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L’environnement

et la formation
des ingénieurs
Publié sous la direction
de David Brancher

Les Presses de 1’Unesco


Publié en 1982
par l’Organisation des Nations Unies
pour l’Éducation, la science et la culture,
7, place de Fontenoy, 75700 Paris.
Imprimeries Populaires de Genève.

ISBN 92-3-201793-g
Edition anglaise: 92-3-1017934
Edition espagnole: 92-3-301793-I
Études sur la formation des ingénieurs 9

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Dans cette collection

1. Normes de qualification des ingénieurs. Études comparatives dans dix-huit pays d’Europe.
2. Les sciences sociales et humaines dans la formation des ingénieurs.
3. La formation continue des ingénieurs.
4. &a formation des enseignants dans les écoles d’ingénieurs et de techniciens supérieurs.
Etude sur les problèmes propres aux pays en développement.
5. La conception des programmes de formation des ingénieurs, par Lawrence P. Grayson.
6. Advances in the continuing education of engineers, par Niels Krebs Ooesen. (En anglais
seulement.)
7. Les techniciens. Quelques problèmes d’appellation et de classification, par H. W. French.
8. En préparation.
9. L’environnement et la formation des ingénieurs, publié sous la direction de David Bran-
cher.
Préface

L’environnement et la formation des ingénieurs répond à la nécessité -


ressentie tant dans le monde industrialisé que dans les pays en dévelop-
pement - d’élargir et de renouveler la formation des futurs ingénieurs.
Le présent ouvrage aborde ce qui constitue peut-être le principal aspect
de leur responsabilité envers la société. Constituant le no 9 de la collec-
tion ((Études sur la formation des ingénieurs O, il confirme et justifie
l’approche adoptée dans le no 2, Rôle des sciences sociales et humaines
dans la formation des ingénieurs. Il montre comment l’aptitude à résou-
dre le problème de l’environnement dépend d’une connaissance appro-
fondie des aspects marquants des disciplines sociales et humaines. Il met
également l’accent sur la nécessité d’associer cette connaissance en tant
qu’élément du processus de formation à la technique et au monde con-
cret de l’ingénieur, pour être utile sur le plan professionnel.
Les auteurs du présent volume traitent quatre aspects fondamentaux:
l’ingénieur et l’environnement du travail ; le choix et l’application d’une
technologie appropriée ; la formation des ingénieurs spécialisés dans l’en-
vironnement; les buts de l’organisation des études et les stratégies que
peuvent adopter les responsables de l’enseignement supérieur. Les pro-
blèmes abordés par les auteurs ont été reconnus comme prioritaires par
le Groupe de travail international sur la formation des ingénieurs en
matière d’environnement. Ce groupe, institué pour conseiller le Direc-
teur général de Wnesco, a tenu sa première session en 1975, à Paris; la
deuxième en 1977, à Caracas (Venezuela); la troisième en 1979, à Paris.
L’Unesco exprime sa reconnaissance à M. David Brancher, qui a
dirigé la publication du présent volume et a rédigé les chapitres concer-
nant l’organisation des études et la technologie appropriée, et aux autres
auteurs, MM. Gideon Gerhardsson, Hassan M. El-Baroudi, Dev
R. Sachdev et A. Adel Hamouda. L’organisation remercie également
M. George McRobie qui a organisé la réunion de conseillers en matière
de technologie appropriée, ainsi que M. Richard Booth et M. Dennis
Else qui ont fourni les documents pour l’étude de cas relative à l’environ-
nement du travail.
Tous les auteurs exposent des faits et des idées de manière absolu-
ment indépendante, et leurs opinions ne sont pas nécessairement celles
de Wnesco.
LES AUTEURS

Gideon Gerhardsson est conseiller principal de la Fédération des


employeurs suédois et maître de conférences à la Faculté de médecine
de l’Université d’Urnea (Suède).

Hassan M. El-Baroudi est directeur des projets relatifs à l’environne-


ment. Dev R. Sachdev est ingénieur en chef à la Section de la gestion des
eaux et des déchets de 1’Envirosphère Company, Division Ebasco Servi-
ces Inc., à New York (Etats-Unis d’Amérique). A. Adel Hamouda est
assistant lecturer au Département du génie sanitaire de l’Université
d’Alexandrie (Egypte).

David Brancher est directeur adjoint des études complémentaires à lUni-


versité d’Aston, Birmingham (Royaume-Uni).
Table des matières

Introduction David Brancher 9

Les sciences du travail et l’ingénieur Gideon Gerhardsson 19

La place de la technologie appropriée dans la formation


des ingénieurs David Brancher 51

Le génie environnemental : enseignement et pratique


Hassan M. El-Baroud( Dev R. Sachdev et A. Adel Hamouda 85

L’organisation du processus: quelques notions et modèles


David Brancher 105

-.- -.-
Introduction
David Brancher

Toute étude de la formation des ingénieurs en matière d’environnement


risque d’être entravée par une question embarrassante: Qu’est-ce que
l’environnement? Dans la mesure où les ingénieurs sont censés recevoir
un enseignement sur ce point ainsi que sur l’attitude et sur le type de
protection à adopter en ce domaine, il importe que nous sachions ce
qu’est au juste l’environnement.
Cette question est judicieuse et révélatrice. En essayant d’y répondre,
on s’aperçoit que les phénomènes et les processus qui constituent l’envi-
ronnement aux yeux d’un ingénieur font partie de la profession, même
pour un ingénieur ayant une autre spécialité. Par exemple, un ingénieur
chimiste qui déverse des déchets dans un fleuve (peu importe qu’il en
résulte ou non des nuisances) agit sur l’environnement. Dans ce cas un
enseignement relatif à l’environnement revient à lui apporter des notions
sur l’écologie des cours d’eau.
Pour l’ingénieur des eaux qui s’occupe de ce fleuve, ce même déver-
sement implique l’élaboration et l’application de normes concernant les
effluents, le contrôle des résultats, le maintien des débits d’été, etc. Ces
préoccupations sont au centre même de sa profession. Mais, si vous
emmenez ce même ingénieur des eaux au parc national où le fleuve
prend sa source, vous constaterez peut-être qu’il a également besoin
d’une formation en matière d’environnement. L’endiguement des cours
d’eau, l’élévation du niveau des lacs et la construction de routes et de
bâtiments peuvent exercer une profonde influence sur la qualité du pay-
sage et son potentiel récréatif. Il apparaît que ce domaine de l’enseigne-
ment relatif à l’environnement relève principalement d’un autre type
d’ingénieur: l’architecte paysagiste. La frontière entre la fonction profes-
sionnelle et 1’0environnement 0 est manifestement relative. Le lieu où
elle semble se situer varie selon la spécialité de l’ingénieur.
La même relativité peut s’observer dans le temps. Il y a vingt ou
trente ans, dans la plupart des pays développés, la notion d’(( environne-
ment du travail o avait une signification limitée pour la plupart des ingé-
10 David Brancher

nieurs mécaniciens et des ingénieurs de production. Dans la mesure où


l’on reconnaissait l’existence de problèmes, on considérait qu’ils rele-
vaient des spécialistes de la médecine du travail et de quelques autres
disciplines. A présent, il est généralement admis que l’environnement du
travail industriel, du moins à beaucoup d’égards, est quelque chose qui
doit être étudié, créé ou amélioré, et surveillé, notamment par des ingé-
nieurs. La frontière entre le rôle de l’ingénieur et le cadre où il se situe
s’est déplacée sous la double pression de l’opinion publique et d’une plus
grande conscience, au sein de l’industrie, de ce que représente un proces-
sus de travail bien organisé.
Comme nous le voyons, cette relativité complique la définition de
l’environnement et de la formation dans ce domaine. La notion d’envi-
ronnement varie selon la spécialité de l’ingénieur et selon l’époque.
Peut-être obtiendrait-on une plus grande précision en faisant intervenir
la pollution. En effet, le contrôle de la pollution et sa suppression sont
des objectifs prioritaires d’une politique de l’environnement.
La pollution peut avoir un caractère objectif (exemple: la pollution
chimique). Elle peut avoir aussi un caractère subjectif (exemple: la
dégradation du paysage). Entîn, elle peut avoir ces deux caractères à la
fois (exemple: le bruit). La pollution peut influer directement sur les
êtres humains (exemple: l’eau potable). Ses effets peuvent être indirects
(exemple: ses incidences sur les populations de poissons). Elle peut
dépendre plus ou moins des écosystèmes et se manifester sous la forme
de cas de symbiose ou de parasitisme que seul un expert est à même de
comprendre.
La pollution peut être absolument inacceptable et il faut alors l’élimi-
ner à tout prix. Elle peut aussi appeler une évaluation d’ordre économi-
que: les coûts de tel ou tel niveau de traitement sont comparés aux
avantages et aux pertes qui résulteraient de quelque autre affectation des
ressources. L’idée que la pollution est la présence indésirable de matière
ou d’énergie, si simple au premier abord, n’aide guère à la définir, dans
le domaine de l’éducation relative à l’environnement comme dans celui
des sciences de l’ingénieur.
La notion d’épuisement des ressources n’est pas d’un meilleur
secours. Cela tient notamment au fait que les ressources n’existent que
dans la mesure où elles sont reconnues. Un parc national est ((épuisé))
si, par suite d’une mauvaise gestion, la nature sauvage qui avait motivé
initialement sa création offre moins de possibilité expérimentale. Le cen-
tre d’une ville historique peut perdre son intérêt de champ d’expérimen-
tation architecturale pour lequel il aurait pu être protégé. Dans ces deux
cas, comme dans beaucoup d’autres, bien sûr, les pertes, pour être sub-
jectives, n’en sont pas moins réelles et importantes.
Cependant, même les ressources physiques, qui sont incontestable-
ment objectives et tangibles, dépendent de la perception. Leur épuise-
ment est réel dans la mesure où nous savons les utiliser. Il l’est moins si
Introduction Il

nous savons qu’une substitution ou l’élimination du besoin peuvent être


obtenus à «un prix raisonnable H(qui, en soi, est une question de percep-
tion). Les ressources peuvent donc être tangibles. immatérielles, esthéti-
ques et Géconomiques )). Elles apparaissent ou disparaissent à la lumière
de nos connaissances et de nos préoccupations. Ce sont des effets de la
culture.
S’il est aussi difficile de définir l’environnement, comment peut-on
traiter de l’éducation relative à l’environnement? En poursuivant cette
notion amorphe et insaisissable, on peut se demander s’il vaut la peine
d’en rechercher la définition. Assurément non, en ce sens que nous ne
serons jamais en mesure d’affirmer que cette éducation a pour objet ceci
et non pas cela. Une définition absolue nous échappera toujours, et ce
pour une raison très importante.
L’art de l’ingénieur vise à la création de bien-être matériel, social et
mental, dans le monde réel. Il puise des éléments dans ce monde réel -
l’environnement de l’ingénieur - et les restitue avec une valeur ajoutée.
Sans ce surcroît de valeur, l’art de l’ingénieur n’a pas de sens. Etre
ingénieur pour le plaisir d’être ingénieur n’est pas, et n’a jamais été, le
but de la profession. C’est en ce sens que tout l’art de l’ingénieur Qa trait
à l’environnement 9.

Une conception systémique


Le terme ((environnement 9 présente-t-il quelque utilité pour nous, en ce
temps de débats et de critiques ? Oui, sur un seul point qui nous est
fourni par la théorie des systèmes. En effet, l’art de l’ingénieur - qu’on
l’identifie à un groupe humain, à un ensemble d’institutions ou à une
somme de connaissances théoriques et pratiques - est en lui-même un
système. Comme tous les systèmes, il a un environnement, à savoir d’au-
tres hommes, avec leurs buts et leurs valeurs, d’autres institutions, d’au-
tres connaissances et d’autres activités. Il s’efforce d’être ouvert, de rece-
voir des informations de l’environnement qui se modifie. Il s’efforce de
redéfinir son environnement en étendant son champ d’observation et de
contrôle. La où il ne peut plus poursuivre ses buts traditionnels, l’ingé-
nieur doit s’adapter en trouvant de nouveaux objectifs et en réorganisant
en conséquence la structure interne de sa profession.
L’art de l’ingénieur présente ces trois caractéristiques. C’est seule-
ment en partant d’un point de vue systémique qu’on peut trouver un
concept de l’environnement et de la formation y afférente qui résiste au
temps et à la multiplicité des spécialités et responsabilités inhérentes à la
profession d’ingénieur. Mais, paradoxalement, en définissant ainsi la for-
mation des ingénieurs en matière d’environnement, nous renonçons à
définir une fois pour toutes la fonction même d’ingénieur.
Les principales implications sont des questions de perspective. A
l’avenir, pour aborder le problème de l’environnement, les ingénieurs
12 David Brancher

devront prendre en considération: a) le monde extérieur aussi bien que


le monde intérieur; b) les générations futures aussi bien que la généra-
tion actuelle ; c) les effets évidents, mais aussi ceux qui le sont moins ; d)
les facteurs tant pondérables qu’impondérables; e) ce qui est mesurable
aussi bien que ce qui ne l’est pas ;fl la véritable richesse, au-delà du seul
profit commercial.
La logique de cette ((Introduction)), à ce stade de notre raisonne-
ment, impose aux auteurs de ce mince recueil d’études une tache impos-
sible. Il est toujours tentant d’essayer de condenser tout ce qui pourrait
être dit, de réduire le champ du savoir (tel qu’il est perçu par les auteurs)
à une série de listes et de recommandations. Ce serait une erreur, qui
conduirait certainement à formuler des banalités. Il vaut mieux, semble-
t-il, être sélectif et couvrir un champ moins étendu, en utilisant deux
critères qui paraissent appropriés. Premièrement, il importe que les thè-
mes soient d’actualité et qu’ils aient une portée internationale, eu égard
au rôle de 1’Unesco qui est de rassembler les pays développés et les pays
en développement. Deuxièmement, parce que l’ouvrage sera lu par de
nombreux responsables de haut niveau de l’enseignement supérieur, il
semble logique que les études mettent l’accent sur les questions stratégi-
ques dont il importe de tenir compte pour développer la formation rela-
tive à l’environnement et les écoles qui l’assurent.
Précédemment, dans nos efforts en vue de résoudre le problème con-
ceptuel, nous avons relevé certaines caractéristiques systémiques que
présente la profession d’ingénieur, lorsqu’elle s’adapte à de nouvelles
conditions. Nous pouvons maintenant nous servir de ces caractéristiques
pour présenter les quatre études.

Élargissementdu cadre
Il y a dix ou quinze ans, il aurait été impensable d’inclure le concept
d’environnement du travail dans un recueil d’études sur la formation des
ingénieurs en matière d’environnement. Cependant, plus récemment, on
a assisté à une nouvelle prise de conscience aussi bien parmi les pouvoirs
publics, les industriels, les dirigeants syndicaux que dans le grand public.
Cette prise de conscience conduit à reconnaître que l’environnement du
travail industriel peut présenter des caractéristiques physiques et chimi-
ques qui sont nuisibles à la santé, à long terme comme à court terme.
Parallèlement, et sous l’influence d’organisations comme l’organisa-
tion mondiale de la santé (OMS) et l’Organisation internationale du
travail (OIT), la notion même de santé a pris une signification plus large
et tient compte du bien-être général du travailleur, considéré comme une
personne. Celui-ci est perçu non seulement comme un être qui respire,
entend, agit et se déplace, mais également comme quelqu’un qui cherche
un sens dans son travail et l’occasion de se réaliser.
Introduction 13

A certains égards, l’environnement du travail industriel s’est amélioré


au cours des cent cinquante dernières années, depuis que les pays qui
ont été les premiers à se développer ont commencé à s’industrialiser à
grande échelle. Bien qu’il reste beaucoup à faire et que les nouveaux
procédés comportent de nouveaux risques, le travail industriel est, en
partie, désormais plus propre, plus calme, moins toxique et moins dan-
gereux. Ces progrès, là où ils ont été réalisés, sont dus largement aux
ingénieurs.
Cependant, il convient de faire des comparaisons non pas avec les
circonstances passées,mais avec les espérance actuelles. Le travailleur de
l’industrie, au siècle dernier, vivait dans une communauté fermée et
repliée sur elle-même, dont les membres ne pouvaient imaginer d’autre
emploi (si ce n’est celui d’ouvrier agricole dont la condition, à cette
époque, était plus pénible encore). Ses loisirs étaient limités et, de toute
façon, il n’avait pas l’argent nécessaire pour pouvoir en tirer pleinement
parti.
Aujourd’hui, la situation est différente. Même dans les pays dont le
développement est récent, la plupart des ouvriers d’usine ont la radio,
voire la télévision. Les jeunes ont l’occasion de voyager et le transistor
leur a donné une culture internationale commune, dont les valeurs sont
difficilement compréhensibles pour les parents. Aujourd’hui, l’ouvrier
d’usine nourrit, a tout âge, des espérances et des aspirations qui étaient
réservées à une minorité il y a dix ou vingt ans.
Lorsque ces aspirations ne sont pas satisfaites, lorsque la direction
n’est même pas capable de percevoir leur existence, lorsque le travail est
considéré comme paralysant et monotone, lorsque l’environnement
matériel est malsain et potentiellement dangereux, les travailleurs peu-
vent se sentir étrangers à leur travail, à leurs employeurs, voire les uns
aux autres. Bien sûr, il appartient aux cadres et aux dirigeants syndicaux
d’éviter qu’on n’en arrive à une telle situation et d’y faire face là où elle
se présente déjà. Mais le rôle clé revient au spécialiste - ingénieur,
médecin du travail, ergonomiste, etc. - qui donne des conseils aux par-
tenaires sociaux afin qu’ils aboutissent à un accord. Dans son étude,
Gideon Gerhardsson passe en revue les compétences nécessaires pour
comprendre et améliorer l’environnement du travail.
Le rôle de l’ingénieur dans ce secteur critique et important varie
d’une industrie à l’autre et d’une discipline à l’autre. Dans certains cas,
l’ingénieur a besoin d’en savoir autant que quiconque et c’est même son
devoir. Dans d’autres, les connaissances essentielles relèvent d’une autre
profession, mais l’ingénieur devra évaluer le problème et voir ce qu’on
peut faire. Il est ii-réaliste de penser que les futurs ingénieurs peuvent et
doivent approfondir également tous les aspects de l’environnement du
travail, Non seulement ce serait un gaspillage d’efforts, mais encore cela
impliquerait inévitablement des connaissances superficielles la où une
grande compétence est exigée.
14 David Brancher

Partant de ces considérations, M. Gerhardsson a recours à deux caté-


gories ou niveaux pour décrire les domaines de la connaissance: l’esti-
mation, là où une compréhension globale suffit, et la mise en pratique,
là où l’ingénieur a la responsabilité d’agir concrètement. Bien plus
important encore, il reconnaît qu’en raison de l’étendue des domaines
étudiés par les sciences de l’ingénieur, la définition des deux niveaux de
compétence varie nécessairement d’une discipline à l’autre.
Comme pour d’autres aspects de la formation des ingénieurs, la moti-
vation peut poser un problème. Cela ne veut pas dire que les futurs
ingénieurs sont incapables de s’intéresser aux questions d’environne-
ment, mais plutôt que leur conception de la compétence et du rôle de
l’ingénieur tend à se réduire à un stéréotype étroit. La difficile tâche des
enseignants consiste à élargir cette conception, afin que les étudiants
reconnaissent l’étendue de leurs futures responsabilités. L’auteur suggère
quelques moyens permettant de résoudre ce problème d’enseignement et
insiste notamment sur ce que peuvent apporter les études de cas.

Nouveaux objectifs
Au début de la présente ((Introduction 1).nous avons vu combien il était
difficile de délimiter l’éducation relative à l’environnement, notamment
dans le cas des ingénieurs. En effet, si tout l’art de l’ingénieur ((a trait à
l’environnement r), il s’ensuit qu’il doit être adapté à l’environnement
auquel il s’applique. De plus, pour un étudiant ou un ingénieur familia-
risé avec l’approche systémique, l’environnement ne signifie pas seule-
ment le milieu biologique, mais l’interaction du système créé par
l’homme et de l’ensemble des réalités tangibles et immatérielles.
Comme beaucoup de truismes, cette affirmation est banale et pro-
fonde à la fois. C’est en raison de son coté banal que certains ingénieurs
rejettent le concept de technologie appropriée comme une chose si évi-
dente qu’elle est presque dénuée de sens. Une telle réaction peut s’expli-
quer de la part d’ingénieurs qui ne se sont jamais trouves dans une
région où la technologie n’a pas réussi à combler le fossé entre la nutri-.
tion et la faim, la maladie généralisée et la santé, le fait d’avoir un toit
et celui d’être sans abri, et qui n’ont pas pu voir les nombreux échecs de
la technologie en matière de développement économique et social.
Or d’autres se sentent offensés par l’implication profonde de ce
même concept. Ils se demandent si on ne suggère pas que leur propre
compétence technique est inappropriée. La plupart de leurs collègues
sont trop polis pour relever un tel défi, ce qui explique que le sujet soit
exclu des discussions.
Appliqué à l’enseignement, ce concept de technologie appropriée
peut sembler nébuleux. Considérons une école d’ingénieurs idéale qui
initie les étudiants aux problèmes du développement socio-économique,
Introduction 15

qui leur enseigne les sciences sociales appropriées, où les membres du


personnel se préoccupent de l’utilisation humaine de la technologie, etc.
Même dans une telle école, il est difficile de répondre à une question
apparemment aussi simple que celle-ci: Traitez-vous la technologie
appropriée dans votre programme? C’est un peu comme lorsqu’on
demande à une école de médecine si elle aborde l’aspect humain de la
médecine.
Aborder le thème de la technologie appropriée, c’est soulever une
foule de questions et c’est une bonne chose. Il serait vraiment tragique
de tolérer que les responsables de la formation des ingénieurs ne procè-
dent pas, d’ici à la fin de la présente décennie, à un réexamen des
problèmes d’un monde où la faim, la maladie, le chômage et les sans-
abri se rencontrent encore trop souvent, où sont conçues et transférées
des technologies qui se révèlent fréquemment inadéquates et causent
parfois une grande perte de ressources et de temps, beaucoup de décep-
tions, voire de souffrances.
Mettre la technologie au service du développement socio-économi-
que est une question beaucoup plus complexe que ne l’implique la
notion de Gtransfert de technologie )), à présent fort discréditée. La per-
ception et l’acceptation des possibilités offertes par la technologie dépen-’
dent de facteurs qui peuvent être culturels, sociaux, politiques, voire
religieux. La conscience de ces possibilités peut dépendre de considéra-
tions économiques telles que la disponibilité de ressources matérielles et
de capitaux, ainsi que l’effectif, les qualifications et la motivation de la
main-d’œuvre envisagée. La viabilité à long terme d’une nouvelle tech-
nologie peut dépendre des capacités de l’infrastructure socio-économi-
que (par exemple, en matière d’enseignement et de formation) ainsi que
de la résistance de l’environnement biologique et de son écologie. Par-
dessus tout, la stabilité à long terme du développement reflétera dans
quelle mesure il répond aux besoins socio-économiques fondamentaux
de la masse des gens, qui diffèrent des aspirations d’une faction politique
ou bureaucratique.
Cependant, supposer que le concept de technologie appropriée n’est
valable que pour les pays en développement, c’est commettre une pro-
fonde erreur. Ceux qui ont contribué à l’élaboration de la deuxième
étude figurant dans le présent volume sont loin de le penser. Les pays
riches du monde ne connaissent généralement pas le type de pauvreté
dont souffrent un si grand nombre de pays qui n’ont pas encore dépassé
le premier stade du développement. Mais ils se heurtent à des problèmes
insolubles, qu’il s’agisse des villes, de l’environnement naturel ou du
chômage structural. Nombre de ces problèmes résultent d’une utilisation
imprudente et irréfléchie de la technologie. C’est pourquoi l’on peut
trouver, probablement dans tous les pays technologiquement avancés,
des innovations en matière de formation des ingénieurs qui traduisent le
souci d’éviter ces erreurs à l’avenir.
16 David Brancher

Bien sûr, ces innovations ne figurent pas toujours sous la rubrique


o technologie appropriée )N.De même, elles ne se traduisent pas nécessai-
rement par la création de programmes complets de préparation à des
grades universitaires, voire de cours indépendants. Elles peuvent se pré-
senter par exemple sous la forme d’une série de conférences sur la tech-
nologie et les problèmes urbains, sur la création d’emplois ou sur les
énergies nouvelles; ou encore sous la forme d’options qui permettent de
répondre aux préoccupations d’une minorité d’étudiants concernant
l’avenir de la technologie à l’occidentale; très souvent, elles apparaissent
lors du choix de projets de conception, sous la direction d’enseignants
tournés vers l’avenir. En outre, ces projets sont parfois plus amples qu’ils
ne l’étaient normalement autrefois. Dans de nombreuses écoles d’ingé-
nieurs, on a de plus en plus souvent recours à des projets ~sociotechni-
ques )kdu genre de ceux qui ont été mis au point au Royaume-Uni, grâce
au General Education in Engineering Project, et qui ont été expérimen-
tés dans plusieurs écoles des Etats-Unis d’Amérique.

Restructuration

L’adjectif ((civil 1) sert à désigner, dans plusieurs groupes de langues,


l’ingénieur dont le rôle est de construire des routes, des barrages, des
ponts, des canaux, des oléoducs et diverses structures. Peu de profanes
savent que ce terme date de l’époque où la profession d’ingénieur était
essentiellement militaire. Lorsqu’un statut de niveau comparable a été
accordé à des fins non militaires, les praticiens ont été appelés ((ingé-
nieurs civils O, afin qu’il n’y ait pas de confusion. Aujourd’hui encore,
dans certains pays, ce terme recouvre tout le domaine du génie non
militaire, au niveau professionnel. Dans d’autres pays, les nouvelles tech-
nologies des XIXe et XXe siècles ont donné naissance à une profusion de
titres et d’organismes professionnels. Autrement dit, la structure de la
profession a été déterminée par les circonstances historiques.
Pour de multiples raisons, il est plus facile de fonder un nouvel orga-
nisme professionnel que de rationaliser la structure existante. Il peut
même être plus facile de créer un nouveau programme de préparation
à un diplôme ou un nouveau département universitaire que de réorgani-
ser les cours et les écoles qui fonctionnent déjà. Parfois, cependant, les
accidents de l’histoire laissent un fardeau trop lourd ou font obstacle à
trop de possibilités de développement professionnel et d’extension des
services fournis à la communauté. Telle est, selon El-Baroudi, Sachdev
et Hamouda, la situation actuelle des techniques de l’environnement.
Ces auteurs, s’appuyant sur une expérience de haut niveau acquise aussi
bien dans les pays développés que dans les pays en développement,
estiment qu’une restructuration est nécessaire, dans la pratique comme
dans l’enseignement, afin de répondre aux nouveaux besoins des clients.
Introduction 17

On a donc là un autre exemple d’adaptation d’une profession à l’évo-


lution de l’environnement du travail. Certains organismes professionnels
et,universitaires sont autonomes. D’autres sont étroitement contrôlés par
1’Etat. Mais, dans les deux cas, c’est la conceptualisation du passé, du
présent et de l’avenir qui facilite les réformes. En effet, seule l’élabora-
tion de modèles nous permettra de maîtriser les contraintes et les objec-
tifs devant lesquels nous nous trouvons dans toute situation complexe.
El-Baroudi, Sachdev et Hamouda proposent un modèle en espérant que
les lecteurs mesureront sa valeur à la lumière de leur propre expérience
d’enseignants et de praticiens.

Ouverture
Armé de quelques-unes des idées et des suggestions figurant dans les
trois premières études, l’administrateur universitaire doit prendre des
décisions dont il sera l’ultime responsable. Dans n’importe quelle école,
il est possible de remplacer d’anciennes matières par de nouvelles ou
d’introduire de nouvelles méthodes au lieu de celles qui ont été relative-
ment inefficaces; de nouveaux professeurs peuvent être nommés et exer-
cer une influence. Ni la sagesseni l’énergie dont l’administrateur a fait
preuve à tel ou tel moment de l’histoire de l’école ne garantissent que ces
changements seront réalisés au moment voulu, qu’ils constitueront des
progrès et non de simples modifications, qu’ils seront assimilés et profita-
bles. C’est être trop exigeant à l’égard de l’administrateur et bien trop se
fier à lui. L’ultime garantie réside dans le type même de l’école, dans
l’existence d’une culture pédagogique collective parmi les enseignants,
mais aussi parmi les étudiants, dans l’aptitude du système à rester ouvert.
La plupart des administrateurs semblent penser que la composition
du personnel et la structure d’une école doivent être décidées une fois
pour toutes, dès l’instant où l’on sait quel type d’enseignement et de
recherche sera pratiqué dans l’école. Autrement dit, la structure est con-
sidérée comme un fait. Au contraire, la quatrième étude de la série
expose une conception dynamique de l’organisation universitaire. La
structure et le contenu de l’enseignement sont considérés comme exer-
çant l’un sur l’autre une influence féconde.
Il va de soi que certaines décisions concernant l’organisation doivent
être prises dès le début. Bien sûr, ces décisions doivent être éventuelle-
ment révisables. Mais elles doivent aussi offrir délibérément la possibilité
de répondre aux nouveaux besoins en matière de formation par de nou-
velles méthodes d’enseignement et permettre une répercussion immé-
diate des résultats de la recherche sur le contenu de l’enseignement, ainsi
qu’une orientation de celui-ci en fonction de préoccupations communes
au sujet de l’environnement.
Cette idée d’une structure dynamique n’est pas neuve: elle a déjà
18 David Brancher

donné lieu à un grand nombre d’efforts et d’expériences. La dernière


étude passe en revue certains des plans qui ont été mis en application et
se livre à un examen critique de leur contribution à l’éducation concer-
nant l’environnement. L’auteur propose également quelques critères per-
mettant d’évaluer les structures universitaires en général, ainsi que le
recrutement et le travail des membres du personnel. Il mentionne tout
particulièrement les besoins spécifiques de l’enseignant qui n’est pas
ingénieur et qui se trouve dans une école dont la principale fonction est
de former des ingénieurs.
Les sciencesdu travail et l’ingénieur
Gideon Gerhardsson

La santé professionnelle devrait promouvoir et maintenir le plus haut degré


de bien-être physique, mental et social des travailleurs dans toutes les pro-
fessions; prévenir tout dommage causé à la santé de ceux-ci par les condi-
tions de leur travail; les protéger dans leur emploi contre les risques résul-
tant de la présence d’agents préjudiciables à leur santé;placer et maintenir
le travailleur dans un emploi convenant à ses aptitudes physiologiques et
psychologiques, en somme adapter le travail à l’homme et chaque homme
à sa tâche. Comité mixte OIT/OMS de la mtdecine du travail (1950)’

Introduction
Les universités techniques comptent de nombreux clients : étudiants,
employeurs, associations professionnelles, population active, grand
public. Chaque groupe de clients peut réclamer à un moment ou un
autre une légère modification des programmes, une optique nouvelle.
Outre cette situation, qui est une source de conflits, le professeur qui
enseigne les sciences de l’ingénieur se heurte aux problèmes que posent
l’évolution et l’élargissement des matières. Certaines prennent de I’im-
portante, d’autres en perdent. De nouvelles matières apparaissent et,
dans chaque domaine, les connaissances s’accroissent et s’approfondis-
sent.
Aux problèmes soulevés par les situations conflictuelles et l’évolution,
vient s’ajouter celui de l’interdépendance. Dans les domaines de l’ingé-
nierie et de la gestion, l’approche systémique nous a toujours obligé à
reconnaître que les facteurs influent les uns sur les autres et qu’il con-
vient de considérer tout système comme un tout si l’on veut obtenir les
résultats escomptés. En ce qui concerne la formation des ingénieurs,
l’intégration des connaissances est non seulement difficile à réaliser, mais
elle exige de la part de l’enseignant et de l’étudiant un sacrifice de temps
supplémentaire.

1. OMS. Série des rapports techniques, no 66, p. 2, Genève, 1952.

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20 Gideon Gerhardsson

On parle beaucoup de la nécessité de donner une large formation


aux ingénieurs, mais ce sont souvent les matières techniques qui risquent
le plus d’être éliminées des programmes. En outre, bien que les ingé-
nieurs aient appris à utiliser la théorie des systèmes pour décrire, conce-’
voir et diriger les systèmes physiques, ils continuent à aborder d’un point
de vue instrumental les questions d’environnement professionnel et de
conception des tâches. Non pas par manque d’humanité, mais simple-
ment parce qu’ils considèrent le travailleur comme une composante. Si
cette composante est source ou victime de problèmes - absentéisme,
maladie, accidents, ennui, par exemple - ils estiment qu’il faudrait faire
appel à d’autres experts.
L’ingénieur s’intéresse généralement au rendement et à l’optimisa-
tion, concepts qui peuvent être définis avec précision au cours de sa
formation technique. Il n’est pas surprenant que le réductionnisme ait
été appliqué aux éléments humains des systèmes sociotechniques, avec
des conséquences qui, parfois, ont été simplement temporaires, mais qui
ont pris dans certains cas la dimension d’une catastrophe sociale.
Cependant, on observe une évolution des préoccupations de l’ingé-
nieur, notamment dans le domaine de l’environnement du travail. Il est
plus clairement reconnu que les accidents du travail et les maladies pro-
fessionnelles sont évitables. On admet que le travailleur n’est pas respon-
sable de l’ennui et de l’anomie. Le travail est conçu comme une activité
sociale où le salaire, bien que jouant un rôle important, ne constitue pas
la seule gratification. Pour résoudre ces problèmes, entre autres, les
sciences du travail ont beaucoup à apporter.
Il est possible de les désigner par un pluriel. Mais se borner à les
considérer comme un assemblage de matières disparates relevant de la
biologie et des sciences sociales serait une erreur du point de vue péda-
gogique et professionnel. Dans ce domaine de la formation de l’ingé-
nieur plus que dans tout autre, l’approche intégrée est une nécessité. Ce
chapitre a pour but d’exposer non seulement ce qui doit être enseigné,
mais aussi comment les programmes d’études peuvent regrouper les con-
naissances existantes et viser, même si le succès n’est pas garanti, à faire
comprendre tout ce qu’on entend par environnement professionnel.
Compte tenu de la conjoncture sociale et économique difficile qui se
profile, cette compréhension est essentielle pour l’ingénieur.

DÉVELOPPEMENT

L’élévation du niveau de vie dépend surtout du potentiel de production.


Les efforts destinés à encourager la croissance se fondent souvent sur
une approche à court terme qui laisse peu de place à la planification à
long terme. De nouvelles sources d’énergie, de nouveaux matériaux et de
nouvelles techniques ne cessent d’apparaître, remplaçant dans une large
mesure les anciens. Les orientations adoptées en matière de développe-
Les sciences du travail et l’ingénieur 21

ment doivent être fonction de la situation actuelle et de celle qui paraît


souhaitable pour l’avenir. La question capitale est de savoir comment
utiliser au mieux les ressources disponibles. De toutes ces ressources,
l’homme est la plus précieuse.
Les inquiétudes que suscite l’environnement professionnel ne sont en
aucune façon l’apanage des pays où le niveau de vie est élevé. Le monde
entier s’industrialise. On combat la famine et la pauvreté avec des
méthodes de production importées pour une large part des pays déjà
hautement industrialisés, mais on les applique à des sociétés dont la
situation diffère totalement ou partiellement de celle des pays où ces
méthodes ont été progressivement mises au point. En outre, ce processus
se déroule à un rythme qui laisse encore moins de temps aux individus
pour s’adapter aux conditions dans lesquelles ils sont censés vivre et
travailler.
Dans les pays en développement, le problème de loin le plus urgent
sera, pendant de nombreuses années, de créer le maximum d’emplois en
investissant le moins possible. Alors que le niveau d’investissement
actuel stimule fortement l’offre d’emplois, les technologies nouvelles sont
en même temps une cause d’augmentation du chômage, en particulier
chez les moins qualifiés. Ce sont les jeunes qui sont le plus durement
touchés par la montée du chômage. Même ceux qui ont reçu une forma-
tion universitaire ont du mal, semble-t-il, à trouver un emploi, et nom-
breux sont ceux qui, possédant une bonne formation théorique mais
manquant d’expérience pratique, doivent se disputer des emplois mal
rémunérés. Cette élite jeune et mal adaptée peut devenir un élément
dangereux sur le plan politique et idéologique.
Les programmes destinés à instaurer et à maintenir un état sanitaire
satisfaisant parmi la population active et à créer un cadre de travail
acceptable doivent tenir compte du degré de développement technologi-
que du pays concerné. Les cours de sciences du travail devraient eux
aussi refléter ce degré de développement tout en tenant compte des
niveaux qui pourront être atteints ou exigés ultérieurement par les tra-
vailleurs.

CONCEPT INTERDISCIPLINAIRE

L’ingénierie concerne la production et la construction et elle a pour


bases théoriques les sciences exactes et naturelles, la technologie, l’orga-
nisation industrielle et les sciences économiques. Les travailleurs du
domaine de l’ingénierie relèvent des sciences du comportement et des
sciences sociales. Les sciences du travail se situent entre ces deux domai-
nes et sont donc par essence interdisciplinaires. Voici quelques-unes de
leurs principales composantes (voir aussi fig. 1).
Etude des accidents et des mesures de sécurité. Cette étude porte sur les
causes et le déroulement des accidents, la prédisposition, le hasard,

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22 Gideon Gerhardsson

les facteurs individuels et techniques, les statistiques de sécurité, les


études de fréquence et la législation.
Médecine et hygiène du travail. Elles reflètent l’incidence médicale de
l’environnement et s’appuient sur la toxicologie, la physiologie, l’éco-
logie et la technologie. Elles étudient l’influence des agents chimiques
et physiques sur l’être humain et élaborent des mesures techniques
permettant d’analyser ces facteurs et d’éliminer ceux qui sont indési-
rables (critères ergonomiques).
Physiologie du travail. Elle se fonde sur l’anatomie et la physiologie. Elle
traite du rapport entre le corps humain et sa performance. Elle étu-
die également comment les facteurs environnementaux, tels que les
vibrations ou le microclimat du lieu de travail, influent sur le rende-
ment.
Psychologie technique. Elle repose sur la psychologie appliquée, étudie la
conception pratique des systèmes techniques et les adapte à la façon
dont l’être humain fonctionne. Les tableaux de contrôle, par exem-
ple, doivent être conçus de manière à se conformer à la perception
humaine, ainsi qu’aux réactions sensorielles et physiologiques.
Psychologie du lieu de travail. Elle traite des relations entre l’individu et
le groupe. On considère l’entreprise ou le lieu de travail comme un
système qu’il faut continuellement mettre à jour afin d’améliorer le
climat psychologique, en mettant l’accent sur les besoins et les aspira-
tions de l’individu. La psychologie du lieu de travail se préoccupe
également de la façon dont le cadre de travail affecte la vie en dehors
de celui-ci, et vice versa.
Sociologie industrielle. Elle étudie l’organisation de l’entreprise. Les
diverses fonctions sont constamment analysées et modifiées. L’objec-
tif est d’assurer un bon rendement tout en accroissant la satisfaction
du personnel. Les besoins de l’entreprise en tant que système techni-
que et social sont au centre des préoccupations de la sociologie
industrielle.
Ergonomie des systèmes. Elle cherche à mettre au point des méthodes
permettant une analyse générale de l’interaction de l’homme, de la
machine et de l’environnement. Nous reviendrons ultérieurement sur
ce point dans la section intitulée C<Sciences du travail et programmes
d’enseignement 1).

Le travailleur
LIMITES BIOLOGIQUES

On peut dire que l’homme doit s’adapter à trois différentes échelles de


temps : biologique, technologique et sociale. Il n’est pas toujours facile de
parvenir a une adaptation simultanée et satisfaisante à ces trois chrono-
Les sciences du travail et l’ingénieur 23

Sciences humaines Sciences du travail Techniques de production

Administration

FIG. 1. Les sciences du travail constituent des ponts entre les sciences humaines et les
techniques de production.

logies. La croissance démographique, l’urbanisation et l’industrialisation


créent des problèmes très divers qui varient suivant le degré de dévelop-
pement technique.
Bien que son espérance de vie ait augmenté, les caractéristiques bio-
logiques fondamentales de l’homme n’ont guère changé depuis le com-
mencement de l’histoire. On estime que sa capacité innée de perfor-
mance est la même qu’il y a des milliers d’années. L’évolution cellulaire
et les réactions individuelles demeurent également inchangées. Le cer-
24 Gideon Gerhardsson

veau humain est mieux exercé aujourd’hui qu’autrefois, mais sa capacité


est à peu près la même. Cependant, nos chances d’atteindre un âge
avancé étant plus grandes, de nombreux problèmes nouveaux surgissent,
tels que celui de l’adaptation au changement social et professionnel.
Ces problèmes sont d’autant plus cruciaux pour l’individu que le
schéma chronologique courant des fonctions vitales suit une courbe qui
monte régulièrement jusqu’à un maximum qui se maintient pendant une
courte période pour descendre ensuite plus ou moins lentement. Dans le
cadre de la production industrielle moderne, les limitations biologiques
de l’homme s’accentuent au bout de vingt à vingt-cinq ans de vie seule-
ment.

EVOLUTIONTECHNOLOGIQUE

Pendant des milliers d’années, peu de progrès technologiques ont été


accomplis. La révolution technologique a fait son apparition avec la
machine à vapeur au XVIII~siècle et avec la découverte de l’électricité et
du moteur à combustion interne au XIX~ siècle. Aujourd’hui, à l’époque
de l’atome, du plastique et de l’espace, il est devenu pratiquement
impossible de ne pas se laisser distancer par le progrès technique, à
moins d’une spécialisation poussée dans des domaines de plus en plus
restreints. La situation se modifie à un rythme croissant et l’évolution
technologique a des répercussions de plus en plus profondes sur la plu-
part des aspects de notre vie. Plus que jamais, les procédés industriels
exigent une maind’œuvre jeune et excluent les personnes âgées et les
handicapés. Il convient de renverser cette tendance si l’on veut éviter
qu’un nombre croissant de personnes âgées et de handicapés soient
tenus à l’écart de la production.
ÉVOLUTION SOCIALE

L’échelle de temps sociale se situe entre l’échelle biologique et l’échelle


technologique. Avant la révolution industrielle, il y a un peu plus de
deux siècles, l’homme vivait dans un univers statique où les conditions
de vie étaient considérées comme immuables. Les principaux change-
ments sociaux se sont produits en liaison avec le progrès technique. En
effet, l’évolution sociale a toujours du retard sur l’évolution technologi-
que. A l’avenir, l’évolution technologique sera d’une importance décisive
pour la situation économique et sociale du monde. De nouvelles sources
d’énergie, de nouveaux matériaux et de nouvelles techniques remplace-
ront les anciens. La société, l’usine, l’exploitation agricole et le bureau de
demain ressembleront donc fort peu à ceux d’aujourd’hui, tant du point
de vue des méthodes de travail que de celui des attitudes sociales à
l’égard du travail.
Les sciences du travail et l’ingénieur 25

OBJECTIF DES SCIENCES DU TRAVAIL

La recherche actuelle dans le domaine des sciences du travail vise à


intégrer ces trois schémas d’évolution - biologique, technologique et
sociale - avec toutes les limitations et possibilités que cela implique. Le
but de la recherche est de décrire et d’interpréter les conséquences des
exigences et contraintes nouvelles que l’environnement professionnel
impose à l’individu et d’essayer de répondre aux exigences de l’individu
à l’égard de celui-ci. Pour y parvenir, on a recours à la recherche appli-
quée et l’on s’appuie sur les résultats de la recherche ainsi que sur l’expé-
rience acquise dans des domaines spécialisés. L’objectif est d’effectuer
une synthèse qui serve au mieux l’industrie, l’individu et la société et qui
aboutisse à une élévation générale du niveau de vie réel.
La recherche classique dans le domaine de sciences du travail s’inté-
ressait essentiellement aux aspects cliniques du traitement des victimes
d’accidents provoqués par des machines, ainsi qu’aux divers moyens de
prévenir les accidents se produisant directement sur le lieu de travail.
Dans un deuxième temps, l’accent a été mis également sur la prévention
des maladies professionnelles et, finalement, sur la détérioration physi-
que évitable. La phase actuelle vise à créer des conditions de travail
optimales. Pour ce faire, il faut envisager l’environnement industriel
dans sa totalité et en tant que partie de la société dans son ensemble. Les
problèmes tels que l’adéquation de l’homme à son emploi, la satisfaction
au travail et l’interaction des facteurs extérieurs et inhérents au travail
acquièrent alors une dimension totalement différente.

HIÉRARCHIE DES BESOINS

Les changements sociaux exercent une influence considérable sur les


besoins humains. Il existe différentes théories relatives à la structure des
besoins humains et à leur évolution dans le temps. On fait une distinc-
tion entre les besoins innés primaires, tels les besoins élémentaires de se
nourrir, de se désaltérer, de dormir, d’avoir des rapports sexuels, et les
besoins acquis secondaires découlant de l’habitude et de l’appartenance
à un groupe social (besoins en alcool et en nicotine, par exemple). Dans
bien des cas, la hiérarchie des besoins décrite par Maslow fournit un
modèle utile. Ce modèle peut se traduire sous la forme d’une série de
niveaux. Il faut tout d’abord satisfaire le niveau de besoin le plus bas
avant de pouvoir s’intéresser sérieusement au niveau suivant. Maslow
classe les besoins dans l’ordre de priorité suivant.
Besoins phJtsioZogique.s. Les besoins qu’il faut satisfaire d’abord sont ceux
qui ont trait à la survie physique, c’est-à-dire manger, boire et s’abri-
ter. Tant que ces besoins élémentaires ne peuvent être satisfaits, il est
probable que l’individu s’intéressera essentiellement à ce niveau. les
autres niveaux ne présenteront pas pour lui le même intérêt. Par
26 Gideon Gerhardsson

ailleurs, un niveau de besoin qui a déjà été satisfait n’est guère moti-
vant par la suite.
Sécurité. Lorsque les besoins physiologiques élémentaires ont été satis-
faits, le besoin de sécurité et de sûreté passe au premier plan. On
entend par là la disparition de la peur du danger physique et de la
crainte que les besoins physiologiques élémentaires ne soient pas
satisfaits.
Appartenance sociale. Lorsque les besoins physiologiques et le besoin de
sécurité ont été satisfaits, le besoin d’appartenance sociale et de com-
pagnie devient un élément dominant dans la hiérarchie des besoins.
En tant qu’animal social, l’homme a besoin d’avoir le sentiment
d’une affinité avec d’autres êtres humains. A ce niveau, l’individu
cherche à avoir des rapports riches de sens avec ses semblables.
Estime. Lorsque le besoin d’appartenance sociale a été satisfait, l’indi-
vidu ne se contente plus d’être membre du groupe, il a besoin de se
sentir digne d’estime, à ses yeux comme à ceux des autres. On peut
penser que la frustration des espoirs de l’individu qui cherche à satis-
faire ce besoin est la cause de nombreux problèmes sociaux.
Épanouissement de l’individu. Lorsque ce niveau a été atteint, l’épanouis-
sement devient la préoccupation majeure. Par épanouissement, on
entend le développement du maximum des capacités innées de I’in-
dividu; en d’autres termes, la réalisation complète de soi.
Le rapport entre motivation et comportement est complexe, mais le
modèle de Maslow dans sa simplicité semble bien traduire la réalité. Les
motivations et les besoins sociaux de l’individu sont stimulés par son
interaction constante avec ses semblables. Cette interaction inclut la
comparaison avec autrui. Dans le domaine professionnel, il faut prendre
en considération aussi bien la structure horizontale des besoins, qui com-
prend les demandes d’emploi des catégories défavorisées à un moment
donné, que la structure verticale, qui concerne l’évolution des besoins
dans le temps et le degré de développement de chaque catégorie profes-
sionnelle concernée. Ces comparaisons visent à établir un ordre de prio-
rité et à prévoir l’évolution continuelle des degrés d’ambition, c’est-à-dire
l’accroissement des exigences individuelles. Cependant, il faut considérer
ces exigences en fonction des moyens réels d’y répondre. Il convient
d’examiner différentes solutions possibles. Si ces questions ne sont pas
traitées dans le cadre de la formation, on expose l’ingénieur à de graves
difficultés au cours de sa carrière ultérieure.

LE TRAVAILLEUR

Pour tendre vers une interaction optimale des individus et du système


technologique, il faut connaître non seulement le système technologique,
mais aussi - et tout particulièrement - l’homme et ses caractéristiques
fondamentales en tant qu’organisme vivant. La cellule vivante remplit
Les sciences du travail et l’ingénieur 21

les conditions indispensables a la reproduction, à l’assimilation des ali-


ments, au métabolisme, aux cycles énergétiques, à la croissance, à l’ex-
crétion et à la sensibilité à la stimulation. 11est nécessaire de connaître
le squelette, les articulations, la musculature, etc., afin d’évaluer les char-
ges de travail et les schémas de mouvement. Le métabolisme dépend des
organes digestifs, respiratoires, excréteurs, circulatoires et de l’appareil
sécréteur interne. Le système nerveux et les organes sensoriels sont à la
base de tout processus d’apprentissage et pratiquement de toute réaction.
Le fonctionnement de ces organes peut être facilement perturbé.
L’appareil locomoteur, par exemple, est commandé par le système ner-
veux. Il peut subir des modifications caractéristiques à la suite de certains
troubles des sécrétions internes, etc. Il faut posséder au préalable une
connaissance élémentaire des mécanismes qui déterminent les capacités
et les limites du corps humain dans différentes situations du travail pour
comprendre les critères qui devront être appliqués ultérieurement dans
des situations concrètes.
Ainsi qu’il ressort du modèle de Maslow, l’effort d’adaptation profes-
sionnelle peut se traduire par divers degrés d’ambition. Le niveau pri-
maire implique la préservation de la sécurité et de la santé. Le niveau
supérieur implique la satisfaction de divers besoins subjectifs.

Adaptation du travail au travailleur


RISQUES ET ANALYSE DES RISQUES

Les travailleurs peuvent être exposés à de nombreux types de risques.


Dans les écoles d’ingénieurs où ce sujet est traité de façon traditionnelle,
la description des risques se limite souvent aux différents types d’acci-
dents, de blessures, etc., et à la distribution statistique de ces phénomè-
nes dans diverses branches industrielles et catégories d’activités. Il est
toutefois important que l’étudiant se familiarise avec la façon dont les
risques sont perçus et vécus, avec la psychologie de l’erreur et la diffé-
rence entre risques volontaires et risques involontaires. Dans de nom-
breuses situations, les risques involontaires sont associés aux risques
volontaires: parfois, ces derniers sont mille fois plus grands que les pre-
miers. Il faut aussi distinguer entre les risques qui concernent l’individu
et ceux qui touchent des groupes entiers.
L’analyse des risques s’efforce de déterminer les erreurs ou les dys-
fonctionnements potentiels qui peuvent occasionner des blessures corpo-
relles ou endommager les machines ou le matériel. Il faut établir le lien
entre ces phénomènes et la gravité et l’étendue des conséquences éven-
tuelles. Il faut également déterminer la probabilité des conséquences
avec le maximum de certitude. Sur la base de cette analyse, on fait alors
des propositions visant à diminuer les risques. On peut y parvenir en
28 Gideon Gerhardsson

réduisant les possibilités d’erreur ou de dysfonctionnement, en limitant


leurs conséquences ou en combinant ces deux solutions. L’automatisa-
tion totale ou partielle des processus, la formation adéquate du person-
nel, etc., sont parmi les moyens de réduire cette probabilité. On peut
limiter les conséquences grâce à diverses mesures de sécurité ou en can-
tonnant les opérations dangereuses dans des lieux isolés.
L’analyse des risques devrait être entreprise dès les premiers stades
de la conception de l’usine ou de l’ouvrage. Cette approche stratégique
ne vise pas seulement à limiter les risques une fois l’environnement pro-
fessionnel créé, c’est aussi une question d’économie. En effet, si l’on
prend ces mesures dès les premiers stades de la conception, leur coût
s’élèvera à 5 ou 10%du prix total, alors que des aménagements ultérieurs
peuvent entraîner une dépense de 30 à 40%. Il convient également de ne
pas oublier que l’analyse des risques doit tenir compte de ceux qui peu-
vent surgir lors des travaux de construction et d’installation. Il n’est pas
nécessaire pour cela d’effectuer une analyse très détaillée. Sa complexité
devrait correspondre à l’échelle du projet. Un modeste investissement de
temps et de réflexion permet d’obtenir une bonne image d’ensemble des
risques graves et de décider où et quand des études plus détaillées pour-
raient être indispensables.
L’analyse générale des risques s’efforce d’établir une liste de tous les
risques caractéristiques et de les décrire en termes quantitatifs. On peut
recourir aux catégories suivantes: degré de déviation par rapport au
déroulement normal des événements ; facteur de déclenchement; effets ;
conséquences. Le risque est défini à la fois par sa probabilité et par ses
conséquences. L’analyse générale d’un service peut inclure les éléments
suivants: a) configuration du service; b) processus et étapes de fabrica-
tion ; c) lieux de travail et lieux de production; d) dispositifs de com-
mande, de contrôle et de sécurité; e) transport des matériaux et des
produits ; f> environnement.
Ce tableau général permet d’identifier les risques ainsi que de chiffrer
leur probabilité et leurs conséquences. Les mesures destinées à y remé-
dier peuvent viser à réduire à la fois la probabilité et les conséquences;
dans certains cas, on peut agir seulement sur l’un de ces deux aspects.
Les recommandations peuvent porter sur les processus, les étapes de
fabrication et la configuration; les spécifications de l’appareil de produc-
tion et les dispositifs de sécurité; l’aménagement des lieux de travail et
l’éclairage ; la formation ; les services d’urgence; l’inspection et la rédac-
tion de rapports; les notices et les modes d’emploi.

CONTACTS SOCIAUX

Les hommes ont besoin de contacts sociaux, mais parfois aussi de soli-
tude. On a même dit que le désir de s’engager est lié à la liberté de se
désengager. Ces deux besoins, ainsi que la possibilité de choisir entre
Les sciences du travail et l’ingénieur 29

eux, devraient se refléter dans la conception et la configuration du lieu


de travail.
On peut disposer face à face les établis, les tables de travail et les
machines. Des zones de détente devraient être prévues non loin du lieu
de travail. On peut également situer les bureaux à côté de l’atelier, ce qui
faciliterait les contacts entre employés de l’atelier et employés de bureau,
entre cadres et contremaîtres.

COOPÉRATION

Les tâches des travailleurs devraient être conçues de façon à faciliter la


coopération lorsqu’elle est nécessaire et à la stimuler lorsqu’elle peut
accroître la satisfaction sociale que les travailleurs tirent de leur travail.
On devrait souvent encourager le travail par équipe, dont l’instauration
est liée à la question de l’élargissement des tâches traitée cidessous.
DÉPENDANCEAL'ÉGARDDELAMACHINE

Cette dépendance se produit lorsque l’individu est lié à sa machine, au


point de ne pas pouvoir quitter son lieu de travail. Plus que I’automatisa-
tion en tant que telle, elle semble constituer un important facteur de
mécontentement à l’égard du travail. On peut réduire cette dépendance
en utilisant des stocks tampons (voir plus loin), qui permettent à l’indi-
vidu de s’absenter momentanément du lieu de travail. L’alimentation
automatique des machines par trémie et autres dispositifs analogues
accroît également la liberté de mouvement. En règle générale, plus la
part manuelle du cycle est réduite, plus le degré de liberté du travailleur
est grand.
ÉLARGISSEMENTDESTÂCHES

On peut rendre le travail plus intéressant en adjoignant à la tâche princi-


pale des tâches annexes ou subsidiaires. Parmi celles-ci, on peut citer les
opérations d’entretien des outils et autres matériels, les tâches de prépa-
ration à la production, la manutention des matériaux et des produits, la
gestion des stocks, l’inspection, etc. Ces travaux accroissent le degré d’in-
dépendance et de responsabilité de l’individu et réduisent les risques
d’interruption.
En donnant au travailleur individuel une plus grande responsabilité
à l’égard de la qualité du produit et de l’environnement professionnel,
on rend son travail plus satisfaisant et l’on augmente sa conscience pro-
fessionnelle. Pour introduire les tâches d’entretien, on peut organiser le
travail par groupes de production ou confier au personnel de production
des tâches d’entretien individuelles. Celles qui se prêtent particulière-
ment à être intégrées à la production sont les réparations et l’entretien
30 Gideon Gerhardwon

quotidiens des outils et du matériel, la lubrification, le contrôle des pièces


vitales de la machine et de son usure, les révisions hebdomadaires et le
nettoyage. Parmi les tâches de préparation à la production, on trouve le
montage et le changement d’outils et de machines, les réglages, etc.
Si l’on confie au personnel de production la manutention des maté-
riaux et des produits entre petites unités de production ou au sein de
celles-ci, on peut insérer des stocks tampons entre les différentes opéra-
tions. Lorsque le personnel de production gère lui-même le magasin de
fournitures, les unités de stockage sont plus petites, elles peuvent être
communes à plusieurs postes de travail et leur degré d’utilisation et
d’accessibilité est amélioré. Si l’on charge le personnel de production de
la totalité ou d’une partie du contrôle de la qualité, il devient plus facile
d’organiser les opérations d’inspection et il est fréquemment possible
d’améliorer la qualité du produit. On est souvent parvenu à élargir les
tâches dans l’industrie du bâtiment en donnant aux travailleurs une for-
mation diversifiée. Dans bien des cas, on peut former les soudeurs, par
exemple, à d’autres types de travail des métaux. Toutefois, dans certains
pays et dans certaines situations, les syndicats peuvent s’opposer à de
telles mesures.
Il est possible d’élargir les tâches verticalement, en accordant de nou-
velles responsabilités et de nouveaux pouvoirs. On peut confier progres-
sivement des tâches de plus en plus nombreuses aux agents de maîtrise,
aux ingénieurs de production et autres. On peut élargir le cycle de travail
en intégrant des opérations de production séquentielles ou des tâches
analogues. Les possibilités d’application dépendent de la technique de
production choisie. Le contrôle continu d’un processus automatisé, par
exemple, se prête difficilement à cet élargissement. L’automatisation per-
met de supprimer les travaux monotones ou ingrats et de parvenir à une
meilleure combinaison des tâches. Les ordinateurs représentent un
moyen d’éliminer les tâches de routine fastidieuses, ce qui laisse
l’homme libre d’innover et de réfléchir. Cependant, les suppressions
d’emplois qu’entraînent l’automatisation et l’informatisation sont en
train de devenir rapidement, pour les pays développes, un problème
majeur qui dépasse la portée de cette étude.

PAU~E~,TEMP~ DE REPOSETTRAVAIL PARÉQUIPES

La répartition des pauses et des repos est une question importante. De


nombreuses fonctions corporelles sont adaptées à une alternance ryth-
mée entre effort et récupération, travail et repos. C’est le cas, par exem-
ple, des muscles et tout particulièrement du cœur. Il a été démontré que
le travail en heures supplémentaires fréquent diminuait le rendement à
l’heure et augmentait l’absentéisme dû à la maladie et aux accidents.
Les publications scientifiques contiennent un grand nombre d’études
instructives sur les horaires de travail, les repos, les pauses et leur
Les sciences du travail et l’ingénieur 31

influence sur la production. On a calculé les besoins énergétiques de la


plupart des tâches exigeant un effort musculaire. On peut déterminer la
durée et la fréquence nécessaires des pauses sur la base du volume de
travail physique et de ses variations. On peut également définir le
rythme auquel un travail devrait être accompli, ainsi que les exigences
imposées en termes de concentration, d’activités psychomotrices, d’éner-
gie, d’organes sensoriels, etc. L’extension de la mécanisation et de l’auto-
matisation, ainsi que l’accroissement des investissements en matériel
coûteux augmentent la nécessité du travail par équipes. On ne peut
interrompre sans grandes difficultés, frais ou retards certains processus
de fabrication, en exemple, dans l’industrie chimique, sidérurgique et du
papier. Mais le rythme quotidien de l’individu dépend de facteurs phy-
siologiques et psychologiques. Et il faut du temps pour modifier les habi-
tudes humaines.
Le travail en équipes ne convient pas à ceux qui ne peuvent s’adapter
de façon satisfaisante aux changements d’horaire. On a essayé divers
systèmes: la règle d’or de toute forme de travail en équipes est que le
travail de nuit devrait être suivi d’un repos suffisamment long et qu’il
importe de fournir des possibilités de sommeil ininterrompu.
ÉVALUATION DE~ EMPLOIS

L’évaluation des emplois vise à mesurer les exigences imposées par tel
ou tel emploi. Il existe différentes méthodes de mesure des qualifications,
du rendement et autres variables. L’expérience prouve qu’un système
d’évaluation même imparfait vaut mieux que l’absence de toute mesure.
L’évaluation de la somme de travail qu’exige un emploi permet d’établir
plus équitablement les différences de rémunération. Cette matière ne
relève probablement pas de l’enseignement du premier cycle.

ANALYSE SYSTÉMIQUE

Lorsqu’un homme est intégré à un système technologique, il faut s’effor-


cer de lui offrir des tâches diversifiées. L’interaction de l’homme et des
composantes techniques prend des formes diverses. Du point de vue des
sciences du travail, il est souvent nécessaire de décomposer l’évolution
technologique en différents stades. L’exemple le plus courant est celui
des étapes de la mécanisation.
Le premier stade de la mécanisation se caractérise par le fait que le
travail de l’individu est encore relativement varié et lui permet de rester
maître de son activité professionnelle. A ce degré d’industrialisation, l’as-
sociation homme/outil est prédominante. Les anciennes formes d’artisa-
nat relèvent de cette catégorie. Le rendement total est relativement limité
et déterminé principalement par l’individu et ses capacités propres. L’as-
sociation se fonde sur une organisation simple.

..------ __ l_l_.-.-
32 Gideon Gerhardwon

L’association homme/machine constitue la deuxième étape. A ce


niveau intermédiaire, l’individu est asservi à sa machine ou à des tâches
mécaniques routinières. Son travail est déterminé dans une large mesure
par des personnes autres que lui, telles que les concepteurs de machines,
les analystes de tâches, etc. Le travail consiste en mouvements répétitifs
qui s’organisent en séquences relativement rigides. La posture de travail,
les dispositifs de commande, etc., déterminent son mode de travail et il
se trouve prisonnier d’un cadre temporel pratiquement immuable. Le
rendement est élevé et dépasse de loin les capacités propres de l’individu.
Cependant, l’organisation reste simple à ce stade, comme on le voit, par
exemple, dans l’association homme/machine sylvicole.
L’étape suivante est constituée par des systèmes homme/machine
dans lesquels plusieurs personnes travaillent ensemble de façon com-
plexe. A ce niveau de mécanisation, le travailleur est de nouveau libéré
de sa machine. Celle-ci se charge d’une grande partie des opérations
répétitives d’alimentation et de commande. Le travailleur bénéficie
d’une grande liberté de choix en ce qui concerne son propre schéma de
mouvements et d’activités physiques. Cependant, ses organes sensoriels,
sa vivacité ainsi que sa capacité à évaluer rapidement une situation et à
prendre seul des décisions sont soumis à des exigences accrues.
A ce stade, toute évolution ultérieure aboutit à lier plus strictement
l’individu à la machine, mais il est rarement appelé à intervenir dans le
processus de production. II y a peu d’exigences sur le plan physique. Les
exigences psychologiques du processus de travail continu sont aussi rela-
tivement modestes. mais, en cas de situation imprévue, l’esprit d’initia-
tive doit jouer un plus grand rôle. Par exigences psychologiques, on
entend un degré élevé d’attention, ainsi que la capacité d’agir rapide-
ment et correctement dans les situations anormales. L’individu se trouve
plus isolé et l’apparition de situations difficiles et imprévues peut accroî-
tre la tension.

Sciences du travail et programmes d’enseignement


PROBLÈMES

Dans une autre partie de cet ouvrage, il est affirmé qu’une simple énu-
mération de connaissances ne fournit à l’enseignant qu’un plan d’études.
Pour créer un programme d’enseignement, il faut que les unités de con-
naissances choisies se traduisent en une profonde expérience pédagogi-
que qui aura un effet durable sur la compétence et le comportement de
l’étudiant.
L’auteur risque donc de se trouver devant un paradoxe. Parmi les
objectifs visés dans les sciences du travail figurent l’augmentation de la
satisfaction qu’apporte le travail, l’enrichissement des tâches, l’accroisse-
Les sciences du travail et l’ingénieur 33

ment de la participation et de l’engagement. Mais enseignants et étu-


diants peuvent également éprouver ces besoins au sein de l’université.
Bien évidemment, notre rôle n’est pas de dicter aux enseignants et aux
étudiants, de l’extérieur et dans les moindres détails, ce qu’ils doivent
faire dans le cadre des sciences du travail. Il faut que l’élaboration d’un
programme efficace soit un processus constituant en lui-même une sorte
d’expérience d’apprentissage.
Après cette mise en garde, il convient de se poser un certain nombre
de questions. Quelles sont les exigences de chaque étape de la formation
des ingénieurs, du point de vue du programme ou des heures d’étude?
Normalement, le temps des enseignants est consacré à l’enseignement
et celui des étudiants à l’étude. Cependant, dans toute période de chan-
gement - nous pensons ici aux modifications des procédés et des attitu-
des dans l’industrie, de la législation ou des établissements d’enseigne-
ment - les enseignants doivent aussi consacrer du temps à l’étude. Tout
responsable de l’administration et des programmes dans le domaine de
la formation des ingénieurs est conscient du manque de temps. L’analyse
du thème qui nous occupe fait donc apparaître une situation de concur-
rence et peut-être même de conflit. Il faut être prêt au compromis, car
tout programme l’implique.
L’un des terrains de compromis est offert par le problème des étapes
de la formation. Certaines questions peuvent sembler essentielles au
niveau du premier cycle; d’autres peuvent, ou peut-être devraient, être
réservées au second cycle ou à l’enseignement spécialisé. En d’autres
termes, certains points ne devraient pas être négligés, car ils sont fonda-
mentaux, et d’autres ne pourront être pleinement assimilés que lorsque
l’étudiant aura acquis une certaine expérience professionnelle.
Comment susciter la motivation de l’étudiant? La soif d’apprendre
peut, bien entendu, être intrinsèque - c’est-à-dire le fruit de la curiosité
naturelle et de la stimulation intellectuelle. Ni l’une ni l’autre ne doivent
faire défaut lorsqu’on aborde les sciences du travail. Mais cela est parfois
insuffisant. La plupart des enseignants considèrent la pertinence comme
un facteur important de la formation de l’ingénieur au sens large. Et il
semble bien que la pertinence à l’égard d’autres matières enseignées
importe moins que celle à l’égard du futur rôle professionnel et des
problèmes qui se poseront. C’est là un défi aux capacités de l’éducateur,
car, en tant que spécialiste des sciences du travail, il accorde peu de
valeur à la coercition et aux menaces d’échecs aux examens.
Le dernier problème qui doit être abordé ici concerne le recrutement
des enseignants. C’est là un point important, car les enseignants - leurs
valeurs et leurs attitudes - sont l’un des éléments de l’expérience péda-
gogique et du programme. Est-il préférable de choisir un ingénieur qui
a reçu une bonne formation dans le domaine des sciences du travail (et
qui est peut-être mieux à même de rendre la pertinence plus sensible aux
yeux de l’étudiant) ou un spécialiste des sciences du travail capable de
34 Gideon Gerhardwon

transmettre un savoir plus approfondi et plus susceptible d’être informé


des recherches en cours ou d’y participer? 11n’y a pas de réponse géné-
rale à cette question, ce qui ne signifie pas qu’il faille procéder aux
nominations sans réfléchir à leurs implications. Les professeurs qui dis-
pensent un enseignement interdisciplinaire devraient prendre conscience
des limites et des inconvénients inhérents à leurs diverses formations et
chercher à les compenser par tous les moyens appropriés.

POLITIQUE A SUIVRE EN MATIÈRE DE PROGRAMMES


D’ENSEIGNEMENT

On trouvera ci-dessous l’exposé de certains principes sur lesquels devrait


se fonder l’enseignement des sciences du travail dans les écoles d’ingé-
nieurs.
1. Compte tenu du temps disponible pour l’ensemble d’un programme,
il faudrait donner la priorité aux connaissances et aux compétences
théoriques, dans la mesure où elles sont fondamentales et ne peuvent
être enseignées que dans un cadre universitaire. Les connaissances
d’ordre plutôt pratique peuvent être acquises, à mesure que le besoin
s’en fait sentir, par l’expérience pratique ou l’étude personnelle de
revues spécialisées et de manuels. Ces aspects pratiques peuvent
varier d’une année à l’autre (en raison, par exemple, de modifications
mineures des lois et règlements) et devraient passer au second plan
au cours de la formation universitaire intensive et onéreuse.
2. Gain de temps ne devrait pas toujours être synonyme d’élimination
de telle ou telle matière. Il conviendrait de mettre l’accent sur l’éco-
nomie. On peut y parvenir en améliorant la vitesse d’apprentissage
grâce à une motivation accrue et à un enseignement efficace, et grâce
à une utilisation polyvalente du temps (enseignement simultané de
deux matières ou plus).
3. Chaque question devrait être approfondie proportionnellement à son
importance du point de vue professionnel, compte tenu de la spécia-
lité choisie par l’étudiant. On a parfois recours aux catégories suivan-
tes.
Niveau élémentaire. Connaissance générale d’un domaine et de son
importance, et identification des spécialistes dont l’aide pourrait être
nécessaire sur le plan professionnel.
Niveau professionnel. Acquisition d’une compétence permettant à l’étu-
diant diplômé d’utiliser directement ses connaissances et ses qualifi-
cations pour faire face à ses responsabilités professionnelles couran-
tes.
Niveau de recherche. Haut niveau de compétences permettant d’enrichir
les connaissances et de mettre au point des techniques.
Seuls les deux premiers niveaux correspondent au premier cycle de la
formation des ingénieurs.
Les sciences du travail et l’ingénieur 35

4. Rien ne devrait être enseigné qui ne soit par la suite mis en pratique
par l’étudiant, de préférence par l’analyse et la solution de problèmes
pertinents dans le cadre de l’ensemble du programme.

8 ÉLÉMENTSDUPROC~RAMMED'ENSEIGNEMEN~

En première année, l’enseignement des sciences du travail peut com-


prendre des cours magistraux, des séancesde laboratoire, des séminaires,
des visites d’étude, l’accent étant mis sur les principes de base.
En deuxième année, il est possible d’intégrer aux cours diverses
applications (par exemple, critères de comparaison entre exigences d’effi-
cacité, considérations économiques et facteurs humains). En quatrième
année, on offre à l’étudiant de nombreuses possibilités de faire la syn-
thèse de ce qu’il a appris en matière de théorie des affaires et de l’organi-
sation, de psychologie industrielle et de supervision du travail, l’accent
étant mis sur les applications pratiques. Ces applications devraient porter
sur la façon dont les individus et les groupes fonctionnent dans des
contextes industriels.
On trouvera ci-dessous quelques exemples et suggestions qui sont
également résumés dans le tableau 1.

Ergonomie (voir fig. 2). Embrasse deux grands domaines dans ses appli-
cations pratiques : a) l’adaptation de l’homme au travail et à l’environne-
ment professionnel grâce à l’orientation professionnelle, à l’enseigne-
ment et à la formation, au placement adéquat, au contrôle de l’adapta-
tion au travail et à différentes mesures concernant la qualification et la
réadaptation ; b) réorganisation et adaptation technique du travail et de
l’environnement professionnel aux besoins de l’homme, à ses capacités
et à ses limites.

Mécanique et techniques de production. L’ingénieur mécanicien doit rece-


voir au cours des deux premières années une formation de base (qui
peut fort bien être dispensée sous forme de tronc commun) en biologie,
ainsi qu’en physiologie et psychologie du travail. Par ailleurs, l’ergono-
mie industrielle devrait être traitée en quatrième année, lorsque les étu-
diants possèdent des bases plus solides. On peut également aborder en
quatrième année la psychologie industrielle appliquée et la supervision
du travail, tout comme l’hygiène du travail et de l’environnement. En
outre, il conviendrait d’étudier la réadaptation des handicapés physiques
et les problèmes des travailleurs jeunes et âgés.
En quatrième année, la section hygiène du travail et de l’environne-
ment devrait traiter des principes généraux permettant de créer et de
préserver des conditions de travail et un environnement optimaux pour
l’individu, en tenant compte des diverses limitations de celui-ci. Il fau-
drait y inclure les analyses comparatives de risques et l’évaluation criti-

-_ --.. .---..-_ II
..-
AI
36 Gideon Gerhardsson

TABLEAU 1. Exemples d’applications pratiques


Domaine technique Applications

Mécanique et techniques de production

Conception du processus de production Théorie systémique des sciences du


travail
Conception des machines Conception en fonction de la posture, de
la force musculaire et des mouvements
corporels.
Matériaux et machines Critères de ventilation, régularisation
thermique

Électricité basse tension


Conception des systèmes et des dispositifs Utilisation de critères ergonomiques
électriques
Mesures électriques Mesure des facteurs physiques et
environnementaux
Électrotechnique Risques de radiation, électro-acoustique,
systèmes de commande

Électricité haute tension


Techniques de la haute tension Sécurité dans les installations à haute
tension
Systèmes industriels d’alimentation en Conception et protection des systèmes
électricité industriels d’alimentation en électricité
Techniques de commande Interaction des facteurs humains et
techniques

Génie chimique
Chimie organique et minérale Toxicité, danger et contrôle des produits
chimiques
Chimie analytique Seuils de tolerance et dosage des
substances dangereuses
Génie chimique Seuils de tolerance de l’environnement
professionnel et de l’environnement
extérieur
Mesures de contrôle, conception et choix
du matériel de traitement

que des seuils limites. Le diagnostic d’exposition en matière d’hygiène


du travail devrait comprendre une analyse et une évaluation des risques
que présentent pour l’environnement les agents chimiques et physiques
et les radiations ionisantes et non ionisantes. Les autres sections
devraient traiter des mesures de prévention et de protection, de la venti-
lation industrielle, de l’aspiration des poussières, de l’épuration des gaz,
Les sciences du travail et l’ingénieur 37

Sciences humaines Sciences du travail Techniques de production

Administration

Techniques
appliquées

FIG. 2. L’ergonomie traite des applications techniques.

du traitement et du stockage des déchets, de l’utilisation de l’équipement


individuel de protection, etc. Il faudrait particulièrement mettre l’accent
sur la lutte contre les émissions et les absorptions.

Électronique et électrotechnique. La formation de l’ingénieur électricien


devrait comprendre des sections traitant de la sécurité dans la conception
des systèmes et du matériel électriques. Il faudrait aborder les aspects
psychologiques de l’informatisation et de la mécanisation, par exemple.
Les applications particulièrement importantes pour l’ingénieur électri-
38 Gideon Gerhardwon

cien sont les besoins ergonomiques concernant l’éclairage et l’illumina-


tion, l’acoustique (problème du bruit, notamment), la sécurité des instal-
lations électriques, le transfert et le traitement de l’information, sans
oublier certaines applications particulières qui relèvent de la technologie
médicale. Le travail de l’ingénieur électricien comprend la conception du
matériel et des systèmes. L’enseignement de la médecine du travail ou
des applications connexes devrait être essentiellement dispensé par le
professeur habituel, mais il faudrait organiser, au besoin, des conférences
spécialisées pour traiter certaines questions de façon plus approfondie.

Mesures électriques. Elles peuvent comprendre la mesure des facteurs


physiques et environnementaux, la mise à la terre, la protection des
systèmes de mesure, les normes de sécurité, etc. L’électrotechnique
devrait tenir compte des effets des radiations électromagnétiques sur
l’homme, de la planification des systèmes électriques, des règles de sécu-
rité, des problèmes concernant l’environnement professionnel dans le
cadre de la production énergétique, de la protection contre les radiations,
de l’électro-acoustique, des lésions auditives, etc. Les techniques de la
haute tension devraient traiter des normes de sécurité dans les installa-
tions à haute tension, de la conception et de la protection des systèmes
industriels d’alimentation en électricité, etc. Les techniques d’instrumen-
tation devraient inclure la mesure des facteurs du milieu de travail, etc.
En ce qui concerne les techniques de commande, on met l’accent sur le
système et l’interaction des facteurs techniques et humains.

Génie chimique. L’enseignement de la chimie minérale devrait compren-


dre la réglementation concernant les laboratoires de chimie, la toxicité et
le danger des substances minérales, les valeurs limites, la manipulation,
le marquage et le stockage des substances minérales, les mesures à pren-
dre en cas d’accident, etc. La chimie analytique peut comprendre une
étude des méthodes de mesure permettant de déterminer le taux des
substances dangereuses dans l’environnement professionnel et extérieur,
l’accent étant mis sur l’emploi des instruments. On peut illustrer les
méthodes d’échantillonnage lors de travaux pratiques en laboratoire. La
chimie organique devrait comprendre les règles de sécurité qui régissent
l’utilisation des substances organiques, les valeurs limites, les effets
pathologiques des substances organiques, les effets sur l’environnement
de certaines substances organiques tels les hydrocarbures chlorés, les
méthodes de détection de la présence de substances organiques dange-
reuses dans l’environnement professionnel et biologique, l’écologie et les
techniques de lutte contre la pollution.

Génie chimique appliqué. Cela devrait inclure les mesures visant à élimi-
ner la pollution atmosphérique due aux gaz et aux particules, ainsi que
la conception du matériel destiné à prévenir les émanations de substan-
Les sciences du travail et l’ingénieur 39

ces nocives. Il conviendrait d’apprendre à l’étudiant et de l’encourager à


utiliser les critères des sciences du travail dans la conception et le choix
du matériel de traitement, en vue de réduire ou d’éliminer les risques de
maladie. Les techniques de traitement chimique devraient comprendre
le choix des procédés, les solutions de rechange, l’analyse coût-utilité,
etc., du point de vue des sciences du travail. En matière de technologie
chimique, les sections consacrées à la conception, tout particulièrement,
devraient inclure les sections relatives aux questions de main-d’œuvre et
à l’écologie. En ce qui concerne la chimie du revêtement des surfaces, il
faudrait traiter des problèmes d’hygiène du travail et de l’environnement
que pose la manipulation des peintures et vernis. Quant à la technologie
des polymères, il faudrait étudier la production et la manipulation des
monomères et des polymères dans la fabrication des plastiques et du
caoutchouc, du point de vue de la médecine et de l’hygiène du travail.

Industrie de la construction (architecture, génie civil et bâtiment). En pre-


mière année, il faudrait aborder les questions d’environnement profes-
sionnel en liaison avec la psychologie de la perception, du point de vue
des méthodes de conception et de planification.
En deuxième année, il est possible d’approfondir ces questions, parti-
culièrement en liaison avec les projets concernant, les petites installations
industrielles. On peut inclure, dans les cours consacrés aux techniques et
à la conception, diverses applications environnementales présentant des
aspects ergonomiques, médicaux et organisationnels.
En troisième année, il faudrait inclure diverses questions d’environ-
nement dans l’analyse de la fonction des bâtiments. On peut décrire les
problèmes d’environnement professionnel posés par certains types de
bâtiments, tels les stations-service, les imprimeries de journaux, les
menuiseries, les hôpitaux, etc.
En quatrième année, l’accent devrait être mis sur les projets de con-
ception portant sur les plans d’installations complexes ou à grande
échelle. En l’occurrence, les sections concernant l’environnement profes-
sionnel s’articulent et s’intègrent aux méthodes de conception applica-
bles à l’urbanisme, à l’étude des formes, au matériel mécanisé, à la
construction de bâtiments, etc. Il est possible de recourir simultanément
à diverses approches pédagogiques : cours magistraux, séminaires, visites
d’étude, dessin et analyse critique. Outre la planification de bâtiments,
d’installations et de sites, il faut également examiner de quelle manière
tenir compte des intérêts et des vœux du personnel lors de la planifica-
tion d’installations industrielles.

DEGRÉ D'APPROFONDISSEMENTDES ÉTUDES

Il a déjà été indiqué que les divers éléments du programme mentionnés


dans cette étude doivent être plus ou moins approfondis selon la spécia-
40 Gideon Gerharcisson

TABLEAU 2 Schéma de plan des études à inclure dans les programmes de formation
d’ingénieurs (premier cycle) a
Matières M&xnique Electricitk Ghie chimique Génie civil
et techniques Basse tension Haute tension et bâtiment
de production et Cktronique

NEb NPb NE NP NE NP NE NP NE NP

Accidents et
sécurité 5-10 5-10 >lO 5-10 >lO 5-15 5-10 5-20 5-10 10-20
Médecine et
hygiène du
travail 5-10 10-15 5-10 5-10 >lO 10-15 5-10 10-20 5-10 10-20
Physiologie du
travail 5-10 10-15 z+lO s-10 5-10 10-20 5-10 1&15 5-10 5-10
Psychologie
technique 5-10 5-10 5-10 10-20 5-10 10-15 10-15 5-10 5-10 >lO
Psychologie et
lieu de travail 5-10 10-15 >lO 10-15 10-15 5-10 5-10 10-15 10-15 10-15
Sociologie
industrielle 5-10 5-10 5-10 5-10 10-15 5-10 10-15 5-10 10-15 10-15
a. Les chiffres indiquent le minimum et le maximum d’heures d’ktude dans chaque matiére et pour
chaque type de programme. Ces chiffres comprennent le temps consacré aux cours magistraux, aux
travaux de laboratoire, aux visites, aux travaux de bibliothkque et aux projets.
b. NE = Niveau Mémentaire; NP = Niveau professionnel.

lité considérée. Dans certains cas, il suffit que l’étudiant se fasse une idée
générale de la question et puisse avoir accès à une connaissance plus
approfondie si nécessaire. Dans d’autres cas, sa formation doit être plus
poussée et il doit être en mesure de mettre directement en pratique ses
compétences dans l’exercice de sa profession.
Cette distinction se traduit, dans le tableau 2, par l’emploi des expres-
sions oniveau élémentaire o et Gniveau professionnel F). Le nombre
d’heures de travail de l’étudiant n’a été mentionné que pour donner un
ordre de grandeur. Il est admis qu’en fonction des conditions locales -
branches industrielles, santé et sécurité, réglementation et pratiques pro-
fessionnelles traditionnelles - une plus ou moins grande attention sera
accordée aux diverses questions.

Exemple d’étude de cas


Il convient de conclure par un exemple d’utilisation d’une étude de cas
dans l’enseignement relatif à l’environnement professionnel. L’exemple
retenu n’est qu’un des nombreux cas déjà utilisés, avec plus ou moins de
succès,dans divers cours sur l’environnement professionnel. Mais cela ne
signifie pas qu’il soit parfait ou qu’il ne soit pas possible d’en tirer un
Les sciences du travail et li’ngénieur 41

meilleur parti. Présenter un exemple unique tiré d’un seul des nombreux
sujets qu’englobe le domaine considéré se justifie par le fait que c’est
seulement par un examen approfondi de la procédure qui peut être
appliquée et des connaissances que peuvent acquérir les étudiants que le
lecteur sera à même d’évaluer la contribution particulière des études de
cas. Le lecteur sera peut-être également incité à revoir la manière dont
il utilise déjà des cas et à rédiger ses propres études de cas. Il est d’ail-
leurs conseillé de s’adresser à 1’Engineering Case Library de l’American
Society for Engineering Education pour obtenir des renseignements
détaillés sur ce point, ainsi que des informations à jour sur des cas
empruntés au domaine de la technologie (dont beaucoup touchent à
certains aspects de l’environnement professionnel) ; on peut également
obtenir de la même source les travaux de Kardos et Smith (1979) entre
autres.
Pourquoi convient-il de recourir aux études de cas et quels sont leurs
avantages propres?
1. Elles suscitent et soutiennent la motivation des étudiants, les aidant
à comprendre le sens et la finalité d’études qui risqueraient, autre-
ment, de leur paraître surtout théoriques.
2. Elles les aident à faire la synthèse des informations et à les assimiler
avant qu’elles ne soient oubliées et les préparent donc à s’en servir
dans leur vie professionnelle.
3. Elles contribuent à encourager leur aptitude à la recherche et à déve-
lopper leur perspicacité, qualités qu’ils ne pourraient acquérir autre-
ment que dans des situations du genre de celles que décrivent les
études de cas.
4. En mettant les étudiants en face de problèmes réels, d’incertitudes et
parfois de risques, elles leur montrent comment une situation en
apprend souvent plus qu’un cours magistral.
Ce dernier point appelle une autre question. Pourquoi alors ne pas se
fier uniquement à l’expérience directe? C’est que tout processus de for-
mation vise, d’une manière générale, à l’économie.
L’acquisition accélérée des connaissances fait gagner du temps. Le
recours à des enseignants qualifiés évite le gaspillage des ressources.
Enfin, les conséquences de l’ignorance et des tâtonnements sont épar-
gnés aux individus. Ainsi, dans le domaine qui nous intéresse, l’objectif
est de prévenir dans l’industrie les accidents du travail, les maladies
professionnelles et l’aliénation. Il ne nous est donc pas possible de nous
fier aux leçons du hasard et nous n’en avons d’ailleurs pas les moyens.
Le niveau actuel des connaissances constitue une seconde raison de
ne pas s’en remettre à la pratique. En effet, un débutant ne peut souvent
tirer parti de l’expérience que si une personne plus expérimentée le fait
bénéficier de son jugement et de ses explications. L’environnement pro-
fessionnel est un domaine relativement nouveau, même si l’on fait appel,
pour l’étudier, à des disciplines traditionnelles. Ce n’est qu’au contact des
42 Gideon Gerharcisson

personnes au fait des découvertes et des techniques les plus récentes,


réunies pour des activités d’enseignement et de recherche, que les débu-
tants peuvent espérer trouver les explications dont dépend largement la
possibilité d’apprendre par l’expérience.
Une étude de cas n’est pas simplement un micro-événement qui doit
passer de la mémoire de l’auteur au cahier de l’étudiant. On entend trop
souvent parler d’étudiants à qui l’on fait ((lire 1)une étude de cas, ou pis
encore, de professeurs qui font une sorte de cours magistral sur un cas.
Les cas ne sont pas faits pout être lus, exposés ou même simplement
discutés. Une étude de cas doit être vécue sous forme d’énigmes, de
débats animés, de recherches frénétiques, de longs silences, de sugges-
tions hésitantes, peut-être même d’un sursaut de surprise. Son succès est
directement proportionnel au silence de l’enseignant, une fois qu’il a
posé le problème.
Il s’ensuit donc que la valeur des études de cas dépend plus de l’habi-
leté avec laquelle le professeur conçoit et présente le cas que du choix du
sujet. Nous nous proposons de montrer dans l’exemple qui suit comment
un cas peut être présenté, comment il peut être utilisé pour faire prendre
conscience aux étudiants du caractère tortueux et imprévisible des situa-
tions auxquelles sont confrontés les responsables de l’amélioration des
conditions de travail, et la richesse de l’expérience pédagogique contenue
dans une seule séance.

LE CAS DES ACCOUDOIRS

Le cas a été conçu et rédigé par le Dr Dennis Else, maître de conférences


(Senior Lecturer) au Département de sécurité et d’hygiène de l’Univer-
sité d’Aston à Birmingham (Royaume-Uni), qui l’utilise régulièrement
dans son enseignement. Le professeur Richard Booth dirige ce départe-
ment.
Le cas est utilisé dans la préparation à un diplôme de second cycle,
d’une durée de six mois, destiné aux inspecteurs du gouvernement et aux
conseillers en matière de sécurité et d’hygiène industrielles, dans le pro-
gramme de premier cycle portant sur la sécurité et l’hygiène, et dans le
cours d’études complémentaires suivi par les élèves ingénieurs du pre-
mier cycle. Quoique la présentation du cas et les réactions des étudiants
puissent varier en fonction de leur niveau et de leur expérience anté-
rieure, la structure et l’approche adoptées paraissent avoir une validité
générale.
Le cas est ordinairement traité en quatre heures environ et, dans le
cadre de la préparation au diplôme, il intervient vers la fin d’un module
consacré à la défense de l’environnement, qui couvre la protection contre
le bruit, les toxiques en suspension dans l’air, l’éclairage et l’environne-
ment thermique. L’annexe ci-après (p. 49) décrit les objectifs et le con-
tenu du sous-module relatif aux toxiques en suspension dans l’air.
Les sciences du travail et l’ingénieur 43

Si le cas paraît au départ poser un problème relatif à la conception


d’un système de ventilation par aspiration, il a finalement des implica-
tions bien plus larges et il met à l’épreuve l’imagination et la créativité
des étudiants d’une manière qui, généralement, les suprend. Nous
reviendrons plus loin sur cette caractéristique.
Il importe de noter que les étudiants, qu’ils suivent un cours du
premier cycle ou de préparation au diplôme, sont entraînes très tôt,
théoriquement et pratiquement, à la discussion en petits groupes et à la
présentation orale d’idées et de conclusions devant des groupes plus
importants (cet entraînement comprend des enregistrements au magné-
toscope suivis de commentaires). Cet investissement en temps et en
efforts n’appelle, bien entendu, aucune justification. Les résultats trans-
paraissent dans la manière dont les étudiants traitent le cas, et, sans
aucun doute. dans leur carrière ultérieure.

Présentation du problème

L’entreprise travaille pour l’industrie automobile. Elle fabrique une


gamme étendue d’éléments en mousse de polyuréthane recouverte de
vinyle destinés à l’aménagement intérieur des véhicules. Le problème
particulier qu’elle avait soumis au consultant concernait la fabrication
des accoudoirs en mousse de polyuréthane d’une berline (c’est-à-dire le
coussin mou fixé aux portières avant et arrière). C’est en se référant au
schéma de l’atelier (fig. 3) qu’on peut le plus aisément décrire le proces-
sus.
Six personnes travaillent sur l’établi parallèle au convoyeur. Une
autre personne fait fonctionner l’injecteur de mousse de polyuréthane à
l’extrémité de l’établi. Le problème d’hygiène ne concerne que les
ouvrières postées le long du convoyeur, aussi ne décrit-on pas les autres
postes de travail de l’atelier.
La tâche des ouvrières consiste à retirer des moules les accoudoirs
terminés et à les remplacer par les housses à remplir de mousse de
polyuréthane. Elles doivent prendre un moule sur le convoyeur et le
placer sur l’établi devant elles, ouvrir le moule et en retirer l’accoudoir
terminé. Elles doivent ensuite vaporiser un anti-adhésif à l’intérieur du
moule, ainsi que sur la housse d’accoudoir avant de la placer dans le
moule. Le moule est ensuite fermé et replacé sur le convoyeur qui l’em-
porte jusqu’à l’endroit où l’ouvrière chargée d’injecter la mousse de poly-
uréthane procède à cette opération. Le moule traverse ensuite le tunnel
de séchage, qui n’est rien d’autre qu’une gaine chauffée et ventilée, pla-
cée au-dessus du convoyeur.
Les accoudoirs terminés sont posés sur des étagères placées derrière
les ouvrières, d’où d’autres personnes les retirent par la suite. Sur ces
mêmes étagères se trouve la réserve de housses qui seront enduites
d’anti-adhésif avant d’être placées dans les moules.
y--
Convoyeur -. . Tunnel de séchage

Moules -. . .

Établi ... . . .. _ .Y)~~ T, ,[3O”if$Jj;tion

, polyuréthane dans
Postes de travail
des ouvrières
_._., . .
l a a a a l les moules

Étagères ..

Dép& des
Reprisa des
housses
accoudoirs
d’accoudoirs
terminés sur
sur les étagères
les étagères

FIG. 3. Plan de l’atelier de production des accoudoirs.


Les sciences du travail et l’ingénieur 45

Pendant plusieurs mois avant qu’il ne soit fait appel au consultant, il


avait été constaté que les ouvrières postées le long de l’établi souffraient
d’une certaine somnolence à la fin de leur journée de travail, somnolence
attribuée aux effets de l’exposition aux produits contenus dans les bom-
bes à aérosols utilisées pour vaporiser l’anti-adhésif sur les housses et à
l’intérieur des moules, avant d’y placer les housses.

Organisation

La présentation du cas et les séances de rapport ont lieu dans un amphi-


théâtre. Les étudiants disposent également de petites salles pour travail-
ler en groupes de quatre à six personnes. Le déroulement de l’étude de
cas est le suivant.
1. Les quinze premières minutes sont consacrées à la présentation, dans
l’amphithéâtre, du problème tel qu’il a été décrit ci-dessus. Cette
présentation est illustrée de nombreuses diapositives prises à l’usine.
Des housses d’accoudoirs, des accoudoirs terminés et des bombes à
aérosols sont mis à la disposition des étudiants.
2. Les étudiants se réunissent ensuite en groupes de travail pour réflé-
chir, sur la base des connaissances acquises antérieurement, aux tech-
niques possibles d’évaluation des risques associés à l’exposition aux
aérosols. Quinze minutes leur sont accordées pour cette phase de
l’étude de cas.
3. Toute la classe se retrouve alors dans l’amphithéâtre et un groupe de
travail, choisi au hasard, présente ses premières suggestions. On
demande aux autres groupes s’ils ont des informations complémen-
taires à apporter. Le présentateur du cas conclut alors cette phase,
qui dure également une quinzaine de minutes, en décrivant les tech-
niques effectivement utilisées par le consultant dans son évaluation
du problème.
4. Les dosages effectués ayant indiqué qu’il existait probablement un
problème. les étudiants se réunissent à nouveau en groupes de travail
pour examiner le problème de la prévention de l’exposition aux toxi-
ques. A tout moment, durant l’étude de cas, ils peuvent demander au
professeur des informations complémentaires ou retourner à l’am-
phithéâtre pour revoir les diapositives montrant l’usine et les condi-
tions de travail qui y règnent. Chaque groupe dispose d’un bloc de
feuilles de papier sur lequel il peut résumer ses conclusions.
5. Tous les groupes se réunissent ensuite pour rendre compte de leurs
travaux. Deux groupes sont invités à présenter leurs conclusions (en
s’aidant de leur résumé). Les autres groupes présentent ensuite leur
résumé et, le cas échéant, critiquent les propositions des deux pre-
miers groupes. Enfin, le présentateur du cas indique, en complément,
tout inconvénient pratique ou contrainte que les groupes de travail
n’avaient pas suffisamment pris en considération. Cette phase dure
46 Gideon Gerhardsson

en général une trentaine de minutes. Il arrive qu’un groupe propose


une solution qui mérite une longue discussion: cette phase prend
alors du temps.
6. Le présentateur décrit ensuite un projet de système de ventilation
conçu par une entreprise spécialisée extérieure. Le système proposé
consiste à placer une gaine sous l’établi et à disposer, à chaque poste
de travail, une grille au-dessus de laquelle l’ouvrière tiendrait le
moule ou la housse de l’accoudoir pendant la vaporisation de l’anti-
adhésif. A l’extrémité de l’établi, la gaine s’élève verticalement pour
déboucher sur un ventilateur au niveau du toit (le principal défaut de
ce système est que la vitesse d’écoulement de l’air au-dessus de la
grille est insuffisante pour entraîner l’excès d’aérosol et ne peut être
portée à une valeur convenable sans gêner les ouvrières et sans poser
d’autres problèmes). Un autre obstacle est constitué par le fait que
l’une ou l’autre des ouvrières se rapproche parfois de sa voisine pour
pouvoir bavarder avec elle, ce que les étudiants peuvent remarquer
sur les diapositives.
Bien entendu, ces défauts ne sont pas signalés aux étudiants.
Chaque groupe reçoit un exemplaire du projet et doit faire connaître
son opinion sur le système proposé. Vingt minutes environ sont
allouées pour cette phase.
7. Au cours de la phase suivante, un groupe de travail expose ses argu-
ments et les autres groupes formulent des observations. Le professeur
examine en détail les insuffisances du projet de l’entreprise spéciali-
sée, en se référant aux calculs effectués et aux résultats d’une expé-
rience durant laquelle une maquette de ce projet a été installée provi-
soirement à titre de démonstration.
8. Enfin, l’enseignant décrit la solution qui a été adoptée dans la prati-
que, en la situant par rapport aux propositions des différents groupes
de travail et au cadre général de la protection contre les toxiques en
suspension dans l’air, qui a fait l’objet de cours antérieurs.

Résultats

Les dernières phases de l’étude de cas permettent à l’enseignant de mon-


trer en quoi la solution retenue illustre l’application de l’approche, pré-
sentée précédemment, de la protection contre les toxiques en suspension
dans l’air, à savoir la hiérarchisation.
1. Substitution : a) de matière; b) de procédé.
2. Séparation.
3. Ventilation : a) systèmes récepteurs; b) systèmes capteurs; c) systè-
mes à faible débit et grande vitesse; d, systèmes de ventilation par
dilution.
4. Équipement personnel de protection.
Ce modèle a fait l’objet d’un cours antérieur et l’étude de cas sert notam-
Les sciences du travail et l’ingénieur 47

ment à démontrer son utilité aux étudiants. La stratégie pédagogique


retenue implique de ne pas rappeler ce modèle aux étudiants au début
de l’étude de cas. Les étudiants sont portés à croire trop rapidement que
le problème se limite à la conception d’un système de ventilation capteur
ou récepteur. Or, comme le prouve la solution adoptée, la substitution et
la séparation ont toutes deux un rôle à jouer.
Il est intéressant de noter que l’idée qui a conduit à la solution défini-
tive a été fournie par une déléguée syndicale. Elle connaissait personnel-
lement le procédé et était au courant des installations existant dans
l’usine. Cela renvoie à l’opposition entre expérience directe et compé-
tence d’un expert.
L’entreprise avait mis à l’essai un certain nombre d’approches pour
résoudre le problème. Elle n’était pas en mesure d’investir des sommes
importantes pour automatiser le procédé. On avait essayé d’appliquer
l’anti-adhésif au pinceau plutôt que de le vaporiser. Différents types
d’anti-adhésif avaient été testés. Mais toutes les tentatives paraissaient
buter sur la nécessité d’enduire parfaitement d’anti-adhésif deux angles
profonds de la housse d’accoudoir. (Il n’était pas possible de plonger la
housse dans un bain d’anti-adhésif, car la mousse de polyuréthane se
séparait alors de la housse.)
C’est la déléguée syndicale qui a compris qu’il n’était pas indispensa-
ble que la vaporisation s’effectue près du convoyeur. Elle s’est rappelée
en outre qu’une cabine de vaporisation dans une autre partie de l’usine
se trouvait inutilisée. On a donc pu modifier l’organisation du travail de
la manière suivante.
1. La vaporisation d’anti-adhésif sur les housses d’accoudoir s’effectue
dans une cabine de vaporisation, en une opération distincte. On peut
ainsi utiliser un pistolet, ce qui entraîne une économie par rapport
aux bombes à aérosol. Chaque ouvrière, à tour de rôle, va à la cabine
pour y vaporiser un lot de ((sesH housses (séparation).
2. L’application d’anti-adhésif sur le moule lui-même se fait au pinceau
(substitution de procédé).
3. L’anti-adhésif appliqué sur le moule n’ayant pas à être très puissant,
on peut remplacer l’aérosol à base d’hydrocarbure chloruré par un
(<savon U, agent anti-adhésif aqueux beaucoup moins nocif (substitu-
tion de matière).

ENSEIGNEMENTS CONNEXES

Comme nous l’avons déjà fait remarquer, une étude de cas incite les
étudiants à appliquer les connaissances acquises dans des cours anté-
rieurs, ou issues de leur expérience. Mais le savoir peut aussi progresser
dans l’autre sens : du particulier au général. Les conclusions, implica-
tions et répercussions qui émergent d’une étude de cas peuvent amélio-
rer la compréhension et la sensibilité des étudiants ainsi que leur capa-
48 Gideon Gerhardsson

cité de réagir à des situations diverses. Quelques exemples tirés du cas


des accoudoirs illustreront ce point.
Les pièces d’automobiles sont souvent fabriquées par de petites
entreprises, du moins au Royaume-Uni. Elles sont soumises a la concur-
rence et des modifications de la conception des voitures ou même des
changements de modèles peuvent ruiner leur activité presque instantané-
ment. Et, de fait, la chaîne de production qui a fait l’objet de l’étude de
cas a été fermée peu de temps après l’épisode considéré.
L’hésitation d’une telle entreprise à investir pour améliorer l’hygiène
et la sécurité, ou d’autres points, s’explique par plusieurs raisons. Une
solution peu coûteuse sera toujours préférée, et une solution qui peut
être expérimentée à moindres frais, avant d’engager des dépenses impor-
tantes, paraîtra toujours séduisante du point de vue du bon sens.
Quels qu’aient été en fin de compte leurs avantages, la réorganisation
et les substitutions mineures qui ont été adoptées étaient, d’un point de
vue pratique, préférables à la construction d’un système d’aspiration qui
risquait d’être inefficace. Soit dit en passant, cette prudence financière ne
résulte pas d’un conflit entre travailleurs et employeurs. Le syndicat ne
souhaitait pas qu’un accroissement des investissements se traduise par le
chômage de ses adhérents. La solution a été suggérée, il faut le rappeler,
par une déléguée syndicale.
La question de la satisfaction se pose ensuite. Le syndicat veut satis-
faire ses adhérents. L’employeur veut satisfaire le syndicat. Il y a une
phase de l’étude de cas au cours de laquelle les étudiants peuvent recon-
naître que le système d’aspiration proposé serait inefficace, sans être
capables de concevoir un système efficace. Ils peuvent alors se mettre à
la place des employeurs (et peut-être des représentants syndicaux) et
dire: o Très bien. Ce problème est insoluble en réalité. Il faut choisir
entre la somnolence causée par une intoxication d’origine inconnue, et
peut-être bénigne, et le chômage. Si on installe un conduit d’aspiration
qui fait beaucoup de bruit, les ouvrières seront très contentes. Elles
auront l’impression que les employeurs et leur syndicat ont fait quelque
chose. H Cette argumentation, que le professeur rejette aussitôt qu’on la
lui propose, peut conduire à une discussion animée et très profitable. Si
nécessaire, on peut se référer à l’effet dit ((Hawthorne~.
Enfin, le modèle hiérarchisé constitue un dernier exemple d’enseigne-
ment connexe. Les étudiants supposent fréquemment (pour diverses rai-
sons) que le problème consiste à concevoir un système d’aspiration, alors
qu’il n’en est pas ainsi. Ce n’est qu’en prenant du recul par rapport à la
situation et en abordant le problème essentiel d’un point de vue plus
général que le conseiller en matière de sécurité et d’hygiène pourra
découvrir la solution vraiment créative. L’enseignant avisé ne mention-
nera ce principe à aucun moment, sauf peut-être au terme de l’étude de
cas. Si, au contraire, les étudiants le découvrent par eux-mêmes, il sera
parfaitement assimilé.
Les sciencesdu travail et l’ingénieur 49

ANNEXE A L’ÉTUDE DE CAS

Université d’ilston à Birmingham, Département de sécurité et d’hygiène


Objectif assignés au sous-module «protection contre les toxiques en suspension
dans l’air» du module «protection de l’environnement»
A l’issue du cours, les étudiants doivent être capables:
1. Dans le cas d’un processus qui n’a jusqu’alors fait l’objet d’aucune mesure
de protection : a) de choisir un système d’aération adéquat; b) d’indiquer
les facteurs clés dont il faut tenir compte dans la conception du système; c)
de donner des avis sur l’installation, l’entretien, la formation du personnel
et les mesures a effectuer régulièrement; d) de proposer des spécifications
pour les tests initiaux d’efficacité et les contrôles de routine de la ventilation.
2. Dans le cas d’un système d’aération existant : a) de déterminer si le système
d’aération est judicieusement conçu pour prévenir un risque particulier et
si son fonctionnement est satisfaisant; b) de proposer des améliorations ou
une autre solution, si le système est inefficace; c) de déterminer si le con-
trôle et l’entretien réguliers de la ventilation sont satisfaisants et si l’organi-
sation associée à l’utilisation du système est adéquate ; d) de proposer des
améliorations portant sur l’organisation, l’entretien, les contrôles de routine
et la formation du personnel.

Sujets
Protection contre les toxiques en suspension dans l’air. Hiérarchie des techniques
de protection, substitution, séparation, enceinte complète ou partielle.
Récepteurs, capteurs et systèmesà faible débit - grande vitesse. Théorie de l’éva-
cuation ponctuelle, opposition entre insufflation et extraction, vitesse d’ex-
traction et facteurs régissant cette vitesse pour diverses substances et diver-
ses situations d’extraction, avantages et inconvénients des hottes de récep-
tion, des hottes d’aspiration et des systèmes à faible débit - grande vitesse.
Ventilation par dilution. Principes de conception, facteur de dilution, avantages
et inconvénients.
Conception du système. Pertes et transformations d’énergie dans les systèmes de
ventilation, pression statique, pression dynamique, pression totale, pertes à
l’entrée de la hotte, principaux facteurs régissant la résistance des systèmes
de gaines de ventilation, résistance du système, choix de la vitesse d’écoule-
ment, choix d’une méthode appropriée de filtrage, choix du type de ventila-
teur, de sa dimension et de sa vitesse, en fonction des caractéristiques et de
la résistance du système, répercussions d’un mauvais choix de ventilateur,
conception de systèmes à plusieurs dérivations bien équilibrés, répercus-
sions de l’installation de systèmes mal conçus ou des interventions sur des
systèmes bien conçus.
Instruments de contrôle de l’aération. Méthodes qualitatives et quantitatives,
anémomètres à moulinets, anémomètre à thermistor, tube de Pitot, mano-
mètre incliné, tube à fumée, lampe à particules.
Normes légales d’aération. Comparaison des exigences spécifiées en termes tech-
niques et des exigences établies en termes d’objectifs, historique de la mise

,__ -.-_ .“. __ _. ._ -._~,.“^_~-


50 Gideon Gerhardsson

au point de ces normes, collecte et enregistrement de données, entretien,


formation du personnel.
Travaux pratiques. Initiation pratique à l’utilisation des instruments. Contrôle
de l’efficacité des dispositifs suivants: hotte d’aspiration des gaz, dispositif
portable de protection contre les gaz de soudure, système de ventilation par
dilution.
Installation, réglage et essai des systèmes de ventilation par aspiration. Rôle des
dosages de la composition de l’air, application des codes professionnels et
autres normes, pression statique dans la hotte, informations à obtenir lors
de l’installation, fréquence des contrôles à l’oeil nu et des contrôles d’effica-
cité. Modifications du procédé et de l’environnement.

Références
KARDOS, G. ; SMITH, C. 0. 1979. On writing engineering cases.Proceedings of Engineering
Case Studies Conference. Washington D. C., American Society for Engineering Edu-
cation.
La place de la technologie appropriée
dans la formation des ingénieurs
Rapport établi à la suite d’un séminaire organisé par
1’Intermediate Technology Development Group Ltd.,
London.
David Brancher

Introduction
On aurait pu charger un seul auteur, ou deux à la rigueur, de rédiger
cette section qui traite de l’enseignement et de l’étude de la technologie
appropriée (TA). Toutefois, cette solution a été jugée inopportune, pour
deux raisons au moins. Le débat sur la technologie appropriée s’étend
aujourd’hui au monde entier; il intéresse aussi bien les pays développés
que les pays en développement et touche à la formation de l’ingénieur
dans de nombreuses spécialités et à différents niveaux. Les partisans de
la technologie appropriée seraient les premiers à admettre qu’il n’existe
pas d’(<experts universels)) en matière d’enseignement de la TA. Le
champ est trop vaste et les implications trop profondes.
La deuxième raison qui nous fait préférer une approche collective est
que la TA traduit, essentiellement, l’évolution des attitudes et le réexa-
men des valeurs dans le domaine des sciences de l’ingénieur et de la
formation des ingénieurs. Son adoption définitive exprimera un nouveau
consensus. Ce qui importe à ce stade, ce n’est pas tant la formulation de
principes scientifiques ou parascientifiques (si tant est qu’ils existent),
mais la forme et la qualité de ce consensus.
C’est pourquoi il a été décidé d’aborder le sujet par le biais d’une
série d’échanges de vues au sein d’un groupe d’enseignants d’écoles d’in-
génieurs et de praticiens. Pour des raisons d’économie, les participants
ont été choisis dans un seul pays, le Royaume-Uni. Le séminaire a été
convoqué par l’lntermediate Technology Development Group Ltd
(ITDG), organisation à but non lucratif fondée en 1965 par un groupe
d’ingénieurs, d’économistes, de scientifiques et autres professionnels,
dans le but de mettre à la disposition des pays en développement des
méthodes pratiques et des techniques d’auto-assistance. Par I’intermé-
diaire de sa filiale AT for UK, I’ITDG se livre aussi maintenant à des
recherches sur les technologies appropriées pour des pays comme le
Royaume-Uni.

- _. -.. -
52 David Brancher

Nous n’affirmons pas que l’expérience et le savoir dont les partici-


pants font preuve soient exhaustifs et définitifs. Cependant, il convient
de signaler que les membres du groupe ont, à eux tous, exercé la profes-
sion d’ingénieur dans trente-sept pays et qu’ils ont enseigné les sciences
de l’ingénieur dans vingt-quatre pays. Tous ces pays, à l’exception de
sept d’entre eux, en sont à un stade initial ou intermédiaire de dévelop-
pement. On trouvera à l’annexe 1 une liste de ces participants. Le fait de
figurer sur cette liste ne signifie pas nécessairement que l’intéressé soit
d’accord avec tout le contenu de ce rapport. Nous assumons toute la
responsabilité à cet égard en dernière analyse. Egalement en annexes à
ce rapport, on trouvera une brève description de certains cours sur la TA
inclus dans le premier cycle de la formation des ingénieurs (annexe 2)
une bibliographie et une liste des centres et des publications utiles
(annexe 3).
La TA est un concept qu’il n’est pas aisé de traiter de façon linéaire
et l’ampleur des discussions a soulevé des problèmes lors de la première
rédaction du rapport. Finalement, il a été décidé qu’une présentation
sous forme de questions et réponses, traitant de certaines des préoccupa-
tions fréquemment exprimées par les enseignants et les responsables de
l’administration universitaire, serait la plus rationnelle et la plus appro-
priée.

Questions et réponses concernant la technologie appropriée

Qu’est-ce que la technologie appropriée? Sa définition tend-elle à la


distinguer de 12ingénieriew ?

En premier lieu, il faut dire clairement qu’il n’y a pas de technologies


dont on puisse penser qu’elles soient universellement appropriées (même
si certaines peuvent être universellement inappropriées). Pour juger de
leur caractère approprié, il suffit d’appliquer certains critères.
On peut donner deux types de définition de la TA. Le premier
s’efforce d’être objectif et concret. Par exemple G... une technologie qui
est appropriée à son contexte d’application; qui tend à respecter son
environnement (au sens large ou systémique) et à ne pas le modifier,
sauf en cas de besoin spécifique; qui est adoptée indépendamment de
son prestige auprès du grand public ou des spécialistes)).
Le deuxième type de définition est subjectif et tendancieux et il est
difficile à cerner, car le concept englobe un débat sur la signification du
mot Gtechnologie H.Il conçoit la TA comme un mouvement social, inter-
national et essentiellement humaniste visant à créer des technologies
susceptibles de satisfaire les aspirations et les besoins fondamentaux, à
peu de frais sur le plan social et écologique, pour un temps illimité. Les
critères du tableau ci-après, empruntés à Nelson et Yudelson, semblent
représentatifs de l’opinion générale.
Place de la technologie dans la formation des ingénieurs 53

Technologieappropde Technologie“appropri.&

Facteurs écologiques

Ne dégage pas de substances Pollue/contamine l’environnement


polluantes/toxiques pour
I’environnement
Protège l’habitat naturel existant Detruit l’habitat naturel
Restaure la viabilité des écosystèmes Detruit la viabilité des écosystèmes
Recycle des substances organiques Gaspille les substances nutritives et
nutritives/crée de la terre vegétale détruit la terre végétale
Produit des aliments Dttruit la production alimentaire
(potentielle ou réelle)
Conserve les ressources renouvelables de Utilise abusivement les ressources
sorte que le renouvellement puisse se renouvelables
poursuivre
Conserve les ressources non Utilise et gaspille les ressources non
renouvelables renouvelables
Encourage l’utilisation de sources Utilise des sources énergétiques non
énergétiques renouvelables renouvelables
Encourage l’utilisation de matériaux N’utilise pas de matériaux recyclés
recycles
Réduit la dépendance à l’égard des Accroît la dépendance a l’égard des
transports transports

Facteurs économiques

Longue durée Courte durée


Encourage la production à petite Encourage les entreprises centralisées et
échelle, la propriété et le contrôle à a grande échelle
l’échelon local
Encourage le travail intéressant Aboutit a la déshumanisation et à
l’appauvrissement du travail ou au
manque de travail
A forte intensité de main-d’oeuvre et de A forte intensité de capital
qualifications

Facteurs sociaux, politiques, culturels

Encourage la flexibilité et l’adaptabilité Réduit la flexibilité sociale


sociales
Encourage l’autosuffisance et la Encourage la centralisation du contrôle
coopération de la collectivité
Compréhensible et utilisable a l’tchelon Comprise et utilisée par les seuls
de la collectivité spkcialistes
Crée ou protège la beauté des sites Détruit la beauté des sites naturels
naturels
D’aprks L. Nelson et J. Yudelson, Criteria for Appropriate Technology, Sacramento, Office of State
Govemor, 1976.
54 David Brancher

La meilleure façon de réconcilier la définition de la TA avec le con-


cept de technologie en général est peut-être de réfléchir à la profession
d’ingénieur. Certes, les technologies peuvent être appropriées ou inap-
propriées suivant le contexte, mais la profession d’ingénieur, en tant
qu’activité décrite par l’une de ses plus anciennes associations profes-
sionnelles comme étant Qà l’usage et au service de l’homme O,ne peut se
préoccuper que de technologie appropriée. Si un ingénieur utilise une
technologie inappropriée, c’est qu’il est négligent. S’il ne sait pas ce qui
est approprié, c’est qu’il est ignorant. Et s’il ne se soucie pas de le savoir,
il n’est pas digne d’être considéré comme un professionnel. La technolo-
gie appropriée implique donc ni plus ni moins qu’un retour aux princi-
pes fondamentaux des sciences de l’ingénieur et la recherche de meilleu-
res solutions des problèmes techniques. Elle est indispensable en elle-
même et non pas seulement à cause d’une crise conjoncturelle dans le
monde.
Cependant, il convient de ne pas en rester là. Dans un monde qui
évolue rapidement, où l’ingénieur se soucie, ou devrait se soucier, de la
viabilité future, la capacité de prévoir est la qualité clé. Les pays riches
ont pu commettre des erreurs dans le passé - en matière de politique
générale, de développement industriel et d’exploitation des ressources,
par exemple - et néanmoins survivre. Les pays pauvres, au contraire,
ont dû réfléchir aux conséquences de l’échec. Mais aujourd’hui, de plus
en plus, tous les pays doivent prévoir les pénuries et autres crises que
l’avenir peut réserver et consacrer leurs investissements en ressources
matérielles et humaines aux biens et services qui resteront viables à long
terme. Dans le cadre de ces prévisions collectives, le rôle de l’ingénieur
est déterminant. Une formation portant sur la technologie appropriée
devrait l’y préparer.

Mais évidemment seuls la pauvreté extrême et le besoin de


développement relèvent de la technologie appropriée

Il est probablement vrai que les problèmes de développement, les idées


d’hommes comme E. F. Schumacher et le concept de technologie inter-
médiaire sont à l’origine de l’intérêt actuel pour la technologie appro-
priée. Schumacher a élaboré le concept de technologie intermédiaire
vers le milieu des années soixante. Selon lui, les peuples des pays pau-
vres ont besoin de technologies applicables à une échelle relativement
restreinte, simples et exigeant peu de capitaux, et ces technologies
seraient appropriées aux besoins et aux ressources des collectivités défa-
vorisées. Son approche se centre sur le fait que la technologie n’est pas
un facteur de développement fixe ou Ggaranti )k,mais plutôt un facteur
variable et susceptible d’adaptation. L’expression technologie appropriée
a certainement été forgée à partir de ces considérations récentes et parce
qu’il fallait trouver une dénomination d’une portée plus générale qui ne
Place de la technologie dans la formation des ingénieurs 55

soit pas associée à un équipement d’une échelle particulière. Cependant,


la critique de la technologie sans discernement et des dommages sociaux
et écologiques qu’elle peut causer est au moins aussi vieille que la révolu-
tion industrielle. Elle s’exprime aujourd’hui dans les pays riches peut-
être encore plus que dans les pays qui en sont au stade initial du déve-
loppement.

La TA est-elle réservée aux ingénieurs de niveau professionnel?

Non, bien entendu. Si la TA signifie souvent préférer la simplicité à la


complexité et les ressources locales aux matières importées, il s’ensuit
qu’elle intéresse tous les niveaux de qualification. Nous touchons là à un
point important : la technologie appropriée dépend dans bien des cas de
l’existence de personnes convenablement formées pour s’occuper des
opérations d’entretien et d’exploitation. Or, trop souvent, cette condition
n’est pas satisfaite, car le système éducatif est trop théorique et ne forme
pas un nombre suffisant d’ouvriers qualifiés et de techniciens. Aucune
technologie digne de ce nom n’est appropriée si le système de formation
national ne répond pas aux besoins sociaux et économiques.

Quels sont les buts éducatifs de l’enseignement relatif à la TA


dans la formation de l’ingénieur?

Il ressort clairement de ce qui a été dit plus haut qu’essayer d’établir une
liste de ces objectifs reviendrait à explorer la formation de l’ingénieur
dans son ensemble. Mais, si l’on veut donner à la TA une importance
nouvelle dans la formation de l’ingénieur, il est possible de suggérer
certains objectifs qui devraient s’articuler de façon claire.
1. Capacité de discerner les objectifs sociaux pertinents de l’ingénieur et
de s’y intéresser.
2. Curiosité à l’égard du contexte d’un problème donné et aptitude à
analyser et à décrire ce contexte.
3. Capacité d’envisager un éventail de solutions et de conséquences
possibles.
4. Faculté d’appliquer des critères appropriés au choix d’une solution,
sans se laisser impressionner par le prestige scientifique ou technolo-
gique ; en d’autres termes, faculté d’évaluer ses propres compétences
techniques par rapport aux besoins de ceux qui ne sont pas des
ingénieurs.
5. Volonté de faire en sorte que les décideurs qui ne sont pas des ingé-
nieurs et le public soient pleinement informés des avantages et des
dangers potentiels de certaines technologies, et d’agir en consé-
quence.
56 David Brancher

Tout le monde sait que, dans tous les pays,


les administrateurs, les enseignants et les étudiants sont influencés
par des questions de prestige. En quoi cela affecte-t-il l’introduction
de la TA?

11 est incontestable que les préoccupations de prestige représentent un


obstacle majeur à l’utilisation rationnelle de la technologie pour favoriser
le développement social et économique. Le technologue a pour caracté-
ristique de faire de la complexité une fin en soi, d’accorder plus de
prestige à une technologie difficile sur le plan scientifique en raison
même de sa difficulté.
Le symbolisme des réalisations technologiques entre également en
jeu. Une grande usine est plus ((visible G qu’une centaine de petits ate-
liers ; 20 kilomètres d’autoroute sont plus ((visibles )) que 200 kilomètres
de routes rurales ; une centrale nucléaire est plus Gvisible )) que plusieurs
centaines de milliers d’installations solaires ou d’exploitation de la bio-
masse. Pour peu que ce symbolisme soit amplifié par la caméra et par
les photos qui ornent les murs des bureaux de l’administration ainsi que
les pages des revues techniques et des journaux, son influence devient
omniprésente, sans que les intéressés en soient toujours conscients.
Le caractère visible d’une technologie de pointe signifie aussi que les
responsables se trouvent au premier plan et acquièrent un certain pres-
tige. Les revues et les conférences internationales consacrées à la techno-
logie jouent un rôle important dans ce phénomène, en fournissant un
support aux ambitions personnelles des administrateurs et des technolo-
gues. Certes, il n’y a pas de honte à être ambitieux. Cependant, si l’on
veut développer toutes les possibilités de la technologie en ce qui con-
cerne la création de richesses réelles et de suppression de la vraie pau-
vreté, il faut mieux orienter l’ambition technologique que par le passé.
Les administrateurs et les professeurs de l’enseignement supérieur ne
sont pas à l’abri de ces influences. Toutefois, la question de prestige
intervient aussi dans la conception des cours et des qualifications. L’en-
semble de théories distinct et définissable qu’on associe aux sciences
exactes semble faire parfois défaut à l’enseignement de la TA dans le
cadre de la formation des ingénieurs. Il n’est pas toujours possible de
prévoir quels domaines des sciences sociales seront utiles. L’approche
axée sur le besoin rend ce pragmatisme inévitable, mais beaucoup d’ad-
ministrateurs et d’universitaires sont gênés par ce désordre conceptuel ou
craignent qu’il ne dissimule une pensée peu rigoureuse.
Les doutes relatifs à la situation universitaire de l’enseignement de la
TA sont renforcés lorsqu’on aborde les questions d’expérimentation. La
règle scientifique est d’essayer de résoudre les problèmes au moyen d’hy-
pothèses qui peuvent être énoncées théoriquement, puis soumises aux
expériences élégantes qui sont nécessaires pour confirmer ou infirmer la
théorie postulée. En ce qui concerne la TA, les expériences seront proba-
Place de la technologie dans la formation des ingénieurs 51

blement moins élaborées. Pour résoudre un problème, on fera générale-


ment appel à une réalisation matérielle en vraie grandeur sur le terrain,
qui servira aussi bien à stimuler l’imagination qu’à esquisser ou justifier
une théorie. L’intuition joue souvent un rôle important dans ce processus
et, pourtant, on en est venu à négliger l’intuition et l’imagination dans la
formation des ingénieurs. Les ingénieurs praticiens peuvent soutenir, à
juste titre, que le rétablissement d’un meilleur équilibre entre intuition et
théorie et le retour à un pragmatisme axé sur les résultats rendraient à
l’ingénierie sa force traditionnelle. Mais de nombreux universitaires spé-
cialisés dans les sciences de l’ingénieur ne voient pas les choses de cette
façon.
L’idée la plus claire de la question du prestige est peut-être donnée
par les notions de problèmes o bien définis)), (C~~OUS)) et ((épineux)). Les
problèmes Gbien définis o s’énoncent de façon précise et objective. Les
solutions sont Qbonnes o ou (Cmauvaises O, selon des critères rigides. Les
problèmes o flous o sont plus difficiles à cerner, car leur définition dépend
souvent du point de vue de l’individu. Il est plus difficile d’établir et
d’appliquer les critères et il est souvent impossible de déterminer, du
moins à court terme, si le problème a été résolu ou simplement modifié.
Les problèmes ~épineux~ sont des formes extrêmes de problèmes
o flous o et ceux qui ont à les résoudre en sont partie intégrante.
Les problèmes Gbien définis o constituent l’essentiel de l’enseigne-
ment scientifique à tous les niveaux. Etant clairement délimités et per-
mettant d’aboutir à des résultats immédiatement tangibles, ils ouvrent la
voie au prestige universitaire et à la réussite d’une carrière. Il va sans dire
qu’ils sont plus faciles que les problèmes Gflous D ou Gépineux )), qui sont
associés non seulement à la TA, mais pratiquement à tout défi profes-
sionnel lancé dans la vie pratique. Les partisans de la TA n’ont donc pas
à s’inquiéter du prestige réel de leurs travaux. En revanche, ils doivent
comprendre les idées préconçues de ceux qu’ils cherchent à convaincre
et, en particulier, admettre qu’il faut maintenir le niveau des connaissan-
ces de l’étudiant et, si possible, l’élever. Ils doivent être prêts à démontrer
à leurs collègues sceptiques que les étudiants initiés à la TA deviennent
de meilleurs ingénieurs que les autres.

Existe-t-il des d#érences fondamentales, en ce qui concerne


ces questions de prestige, entre pays développés
et pays en développement ?

Non.

La TA devrait-elle faire l’objet d’un cours ou d’une unité de valeur


à part ?

La TA n’est ni plus ni moins qu’une réaffirmation des principes fonda-

..-_._- 1,1
58 David Brancher

mentaux de l’ingénierie ((à l’usage et au service de l’homme )). On peut


donc soutenir qu’il est non seulement erroné, mais ridicule de la considé-
rer comme une matière distincte de ce qui constitue l’essentiel des études
d’ingénierie. Elle devrait imprégner l’ensemble des programmes et avoir
pour objectif de susciter une nouvelle conception de la formation des
ingénieurs et, en fin de compte, de l’ingénierie elle-même.
Mais c’est là un idéal difficile à atteindre. En effet, sa formulation ne
tient pas compte des problèmes de réforme: nécessité de convaincre les
collègues, d’élaborer du matériel d’enseignement, d’établir de nouveaux
contacts hors de l’université, de mettre au point de nouvelles stratégies
d’études et de nouvelles méthodes d’évaluation. A court terme, du
moins, il faut réserver un certain nombre d’heures et encourager le per-
sonnel afin de pouvoir mettre au point une approche axée sur les besoins
et fondée sur les problèmes sans risquer de retomber dans les anciennes
habitudes de l’abstraction et de l’indifférence sociale.
Il importe peu qu’on nomme ces aménagements structurels du pro-
gramme ((technologie appropriée )), ou Gingénierie et développement ))
ou ((ingénierie et besoins de l’homme )), par exemple. Là n’est pas la
question. Les partisans de la TA ne se reconnaissent aucun droit particu-
lier de décider de ce qui convient ou non à une formation axée sur les
besoins. Ce qui compte, c’est l’intention et non l’appellation.

Comment savoir si la TA jîgure dans le programme dëtudes? Si elle


est traitée de façon satisfaisante ?

Il existe deux façons de le savoir, qui sont complémentaires.


La première consiste à utiliser une sorte de liste de contrôle, qui peut
être analogue à celle qui figure au début de cette étude, et à voir com-
ment le programme d’enseignement reflète les critères de la technologie
appropriée. Dans la plupart des cas, il est nécessaire d’employer ces
critères de manière sélective, en fonction de la spécialisation du diplôme
auquel prépare le programme. Cependant, si les étudiants sont capables
de réflexions judicieuses sur la plupart des critères et sur leur application
au type de technique qu’ils étudient, c’est que le but a été atteint dans
une certaine mesure.
La deuxième façon de procéder est plus critique, car elle requiert des
actes et non plus seulement des paroles. Nous aborderons plus loin la
question des méthodes d’apprentissage, mais, d’ores et déjà, il est clair
que la méthode active, s’appuyant sur des projets, etc., est indispensable.
En bref, si les étudiants font preuve de logique et d’imagination en face
des problèmes que soulèvent les projets, s’ils cherchent à connaître la
plupart des éléments significatifs de ces problèmes et se montrent capa-
bles de les dégager, s’ils peuvent identifier les facteurs humains et écolo-
giques qui entrent en jeu et s’en préoccuper, c’est que les enseignants
réussissent à former des ingénieurs compétents.
Place de la technologie dans la formation des ingénieurs 59

Cependant, c’est précisément ce genre de proposition qui inquiète les


administrateurs universitaires. Ils sont accoutumés aux mesures précises
fournies par les indicateurs de succès, même si la validité de nombre
d’entre eux est douteuse. La comparaison suivante permettra peut-être
de mieux saisir le problème. Dans un conservatoire de musique, un
musicien passe ses examens de fin d’études. Les professeurs l’écoutent
jouer et notent ses qualités d’interprétation, d’expression et sa technique.
Ils n’évaluent pas sa vélocité en notes par minute. Ils ne lui accordent pas
son diplôme parce qu’il a exécuté tout son morceau sans aucune faute.
Ils le notent en fonction de son interprétation globale, compte tenu de
ce qu’être un musicien signifie dans le monde de la musique. Ce n’est
pas une simple question rhétorique que de se demander pourquoi des
professeurs d’ingénierie compétents ne seraient pas aptes, après avoir
acquis une certaine expérience, à déterminer de facon raisonnablement
sûre si leurs étudiants assimilent cette combinaison de techniques qu’on
appelle ingénierie.

Quels sont les thèmes ou groupes de problèmes les plus importants


par rapport aux besoins actuels et futurs et aux utilisations de la
technologie ?

Cette question semble concerner le choix des problèmes qui doivent être
abordés dans le cadre de l’enseignement, la structuration des unités de
valeur ou des modules autour de thèmes comme l’alimentation, l’éner-
gie, le logement, l’urbanisation, etc. Il est certain que cette approche peut
s’avérer très satisfaisante, mais ce n’est pas la seule. Il existe une autre
façon de procéder, qui consiste à orienter les études vers des groupes de
population dont les besoins peuvent être multiples : un quartier ou un
village, une minorité raciale, un groupe de chômeurs.
Bien entendu, ces deux approches ne s’excluent pas mutuellement,
mais la deuxième met l’accent sur l’importance qu’il y a à identifier, avec
les étudiants, un groupe de clients. Cela peut certainement avoir un effet
sur leur motivation. Et, si un contact direct peut s’établir entre étudiants
et clients, les étudiants auront l’avantage de pouvoir obtenir des indica-
tions sur la viabilité et l’acceptabilité de leurs propositions. Ils pourront
même avoir l’occasion d’acquérir une certaine expérience comme agents
de changement, ce qui est peut-être le rôle le plus important en matière
de développement et d’amélioration de l’environnement.

Nous laissons momentanément de côté ces objectif sociaux et si


nous nous souvenons que lëlève ingénieur doit être compétent dans
le domaine scientijîque, quels sont les types de problèmes les plus
propices à l’utilisation de ses connaissances en sciences exactes ?

Ce serait une profonde erreur que d’avoir des idées préconçues à ce


60 David Brancher

sujet. Il y a probablement peu de besoins humains sans rapport avec


l’ingénierie et beaucoup de ces besoins pourraient assurément faire l’ob-
jet d’applications inattendues des connaissances de l’ingénieur en scien-
ces exactes. Pour ne citer qu’un exemple, il a été demandé à un groupe
d’étudiants de l’Imperia1 College de Londres d’étudier les ((repas-sur-
roues)) dans un quartier de Londres (système consistant à apporter des
repas chauds à midi aux personnes âgées vivant seules). Après des
recherches approfondies, leurs contributions ont abouti à la mise au
point d’un programme d’ordinateur permettant de planifier les déplace-
ments des véhicules et de concevoir un nouveau matériel chauffant pour
les aliments.
Bien entendu, certains types de projets sont plus prometteurs que
d’autres, mais il ne faut préjuger de rien. C’est précisément la découverte
des immenses possibilités d’application des compétences techniques qui
explique en partie le côté passionnant de la TA et l’enthousiasme qu’elle
peut susciter dans l’ensemble de la formation des ingénieurs.

Il semble donc que les projets soient la clé d’un enseignement


eficace de la TA

Sans aucun doute. Mais il ne faut pas oublier que les projets peuvent
prendre des formes diverses. Ils peuvent être entrepris par un seul étu-
diant ou par de petits groupes. Ils peuvent avoir trait à la recherche, au
développement ou à l’exécution. Ils peuvent être plus ou moins concrets.
Ils peuvent être formulés précisément à l’avance, ou +ouverts au départ ))
et +ouverts à l’arrivée )). Ils peuvent exiger des travaux sur le terrain, bien
qu’il faille parfois y renoncer. Les possibilités sont immenses, mais on
n’en a pris conscience que depuis quelques années.

Étant donné que les connaissances et les compétences de chacun sont


limitées et que les étudiants ne possèdent qu’une expérience restreinte
du monde extérieur, n’est-il pas dt@cile de connaître et de faire
appréhender le contexte global d’un problème?

Certes, la tâche peut être difficile. Ce qui importe, c’est de faire feu de
tout bois. On peut ainsi mettre à profit l’expérience pratique et les goûts
de l’enseignant, la présence d’étudiants provenant du milieu physique,
social et culturel concerné et les liens entre l’université et des personnes
qui lui sont extérieures. Inutile de tenter l’impossible. Ce qui compte,
c’est de déterminer ce qui est possible.

Et les études de cas ?

C’est une question importante. Les études de cas sont souvent mal utili-
sées dans l’enseignement. Il n’est guère profitable de les traiter comme
Place de la technologie dans la formation des ingénieurs 61

de simples exposés historiques, qu’il faut lire aux étudiants ou leur faire
lire comme des faits établis et ne posant aucun problème. L’intérêt des
études de cas est qu’elles permettent de recréer les incertitudes et les
ambiguïtés auxquelles ont dû faire face les premiers qui se sont attaqués
au problème et d’obliger les étudiants, à chaque étape du cas, à prendre
des décisions sans connaître les étapes suivantes. L’étudiant se trouve
ainsi confronté aux réalités de la profession d’ingénieur. Il doit renoncer
à la passivité et participer activement. Ce qui signifie que les études de
cas doivent être structurées dans cette optique. Nous reviendrons sur
cette question plus loin.

Et les cours magistraux?

Il est de plus en plus à la mode de contester leur importance. Il est vrai


qu’ils sont souvent mal utilisés, comme un moyen peu coûteux de trans-
mettre des informations qu’on pourrait mieux exploiter autrement. On a
même pu dire qu’ils permettent de transférer des faits du cahier du
professeur au cahier de l’étudiant sans avoir à passer par le cerveau de
l’un et de l’autre. Et, parfois, ils ne font qu’alimenter la vanité du profes-
seur.
Mais cette critique est peut-être excessive. Le rôle primordial des
cours magistraux est de renforcer la motivation (et, pour cela, il faut un
bon professeur). Le cours magistral est le plus efficace lorsque le confé-
rencier est un témoin direct, un individu plongé dans la réalité vivante,
qui fait connaître non seulement des faits, mais aussi les attitudes et les
approches de ceux qui s’attaquent aux problèmes de la vie pratique. Il
y a certes des professeurs qui en font autant et tout le monde a observé
comment cela peut influer sur la motivation de l’étudiant.

Nous avons examiné l’importance que présente la connaissance du


contexte d’un problème. L’expérience directe des étudiants est
certainement tout aussi importante.

Le mot en vogue est Gexpérimental 9. Il peut se rapporter à des enquêtes


et des recherches sur place, à des inspections ou bien au fait de vivre et
de travailler dans le contexte du problème. Il est incontestable que ce
sont là des pratiques profitables, extrêmement profitables. Toutefois,
elles ne sont pas indispensables et les difficultés financières et autres ne
devraient certainement pas servir de prétexte pour rejeter l’étude de tout
sujet qui pourrait se présenter. D’ailleurs, certains universitaires expri-
ment des doutes quant à ces activités. Ils les considèrent comme un
gaspillage des ressources disponibles pour l’enseignement et il est vrai
qu’il peut y avoir abus. Il faut adopter un point de vue critique et ne
jamais perdre de vue les objectifs et l’efficacité de l’enseignement.

-- -.
62 David Brancher

Vous commencez à me convaincre. Et, pourtant, je m’interroge au


sujet des ressources de toutes sortes qui sont nécessaires pour
développer au maximum l’enseignement de la TA. Ne sont-elles pas
insu$îsantes? Surtout dans les pays en developpement?

Bien évidemment, nos collègues des pays en développement se heurtent


à de graves difficultés en matière de formation des ingénieurs. Mais
certains de ces problèmes peuvent résulter du fait que l’accent est mis sur
une technologie inappropriée.
Dans bien des cas, les problèmes logistiques des universités reflètent
les problèmes économiques du pays. Les problèmes que pose l’enseigne-
ment d’une technologie à un certain niveau reflètent souvent les problè-
mes soulevés par l’utilisation de cette technologie. La TA exige de l’ingé-
nieur qu’il soit lucide quant aux objectifs et réaliste quant aux contrain-
tes. Elle n’en exige pas moins de ceux qui enseignent les sciences de
l’ingénieur. Lorsque ces qualités sont présentes chez l’un et chez l’autre,
certains de leurs problèmes peuvent être moins aigus ou différents.
Soyons clairs: dans les pays développés comme dans les pays en
développement. la condition préalable à l’enseignement de la TA est
l’existence d’un problème social susceptible d’être résolu par des ingé-
nieurs. Cette condition étant remplie et la situation ayant été identifiée,
tout le reste n’est qu’accessoire.

Vous ne vous en tirerez pas avec cette réponse. II existe forcément


des ressources indispensables en matière de formation.
Des professeurs d’ingénierie à la hauteur de la situation, par
exemple ?

Tout professeur peut devenir l’homme de la situation s’il est soutenu et


aidé par l’administration. Trop souvent, les meilleures carrières s’ouvrent
à ceux qui concentrent leurs efforts sur la recherche ou la pseudo-recher-
che universitaire sans se préoccuper des besoins du pays. Il faut qu’une
personnalité influente, appartenant ou non au milieu universitaire, fasse
comprendre clairement que l’enseignement de la TA sera récompensé,
que c’est l’activité la plus importante des écoles d’ingénieurs. Certes, on
ne devient pas compétent du jour au lendemain. Il faut le temps de faire
des erreurs et d’en tirer les leçons, de changer de filière et de spécialisa-
tion, de bien posséder la TA. Mais on ne peut se contenter d’attendre
que de nouveaux venus rejoignent les rangs du personnel enseignant.

D’autres types de professeurs peuvent-ils être concernés?

Oui, effectivement. Toutes sortes de personnes venant d’autres discipli-


nes peuvent contribuer à l’enseignement de la TA. C’est, bien entendu,
le cas des économistes (a condition qu’ils puissent penser autrement
Place de la technologie dans la formation des ingénieurs 63

qu’en termes monétaires). Les sociologues, les anthropologues, les psy-


chologues, les écologistes, les agronomes, peuvent tous se révéler pré-
cieux : à chacun d’établir son ordre de priorité dans cette liste. Quant à
la possibilité d’obtenir leur collaboration, c’est une autre affaire, car eux
aussi ont des supérieurs qui suivent leurs recherches dans leur spécialité.
Tout dépend de la manière dont fonctionne l’établissement et de la
qualité de sa direction. Si les professeurs d’ingénierie ne parviennent pas
à s’assurer le concours de ces spécialistes, ils peuvent être amenés à
entreprendre eux-mêmes de plus amples lectures. Il n’est probablement
pas faux d’affirmer que les ingénieurs font plus souvent preuve d’initia-
tive à cet égard que nombre de leurs collègues du monde universitaire.

Et la collaboration extra-universitaire?

Dans ce domaine, il existe deux catégories de ressources. L’une est cons-


tituée par un groupe de personnes qui se heurtent à des difficultés et sont
prêtes à accepter votre aide pour résoudre leurs problèmes (il en a déjà
été question). L’autre est formée par des fonctionnaires qui sont appelés
à résoudre des problèmes et qui manquent de compétences, d’idées, ou
simplement de temps. Certains appartiennent à divers services de l’admi-
nistration locale ou centrale. Selon la situation générale, ils peuvent se
montrer très coopératifs et être très reconnaissants de l’aide qu’on peut
leur apporter. Les contacts personnels sont la clé de cette collabora-
tion : il faut arriver à connaître les responsables concernés et rester en
contact avec eux.

N’y a-t-il pas une grave pénurie d’ouvrages de référence dans les
universités des pays en développement ?

Certainement. Il est difficile d’évaluer précisément l’ampleur des besoins.


Tout dépend du type de recherches nécessaire et de la mesure dans
laquelle les ouvrages de référence classiques seraient utiles.

L’utilisation des études de cas a déjà été évoquée. Sont-elles rares ?

En un sens, oui. En fait, il existe de nombreux rapports relatant des


réussites (bien qu’il soit parfois difficile de se les procurer). Certes, il est
naturel que celui qui rend compte de son expérience insiste sur les
aspects positifs et laisse dans l’ombre les fausses pistes et les hypothèses
erronées. Cela est toutefois regrettable sur le plan éducatif, car le carac-
tère dépouillé et simplifié du récit signifie la perte d’une partie de l’expé-
rience acquise en essayant de résoudre le problème. Cela veut dire égale-
ment qu’il est difficile d’utiliser l’étude de cas pas à pas, selon la méthode
décrite plus haut.
64 David Brancher

La dernière question est la suivante : Comment les organisations


nationales et internationales peuvent-elles encourager et favoriser
l’introduction de la TA dans la formation des ingénieurs?

On peut envisager toutes les formes d’action habituelles : conférences,


stages d’études pratiques, bourses, programmes de détachement et
d’échange de professeurs, etc. Les conférences qui n’aboutissent qu’à un
échange de platitudes ne servent à rien. Les stages d’études pratiques,
organisés à l’échelon régional et pour un moins grand nombre de partici-
pants, peuvent être beaucoup plus efficaces à condition que l’accent soit
mis sur le travail. Tout participant devrait repartir avec un programme
établi avec son aide, qui pourrait être immédiatement utilisé dans l’en-
seignement. Cependant, il devrait être reconnu, lors de toutes les réu-
nions, que les idées novatrices peuvent rapidement tomber dans l’oubli
si le participant retourne dans un établissement statique du point de vue
pédagogique. La loi de la répétition inévitable de l’erreur est très forte
et les réunions les plus fructueuses sont donc celles qui remplissent les
deux conditions suivantes : le chef du département est d’accord pour que
le participant soit invité à introduire les idées et les éléments pertinents
dans le programme après avoir assisté à la réunion ; une réunion est
prévue pour garantir que l’expérience acquise par la suite sera communi-
quée et examinée.
Nous avons déjà noté que la publication dans les revues spécialisées
et les revues internationales est une activité importante pour la plupart
des universitaires. D’autre part, il apparaît clairement que de nombreu-
sesrevues spécialisées du domaine des sciences de l’ingénieur ne sont pas
disposées à publier des articles qui, aux yeux des experts chargés de les
juger, ne présentent pas la rigueur scientifique qui est de mise dans le
milieu universitaire. Cela permet de conclure qu’il reste une place
vacante pour une revue internationale consacrée aux études de cas en
matière de technologie appropriée. Les articles d’une telle revue
devraient être soumis à l’approbation d’experts afin que son prestige et
sa valeur soient garantis; cependant, il faudrait déterminer soigneuse-
ment les critères d’acceptation des articles pour s’assurer que la revue ne
tombe pas dans la stérilité et l’abstraction qui caractérisent nombre de
périodiques qui publient ce qu’on appelle les études sur le développe-
ment. Avant tout, une telle revue devrait accorder la priorité à l’ensei-
gnement. C’est seulement en inculquant aux futurs ingénieurs l’esprit de
la TA, à tous les niveaux, dans le monde entier, que l’enseignement des
sciences de l’ingénieur aidera les peuples du monde à se forger un avenir
viable.
Place de la technologie dans la formation des ingénieurs 65

Le concept de technologie appropriée dans les programmes


universitaires

Les résumés ci-dessous décrivent l’enseignement du concept de technolo-


gie appropriée dans divers programmes universitaires.

IMPERIAL COLLEGE OF SCIENCE AND TECHNOLOGY, LONDRES.


LA TECHNOLOGIE APPROPRII?E AU DÉPARTEMENT DE GÉNIE
CHIMIQUE ET DE TECHNOLOGIE CHIMIQUE

Premier cycle
A ce niveau, toutes les activités sont concentrées sur les projets de der-
nière année. Les étudiants, travaillant par équipes de deux, consacrent
un trimestre à un projet de recherche ou/et à une étude technique. Au
cours des sept ou huit dernières années, un certain nombre de ces tra-
vaux ont porté sur des problèmes liés au développement, par exemple
l’étude du traitement du sucre (conception d’un évaporateur).
Il est rare que ces projets apportent une solution définitive à un
problème qui se pose dans l’immédiat; ce n’est d’ailleurs pas leur objec-
tif principal. Mais ils contribuent très utilement à sensibiliser les étu-
diants à un ensemble de problèmes que les programmes de premier
cycle négligent par ailleurs et à leur en montrer l’intérêt.

Second cycle

Enseignement. Depuis cinq ans, la préparation au grade de M.Sc. in


advanced chemical engineering (maîtrise en génie chimique approfondie)
comprend un module de 20 heures de cours sur la technologie et le
développement (voir le résumé ci-après). Actuellement, ce cours est aussi
un élément obligatoire de la préparation au grade de M.Sc. in environ-
mental technology (maîtrise en technologie de l’environnement) organi-
sée conjointement par plusieurs départements, et il connaît un très grand
succès. L’équipe enseignante se compose de deux ingénieurs du génie
chimique et de deux spécialistes des sciences sociales appartenant au
Département des études économiques et sociales. L’enseignement est
également réparti entre les cours magistraux et les discussions. Le pro-
gramme détaillé montre que ce module couvre un large domaine et ne
porte pas seulement sur la technologie intermédiaire. Plus exactement, le
cours a pour thème central l’hypothèse que la technologie et la science
sont autonomes et ne peuvent pas faire l’objet de jugement de valeur.
Les étudiants lisent de nombreux ouvrages et rédigent une dissertation,
ainsi qu’une étude de cas à dominante technologique. En 1978, par
exemple, ces études de cas ont traité notamment de solutions de substitu-
tion pour la production d’engrais, de l’utilisation du manioc et de la
production d’énergie dans les zones rurales.

-- -
66 David Brancher

Un second module, qui est lié au précédent et traite du choix et de


l’évaluation des projets, en mettant l’accent sur les problèmes des pays
en développement, a été introduit en 1978.
A partir de 1978, ces deux cours font partie d’un programme complet
d’une année, conduisant au grade de M.Sc. on technology and develop-
ment (maîtrise en technologie et développement). On trouvera égale-
ment de brèves indications à ce sujet ci-dessous. Le contenu et la struc-
ture de ce programme reprendront un certain nombre des thèmes actuel-
lement étudiés au sein du département.

Projets de recherche. Les membres du département ont dirigé un grand


nombre de projets concernant les pays en développement, aux niveaux
de la maîtrise (un an) et du doctorat. Ces projets n’ont pas de structure
définie et peuvent prendre la forme d’études expérimentales, d’études
théoriques et analytiques, d’études en coopération (impliquant un travail
sur le terrain, à l’étranger).
Parmi les sujets récents de projets, on peut citer: Extraction de
* protéines à partir d’émulsions d’huile de noix de coco ; Cinétique de la
fermentation anaérobie (production de méthane); Pyrolyse des matières
cellulosiques; Etudes de systèmes de production d’alcool à partir de la
canne à sucre et du manioc, et de leur faisabilité; Étude de solutions
nouvelles de production de fertilisants, en particulier pour l’Afrique;
Étude d’optimisation des processus chimiques dans les pays en dévelop-
pement.
Des projets de ce type peuvent servir au moins trois fins distinctes :
a) assumer la formation individuelle des étudiants ; b) résoudre des pro-
blèmes spécifiques (surtout dans le cadre d’une coopération); c) favori-
ser, dans les universités, la transformation des attitudes générales à
l’égard de la technologie appropriée.

Technologie et développement. Résumé du module de 20 heures

1. Développé et en développement. Comment définir le Gsousdévelop-


pement ))? Les théories du sous-développement et les stratégies de
développement qui reposent sur elles.
2. Problèmes du développement. Modernisation et industrialisation ;
comment susciter une dynamique du développement économique
(multiplicateur) ; existence et maîtrise des ressources; croissance et
répartition démographique.
3. Le rôle de la technologie dans le développement. Répartition des
ressources scientifiques et techniques dans le monde ; le Gfossé tech-
nologique )) et la dépendance technologique ; les politiques technolo-
giques mises en œuvre et leurs implications; les institutions scientifi-
ques dans les pays en développement, principalement les instituts de
recherche.
Place de la technologie dans la formation des ingénieurs 67

4. Possession,maîtrise et transfert de la technologie sur le plan interna-


tional. Accords commerciaux et d’assistance concernant la technolo-
gie, coûts et problèmes associés au transfert international de techno-
logie ; brevets et marques déposées, leur rôle dans les pays en déve-
loppement ; les contrats portant sur la technologie et leurs clauses ;
rôle des organismes de conseil et de conception dans les pays en
développement.
5. Les firmes internationales. Leurs caractéristiques et objectifs, leur
possession et leur maîtrise de la technologie, leur politique à l’égard
des pays en développement, leur engagement dans ces pays ; inciden-
ces des investissements des multinationales sur le développement
économique des pays en développement.
6. Etudes de cas. a) développement et fonctionnement d’une firme mul-
tinationale ; b) exemple d’un contrat portant sur la technologie : con-
ditions et clauses.
7. Technologie locale et technologie appropriée. Choix d’une technolo-
gie; problème d’échelle et contraintes; acquisition, conception et
adaptation de technologies dans les pays en développement.
8. Etude de cas. Choix de la technique et choix du produit, par exemple
production de sucre/agent édulcorant.
9. Technologies appliquées au développement rural. Le génie agricole,
la révolution verte, l’agrochimie, etc.
10. Développement autonome. Etude de cas : par exemple la Chine.
11. Projets d’étudiants. Dissertation, étude de cas.

ctM.Sc. in technology and development>>, Résumé du cours

Ce cours interdisciplinaire qui s’étend sur un an a été lancé en octobre


1978. Il donne aux étudiants une formation poussée en sciences de l’in-
génieur et les aide à comprendre et à analyser la nature du développe-
ment et le rôle de la technologie dans l’industrialisation. Le volet Gscien-
ces de l’ingénieur 1)reprend des modules choisis dans des cours existants
de niveau universitaire supérieur. Au départ, ce choix est limité aux
cours offerts par le Département de génie chimique et de technologie
chimique, mais on espère pouvoir l’étendre rapidement aux cours offerts
par d’autres départements.
Le cours a une structure modulaire. La présentation des éléments
socio-économiques est la suivante : un module d’introduction étendu qui
traite du contexte économique et social du développement est suivi de
modules consacrés à l’examen des problèmes, méthodes et institutions
intervenant dans le choix, le développement et le transfert de technolo-
gie ainsi que des techniques modernes d’évaluation de la technologie (ou
des projets). Cet enseignement est complété par des séminaires basés sur
des études de cas qui jouent un rôle important en permettant la synthèse
des matières traitées dans le cours magistral et fournissent l’occasion
68 David Brancher

d’études multidisciplinaires. Les étudiants effectuent aussi une impor-


tante étude de cas en rapport avec le cours, dans laquelle ils tirent parti
de leur expérience et de leurs connaissances relatives aux sciences de
l’ingénieur. Ainsi, un effort considérable est fait pour relier entre eux les
différents éléments du cours, l’accent étant mis en particulier sur l’inté-
gration des études socio-économiques et des études techniques.

Aperçu des cours

1. Contexte du développement. Généralités destinées à faire compren-


dre aux étudiants le contexte économique et social dans lequel se
situe l’effort de développement. Une importance particulière est
accordée à l’économie du développement et au rôle de la techno-
logie.
2. Provenance et choix d’une technologie. Problèmes posés par l’acqui-
sition des compétences et possibilités offertes: le transfert et le choix
d’une technologie; analyse de l’éventail des technologies (potentielle-
ment) disponibles pour fabriquer des produits similaires et évalua-
tion de ces diverses variantes.
3. Évaluation des projets. Estimation des coûts et évaluation des projets,
en particulier dans les pays en voie d’industrialisation; méthodes
d’analyse des coûts et avantages; les implications et les limites des
méthodes d’estimation des coûts et avantages sociaux dans la concep-
tion des techniques et procédés.
4. Étude de cas en séminaire. Le recours aux études de cas permet
d’amples comparaisons qui ne sont pas possibles dans les autres
cours; elles mettent bien en évidence le caractère multidisciplinaire
des problèmes abordés dans le cours. Les études de cas offrent aussi
l’occasion de faire appel à des conférenciers spécialisés.
5. Étude de cas approfondie (projet). Il s’agit d’une étude multidiscipli-
naire qui nécessite une analyse à la fois socio-économique et techni-
que. La partie technique de l’étude de cas relève de la discipline dans
laquelle l’étudiant a été formé et, si possible, d’un domaine couvert
par l’un au moins des cours de spécialisation. Le sujet est un pro-
blème spécifique à un pays en développement. Des enseignants com-
pétents dans ces domaines spécialisés et qui en ont une expérience
pratique participent également à la direction des projets.
6. Spécialisation dans les sciences de l’ingénieur. 11s’agit d’une sélection
de modules empruntés à d’autres programmes de niveau supérieur
de L’Imperial College. Ainsi, un étudiant en génie chimique peut
choisir trois des sujets suivants: Modélisation et régulation des systè-
mes ; Analyse et conception des cuves de réactions chimiques ; Con-
ception assistéepar ordinateur; Transfert de masse par diffusion s’ac-
compagnant de réactions chimiques ; Réactions biochimiques ; Génie
biochimique.
Place de la technologie dans la formation des ingénieurs 69

UNIVERSITÉ D’EDIMBOURG. LA TECHNOLOGIE APPROPRIÉE


AU SEIN DE LA SCHOOL OF ENGINEERING SCIENCE

Le programme du premier cycle dure normalement quatre années et


1’Ecole des sciences de l’ingénieur offre des possibilités de spécialisation
en électro-technique, mécanique et génie chimique. Le concept de tech-
nologie appropriée intervient maintenant dans ces trois spécialités, après
avoir été introduit d’abord dans les programmes d’électrotechnique du
premier cycle. Les méthodes d’étude et les domaines d’intérêt varient
d’un enseignant à l’autre, mais l’objectif de ceux qui s’intéressent à la
technologie appropriée est de faire en sorte que cette notion exerce son
influence, dans toute l’école, sur la manière de concevoir les sciences de
l’ingénieur et les reponsabilités professionnelles de l’ingénieur.

Premier cycle

Première année (toutes branches). Cours magistral sur la technologie


appropriée. Les étudiants rédigent deux dissertations de 2 500 à 3 000
mots chacune, l’une sur la politique énergétique et la seconde sur d’au-
tres incidences sociales du travail de l’ingénieur.
Troisième année (électrotechnique). Tous les étudiants réalisent deux étu-
des ou projets techniques. Ces travaux portent sur des thèmes intéressant
à la fois les enseignants et les étudiants et touchent fréquemment au
concept de technologie appropriée.

Quatrième année (électrotechnique; production d’électricité), Tous les


étudiants réalisent un projet de longue durée et rédigent une dissertation.
Les sujets de dissertation ont normalement un rapport avec la technolo-
gie appropriée. Ainsi, on peut citer parmi les sujets récents : a) L’inci-
dence d’une usine d’aluminium sur l’environnement ; b) L’alimentation
en électricité d’îles isolées ; c) Le choix de systèmes de production ; d) Les
effets d’un projet intégré d’irrigation et de production hydro-électrique
sur le développement.

Second cycle

Certaines études, au niveau de la maîtrise et du doctorat, sont supervi-


séesavec le concours de la Science Studies Unit de l’université. Parmi les
projets récents, figurent : a) Production d’énergie pour l’agriculture au
moyen de pédaliers ; b) Etude des aspects politiques et technologiques de
l’aménagement d’ensemble d’un bassin fluvial; c) Utilisation de déchets
de produits agricoles tropicaux comme matières premières industrielles;
d) Flux énergétiques dans une agriculture de subsistance ; e) Choix de
technologies nouvelles au niveau du village ;J La diffusion des technolo-
70 David Brancher

gies importées dans les villages ; g) La technologie de répartition de


l’eau ; h) Stratégie d’utilisation de l’eau ; i) Incidences sociales des indus-
tries électro-métallurgiques à grande échelle.
Dans de nombreux cas, ces projets résultent d’une expérience acquise
directement sur le terrain ou de propositions et demandes reçues de
l’étranger. Il est courant que les étudiants de second cycle travaillent sur
le terrain, pendant huit à douze mois, après avoir reçu la formation
linguistique requise.
UNIVERSITÉ BU-AL1 SINA, HAMADAN (IRAN). TECHNOLOGIE
APPROPRIÉE AU DÉVELOPPEMENT RURAL

Le programme de premier cycle en génie rural s’étend sur quatre années


et conduit à la licence ès sciences. Les soixante premiers étudiants ont été
admis en 1977. Comme pour tous les autres programmes de premier
cycle offerts par l’université, la première année est consacrée à l’étude du
français (seconde langue d’enseignement à l’université) et aux cours
communs : sciences exactes et naturelles, économie, sociologie et intro-
duction aux théories et philosophies du développement.
Le programme couvre principalement : a) l’application des techni-
ques de l’ingénieur pour résoudre les problèmes d’environnement qui
résultent des technologies actuelles (par exemple : lutte contre la pollu-
tion); b) la conception et l’emploi de technologies appropriées et non
nuisibles à l’environnement.
Si l’on attend de l’étudiant qu’il se spécialise dans un domaine où il
sera particulièrement compétent, on souhaite en même temps qu’il ne
perde pas de vue le fait que le programme vise à lui faire acquérir tout
un éventail de compétences pratiques qu’il sera appelé à utiliser dans la
vie active.
En bref, les objectifs généraux des sections spécialisées du pro-
gramme sont les suivants : a) amener les étudiants à mieux comprendre
les connaissances théoriques qui sont à la base de la spécialité qu’ils ont
choisie ; b) donner aux étudiants l’expérience d’une gamme de techns
ques qu’ils pourront appliquer avec confiance; c) permettre aux étu-
diants d’accomplir un travail personnel dans leur spécialité; d) rendre les
étudiants capables d’aller au-delà de l’application de leurs compétences
dans l’abstrait et de créer l’infrastructure nécessaire à l’entretien et au
renouvellement des ouvrages entrepris.
Les principaux domaines de spécialisation sont présentés ci-dessous.

Construction

L’étudiant doit se familiariser avec les techniques du génie civil en géné-


ral et, en particulier, avec les techniques et matériaux permettant de
construire, à bas prix et en utilisant une nombreuse main-d’oeuvre, des
Place de la technologie dans la formation des ingénieurs 71

routes et bâtiments en milieu rural ou dans des zones urbaines défavori-


sées.L’utilisation des manuels classiques de génie civil est complétée par
des exposés sur les aspects pertinents de la technologie appropriée et les
méthodes de construction traditionnelles.
Les cours classiques de génie civil portent sur les sujets suivants:
principes de construction; topographie ; lecture des plans d’architecte et
des plans de sites ; prospection des sites et conception des fondations;
conception et plans détaillés des bâtiments et des équipements associés,
comme les bains publics (hammams); adduction d’eau et assainissement.
Ces cours sont intégrés à des études de cas et à des travaux pratiques
sur le terrain ou en laboratoire afin que les étudiants se familiarisent, à
un niveau général, avec:
L’environnement et le contexte social et économique de la construc-
tion en Iran, y compris: l’état du parc de logements existant dans les
différentes régions ; la nature de la demande actuelle ; la structure de
l’industrie; la propriété et les loyers; les qualifications et la structure
des emplois ; la réglementation de la planification; les organismes
gouvernementaux qui ont des relations avec l’industrie de la cons-
truction et les ouvrages de base sur la construction en milieu rural.
Les questions d’organisation liées aux programmes de construction
en milieu rural: calendrier des travaux, recrutement de la main-
d’œuvre, matériaux et calcul des coûts ; facteurs climatiques.
Les méthodes traditionnelles de construction : en particulier briques
crues et torchis, utilisation de voûtes et de dômes. Les étudiants doi-
vent connaître les avantages et inconvénients de ces méthodes par
rapport aux techniques o modernes H ainsi que les modifications qu’il
est possible d’apporter aux méthodes traditionnelles.

Parmi les compétences particulières figurent :


1. La capacité de programmer et de diriger seul un projet de construc-
tion de trois semaines.
2. La gestion des projets de construction en milieu rural : maind’œuvre,
calcul des coûts, échelonnement des travaux en fonction des facteurs
climatiques et approvisionnement en matériaux.
3. La connaissance des facteurs géologiques et pétrographiques pou-
vant affecter les fondations, le drainage, l’approvisionnement en
matériaux, la topographie d’un village et les caractéristiques thermi-
ques d’un site.
4. La connaissance des sources d’approvisionnement pour tous les
matériaux, l’organisation du travail permettant de tirer le meilleur
parti des matériaux locaux, la mise en place de sources d’approvi-
sionnement locales.
5. La connaissance des méthodes et matériaux traditionnels et des pos-
sibilités de les modifier ou de les combiner avec les techniques

--.
72 David Brancher

modernes afin d’apporter des solutions efficaces et économiques aux


problèmes de structure et de logement.
6. Principes de prise en compte des données climatiques, conception de
structures utilisant au mieux les flux naturels d’énergie ; facteurs
sociaux qui déterminent la forme et la structure des maisons et con-
ception d’habitations et d’édifices publics bien adaptés; exigences
techniques des structures spéciales telles que fours, silos, granges et
biodigesteurs et méthodes de construction spéciales, notamment pour
la protection contre les tremblements de terre.
7. Construction de routes rurales suivant différentes normes; capacité
de planifier un réseau de transport adapté pour une localité donnée.
8. Conception, localisation et construction de structures hydrauliques
élémentaires telles que : barrages, réservoirs, conduites et déversoirs.

Technologie de l’eau

Les étudiants ayant choisi l’option GTechnologie de l’eau o suivent des


cours approfondis qui leur donnent des connaissances théoriques solides
sur l’hydraulique, l’hydrologie et le traitement des eaux. D’autres cours
sont consacrés aux politiques et à la planification nationales actuelles
concernant les ressources en eau de l’Iran. Les étudiants peuvent acqué-
rir des notions de base sur l’eau, considérée comme une ressource natu-
relle des zones urbaines, suburbaines et rurales.
Ces cours se combinent avec des travaux pratiques (sur le terrain et
en laboratoire) et des études de cas qui apportent aux étudiants des
compétences dans les domaines suivants :
Planification, réalisation et évaluation d’un projet, individuel d’ad-
duction d’eau ou d’assainissement, qui suppose la connaissance des
techniques de traitement primaire, secondaire et tertiaire des eaux.
Méthodes élémentaires de captage et de stockage de l’eau, y compris
la conception, la surveillance et la construction de petits barrages en
terre et roches pour créer des réservoirs ou produire de l’électricité.
Principes des techniques d’irrigation, y compris les méthodes de lutte
contre l’érosion, l’évaporation, les infiltrations et le lessivage des sols
chargés de sel.
Surveillance de la construction ou de la modification des éléments
matériels d’un réseau local d’adduction d’eau, tels que pompes,
canaux, murs, ganats (voir ci-dessous), conduites et robinets, de
manière à répondre économiquement et efficacement aux besoins de
la population.
Les travaux des étudiants portent en particulier sur les besoins locaux et
la gestion judicieuse du réseau d’adduction dans une zone proche d’Ha-
madan. Il s’agit notamment d’évaluer le rôle des méthodes traditionnel-
les d’adduction d’eau, en particulier des ganats (méthode ancienne de
captage de la nappe phréatique au moyen d’un canal souterrain à faible
Place de la technologie dans la formation des ingénieurs 73

pente, associé à une série de puits qui servent à construire et entretenir


le canal). Ces dernières années, ce système s’est dégradé, faute d’entre-
tien. Les recherches des étudiants et des enseignants viseront à détermi-
ner : a) l’efficacité du ganat ; b) les raisons de son déclin ; c) les possibilités
de revenir à cette méthode; d) les perspectives d’utilisation d’autres
méthodes d’irrigation répondant aux conditions locales.

Fourniture d’énergie en milieu rural

Ce cours porte sur les points suivants:


1. Politique énergétique nationale et aspects environnementaux et
sociaux de la production d’énergie aux niveaux national et local ;
étude des ouvrages de base et connaissance des organisations qui, en
Iran ou ailleurs, s’intéressent à la fourniture d’énergie.
2. Modèles actuels de la consommation et des besoins énergétiques en
un lieu donné et tendances générales de l’évolution des modes d’utili-
sation.
3. Gamme des sources d’énergie de remplacement: captage et utilisa-
tion de l’énergie solaire, prise en compte de cet élément dans la
conception de bâtiments climatiquement adaptés et à faible consom-
mation d’énergie; sources biologiques d’énergie et procédés anaéro-
biques de production de biogaz à partir de déchets animaux et végé-
taux; domestication de l’énergie éolienne et hydraulique pour la pro-
duction d’électricité et d’énergie mécanique.
4. Évaluation de l’adéquation des diverses solutions possibles sur la
base de critères économiques, sociaux et environnementaux.
5. Principes techniques de l’électrification en milieu rural : production,
régulation, stockage, transport et distribution de l’électricité.

Industries en milieu rural

Le cours traite des sujets suivants :


1. Le climat économique général de l’Iran et les tendances à moyen et
long terme de la politique suivie. La nécessité de se tenir au courant
des modifications de la politique gouvernementale et des tendances
économiques.
2. La législation relative au milieu rural et les organisations gouveme-
mentales qui s’intéressent au secteur productif dans les zones rurales.
3. L’éventail des entreprises rurales courantes et de l’artisanat tradition-
nel (poterie, tapis, teinture, travail du cuir, fabrication de tissus, con-
fection de vêtements, menuiserie et ébénisterie, production de maté-
riel agricole) dans différentes parties de l’Iran, les facteurs économi-
ques, sociaux et techniques qui ont favorisé leur développement et
les changements résultant des importantes transformations que subit
l’économie iranienne dans son ensemble.
74 David Brancher

4. Les principes de gestion des entreprises rurales, d’analyse et d’étude


du marché, de constitution du capital et de comptabilité générale.
5. Les techniques de récolte, de stockage, de transformation et de com-
mercialisation des produits alimentaires locaux et les principes de
gestion correspondants, les possibilités économiques d’autres pro-
duits naturels tels que les plantes médicinales, le bois, les colorants,
les pesticides naturels et les produits d’origine animale.
6. Les types les plus courants de matériel agricole et les méthodes de
leur fabrication et de leur réparation.
7. Le rôle central de l’atelier général dans les projets de développement
autonome, l’établissement et l’équipement d’un petit atelier polyva-
lent pour la fabrication et la réparation de matériel agricole, d’usten-
siles domestiques, d’équipements de production d’énergie et d’autres
articles.
8. La demande locale de construction et la nature des activités locales
de construction ; la mise en place d’organisations chargées de fournir
des matériaux ou une assistance technique pour les projets de cons-
truction.

LANCHESTER POLYTECHNIC COVENTRY


(ROYAUME-UNI). LA TECHNOLOGIE
APPROPRIÉE AU DEPARTMENT OF COMBINED
ENGINEERING

Introduction

Le département estime que la profession d’ingénieur exige de ceux qui


l’exercent une grande ouverture d’esprit. Les industriels paraissent de
plus en plus conscients de leurs responsabilités à l’égard de leur person-
nel et de la société dans son ensemble, et les cadres supérieurs sont
recrutés parmi les ingénieurs capables de répondre au monde qui les
entoure et ayant assezd’imagination pour prévoir les besoins futurs. Le
programme de préparation au diplôme d’ingénieur polyvalent du Lan-
chester Polytechnic vise à donner à ces futurs cadres l’occasion d’affron-
ter des problèmes ayant des dimensions non seulement techniques, mais
aussi sociales et économiques. La technologie doit en effet être appro-
priée à l’environnement global et pas seulement aux fins du développe-
ment économique.

Programme de base

Le programme comprend des modules de quatre niveaux, correspon-


dant à quatre années d’etudes possibles. Les modules du premier niveau
sont destinés aux étudiants qui ont obtenu un diplôme de fin d’études
Place de la technologie dans la formation des ingénieurs 75

secondaires, sans mathématiques ni sciences. Ceux qui ont le diplôme


voulu suivent directement les modules du second niveau qui leur don-
nent des connaissances de base sur l’électrotechnique, la mécanique et
les techniques de fabrication, ainsi qu’une initiation à l’informatique, à
l’expérimentation et à la conception. Les modules des troisième et qua-
trième niveaux, dans lesquels les étudiants choisissent le programme qui
leur convient le mieux, sont consacrés à des études approfondies portant
sur les disciplines de l’ingénieur, de la fabrication et du commerce.
Certains modules du troisième niveau sont obligatoires : ils permet-
tent aux étudiants d’acquérir des compétences pratiques en matière d’ex-
périmentation, de conception et de gestion. Au quatrième niveau, les
modules pratiques, également obligatoires, sont consacrés à la concep-
tion. Beaucoup de travaux pratiques, à tous les niveaux, prennent la
forme de projets. Aux premiers niveaux, les contraintes sont parfois stric-
tes, ce qui rend les projets plus simples. A niveaux supérieurs, les problè-
mes posés sont plus vastes et plus complexes, les contraintes peuvent être
liées aux facteurs suivants : réduction des coûts, matériaux disponibles,
processus de fabrication, méthodes de montage, utilisation de produits
brevetés, entretien sécurité, exigences légales et acceptabilité sociale en
général. Tous ces facteurs contribuent à l’évaluation du caractère appro-
prié de la solution, rendant les étudiants conscients des nombreux critè-
res qui doivent intervenir dans le choix de la solution d’un problème
donné.

Projets

Certains projets sont exécutés en groupe. Parmi les exemples récents


figure la conception d’un véhicule spécifiquement urbain, aux dimen-
sions strictement limitées, non polluant, conforme aux dispositions régle-
mentaires et socialement attrayant. Un autre exemple est la conception
d’une serre pour la production intensive de denrées alimentaires. Cette
série devait utiliser au maximum l’énergie solaire ou d’autres énergies
renouvelables et dépendre au minimum des énergies d’origine fossile. La
conception devait respecter les contraintes imposées par les procédés de
fabrication et les coûts, tout en assurant aux plantes l’environnement
nécessaire.
Un troisième exemple de projet de groupe porte sur les problèmes
des handicapés physiques dans une zone commerciale proche. Il s’agis-
sait avant tout de répondre aux exigences en matière de mobilité, tant
des handicapés que des non-handicapés. Pour évaluer le caractère
approprié de la solution, il fallait tenir compte non seulement des maté-
riaux et des composants, mais également des questions telles que les
possibilités de financement.
En plus de leur participation à un projet de groupe, la plupart des
étudiants réalisent un projet individuel en dernière année. Ils y consa-
16 David Brancher

crent au moins quatre heures hebdomadaires pendant trente semaines.


Il est important, pense-t-on, que l’étudiant travaille sur un sujet qui l’in-
téressepersonnellement. Il arrive quelquefois que les théories et les expé-
riences l’emportent sur les considérations sociales et économiques. Les
enseignants pensent que cela n’est pas satisfaisant et incitent donc les
étudiants à choisir des projets où la formulation du problème et les
solutions proposées sont rattachées au contexte économique et social.
Il a été constaté que les étudiants les moins doues sont incapables de
surmonter cette complexité et préfèrent se noyer dans les détails de l’ex-
périmentation. Les meilleurs étudiants, qui ont assimilé la leçon de leurs
premiers cours de conception, réagissent autrement. Ils sont heureux de
pouvoir entreprendre un projet qui leur permet de réfléchir au fond du
problème qu’ils ont choisi et aux répercussions socio-économiques de
leurs propositions.
Quelques exemples de projets individuels récents donneront une idée
de la diversité des sujets. L’un, exécuté par un étudiant iranien qui a
l’intention de monter une petite entreprise de fabrication, a nécessité une
étude de la structure économique de l’Iran. Un immigrant au Royaume-
Uni a étudié les causes du taux élevé de renouvellement du personnel
dans une usine locale. Un étudiant de Gibraltar (qui occupe maintenant
un poste élevé dans le service téléphonique de Gibraltar) a étudié l’ave-
nir des télécommunications dans la péninsule. Le dernier exemple est
constitué par une évaluation de la planification des transports dans la
région des Midlands au Royaume-Uni.
Il ressort clairement de cette courte note que le concept de technolo-
gie appropriée n’est pas traité, dans le département, comme une abstrac-
tion ou un sujet à part, mais comme un aspect essentiel de tout enseigne-
ment relatif à la conception des projets.

UNIVERSITÉ DE WARWICK (ROYAUME-UNI).


LA CONCEPTION DES SCIENCES DE
L’INGl?NIEUR ET LA TECHNOLOGIE
APPROPRIÉE AU DEPARTMENT OF
ENGINEERING

Depuis quatre ans environ, les enseignants du Department of Engi-


neering qui s’intéressent, de diverses manières, à la technologie de
substitution, à la technologie intermédiaire, à la conception des pro-
jets et à l’évaluation sociale de la technologie s’interrogent sur l’oppor-
tunité et la manière d’enseigner ces sujets dans le premier cycle. Une
enquête, menée en 1975, a révélé un vif intérêt à l’égard d’un cours
qui relierait les sciences de l’ingénieur à des objectifs sociaux plus
larges. Ces trois dernières années les étudiants semblent avoir préféré
Place de la technologie dans la formation des ingénieurs II

les enseignements professionnels au cours de culture générale. Toute-


fois, l’intérêt pour la technologie de substitution continue a croître, un
certain nombre de gouvernements et d’organismes internationaux
(Inde, Ministry of Overseas Development, Banque mondiale) soutien-
nent la technologie intermédiaire et, enfin, localement, la dépression
dont souffre, dans l’économie britannique, le secteur des petites entre-
prises est un sujet de préoccupation. Le département a donc mis au
point un cours d’orientation professionnelle, destiné aux étudiants qui
désirent entrer dans une petite entreprise ou travailler à l’étranger
dans le domaine du développement rural ou dans des communautés
autosuffisantes, ou qui aspirent à devenir ingénieurs de projets dans
une entreprise traditionnelle (c’est-à-dire une grande entreprise). Des
échanges de correspondance avec une cinquantaine d’organismes, au
cours de ces derniers mois, ont montré qu’il existe un intérêt considé-
rable à l’égard de diplômes polyvalents sur le plan technique, qui sont
familiarisés avec les contraintes socio-économiques qui pèsent sur la
conception et la production et qui sont disposés au moins à envisager
une carrière de chef d’entreprise plutôt que d’employé.
Le programme décrit ci-dessous et le programme actuel de scien-
ces de l’ingénieur ont environ 70% de cours communs. La mécanique
en constitue l’essentiel et il comporte plutôt moins de mathématiques
que les autres programmes de formation d’ingénieur offerts à War-
wick. Aucune option n’existe en première ou deuxième année, mais,
au cours de leur dernière année, les étudiants peuvent se spécialiser
dans la production et la conception, la technologie du développement
à l’étranger et l’évaluation de la technologie. Le génie agricole tient
une place importante dans le cours, puisqu’il contribue largement au
développement rural, qu’il constitue un domaine où les petites entre-
prises sont particulièrement actives et qu’il offre un bon moyen d’étu-
dier la conception, la production et la distribution des équipements.
Pendant chacune des deux premières années, les travaux pratiques en
laboratoire ne représentent qu’une centaine d’heures, ce qui permet
d’en consacrer de cent à cent cinquante autres à des exercices de
conception. A cet égard, le style d’enseignement adopté est plus pro-
che de celui des cours d’architecture ou de conception industrielle que
de celui des écoles d’ingénieurs. On espère que, parmi les projets de
seconde année, figureront la création et l’exploitation temporaire de
petites entreprises comme cela s’est fait avec succès dans certaines
écoles.
Des contacts ont déjà été établis avec des institutions tant locales
que nationales, dans les domaines de l’agriculture, de la technologie
intermédiaire et des petites entreprises. L’application du programme
a commencé en octobre 1980 et il était prévu de recruter respective-
ment 15, 20 et 25 étudiants les trois premières années.
78 David Brancher

ANNEXES

1. Liste des participants au séminaire

David Brancher
Deputy Director of Complementary Studies, Université d’Aston, Birmin-
gham (président et responsable du rapport)
John Davis
Co-ordinator of AT for UK (Programme ITDG)
Harold Dickinson
School of Engineering Sciences, Université d’Edimbourg
Peter Fraenkel
Power Project Officer, ITDG
Sandy Linvingstone
Department of Combined Engineering, Lanchester Polytechnic
Robert McCutcheon
Building Economies Research Unit, University College, Londres
George McRobie
Président de 1’Intermediate Technology Development Group
Derek Miles
Building and Construction. Project Officer, ITDG
Le0 Pyle
Department of Chemical Engineering, Imperial College of Science and
Technology
Terry Thomas
Department of Engineering Sciences, Université de Warwick
Stuart Wilson
Department of Engineering Sciences, Université d’Oxford
Place de la technologie dans la formation des ingénieurs 79

2. Exemples de programmes de cours sur la technologie approprige

COlUS Nombre d’heures

PREMIÈRE ANNÉE

Thermodynamique classique 20
Systèmes combinés 20
Processus de conception 10
Technologie des matériaux 15
Mathématiques appliquées à l’ingénierie
(partie) 25 20
Mécanique appliquée à l’ingénierie 20 10
Elasticité 10
Etudes tridimensionnelles 12
Thermodynamique appliquée 10
Electricité 15
L’homme et l’environnement 15
L’Asie des moussons 15 15
La technologie de substitution au
Royaume-uni 10 a
Travaux pratiques en laboratoire 80
Exercices tridimensionnels 30
Exercices de conception 120
Etudes dirigées 30
Séminaires sur l’Asie des moussons 18
278

Travaux sur le terrain (étude régionale 1 semaine pendant les vacances


de technologie) d’été

a. L’utilisation actuelle de la technologie et ses inconvénients, la nature et la portte de la techno-


logie approprite. Emploi des ressources : offre et demande d’knergie; les metaux et autres
matières premières; perspectives de diminution de la demande et de recyclage; knergie nkces-
saire A la production d’aliments; recours aux engrais torganiquesa; caractkre critique de la
production de protéines. L’organisation du travail: autres formes possibles d’organisation de
la société et de la production industrielle : les coopératives, les unit& autonomes, les petites
entreprises et leurs besoins.

_-. ,_-..-.-.
80 David Brancher

COUIS Nombre d’heures


Ier 2c 3e
trimestre trimestre trimestre

DEUXIiZME ANNÉE

Conversion d’énergie 1 (électricité) 15


Conversion d’énergie II (mécanique et
hydraulique) 30
Mesures et instruments de mesure 15
Structure des matériaux 15
Macropropriétés des matériaux 15
Initiation au génie électronique 30
Technologie de la production 30
Conception 1 15a
Machines agricoles 30
Organisation de la production 15 10
L’environnement naturel 15
90 100 45

Travaux pratiques en laboratoire 75


Exercices de conception (machines
agricoles) 40
Exercices de conception (mécanique) 40
Exercices (organisation de la
production) 40
195

Stage en atelier 2 semaines, à la fin des


examens
a. Adéquation aux fins vistes. Enquêtes de marché, spbcification, analyse de valeur, chiffrage de
la valeur, conception judicieuse, securité. Ergonomie. Mensurations de l’homme, confort, resis-
tance, fatigue, commandes des appareils, présentation des outils ou information des utilisateurs
des machines. Bruit. Caracterisation et methodes de réduction. Représentation graphique.
Place de la technologie dans la formation des ingénieurs 81

Nombre d’heures
2’ 3e
nimestre trimestre

TROISIÈME ANNEE

Tronc commun
Gestion des ressources *
Conception II
Technologie intermédiaire b
Projet (individuel ou de groupe)

Options (au minimum quatre, dont deux au moins choisies sur la liste A,
et une sur la liste B)
Liste A
Thermodynamique appliquée à l’ingénierie
Mécanique des fluides A et C
Transport
Énergie et appareillage électriques
Mesures et contrôle de la qualité
Gestion des ressources en eau OU Habitat a bon marché et développement

Liste B
Études commerciales 1
Technologie, industrie et société
Production alimentaire
Langue étrangère

a. Analyse énergétique.Définition des limites d’un systéme; l’energie dans la formation du capi-
tal; utilisation de l’énergie; flux d’energie; analyse de processus et mesures de l’efficacite;
application des techniques de l’analyse energétique au recyclage de l’acier et a la production
et la distribution du gaz. Fourniture d’énergie. Consommation et conservation de I’energie;
besoins en énergie et techniques de prevision de la demande; coût d’tnergie dans la fourniture
d’énergie; critique des principales options techniques, a court et long terme, pour la fourniture
d’energie. Producfion des mofières premières. Définition des reserves; Économie de l’extraction
et de la distribution; le commerce des matières premieres, au niveau international: matieres
premieres tres Energétiques, materiaux en vrac et degradation des sols, matières premieres
naturelles (agricole) et synthetiques; recyclage des materiaux: etude de cas portant sur le
cuivre, les graviers, les engrais, le bois et l’eau.
b. Les technologies traditionnelles, leurs avantages et leurs inconvénients: histoire de l’industriali-
sation des pays en développement, ses rapports avec l’urbanisation; le secteur informel de
l’Économie urbaine; contraintes pesant sur les structures de production traditionnelles et indus-
trielles, et défauts de ces structures; ce que doit être une technologie du dtveloppement rural;
caractéristiques presentes de la technologie intermédiaire; études de cas portant, par exemple,
sur les transports ruraux et la fourniture d’energie domestique dans des pays précis et impli-
quant l’examen des technologies employées ou disponibles et des contraintes sociales et 6colo-
giques.

--- --- _... .- ^~


82 David Brancher

3. Bibliographie et centres d’information sur le dkveloppement

BIBLIOGRAPHIE
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Revues et bulletins d’information


Appropriate technology Intermediate Technology Publications, 9 King Street,
London, WC2E 8HN (Royaume-Uni).
Ap-tech. ATDA, P. 0. Box 311, Gandhi Bhawan, Lucknow 226001 (Inde).
Les nouvelles de l’écodéveloppement. 54, boulevard Raspail, bureau 309, 75270
Paris Cedex 16 (France).
TAICH news. TAICH, 200 Park Avenue South, New York NY 10003
(Etats-US DOAmérique).
Tranet. P. 0. Box 567, Rangeley, ME 04790 (Etats-Unis d’Amérique).
UTA news. VITA, 3706 Rhode Island Avenue, Mt. Rainier, MD 20822 (États-
Unis d’Amérique).
Tropical science. TPI, 56/62 Gray% Inn Road, London, WClX 8LU
(Royaume-Uni).
ZRRI newsletter. IRRI, P. 0. Box 9331, Manila (Philippines).
84 David Brancher

CENTRES D’INFORMATION SUR LE DEVELOPPEMENT

Canada
Brace Research Institute, MacDonald College, McGill University, Ste Anne de Bellevue,
800 Quebec.
Etats-Unis d’Amérique
Volunteers in Technical Assistance (VITA), 3706 Rhode Island Ave., Mt Rainier, MD
20822.
Tranet (Transnational Network for Appropriate Technologies), P. 0. Box 567, Range-
ley, Maine 04790.
Technical Assistance Information Clearing House, 290 Park Avenue South, New
York, N. Y. 20822.
Volunteers in Asia/Appropriate Technology Project, P. 0. Box 4543, Stanford, Cali-
fomia 94305.
France
Groupe de recherche sur les techniques rurales (GRET), 34, rue Dumontd’Utville,
75 116 Paris.
Ghana
Technology Consultancy Centre, University of Science and Technology, University
Post Office, Kumasi.
Inde
Appropriate Technology Development Association, P. 0. Box 3 11, Gandhi Bhawan,
Lucknow 226001.
Cell for the Application of Science and Technology to Rural Areas (ASTRA Cell), c/o
Indian Institute of Science, Bangalore 560 012.
All India Khadi and Village Industries Commission (KVIC), Gramodaya, 3 Irla
Road, Vile Parle (West) Bombay 400 056.
Indonésie
Development Technology Centre, Bandung Institute of Technology, Box 276, Jalan
Canesha 10, Bandung.
Kenya
Village Technology Unit, c/o UNICEF, Box 44145, Nairobi (UNICEF Office : Phoe-
nix House, Kenyatta Avenue; Centre at Karen).
Nigéria
International Institute of Tropical Agriculture, P.M.B. 5320, Ibadan.
Pakistan
Dr Amir Khan, P.O. Box 1237, Islamabad.
Papouasie-Nouvelle Guinée
South Pacifie Appropriate Technology Foundation, P.O. Box 6937, Boroko.
Pays-Bas
Stichting TOOL (Technische Ontwikkeling Ontwikkelings Laden), Mauritskade 6la,
Amsterdam.
Royal Tropical Institute, Mauritskade, Amsterdam.
Pérou
Intintec. (Instituto de Investigation Technologica Industrial y de Normas Técnicas),
1176, av. Abancay, apartado 145, Lima 34.
Philippines
International Rice Research Institute, P.O. Box 933, Manila.
Royaume-Uni
Intermediate Technology Development Group Ltd., 9 King Street, London WC2E
8HN.
Tropical Products Institute, 56/62 Gray’s Inn Road, London WClX 8LU.
Thaïlande
Asian Institute of Technology, P.O. Box 2754, Bangkok
Le génie environnemental :
enseignement et pratique
Hassan M. El-Baroudi,
Dev R. Sachdev
et A. Adel Hamouda

Introduction

L’évolution récente du domaine relativement nouveau du génie environ-


nemental illustre la façon dont la communauté des ingénieurs a réagi à
toute une gamme de préoccupations touchant à l’environnement sur les
plans national et mondial. La présente étude a pour objet de passer en
revue les aspects éducatifs et professionnels de ces problèmes et propose
l’ébauche d’une nouvelle approche du génie environnemental fondée sur
cette étude et ses conclusions. Cette approche est destinée à stimuler les
échanges de vues sur ce qui peut être considéré comme le principal fait
récent en matière de formation des ingénieurs.

Les connaissances relatives au génie environnemental

Le domaine du génie environnemental se caractérise par un objectif


permanent : la protection et l’amélioration de la qualité de l’environne-
ment au bénéfice de l’humanité. L’intensité et la diversité croissantes des
activités humaines ont entraîné une modification périodique (le plus
souvent une expansion) des connaissances requises. Les ingénieurs du
génie civil et du génie sanitaire ont été les pionniers du génie environne-
mental à l’époque où les préoccupations relatives à la qualité de l’envi-
ronnement se limitaient à l’approvisionnement en eau potable, à l’éva-
cuation des eaux usées et au drainage des terres. Dans les programmes
d’enseignement du génie sanitaire introduits au niveau du deuxième ou
troisième cycle universitaire, les techniques relatives à la santé publique,
le traitement des eaux et des eaux usées constituaient des matières de
base pour tous les étudiants. De multiples sujets scientifiques et techni-
ques connexes ont dû être ajoutés à la plupart des programmes : chimie,
microbiologie, sciences de la santé publique, hydraulique, hydrologie,
etc.
86 H. M. El-Baroudi, Dev R. Sachdev, A. Hamouda

Des efforts sporadiques visant à inclure le génie sanitaire parmi les


disciplines enseignées aux étudiants du premier cycle ont échoué. Beau-
coup d’ingénieurs et d’enseignants soutenaient que le génie sanitaire
était plus une formation professionnelle qu’une discipline (analogue à
celle de la santé publique) et qu’il ne devait être enseigné qu’aux étu-
diants du deuxième ou troisième cycle.
L’introduction à l’Université d’Alexandrie (Égypte), en 1949, du pro-
gramme de génie sanitaire destiné aux étudiants du premier cycle a été
une expérience intéressante. Le programme s’étendait sur les deux der-
nières années du premier cycle et s’adressait à des étudiants ayant
accompli trois années d’études de génie civil. Pendant ces deux années,
des cours sur le traitement des eaux et des eaux usées, l’approvisionne-
ment en eau, l’évacuation des eaux, les techniques de la santé publique,
la microbiologie, la chimie sanitaire, la bactériologie sanitaire, etc., rem-
plaçaient des cours sur les ouvrages d’art, la construction d’autoroutes,
l’aménagement des côtes et le béton armé. Ce nouveau département n’a
jamais suscité un vif intérêt parmi les étudiants et les professionnels. En
dépit du soutien technique de l’Organisation mondiale de la santé
(OMS), il a finalement été réduit au rang d’option mineure dans le
programme de génie civil destiné aux étudiants du premier cycle.
Le premier développement en matière de génie sanitaire a peut-être
été constitué par l’assimilation de cette discipline à l’élément Ggestion de
la qualité de l’eau )) dans le domaine de la ((gestion des ressources en
eau )) (l’emploi du mot ((qualité)) est révélateur). C’est ce qu’a montré,
dans son rapport à I’OMS, le professeur Pope1 (1965) qui avait été
chargé de donner des conseils sur les besoins de l’Egypte en matière de
recherche et de formation dans le domaine du génie sanitaire.
En élaborant ses recommandations relatives à l’enseignement, le pro-
fesseur Pope1 a soigneusement tenu compte des problèmes locaux (ma-
ladies parasitaires, mouches, manque d’eau, etc.) ainsi que des aspira-
tions locales (mise en valeur des zones désertiques, industrialisation,
etc.). Ses recommandations principales étaient les suivantes :
GLa formation en matière de génie sanitaire devrait se concentrer
dans les cours de niveau universitaire supérieur destines à des ingénieurs
ayant acquis une certaine expérience pratique dans les municipalités, les
services gouvernementaux ou les centres de recherches. Le programme
de génie civil pour les étudiants du premier cycle devrait comprendre
des études poussées sur les quatre sujets suivants: a) Lutte contre la
pollution des cours d’eau ; b) Approvisionnement en eau ; c) Évacuation
des eaux usées; d) Élimination des déchets et nettoiement des villes. ))
Très conscient des problèmes que pose la pénurie d’eau, tant dans
une partie de l’Europe qu’en Égypte, le professeur Pope1 a proposé une
liste de sujets principaux et secondaires que les ingénieurs sanitaires
devraient étudier dans chacun des deux cours à option sur la gestion des
ressources en eau : qualité et quantité.
Le génie environnemental: enseignement et pratique 87

Dans d’autres pays en développement, tels que l’Inde et le Pakistan,


la formation des ingénieurs de l’environnement est passéepar un proces-
sus évolutif guidé par les besoins desdits pays. En Inde, les ingénieurs
civils et sanitaires ont commencé par créer des réseaux d’approvisionne-
ment en eau et d’évacuation des eaux usées, conformément à leur rôle
traditionnel.
Par la suite, les questions relevant du génie sanitaire ont été ratta-
chées au domaine plus vaste des techniques de la santé publique. Diver-
ses fonctions relatives à l’environnement ont été confiées aux ingénieurs
de la santé publique, aux niveaux local, des États et central. L’Inde étant
exposée à certaines maladies endémiques, l’accent a été mis particulière-
ment sur les cours consacrés à la lutte contre les maladies transmissibles,
à la microbiologie de l’environnement et aux techniques de lutte contre
le paludisme. Plus récemment, à mesure que l’industrialisation de l’Inde
se poursuivait, de nouvelles technologies de lutte contre la pollution et
la gestion des déchets industriels se sont ajoutées aux programmes d’en-
seignement relatifs à la santé publique et au génie environnemental.
Les progrès révolutionnaires survenus aux États-Unis d’Amérique
pendant les années soixante et au début des années soixante-dix dans le
domaine du génie sanitaire sont allés de pair avec l’adoption généralisée
de l’expression plus large de génie environnemental par les universités,
les associations de spécialistes et les publications techniques. Si la gestion
des ressources en eau relevait du génie sanitaire, la nouvelle discipline
appelée (tgénie environnemental )) s’occupait en outre de la lutte contre
la pollution atmosphérique, de la gestion des déchets solides, des effets
des radiations sur la santé, de nouvelles méthodes très élaborées de trai-
tement des déchets et se fixait des objectifs assez mal définis tels que la
préservation des environnements fragiles et le maintien des équilibres
écologiques.
Pour répondre à ces besoins, on a continué d’élargir les domaines
d’étude et de recherche des programmes de génie sanitaire et environne-
mental en vue de former des équipes interdisciplinaires d’ingénieurs et
de scientifiques spécialistes de l’environnement. On peut apprécier le
remarquable élargissement récent des centres d’intérêt du génie environ-
nemental en comparant le concept étroit proposé à la Conférence
EEIB-AAPSE de 1967 (EEIB, 1967) avec les ((domaines des techniques
de l’environnement )) définis lors de la Conférence AAEE-AEEP de 1973
(AAEE, 1973)‘.
A la conférence de 1967, les programmes de formation des ingénieurs
de l’environnement étaient représentés par deux cercles concentriques.
Dans le cercle intérieur, on trouvait la chimie, la biologie, les sciences
sociales, l’étude des systèmes et la planification. Le cercle extérieur com-
prenait les ressources en eau, les ressources en air, le génie sanitaire ou
les techniques concernant la qualité de l’eau, les techniques de santé
publique, les effets des radiations sur la santé publique et les déchets
88 H. M. El-Baroudi, Dev R. Sachdev, A. Hamouda

solides. A la Conférence AAEE-AEEP de 1973, il y avait trois cercles au


lieu de deux. Dans le cercle intérieur, réservé aux domaines profession-
nels principaux, figuraient la qualité de l’air, la qualité de l’eau, l’hygiène
industrielle et les déchets solides. Le premier anneau groupait des ((sec-
teurs spécialisés 0 : chimie, radiologie, physique, sécurité, biologie et
bruit. Enfin, dans l’anneau extérieur, consacré aux domaines touchant à
l’environnement, on trouvait une liste partielle comprenant les matières
suivantes : santé publique, pêcheries, transports, ressources naturelles,
construction, architecture, économie, droit, planification, récréation,
fabrication et transformation, mines, énergie et agriculture.
Il est clair que les besoins en matière de génie environnemental et les
applications de cette discipline existent presque partout. Aux États-Unis,
on estime à 110 le nombre des instituts techniques qui offrent aux étu-
diants diplômés des programmes d’enseignement du génie environne-
mental destinés à dispenser la formation nécessaire à ces applications.
L’annuaire de 1974, publié sous le patronage de I’AEEP et de YAAEE
(Klosky, 1974) contient d’utiles informations sur ces programmes d’en-
seignement. Pour chaque programme, l’annuaire donne le nom, l’adresse
et le numéro de téléphone de l’établissement, du directeur ou du respon-
sable, un bref historique du programme, une description succincte des
conditions d’admission et des cours proposés, une liste des professeurs
principaux et associés accompagnée d’un aperçu de leur carrière et de
leurs recherches, ainsi que des précisions sur les effectifs des étudiants et
les ressources disponibles. Il ressort des conditions d’admission indiquées
que tout détenteur d’un bachelor degree dans la quasi-totalité des domai-
nes scientifiques et tèchniques, ayant des antécédents universi-
taires convenables, peut trouver le programme de maîtrise ou de docto-
rat répondant le mieux à ses préoccupations professionnelles et à sa
spécialisation dans le domaine de l’environnement.

QUALIFICATIONS DES ENSEIGNANTS

L’examen des qualifications des enseignants permet d’obtenir des rensei-


gnements intéressants sur des domaines de connaissances liés au génie
environnemental. Ces qualifications étaient également indiquées dans
l’annuaire cité ci-dessus, qui fournissait des informations sur 71 pro-
grammes, dont deux étaient offerts par des universités canadiennes. A
propos des 71 programmes répertoriés, 65 universités donnaient un
tableau complet des titres universitaires de la totalité (ou quasi-totalité)
de leurs 4 12 professeurs principaux. La discipline dans laquelle ces
enseignants se sont spécialisés en vue d’obtenir leurs diplômes (licence,
maîtrise, doctorat) est indiquée dans le tableau 1. Un groupement arbi-
traire des divers titres a été établi comme suit.
Génie civil. Inclut les diplômes portant la mention génie civil et les quel-
ques exceptions où il est spécifié que le diplôme se rapporte à une
Le génie environnemental: enseignement et pratique 89

TABLEAU 1. Diplômes universitaires détenus par les professeurs principaux de génie


environnemental
(412 répartis dans 65 programmes)

Discipline Licence Maîtrise Doctorat


Nombre Pourcentage Nombre Pourcentage Nombre Pourcentage

Sciences de l’ingénieur
Génie civil 230 55,a 129 31,3 84 20,4
Génie sanitaire
environnemental 12 2,9 145 35,2 172 41,8
Génie chimique 35 f-395 19 4,6 15 34
Divers 32 738 16 339 12 23
TOTAL 309 75.0 309 75.0 283 68.7

Sciences
Sciences
de l’environnement 3 077 23 56 30 773
Chimie 31 735 8 L9 15 3,6
Sciences de la vie 32 7,8 21 521 14 324
Divers 19 46 14 3,4 19 46
TOTAL 85 20,6 66 16,O 78 18,9

Non spécifiée 18 4,4 13 3,2 12 2,9

Néant - 24 5,8 39 995


TOTALGENERAL 412 100,o 412 100,o 412 100,o

spécialité telle que les ouvrages d’art, la construction, l’hydraulique


ou l’hydrologie.
Génie sanitaire/environnemental. Inclut les diplômes portant la mention
ressources en eau, hygiène, hygiène industrielle, assainissement, tech-
niques des systèmes relatifs à l’environnement, techniques sanitaires
de l’environnement, techniques de santé publique/professionnelle/
industrielle, et protection contre les radiations.
Autres sciences de l’ingénieur. Incluent les secteurs suivants : mécanique,
électricité, pétrole, ingénierie, agriculture, géologie, mines, irrigation,
industrie, sois et systèmes.

Sciences de l’environnement. Incluent les domaines suivants: science sani-


taire, hydrologie, chimie, limnologie, hygiène de l’environnement,
chimie sanitaire, écologie, écologie microbienne, chimie de l’environ-
nement, biologie aquatique, chimie atmosphérique, microbiologie
de l’environnement, chimie et biologie sanitaires et biologie radiolo-
gique.

-.--.... -.---.-
JI I Néant et non spbcifié 1
Néant et non spécifié
Sciences diverses
Sciences de la vie

Chimie
,--- _---

\
\
\
\
\
\
\
\
\\
\
‘\ .

Génie civil

20

I Génie chimique
I GBnie civil
I

Détenteurs d’une Détenteurs d’une Détenteurs d’un


licence maîtrise doctorat

FIG. 1. Répartition des disciplines étudiées par les professeurs chargés des cours princi-
paux de génie environnemental (412 répartis dans 65 programmes).
Le génie environnemental: enseignement et pratique 91

Chimie. Inclut la biochimie, la géochimie et la chimie organique, agri-


cole, alimentaire, nucléaire, physique et analytique.
Sciences de la vie, Incluent les disciplines suivantes: bactériologie, biolo-
gie, microbiologie, zoologie, botanique, médecine, pathologie des
végétaux, biophysique, physiologie des végétaux, médecine vétéri-
naire, mycologie et biologie vétérinaire.
Sciences diverses. Comprennent les branches suivantes: physique, physi-
que nucléaire, mathématiques, géologie, physique des sols, météoro-
logie, océanographie, alimentation, marine, armée, informatique, et
certaines sciences sociales (économie, gestion des entreprises, urba-
nisme, sociologie et économie agricole).
Ce mélange de disciplines montre bien le résultat des efforts déployés
pour donner aux diplômés la formation nécessaire à la gestion de la
qualité de l’environnement. De cette liste et de la répartition indiquée
dans la figure 1, on peut conclure que le génie environnemental est le
domaine technique interdisciplinaire par excellence. Par ailleurs, les spé-
cialistes qui apportent la contribution majeure en ce domaine sont les
ingénieurs civils. Enfin, 3,6% seulement de l’ensemble des enseignants
ont reçu, au cours du premier cycle d’études universitaires, une forma-
tion technique ou scientifique orientée vers l’environnement. La raison
en est que les cours sur l’environnement ont surtout été offerts jusqu’ici
aux étudiants déjà diplômés.

CONTENU DES PROGRAMMES

Compte tenu de la répartition des disciplines parmi les enseignants spé-


cialisés dans le génie environnemental, on peut dire que le domaine des
connaissances en la matière est constitué comme suit : génie environne-
mental (sanitaire), 40%; autres sciences de l’ingénieur, 30%; sciences de
l’environnement, 10%; sciences fondamentales, 5%; sciences sociales, 5%;
options individuelles, 10%.
Si l’enseignement du génie environnemental n’est dispensé qu’au
niveau de la maîtrise (master-3 degree), on peut supposer qu’un ingénieur
s’inscrivant à ce programme a déjà acquis les connaissances correspon-
dant aux 30% d’(<autres sciences de l’ingénieur H et aux 5% de (tsciences
fondamentales )k. Le programme du génie environnemental d’enseigne-
ment, d’une durée d’un an, pourrait donc se répartir de la façon sui-
vante : génie environnemental, 60%; sciences de l’environnement, 15%;
sciences sociales, 10%; options individuelles, 15%.
Cette répartition semble acceptable et raisonnablement équilibrée.
Comme elle se fonde sur les qualifications des professeurs, les auteurs de
la présente étude ont essayé de déterminer les tendances futures au
moyen d’une analyse statistique des dates auxquelles les enseignants ont
obtenu leurs grades universitaires. Il ressort notamment de cette analyse
que les professeurs dont les diplômes se rapportent aux sciences de l’en-
92 H. M. El-Baroudi, Dev R. Sachdev, A. Hamouda

vironnement constituent de loin le groupe le plus jeune. Ces sciences


mettent l’accent sur l’observation et la compréhension des phénomènes
chimiques, physiques et biologiques dans des écosystèmes naturels et
pollués, l’objectif ultime étant de préserver les équilibres vitaux et la
qualité de l’environnement. On peut donc prévoir que les sciences de
l’environnement joueront un rôle toujours plus important dans la forma-
tion théorique et pratique en matière de génie environnemental.

La pratique du ghie environnemental

Lorsque la nécessité de disposer de systèmes d’adduction d’eau potable


et d’évacuation des eaux usées a été reconnue, un marché stable avec des
clients sûrs s’est ouvert aux ingénieurs sanitaires. Les membres des équi-
pes de santé publique et du génie sanitaire se sont formés eux-mêmes ou
ont complété leur formation en suivant des cours de niveau supérieur
dans les écoles de santé publique, dont le nombre n’a pas cessé d’aug-
menter. Dans le cas du génie sanitaire, l’application de connaissances
spécifiques était étroitement liée au génie civil (construction), à l’hydrau-
lique, à la mécanique des sols et à la topographie. En outre, son objectif
était conforme à l’esprit de service public qui a caractérisé, tout au long
de son histoire, la profession d’ingénieur civil.
Du point de vue de la pratique professionnelle comme de la forma-
tion, le génie environnemental peut être défini globalement dans le cadre
des nécessités et des développements historiques. On peut supposer que
le génie sanitaire a été créé pour répondre à deux préoccupations qui se
chevauchent tout en restant distinctes. La première est la santé de
l’homme, la seconde la qualité du milieu où il vit. A mesure que crois-
saient les activités humaines d’urbanisation et d’industrialisation, les sim-
ples problèmes d’hygiène que l’adduction d’eau posait au génie sanitaire
prenaient aussi de l’ampleur, ce qui a donné naissance aux techniques de
la santé publique. Par suite de l’intensification récente des activités
industrielles et urbaines, les aspects du génie sanitaire relatifs à l’environ-
nement sont devenus ce qu’on appelle maintenant le génie environne-
mental. La figure 2 illustre cette histoire.

LES CLIENTS DE L’INGÉNIEUR DE L’ENVIRONNEMENT

Un besoin peut exister sans être satisfait, mais une demande doit revêtir
une forme officielle. Comme dans le cas des techniques de la santé
publique, la demande concernant le génie environnemental émane
directement ou indirectement d’un gouvernement (Oakley, 1978). Aux
Etats-Unis, il ressort d’études récentes que l’industrie, tous les services
gouvernementaux et les organismes de consultation auront besoin de
nombreux techniciens de l’environnement (Middlebrooks, 1975; Mid-
Le génie environnemental: enseignement et pratique 93

, . . ‘* . .’
. ’ . . . . - - * * * . . . ...
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Genie sanitaire
i. Approvisionnement en eau et évacuation des eaux usées !
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Aspects relatifs Aspects relatifs
à la santé à l’environnement
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. Techniques de la santé :
. .’ Génie environnemental ,i
. publique .: .
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Santé
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. Objectif .: Qualité de l’environnement * .
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Cadre
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. Objectif immédiat l Objectif immédiat/à long terme’ ..
. . temporel .*
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- . . . . . . . . . . .-a- . ..a .
4 . . .
.
Spécialistes de la sante - Spécialistes de .
t
:
.
publique: . Membres non .
l’environnement: *
l
* techniciens . *
1 .
,
l
Épidémiologistes 1 des équipes .
Écologistes I
0
.
.
, Entomologistes . Biologistes (zones terrestres) .
. .
, Parasitologistes . . Biologistes (zones aquatiques) .
l
Bactériologistes . . Planificateurs de l’aménagement du territoire’
I . . .
1 Chimistes .
Analystes de systémes .
I . Economistes .
. Mots clés .
.
Logement
.
.
. .

. Approvisionnement en eau .. . Traitement/Réutilisation des eaux us6es :


. Hygiene industrielle . .
, Récupération/Élimination des déchets solides :
b
. Lutte contre les . :Lutte contre la pollution atmosphérique .’
.
vecteurs de maladies l -Analyse des incidences sur l’environnement :
. .
. Maladies transmissibles l l. 8.
L -. .
. Dangers résultant des , ’ *. .
. .
. radiations . *. :
a.
* . -......* .**

FIG. 2. Dkveloppement du domaine du génie sanitaire.

.._--l .-. _ _.-


94 H. M. El-Baroud& Dev R. Sachdev, A. Hamouda

dlebrooks, Kolb et Ettelstein, 1974). D’autre part, si, selon les projec-
tions, la demande doit être forte surtout dans l’industrie et les firmes de
consultants, ces projections supposent que le soutien gouvernemental
sera maintenu et qu’une législation pertinente sera appliquée à l’échelon
fédéral et à celui des États. La législation fédérale comprend la loi de
1965 sur l’élimination des déchets solides amendée en 1970 et 1976, la loi
de 1969 sur la politique nationale de l’environnement, la loi de 1970 sur
la pureté de l’atmosphère amendée en 1977,la loi de 1970 sur l’améliora-
tion de la qualité de l’eau et ses modifications de 1972 et 1977, la loi de
1972 sur le contrôle des insecticides, la loi de 1972 sur la protection de
la mer, la recherche et les sanctuaires marins et ses modifications de
1977, la loi de 1972 sur le contrôle des substances toxiques et la loi de
1974 sur la qualité de l’eau potable.
La mise en vigueur de ces différentes lois coûtera des milliards de
dollars au gouvernement et aux industries au cours des années à venir.
C’est ainsi qu’il faudra améliorer toutes les installations municipales de
traitement des eaux usées, remplacer le déversement des boues dans la
mer par des systèmes terrestres de traitement/récupération/élimination,
équiper les usines de traitement des eaux et des eaux uséesd’installations
complémentaires en vue d’éliminer les polluants organiques et inorgani-
ques pour lesquels de nouvelles normes ont été fixées, étendre le contrôle
des cours d’eau pollués et de leur environnement, etc. Toutes ces activi-
tés donneront aux techniciens et aux scientifiques spécialistes de l’envi-
ronnement l’occasion d’utiliser leurs compétences dans les services gou-
vernementaux et dans l’industrie.
Cependant, les forces qui suscitent ce besoin sont les législatures
nationales et locales qui s’efforcent d’obtenir une certaine qualité de
l’environnement dans le cadre global des objectifs de la population, sur
les plans économique, social et de la défense nationale.

LES ROLES PROFESSIONNELS DE L’INGENIEUR DE


L’ENVIRONNEMENT

L’application des lois et règlements nationaux et locaux relatifs à la


protection de l’environnement exige la coopération d’une équipe inter-
disciplinaire de professionnels et de techniciens. Le terme ~environne-
ment )) a été ajouté également à l’appellation des praticiens d’autres pro-
fessions non techniques. Outre l’ingénieur de l’environnement, nous
avons donc maintenant le scientifique spécialiste de l’environnement, le
planificateur, le biologiste, le chimiste et l’économiste de l’environne-
ment. La même distinction a été adoptée lorsque l’équipe interdiscipli-
naire d’ingénieurs, de médecins, d’infirmiers, etc., a été constituée dans
le domaine de la santé publique. Les activités des membres de l’équipe
de la santé publique avaient, dans le temps et dans l’espace, des limites
visibles que tout le monde comprenait facilement, et qui correspondaient
Le génie environnemental: enseignementet pratique 95

aux activités humaines dans le cadre familial et professionnel, sur les


marchés et dans les centres récréatifs. L’effort accompli dans le domaine
de la santé publique s’est immédiatement traduit par une amélioration
de la santé, du confort et de l’esthétique.
Pour les équipes nouvellement formées de spécialistes de l’environne-
ment, la gamme potentielle des activités peut être assurément très vaste,
dans le temps comme dans l’espace. Les problèmes de l’environnement
vont des profondeurs de l’océan aux couches supérieures de l’atmo-
sphère où l’ozone risque de s’épuiser. Les menaces qui pèsent sur les
habitats naturels des espèces sauvages font craindre des répercussions
sur l’environnement, qui peuvent se faire sentir à très long terme, voire
sous des formes inconnues jusqu’ici. Sauver le ((vaisseau spatial Terre ))
de la destruction de ses fragiles écosystèmes est l’objectif ultime des
scientifiques, des ingénieurs, des législateurs et de tous ceux qui se consa-
crent à cette tâche.
En raison de la nature de la profession d’ingénieur, c’est seulement
au stade de la mise au point et de l’exécution d’un plan de travail visant
un objectif clairement défini que l’ingénieur de l’environnement peut
jouer un rôle utile dans l’équipe. On trouvera ci-dessous des exemples
d’activités de ce genre menées à bien aux États-Unis, en partie pour
appliquer les lois relatives à l’environnement: Études de sites; Analyse
de l’impact sur l’environnement; Études relatives à la gestion de l’eau et
des eaux usées; Techniques de récupération des déchets solides et des
ressources; Lutte contre la pollution atmosphérique.
Etudes de sites. Dans ce type de recherche, l’idéal est que l’ingénieur de
l’environnement fasse partie d’une équipe. Celle-ci peut comprendre,
selon les circonstances, des spécialistes de l’aménagement du territoire,
des géologues, des ingénieurs civils, des socio-économistes et des spécia-
listes divers, ainsi que les ingénieurs chargés d’exécuter le projet. Dans
le cadre de la région étudiée, on établit d’abord une liste des sites ou
zones qui peuvent être envisagés normalement en fonction des possibili-
tés économiques générales. Une analyse plus poussée des données
publiées sur les sites et des facteurs micropolitiques, ainsi que l’applica-
tion de critères d’exclusion, d’abstention ou de préférence, permettent
d’éliminer un certain nombre de sites possibles. Ceux qui restent, appe-
lés ((sites candidats )), sont soumis ensuite à une étude détaillée qui doit
aboutir au choix définitif. Le processus de sélection d’un site comprend,
s’il y a lieu, les phases suivantes.
1. Aperçu du projet. Terrain nécessaire; matières premières et produits
finis (éventuellement); apports de déchets (solides, liquides et
gazeux), qualité et rythme de production; critères applicables aux
effluents, normes de la qualité de l’eau et de l’air; conditions d’auto-
risation aux niveaux fédéral, des États et local.
2. Rassemblement de données spécifiques concernant le site. Caractéristi-
ques du sol, y compris les aspects géologiques et hydrologiques; qua-

-- --- _ ._----_-
96 H. IU. El-Baroudi, Dev R. Sachdev, A. Hamouda

lité de l’eau et quantité d’eau nécessaire pour répondre aux besoins


du projet ; qualité de l’air ambiant; reglementation sur le zonage et
l’aménagement du territoire; routes/voies ferrées d’accès.
3. Impact du projet sur l’environnement. Ressources en air; ressources en
eau ; écologie terrestre ; utilisation des terres ; aspects socio-économi-
ques.
4. Estimation des coûts. Établissement d’un devis approximatif pour
chaque o site candidat O.
5. Classement des sites retenus. Établissement de critères de classement
fondés sur les informations recueillies au cours des quatre phases
précédentes (ils permettront de choisir le site le plus approprié).

Analyse de l’impact sur l’environnement. Jusqu’à ces derniers temps, les


décisions concernant l’implantation d’une entreprise industrielle, d’un
service public ou d’un établissement ouvert au public étaient prises sans
tenir compte de leurs répercussions sur l’environnement, les éléments
déterminants étant habituellement l’évaluation économique et les études
techniques sur les possibilités de réalisation. 11en est encore ainsi dans
nombre de pays. Cependant, dans les pays où la législation ou les clients
exigent de nouvelles procédures, les critères relatifs à l’environnement
doivent être respectés au même titre que les critères économiques,
sociaux et technologiques traditionnels.
Une ((analyse de l’impact sur l’environnement o est l’étude des
modifications de l’environnement qui peuvent résulter d’un projet envi-
sagé. L’élaboration d’une étude de l’impact sur l’environnement
incombe à une équipe interdisciplinaire composée d’ingénieurs de l’envi-
ronnement, de biologistes, d’écologistes, de chimistes, de sociologues,
d’économistes, de planificateurs, d’architectes, et de tout autre spécialiste
dont l’apport peut être utile.
Cette étude est un document destiné à mettre en lumière, sans rien
omettre, toutes les répercussions importantes sur la qualité de l’environ-
nement humain. Elle est normalement communiquée aux organismes et
aux particuliers intéressés. Il convient d’encourager la participation de la
population au moyen de débats publics ; il arrive souvent que des
modifications soient apportées au projet pour répondre aux préoccupa-
tions du public.
Une étude de l’impact sur l’environnement contient en général les
éléments suivants : a) exposé du projet envisagé; b) rapport du projet
envisagé avec les plans, politiques et règlements divers relatifs a l’utilisa-
tion des terres dans la zone considérée; c) impact probable du projet sur
l’environnement de la zone, tant à court terme qu’à long terme, en parti-
culier sur les ressources en eau et en air, l’utilisation des terres, l’écologie
terrestre et l’infrastructure sociale et économique; d) toutes les inciden-
ces nuisibles à l’environnement qu’il est possible d’éviter; e) les autres
solutions possibles et leurs incidences ; fi tout engagement permanent de
Le génie environnemental: enseignement et pratique 97

ressources exigé par le projet; g) les mesures proposées afin d’atténuer


les incidences nuisibles à l’environnement; h) les conséquences secondai-
res ou indirectes des incidences primaires, telles que les migrations de
populations dues à un accroissement du potentiel d’emploi qui, a leur
tour, exerceront une pression accrue sur les services de la région : appro-
visionnement en eau, écoles, protection contre l’incendie, protection poli-
cière et autres activités sociales et économiques.

Études relatives à la gestion de l’eau et des eaux usées. Une étude relative
à la gestion de l’eau et des eaux usées vise a mettre au point un système
optimal d’approvisionnement en eau, d’utilisation et de réutilisation de
l’eau, de traitement et d’évacuation des eaux usées. L’eau traitée doit
répondre aux exigences qualitatives et quantitatives des utilisateurs aux-
quels elle est destinée. Les eaux usées traitées sortant de l’usine doivent
respecter les critères relatifs aux effluents et les normes concernant la
qualité de l’eau où elles sont déversées. Dans les deux cas, donc, le
traitement dépendra des exigences de qualité et non de normes absolues
qui peuvent entraîner des dépenses inutiles.
L’ingénieur de l’environnement joue le rôle principal dans ces études
et il fait appel, au besoin, à des spécialistes de la mécanique et des
processus industriels ayant l’expérience des opérations et processus
divers qui interviennent dans le projet. Ces études comprennent en géné-
ral les tâches suivantes.
1. Établissement de graphiques de circulation de masse concernant
l’utilisation des eaux et de production d’eaux usées. Tout système
utilisant de l’eau ou donnant naissance à des eaux usées doit être
identifié. Il convient de déterminer les quantités moyennes, maxima-
les et minimales, d’eaux et d’eaux usées.
2. L’identification des systèmes de traitement permettant de produire
des effluents respectant les critères relatifs aux effluents et à la qualité
de l’eau. L’étude d’autres modes de traitement, y compris les possibi-
lités de réutilisation des eaux ou de réduction du volume des déchets
en mélangeant deux sources de déchets (ou plus) en vue de neutrali-
ser certains polluants.
3. La sélection du mode de traitement le plus rentable et le plus accep-
table du point de vue de l’environnement. Il convient de déterminer
le capital de départ ainsi que les coûts de fonctionnement et d’entre-
tien de chaque type de traitement. La fiabilité du système et ses
capacités d’adaptation aux variations des caractéristiques des eaux
affluentes doivent également être prises en considération au moment
du choix.

Techniques de récupération des déchets solides et des ressources. Les


aspects techniques traditionnels de la gestion des déchets solides sont la

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98 H. M. El-Baroudi, Dev R. Sachdev, A. Hamouda

détermination des quantités, la composition et les méthodes de stockage


à la source, la conception des systèmes de collecte et de manipulation et
l’évacuation finale sur terre, avec ou sans réduction de volume, par
divers moyens.
Les règlements concernant la santé publique et les exigences de l’en-
vironnement peuvent régir chaque phase de la manipulation des déchets
solides. Pour des raisons économiques, de nombreux pays ont adopté
diverses méthodes permettant de récupérer certaines matières contenues
dans les déchets solides et d’en tirer de l’énergie. Ces opérations de
récupération sont notamment les suivantes : triage et récupération à la
source ; transformation des déchets organiques en compost; production
de pâte à partir des déchets de papier; production de gaz combustible
par fermentation anaérobie ; utilisation de la chaleur dégagée par l’inci-
nération des ordures.
Tout récemment encore, les opérations de ce genre étaient rarement
effectuées aux États-Unis, alors qu’elles donnaient de bons résultats en
Europe, au Japon, en Inde et dans d’autres pays. Au cours de la dernière
décennie, cependant, divers facteurs ont contribué à l’élaboration de la
nouvelle technologie de la récupération des ressources. Ils comprennent
l’augmentation rapide du coût de l’énergie, la sévère réglementation con-
cernant l’élimination définitive des déchets et la naissance d’une nouvelle
conscience de la nécessité de protéger la nature et d’une éthique de
l’environnement s’opposant au gaspillage des ressources pour des raisons
générales. La récupération des ressources, aux États-Unis, se développe
grâce à la création d’installations centrales où les déchets solides sont
déchiquetés et triés, ainsi qu’à l’emploi de divers procédés de transfor-
mation.
L’objectif de la gestion des déchets solides est donc passé de la simple
élimination à la récupération de l’énergie et de certaines matières, ce qui
soulève des problèmes très complexes du point de vue technique et insti-
tutionnel. On admet généralement que l’utilisation d’une technologie
complexe exige la participation d’entreprises privées qui assurent le fonc-
tionnement des installations ou en sont propriétaires. Cet emploi des
techniques de récupération exige d’importants investissements qui sont
financés sur la base de contrats avec les producteurs de déchets et les
acheteurs d’énergie et de matériaux récupérés. Dans ces activités, l’ingé-
nieur de l’environnement fait partie d’une importante équipe compre-
nant d’autres ingénieurs, des planificateurs, des courtiers en investisse-
ments, des économistes, des juristes, des hommes politiques, deslspécia-
listes des études de marché et des administrateurs de contrats. L’ingé-
nieur de l’environnement intervient surtout dans la conduite d’enquêtes
sur les déchets solides, la mise au point et l’évacuation des systèmes de
collecte, de transfert, de récupération et d’évacuation et le choix du sys-
tème théoriquement le plus efficace par rapport au coût.
Le génie environnemental: enseignement et pratique 99

Lutte contre la pollution atmosphérique. Divers procédés industriels, les


centrales électriques, les incinérateurs de déchets solides ou de boues
émettent des matières polluantes, telles que particules en suspension
dans l’air, anhydride sulfureux, oxydes d’azote, oxyde de carbone et
autres émissions gazeuses, selon les éléments constitutifs des matières
premières traitées. Les réglementations fédérales, locales ou des États
concernant le contrôle de la qualité de l’air spécifient les concentrations
de polluants autorisées dans les émissions gazeuses. Ces critères sont
établis en vue de protéger la santé et le bien-être de la population, ainsi
que de maintenir une qualité souhaitable de l’air ambiant.
L’ingénieur de l’environnement joue un rôle important dans la lutte
contre la pollution atmosphérique et, avec le concours d’autres spécialis-
tes (chimistes, ingénieurs industriels, etc.), il s’acquitte des fonctions sui-
vantes : a) identification des polluants et mesure de leur concentration
dans l’atmosphère; b) évaluation de l’impact de ces polluants; c) évalua-
tion de diverses techniques de contrôle et recommandation de celle qui
semble la plus efficace par rapport au coût et la plus acceptable du point
de vue de l’environnement.

Proposition d’organisation fonctionnelle


Ayant passé en revue l’expérience acquise en ce qui concerne l’enseigne-
ment et la pratique du génie de l’environnement et leurs caractéristiques,
le moment est venu pour nous de proposer des principes directeurs pour
l’avenir. Ce domaine a connu récemment une évolution rapide en
réponse à la crise de la pollution de l’environnement. Des progrès consi-
dérables ont été réalisés en peu de temps, mais une base est nécessaire
pour planifier l’évolution future. Le plan proposé se fonde sur trois
hypothèses.
1. L’ingénieur de l’environnement collabore avec d’autres ingénieurs
dont les travaux provoquent son intervention. Sa préoccupation pri-
mordiale est de concilier les aspirations contradictoires au confort et
au progrès matériels, tout en préservant les ressources naturelles et la
qualité de l’environnement.
2. Les problèmes de l’environnement varient en fonction du temps et
du lieu. Il est donc proposé que les activités de l’ingénieur de l’envi-
ronnement soient orientées en fonction des clients plutôt qu’en fonc-
tion des problèmes tels que pollution atmosphérique, déchets solides,
par exemple.
3. La formation et l’expérience de l’ingénieur de l’environnement doi-
vent également refléter les responsabilités et les intérêts des diverses
catégories de clients. La compréhension étroite et la confiance mu-
tuelle qui constituent la base de toute bonne pratique professionnelle
ne pourront s’épanouir que si les compétences des ingénieurs de
l’environnement répondent aux besoins des sous-groupes de clients.
100 H. M. El-Baroudi, Dev R. Sachdev, A. Hamouda

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Environnement . .
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. Systèmes . Air. Eau. Ressources en .’ Évacuation ’
. . matières premières et .
environnementaux . et contr6le A.
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forêts, . . .
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. matières plasti- L *. . ..e industriels .* .
. industrielle .
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. des eaux et . .
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accessoires, auto-
mobiles, embal- . .
lages, produits . .
- alimentaires, . . .
- . . .construction . ’ .
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ou municipales .
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.
.
. le commerce, le loge- l. en eau et *.
. ment, les institutions, . élimination .
. Santé l
.
: publique . les services publics, les ‘. des déchets .
. . . .
. . activités récréatives et .
. 5 . les transports . 6 :
. .
. . l. .
-0. .- . .
:
.
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l * . . ..-

FIG. 3. Les problémes qui se posent au génie environnemental dans le cadre des activitks
humaines.
Le génie environnemental: enseignement et pratique 101

La figure 3 présente la proposition et reflète ces hypothèses. A l’extérieur


de la figure, on a placé six domaines de compétence. Les deux premiers
concernent la recherche, le contrôle et la prospective. Les disciplines
pertinentes relèvent des sciences pures et appliquées; lorsqu’elles sont
réunies en vue de la formation professionnelle, on peut les appeler
o sciences de l’environnement O.
Les industries figurant au centre de la figure ont été divisées en trois
catégories : industries extractives, de base et de transformation. Liés
directement à celles-ci, et les servant, on trouve les domaines de l’hygiène
industrielle (qui protège le travailleur au sein de l’industrie) et du traite-
ment des eaux et des déchets (qui protège et sert le citoyen en dehors de
l’industrie). Ces domaines constituent ce que nous appelons le ((génie
environnemental dans l’industrie O.
Dans le bas du tableau sont placées les collectivités urbaines ou
municipales, petites et grandes. Les problèmes qui se posent ici sont ceux
de l’approvisionnement en eau et de l’évacuation des déchets, ainsi que
les problèmes généraux de la santé publique qui sont du ressort de
l’ingénieur de l’environnement et d’autres catégories de spécialistes. Ces
deux domaines de compétence constituent ce que nous appelons ((génie
environnemental à l’échelon municipal H.
Il est inutile de souligner a quel point ces divers problèmes relevant
du génie environnemental empiètent l’un sur l’autre. Les flèches de la
figure illustrent quelques-unes de ces répercussions et l’importance d’une
large formation et d’une intercommunication efficace dans l’ensemble de
la vie professionnelle.
La figure 4 fait ressortir la structure professionnelle qui découle de la
figure 3. L’importance des sciences de l’environnement réside dans le fait
que non seulement elles agissent directement dans l’approche des pro-
blèmes de l’environnement à un niveau très général, mais encore qu’elles
constituent le fondement des connaissances appliquées dans les deux
autres domaines et par leur intermédiaire.

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FIG. 4. Les trois domaines propos% du génie environnemental.

_.-- ._-__-.
102 H. M. El-Baroud& Dev R. Sachdev, A. Hamouda

TABLEAU 2. Proposition de rkorganisation du champ d’action du genie environnemental

Domaines du gtie environnemental


Sciences de l’environnement Gtie environnementai Ghie ewiromemental a
dans l’industrie l’kchelon municipal

Connaissances Sciences Génie chimique Genie civil


de base
des étudiants

Départements Departement des Département du Departement du génie


concernés sciences, génie chimique civil
département des
sciences de
I’ingénieur ou centre
interdisciplinaire

Grade Licence, maîtrise, Maîtrise, doctorat Maîtrise, doctorat


universitaire visé doctorat

Préparation de Biologie de l’environnement (écologie). Développement et utilisation


base commune des ressources. Paramètres de la qualité de l’environnement
Analyse de l’impact sur l’environnement

Compétences Effets biologiques de Hygiéne industrielle. Techniques de la


principales la pollution. Lutte contre la santé publique.
Organisation de la pollution Traitement et
lutte contre la industrielle. évacuation des eaux.
pollution. Analyse Technologie de la Evacuation des
en vue de la lutte récupération des déchets municipaux.
contre la pollution. ressources. Lutte contre la
Etablissement de Traitement des eaux pollution
modèles destinées a atmosphérique.
d’écosystèmes l’industrie.

Employeur Gouvernement Industries, Gouvernements des


principal fédéral, organismes de États, autorités locales,
gouvernement des consultation organismes de
Etats, organismes de consultation
consultation

Le tableau 2 développe et présente sous une forme plus détaillée le


concept des trois domaines. Chose plus importante encore, il donne des
indications sur la préparation des étudiants du premier cycle à ces
domaines en ce qui concerne les études de base communes, les départe-
ments concernés et les compétences principales des spécialistes de cha-
que domaine. De plus, compte tenu du principe de l’orientation en fonc-
tion des clients, il rattache chaque domaine aux groupes d’employeurs
dont il servira les intérêts.
La réorganisation proposée dans la présente étude sera peut-être
mise en œuvre - en tant que mesure délibérée - dans un pays ou dans
Le génie environnemental: enseignement et pratique 103

un autre, sur l’initiative du gouvernement ou d’organismes profession-


nels. Il faut reconnaître que, dans de nombreux pays, une intervention
de cette nature est hors de question, pour des motifs juridiques ou en
raison de traditions administratives. Il se peut, néanmoins, que des chan-
gements interviennent, ici ou là, parce que les groupements profession-
nels sont soumis, comme tous les organismes, aux impératifs de l’évolu-
tion, de l’adaptation et de la survie. D’autre part, une prise de conscience
des évolutions conceptuelles facilite le processus de changement. Si la
présente étude a contribué dans une certaine mesure à rendre les ingé-
nieurs de l’environnement plus conscients de ce qu’est leur profession et
des perspectives qui s’offrent à elle, l’objectif que ses auteurs s’étaient
fixé aura été atteint.

Rkfbrences
AMERICAN ACADEMY OF ENVIRONMENTAL ENGINEERS (AAEE) et AssocIAnoN OF
ENVIRONMENTALENGINEERINGPROFESSORS (AEEP). 1973. Proceedings of the Third
National EnvironmentaI Engineering Conference. Philadelphia, Pa. Drexel LJniversi,ty.
ENVIRONMENTAL ENGINEERING INTERSOCIETY BOARD (EEIB) et AMERICAN
ASSOCIATION OF PROFESSORS IN SANITARY ENGINEERING (AAPSE). 1967.
Report on the Second National Conference on Environmental and Sanitary Engineering
Graduate Education. Evanston, Ill., Northwestem University.
K LOSKY, Jane C. (dir. publ.), 1974. Register of Environmental Engineering Graduate Pro-
grams. Sous le parrainage de l’Association of Environmental Engineering Professors
et de I’American Academy of Environmental Engineers. (Subventionné part l’U.S.
Environmental Protection Agency.)
MIDDLEBROOKS, E.J. 1975. An Evaluation of Environmental Engineering Education.
Rapport préparé pour le Register Committee of the Association of Environmental
Engineering Professors et 1’American Academy of Environmental Engineers.
KOLB. L.P.; ETTELSTEIN, M. S. 1974. Manpower needs in environmental engineering.
Engineering education, vol. 65, no 3.
OAKLEY, Stewart M. 1978. Managing the environment: who’s in charge? Engineering
issues. Journal of professional activities : Proceedings of the American Society of Civil
Engineers, vol, 104, no EI 4.
~OPEL, F. W. 1965. Assignment report. Assistance to the Sanitary Engineering Research
Center of the University of Alexandria, to the Ministry of Housing and Public Utilities,
and to the Ministry of Scient@ Research. (WHO report no. EM/ES/69 Egypt-38
TA.)

Note
1. EEIB : Environmental Engineering Intersociety Board; AAPSE : American Association of Professors
in Sanitary Engineering; AAEE : American Academy of Environmental Engineers; AEEP : Asso-
ciation of Environmental Engineering Professors (nouveau nom de I’AAPSE depuis 1972).

.
L’organisation du processus:
quelques notions et modèles
David Brancher

Introduction

Il n’est pas rare que les éducateurs, dans leurs descriptions et évaluations
de l’enseignement, fassent une distinction entre (tcontenu )) et Qproces-
sus)k.Par ((contenu b, on entend habituellement l’ensemble des connais-
sances et des compétences que les élèves sont censés acquérir. Le terme
Gprocessus)) désigne en général les activités qui permettent aux élèves
d’acquérir, d’assimiler et d’appliquer ces connaissances et compétences,
qu’ils y soient contraints ou qu’une motivation innée les y incite.
Il n’est pas rare non plus de trouver des professeurs de l’enseigne-
ment supérieur qui attachent plus d’importance au contenu qu’au pro-
cessus. S’ils utilisent la langue anglaise, cette tendance se reflète dans
leur choix des mots. Au lieu de donner au contenu le nom de Gsyllabus ))
(dérivé du grec ancien par l’intermédiaire du latin et signifiant ((liste de
rubrique )j), certains enseignants utilisent le mot ~~curriculum )) . Or,
6 curriculum 0 (mot latin signifiant 6 course 9) évoque à proprement par-
ler l’activité et l’effort, le processus par lequel l’étudiant parcourt le Gsyl-
labus)). La distinction est primordiale, et la tendance des enseignants à
valoriser le ((syllabus )k (ou contenu) en lui conférant le dynamisme du
((curriculum)) (ou processus) a stérilisé maint débat sur l’évolution du
0 curriculum 0.
L’idée selon laquelle il importe plus de cultiver le processus que de
transférer le contenu est sans doute aussi ancienne que Socrate. Elle
signifie que le fruit des recherches faites par les autres a parfois moins
de valeur que la capacité de procéder soi-même à des recherches ; que
l’apprentissage actif est préférable à l’apprentissage passif, parce qu’il est
formateur d’habitudes, ne dépend pas de l’enseignement magistral et
peut donc se poursuivre tout au long de l’existence en tant qu’activité
autonome. Et, cependant, bien que de nombreux éducateurs reconnais-
sent du bout des lèvres l’importance du processus, ils continuent de
préconiser et de décrire des cours en n’utilisant qu’une nomenclature des
connaissances détenues par des enseignants.
106 David Brancher

Cette critique, toute banale qu’elle soit, sert à illustrer un problème


d’organisation universitaire. Car, tout comme le professeur peut considé-
rer que le o curriculum o n’est guère plus qu’une liste de connaissances,
l’organisation universitaire peut n’être guère autre chose pour lui qu’une
liste des personnes qui détiennent ces connaissances. Bien entendu, il se
peut que les fonds disponibles ne permettent pas de recruter immédiate-
ment tous les enseignants. Mais, à mesure que chacun arrive, il est sup-
posé occuper la place qui lui est réservée dans ce magnifique ensemble.
Il n’est peut être pas surprenant qu’une approche aussi formaliste,
largement répandue dans les universités, se rencontre parfois dans les
écoles d’ingénieurs. Dans tous les domaines de l’enseignement supérieur,
elle est surtout nocive dans la formation relative à l’environnement, et
cela pour quatre raisons : a) la formation relative à l’environnement fait
appel à une large gamme de disciplines; b) un niveau d’intégration élevé
est indispensable pour que les connaissances et compétences relevant de
ces disciplines puissent être mises à profit; c) il est nécessaire que cette
intégration soit dynamique et créatrice, à mesure que les spécialistes
apportent des connaissances et des idées nouvelles, et que des problèmes
nouveaux relatifs à l’environnement ainsi que de nouvelles possibilités
d’intervention se présentent dans le monde réel ; d) nombreux sont les
étudiants, voire les professeurs, qui hésitent néanmoins à aborder des
sujets qu’ils considèrent comme non pertinents.

LE o CURRICULUM D CACHe

Examinons ce dernier point plus à fond. Il est normal de constater certai-


nes différences de motivations entre des étudiants diplômés suivant des
cours de génie environnemental (avec toutes leurs ramifications) au
niveau de la maîtrise ou du doctorat et des étudiants du premier cycle
qui suivent des cours d’initiation aux questions d’environnement. Ces
derniers peuvent être, par exemple, de futurs ingénieurs du génie civil
étudiant l’architecture paysagiste, des étudiants en génie chimique sui-
vant des cours sur l’écologie de l’eau douce et de futurs ingénieurs agri-
coles étudiant les effets de certains insecticides. Alors que les étudiants
diplômés ont choisi une branche technique ayant un rapport direct avec
l’environnement, les étudiants du premier cycle sont moins engagés,
voire non engagés du tout. Il se peut qu’ils aient des opinions préconçues
et rigides sur les domaines couverts par les sciences de l’ingénieur et
même que l’obligation de faire des efforts supplémentaires et d’y consa-
crer une partie de leur temps leur déplaise.
Gardons-nous cependant d’être trop catégoriques à cet égard. Des
problèmes de motivation peuvent apparaître à tous les niveaux. Les
études relatives à l’environnement ont de grandes exigences : par exem-
ple, il faut transférer des modèles d’un domaine à un autre, équilibrer les
phénomènes mesurables avec des considérations subjectives, pondérées
L’organisation du processus: quelques notions et modèles 107

par certaines valeurs, et croire sur parole certains enseignements jusqu’à


ce que leur pertinence soit démontrée ultérieurement. L’école doit recon-
naître ces exigences et en tenir compte dans l’élaboration de ses structu-
res si elle veut assurer une formation efficace.
S’il existe des problèmes de motivation parmi les étudiants non diplô-
més, on les trouvera vraisemblablement surtout dans les cas où l’ensei-
gnement est dispensé par des professeurs non ingénieurs. Précisons qu’il
ne s’agit là que d’une probabilité. Les cours de certains professeurs non
ingénieurs qui enseignent des sujets techniques à des étudiants du pre-
mier cycle sont suivis avec beaucoup d’attention par ces derniers et don-
nent lieu à un travail assidu de leur part, alors que des enseignants
ingénieurs se trouvent aux prises avec des problèmes de motivations.
Mais les non-ingénieurs ont un handicap que les sociologues expliquent
en terme d’(( auto-référence )) et de modèles de rôle )k. La plupart des
étudiants qui souhaitent devenir ingénieurs se réfèrent à des gens qui
sont déjà ingénieurs. Ceux-ci deviennent leurs modèles de rôle; les étu-
diants empruntent leurs attitudes et leurs valeurs (ainsi peut-être que
d’autres éléments de leur personnalité) aux ingénieurs qu’ils rencontrent
dans l’école. On peut trouver des tendances analogues dans les écoles
d’architecture et de médecine. C’est un aspect de ce qu’on a appelé le
Qcurriculum caché )). Aucune personne concernée par les études interdis-
ciplinaires ne devrait sous-estimer son effet.
Cela ne signifie pas que le corps enseignant des écoles d’ingénieurs
ne devrait être composé que d’ingénieurs. Elles y perdraient beaucoup.
Nous voulons seulement dire que les dirigeants de l’école, et en fait tous
les ingénieurs de l’école devraient comprendre à quel point il est indis-
pensable de montrer aux étudiants, ouvertement et par des moyens plus
subtils, que les matières qui se situent hors du courant principal des
sciences de l’ingénieur sont importantes et intéressantes et que leurs col-
lègues non ingénieurs peuvent contribuer utilement à leur formation. Ils
peuvent le faire de bien des façons : en enseignant avec les non-ingé-
nieurs, lorsque cela est possible, en discutant du programme complé-
mentaire avec les étudiants, en insistant sur la valeur égale des efforts
faits pour étudier ces matières et des notes obtenues dans ce domaine,
ainsi qu’en évitant de laisser entendre qu’il existe des sujets marginaux
où des normes inférieures seraient tolérées.

L’ENSEIGNANT NON INGÉNIEUR

Le recrutement et la motivation continue des enseignants non ingénieurs


soulèvent des difficultés. Toute la tradition de l’enseignement supérieur
dans de nombreux pays subordonne le statut et la carrière à la spécialisa-
tion. La recherche spécialisée, d’autre part, exige un environnement
favorable à la spécialisation : contacts fréquents avec d’autres spécialis-
tes, certaines ressources en matière de bibliothèques, enseignement

,-_--- .N-
108 David Brancher

donné à des étudiants de niveau avancé et direction de leurs études,


parfois des installations de laboratoire et un équipements spécial.
Dans des établissements qui sont avant tout des écoles d’ingénieurs,
il est rare que de telles conditions soient réunies pour les enseignants non
ingénieurs. Il est rare, également, que ces derniers aient des perspectives
de carrière aussi favorables que celles de leurs collègues ingénieurs. Ce
n’est pas nécessairement parce que les non-ingénieurs sont considérés
comme des enseignants de niveau inférieur ou marginaux, mais c’est
souvent parce que leurs disciplines ne sont pas jugées assez essentielles
pour justifier un poste de professeur titulaire ou de chargé de cours. Le
problème des titres professionnels intervient ici; la présence d’un profes-
seur non ingénieur dans une école d’ingénieurs peut sembler anormale
à certains.
Il se peut néanmoins que le problème soit transitoire et qu’il soit
résolu par une évolution des structures universitaires. L’enseignement de
l’architecture en donne un bon exemple. Dans quelques pays occiden-
taux, cette discipline était, jusqu’à ces derniers temps, enseignée dans des
écoles des beaux-arts, sans aucun lien avec l’enseignement scientifique et
technique. La nécessité d’un enseignement portant sur des problèmes
acoustiques et thermiques s’étant fait sentir, on a recruté des professeurs
de physique. Certains d’entre eux ont eu la sagessede saisir cette occa-
sion ; ils ont renoncé à la perspective d’une carrière universitaire de phy-
sicien et ont consacré leur enseignement et leurs recherches à l’applica-
tion de la physique et des modèles de systèmes aux problèmes théo-
riques et pratiques de la construction. Leur spécialité s’est développée en
même temps que leur expérience et il est maintenant possible de se faire
une situation respectable dans le domaine de la physique architecturale
ou de la construction. Il est aisé de prévoir des possibilités de carrière
analogues dans des branches qui ne relèvent pas des sciences de l’ingé-
nieur et d’où les ingénieurs de l’environnement tirent déjà des informa-
tions et des techniques.
Si de telles possibilités font défaut et si aucune perspective de ce
genre ne semble s’ouvrir aux non-ingénieurs, l’inévitable se produira.
Les enseignants actifs et ambitieux se serviront de l’éducation relative à
l’environnement comme d’un marchepied et reviendront a leur spécialité
d’origine à la première occasion. Seuls les moins capables resteront et les
chances d’un enseignement et d’une recherche interdisciplinaires créa-
teurs s’éloigneront.

RECHERCHE

Dans l’ensemble de l’enseignement supérieur, et en particulier dans les


domaines de la formation professionnelle et des sciences ((appliquées)),
le terme (crecherche o semble être utilisé de façon vague pour désigner
une gamme d’activites reconnues. Il peut recouvrir bien entendu des
L’organisation du processus: quelques notions et modèles 109

travaux théoriques ou expérimentaux originaux, qui seront publiés dans


des revues savantes faisant autorité. Il peut aussi s’appliquer à des
réflexions et commentaires systématiques, ayant trait parfois à des ques-
tions professionnelles et de politique générale, qui paraissent dans des
périodiques destinés à des lecteurs moins spécialisés. D’autre part, on
admet habituellement que les professeurs d’université peuvent avoir à
consacrer une partie de leur temps de recherche à des lectures et consul-
tations qui leur permettront d’enseigner de nouveaux sujets ou de diriger
des recherches qui ne se situent pas dans le cadre de leur expérience
antérieure. Ces activités peuvent donner naissance à des développements
originaux de grande valeur, lorsque des connaissances et des techniques
sont transférées d’un domaine à un autre, ce qui apporte de nouveaux
aperçus et ouvre de nouvelles perspectives à la pratique professionnelle.
L’emploi du terme Grecherche o est justifié dans ce cas et on peut l’appli-
quer de façon encore plus floue à des activités extérieures à l’université
exercice de fonctions de consultant auprès d’organismes officiels et d’en-
treprises, participation bénévole à de nombreux types de comités consul-
tatifs et de conseils de recherche.
Dans l’enseignement supérieur en général, nous l’avons déjà signalé,
c’est la recherche pure et la publication dans des revues savantes qui
apportent les récompenses et le prestige les plus grands (et le terme
o récompense o peut s’appliquer à bien des choses, depuis la titularisation
initiale jusqu’à l’obtention d’une chaire d’université). Il existe deux rai-
sons de contester ce système. L’une est que l’intérêt pour la recherche
pure de certains universitaires, d’une intelligence et d’une compétence
élevées, faiblit à une certaine étape de leur carrière. Il en est à qui les
activités de recherche ne conviennent vraiment à aucun moment et qui
ont des qualités mieux adaptées à quelques-unes des autres tâches que
nous avons mentionnées.
La seconde raison de mettre en doute la priorité traditionnelle se
trouve au cœur de nombreux problèmes et questions touchant a l’envi-
ronnement et à l’enseignement correspondant. Employer le mot ((envi-
ronnement o signifie qu’on reconnaît l’existence de certaines valeurs et
des préoccupations qu’elles suscitent. C’est, d’autre part, manifester de
l’intérêt pour ce qu’un économiste appelle les ((choses extérieures H et
pour les relations entre tout système et tout ce qui peut être changé et
causer des changements autour de lui. Ces relations peuvent être d’ordre
physique, biologique, esthétique, social, économique, commercial, psy-
chologique, politique. Il s’ensuit que, lorsque la responsabilité de l’amé-
lioration de l’environnement ou de l’enseignement relatif à l’environne-
ment incombe à un groupe de représentants de plusieurs disciplines, ils
doivent être prêts à utiliser les connaissances et les concepts de toutes les
spécialités qu’ils représentent.
Il est peu probable que la recherche spécialiste puisse aboutir à ce
résultat ; en réalité, elle risque de le compromettre. Emmelin (1975) conteste
110 David Brancher

((le postulat selon lequel la recherche donne aux scientifiques une con-
naissance approfondie dans un domaine assez étendu. La spécialisation
nécessaire... peut exiger beaucoup de temps, au point d’interdire les vas-
tes lectures auxquelles doit se livrer l’enseignant chargé d’un programme
général consacré à l’environnement )). Il faut également contester un
autre postulat. L’idée que la recherche universitaire de type traditionnel
est indispensable pour bien enseigner et que les chercheurs actifs font
d’excellents professeurs figure parmi les articles de foi des universités.
Or, comme Flood-Page (1972) l’a fait remarquer, rien ne vient étayer
cette opinion largement répandue. En réalité, son existence, que la
recherche ne justifie pas, est un déni des valeurs universitaires. Voeks
(1962) a mené à l’Université de Washington une enquête qui a porté sur
deux échantillons de 405 et 103 enseignants respectivement, appartenant
à 28 départements ; elle a conclu qu’(cil n’existe absolument aucun lien
visible)) entre la recherche et l’efficacité de l’enseignement. Plus récem-
ment, Gafni et Waks (1978) ont étudié la situation à Technion. Après
avoir passé en revue les résultats des recherches effectuées par 250 pro-
fesseurs et 16 599 questionnaires contenant les appréciations des étu-
diants sur l’efficacité de l’enseignement, ils sont parvenus à la conclusion
suivante : QL’important coefficient négaitf de corrélation entre l’ensei-
gnement et la recherche obtenu en groupant les professeurs hiérarchi-
quement et par faculté montre que, en moyenne, les résultats obtenus en
matière de recherche et d’enseignement sont plutôt opposés.))
L’intégration des connaissances est difficile à réaliser chez des gens
qui ont été conditionnés par des études spécialisées dans une seule disci-
pline. Elle exige une culture de l’apprentissage, un environnement social
où la curiosité, l’échange de connaissances, la stimulation intellectuelle,
les discussions animées sont choses courantes. Autrement dit, il s’agit de
créer, chez les enseignants et les chercheurs, une culture qui soit un
modèle de l’atmosphère que les meilleurs éducateurs s’efforcent de faire
naître chez les étudiants du premier cycle qui suivent des cours sur
l’environnement et le génie environnemental. L’établissement d’une telle
culture et sa défense contre les forces de la spécialisation sont les tâches
primordiales de l’administration universitaire.
Les résultats tangibles d’une stimulation de l’apprentissage interdisci-
plinaire peuvent revêtir plusieurs formes : a) nouveaux exercices et étu-
des de cas pour les étudiants; b) jeux, simulations et interprétations de
rôles; c) exercices de conception demandant un contrôle interdiscipli-
naire ; d) études sur le terrain rassemblant des étudiants qui suivent ditTé-
rents programmes du premier cycle ; e) idées concernant des recherches
sur certains problèmes et mesures destinées à développer les contacts
entre universitaires et praticiens.
Les systèmes universitaires ont une grande force d’inertie, pour diver-
ses raisons. Il n’est pas facile de modifier les orientations, d’introduire
des priorités nouvelles. Par conséquent, les doyens, les directeurs de
L’organisation du processus: quelques notions et modèles 111

département, les administrateurs de haut rang qui veulent développer


l’enseignement et la recherche interdisciplinaires et leur donner la pré-
séance sur les spécialisations traditionnelles devront fournir des explica-
tions particulièrement précises à leurs collègues anciens et nouveaux. Il
est encore plus important que leurs décisions - en matière de titularisa-
tion et d’avancement, par exemple - viennent appuyer leurs propos. Les
0 actes parlent plus fort que les mots 0.
Il nous reste à traiter un dernier point. On reproche habituellement
aux ingénieurs d’ignorer les domaines universitaires extérieurs à leurs
spécialité. Ces critiques sont parfois justifiées. Mais les non-ingénieurs
semblent avoir souvent tendance à penser que 1’~interdisciplinarité ))
implique que seuls les ingénieurs doivent s’efforcer d’élargir leurs pers-
pectives. Il est probablement équitable de dire que le succès de l’ensei-
gnement et de la recherche interdisciplinaires dans le domaine du génie
environnemental dépend dans une large mesure de la capacité des non-
ingénieurs à apprendre quelques-uns des éléments essentiels de la théo-
rie et de la pratique des sciences de l’ingénieur. C’est une disposition qui
doit retenir l’attention des administrateurs dans le choix des non-ingé-
nieurs, mais ils devront aussi s’assurer que leurs collègues ingénieurs y
feront écho.

CRITÈRES DIVERS

Compte tenu des réflexions ci-dessus, nous allons exposer quelques critè-
res permettant d’apprécier l’organisation et la direction d’une école d’in-
génieurs qui s’occupe d’enseignement et de formation en matière d’envi-
ronnement. Certains de ces critères s’appliquent aux structures et nous
étudierons plus loin quelques modèles ; d’autres ont trait à la qualité :
style de la direction, attitudes du personnel, aspirations des étudiants.
Les deux influences, bien entendu, se combinent. Mais, alors que
l’établissement d’une structure particulière peut influer sur la qualité, ce
qu’elle fait d’ailleurs, en général, il est rare que des personnes de grande
valeur puissent surmonter les inconvénients d’une structure universitaire
qui s’oppose de façon fondamentale au développement de l’enseigne-
ment et de la recherche interdisciplinaires. Les questions qu’il convient
de se poser sont notamment les suivantes :
1. L’organisation de l’école et des cours conduit-elle les élèves à recon-
naître que les sujets relatifs à l’environnement font partie de leur
((domaine )) et peuvent avoir des répercussions sur leur futur rôle
d’ingénieurs ?
2. Le système permet-il aux étudiants d’avoir des contacts spontanés
avec les spécialistes de l’environnement non ingénieurs et stimule-t-il
l’utilisation des ressources éducatives?
3. Les professeurs ingénieurs sont-ils recrutés par l’école, au moins par-
tiellement, en raison de l’intérêt qu’ils portent à l’environnement?,
112 David Brancher

Sont-ils amenés à s’y intéresser par des activités communes avec des
collègues non ingénieurs?
Les membres non ingénieurs du personnel sont-ils recrutés partielle-
ment en fonction de leur intérêt pour les sciences de l’ingénieur?
Leur offre-t-on des possibilités d’accomplissement personnel et des
perspectives d’avancement égales a celles de leurs collègues ingé-
nieurs? Les promesses sont-elles tenues, et de manière tangible?
Les structures de l’école et l’emploi du temps en vigueur imposent-ils
aux enseignants de se consacrer en priorité à des activités interdisci-
plinaires? Ces activités sont-elles programmées de façon à maintenir
une impulsion continue? (On peut évoquer ici les séminaires inter-
disciplinaires que chaque enseignant doit organiser avec la participa-
tion de tous les collègues, à des dates fixes ; les études de cas ou les
simulations à rédiger et à mettre à l’essai avec les étudiants à une
date convenue; l’engagement pris par un enseignant de consacrer le
temps dont il dispose pendant une période donnée à l’étude d’une
discipline complémentaire de la sienne, pour répondre à un nouveau
besoin en matière d’enseignement.)
La contribution de chaque membre du personnel aux études interdis-
ciplinaires dans l’école est-elle consignée dans son dossier afin qu’il
en soit tenu compte de préférence à la recherche spécialisée et aux
publications?
Fait-elle l’objet d’une discussion constructive avec chaque membre,
par exemple une fois par an?
L’organisation de l’école et sesméthodes sont-elles assezsouples pour
pouvoir être modifiées lorsque des erreurs sont constatées et que de
nouvelles mesures s’imposent?

Quelques modbles

En fonction des critères ci-dessus, examinons maintenant quelques


modèles d’organisation universitaires. Ils sont tirés de l’observation
directe d’une gamme d’institutions que, toutefois, nous ne nommerons
pas et ce, pour deux raisons. La première est que, comme avec tous les
modèles, on a simplifié la réalité afur de faire mieux ressortir les éléments
essentiels. Si l’on nommait les institutions, il faudrait entrer dans des
détails inutiles et signaler les changements intervenus depuis. La seconde
raison est que certaines personnes risqueraient de se formaliser de ce
qu’elles prendraient pour des critiques, bien que nous ayons eu l’inten-
tion de formuler des commentaires constructifs. Il convient donc de con-
sidérer les modèles comme des ((graphiques verbaux)) dans lesquels le
lecteur peut projeter sa propre expérience. Chaque modèle décrit un
type d’organisation conçu en vue de l’enseignement relatif à l’environne-
L’organisation du processus: quelques notions et modèles 113

ment. Le titre donné à chaque modèle n’est qu’une étiquette qui pourra
être utilisée dans des commentaires ultérieurs.

ENSEIGNEMENT SPÉCIAL

Ce système se rencontre en général dans l’enseignement supérieur où des


départements spécialisés, ayant leurs propres programmes de prépara-
tion à des grades universitaires, offrent des cours ou des séries de confé-
rences à des étudiants d’autres départements. Le contenu de ces cours
peut être emprunté, sans modification, au programme normal que sui-
vent les étudiants du département concerné ou bien il peut être spéciale-
ment conçu en vue de répondre aux besoins des étudiants ou aux voeux
du personnel du département bénéficiaire. On trouve également ce
genre d’enseignement dans chaque université et il n’est donc pas néces-
saire d’entrer dans les détails.
Ce type d’arrangement présente plusieurs avantages, dont certains
sont une question de commodité. Il est généralement peu coûteux, ne
nécessite pas de nominations spéciales et peut s’utiliser parfois pour
absorber la capacité excédentaire du département qui apporte son aide.
Il est relativement souple parce que de nouvelles dispositions peuvent
être prises chaque année, ce qui entraîne un manque de continuité. C’est
ainsi que l’enseignant qui assure ce service une année (et qui apprend
peut-être à mieux s’acquitter de cette tâche d’enseignement souvent diffi-
cile) peut être remplacé par un collègue l’année suivante. Dans les cas
ordinaires, l’enseignant poursuit ses recherches spécialisées au sein de
son département et reste, bien entendu, en contact avec les autres spécia-
listes de sa discipline.
D’autre part, ce système en soi ne favorise pas la recherche interdisci-
plinaire ; il ne fournit pas aux étudiants de deux disciplines des occasions
de travailler ensemble sur des problèmes communs et il renforce chez le
futur ingénieur ce qui pourrait être une attitude de rejet a l’égard des
sujets qui ne font pas partie, selon lui, des ((vraies b sciences de l’ingé-
nieur. Même si des mesures sont prises pour que l’enseignement spécial
entre dans le cadre des sciences de l’ingénieur, rien ne garantit que les
enseignants qui assurent ce service seront obligés de respecter ces ins-
tructions. Au contraire, la situation stable dont ils bénéficient dans un
département spécialisé sans lien avec les sciences de l’ingénieur et les
stimulants qu’ils trouvent dans ce département peuvent les inciter à atta-
cher moins d’importance à l’enseignement spécial qu’à leurs autres acti-
vités.
DÉPARTEMENT SPECIAL

La création d’un tel département est une extension de la formule précé-


dente; il fonctionne dans le cadre d’une faculté, n’a pas d’étudiants du
114 David Brancher

premier cycle et a pour rôle essentiel de fournir un enseignement spécial


à d’autres départements. Ce système se rencontre couramment dans
quelques grandes universités techniques, où des départements de mathé-
matiques et de physique peuvent exister dans des facultés des sciences de
l’ingénieur, uniquement pour répondre aux besoins des élèves ingénieurs
du premier cycle. Dans certains cas, un seul département a été créé en
vue d’offrir à ces mêmes étudiants une large variété de cours dans des
matières telles que sciences de l’environnement, psychologie industrielle,
gestion, droit et économie.
L’enseignement spécial étant l’objectif fondamental d’un tel départe-
ment, et en raison de sa proximité matérielle et de rapports plus étroits
entre les enseignants, les chances d’intégration sont plus fortes que là où
l’enseignement est assuré par un département extérieur ayant ses étu-
diants du premier cycle et son programme de recherches.
Plusieurs inconvénients subsistent cependant ; il se peut, par exemple,
que les professeurs d’un département de ce type ne jouissent pas d’un
très haut prestige aux yeux de certains étudiants, voire de certains collè-
gues ingénieurs. Chose plus grave, ils peuvent se sentir insuffisamment
appréciés par les représentants de leur discipline dans l’enseignement
supérieur en général, avoir l’impression d’être des universitaires de caté-
gorie inférieure et considérer qu’ils devraient dès que possible se faire
nommer dans des départements spécialisés dans leur discipline qui leur
offriraient des perspectives de carrière meilleures, ou du moins plus con-
formes à la tradition. D’autre part, la réunion de tels enseignants peut,
dans des circonstances favorables et s’ils sont bien dirigés, permettre des
activités d’enseignement et de recherche interdisciplinaires créatrices et
constituer une source d’inspiration pour leurs étudiants et leurs collè-
gues. Il convient, naturellement, de veiller à ce que le nombre des profes-
seurs principaux de ce département spécial soit comparable à celui dont
disposent les départements des sciences de l’ingénieur.

ENSEIGNANT ATTACHÉ A UN DÉPARTEMENT

Il s’agit d’un arrangement selon lequel un ou deux non-ingénieurs sont


attachés à un département des sciences de l’ingénieur pour y dispenser
un enseignement situé en dehors de la formation traditionnelle des ingé-
nieurs. Chacun d’eux doit donner des cours spéciaux ou participer à des
cours interdisciplinaires s’il y a lieu. En général, les moyens spéciaux de
recherche font défaut, et les enseignants ont rarement l’occasion de diri-
ger les recherches d’étudiants diplômés.
Encore plus que dans le cas des deux premiers modèles, le succès ou
l’échec dépendent de la qualité des enseignants. Il se peut qu’un profes-
seur extrêmement compétent suscite un intérêt pour l’environnement au
sein d’un département des sciences de l’ingénieur, y obtienne une posi-
tion particulière et se livre même à d’importantes recherches. Il faut dire,
L’organisation du processus: quelques notions et modèles 115

cependant, que les chances de succès sont minces et que, selon toute
probabilité, notre enseignant trouvera un poste plus prometteur.
RÉSEAU D’ENSEIGNANTS GROUPÉS DANS UN DÉPARTEMENT

C’est un système peu courant selon lequel un certain nombre d’ensei-


gnants qui appartiennent à la catégorie décrite ci-dessus sont groupés
dans une sorte de département. Ils peuvent être appelés, au gré des
circonstances, à échanger des cours ou à enseigner conjointement pour
répondre à des besoins spéciaux.
Il est clair qu’un tel groupement apporte un soutien psychologique à
ces enseignants et leur permet d’avoir pour porte-parole un collègue
chevronné qui veillera à leurs intérêts au sein de l’organisation universi-
taire. En revanche, leur appartenance à ce groupe risque de les faire
considérer comme marginaux dans les départements où ils enseignent.

PROJET DE RECHERCHE INTERDCPARTEMENTAL


(OU INTERFACULTBS)

Le collège universitaire ou l’université établit un programme permanent


de recherche et de consultation dans un domaine d’étude distinct, ou (ce
qui présente davantage d’intérêt) concernant un environnement local qui
pose une série de problèmes scientifiques, de planification et de gestion.
Il peut s’agir d’un fleuve, d’un lac ou d’un estuaire, d’une zone urbaine
en déclin ou d’un programme d’extraction de minerai. L’environnement
en question devient un centre d’intérêt tant matériel qu’intellectuel pour
les étudiants du premier cycle qui sont invités à participer au programme
en suivant des cours préparatoires interdépartementaux et en se livrant
à des études sur le terrain, ainsi que pour les enseignants qui entrepren-
nent des activités de recherche et de consultation axées sur certains pro-
blèmes.
Il importe que le projet présente une grande variété d’aspects, de
sorte que des spécialistes de nombreuses disciplines puissent y participer
et travailler en liaison avec leurs collègues. 11importe également qu’il
soit d’assez longue durée : quatre ou cinq ans semblent un minimum. Il
est nécessaire qu’il en soit ainsi afin que l’expérience tirée des cours
destinés à des étudiants du premier cycle puisse servir à renforcer I’effica-
cité de cet enseignement dans les années à venir et que les contacts non
officiels entre les enseignants puissent aboutir à une collaboration
officielle ; afin aussi d’attirer en tant que conseillers et critiques des
experts étrangers à l’université pour donner une impulsion à l’ensemble
du programme, pour s’assurer le concours financier des services et orga-
nismes gouvernementaux intéressés et obtenir d’eux des contrats, et,
d’une façon générale, pour améliorer la position de l’enseignement rela-
tif à l’environnement au sein de l’université.
116 David Brancher

Ce modèle ne soulève guère d’abjections. Son coût est modeste ; en


fait, il se peut qu’aucune dépense supplémentaire n’en résulte, si ce n’est
la rémunération d’un coordonnateur chargé de veiller à ce que la coopé-
ration entre départements se manifeste chaque fois que l’occasion se
présente, de poursuivre l’expérience d’une année sur l’autre et de repré-
senter le projet à l’extérieur de l’université.

PROGRAMME DE PARTICIPATION A LA RECHERCHE

Dans ce système, une partie du temps des étudiants du premier cycle, en


principe pendant leurs dernières années d’étude, est consacrée à des
activités de recherche et de consultation à l’intérieur ou à l’extérieur de
l’université; le statut du cours est accordé à ces travaux. L’unité respon-
sable du programme recueille et négocie des offres de participation éma-
nant de professeurs et d’équipes de recherche au sein de l’université,
ainsi que de départements municipaux, d’agences de protection de l’en-
vironnement, de groupes d’intérêt spéciaux et d’organismes de recherche
extérieurs à l’université. Les offres sont classées,brièvement décrites et
portées à la connaissance des étudiants au moment de faire leur choix et
de formuler leurs demandes. Des unités de valeur sont attribuées aux
étudiants pour le travail exécuté. Les étudiants et leurs ((employeurs))
font un rapport à l’unité responsable du programme à expiration de leur
engagement.
Voici quelques exemples de cette participation : un étudiant en génie
civil fait, pendant un jour par semaine, une enquête sur la circulation des
piétons a un carrefour, enquête dont l’ingénieur municipal a besoin,
mais qu’il ne peut faire entreprendre, faute de personnel; un étudiant en
génie chimique se livre à une enquête sur les vapeurs toxiques dans des
usines locales pour le compte d’un syndicat qui ne dispose pas de per-
sonnel scientifique ; un étudiant en électrotechnique travaille dans le
laboratoire de recherche du département de biologie de l’université, où
il aide à mettre au point un appareil permettant d’analyser rapidement
des échantillons d’eau dans le cadre d’un programme de surveillance de
l’environnement; deux étudiants en mécanique industrielle et un étu-
diant en techniques de production travaillent en équipe, sous la direction
de l’ingénieur responsable des installations techniques de l’université,
pour étudier les moyens de réduire les dépenses de l’université en éner-
gie. Comme dans le modèle précédent, la qualité des enseignants et des
étudiants et le dynamisme du coordonnateur du programme sont des
facteurs déterminants. Il importe de ne pas traiter les étudiants comme
de la maind’œuvre à bon marché et de ne pas leur confier des tâches
subalternes ou répétitives. Dans chaque cas, le coordonnateur doit fixer
à l’avance l’objectif éducatif que l’engagement offert permettra d’attein-
dre et déterminer la mesure dans laquelle les responsables proposés s’en-
gagent à faire de l’expérience un succès sur le plan de la formation.
L’organisation du processus: quelques notions et modèles 117

Lorsque les étudiants sont d’un niveau satisfaisant et que le programme


est bien coordonné, ce système peut contribuer utilement aux travaux
d’un nombre important de personnes à l’intérieur et à l’extérieur de
l’université, et ouvrir parfois de nouvelles perspectives sur les problèmes
abordés.
Il faut dire, cependant, que les avantages éducatifs de ce système ne
peuvent être indiqués qu’en termes généraux. En raison de l’extrême
variété des cas individuels et des différences qui peuvent être enregistrées
d’une année à l’autre, selon les offres faites, il est virtuellement impossi-
ble de prévoir les connaissances et les compétences qui seront acquises
par les étudiants. C’est avant tout dans le processus, dans le fait de
travailler en liaison étroite avec des professionnels sur des problèmes
d’importance immédiate, que résidera le bénéfice qu’ils retireront de
cette activité.

RECHERCHE OPÉRATIONNELLE ENTREPRISE SOUS UN PATRONAGE


EXTÉRIEUR

Ce modèle qui est, d’une certaine façon, une version à grande échelle du
modèle ci-dessus n’intéresse que les étudiants diplômés. Des employeurs,
effectifs ou potentiels, chargent des étudiants ayant obtenu de bons
résultats pendant le premier cycle et ayant, si possible, plusieurs années
d’expérience après leur diplôme, d’entreprendre à l’université des recher-
ches concernant un problème choisi par les employeurs. Dans certains
cas, les étudiants peuvent être membres du personnel des organismes de
parrainage et être détachés pour la durée de la recherche.
Dans d’autres cas, les étudiants-chercheurs peuvent être de futurs
employés de l’organisme de parrainage. Dans les deux cas, cet organisme
peut considérer le programme comme une occasion de préparer des
jeunes à des postes de responsabilité. 11prend à sa charge les dépenses
de l’étudiant, en totalité ou en partie, et contribue aux frais de fonction-
nement du programme. En échange, l’université s’engage à fournir les
services de ses enseignants, pour avis et consultation. Les coordonnateurs
restent en contact étroit avec l’organisme de parrainage afin de s’assurer
que les recherches sont orientées directement vers le problème particu-
lier auquel s’intéresse l’organisation. Pour la même raison, il est normal
qu’un membre de l’organisation, de rang élevé et possédant les qualifica-
tions voulues, participe au contrôle des travaux des étudiants.
L’avantage d’un tel système est qu’il permet d’axer fermement la
recherche relative à l’environnement sur des problèmes actuels d’une
certaine urgence. de faire en sorte que la valeur du diplôme de niveau
supérieur soit déterminée par ses rapports avec ces problèmes, de créer
des liens entre organismes et universités au bénéfice des deux parties.
Comme pour les modèles précédents, la réussite dépend de l’énergie et
de la compétence des coordonnateurs. Elle dépend moins, toutefois, de
118 David Brancher

la qualité des étudiants, parce que, dans la plupart des cas, les organis-
mes de parrainage sont censés trouver des candidats ayant la motivation
et les capacités intellectuelles nécessaires. La responsabilité de l’univer-
sité se limite donc au choix d’enseignants suffisamment intéressés par les
problèmes traités pour contrôler efficacement les travaux des étudiants et
mériter l’estime des membres hautement qualifiés des organismes de
parrainage.

MODULES SUJETS/APPLICATIONS

C’est un thème à multiples variantes auquel il serait possible d’appliquer


une vaste gamme de titres et de désignations. En fait, son ampleur est
telle qu’il est nécessaire d’insister sur ce qu’il semble être ses caractéristi-
ques universitaires essentielles, sans tenir compte des détails qui pour-
raient être des sources de confusion. L’idée fondamentale est que les
étudiants suivent des programmes composés de modules rigoureusement
définis en fonction de deux axes, auquels on peut donner divers noms.
Nous avons choisi les termes Gsujets o et Qapplications O.Les mêmes axes
sont utilisés pour définir les tâches du personnel, bien que certains de ses
membres puissent, et même doivent, opérer dans les deux domaines.
Comme il est normal, les groupes d’enseignants constitues en fonc-
tion des sujets portent les étiquettes universitaires traditionnelles : biolo-
gie, sociologie urbaine, analyse systémique, mécanique des fluides,
théorie des structures, etc. Ils sont responsables de l’enseignement et de
l’apprentissage dans leurs domaines respectifs du savoir et de la techni-
que. Les modules qu’ils offrent sont (au moins en principe) à la disposi-
tion de tout programme de l’école sanctionné par un grade universitaire.
Les groupes chargés des applications, souvent dirigés par des mem-
bres du personnel dont l’orientation est plus professionnelle qu’universi-
taire, sont responsables de l’organisation et du contrôle de l’apprentis-
sage actif au moyen de tâches assignées : études de cas, simulations,
exercices de conception et projets de grande envergure. Ces activités
d’apprentissage ont pour but d’assurer l’intégration des connaissances et
des techniques acquises par les étudiants grâce aux modules consacrés
aux sujets, ainsi que le développement de compétences générales et
transférables relatives à la solution des problèmes et à l’étude des domai-
nes indépendants. Les modules consacrés aux‘applications peuvent réu-
nir des étudiants du premier cycle préparant des diplômes différents afin
de créer délibérément la base d’une compréhension et d’une collabora-
tion interprofessionnelles ultérieures. C’est pourquoi le personnel de
contrôle est composé d’équipes mixtes constituées dans le même esprit
pour permettre une approche interdisciplinaire des problèmes concrets.
Les étudiants s’inscrivent à des programmes ayant des désignations
traditionnelles, dont des raisons évidentes justifient le maintien. Conseil-
lés et orientés par les coordonnateurs du programme, ils suivent une
L’organisation du processus: quelques notions et modèles 119

série planifiée de modules consacrés tant aux sujets qu’aux applications,


ce qui implique normalement un choix de modules à un niveau assez
avancé.
Chaque coordonnateur de programme dispose de l’autorité néces-
saire pour assurer que la sélection et l’efficacité de tous les modules
contenus dans son programme répondent aux besoins professionnels des
étudiants. Les coordonnateurs de programmes, réunis sous la présidence
du directeur des études ou du directeur de l’école, élaborent et révisent
la matrice des modules, établissent les emplois du temps et règlent les
conflits de priorité le cas échéant.
Les caractéristiques essentielles du modèle sont les suivantes :
1. Pas de département autonome qui pourrait monopoliser les efforts
du personnel ou le temps des étudiants.
2. Les membres du personnel ne passent qu’une partie de leur temps
avec des collègues de leur spécialité. Le reste du temps, ils élaborent
et contrôlent avec d’autres collègues des activités interdisciplinaires
visant à résoudre certains problèmes. Ils sont donc contraints de faire
une expérience éducative continue correspondant à celle des étu-
diants.
3. La pertinence et l’efficacité des modules consacrés aux sujets sont
mesurées par les résultats que les étudiants obtiennent avec les
modules consacrés aux applications.
4. L’efficacité des modules consacrés aux applications est évaluée
d’après les opinions des sociétés professionnelles, des employeurs,
des anciens étudiants et des étudiants actuels.
Il ne faut pas sous-estimer la détermination et les efforts requis pour
instaurer une telle forme d’organisation et il faut la défendre jusqu’à ce
qu’elle parvienne à maturité. Quelques-unes des difficultés sont néan-
moins ((souhaitables O. Ce sont celles qui apparaissent chaque fois que
des enseignants doivent renoncer au confort de leurs spécialités universi-
taires et justifier leurs sujets auprès de collègues. Certains, par exemple,
peuvent se mettre sur la défensive et faire de l’obstruction. D’autres
peuvent estimer que les perspectives ne correspondent pas au genre de
carrière spécialisée qu’ils envisageaient. D’autres encore peuvent avoir
du mal à se plier à la coordination indispensable pour faire en sorte que
les modules soient étroitement liés entre eux et que les ressources soient
pleinement exploitées. Mais les possibilités offertes et le sentiment que
l’éducation relative à l’environnement peut être portée à un niveau plus
élevé et être rendue plus efficace sont de nature à passionner certains
enseignants. Ce dernier point est important : il incite à penser qu’il peut
être plus facile de mettre sur pied un tel système lorsqu’une école est en
cours de création ou lorsque beaucoup de nouveaux professeurs peuvent
être recrutés, au moins partiellement, en fonction de l’intérêt qu’ils por-
tent au système. D’autres occasions peuvent se présenter lors de l’élabo-
ration de nouveaux programmes. Mais, même après un départ promet-
120 David Brancher

teur, aucune complaisance ne saurait être tolérée. Toute l’expérience


acquise en matière d’enseignement supérieur montre que même les meil-
leurs débuts ne garantissent pas qu’on se maintiendra à l’abri d’une
médiocrité insidieuse. La perfection ne peut être atteinte que grâce à une
vigilance permanente.

Conclusions

Il est difficile de résumer en quelques mots un exposé d’une portée aussi


large que le nôtre, mais les conclusions trop développées n’ont guère
d’utilité. L’essence de notre propos est le suivant.
1. On considère trop souvent que le contenu essentiel de l’éducation
réside dans les informations concrètes et les techniques spécifiques
plutôt que dans les processus par lesquels les connaissances sont
rassemblées et traitées, et les décisions prises. C’est le ((curriculum 1)
et non simplement le ((syllabus )), qui détermine la qualité et la
valeur de l’éducation relative à l’environnement.
2. C’est l’ambiance ou la culture dominant parmi les professeurs qui
détermine dans une large mesure le ~~curriculum )k, manifeste ou
caché, des étudiants. D’un point de vue important, la culture est le
((curriculum 0.
3. S’agissant de la formation des ingénieurs en matière d’environne-
ment, les attitudes des enseignants ingénieurs, ainsi que le rôle et le
statut des enseignants non ingénieurs, sont des facteurs essentiels.
Dire que toutes les organisations doivent tenir compte des facteurs
humains est sans doute un truisme, mais ces facteurs jouent un rôle
déterminant dans ce domaine.
4. Le rôle de la recherche est également important, mais la conception
traditionnelle et étroite de la recherche est inappropriée. Il faut dé-
sormais encourager le développement d’une culture de l’apprentis-
sage interdisciplinaire. Une telle ambiance dépend de l’organisation
universitaire et peut se manifester de diverses manières.
5. Il existe davantage de modèles d’organisation universitaire qu’on
l’imagine et qu’on l’admet en général. Des expédients simples et
apparemment peu onéreux, tels que l’enseignement spécial, risquent
d’entraîner un gaspillage de ressources humaines précieuses. Les sys-
tèmes plus complexes exigent une planification détaillée et une coor-
dination étroite.
6. L’adoption d’une forme quelconque d’organisation doit résulter d’un
examen critique des objectifs réels de l’école et non de circonstances
fortuites et d’un conformisme irréfléchi. Si les structures sont mal
choisies, rien n’en atténuera les imperfections, quelle que soit la
valeur du corps enseignant.
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Rbfhrences
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taire. Strasbourg, Conseil de l’Europe.
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