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D’

ANALYSE SOCIALE
DU PROJET

IPD-AC / E-Learning
Rédigé par : Dr NJEUNDAM ETIENNE HERZ
Institut Panafricain pour le Développement - Afrique Centrale

Sommaire

Sigles et abréviations ................................................................................................................ 3

Introduction .............................................................................................................................. 6

1 LES OBJECTIFS DE L’ANALYSE SOCIALE ............................................................ 6

2 LES CINQ POINTS D’ENTREE .................................................................................... 7

2.1 LA DIVERSITE SOCIALE ET LE GENRE ............................................................................ 7


2.2 INSTITUTIONS, REGLES ET COMPORTEMENT .................................................................. 8
2.3 PARTIES PRENANTES ................................................................................................... 13
2.4 PARTICIPATION ........................................................................................................... 16
2.5 RISQUES SOCIAUX....................................................................................................... 20

3 INTEGRATION DE L’ANALYSE SOCIALE DANS LA CONCEPTION DE


PROJET .................................................................................................................................. 27

4 LES INSTRUMENTS POUR LA PRISE EN COMPTE DES DIMENSIONS


SOCIALES DU DEVELOPPEMENT ................................................................................. 35

5 STRUCTURE REFERENCIELLE D’UNE « ANALYSE SOCIALE » ................... 35

6 POURQUOI PROCEDER A L’ANALYSE SOCIALE ? ........................................... 42

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Sigles et abréviations

BAsD : Banque Asiatique de Développement

AFR : Région Afrique

SIDA : Syndrome Immuno Déficient Acquis

APL : Adaptable Program Loan

BA : Evaluation par le Bénéficiaire

BP : Procédures bancaires

SAP : Stratégie d’assistance au pays

OBC : Organisation à base communautaire

CDB : Banque de Développement des Caraïbes

DBC : Développement à base communautaire

CEA : Analyse environnementale du pays

CGA : Analyse de genre par pays

CSID : Base de données sur l’information sociale dans le pays

CSW : Travailleurs commerciaux du sexe

EAP Asie de l’Est et Pacifique

EAC : Europe et Asie Centrale

ERL : Prêt de redressement de secours

ESW : Travail économique et de secteur

FIL : Prêt intermédiaire de financement

FY : Année fiscale

PIB : Produit intérieur brut

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IDH : Index de développement humain

VIH : Virus d’immunodéficience humaine

BIRD : Banque Internationale pour le Développement et la Reconstruction

AID : Association de Développement International

IDB : Banque Inter- Américaine de Développement

IPDP : Plan de Développement des Peuples autochtones

IDU : Utilisateurs de drogues injectées

CAP : Connaissance, attitudes et pratiques

LAC : Amérique latine et Caraïbes

LIL : Prêt pour l’apprentissage et l’innovation

S&E : Suivi et évaluation

MAP : APL multisectoriel

MAPP : Institut allemand de développement pour les projets d’évaluation


d’impact et de réduction de la pauvreté

MNA : Moyen Orient et Afrique du Nord

MSM : Hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes

ONG : Organisation Non Gouvernementale

OED : Département d’évaluation des opérations

MO : Manuel d’opération

OMS : Indication du manuel d’opération

PO : Politiques opérationnelles

PA : Evaluation de la pauvreté

PAD : Document d’évaluation de projet

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PCD : Document de conception de projet

PIP : Plan de mise en œuvre de projet

PVVIH/SIDA : Personnes vivant avec le VIH/SIDA

PPA : Evaluation participative de la pauvreté

PRCS : Crédit de soutien à la réduction de la pauvreté

PRSP : Stratégie de réduction de la pauvreté

RAP : Plan d’action pour la réinstallation

ROSCA : Association d’épargne et de crédit tournants

SAR : Région Asie du Sud

SIL : Prêt pour les investissements spécifiques

MST : Maladies sexuellement transmissibles

TAL : Prêt d’assistance technique

TDR : Termes de référence

ONUSIDA : Programme des Nations Unies sur le VIH/SIDA

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Introduction

L’expression analyse sociale recouvre des significations multiples associées au terme « social
». Certaines personnes l’identifient aux secteurs sociaux, d’autres à la notion Ouest-
européenne/occidentale de politique sociale, et d’autres encore aux impacts sociaux négatifs
de développement requérant des mesures d’atténuation. Aucune de ces significations ne suffit
pour appréhender les aspects sociaux relatifs à la grande diversité des opérations
d’investissement appuyées par un bailleur de fonds et d’autres institutions financières
multilatérales.

Ce cours esquisse une approche ouverte en termes de résultats de développement social mais
en même temps pratique. Il offre cinq points d’entrée pour appréhender les complexités
sociales. Ceux-ci permettent de mettre en exergue les segments de la société les plus
pertinents pour les projets d’investissement, et suggèrent des méthodes pour les étudier. Ceci
permet à l’équipe technique d’élaborer un plan d’action réalisable tout en étant confiant de
n’avoir rien oublié de critique. Soulignons que de nombreuses institutions et organisations
multilatérales procèdent actuellement à l’élaboration des guides pour l’analyse sociale propre
à chaque secteur.

1 Les objectifs de l’analyse sociale

- Afin de déterminer si les programmes qui sont proposés à un bailleur de fonds pour
financement sont appropriés. Que les fonds prêtés aient un impact significatif sur le
développement économique et social des emprunteurs.

- La croissance économique est plus susceptible de réduire la pauvreté lorsque le


développement est équitable et durable. La pauvreté étant multidimensionnelle, le
développement équitable et durable entraîne des mesures qui renforcent l’inclusion,
l’habilitation et/ou les résultats de sécurité en soutien aux acquis du développement
économique.

- L’analyse sociale permet à tout financier d’un projet d’évaluer la probabilité pour un
programme ou une opération proposé(e) d’atteindre les objectifs de développement social
et de recommander des mesures aidant dans ce sens.

- La « social assessment » permet à l’emprunteur ou au bénéficiaire d’examiner la durabilité


du projet et de prendre des mesures visant à le renforcer.

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2 Les cinq points d’entrée

Les spécialistes en sciences sociales des institutions financières et organisations


internationales utilisent cinq « points d’entrée », ou dimensions d’enquête, pour structurer
leur travail :

- diversité sociale et genre ;

- institutions, conventions et comportement ;

- parties prenantes ;

- participation ;

- et risque social.

Une bonne analyse sociale comprend une bonne analyse et des résultats stratégiques bien
définis, attendus de chacun de ces points d’entrée. Les cinq points d’entrée offrent aux
équipes techniques une vision claire des barrières et des passerelles socioculturelles faisant
face aux objectifs des projets, une bonne appréciation des dispositions institutionnelles et des
ressources dont elles auront besoin ainsi qu’un ensemble d’indicateurs pour mesurer le
progrès dans l’atteinte des objectifs de développement du projet.

2.1 La diversité sociale et le genre

Toutes les sociétés sont composées de divers groupes sociaux pouvant être identifiés à partir
du genre, de l’appartenance ethnique, de la religion, de l’âge et de la culture, ainsi que des
caractéristiques « spatiales » (géographiques) et économiques. Ces catégories sociales sont
importantes pour les chercheurs pour la simple raison qu’elles sont importantes pour les
populations qui les utilisent pour se définir elles-mêmes ainsi que leurs proches. Elles peuvent
constituer la base d’intérêts directs, provoquer ou refréner l’action, et déterminer l’accès à
l’opportunité. Les populations n’ont pas de choix pour certaines catégories sociales. Le genre,
l’âge, l’appartenance ethnique, la langue, la race et la religion comptent parmi ces catégories
attribuées. Si vous êtes un homme de 70 ans d’un certain clan, vous êtes un « ancien », ceci
ne relève pas d’un choix. Cependant la diversité sociale inclut également des catégories
acquises comme celles fondées sur la profession, d’autres rôles sociaux, ou l’adhésion à des
mouvements sociaux. En réalité, les individus, et occasionnellement les groupes « passent »
d’une catégorie sociale à l’autre, et le niveau de mobilité sociale peut être un bon indicateur

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de développement social. Avec l’augmentation des mariages interethniques, même


l’appartenance ethnique est devenue plus fluide dans de nombreuses sociétés, et
occasionnellement la barrière du genre est également franchie. En outre, la perception par les
groupes d’eux-mêmes et de leurs relations avec les autres ne correspond pas toujours à leur
perception par les autres.

2.2 Institutions, règles et comportement

Ce point d’entrée est utilisé pour comprendre les relations entre les organisations et les
institutions, c'est-à-dire les règles du jeu formelles et informelles régissant les rapports
sociaux. Ceci est crucial parce que nombre d’interventions de développement, y compris les
réformes de projets et de politiques, dépendent pour leur mise en œuvre d’un changement
institutionnel. Il est souvent admis que les institutions (y compris les marchés) fonctionnent
correctement et selon des règles formelles. Mais dans les faits, les coûts élevés de
transactions, la mise en vigueur inefficace et l’absence de compétition ou de responsabilité
peuvent conduire à une sous performance d’un gouvernement, d’un marché, ou des
institutions civiles.

Les institutions sont des codes ou règles communément admises qui régissent ou influencent
le comportement et permettent l’interaction entre les organisations. Le Code Napoléon, le
potlach de la côte nord-ouest en Amérique du Nord, la tradition des samurais du Japon, sont
tous des institutions ayant chacune des règles. Les organisations, par contre, sont des
structures formelles avec des rôles, des responsabilités et des processus définis. Les
organisations peuvent avoir des structures simples, réelles uniquement d’un point de vue
juridique jusqu’à ce qu’elles commencent à fonctionner. Les organisations peuvent avec le
temps, s’institutionnaliser.

Les institutions peuvent être considérées comme une forme de capital social. Le capital social
reflète comment les relations entre les populations améliorent leur aptitude à accomplir des
actions. Ainsi, le capital social peut avoir des dimensions verticales ou horizontales. Le
capital social vertical décrit les connexions entre les populations opérant à travers les
institutions où une personne a du pouvoir sur une autre. Le capital social horizontal agit entre
les groupes de pairs. Lorsque l’analyse sociale étudie les institutions, règles et
comportements, elle cherche à saisir le caractère du capital social vertical.

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L’analyste doit prendre soin de ne pas traiter l’Etat comme une institution uniforme. Les Etats
devraient être différenciés horizontalement et verticalement. Les ministères et départements
de même niveau au sein d’une administration publique ont des programmes variés et souvent
conflictuels. Au sein des ministères et départements individuels, la bureaucratie
professionnelle peut avoir des objectifs différents de ceux des postes politiques d’un
gouvernement et les décideurs peuvent avoir des intérêts différents de ceux des agents sur le
terrain. Un exemple vivant est la tentative de faire passer les grands, et traditionnellement
puissants Départements des Forêts des Etats indiens aux USA, de leur statut d’agence de
surveillance et de contrôle à celui d’agence chargée de faciliter l’accès des communautés
locales à l’utilisation des ressources de développement et naturelles. Alors que les hauts
fonctionnaires soutiennent généralement ce genre de changement, les agents forestiers au
niveau local peuvent y voir une menace à leurs postes et une réduction de leur marge de
revenu, et de ce fait, bloquer les tentatives d’autonomisation des communautés. Des divisions
semblables existeront entre les différents niveaux du gouvernement, entre les municipalités,
les Etats ou provinces et l’administration centrale. Ces différences seront encore plus
importantes lorsque la structure politique accordera aux niveaux d’administration inférieure
une base de pouvoir indépendante et réduira leur responsabilité par rapport aux niveaux plus
élevés (si ce n’est à leurs électeurs). Enfin, les responsables gouvernementaux élus répondront
très différemment à la pression publique comparés à ceux qui sont nommés. Les règles
institutionnelles du jeu peuvent être formelles et codifiées, ou informelles, exprimées par la
pratique ou le comportement. C’est cette différence qui fait le défi de l’analyse des
institutions, règles et comportements. Le processus formel de prise de décision d’un ministère
peut montrer que le ministre en a la charge, mais tout le ministère peut comprendre que c’est
le secrétaire permanent du ministre qui tient réellement les rênes du pouvoir.

L’interaction entre les institutions altère souvent les règles formelles ou crée un sous-
ensemble de normes informelles. Par exemple, un système judiciaire fonctionnant bien
admettrait en théorie que les juges sont nommés sur la base du mérite et se voient confier des
cas par un système transparent. En pratique, dans certains pays, le corps judiciaire est
confronté à la précarité professionnelle et au manque d’incitations financières, ce qui accroît
les risques de corruption. Dans un de ces pays, au lieu d’une attribution aléatoire des cas, la
norme informelle était la sélection, par les juges eux-mêmes des dossiers à traiter, ce qui leur
accordait encore plus de pouvoir discrétionnaire. Ces faits ont émergé d’une analyse
entreprise pour examiner les raisons sociales et institutionnelles sous-tendant la corruption

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endémique et le nombre énorme de cas en instance. Les règles formelles comme les normes
informelles nécessitaient d’être modifiées. Un projet de réforme judiciaire fut initié avec la
participation des principales parties prenantes, y compris le corps judiciaire et la société
civile, pour (i) trouver les moyens réalistes de prendre en compte ces contraintes, afin de
parvenir à l’instauration d’un processus de sélection des juges sur la base du mérite, d’un
système d’affectation aléatoire informatisé d’attribution des dossiers, et (ii) engager une
collaboration entre le corps judiciaire et les ONG, en vue d’introduire une plus grande
transparence dans le système, afin de parvenir à une amélioration considérable des prestations
de la justice. Il est important de bien discerner les caractéristiques du capital social vertical
pertinent à un projet d’investissement. Les organisations formelles et informelles liées à un
projet peuvent exister dans la communauté, dans le secteur public, ou sur le marché. Elles
peuvent édifier ou démanteler un projet ; elles peuvent constituer des ponts ou des barrières
pour le développement social.

1. Analyse des institutions

L’analyse sociale des institutions, règles et comportements complète l’analyse institutionnelle


menée pour évaluer la capacité institutionnelle de l’agence d’exécution du projet. L’analyse
sociale se focalise sur les règles et comportements institutionnels formels et informels qui
sont susceptibles d’affecter l’atteinte des objectifs d’un projet de développement. Comme les
autres formes d’analyse institutionnelle, l’analyse sociale choisit ses organisations et règles
institutionnelles à étudier au niveau de l’état, du marché et de la communauté.

Dans l’étude des institutions, l’analyste sociale s’intéresse aux règles régissant le
comportement de l’institution. Il étudie les comportements écrits et non écrits des institutions
formelles et informelles, en focalisant sur les règles qui facilitent ou empêchent l’accès des
populations à l’opportunité (leur inclusion, leur responsabilité, leur accessibilité, leur
propriété) plutôt que sur leur efficacité en tant que fournisseurs de biens ou services.
L’analyse sociale traite les personnes travaillant dans les institutions comme parties prenantes
d’un projet, et reconnaît que les entités de service dans les institutions elles-mêmes ont des
intérêts différents dans le projet.

Par exemple, si un projet proposé vise à promouvoir les opportunités de gains pour les
femmes des quartiers pauvres, il doit prendre en considération un ensemble d’organisations et
de règles institutionnelles pertinentes. Les banques peuvent fournir le fonds de déroulement,
mais les prêteurs informels pourraient faire de même. Les règles de parenté peuvent

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également être importantes. Lors de l’allocation des étals, l’administration municipale


formelle est importante, mais l’organisation religieuse locale peut contrôler la plupart des
meilleures places. Une fois les organisations concernées identifiées, l’analyse sociale examine
le flux des biens, services, informations et ressources entre ces organisations et leurs
emprunteurs, ainsi que le flux de décisions prises sur l’allocation de ces ressources.

Dans de nombreux pays en développement, les organisations centrales disposent d’ensembles


de règles formelles et de pratiques qu’elles considèrent comme normatives et que le groupe
social dominant applique. De manière informelle cependant, les dirigeants peuvent être
intéressés à acheminer les biens, services et travaux publics vers leurs parents, leur tribu, leur
organisation politique ou leur groupe ethnique. L’un des exemples les plus typiques est le
dilemme du bureaucrate appelé à être impartial et traiter tout le monde de la même manière,
alors que ses parents, les membres de sa tribu, ou les ressortissants de son district d’origine
attendent de lui qu’il les favorise pour les avantages et les opportunités. Le fait de comprendre
que ces relations sociales peuvent compter plus que les règles formelles de comportement, et
souvent les contredire dans les actes, est essentiel pour l’analyse des institutions et de leurs
règles.

Avec l’existence de ces systèmes informels, nous avons besoin d’une analyse allant au-delà
des organigrammes formels, spécifications de mission, mandats législatifs et procédures
institutionnelles. Nous nous devons d’examiner les motivations et relations entre les individus
et groupes au sein de l’organisation. Aucun système ne fonctionnant à la perfection, l’analyste
détermine là où les règles et comportements formels et informels se chevauchent. Même si
une grande organisation semble être contrôlée du haut, les fonctionnaires de niveau inférieur
peuvent exercer une influence en faisant simplement obstruction à la circulation de
l’information et en manipulant les décisions d’allocation. Dans ces cas, il faut examiner les
structures d’incitation en vue de déterminer la manière dont elles pourraient être changées.

L’analyse d’institutions, de règles et de comportements peut également faire la distinction


entre les fonctions et les personnes qui les remplissent. Les règles institutionnelles informelles
et formelles peuvent être utilisées et interprétées différemment selon la personne en charge de
leur application. L’analyste peut vouloir découvrir qui paie allégeance à qui, qui est en mesure
de faciliter les réformes, qui est en mesure d’obstruer et qui est bien placé pour assurer rune
médiation entre eux. Il peut également être important d’identifier d’autres relations
pertinentes, comme celles existant entre les « promotionnaires » dans l’administration, des

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personnes diplômées de la même université, ou d’autres réseaux similaires qui forment la


capacité des personnes à attendre mutuellement un soutien les uns des autres.

2. Résultats stratégiques de l’analyse des institutions

Une bonne analyse sociale des institutions, règles et comportements doit produire un
jugement exact sur l’influence des parties prenantes institutionnelles clés sur les résultats du
projet. Si certaines règles et comportements posent problème pour les objectifs du projet, les
responsables du projet doivent savoir s’il faut les surmonter et comment. La réussite du projet
peut dépendre de la compréhension de ces questions, qui peuvent ainsi concourir à rendre les
institutions plus intégrées et responsables. L’analyste peut utiliser plusieurs types d’outils
pour appuyer son jugement.

- Le premier utilise des cartes statiques et des cartes mobiles relatives aux
organisations et institutions. Une carte statique est une photographie des structures et
rôles. Une carte mobile suit la trace de l’argent, des décisions et de l’information dans une
organisation.

- Le deuxième outil est un plan d’implication des institutions pertinentes dans le


processus de développement. Ce plan consiste en une matrice homologue à laquelle les
institutions sont appariées avec des tâches et phases du projet proposé. Cette matrice
identifie les zones de faiblesse institutionnelle ou celles que l’appui de la Banque pourrait
renforcer, développer et élargir.

- Le troisième outil est une énumération des conditions devant permettre aux
institutions nécessaires pour la réussite du projet, de travailler et d’atteindre les
objectifs du projet. L’implication des principales parties prenantes, y compris ceux
directement responsables de la mise en œuvre et les bénéficiaires visés, aide souvent à
identifier les solutions possibles aux contraintes institutionnelles des règles formelles et des
normes informelles affectant les politiques, systèmes, procédures ou la mise en œuvre
d’une manière plus efficace pour atteindre les objectifs du projet. L’enjeu est de former des
coalitions pour le changement entre ces groupes et les institutions gouvernementales
concernées par la réduction de la pauvreté.

Le dernier résultat stratégique devrait être les indicateurs de suivi qui seront utilisés durant la
mise en œuvre du projet. Ces indicateurs sont généralement relatifs aux conditions –
changements de politique, innovations procédurales, implication de groupes sociaux dans les

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activités clés, formation et renforcement de capacités – essentielles pour atteindre les objectifs
du projet. A titre d’exemple, on peut citer comme condition le recrutement d’agents de prêt
bilingues pour qu’ils puissent discuter avec les membres pauvres de leurs groupes ethniques,
ou des changements de politiques pour permettre le recrutement d’agents de vulgarisation
femmes pour qu’elles puissent assister les productrices.

De la même manière, les systèmes d’évaluation doivent mesurer les effets de ces conditions
d’action, comme par exemple le fait de savoir si les informations disponibles dans sa langue a
encouragé un groupe ethnique à contracter plus de petits prêts pour le commerce, ou si les
cultivatrices travaillant sur les conseils des agents de vulgarisation agricole femmes ont
augmenté leur production par rapport à celles conseillées par des hommes. Même associée à
une analyse sur la diversité et le genre, l’analyse sociale des institutions ne décrit pas
totalement le contexte d’un projet donné. Pour comprendre leur relation avec le projet, il nous
faut conduire une analyse des parties prenantes.

2.3 Parties prenantes

Les parties prenantes n’ont pas seulement une opinion, et ne sont pas uniquement présentées
sur le site du projet. Les parties prenantes, qu’elles soient des organisations, des groupes ou
des individus, ont des intérêts (un enjeu) dans les résultats du projet. Elles peuvent également
avoir un degré d’influence sur le projet. Les parties prenantes impliquent donc à la fois les
individus qui affectent et ceux qui sont affectés par le projet.

Certaines parties prenantes s’expriment de vive voix, sont exigeantes, bien organisées et
influentes. D’autres sont invisibles et inaudibles, peut-être parce que le pouvoir ne reconnaît
pas leurs organisations. D’autres encore peuvent s’opposer au projet et tandis que certains
essayent de s’attirer ses avantages. Un projet visant à réduire la pauvreté peut être le dernier
souhait de certaines parties prenantes. Certaines d’entre elles peuvent être également
vulnérables à la manipulation par les partis politiques ou d’autres groupes d’intérêt puissants.
L’engagement effectif des parties prenantes demande ainsi une compréhension de leurs
intérêts et de leur degré d’influence.

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1. Analyse des parties prenantes

L’analyse des parties prenantes révèle la nature et l’ampleur des intérêts des acteurs sociaux et
leur influence dans le cadre d’un projet. La première étape est l’identification des parties
prenantes qui ne se limite pas aux personnes affectées par le projet. Il s’agit également de
celles qui peuvent affecter le projet. Ces acteurs peuvent être gagnants, perdants ou
indifférents. L’analyste doit faire la distinction entre les effets réels du projet sur les
différentes parties prenantes et les perceptions qu’elles en ont.

L’étape suivante est l’analyse des intérêts et de l’influence des parties prenantes au travers de
l’examen de leurs atouts et capacités, aussi bien matériels qu’intangibles. Dans la catégorie
des intangibles entrent les relations de longue date entre patron et client, l’accès aux médias,
l’appartenance à des réseaux mondiaux et la perception publique de la légitimité et de
l’intégrité du groupe.

La troisième étape consiste à différencier les parties prenantes par leur rattachement au statu
quo ou, inversement, leur désir de changement. Même les agences de régulation du secteur
public peuvent être complices (souvent par inadvertance) de l’exclusion systématique des
bénéficiaires visés du projet et doivent être considérées comme des parties prenantes. Les
questions suivantes aident à comprendre les enjeux au sein des institutions gouvernementales,
organisations communautaires et groupes d’intérêt :

- Quelles parties prenantes sont engagées pour effectuer le travail au sein d’une l’institution,
soit comme employés, manœuvres, gestionnaires, agents de contrôle de la qualité, ou
contractants ?

- Quelles parties prenantes contrôlent et distribuent les biens, services et travaux que
l’institution fournit ?

- Quelles parties prenantes sont responsables de l’échec des prestations, et comment sont-ils
pénalisés ?

- Qui dissémine l’information, mesure la performance, veille à la conformité et définit la


réussite ?

On compare mieux les parties prenantes en confrontant leur degré d’engagement pour le statu
quo à l’influence qu’elles exercent. Celles qui ont une influence considérable et sont
déterminées à empêcher le changement constituent le plus grand défi pour de nombreux

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projets. Les groupes qui veulent du changement, qu’ils aient ou non beaucoup d’influence,
sont des contrepoids possibles. Le projet doit trouver les moyens d’accroître l’influence des
groupes favorables au changement mais manquant d’influence, et d’assurer la médiation entre
les groupes influents favorables au changement et ceux qui y sont opposés.

Une matrice d’analyse des parties prenantes est un outil utile pour résumer et comparer les
catégories de parties prenantes par rapport à leur pertinence pour le projet, leurs
caractéristiques, leurs intérêts et leur influence. Une fois que sont présentées les dispositions
existant entre les groupes d’intérêts privés et les institutions gouvernementales, l’analyste
demande si ces dispositions aideront ou empêcheront l’atteinte des objectifs de
développement du projet. Cette question représente la troisième phase de l’analyse des parties
prenantes : concevoir le dispositif institutionnel et les activités du projet de manière à
atteindre les objectifs de développement visés. Souvent, l’analyse sociale montre que les
dispositions existantes doivent être modifiées.

2. Résultats stratégiques relatifs aux parties prenantes

L’analyse des parties prenantes produit quatre résultats principaux :

- Les gagnants et perdants potentiels (ceux qui seront positivement ou négativement affectés
par le projet) sont identifiés.

- L’engagement des participants vis-à-vis des buts du projet (leur appropriation au projet) est
évalué. L’évaluation de l’appropriation détermine la volonté des parties prenantes de s’en
tenir aux buts du projet. Un faible niveau d’appropriation signifie que l’on ne peut pas
compter sur le groupe ou la personne en question, et que son faible engagement peut
affecter d’autres parties prenantes. Il n’existe pas de test simple d’appropriation. Son
évaluation demande la connaissance des intérêts d’autres parties prenantes et des pressions
sous lesquelles elles travaillent.

Il est également important de reconnaître que nombre de personnes acceptent directement


quelque chose si elles le perçoivent comme nécessaire pour obtenir les avantages du projet
proposé, mais peuvent être moins enthousiastes sur la mise en œuvre des actions
convenues après l’approbation officielle du projet. Une évaluation réaliste de
l’appropriation peut consister à aller au-delà des mots et promesses pour évaluer les actions
et autres faits concrets.

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- La probabilité qu’une partie prenante aide ou fasse obstruction à l’atteinte des objectifs de
développement du projet est évaluée.

- Le suivi de l’implication des parties prenantes dans la mise en œuvre peut être simple si
l’analyse sociale définit les indicateurs qui contiennent les décisions et les résultats,
comme un accord sur les conditions d’éligibilité, des changements de politiques et de
procédures, des responsabilités institutionnelles supplémentaires, de nouveaux mécanismes
d’établissement de contrats ou un engagement à cibler certains groupes sociaux. Prendre
les parties prenantes comme un point d’entrée d’analyse produit un nombre bien défini de
parties prenantes pouvant être inclus dans la conception et la mise en œuvre du projet en
aidant à soupeser les opportunités de partenariat entre elles et les risques découlant de cette
analyse, ainsi qu’un plan de développement de partenariats entre parties prenantes.

2.4 Participation

Une participation efficace inclut la participation des bénéficiaires à la conception et à la mise


en œuvre du projet ainsi que leur participation aux opportunités créées par le projet.

1. Analyse de l’équité et de l’efficacité de la participation

En utilisant la participation comme une dimension de l’analyse sociale, l’analyste examine


d’abord à quel degré les groupes affectés par un projet peuvent participer aux opportunités
créées par le projet et étudier par la suite les modes de participation existants en vue
d’améliorer l’efficacité de la participation des parties prenantes…

2. Equité de l’opportunité de participer aux avantages

L’analyste demande ensuite si les atouts et les capacités des groupes affectés par un projet
leur permettent de jouir des bénéfices du projet. Les atouts de ces groupes peuvent être
physiques (terre, véhicules, équipement, structures de stockage, infrastructures) ou financiers
(accès au crédit, fonds de roulement, épargne, cash flow). L’analyste détermine ce que ces
groupes possèdent ou contrôlent, quel capital ils peuvent assembler et comment.

Les capacités des groupes sont aussi importantes que leurs atouts. Quelles sont leurs
ressources humaines (santé, éducation, spécialisation et expérience et capacité
organisationnelle ? De quelles ressources organisationnelles ou capital social bénéficient-ils ?
Le capital social horizontal, ou les relations entre les groupes de pairs au sein de la

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communauté constitue un atout qui peut réduire les coûts des transactions et aider à créer des
réseaux pour la fourniture d’informations ou la promotion de l’activité économique. La
capacité permet donc aux personnes de fonctionner, en exerçant leur liberté de convertir leurs
droits – exprimés sous forme de contrôle sur les biens et services (actifs) – en bien-être. De ce
point de vue, le développement n’est pas un problème de fourniture de denrées, mais
d’amélioration des capacités des personnes.

En analysant les actifs et capacités des pauvres, l’on découvre presque toujours également
leurs passifs et défaillances. Quels actifs et capacités sont présents et lesquels manquent ?
Ceux qui manquent peuvent-ils être encouragés ou créés ? Même lorsque les pauvres ont des
actifs et des capacités suffisants pour leur permettre de participer aux retombées de la
productivité, ils affrontent souvent des barrières à leur utilisation efficace. En raison du fait
que ces barrières sont susceptibles d’être enracinées dans des institutions (particulièrement
dans leurs règles informelles) et sont souvent appliquées selon des lignes sociales et
renforcées par certaines parties prenantes, les autres points d’entrée de l’analyse sociale sont
susceptibles de les révéler.

La matrice des parties prenantes peut être utilisée pour identifier quels atouts et capacités ont
besoin d’être renforcés pour créer des opportunités équitables pour les groupes vulnérables et
pauvres. La matrice doit évaluer les forces et faiblesses relatives des différentes catégories de
bénéficiaires et de personnes affectées, comme ce fut le cas avec l’analyse des parties
prenantes.

3. Organiser une participation efficace

Toutes les sociétés ont des systèmes par lesquels les populations expriment leurs intérêts.
Tous ces systèmes ont un degré d’inclusion et d’exclusion. La compréhension des formes
locales et traditionnelles de participation est cruciale pour concevoir un cadre efficace de
participation. La participation est organisée de différentes manières à travers le monde.
Chaque cas inclut des formes coutumières de participation qui sont des sujets propres
d’analyse sociale. Ces formes peuvent ne pas offrir une participation en termes égaux, mais
elles peuvent toujours être réelles et même irréfutables pour les couches marginales,
vulnérables et pauvres de la population. Bref, l’analyse de la participation ne doit pas
superposer un modèle rigide sur les systèmes existants, mais plutôt comprendre quelles sont
les formes de participation les plus efficaces dans une société donnée.

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Dans la plupart des pays en développement, la participation passe par des intermédiaires –
dirigeants de groupes sociaux, porte-parole, chefs de village, responsables – dont la légitimité
est largement déterminée par des pratiques coutumières. L’analyse sociale détermine
l’interaction de ces intermédiaires avec les pauvres et identifie ceux d’entre eux qui sont
acceptables par les parties prenantes du projet comme participants clés dans l’élaboration, la
conception ou la mise en œuvre du projet. Les chefs de projet décident ensuite si les modes
existants d’organisation de la participation engagent toutes les parties prenantes concernées.

Greffer les activités du projet proposé sur les méthodes coutumières existantes d’organisation
de la participation constituera généralement la meilleure approche. Il sera toutefois parfois
nécessaire de mettre au point de nouveaux modes de participation.

Lorsque les formes existantes de participation ne sont pas efficaces – par exemple, si elles
excluent des parties prenantes importantes – l’analyse sociale peut proposer des procédures et
principes visant à restructurer la participation en s’inspirant de l’expérience des mécanismes
de participation à travers le monde. Il n’existe pas de formule arrêtée ni de procédures et
principes universels. Pour restructurer la participation, l’analyste examine les mesures
incitatives et les mécanismes nécessaires pour la provoquer. Ces mesures incitatives et
mécanismes s’articulent autour de plusieurs questions fondamentales :

- Quelles parties prenantes seront engagées pour travailler dans le cadre du projet comme
employés, contractants, manœuvres, gestionnaires, inspecteurs de contrôle de la qualité,
etc. ?

- Quelles parties prenantes vont contrôler et distribuer les biens, services et travaux offerts
par le projet ?

- Quelle est la responsabilité de celles qui contrôlent le flux de ressources ? Si elles réduisent
à néant les objectifs du projet ou remplissent pas leurs responsabilités, peuvent-elles être
relevées ? Si oui, pour quels griefs ?

- Qui va contrôler et diffuser l’information, mesurer la performance, veiller à la conformité,


déterminer la réussite ?

- La formation et le renforcement des capacités peuvent-ils améliorer la performance des


parties prenantes dans un des domaines ci-dessus de manière à assurer l’accroissement de
l’opportunité de développement pour les couches pauvres, marginales et vulnérables ?

Analyse sociale du projet 18


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4. Résultats stratégiques de l’analyse sur la participation

Une étude sur la participation produit trois résultats clés :

- une analyse de l’équité des opportunités, que les chefs de projet utilisent pour évaluer si les
bénéfices sociaux du projet sont susceptibles d’atteindre toutes les cibles,

- les stratégies d’implication des parties prenantes comme participants,

- un plan de prise en charge des coûts de la participation.

La participation aux projets a un coût : coût en termes de temps passé hors du travail ; en
termes de frais de transport, d’hébergement et de repas ; coût en termes d’énergie dépensée
par les participants pour se former, étudier, et négocier des accords. La participation a
également un coût « social ». Les femmes peuvent ne pas se sentir libres de parler en présence
des hommes ; les personnes non instruites peuvent être intimidées par la présence de
personnes plus instruites ; les citoyens peuvent craindre de critiquer ou même de marquer leur
désaccord ouvertement vis-à-vis des autorités. Pour amener les populations à accepter les
coûts de la participation, la première chose à faire est de clarifier dès l’abord que la
participation a un coût.

L’introduction des comportements innovateurs et de nouveaux mécanismes de participation


peut impliquer des coûts supplémentaires qui doivent être reflétés dans le budget du projet. Si
ce sont les parties prenantes qui doivent les prendre en charge, ces coûts doivent alors être
pris en compte dès la conception du projet, en même temps qu’une analyse de la capacité et
de la volonté des parties prenantes à les absorber (et une reconnaissance de sa contribution au
projet). Le plus souvent, les parties prenantes assument déjà le coût des modes de l’agir
coutumier. C’est dire que les estimations du coût du projet demeurent inchangées.

Les indicateurs vérifiables de la participation au projet doivent inclure tous les coûts des
transactions encourues par les participants : parties prenantes, responsables gouvernementaux,
contractants et intermédiaires de la société civile. Le suivi de la participation demande
également une documentation des effets de la participation – biens, services et travaux
financés par le projet en résultant – Il ne sert à rien que des personnes parcourent des
kilomètres pour participer aux délibérations si elles ne sont pas capables d’affecter les
résultats ou l’efficacité des investissements de projet. La participation n’est pas un exercice où
« plus c’est mieux ». A moins que le temps et les coûts impliqués ne soient égaux aux gains

Analyse sociale du projet 19


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réels et perçus pour les participants, l’implication des parties prenantes dans la participation
risque de devenir un exercice rituel conduisant au cynisme ou à la méfiance par rapport au
processus.

Une autre dimension de la participation et de la consultation est la nécessité de gérer les


attentes en vue de fournir aux participants des réponses et un suivi en temps opportun. Les
personnes dont les points de vue sont requis n’ont pas toujours une compréhension claire de la
nature complexe de l’implication des parties prenantes multiples, et sont désillusionnées ou en
colère lorsqu’elles se rendent compte que leurs vues et opinions n’ont pas été acceptées ou
intégrées comme elles s’y attendaient. Il est donc essentiel de tenir vis-à-vis des participants
un langage clair sur le fonctionnement du processus de prise de décision, d’expliquer que des
compromis peuvent être faits, et de suivre de manière opportune avec des informations
supplémentaires et le partage des décisions prises.

L’évaluation des investissements et des résultats de la participation implique le suivi


quantitatif et qualitatif des indicateurs pendant toute la durée du projet. L’évaluation est
meilleure lorsqu’elle implique directement les communautés dont la participation est suivie.

2.5 Risques sociaux

Ce point d’entrée est crucial. C’est là que l’analyste demande : Qu’est-ce qui peut ne pas
marcher ? Quelles sortes de mesures de gestion des risques doivent être conçues pour prendre
en charge les risques identifiés ? Avec la prise en compte de tous les risques et des mesures de
gestion de risques, le projet est-il toujours justifié ? La réponse à ces questions demande
l’approfondissement des autres points d’entrée de l’analyse sociale. Les risques sociaux d’un
projet peuvent être classés en cinq catégories.

Le risque de vulnérabilité

Il inclut l’exposition accrue ou la susceptibilité, notamment des couches vulnérables et des


pauvres aux risques endémiques ou chocs extérieurs. L’analyste explore la méthode de
gestion de ces risques.

Analyse sociale du projet 20


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Les risques pour la communauté, la localité, le pays

A l’image de l’instabilité politique, les tensions ethniques ou religieuses, les conflits violents
et la militarisation de la société, ils échappent souvent au contrôle des gestionnaires
individuels d’activités, mais doivent être pris en considération durant l’évaluation du projet.

Les risques pour l’économie politique

Ce sont ceux qui pourraient avoir des effets indésirables sur les bénéficiaires ciblés par le
projet. L’anéantissement des buts et la confiscation du projet par l’élite sont de bons exemples
de ce type de risque.

Les risques institutionnels

Ils comprennent des dispositions institutionnelles inappropriées, une mauvaise gouvernance,


la complexité de la capacité et la faible capacité. Enfin, il existe des risques exogènes comme
les conflits régionaux ou les changements macroéconomiques qui sont susceptibles d’affecter
les résultats de développement social.

La confiscation des gains attendus du projet augmente souvent les risques d’échec, et les
règles ne sont pas toujours en mesure de les empêcher. Dans un pays en proie à des conflits,
un projet de sécurité sociale avait été conçu pour fonctionner au moyen des contrats passés
entre le gouvernement et les ONG. Les manuels du projet spécifiaient que tous les groupes
pauvres seraient éligibles pour obtenir des emplois temporaires dans la construction et
l’entretien d’infrastructures. Les contrats ont cependant été exclusivement accordés aux ONG
alliées au gouvernement assailli. L’opposition politique, taxée d’illégale par le gouvernement,
s’en est vue refuser l’accès. En fin de compte, les opportunités d’emploi temporaire sont
devenues des récompenses politiques ; ceci a contribué à accroître la légitimité des
revendications de l’opposition, et intensifié davantage les conflits sociaux.

1. Analyse du risque social

Les pauvres n’ayant pas les moyens de gérer les risques et de faire face aux chocs extérieurs,
la première étape de l’analyse du risque social est une évaluation de la vulnérabilité des
populations pauvres que le projet pourrait affecter. Les structures de protections sociales ont
produit des directives pour l’évaluation des sources de risque et de vulnérabilité. Celles-ci
décomposent la vulnérabilité en trois éléments constituant une « chaîne de risques » : (i) le
risque, ou évènements incertains, (ii) les options de gestion du risque, ou réponses au risque,

Analyse sociale du projet 21


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(iii) le résultat en termes de perte de bien-être. Les directives définissent la « vulnérabilité »


comme les résultats attendus dans le futur, et qui sont eux-mêmes déterminés par la
corrélation, la fréquence et le moment de survenance des risques réalisés et des réponses aux
risques.

Les ménages sont vulnérables si un choc est susceptible de les faire descendre au-dessous (ou
bien en-deçà) d’un seuil prédéfini de bien-être (exemple : la pauvreté). Ils signalent que la
vulnérabilité : (a) est tournée vers l’avenir et définie comme la probabilité de subir une perte
relative à un point de référence du bien-être, (b) qu’un ménage peut être qualifié de vulnérable
à la perte future de bien-être et que cette vulnérabilité est causée par des évènements
incertains, (c)que le degré de vulnérabilité dépend des caractéristiques du risque et de la
capacité du ménage de répondre au risque, (d) que la vulnérabilité dépend d’une saisonnalité,
dans la mesure où un ménage peut être vulnérable aux risques dans le mois, l’année à venir,
etc. ; et les réponses au risque se font dans le temps, et (c) que les pauvres et quasi pauvres
tendent à être vulnérables en raison de leur exposition aux risques et de leur accès limité aux
actifs (globalement définis) et leurs capacités limitées à répondre au risque.

Le contexte du projet peut fournir un lot d’informations sur le risque. Les structures
historiques de la pluviométrie et des inondations, les statistiques sanitaires, l’économie
politique de la région donnent toutes des indications sur le risque. Il est également important
d’écouter ce que les pauvres ont à dire sur le risque, parce qu’ils en connaissent trop bien les
probabilités. Les effets du projet sur les patrimoines d’actifs et les mécanismes d’auto-
préservation des populations susceptibles d’être affectées sont également importants.

L’analyste commence par examiner les actifs physiques des pauvres (évaluer leur capacité
d’auto-préservation) et d’autres facteurs – leur capital humain (niveau d’instruction), leur
capacité à diversifier leurs revenus, leurs liens avec les réseaux comme les groupes d’entraide
mutuelle et d’échanges de dons, et leur accès aux marchés du crédit pour faciliter la
consommation. Dans le contexte d’une réinstallation involontaire, la perte de la terre pour un
pauvre paysan peut signifier que tout le ménage court le risque de dénuement, alors qu’elle ne
peut ne constituer aucun risque pour un propriétaire foncier aisé disposant de multiples
exploitations et sources de revenus.

Le temps et la programmation sont importants pour déterminer la vulnérabilité – on peut être


malade pendant quelques jours ou quelques mois ; on peut tomber malade au moment où sa
force de travail est le plus demandée, ou le moins demandée – les enquêtes standard de

Analyse sociale du projet 22


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revenus des ménages sont généralement inadéquates. Pour cela, les méthodes de sciences
sociales, comme les groupes de discussion et l’observation des participants peuvent faire une
grande différence pour la compréhension de la vulnérabilité. Les pauvres trouvent toujours les
moyens de répondre aux risques : par la migration, la conversion des bijoux en espèces
sonnantes et trébuchantes, l’entretien des infrastructures communes, l’extension des familles
par le mariage et l’adhésion à des associations comme celles d’épargne tournante et de crédit
(ROSCA). Si nécessaire, ils font face au choc exogène en vendant leur cheptel, en réduisant
leur consommation alimentaire, ou en contractant des prêts auprès des prêteurs sur gage.
Alors que le premier type de « réponses au risque » sont durables, le second tend à appauvrir
davantage les pauvres en réduisant à néant leur assiette d’actifs et en augmentant leur
vulnérabilité par rapport au risque prochain.

L’analyse du risque social vise à instaurer des seuils ou limites dans lesquelles les groupes
sociaux peuvent atténuer le risque et résister aux chocs exogènes. Le défi lors de la
conception du projet est de choisir des mécanismes par lesquels ce dernier – peut-être en
collaboration avec le gouvernement, le secteur privé et la société civile – peut relever le
niveau de ces seuils. Les résultats sociaux des réponses aux risques dépendent souvent de la
manière dont la vulnérabilité est définie et appréhendée. Les victimes de conflits et de
violences peuvent recevoir très peu d’attention si l’Etat les considère comme parties au conflit
plutôt que victimes.

Il est important de savoir comment les victimes sont susceptibles d’être perçues, car
l’introduction de nouvelles ressources d’investissement peut aggraver le conflit et accroître la
vulnérabilité. Le Cadre d’Analyse des Conflits en cours d’élaboration dans plusieurs
organisations pour l’analyse des conflits, notamment celles visant à déterminer la fragilité
d’une société par rapport aux conflits, fournit des indicateurs utiles de conflits. Si la plupart
de tous les indicateurs de conflits sont présents, il est recommandé de procéder à une analyse
détaillée des risques de conflit est recommandée avant de démarrer le projet.

Après les risques de vulnérabilité viennent les trois types de risques pour le projet lui-même :
les risques pour le pays, les risques pour l’économie politique et les risques institutionnels.

La corruption, définie ici comme la recherche ouverte de rente et d’intérêt individuel, peut-
être un risque majeur lié à une communauté pour le projet et ses bénéficiaires. Les pots de
vins payés pour obtenir des services supposés être délivrés gratuitement, ou pour se soustraire
à ses responsabilités et obligations, peuvent contrecarrer les objectifs du projet et aggraver la

Analyse sociale du projet 23


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vulnérabilité. Les citadins des pays en développement n’ont pas de difficulté à faire la
distinction entre les paiements effectués pour corrompre les agents de police, les agents
délivrant les permis et les inspecteurs de santé, et les dons coutumièrement échangés entre les
membres d’un clan, les familles des élites liées par le mariage, les chefs politiques et leur
clientèle, et d’autres groupes sociaux sur lesquels sont fondées les structures formelles de
l’administration. Les participants à ces échanges les considèrent comme des obligations
sociales réciproques, non comme de la corruption. Les dons coutumiers peuvent toutefois
devenir des pots de vin lorsque les frontières de l’ethnie, de la classe, de la communauté et de
la langue sont franchies.

Les risques liés à l’économie politique peuvent également avoir un impact significatif sur les
résultats du projet. Deux risques d’économie politique courants dans les projets sont la
confiscation des gains du projet par l’élite et la réduction à néant des buts du projet par des
groupes puissants dont les intérêts sont menacés par les objectifs du projet. Par exemple, des
réformes bien intentionnées de gestion de l’irrigation peuvent être annihilées par l’élite
propriétaire terrienne qui utilise ses connections avec le Service de l’Irrigation pour obtenir
une part disproportionnée des ressources hydrauliques. Dans de nombreux pays, la réforme de
l’irrigation a impliqué la formation d’associations des utilisateurs d’eau. Dans certains cas
cependant, les grands exploitants agricoles ont modifié leur stratégie et se sont approprié le
contrôle des associations des utilisateurs d’eau pour préserver leurs privilèges. De la même
manière, des réformes agricoles visant à accroître les revenus des paysans par le biais de
marché privé risquent de ne pas aboutir si les commerçants ou les maisons de commerce sont
capables de s’approprier la plupart des avantages de ces réformes. A l’inverse, si les maisons
de commerce locales se sentent menacées par la concurrence extérieure, elles peuvent
s’opposer à la réforme et la réduire à néant.

Le risque institutionnel peut se poser lorsqu’une nouvelle agence d’exécution est créée avec
du personnel provenant d’une organisation du secteur public ayant exercé des fonctions
différentes. Bien que les postes soient pourvus, il y a un risque que le personnel ne comprenne
pas ou ne soit pas en mesure d’assumer ses nouvelles fonctions. La tendance des projets de
développement à créer des unités de gestion de projet, ou des agences spécialisées ou des
structures organisationnelles pour mettre en œuvre le projet de manière plus efficace peut en
elle-même constituer un risque pour la durabilité, et même anéantir les efforts nationaux de
renforcement des capacités ou de décentralisation par l’appui à des « structures parallèles »
spécifiques à des projets déterminés.

Analyse sociale du projet 24


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Enfin, les chocs économiques provoqués par les vastes changements idéologiques ou de
politique sont des sources bien documentées de risques sociaux exogènes. Les opérations
d’investissement basées sur la privatisation des entreprises d’Etat ou l’ouverture des marchés
à des importations moins chères constituent deux exemples de chocs provoqués de l’extérieur
et ayant eu des conséquences sociales inattendues. Par exemple, l’ouverture des marchés
textiles d’un pays en développement alors que les pays industrialisés sont demeurés protégés
peut aboutir au démantèlement immédiat et total d’un secteur d’industrie textile jusqu`alors
prospère.

L’analyse sociale peut anticiper de tels résultats en demandant quels groupes sociaux le projet
rendrait vulnérables. Il peut ne pas être possible de persuader les pays industrialisés de
modifier leurs politiques commerciales, mais un dispositif de sécurité sociale provisoire peut
aider les ouvriers du textile déplacés à se réinsérer dans d’autres secteurs. Comme pour tous
les autres risques, la connaissance de la provenance probable du risque rend son atténuation
plus aisée. Les analyses des institutions et des parties prenantes sont très utiles pour
l’identification des sources probables de risque social. Dans certains cas, les mécanismes
existants de gestion des risques sociaux peuvent s’avérer utiles pour augmenter les
opportunités de développement.

La classification des risques sur une grille selon la probabilité de leur survenance et leur
importance relative aide à déterminer quelles mesures de gestion de risques sont appropriées
pour un projet donné. A mesure que le risque s’approche de l’extrémité nord-est de la figure,
il devient de plus en plus important de le prévenir ou de le gérer. Les risques groupés dans le
quadrant sud-est sont importants mais improbables ; ils requièrent un plan de contingence.
Les risques groupés près du quadrant nord-est, relativement modérés mais probables devraient
être périodiquement examinés et ré évalués. Les risques de faible importance et peu probables
peuvent être simplement ignorés.

L’analyse de risque ne va pas sans risque. Le processus en lui-même, s’il est mal conduit ou
exécuté par des acteurs controversés, peut facilement produire plus de chaleur que de lumière.
L’analyse s’inspire toujours d’appréhensions subjectives de questions complexes et d’une
évaluation des probabilités de leur avènement et de leur importance pour le projet. Du fait de
son importance, l’analyse de risque devrait inclure la validation des résultats par les
consultations tels que des ateliers avec les principales parties prenantes. Si ceci aboutit à un

Analyse sociale du projet 25


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accord général sur les risques probables et sérieux, la conception, la programmation et la


structure du projet devraient en conséquence être reconsidérés.

2. Résultats stratégiques de l’analyse du risque social

Le principal résultat de l’analyse du risque social est un tableau complet du risque et de la


vulnérabilité des populations cibles et d’autres groupes potentiellement touchés par le projet.
Ensuite vient un plan pour élever le seuil de risque pour les populations cibles par une
combinaison des mécanismes traditionnels de réduction et de gestion de risques, et d’autres
mesures élaborées et mises en œuvre par l’équipe du projet. Par exemple, si le projet risque
d’interrompre les revenus, et si les associations d’épargne tournante et de crédit constituent
une forme traditionnelle d’appui à la consommation, le projet peut accroître la disponibilité et
le flux du crédit à la consommation en engageant une ONG qualifiée pour démarrer une
opération de microcrédit.

Les projets sont souvent confrontés à des risques échappant à leur contrôle. Dans de tels cas,
les chefs de projet peuvent seulement contribuer à un dialogue sur les politiques. Parfois, ce
dialogue peut en soi réduire le risque. La santé publique en est un bon exemple. Pour un grand
nombre de pauvres, la morbidité constitue un des stress les plus courants, avec comme
principal résultat des menaces pour la subsistance. Les politiques de santé publique ont un
nombre considérable d’effets multiplicateurs sur la réduction de risque à grande échelle. Il en
est de même par exemple pour le droit à la propriété et les lois sur la faillite.

Pour gérer les risques après qu’ils soient survenus, un projet d’investissement doit comporter
des sous-projets pouvant être déployés le cas échéant au profit des populations locales. Les
projets de micro finance et d’amélioration des programmes de vulgarisation agricole en sont
des exemples. Les projets d’investissement ne peuvent pas empêcher les ouragans ou la
guerre. Les réponses une fois de plus relèvent du domaine du dialogue sur les politiques,
notamment sur les systèmes de sécurité publique comme les caisses de sécurité sociale, les
transferts de fonds et l’assurance médicale. Les risques ne peuvent pas toujours être prédits ou
gérés, mais nous devons avoir conscience de leur existence. Les décideurs doivent prendre en
compte les différentes variations des impacts des politiques, selon les différents scénarii
plausibles.

L’analyse par scénario aide les décideurs à comprendre les incertitudes nées de changements
intervenus dans les conditions stratégiques externes. Chaque analyse étudie les résultats

Analyse sociale du projet 26


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sociaux, économiques, politiques ou technologiques qui entraînent les changements dans le


pays en vue de mettre en exergue les risques inattendus. Comme la plupart des évaluations de
risques, l’analyse par scénario est plus efficace lorsque conduite par une équipe conjointe de
décideurs et représentants des parties prenantes. L’implication des parties prenantes dans
l’analyse par scénario leur permet de présenter des estimations de risque qui peuvent
autrement échapper aux décideurs. Leur participation confère également une légitimité à tous
les plans de réponse à l’incertitude issus de l’analyse de risque. Une fois ces scénarii créés,
l’équipe élabore des plans d’urgence, qui pourraient inclure des changements dans la
séquence ou la programmation de politiques.

3 Intégration de l’analyse sociale dans la conception de projet

Le principal atout de l’analyse sociale est sa contribution à la conception d’un projet et à son
impact sur le développement. L’intégration de l’analyse sociale dans un projet dépend des
éléments suivants :

- adéquation du financement,

- réalisme,

- résolution des problèmes,

- apprentissage par recoupement,

- alliances pour une bonne communication et le renforcement des capacités.

Les spécialistes en sciences sociales doivent développer leurs compétences en matière de


gestion de projet, et orienter leur travail vers les processus et résultats de projet, en
s’impliquant dans toutes les étapes du cycle du projet. Les spécialistes en sciences sociales
aident à déterminer à quel niveau du cycle du projet les cinq points d’entrée peuvent être
appliqués, et intègrent leurs résultats dans les documents clés du projet.

«Social Assessment»

La « social assessment » se réfère à l’analyse qu’un bénéficiaire entreprend durant la


conception du projet en vue d’en évaluer la faisabilité sociale. La « social assessment »
permet au bénéficiaire de cibler le projet sur les pauvres et les personnes vulnérables, et lui

Analyse sociale du projet 27


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assure, ainsi qu’à l’équipe technique, que les objectifs du projet conviennent bien aux
bénéficiaires visés.

Une bonne « social assessment » fait appel à une diversité de compétences en sciences
sociales et en méthodologies tout en restant ancrée dans le contexte spécifique du projet.
Comme pour l’analyse sociale d’une manière générale, les cinq points d’entrée constituent un
moyen utile pour les Emprunteurs de structurer leur pensée et leur travail analytique au cours
d’une « social assessment ».

La probabilité que les résultats de l’analyse sociale soient reflétés dans la conception d’un
projet et appliqués durant sa mise en œuvre dépend de plusieurs conditions. Celles-ci incluent
un financement adéquat, du réalisme, la résolution des problèmes, l’apprentissage croisé
(notamment pour ce qui est de la budgétisation, de la logistique et des questions techniques),
une bonne communication et des partenariats pour le renforcement des capacités. Nous
examinerons chacun de ces points tour à tour.

Un financement adéquat

L’examen de la « social assessment » par un bénéficiaire ou un emprunteur de fonds tel que


décrite ci-dessus a montré que les contraintes financières constituaient le seul obstacle
important à la participation des spécialistes en sciences sociales au cycle du projet. Même
lorsque l’analyse sociale est bien prise en considération durant l’élaboration du projet, les
ressources nécessaires pour recruter des experts en sciences sociales au-delà de la phase de
conception sont souvent inadéquates. Les ressources pour leur participation durant la
supervision sont rares. Toutes les personnes ayant un enjeu dans la réussite du projet peuvent
jouer un rôle pour surmonter ces défaillances.

- Les hauts responsables de la structure financière et les chefs des équipes techniques
devraient considérer la budgétisation de l’analyse sociale comme faisant partie intégrante
de l’élaboration de projet – et dans les projets comportant des volets de développement
social important ou dépendant de la participation des communautés pour une mise en
œuvre réussie – pour assurer la participation des spécialistes en sciences sociales dans le
cycle du projet.

- Les directeurs des institutions homologues concernées devraient entreprendre les


investissements nécessaires pour le recrutement et la formation d’experts locaux.

Analyse sociale du projet 28


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- Les experts en sciences sociales travaillant pour le compte de bailleurs de fonds ou de


bénéficiaires, consultants ou membres du personnel, devraient tenter d’acquérir des
compétences en gestion de projet et assumer leur part de responsabilité dans la conception
et la mise en œuvre du projet. L’utilisation d’un cadre logique déplanification et de suivi de
projet est l’une de ces compétences nécessaires.

Une approche réaliste

Une approche idéaliste sur la façon dont les sociétés devraient fonctionner conduit à des
analyses sociales de pauvre qualité. Les spécialistes en sciences sociales doivent reconnaître
que les interventions de développement se font dans des cadres juridiques et institutionnels
existants, en collaboration avec des organisations existantes et dans le contexte de pratiques
sociales établies. Les idéaux ne devraient certes pas être mis en veilleuse, mais tempérés par
la conscience de ce qui est possible et ce qui ne l’est pas.

Résolution de problèmes

La conception d’un projet implique le choix de la combinaison la plus efficace des


mécanismes, ressources et institutions disponibles. Les spécialistes en sciences sociales
doivent rechercher les ressources qui vont maximiser certaines conditions et en minimiser
d’autres.

Le spécialiste en sciences sociales cherche à maximiser les conditions suivantes :

 la participation des bénéficiaires et des personnes affectées, notamment les groupes les
plus vulnérables et les groupes exclus,

 la transparence et la responsabilité sociale de la part des organismes responsables de


l’exécution du projet et de l’attribution des gains attendus,

 l’amélioration des conditions de vie des populations comme résultat du projet,

 la création d’alliances stratégiques et d’opportunités de renforcement de capacités pour


diverses parties prenantes afin de renforcer les objectifs du projet, et en minimiser d’autres:

- les risques d’impacts socio-économiques négatifs d’un projet,

- les risques d’appauvrissement ou d’une plus grande marginalisation des groupes


vulnérables résultant d’un projet,

Analyse sociale du projet 29


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- la confiscation des gains attendus du projet par l’élite, ou l’opposition au projet par les
acteurs influents,

- les contraintes sociales à la prestation de service et à l’attribution des bénéfices dans le


cadre du projet.

Par une définition claire des points à maximiser et minimiser, et un examen des opportunités,
contraintes, impacts et risques probables, les experts en sciences sociales peuvent formuler
des recommandations plus réalistes.

Les moyens choisis pour exécuter un projet, y compris les institutions et procédures
administratives ne sont pas neutres. L’électorat et les intérêts politiques y sont toujours
impliqués. Dans un certain sens, le choix d’une conception donnée peut avoir des
conséquences politiques. Si une coalition de parties prenantes se constitue pour soutenir le
projet, ce groupe exercera un pouvoir politique. De même, les stratégies visant à renforcer
l’autonomisation des groupes sociaux défavorisés, notamment les plus vulnérables, sont
susceptibles d’inclure des intermédiaires comme les chefs locaux ou les organisations
représentatives.

Les interventions de développement doivent correspondre à la société dans laquelle elles


seront exécutées, aux ressources allouées, aux capacités, compétences et valeurs des groupes
sociaux concernés. Les spécialistes en sciences sociales doivent être conscients que le
changement des rapports de force existants peut poser des risques pour les pauvres. Les
groupes les plus puissants, prenant conscience du danger que représente le projet pour leurs
positions et leurs privilèges, peuvent chercher à bloquer le changement ou même à nuire à
ceux qui proposent le changement.

Apprentissage croisé

Une certaine familiarité avec le jargon économique facilite les discussions avec les
économistes sur la manière d’intégrer les dimensions sociales dans le développement social et
économique. Les spécialistes en sciences sociales peuvent également agrandir
considérablement leur influence en acquérant des connaissances et des expériences en matière
d’administration et de gestion, et particulièrement sur la budgétisation et la logistique, ainsi
que les questions techniques centrales pour un travail sectoriel.

Analyse sociale du projet 30


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Une façon d’apprendre consiste simplement à poser des questions pertinentes sur les
mécanismes des processus budgétaires, logistiques et techniques. Concernant les budgets, le
spécialiste en sciences sociales doit avoir des connaissances sur les comptes sociaux1 et
prendre en considération les implications des gestionnaires de comptes et des personnes
chargées de l’allocation de ressources.

Qui prend les décisions finales sur les dépenses et la logistique ?

Comment les ressources sont-elles supposées être acheminées au niveau local ?

Un exercice très utile à cet égard est d’ôter du budget général du projet toutes les entrées
relatives aux recommandations formulées dans l’analyse sociale. Les spécialistes en sciences
sociales feraient bien d’élaborer leur propre budget de développement social comportant ces
éléments sociaux. Le budget peut alors être utilisé pour superviser la mise en œuvre du projet.

La logistique (véhicules, transport, accès au site d’opération, l’équipement, l’appui de


services de secrétariat, les conditions de travail des agents de terrain, etc.) ne sont pas des
détails négligeables. La logistique du projet est-elle adéquate pour servir les bénéficiaires et
les communautés, notamment ceux vivant dans des zones reculées ? Dans certains projets et
pays, la décentralisation des opérations de terrain pourrait s’avérer nécessaire pour atteindre
les objectifs de développement social.

Le spécialiste en sciences sociales a besoin de posséder des connaissances techniques non


seulement pour obtenir et maintenir de la crédibilité au sein des équipes techniques, mais
aussi pour fournir des informations pertinentes à partir de l’analyse sociale. Chaque secteur
présentant différentes opportunités pour le spécialiste en sciences sociales et demandant
plusieurs approches d’intégration des questions sociales dans la conception et la
programmation des stratégies de mise en œuvre, les spécialistes en sciences sociales devront
se familiariser avec les préoccupations et opportunités du secteur dans lequel ils sont appelés
à travailler.

1
Il s'agit des comptes d'une société sans que n'y figurent ceux de ses éventuelles filiales, contrairement
aux comptes consolidés. Les comptes sociaux sont composés du bilan, du compte de résultat et des
annexes, du rapport de gestion, des documents relatifs à l'affectation du résultat et, pour certaines
sociétés anonymes, du rapport du conseil de surveillance. Le dépôt des comptes sociaux doit
s'effectuer chaque année, et il est obligatoire pour les sociétés à responsabilité limitée, les sociétés par
actions et les sociétés en nom collectif dont tous les associés sont des personnes morales. Le dépôt
s'effectue au centre national du registre du commerce.

Analyse sociale du projet 31


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Communication des promesses et des engagements

Une bonne communication se traduit en une meilleure gestion du projet et développe de fait
des mécanismes de responsabilité sociale, malheureusement une bonne communication ne
s’obtient pas facilement. Durant l’élaboration des documents de projet comme le document
d’évaluation du projet, le manuel d’opérations, l’accord juridique et d’autres documents, le
spécialiste en sciences sociales doit travailler en collaboration avec le gestionnaire et le juriste
pour présenter les aspects sociaux du projet, notamment les recommandations de l’analyse
sociale, dans un langage simple. Le bénéficiaire doit être encouragé à diffuser un résumé bref
du projet dans un langage et un format appropriés, aux organisations communautaires et
autres partenaires du projet. Le résumé doit accorder une attention spéciale aux programmes
et actions prenant en compte les préoccupations et attentes de ces groupes. Les accords
auxquels sont parvenus les responsables gouvernementaux et les communautés et
bénéficiaires lors des consultations doivent être documentés et rendus publics par écrit aux
parties affectées. Cette documentation constitue le fondement de la transparence et un outil
précieux de suivi et évaluation.

Alliances et capacité des homologues locaux

En procédant à leur analyse, les spécialistes en sciences sociales doivent songer à s’assurer
que l’équipe locale du projet est susceptible d’avoir besoin de capacité supplémentaire. La
continuité et la durabilité des actions et programmes clés dépendront largement de la qualité
de l’équipe locale dans l’organisme homologue, susceptible de rester en place pour la durée
du projet. Lorsque les conditions changent, ou que les leçons apprises suggèrent le
changement, c’est le personnel local qui doit opérer les ajustements au projet tout en
protégeant ses objectifs principaux de développement social. Le spécialiste en sciences
sociales a donc intérêt à faire en sorte que les perspectives sociales du personnel local soient
assez larges et profondes pour prendre en charge les besoins des communautés, gérer les
conflits, et accomplir d’autres tâches cruciales pour l’analyse sociale. S’il apparaît que le
personnel local a besoin de formation, le spécialiste en sciences sociales doit vérifier que les
ressources nécessaires à cette fin sont disponibles.

Analyse sociale du projet 32


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Conditions de faisabilité

Même lorsque l’analyse sociale a été adéquatement traduite en dispositifs dans la conception
et la mise en œuvre, les initiatives de développement peuvent échouer s’il manque des
conditions de faisabilité adéquates – facteurs et circonstances externes décisifs. Les
spécialistes en sciences sociales doivent renforcer leur capacité à identifier les conditions de
faisabilité d’un projet donné, et faire preuve d’imagination et de créativité à cet égard. Les
contextes sociaux de mise en œuvre des projets sont complexes, et les conditions de faisabilité
sont souvent occultées par les accords tacites convenus entre les services gouvernementaux ou
implicites contenus dans les accords juridiques. Ainsi, il peut s’avérer difficile d’identifier dès
le début la ou les conditions de faisabilité autour de laquelle ou desquelles la stratégie
opérationnelle du projet doit être centrée.

Dans certains cas, la condition de faisabilité peut être la création d’une nouvelle organisation
ou le renforcement d’une institution existante. Elle pourrait également être le rôle d’avocat
joué par un défenseur du projet, et capable de faciliter des partenariats avec d’autres parties
prenantes, comme les chefs locaux influents ou les investisseurs potentiels. Elle pourrait
également être l’adoption d’une nouvelle législation par le corps législatif, la promulgation
d’une nouvelle politique par l’exécutif, ou l’approbation d’une nouvelle politique sectorielle
ou régionale.

L’identification des conditions de faisabilité demande une bonne connaissance et une


expérience du secteur et du pays, ainsi qu’une compréhension profonde de l’histoire et de
l’état de la société. Les spécialistes en sciences sociales doivent engager des discussions avec
les spécialistes sectoriels et avec les décideurs, les juristes et les chefs de projet de la Banque
et des pays Emprunteurs sur les conditions de faisabilité d’un projet donné, tout en partageant
avec eux les résultats de l’analyse sociale afin d’informer la formulation de politique et la
prise de décision.

Utiliser le cycle du projet pour intégrer l’analyse sociale dans la conception et les
opérations

Le cycle de projet de la Banque Mondiale offre de nombreuses opportunités d’intégration des


recommandations de l’analyse sociale dans la conception et la mise en œuvre de projet.
Plusieurs de ces opportunités sont en rapport avec les documents officiels, les événements et
les activités liés au projet. Chacune des sections ci-dessous résume le contenu typique d’un

Analyse sociale du projet 33


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document, d’un événement ou d’une activité du projet, et note les principaux sujets auxquels
les spécialistes en sciences sociales doivent s’intéresser pour que leur analyse sociale se
reflète dans les opérations.

Document de conception de projet (PCD)

Un examen dès l’abord du PCD, même incomplet, est un point d’entrée utile pour les
spécialistes en sciences sociales. Dans une situation idéale, le spécialiste en sciences sociales
est membre de l’équipe technique et contribue à la rédaction du PCD et des documents
ultérieurs du projet. S’il n’est pas membre effectif de l’équipe technique, le spécialiste en
sciences sociales doit initier le dialogue avec celle-ci durant l’identification du projet, même
avant la rédaction du PCD, en vue de soulever les grandes questions sur la pertinence du
contexte social :

- Quels avantages sociaux pourraient émerger de ce projet ?

- Comment le projet peut-il servir les intérêts des pauvres et des groupes les plus
marginalisés de la société ?

- Comment le projet vise-t-il à réduire la pauvreté ?

- Existe-t-il des projets antérieurs de nature semblable, ou dans des secteurs liés, portant sur
le projet proposé ?

- Quels sont les risques sociaux potentiels associés au projet ?

Les questions sociales clés relatives au projet sont normalement résumées dans une section du
PCD. Durant la phase du PCD, l’équipe technique est censée être à même d’énumérer les
problèmes déjà bien cernés et de décrire les étapes proposées dans l’analyse sociale pour
mieux comprendre ceux nécessitant plus de clarification. Le PCD documente les mesures
proposées pour finaliser l’analyse sociale, y compris une « social assessment » par le
bénéficiaire pour les projets comportant d’importantes questions substantielles. Les questions
de développement social pertinentes peuvent également être explicitement identifiées dans
l’objectif de développement du projet. Elles sont normalement étudiées de manière plus
détaillée dans les sections sur le développement et le contexte stratégique, le bien fondé du
projet y compris la prise en compte des alternatives au projet, ainsi que de la durabilité et des
risques. Le spécialiste en sciences sociales doit accorder une attention spéciale à la création

Analyse sociale du projet 34


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d’indicateurs de suivi des avantages sociaux visés et des résultats et risques pour le
développement.

4 Les instruments pour la prise en compte des dimensions sociales du développement

La prise en compte des dimensions sociales du développement dans le cadre des opérations
appuyées par un bailleur de fond ou organisation multilatérale peut impliquer un travail
d’analyse entrepris au moyen d’un ou de plusieurs des instruments suivants :

L’analyse macro-sociale en amont

Elle est entreprise par le commanditaire ou financier comme apports dans la Stratégie
d’Assistance au Pays (SAP), à la communauté, ou pour appuyer la formulation de politiques
et de stratégies sectorielles.

L’analyse sociale au niveau du projet

Elle est entreprise par le bailleur de fonds en vue de l’évaluation sociologique des
opportunités, contraintes et impacts probables, comme partie intégrante de l’évaluation de
projet, en vue de savoir si les résultats probables du projet sur le développement social
justifient le soutien du financier.

La « social assessment »

Elle est entreprise par l’emprunteur ou le bénéficiaire en vue d’intégrer les vues des parties
prenantes dans la conception du projet, et créer un processus participatif de mise en œuvre et
de suivi. Cette approche de l’analyse sociale offre aux cadres des organisations bénéficiaires,
aux emprunteurs, consultants et partenaires un cadre commun pour évaluer la dimension
sociale des opérations du projet.

5 Structure referencielle d’une « analyse sociale »

Le chapitre 1 présente une introduction générale aux directives d’analyse sociale.

Le chapitre 2 explore les cinq points d’entrée de l’analyse sociale, assortis d’exemples.

Le chapitre 3 donne une orientation sur l’intégration de l’analyse sociale dans la conception
du projet.

Le chapitre 4 porte sur la « social assessment ».

Analyse sociale du projet 35


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Le chapitre 5 présente certaines leçons clés et les tendances futures de l’analyse sociale.

Les directives sectorielles, qui peuvent être publiées, s’adressent à ceux qui travaillent dans
des secteurs spécifiques. L’on ne peut tenir pour acquis que la réduction de la pauvreté
adviendra simplement à cause des bonnes intentions d’un projet. L’afflux de nouveaux
services, de nouvelles infrastructures et de nouveaux emplois, ou la formalisation des droits
informels ainsi que la réévaluation des actifs et du capital des pauvres, pourraient bien alléger
la pauvreté. Mais les liens entre de telles actions et leurs avantages attendus pour les pauvres
doivent être spécifiés clairement et sans ambiguïté dans le cadre logique du « Résumé du
projet », qui offre une opportunité de relier les activités du projet et les allocations de budget
à des résultats et produits spécifiques. Ces spécifications orientent donc la conception du
projet, et les indicateurs qui y sont listés servent de base pour le suivi et l’évaluation des
résultats du projet. Ce cadre logique peut être initié au stade du PCD (Document de
conception du projet), mais il est généralement finalisé au cours de l’évaluation du projet.

Document d’évaluation de projet (PAD)

Le PAD est fondé sur les informations de base fournies dans le PCD. Les spécialistes en
sciences sociales sont appelés à résumer l’analyse sociale dans la section concernée du PAD.
Une analyse sociale plus détaillée, comme les conclusions des évaluations effectuées par un
emprunteur, peuvent être inclues dans l’annexe.

Les recommandations présentées dans la section sur l’analyse sociale et l’annexe doivent se
conformer à l’organisation générale du projet. L’analyse sociale doit clarifier les objectifs et
bénéfices du projet, stimuler la discussion entre les gagnants et les perdants, et informer les
réflexions concernant le choix des alternatives, sur la durabilité et les risques du projet. Le
dispositif institutionnel du projet doit refléter les accords conclus avec l’Emprunteur sur les
résultats sociaux du projet et les mécanismes et ressources nécessaires pour atteindre ces
résultats. Lorsque les questions de sauvegarde sociale (exemple la réinstallation involontaire
ou les populations autochtones) sont identifiés, le spécialiste en sciences sociales doit en
vérifier la conformité avec les politiques opérationnelles y relatives. Les indicateurs et points
de référence appropriés doivent être identifiés pour assurer le suivi de l’état d’avancement et
de la mise en œuvre du projet, et comme conditions d’évaluation du projet, des ressources
appropriées pour le suivi doivent être fournies.

Analyse sociale du projet 36


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Les spécialistes en sciences sociales éludent fréquemment la section du PAD consacrée aux
aspects controversés du projet. Or, le PAD doit clairement énoncer les risques spécifiques : la
corruption, la violence, la faible appropriation, la mauvaise gouvernance, l’opposition des
parties prenantes et autres aspects controversés pertinents. Outre l’énoncé des risques sociaux
identifiés par l’analyse sociale, le PAD devrait expliciter la stratégie de gestion de risque y
correspondant. La prise de conscience des risques potentiels du projet ne suffit pas. D’autres
disciplines peuvent être adjointes pour approfondir l’évaluation des risques identifiés et aider
à élaborer un plan de gestion de risque.

Pour les risques endémiques, les responsabilités statutaires des organisations participantes,
gouvernementales et non gouvernementales pour le suivi, l’évitement et la gestion des risques
doivent être explicitées. Les responsabilités de gestion de risque, les fonctions et les
ressources de chacun doivent être clairement assignés. Dans un pays exposé aux inondations
et aux conflits, par exemple, l’investissement dans un plan de gestion des catastrophes
pourrait constituer un moyen rentable de protection des pauvres contre de tels risques.

Si l’économie politique constitue une préoccupation, le spécialiste en sciences sociales doit


juger si le dispositif institutionnel pour la mise en œuvre est en mesure d’empêcher que les
groupes d’intérêts établis (élite locale, hommes politiques, consultants, ou cabinets
internationaux) ne s’approprient les avantages du projet. Le spécialiste en sciences sociales
peut aider les équipes techniques en leur proposant différents scénarii pour gérer les
opposants au projet et ses partisans.

La même procédure pourrait être suivie pour d’autres risques potentiels comme ceux
concernant la non-conformité avec les politiques de sauvegarde de la Banque ou d’autres
impacts sociaux négatifs, tels que l’exacerbation des disparités liées au genre, à
l’appartenance ethnique, la religion, la langue et la géographie. L’analyse sociale et la « social
evaluation » sont souvent effectuées dans des contextes régis par les politiques de sauvegarde
sociale de la Banque affectant les populations et cultures autochtones, ou la réinstallation
involontaire. Dans de telles situations, le spécialiste en sciences sociales sera souvent sollicité
pour confirmer la prise en charge satisfaisante des cadres de politique, des plans
d’atténuation, de la capacité organisationnelle et d’autres actions nécessaires pour la
conformité avec les mesures de sauvegarde en question. Tous les risques ne peuvent être
totalement atténués, mais une stratégie doit entremise au point pour minimiser l’impact des

Analyse sociale du projet 37


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risques inhérents au pays et des risques exogènes sur les populations vulnérables et les
pauvres.

Manuel d’opération (MO)

Le spécialiste en sciences sociale doit lire le manuel d’opération (MO) du projet. Le MO


contient des règles, procédures et normes pouvant faciliter ou entraver les stratégies visant à
atteindre les objectifs clés de développement social : l’inclusion, l’aptitude et la sécurité.

Si possible, le spécialiste en sciences sociales doit participer à la rédaction du MO, ce afin


d’aider les équipes du projet à définir les dispositions et procédures en harmonie avec les
stratégies de développement social. Un bref examen du contenu de tout MO révèlera
immédiatement sa pertinence pour les spécialistes en sciences sociales qui souhaitent voir leur
travail d’analyse matérialisé dans les infrastructures socio-économiques, les services, les
opportunités et les gains du projet.

Typiquement, un MO incorpore les règles et procédures convenues entre la Banque et


l’Emprunteur sur les points suivants :

- les activités préliminaires d’initiation du projet, y compris l’organisation de l’unité de mise


en œuvre du projet, l’organisation des informations et documents clés, et les conditions
d’effectivité du projet ;

- les accords concernant les mécanismes de faisabilité, les mécanismes de prestation et le


ciblage, y compris la sélection des bénéficiaires et les critères d’éligibilité ; le ciblage
géographique, socioéconomique, ou socioculturel ; les mécanismes de faisabilité destinés à
créer l’opportunité ; les mécanismes de prestation destinés à produire des biens et services ;

- les responsabilités de mise en œuvre du projet, y compris le dispositif institutionnel et les


responsabilités statutaires pour l’exécution du projet, d’autres institutions et organisations
appelées à soutenir le projet, les activités de renforcement des capacités et les dispositions
prises pour la mise en œuvre de chaque volet du projet ;

- la planification et l’élaboration du budget du projet, y compris le plan d’opération annuel et


le budget des dépenses, l’allocation des ressources par source de financement, et les
mécanismes de contrôle et de révision de budget ;

Analyse sociale du projet 38


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- le dispositif relatif aux passations des marchés, y compris les normes d’achats de services
(très importants si les organisations communautaires doivent intervenir comme
fournisseurs ou consultants), les procédures et responsabilités pour les passations des
marchés, les ressources pour les contrats de consultations, les conditions d’approbation par
la banque et le plan de formation annuel ;

- le dispositif pour la rédaction des rapports de supervision, y compris la revue à mi-parcours


et le rapport final ;

- le dispositif de surveillance, du suivi et de l’évaluation du projet, y compris leurs


modalités, contrats, et indicateurs clés ;

- le dispositif financier, y compris les signatures autorisées pour les décaissements et les
réapprovisionnements.

Le MO contient des annexes relatives aux accords finaux convenus entre la Banque Mondiale
et l’Emprunteur sur des questions clés comme les critères d’éligibilité pour les
investissements ciblés ; la sélection des bénéficiaires, des localités et des régions à couvrir par
les actions du projet ; et le financement des initiatives et sous projets initiés par les
communautés, qui sont autant d’éléments très pertinents pour l’atteinte des objectifs de
développement social. Si les spécialistes en sciences sociales n’accordent pas de près une
attention à l’élaboration du MO, les recommandations de l’analyse sociale peuvent être
exclues des dispositifs finaux de mise en œuvre. Le spécialiste en sciences sociales doit
collaborer avec les parties prenantes pour signaler au bénéficiaire toutes les incohérences
entre les recommandations de l’analyse sociale et les dispositifs proposés dans le MO. Si par
exemple la stratégie de développement social entre en conflit avec les dispositifs
institutionnels de mise en œuvre du projet, l’équipe de la Banque doit le porter à l’attention de
l’Emprunteur. Si les recommandations de l’analyse sociale sont systématiquement ou
continuellement ignorées par l’Emprunteur, le spécialiste en sciences sociales doit informer le
Directeur pour une communauté que les objectifs de développement du projet peuvent en être
compromis.

Plan de mise en œuvre du projet (PIP)

Bien que l’élaboration du PIP relève de la responsabilité de l’Emprunteur, son élaboration


offre des opportunités importantes pour intégrer l’analyse sociale dans un projet. Accorder
une attention particulière à l’élaboration du plan d’opération, notamment pendant la première

Analyse sociale du projet 39


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année du projet au cours de laquelle sont mis en place les dispositifs opérationnels et les
mesures sur le terrain. L’élaboration du PIP est une tâche délicate qui implique souvent la
conception de formats pour la collecte d’informations, la sélection des bénéficiaires, la
définition des droits, etc. ainsi que la rédaction des termes de référence pour le recrutement du
personnel de l’unité de gestion et les consultants en développement social et les spécialistes
en développement communautaire. Les décisions sur tous ces sujets doivent tenir compte de
considérations sociales pertinentes. En outre, les plans de mise en œuvre doivent être
flexibles, afin de pouvoir opérer les changements requis en réponse aux leçons apprises du
suivi et de la réaction des parties prenantes.

La présence sur le terrain de spécialistes en sciences sociales d’un bailleur de fonds et parfois
du gestionnaire du projet améliore la pertinence opérationnelle de l’analyse sociale. La
présence sur le terrain signifie que les membres de l’équipe sont « en supervision continuelle
». Dans le registre de la « social assessment » entreprise pendant la mise en œuvre, les
gestionnaires de projet peuvent mettre au point des mécanismes formels et informels tels que
des ateliers, pour disséminer auprès des parties prenantes les résultats de la « social
assessment » et de la consultation entreprises avec les principales parties prenantes. Ces
éléments doivent être explicitement inclus dans le PIP. Les spécialistes en sciences sociales
peuvent provoquer une prise de conscience sur les questions sociales susceptibles d’affecter le
projet et, parfois générer le consensus sur ces questions, en disséminant les conclusions de
l’analyse sociale auprès des bénéficiaires et des parties prenantes.

Documents juridiques du projet

Les documents juridiques du projet incluent habituellement les Accords de Prêt/Crédit et de


Projet, ainsi que toutes les lettres complémentaires y afférentes. Ces documents décrivent le
projet et spécifient les engagements juridiques du bénéficiaire par rapport au projet, y compris
le cas échéant ceux relatifs aux politiques de sauvegarde et autres objectifs de développement
clés convenus avec ce bénéficiaire. Ils fixent également les conditions financières du
prêt/crédit, ainsi que les conditions de passation des marchés et de décaissement. Les
spécialistes en sciences sociales doivent participer aux négociations du projet et consulter les
procès-verbaux de négociations, notamment les sections traitant des aspects sociaux clés du
projet. Ils doivent procéder à une revue attentive des accords juridiques négociés par le
bailleur de fonds et le bénéficiaire afin d’assurer qu’ils renferment les accords sur les mesures
visant à atteindre les principaux objectifs de développement social et les résultats du projet.

Analyse sociale du projet 40


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En tant que membre de l’équipe technique du financier, le spécialiste en sciences sociales doit
rendre compte aux parties prenantes ayant participées aux consultations, et veiller à ce
qu’elles – et tout particulièrement les bénéficiaires – prennent connaissance des conditions du
projet et ne nourrissent pas de faux espoirs.

Supervision et suivi

La supervision et le suivi sont des outils de gestion importants, qui fournissent aux
gestionnaires des projets une réponse rapide sur l’efficacité du projet durant la mise en œuvre.
Ces outils ont pris de plus en plus d’importance, à mesure que la Banque se détourne des «
projets standardisés » pour adopter une planification plus souple permettant aux chefs de
projet de faire des adaptations sur le terrain.

Les gestionnaires de projet peuvent utiliser le suivi et évaluation participatif pour évaluer de
manière systématique le progrès et l’impact dès le début du cycle du projet. Dans le processus
participatif, les perspectives et vues de toutes les parties prenantes, bénéficiaires, ainsi que des
agents chargés de la mise en œuvre du projet sont explorées. Toutes les parties prenantes
identifient des problèmes, conduisent des recherches, analysent les résultats, formulent des
recommandations et prennent la responsabilité des actions nécessaires. L’aspect participatif
du processus est particulièrement efficace parce que les parties prenantes impliquées dans
l’identification des problèmes et des solutions développent l’appropriation au projet et tendent
à être plus souples si des mesures correctives s’avèrent nécessaires par la suite. Le spécialiste
en sciences sociales peut fournir une aide très précieuse dans l’analyse de la réponse des
parties prenantes et des changements nécessaires pour rendre le projet plus efficace.

De nombreux rapports de supervision ne font pas référence aux questions sociales ou


l’atteinte des objectifs de développement social, et se focalisent plutôt sur les indicateurs
physiques et économiques du progrès réalisé et de la performance technique ou financière
(décaissements, soumissions d’offres, achat de biens et services et autres opérations de même
type). Les rapports de suivi offrent aux spécialistes en sciences sociales une autre opportunité
d’aller plus loin que les rapports de supervision standard et obtenir d’autres points de vue.
C’est une bonne stratégie d’obtenir les opinions et informations auprès d’alliés clés parmi les
bénéficiaires, les organisations non gouvernementales et les tierces parties, et partager par la
suite ces informations avec les chefs de projet.

Analyse sociale du projet 41


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La mise en exergue des résultats du suivi et évaluation/impact social dans les rapports de
supervision est utile pour l’identification du type de changements ou d’ajustements
nécessaires, et l’est également pour l’étude des conséquences sociales du projet. Ces
ajustements se réalisent plus facilement si le gestionnaire du projet, l’équipe nationale et
l’agence ou les agences d’exécution sont associés à leur conception et leur mise en œuvre. Les
groupes bénéficiaires, notamment les plus défavorisés, doivent être informés des changements
opérés dans le projet et avoir l’opportunité d’exprimer leurs opinions et faire des suggestions.

Enfin, les accords conclus doivent être documentés et faire partie du système de suivi et
évaluation.

Il est important pour le spécialiste en sciences sociales de participer à la revue à mi-parcours


et d’utiliser cette opportunité pour examiner et ajuster les stratégies d’inclusion, de
participation et de gestion de risque social issues de l’analyse sociale. Avant la date de clôture
du projet, le spécialiste en sciences sociales élabore les contributions au Rapport de fin de
mise en œuvre.

Revue à mi-parcours

La revue à mi-parcours offre au spécialiste en sciences sociales une bonne opportunité


d’examiner les résultats de l’analyse sociale, les connaissances acquises sur les questions
sociales liées au projet, le bien fondé des recommandations de l’analyste et la nécessité des
ajustements, d’études supplémentaires ou de changements dans la mise en accent. Le
spécialiste en sciences sociales doit recommander des ajustements dans la structure, les
objectifs, le champ et les groupes cibles du projet.

6 Pourquoi procéder a l’analyse sociale ?

La compréhension du milieu social dans lequel fonctionnent les projets2 d’investissement est
décisive pour toute action de réduction de la pauvreté. Un opérateur ou un bailleur entreprend
l’analyse sociale en vue de déterminer s’il lui convient de financer les programmes proposés.
La préoccupation du Maitre d’œuvre en tant qu’organisation de développement est que les
ressources disposées exercent un impact significatif sur le développement économique et

2
Le terme « projet » est utilisé de manière quelque peu générique ici. En pratique, il inclut les projets
et les programmes.

Analyse sociale du projet 42


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social des bénéficiaires. L’impact de la croissance économique sur la réduction de la pauvreté


est renforcé lorsque le développement est équitable et durable3.

L’analyse sociale4 permet à l’initiateur (organisation) de déterminer si un programme ou une


opération proposé(e) est susceptible d’atteindre ses objectifs sociaux, et de recommander les
mesures devant assurer l’atteinte de ces objectifs. L’évaluation sociale permet à
l’Emprunteur d’étudier la durabilité du projet et d’intégrer les mesures qui la renforcent. Les
deux processus (analyse et évaluation) impliquent l’examen du contexte socioculturel,
institutionnel, historique et politique du projet, et les vues et priorités des parties prenantes, et
l’inclusion d’autant d’acteurs pertinents que possible dans le cycle du projet. Une bonne
analyse sociale peut ainsi élargir le soutien social pour le développement économique et
social. L’analyse sociale nous indique la contribution d’un projet proposé au développement
équitable et durable. Le développement équitable et durable est un but à long terme. Un projet
isolé, ou plusieurs projets ne peuvent le réaliser. Néanmoins, c’est un objectif qui illumine la
voie menant au développement social. Le développement équitable implique le nivellement
du champ d’action afin que les bénéficiaires visés et autres parties prenantes clés puissent
exprimer leurs opinions et participer aux opportunités de développement créées par un projet.
Le développement durable est compatible avec son contexte socioculturel, les institutions
appelées à mettre en œuvre le projet en ont la capacité et un certain sentiment d’appropriation
à ses objectifs.

Le Rapport Mondial 2000/2001 sur le Développement5 présente une vision


multidimensionnelle de la pauvreté et appelle à des actions publiques visant à promouvoir
l’opportunité, renforcer les aptitudes des pauvres et améliorer la sécurité, comme des éléments

3
Pour de nombreuses personnes, l’expression « développement durable » ne se réfère qu’à la durabilité
de l’environnement naturel. Pour d’autres, elle a un volet social qui inclut l’opportunité économique
équitable et des avantages largement partagés. Parce que ce type d’équité est précisément l’avantage
que l’analyse sociale ajoute au développement durable, ce guide utilise l’expression « développement
équitable et durable » pour mettre l’accent sur le volet social de la durabilité.
4
L’analyse sociale a été officiellement introduite à la Banque mondiale comme partie intégrante de
l’évaluation de projet dans le OMS 2.20, Evaluation de projet de Janvier 1984. Depuis lors, la Banque
a développé son action par l’utilisation d’évaluations sociales pour examiner les dimensions sociales
du développement. Le présent guide est un raffinement de cette approche et définit un cadre partagé
d’analyse sociale pour le personnel de la Banque, les emprunteurs, les consultants et les partenaires.
5
Banque Mondiale, 2001.Rapport 2000/2001 sur le Développement Mondial : Attacking Poverty. New
York : Oxford University Press pour la Banque Mondiale.

Analyse sociale du projet 43


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essentiels des stratégies de réduction de la pauvreté. Puisque la pauvreté est


multidimensionnelle, le développement équitable et durable implique des mesures qui
renforcent les résultats du développement social et préservent les acquis du développement
économique.

Les résultats de développement social des projets individuels entrent sous les rubriques
suivantes : inclusion sociale, autonomisation et/ou sécurité. Dans le présent guide, ces trois
termes sont définis comme suit dans le contexte d’un projet :

L’inclusion sociale est la suppression des barrières institutionnelles et le renforcement des


mesures d’encouragement en vue d’accroître l’accès d’individus et de groupes divers aux
opportunités de développement. L’inclusion sociale peut impliquer des mesures comme :

- l’accès aux biens et services publics générés par le projet,

- l’accès aux opportunités de marché créées par le projet,

- l’accès à l’information.

La prise en compte des besoins différents des hommes et des femmes dans le cadre du projet.

L’autonomisation6 est le renforcement des atouts et des capacités d’individus et de groupes


divers à fonctionner et à discuter, influencer et/ou tenir responsables les institutions qui les
affectent.

L’autonomisation peut impliquer les mesures suivantes :

- optimisation des atouts matériels ou financiers,

- renforcement des capacités sous forme de capital humain ou social.

La sécurité englobe une gestion améliorée des risques sociaux résultant des interventions de
développement.

6
Le concept de l’autonomisation suppose la possibilité d’amélioration des atouts et des capacités
humaines, tout en reconnaissant leur interconnexion. Amartya Sen décrit la capacité comme la liberté
substantive d’assurer des combinaisons alternatives de fonctions, c’est-à-dire la volonté d’une
personne de convertir les biens et services primaires en vue d’augmenter ses revenus et mener
différents styles de vie qu’elle a des raisons de valoriser. Amartya Sen, 1999. Development as
Freedom. New York: A. Knopf, pp. 74-75. Sen avance que pour parvenir à une compréhension
complète des capacités humaines, il faut prendre en compte (1) leur pertinence directe par rapport au
bien-être et à la liberté des hommes ; (2) leur rôle indirect d’influence sur le changement social ; et (3)
leur rôle indirect dans l’influence sur le développement économique. Op. cit., p. 296.

Analyse sociale du projet 44


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Conclusion

Un processus réussi d’opérationnalisation de l’analyse sociale doit aboutir à des accords clairs
avec l’emprunteur sur les points suivants :

- un accord sur les résultats de développement social visés par le projet ;

- un « tableau » convenu des « gagnants et perdants » potentiels et leurs réactions probables,


ainsi qu’un plan de prise en compte de ces deux groupes politiquement et financièrement
réaliste. Par exemple, si la conception du projet appelle à prendre des décisions au sujet des
ressources et services du projet sur la base de la concurrence intercommunautaire, il est
nécessaire de disposer d’un plan pour former les communautés « perdantes » à élaborer des
propositions pour d’autres agences ;

- un accord sur le dispositif institutionnel du projet précisant les organisations directement


impliquées, ainsi que les rôles et responsabilités des services et populations concernés

- des plans d’action intégrés dans la conception du projet indiquant la prise en compte des
questions de sauvegarde sociale comme la réinstallation et les populations autochtones ;

- un accord sur les indicateurs de suivi du projet et un accord sur un plan de suivi et
évaluation. Les indicateurs sont le plus utiles lorsqu’ils sont facilement vérifiables. Le plan
de suivi/évaluation doit faire clairement la distinction entre les indicateurs pouvant être
directement attribués au projet et ceux dont la performance dépend en partie d’autres
variables. Ceux-ci doivent être reflétés dans le cadre logique du Résumé du Projet au
niveau du PAD (document d’évaluation de projet). Le plan de suivi et évaluation doit
inclure non seulement les types de données et d’informations à collecter, mais également
des indications claires sur les intervalles, les méthodes de suivi et évaluation de même que
les ressources nécessaires. Enfin, le plan de suivi doit indiquer les mesures à prendre au cas
où des problèmes se posent au cours du suivi ;

- un accord sur un plan de participation des principales parties prenantes. Celui-ci doit
indiquer comment les parties prenantes, en tant que bénéficiaires seront impliquées dans le
processus et les résultats du projet, et comment d’autres groupes de parties prenantes non
bénéficiaires adhéreront aux objectifs du projet.

Analyse sociale du projet 45


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Bibliographie

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Pour les études de cas approfondies de l’analyse des scénarios appliqués, voir :
www.gbn.org/public/gbnstory/downloads/gbn/_mont_fleur_.pdf

Analyse sociale du projet 48

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