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HISTOIRE

Hasselblad Des Suédois sur la Lune


Le programme Apollo n’aurait pas autant marqué les esprits sans les prises de vue rapportées
de la surface lunaire par les astronautes. Pour cela, ils eurent à leur disposition des appareils
photographiques mis au point sur l’ancien continent et plus précisément en Suède par
la firme Hasselblad installée à Göteborg au sud-ouest du pays.

En 1841, la famille Hasselblad fonda une société internationale d’import- L’utilisation des appareils suédois par
export : la F.W. Hasselblad & Co. Elle devint vite l’une des maisons de commerce la NASA couronna la politique de qualité de la
les plus prospères de Suède. Elle se mit également à importer des fournitures et firme, notamment lors de la mission Apollo 11
des produits pour le domaine en plein essor de la photographie. qui vit le débarquement du premier homme
sur la Lune.
Un petit peu d’histoire
Wally Schirra recommande
C’est Arvid Viktor Hasselblad, fils du fondateur de la société et passionné Hasselblad
par cette nouvelle technique, qui développa la branche photographie au sein de la
firme d’import-export. Il aurait tenu ces propos : «Je ne pense pas que cela nous En 1962, Wally Schirra s’apprête à partir
rapportera beaucoup, mais au moins, nous pourrons faire des photos gratuitement»... dans l’espace avec le vol Mercury-Atlas 8. Il va
Le futur lui donna tort lorsque le service photographie s’imposa comme l’une des devenir le cinquième Américain dans l’espace
plus grandes spécialités de la compagnie ! et le troisième sur orbite (voir encart ci-contre).
À l’occasion des vols de ses confrères, de
Pendant le second conflit mondial, le gouvernement suédois demanda à premières expériences passionnantes de prises
Victor Hasselblad (le petit-fils du fondateur de l’entreprise) de développer un appareil de vues ont été menées avec des appareils
de prise de vue pour l’armée de l’air, en s’inspirant d’un exemplaire récupéré sur un de marque Ansco et Robot. Passionné de
avion allemand écrasé en Suède. Par procédé de rétro-ingénierie, qui consiste à photographie, Wally Schirra estime que les
déduire le processus de fabrication d’un objet à partir du produit fini, il mit au point prises de vues peuvent être améliorées. Il
ce qui allait devenir le premier appareil photo Hasselblad, le HK7. utilise d’ailleurs à titre personnel un Hasselblad.
Il suggère donc à la NASA d’opter pour l’emport
Une fois le conflit terminé, Hasselblad se concentra sur la production d’un d’un modèle 500C de la firme suédoise,
nouveau type d’appareil photo grand public. Au fil du temps, ses produits finirent par appareil très robuste constitué de 600 pièces,
acquérir une grande réputation parmi les professionnels en raison de leur qualité. comme appareil «de poche» à bord de sa
mission.

L’appareil photo, acheté dans un com-


merce de Houston, subit certaines modifica-
tions : son miroir reflex est retiré tandis que
les volets auxiliaires, le verre de focalisation
et le viseur sont éliminés au profit d’une plaque
en aluminium sommaire anodisé en noir (l’ap-
pareil n’a plus de visée «reflex» et le cadrage
se fait au jugé). Le corps de l’appareil se voit
privé de son revêtement en vinyle dans un
souci de gain de masse. Pour continuer à
éviter l’éblouissement, l’appareil est peint en
noir mat. Une manivelle, elle aussi dépouillée
de revêtement, remplace le bouton d’avance
du film. L’objectif, chromé à l’origine, devient
noir. Le magasin original contenait une pellicule
permettant de prendre 12 photos. Cette capa-
cité est rapidement jugée insuffisante : la

Cette célèbre photo qui montre Alan Bean


sur la Lune pendant la mission Apollo 12
(et Charles Conrad qui se reflète dans le
casque) permet de voir aisément où était
accroché l’appareil photo Hasselblad sur
© NASA

le scaphandre des astronautes, au niveau


du torse. *

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HISTOIRE
© Hasselblad
Hasselblad SWC : le premier satellite suédois
Le succès de cet essai a pour conséquence logique l’adoption des boitiers
suédois pour la suite du programme habité américain. Ainsi, tous les équipages des
missions Gemini, de 3 à 12, sont dotés d’Hasselblad 6x6, soit un format de pellicule
de 6 cm de large où les photos sont carrées. Pour Gemini 3 à 8, les astronautes em-
mènent donc des Hasselblad 500C modifiés, soit la logique inaugurée par Schirra à
bord de Mercury-Atlas 8. Une nouveauté est introduite à partir de la mission Gemini
9, le 3 juin 1966 avec l’emport d’un second Hasselblad de modèle Super Wide
Camera (SWC). Il doit son nom au célèbre objectif grand-angle («fisheye») Zeiss
Biogon 4,5/38 mm qui l’équipe. Le Biogon affiche une haute résolution et une
distorsion extrêmement faible malgré un champ de 90° (une véritable prouesse à
l’époque). Ces caractéristiques font de lui l’outil idéal pour réaliser des images dans
des intérieurs étroits comme la cabine, mais aussi afin de saisir des clichés à
grande échelle comme la surface de la Terre. Le SWC s’impose donc comme le
second modèle d’Hasselblad sélectionné par la NASA. À nouveau, l’appareil est en
grande partie standard puisque seul son revêtement d’origine est enlevé et remplacé
par des plaques en aluminium anodisé de couleur noire vissées.

En juillet 1966, lors de la mission Gemini 10, Michael Collins perd son SWC
au cours de sa sortie spatiale. «Je suis désolé de dire que j’ai perdu par inadvertance
mon Hasselblad de sortie extravéhiculaire», déclare celui qui, 3 ans plus tard, ac-
Victor Hasselblad (1906-1978), ici âgé compagnera Armstrong et Aldrin pour Apollo 11.
de 72 ans, était le petit-fils du fondateur
de la célèbre firme suédoise. Passionné de Victor Hasselblad n’a pas manqué de commenter l’événement avec humour,
photographie, il lança un concept d’appa- soulignant que «la courroie de l’appareil photo n’est pas de notre fabrication»... Quant
reil photo de qualité qui allait devenir à la presse suédoise, elle titre : L’appareil Hasselblad, le premier satellite suédois !
légendaire. Il assista aussi à l’utilisa-
tion de ses produits par la NASA. * Hasselblad 500 HEC
Le 27 janvier 1967 survient le drame d’Apollo 1 : les astronautes Virgil
Grissom, Edward White et Roger Chaffe périssent lors de l’incendie de leur capsule
société Cine Mechanics réalise une adaptation au cours d’une répétition de lancement au sol. Les normes de sécurité et de fiabilité
afin d’héberger un film de 70 mm. Contrairement pour les futurs vaisseaux Apollo sont du coup renforcées, ce qui touche l’ensemble
au reste du matériel de bord, l’appareil photo des équipements, y compris les appareils photo. L’entraînement électrique de la
ne subit pas d’essais intensifs. Il ramène néan- pellicule de ces derniers doit ainsi être capable de fonctionner dans un environnement
moins des clichés de qualité lors du vol Mercury riche en oxygène sans présenter de danger d’incendie ou d’explosion. Afin de
Sigma 7 du 3 octobre 1962. répondre à cette exigence, les composants du mécanisme interne de l’appareil

Le premier photographe spatial


© NASA

Neuvième homme dans l’espace, Wally Schirra avait été précédé de Youri
Gagarine (URSS - 12 avril 1961 - 1 orbite), Alan Shepard (USA - 5 mai 1961 -
suborbital), Virgil Grissom (USA - 21 juillet 1961 - suborbital), Gherman Titov
(URSS - 6 et 7 août 1961 - 17 orbites), John Glenn (USA - 20 février 1962 -
3 orbites), Scott Carpenter (USA - 24 mai 1962 - 3 orbites) et enfin Adrian
Nikolayev et Pavel Popovitch (URSS) qui volèrent respectivement du 11 et
12 août au 15 août 1962 à bord de deux vaisseaux séparés (Vostok 3 et 4).
Si Wally Schirra a été le premier à utiliser un appareil photo de marque
Hasselblad, il n’est toutefois pas le premier photographe spatial.
Cet honneur revient à son compatriote John Glenn qui emporta le 20 février
1962 un appareil de la firme américaine Ansco, l’Autoset 35mm, en fait fabri-
qué par Minolta au Japon. Par photographe spatial, nous désignons un astro-
naute qui a utilisé lui-même un appareil photographique, ce qui exclut les
caméras de cinéma (Shepard avait une caméra 16mm et Titov une 35mm)
© National Air and Space Museum

et bien évidemment les appareils placés à bord des satellites.

John Glenn est le premier photographe spatial : lors de son vol Mercury du
20 février 1962 (voir E&E n°9) il utilisa un appareil Ansco d’origine japonaise
(Minolta). *

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HISTOIRE

photo sont revus. On choisit des commutateurs Charles Duke (à gauche) et John Young, les marcheurs lunaires d’Apollo 16,
hermétiquement scellés pour minimiser la cha- suivent ici un entraînement géologique au Canada. Remarquez le harnais
leur générée au sein des différents compo- auquel est fixé un appareil photo Hasselblad. Les astronautes apprenaient
sants. ainsi à prendre des clichés pertinents sans utiliser la visée reflex
qui avait été enlevée. *
Le 500 EL utilisé par la NASA est
conçu par le tout nouveau bureau d’étude
créé par Hasselblad en 1967 pour préparer
les appareils servant exclusivement aux vols
spatiaux. Il est désigné HEC (pour Hasselblad
Electric Camera) qui est en fait un Hasselblad
500 EL «terrestre» abondamment modifié.
Les techniciens lui retirent son revêtement en
vinyle car ce type de matériau peut dégager
des vapeurs nocives dans une atmosphère
d’oxygène pur et le remplacent par des plaques
en aluminium anodisé de couleur noire. Il sup-
priment le miroir intérieur et l’obturateur auxi-
liaire. Le bouton rond du déclencheur cède sa
place à un grand bouton carré plus commode
à actionner par les astronautes équipés de
gants pressurisés. Ce HEC comporte aussi
un mécanisme d’entraînement à moteur mo-
difié, alimenté par deux batteries nickel-cad-
mium, qui avance le film et arme l’obturateur
lorsque l’appareil est activé. Ces batteries
sont rechargées grâce à une nouvelle prise
Bendix qui a également la capacité de dé-
clencher l’appareil à distance via un câble.
© NASA

Avec le modèle 1600F en 1948, puis le


1000F en 1952, la firme suédoise acquit
une réputation de qualité et de fiabilité.
Cours de photographie pour astronautes
Ici une publicité américaine pour

L
Hasselblad. * es astronautes d’Apollo suivirent une formation intensive en
vue de leur exploration lunaire. Et des cours de photographie
étaient au programme. Ils furent ainsi encouragés à prendre
des caméras de formation lors de leurs voyages afin de se
familiariser avec le fonctionnement de l’appareil et d’améliorer
leur technique photographique. Les équipages visitèrent aussi des
sites géologiques dans le Nevada, l’Arizona, Hawaii ou le Canada. Équipés avec
des outils de prélèvement du sol ou des roches (sac, marteau, etc.) ou encore
un harnais simulant en partie leur combinaison (voir photo), ils réalisaient des
clichés avec un Hasselblad EL, semblables à ceux prévus pour leur mission lu-
naire. Comme l’utilisation de l’appareil avait été en grande partie automatisée,
la formation la plus cruciale consistait à apprendre à pointer correctement
l’Hasselblad qui était fixé sur leur scaphandre au niveau du torse (très exacte-
ment sur le pack de contrôle du système de commande environnemental de la
combinaison). L’astronaute dirigeait donc son corps afin de viser avec l’appareil
photo. Les films pris pendant ses exercices pratiques furent traités et rendus
aux équipages qui étudiaient les résultats en vue de se perfectionner.

HEDC signifie Hasselblad Electric Data Camera. Il s’agit d’un Hasselblad


500 EDC (Electric Data Camera) modifié pour résister à de nombreuses
contraintes :
■ Une accélération de plus ou moins 20g dans toutes les directions pendant
3 minutes.
■ Un choc de 30g pendant 11 millisecondes.
■ D’importantes variations de pression d’air allant du niveau de la mer à
lblad

moins de 10-10 mm de mercure (pour survivre au vide spatial).


■ Une plage de températures allant de -186 °C à + 114 °C (écarts rencontrés
© Hasse

sur la Lune selon qu’on est ou non exposé au Soleil).


■ Des radiations solaires de 600 rads (6 grays actuels).
■ 100 % d’humidité relative, comprenant une condensation de 5 jours à une
HEDC : l’Hasselblad lunaire température de 26 °C à 71 °C.

L’appareil photographique utilisé par Surnommés «Hassie», ces appareils arborent une finition extérieure de
les marcheurs lunaires résulte d’une demande couleur argent mat anodisé pour minimiser l’absorption du rayonnement thermique
de la NASA à Hasselblad en 1968. Les carac- afin d’aider à maintenir une température relativement constante en son sein. Les lu-
téristiques définitives de cet appareil sont ar- brifiants utilisés dans les mécanismes sont éliminés ou remplacés. Il faut savoir que
rêtées en février 1969. les lubrifiants conventionnels s’évaporent dans le vide spatial pouvant potentiellement

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© NASA
Les objectifs
C’est la compagnie ouest-allemande Carl Zeiss, spécialisée dans les optiques
et qui jouit d’une excellente réputation, qui conçoit et livre à Hasselblad les
objectifs qui sont utilisés par la NASA. Le 500C est équipé d’une optique
Zeiss Planar 2,8/80 mm d’origine, il contient 7 éléments de lentille et a un
angle de champ de 52°. Le SWC possède un Biogon Zeiss 4,5/38 mm. Le
HEC est muni d’un Zeiss Planar 2.8/80 mm et d’un Sonnar 5,6/250 mm
(sur Apollo 8). Le HEDC est pourvu d’un objectif Carl Zeiss Biogon

Lui-même possesseur d’un Hasselblad, 5,6/60 mm. Celui-ci fut conçu en moins de 6 mois, conjointement avec le
Wally Schirra (1923-2007) recommanda
à la NASA l’utilisation des appareils HEDC en vue d’être utilisé avec la plaque à réseau équipant le nouvel Has-
suédois. Pour sa première mission spatiale,
le vol Mercury-Atlas 8 à bord de la capsule selblad. L’ensemble est soumis à des mesures très précises, afin d’assurer
Sigma 7 en 1962, il emporta un modèle
500C modifié (représenté ici avec, à l’absence de toute distorsion. Le Biogon 5,6/60 mm est donc un objectif
gauche, le magasin de pellicule
séparé du boîtier).* spécial grand-angle qui satisfait pleinement aux exigences strictes en
© NASA

matière de photogrammétrie. Il est composé de 8 éléments de lentille. L’an-


gle de champ de cet objectif est de 65°. L’HEDC pouvait aussi recevoir des
objectifs de 80, 100, 250 et 500 mm. Ce dernier fut notamment utilisé lors
de la SEVA (Stand-Up EVA - sortie extravéhiculaire debout) d’Apollo 15.

se condenser sur les surfaces optiques des celui-ci très à plat. La distance entre la surface faisant face au film et le film lui-
lentilles, la pellicule ou la plaque à réseau. même est d’environ 0,1 mm dans les zones extérieures (moins dans les zones
Justement, à quoi sert cette dernière ? centrales).

L’Hasselblad 500 EDC étant à l’origine La plaque est gravée de 25 croix (ou repères) qui forment un quadrillage.
un appareil de photogrammétrie, il est équipé Les intersections entre les repères sont séparées de 10 mm et calibrées avec une
d’une plaque à réseau (ou plaque réticulée) tolérance de seulement 0,002 mm. Hormis pour le repère central qui a une taille
qui fournit un moyen de corriger les images double, chacun des quatre bras d’un repère mesure 1 mm de long et 0,02 mm
des effets de distorsion du film en maintenant de large.

La plaque à réseau est montée à l’arrière de l’appareil photo, juste en avant


du plan du film. Elle est en verre, d’une épaisseur de 4 mm, mesure 5,4 x 5,4 cm
dans le plan du film, ce qui est la zone d’exposition utile de la pellicule 70 mm. Les
À partir de Gemini 9 en 1966, la NASA repères sont reproduits sur chaque image exposée et fournissent un moyen de dé-
ajoute le modèle SWC de l’Hasselblad 500 terminer les distances angulaires entre les objets dans le champ de vision.
afin de disposer d’une optique grand-angle.
C’est ce type d’appareil que Michael Collins Lorsque l’Hasselblad 500 EDC modifié (ou HEDC) est équipé d’un objectif
perdra lors d’une sortie en scaphandre sur de 60 mm, les images du réseau de repères sur le film ont une séparation apparente
orbite terrestre en 1966. * de 10,3 degrés. Avec un objectif 500 mm monté, la séparation apparente est de
1,24 degré.

Le danger de l’électricité statique


Pour répondre aux normes strictes édictées après l’incendie d’Apollo 1, la
firme suédoise doit profondément modifier l’entraînement de son film et la plaque
réseau. La raison ? L’électricité statique !
©
NA
SA Dans l’Hasselblad 500 EDC, le film est guidé par les bords relevés de la
plaque à réseau. Or, le verre étant un mauvais conducteur électrique, et en
l’absence d’air environnant, la charge emmagasinée entre la surface du verre et le
film devient parfois si importante que des étincelles peuvent jaillir entre la plaque et
le film, causant des traces sur le film. La qualité des photos s’en trouverait bien évi-
demment altérée. Le même phénomène risque même de mettre en péril la vie des
astronautes ! L’atmosphère d’oxygène pur des vaisseaux Apollo étant très peu
humide, l’électricité statique rencontre à nouveau un environnement favorable
synonyme d’incendie potentiel en cas d’étincelle trop forte. Afin d’évacuer cette ac-

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cumulation d’électricité statique hors de la plaque à réseau et ainsi empêcher la for- magasins exposés. Et seulement les magasins
mation d’étincelles, le côté de la plaque faisant face au film est revêtu d’une mince exposés ! Oui, vous avez bien compris : les
couche conductrice transparente. La charge électrique se dirige alors sur les parties précieux Hasselblad ont été laissés sur la
métalliques du corps de l’appareil par des ressorts de contact. Le contact est Lune... Avis aux collectionneurs ! Cet abandon
effectué par deux dépôts d’argent en saillie sur la couche conductrice. avait pour but de gagner de la masse, au
profit notamment des échantillons de roche
Pellicules lunaires ou de sol.

Si les appareils photo des astronautes d’Apollo sont suédois et leurs objectifs Sur chaque magasin de film se trouvent
Carl Zeiss allemands, la pellicule reste américaine. Le film 70 mm à deux rangées des instructions permettant à l’astronaute de
de perforation de Kodak autorise 200 photos en noir et blanc ou 160 en couleur (car faire des photos correctes sans utiliser de
en couleur l’épaisseur est légèrement plus grande, ce qui limite la longueur de film posemètre. En tout, 9 types de pellicules ont
enroulable). Ce 70 mm est fabriqué sur une base de Kodak Estar. Les réactifs été employés (voir l’encart ci-contre).
sensibles à la lumière sont donc hébergés sur un film polyester extra-mince (pas de
celluloïd), un matériau formulé pour la haute altitude et ses températures froides.
Il est logiquement utilisé en photographie aérienne, en particulier celle de recon-
naissance. Le point de fusion du polyester Estar est de 254 °C. Toutefois, des
altérations et des rétrécissements auraient pu se produire à partir de 93° C. En dépit
de cette limite, l’Estar de Kodak offre une plage de résistance au froid et à la chaleur
adaptée aux missions lunaires grâce au travail de maîtrise thermique accompli sur
le boîtier.

La pellicule enroulée sur des bobines en aluminium se retrouve contenue Lors de son vol de 1962, Wally Schirra
dans un magasin métallique doté d’un anneau d’attache permettant de descendre ramena les premières photos réalisées avec
l’appareil par l’écoutille du Module Luanire à l’aide du système LEC (Lunar Equipment un appareil Hasselblad dans l’espace. Ici, la
Conveyor - convoyeur d’équipement lunaire). Ce même anneau sert à remonter les Terre vue depuis l’orbite à travers le
hublot de la capsule Mercury. *
© NASA/JSC/University of Arizona

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© Marie Ange Sanguy
Un HEDC équipé d’un objectif longue focale de 500 mm. Il fut utilisé lors de la
Stand-Up EVA (SEVA) d’Apollo 15 au cours de laquelle le commandant David
Scott photographia en scaphandre les environs du Module Lunaire en
passant le haut de son corps par l’écoutille supérieure.

Un des boîtiers Hasselblad modifiés et


employés lors des missions Apollo (ici, un
modèle équipé d’un objectif 70 mm). Il est
aujourd’hui exposé à l’annexe Udvar-Hazy
(près de l’aéroport Dulles) du National Air
and Space Museum de Washington, DC. *

Numérisation haut de gamme


Un des clichés pris au 500 mm à cette occasion.
Les appareils suédois, les objectifs Remarquez les croix, typiques de la plaque à réseau. *
allemands et les pellicules américaines totali-
seront plus de 17.000 clichés réalisés par les
astronautes d’Apollo. Des clichés qui sont au-

© NASA
tant de précieux témoignages visuels (en plus
des transmissions vidéo et des films 16 mm)
de l’odyssée lunaire habitée des années 1960
et 1970. Consciente de leur importance histo-
rique, la NASA stocke les pellicules originales technologiques. Les fichiers obtenus auront une résolution au moins égale au grain
au sein du bâtiment 8 (dit Film Archive) du des films, n’entraînant donc aucune perte d’information. Chaque image issue des
Johnson Space Center de Houston dans un boîtiers Hasselblad bénéficiera ainsi d’une résolution de 163 millions de pixels (soit
grand congélateur à -17 °C. Depuis 2007, en 200 pixels par mm de pellicule) pour le noir et blanc, et de 40 millions de pixels pour
collaboration avec l’Arizona State University, la couleur. ●
l’agence américaine a commencé un nouveau
programme de numérisation des pellicules
originales en utilisant les dernières avancées

Quelles pellicules
pour Apollo ?
■ Apollo 8 à 17 SO-368 Kodak
Ektachrome MS film (couleur)
■ Apollo 10 à 12 3400 Kodak
Panatomic-X fine-grained (noir et
blanc)
■ Apollo 7 et 8 SO-121 Kodak
Ektachrome (couleur)
■ Apollo 8 et 14 à 17 2485 Kodak
high-speed recording film (noir et
blanc)
■ Apollo 12 et 14 SO-267 (noir et
blanc)
■ Apollo 9, 11, 13 et 15 SO-168 Kodak
Ektachrome EF film (couleurs)
■ Apollo 15 à 17 3401 Kodak Plus-X
Aerial film (noir et blanc)
■ Apollo 15 et 16 IIa-0 (ultraviolet)
■ Apollo 15 3414 Kodak high-definition Le HEDC : un Hasselblad 500 EDC modifié par la NASA afin de répondre aux
aerial film High-definition film (noir et contraintes de sorties en scaphandre sur notre satellite naturel. C’est avec
© Hasselblad

blanc) ce type d’appareil que les marcheurs lunaires d’Apollo


réaliseront des clichés historiques. *

Re´alise´ par Paul Cultrera

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