Annales.

Histoire, Sciences
Sociales

Marcel Roncayolo, Les grammaires d'une ville. Essai sur la genèse

des structures urbaines à Marseille
Monsieur François Walter

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Walter François. Marcel Roncayolo, Les grammaires d'une ville. Essai sur la genèse des structures urbaines à Marseille. In:
Annales. Histoire, Sciences Sociales. 52ᵉ année, N. 5, 1997. pp. 1195-1198;

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lyser les mouvements de concentration ur
baine la ségrégation la lumière
des différents modes habiter les espaces
échelle du quartier ou de immeuble
Les conditions accès au statut de bour
geois agissent tantôt dans le sens une
intégration des étrangers dans le tissu
socio-économique de la ville tantôt
comme barrières infranchissables Ces va
riations permettent apprécier les mul
tiples formes de accueil des immigrants
comme la diversité de leurs stratégies
Elles déplacent aussi le regard de la
communauté ethnique vers la formation
des groupes sociaux et des rapports ils
nouent entre eux
analyse des facteurs de intégration
ne conduit pas construire un modèle
unique sauf considérer les populations
immigrées comme des groupes homo
gènes ignorant les contradictions et les
conflits internes Les règles ensemble
ne pèsent jamais de manière contraignante
ni déterministe Si absence de religion
commune entre autochtones et étrangers
peut jouer comme facteur discriminant le
partage des croyances et des pratiques
est pas nécessairement un signe de fu
sion harmonieuse immigration dépla
ant la signification et la combinaison des
identités
Cet ouvrage collectif dont ambition
est offrir une perspective comparative
réussit pas entièrement Rassembler
des travaux sur le thème de immigration
dans la ville différentes époques et dans
différents pays Europe ne suffit pas
mettre en place une approche comparative
ni même dégager des lignes de force
faute de recourir des données et des
méthodes comparables Les contributions
diverses traversent les siècles et le conti
nent européen se renvoyant des points de
vue en écho mais on reste devant une
collection articles
Annie BENVENISTE
Marcel RONCAYOLO Les grammaires
une ville Essai sur la genèse des
VILLES SEAUX URBAINS ESPACES
structures urbaines Marseille Paris
ditions de cole des Hautes tudes
en Sciences Sociales 1996 507
Destin singulier que celui de ce texte
puisque il été présenté en soutenance
de thèse en 1981 et attendu quinze ans
pour que son auteur le donne la publi
cation en version originale exception
une conclusion renforcée évidence
ce retard pour conséquence de couper
les effets que le projet novateur de Marcel
Roncayolo pouvait avoir tant la recherche
urbaine progressé depuis Paradoxale
ment si le champ urbain est tellement
élargi est en grande partie grâce aux
travaux de Roncayolo Toujours cité
son article avec Bergeren dans les
Quaderni en 1974 constitué une sorte
de manifeste pour une génération de cher
cheurs Et comment ne pas reconnaître
quel point son petit livre La ville et ses
territoires Paris Gallimard) plusieurs
fois réédité depuis sa première édition en
italien 1978) nourri la réflexion et servi
de réservoir hypothèses la recherche
autres travaux ont mis en évidence son
art de la synthèse brillante et un sens
raffiné de la formule stimulante
Avec ce gros livre sur Marseille est
un autre Roncayolo que on découvre
il nous introduit en quelque sorte
dans son laboratoire où comme importe
quel chercheur il expérimente des pro
cédures et tâtonne pour construire son ob
jet Il consacre les deux premiers chapitres
définir angle approche et reven
diquer son identité de géographe préoc
cupé de comprendre la division sociale de
espace urbain Il est certes un des rares
venus de cette discipline mais les his
toriens sont-ils plus nombreux opérer
une démarche similaire qui ont il
lustré le croisement des dimensions tem
porelles et spatiales Dans la grande
tradition héritée de Lucien Febvre il croit
aux performances une géographie his
torique renouvelée en un temps où ur
bain est devenu la tour de Babel des
sciences de la société 20 Plus que
1195
COMPTES RENDUS

ne le feraient les historiens mieux aptes démontrer une ville ne peut en aucun
selon lui dégager la signification globale cas être réduite son fonctionnement
et les fondements économiques de la est dire par là une simple description
croissance urbaine il cite J.-C Perrot et classique des groupes ne suffit plus
Lepetit) le géographe Roncayolo rendre compte du social est dire aussi
prête une attention soutenue analyse au-delà de la démographie et de éco
des formes urbaines Celles-ci ne peuvent nomie urbaines le chercheur doit mobi
se réduire image commode du palim liser les ressources il appelle faute
pseste qui opte pour la stratification des de mieux culturelles Habwachs
expériences Le passé reste présent et déjà considérait le terrain soumis la
les interventions nouvelles prennent aussi spéculation comme une valeur opi
leur sens dans la manière dont elles éta nion Roncayolo lui balise tout le
blissent par rapport au transmis 88 domaine des représentations en faisant
est avant tout par une étude serrée de jouer tout aussi bien les idéologies dans
la morphologie urbaine il veut restituer la ville que les idéologies de la ville
la dynamique des réinterprétations so Tout un programme
ciales successives des espaces urbains ce Deux parties pour le mettre en uvre
il dénomme les grammaires de la La première se veut délibérément étude
ville De cette manière Roncayolo ac de cas auteur se doit de justifier ce qui
tualise dans le spatial les intuitions de pourrait sembler archaïque puisque de
Maurice Halbwachs une référence fré puis les années 1970 la tendance va
quente de ce livre tout en se démarquant abandon des monographies histoire
du déterminisme économique de éco totale pour privilégier des échelles géo
logie urbaine américaine Indéniablement graphiques variables les recherches pro
séduit par les modèles de école de blématiques Sur celles-là Roncayolo
Chicago il ne cesse en effet de nuancer ailleurs plusieurs fois hésité puis
et de restituer la part de complexité du il était donné le projet étudier les
réel gommée en apparence par les tech grands ports européens de la Méditerranée
niques puissantes de écologie facto- avant de se limiter si on ose dire
rielle est là que on mesure une Marseille et privilégier parmi celles-ci
vingtaine années bientôt après les ré un thème celui de espace social abord
férences de ce livre le caractère prémo enfermée dans la ville-commune parti
nitoire des hésitations méthodologiques culièrement vaste ailleurs) enquête
de auteur Comment par exemple éviter empirique est ensuite contrainte élar
de déduire des organisations territoriales gir échelle régionale quand auteur
partir une structure sociale posée constate comment les divisions sociales
comme priori auteur per oit avec ne accomplissent plus essentiellement
beaucoup de lucidité ce danger aujour intérieur En outre le choix monogra
hui mieux maîtrisé de la réification des phique implique sans cesse les renvois
catégories sociales Il note la distance qui que ce soit autres villes Lyon Paris
demeure entre usage de catégories sta ou espace fran ais pour mieux spé
tistiques et le fonctionnement des struc cifier Ainsi démographiquement Mar
tures sociales Les hommes se classent seille exagère sans trop la déformer
selon la représentation des espaces ils la courbe de urbanisation fran aise
habitent en ignorant la frontière souvent 113 Par contre le schéma industriel
artificielle en tout cas perméable des ca du 19e siècle construit sur le couple ville-
tégories socioprofessionnelles 78 port puis la désindustrialisation relative
Tout en reconnaissant que la période étu du centre au 20e siècle avec émergence
diée en gros deux siècles de histoire de une région de villes semblent re
Marseille consacre une approche fonc lever davantage une évolution auto
tionnelle de la ville auteur ne cesse de nome

1196

Cette première partie débouche sur
deux types de résultats Chronologiques
abord auteur précise un certain
nombre de rythmes démographiques
conjoncturels de la construction et de
urbanisme dont les synchronies indui
sent une périodisation Deux temps forts
animent la croissance marseillaise Le
premier culmine sous le Second Empire
et amorce dès les années 1820-1840 Le
deuxième correspond histoire récente
des décennies 1950-1970 terme de étude
de Roncayolo Entre les deux une pé
riode plus indécise qui ne cesse de pro
longer ou de préparer est selon On
verra plus loin que ces séquences sont
moins banales il paraît Spatiaux
ensuite le constat une mosaïque urbaine
complexe Avec beaucoup de prudence
auteur attelle la recomposition des
unités urbaines topographiques morpho
logiques et sociologiques Récusant le
concept commode de ségrégation il uti
lise plus justement celui de division so
ciale Il joue intelligemment sur les
échelles pour conclure des proximités
sociales ou au contraire constater la ré
pétition des contrastes Il risque enfin une
subtile analyse factorielle en deux temps
pour mettre en évidence inégal pou
voir des groupes sociaux dans la crois
sance urbaine 290 et dégager le fait
que Marseille associe étroitement centra-
lité fonctionnelle et sociale sans néces
sairement exprimer par des ensembles
monumentaux ou des figures symbo
liques Au passage en réaction la mo
rosité hui de rigueur face aux
constructions quantitatives on appréciera
la retenue un auteur qui ne cède en
aucun cas euphorie des années 1970
quant aux vertus heuristiques de la quan
tification
Le rôle du géographe est pas de
paraphraser le paysage mais de le mettre
en accusation 168 Cette formule
pourrait résumer la deuxième partie de la
thèse dans laquelle auteur replace le
constat dans la durée pour étudier la dy
namique des acteurs et des représenta
tions Là encore ce qui devait paraître
VILLES RESEAUX URBAINS ESPACES
audacieux la fin des années 1970 nous
est hui beaucoup plus familier
notamment grâce aux travaux du regretté
Bernard Lepetit et des expériences que
ce dernier animées aussi bien pour
comprendre importance des représenta
tions sociales dans appropriation des es
paces que les stratégies des acteurs dans
la formation des appartenances identi
taires Ici les acteurs se confondent en
core avec les décideurs les échevins du
18e siècle les propriétaires et les spécu
lateurs du 19e siècle ou une manière
générale cette fraction de la société qui
disposant de hauts revenus peut librement
rechercher de nouveaux espaces résiden
tiels Des autres on entrevoit surtout
image que les premiers en font Ou
plus précisément est une représen
tation envahissante au point de figer le
développement de Marseille dont nous
entretient auteur est ce il appelle
le modèle libéral Selon lui le dis
positif territorial enraciné dans le 18e
siècle et transformé en structures acquises
durant la première moitié du siècle suivant
suffit expliquer la division sociale et
fonctionnelle qui ne fait que se reproduire
ensuite est ce modèle libéral où ini
tiative des propriétaires joue les premiers
rôles qui guide urbanisme marseillais
durant le temps fort du 19e siècle Mais
est en termes habitat et de vie sociale
que opèrent des choix urbains très peu
interventionnistes le mode de vie plus
que le mode de production nous dit
auteur Ainsi se figent au plan des
représentations opposition entre ville
ancienne et ville nouvelle celle de agran
dissement de 1666 selon les normes de
urbanisme classique et dans les trames
matérielles la dichotomie nord-sud les
fonctions portuaires au nord et les fonc
tions urbaines au sud) définissant une cer
taine forme de centralité double difficile
remettre en cause La preuve de la du-
rabilité de cette construction auteur la
trouve dans échec de haussmannisation
dont analyse clôt le livre Un peu abrup-
tement sans doute car on con oit pénible
ment un siècle histoire de Marseille
1197
COMPTES RENDUS
depuis 1860 ne soit que répétition ou
simple réajustement une formule acquise
Roncayolo probablement non plus
lui qui termine par un point interroga
tion au butoir des rationalités urbaines
472 Une impression inachèvement
qui justifie peut-être le terme essai dans
le sous-titre de ce gros livre
De même que auteur est constam
ment retenu de projeter sur sa ville une
perception de la situation contemporaine
susceptible de produire une rationali
sation posteriori gardons-nous une
lecture qui tiendrait pour acquis des dé
veloppements problématiques et concep
tuels intervenus précisément parce que
des recherches comme celle-ci ont depuis
vingt ans ouvert le chemin De quoi
pardonner Roncayolo un mode
exposition terriblement dense sans
complaisance pour le lecteur et des pas
sages très allusifs sur les débats épisté-
mologiques des années 1970 ou sur
actualité économique et financière de sa
ville qui font de ce livre tard paru déjà
une source histoire
Fran ois WALTER
Fran ois WALTER La Suisse urbaine
1750-1950 préface André Corboz
Genève ditions Zoé 1995 454
En moins de 500 pages Fran ois Wal
ter réussit le tour de force écrire une
histoire urbaine de la Suisse ouvrage
couvre une période qui grosso modo cor
respond celle abordée par les volumes
et de Histoire de la France urbaine
mais ici auteur est unique Cela ne si
gnifie pas pour autant contraction des
perspectives puisque la démarche de
Walter est globale Son approche est
la fois chronologique et thématique et
auteur analyse aussi bien la constitution
du réseau urbain helvétique que les réa
lités intra-urbaines il aborde aussi bien
1198
la morphologie des villes que les pra
tiques sociales de la ville De plus les
politiques urbaines et leurs aspects finan
ciers ne sont pas négligées Pour autant
la conception de histoire urbaine que
préconise Walter est pas un fourré-
tout où serait abordé tout événement sous
prétexte il se passe en ville La concep
tion qui guidé dans ses recherches est
bien celle de la recherche des interrela
tions entre social et spatial
ouvrage repose sur une parfaite
connaissance des travaux suisses mais ce
qui fait la qualité principale de ce livre
est intégration de cette histoire urbaine
nationale une histoire des villes euro
péennes Les villes suisses ont leur propre
dynamique mais elles sont très per
méables aux influences venues des pays
voisins la France Italie ou Allemagne
De ce fait ce livre est une introduction
aisée et pertinente univers des villes
allemandes pour lesquelles les ouvrages
en fran ais ne sont pas légion sont
particulièrement bien analysées les théo
ries développées la fin du 19e siècle au
moment où hygiénisme et la philan
thropie entrent en conflit avec la propriété
privée et la convergence des idéologies
anti-urbaines de droite et de gauche
fusionnées par une culture politique qui
en Suisse plus ailleurs fonctionne sur
des bases ruralisantes 419)
lire cette histoire de la Suisse urbaine
on sera frappé de la pertinence de cer
taines remarques pour notre propre his
toire hexagonale La persistance en
Suisse des idéologies ruralisantes aux 19e
et 20e siècles ainsi que importance des
attitudes anti-urbaines dans la culture po
litique. ont contribué différer la prise
de conscience de intérêt investigations
spécifiques au champ urbain 16 En
dépit de cette affirmation le lecteur ne
peut être frappé par la diversité des
études de qualité pu utiliser Walter
qui sert au mieux les recherches menées
par des auteurs de premier plan comme
Bruno Fritszche Philip Särasin ou André
Corboz ou par leurs élèves. Dans le do-