
succès du village naturiste d’Héliopolis par deux docteurs (encore eux, décidément), la nudité,
tout comme l’a été le bronzage, reste très codifié. Le recul du tissu marque aussi les débuts
de l’épilation féminine : on veut ainsi « faire sauvage », se rapprocher au plus près de la
nature, c’est-à-dire avoir l’air naturel… Mais pas trop quand même, ne soyons ni fous ni
excessifs. Comme le dit justement Jean-Didier Urbain, « quand bien même la fin du maillot
serait arrivée sur toutes les plages du monde, elle ne signifierait pas la fin du costume », là où
Jacques Laurent se demande : « mais de ces hommes et de ces femmes nageant et se dorant
sur le sable, peut-on avancer, même s’ils sont privés de tout vêtement, qu’ils sont nus ? »

B. Tous à la plage !
1. Les effets enfin visibles des réformes du Front Populaire

Un siècle a passé depuis l’ouverture des chemins de fer de Paris à la mer. Les congés
payés passent de deux à trois semaines en 1956, le nombre de vacancier triple en dix ans : les

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promesses du Front Populaire semblent enfin commencer à se réaliser. Ce sont désormais
40% de la population qui choisit de venir passer une partie de l’été à la plage, donc l’accès
s’élargit avec la démocratisation de la voiture. La plage devient un lieu éminemment familial,
rajeunit, et devient le terrain de jeu d’enfants qu’on laisse enfin courir sur le sable : ce sont les
grands moments des clubs pour enfant. Les réformes du Front Populaire représentent un pas
immense pour la classe ouvrière, qui découvre enfin ce qu’on lui avait toujours refusé : un
temps de loisir.

Mais elles représentent une modification profonde de la densité des plages, qui,
désormais bondées, doivent être partagées. En 50 ans, la Riviera des hivernants accueillent
tant de monde que ses plages en sont saturées. L’essor du tourisme de masse représente de
nouveaux enjeux, dont nous reparlerons.

2. La plage ou la noyade des barrières de classe

Mais comment désormais, sous ce peu de tissu résiduel découvrant une peau dorée,
reconnaître l’institutrice de l’ouvrière ? Le soleil aurait-il fait fondre les barrières de classe ?
La plage est ce lieu où l’on vient en vacances, où l’on peut être qui l’on veut, où l’on
peut être quelqu’un d’autre. Le capital mis en valeur n’est autre que corporel : la jeunesse
commence à érotiser les rivages. La plage fabrique des mélanges, des rencontres, des
brouillages inattendus, dont la littérature de gare s’empare. Les amours de plage
transgressives tapissent les couvertures des magazines d’été et autres romans de plage.
La plage, sa dimension symbolique, son imaginaire, s’ancre profondément dans les
mentalités comme lieu de liberté, de détente, lieu où l’on peut être qui l’on veut être. C’est
bien tout le sens qui est mis derrière le slogan « Sous les pavés, la plage ! » résonnant dans les
rues du Paris de mai 1968. « Pour évoquer un avenir paradisiaque commun, nous n'avons
trouvé que notre joie d'enfant à la plage » confie Bernard Cousin, jeune travailleur en grève
qui serait à l’origine de l’aphorisme.

3. Un renouveau des pratiques sur la plage : le surf

Les profondeurs, autrefois angoissantes, s’entrouvrent. Les vagues amusent ! Cette


révolution, qui vient tout droit de Hawaï, débarque sur la côte basque, où les tous premiers
surfeurs français fabriquaient eux-mêmes leurs planches. En deux été, il devient un
incontournable : le premier championnat de surf se déroulant en France a lieu dès l’année
1961. Cette pratique du surf devient un phénomène de mode, mais sa présence à l’écran et
dans l’imaginaire est démesurée par rapport à la réalité. Cependant, au surf se mêle toute une
culture, voire même une philosophie : celle de la glisse, celle du sable et du sel dans les
cheveux, celle d’une vie sur la plage, d’un été sans fin.

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C. La plage victime de son succès
1. Une manne inespérée, l’exemple du Languedoc

En Espagne, la manne balnéaire est inespérée et représente en 1960 près de la moitié


des recettes de l’État. Les touristes venant profiter des côtes espagnoles se comptent alors
déjà en millions. Voyant les Suisses ou encore les Allemands traverser la France pour dépenser
leur argent sur le littoral espagnol, la France jalouse décide d’agir et se lance de plus belle dans
l’investissement balnéaire : tout doucement et en toute discrétion, pour éviter la spéculation,
l’État achète des terrains au Languedoc. Après y avoir mené une guerre totale contre les deux
ennemis qui faisaient de la côte une côte insalubre (le vent et les moustiques), on construit
en un temps record pour tenter de capter les vacanciers en route vers l’Espagne. Ce terrain,
autrefois désertique, se retrouve dense de milliers d’habitations apparues ex nihilo. Le projet,
mené par Pierre Racine, représente un grand espoir économique pour l’État : Charles De
Gaulle lui-même s’y rend pour voir l’allure des constructions. L’architecture alors en vogue est
déconcertante : elle est architecture du soleil, qui fait sortir du sol villages grecs, pyramides
brésiliennes vue sur mer, campings aux allures de villages. Il y en a pour tous les goûts, et pour
tous les budgets.

2. La plage mourante

Mais l’année 1967 est aussi celle de la première marée noire de l’histoire, qui tâche
plus de 350 km de côte bretonne. Elle marque le début d’une prise de conscience. Le paradis
construit se révèle plus fragile que jamais ; la plage devient une poubelle à nettoyer après
chaque marée. Certaines plages sont interdites. De guérisseuse, la plage devient mortifère.
Mais rien ne vient contrarier la ruée vers les plages. La croissance économique et les congés
payés attirent plus de 15 millions de vacanciers chaque été. La bétonisation va bon train : le
nombre de résidence secondaire explose et la densité des constructions sur le littoral est trois
fois supérieure à la moyenne nationale. Il se couvre de barres d’immeuble et de grands
ensembles au bord de l’eau.
Les pouvoirs publics sont alors interpelés : il faut réguler et protéger d’urgence. Les
premières décisions sont prises en 1973 avec la loi Littoral, visant à contenir la sururbanisation
du littoral, puis en 1976 avec la création du conservatoire du littoral, rachetant les espaces
naturels les plus fragiles (il possède aujourd’hui 15% des côtes françaises, derniers espaces
sanctuarisés d’un littoral presque entièrement balnéaire). Ces enjeux montrent bien toutes
les contradictions du rapport à la nature entretenu de 1945 au milieu des années 1990.

3. La plage envahit la ville

Ce qui nous permet d’avancer que la plage a définitivement conquis les cœurs français,
c’est bien son débarquement dans la ville. La plage passe sous cloche : en 1996, durant l’été,
une ville du nord transforme sa place publique en plage publique. 6 ans plus tard, les Parisiens

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profitent de Paris plage : la balnéarisation semble se généraliser encore davantage et offrir
une plage, une plage à ce tiers des Français qui ne part toujours pas en vacances.

Finalement, la conquête de la plage pour les Français n’a rien eu d’une évidence. Pour
reprendre les mots d’Emmanuel Blanchard, réalisateur du documentaire « L’odyssée des
plages », la plage n’aura été autre qu’une « invention merveilleuse ». Son apprivoisement
par l’homme se déroule en trois étapes. La première est celle de la domestication : on tente
de faire de cet espace hostile et médical un espace de plaisir mondain, aristocrate et
bourgeois, où le plaisir est pris dans la contemplation. Puis par la suite, le Français apprend
à s’amuser à la plage, à en profiter, à y barboter puis à se jeter dans les flots, de plus en plus
décomplexé, de moins en moins vêtu. Enfin, les Français reprennent le désir d’une plage
sauvage, allant dans le sens du mythe du bon sauvage : ils veulent en faire cet espace simple
où tout est naturel sans l’être. Mais aujourd’hui, le tourisme de masse pose des problèmes
auxquels ils devient urgent de répondre pour préserver la beauté et la magie de cet espace
fantasmé.

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ANNEXES PHOTOGRAPHIQUES

IMAGE 1 : la villa Kérylos à Nice, style grec

IMAGE 2 : la plage-salon. Eugène Boudin, Scène de plage à Trouville

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IMAGE 3 : caricature d’une baigneuse malmenée du dessinateur Cham (Amédée de Noé)

IMAGE 4 : le maillot de bain 6 pièces et le dévoilement des corps

IMAGE 5 : la roulotte de bain ou « bathing machine »

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IMAGE 6 : le solarium tournant d’Aix en Provence

IMAGE 7 : interdiction des plages l’été 1945

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