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Embryologie craniofaciale (I).


Régulations cellulaires et moléculaires
des étapes initiales de l’embryologie
craniofaciale
M. Goldberg, T. Davit-Beal, P. Barbet

Dans cette première partie, nous étudions les régulations cellulaires et moléculaires qui régissent les
étapes initiales de l’embryologie craniofaciale. À partir du disque embryonnaire, on assiste à la formation
d’un axe craniocaudal, menant au développement d’un pôle céphalique. La somitogenèse et la
neurulation en constituent les phénomènes principaux observés pendant cette acquisition. Les cellules
dérivées des crêtes neurales prolifèrent et migrent. Elles trouvent leur localisation finale et entreprennent
des différenciations terminales. Parallèlement, les arcs branchiaux se développent, donnant naissance
aux structures de la face et du cou. Les sillons branchiaux et les poches dérivées des arcs branchiaux
contribuent à la formation du plancher du pharynx, de la langue et de structures associées. Thyroïdes,
parathyroïdes et glandes salivaires résultent aussi de ces étapes. Elles sont analysées dans ce chapitre en
tant que succession d’événements, tout en prenant en compte les mécanismes résultant d’activités
biologiques de gènes codant pour des protéines de structure ainsi que pour des facteurs de transcription et
de croissance.
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Mots clés : Cellules dérivées des crêtes neurales ; Somites ; Arcs branchiaux ; Pharynx ; Langue ;
Glandes salivaires

Plan mésenchyme para-axial vers les arcs branchiaux, autre système


segmenté. Le développement craniofacial implique dès lors deux
phénomènes majeurs :
¶ Acquisition de l’identité craniocaudale 1
• le développement et la croissance du cerveau antérieur qui
Première semaine : rappel des étapes précoces du développement
contribuent à l’évolution de la courbure de la partie céphali-
embryonnaire 2
que de l’embryon et déterminent directement la morphoge-
Deuxième semaine de développement : disque embryonnaire
nèse et la croissance de la tête ;
didermique 3
• la formation de la face autour de la cavité stomodéale qui
Troisième semaine : disque embryonnaire tridermique 4
s’accompagne de la formation de la région nasale, des
Quatrième semaine : embryon tubulaire et formation du pôle
maxillaires et de la mandibule.
céphalique 6
Dès la mise en place des premières ébauches, il devient
Crêtes neurales 8
possible de décrire :
¶ Arcs branchiaux et leurs dérivés 14 • la morphogenèse de structures non minéralisées, qui ont une
Appareil pharyngien et dérivés de la face et du cou 14 importance primordiale dans de nombreux organes (muscles
Dérivés de l’appareil branchial 16 de la face et langue, glandes salivaires, thyroïde et parathy-
roïdes) ;
• les structures osseuses minéralisées du squelette crânien
impliquant deux types d’ossification primaire : ossification de
.

■ Acquisition de l’identité membrane et ossification de type endochondral.


Chaque événement, chaque séquence s’accompagne de
craniocaudale changements morphologiques partant de la première apparition
de l’ébauche d’un organe, pour passer par l’acquisition de sa
Le développement embryonnaire craniofacial passe par une forme (morphogenèse proprement dite) et aboutir aux change-
succession d’étapes déterminantes parmi lesquelles survient de ments qui vont accompagner et rendre possible sa différencia-
façon précoce la formation de l’axe craniocaudal. Cet axe tion fonctionnelle (différenciation tissulaire ou histogenèse). Ces
s’amorce dès la fin de la 2e semaine par la mise en place de la différentes étapes sont liées à de multiples facteurs génétiques et
ligne primitive au sein du disque embryonnaire didermique. Il épigénétiques de régulation (activation de gènes impliqués dans
s’affirme par la suite avec l’apparition de la chorde au sein du le développement, expression de facteurs de transcription et de
disque embryonnaire tridermique, puis par la formation en facteurs de croissance, etc.). L’interaction entre gènes et facteurs
plusieurs étapes des structures nerveuses (tube neural et crêtes épigénétiques contribue à rendre particulièrement complexe
neurales). Dans le territoire céphalique de l’embryon, la l’écheveau constitué par ces différents éléments, mais l’intégrité
segmentation du cerveau postérieur en rhombomères pairs et du système est évidemment essentielle. En l’absence de com-
impairs, accompagnée de la segmentation en somitomères qui, pensation, le défaut de tel ou tel facteur peut conduire à des
pour la plupart, donnent naissance aux somites, amorce la anomalies congénitales du développement craniofacial (certai-
migration des cellules dérivées des crêtes neurales et celles du nes formes de craniosynostoses, de fentes faciales, etc.).

Médecine buccale 1
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Quelques ouvrages et revues de la littérature peuvent servir de (22 autosomes et un gonosome X ou Y) se transforme en
guides et de références [1-7]. pronucléus masculin. Dans chacun des pronucléi, la réplication
de l’acide désoxyribonucléique (ADN) aboutit à la formation de
23 chromosomes maternels et de 23 chromosomes paternels.
Première semaine : rappel des étapes Puis les deux pronucléi se rapprochent du centre de l’œuf, les
précoces du développement embryonnaire enveloppes nucléaires se fragmentent et les chromosomes
Dans l’espèce humaine, le cycle menstruel normal dure en répliqués se mélangent. C’est la syngamie qui marque la fin de
moyenne 28 jours. L’ovulation survient au milieu du cycle et la fécondation proprement dite et le début de la segmentation.
aboutit à l’expulsion hors de l’ovaire de l’ovule tandis que le
reste du follicule de De Graaf donne naissance au corps jaune,
capable d’excréter de la progestérone. L’ovule (ou cumulus
oophorus) comporte plusieurs éléments : l’ovocyte bloqué en
métaphase de deuxième division méiotique, le premier globule
polaire, tous deux entourés de la membrane pellucide (ou zone
“ Point fort
pellucide) et des cellules de la corona radiata (granulosa). La fécondation permet de :
• restaurer le nombre de chromosomes, qui doivent être
Fécondation diploïdes ;
L’ovule expulsé est normalement capté dans la lumière de la • déterminer le sexe : XX féminin et XY masculin ;
trompe utérine, où peut survenir la fécondation – habituelle- • amorcer la segmentation en deux cellules, qui survient
ment au niveau de l’ampoule tubaire. physiologiquement dans les quelques heures qui suivent
la fusion des gamètes.
Moment de la fécondation
Le moment de la fécondation marque le début de la gros-
sesse, c’est-à-dire la 1 re semaine du développement (ou
3e semaine d’aménorrhée – si l’on préfère dater la grossesse en Segmentation
se référant non pas au moment de la fécondation, mais à la
date du premier jour des dernières règles du cycle menstruel). Lorsque l’ovocyte fécondé atteint le stade de deux cellules,
une série de divisions mitotiques s’ensuit, aboutissant à l’aug-
Étapes de la fécondation mentation du nombre de cellules. Cette segmentation précoce
La fécondation n’a lieu que si des spermatozoïdes parvien- ne s’accompagne pas d’une augmentation de volume de
nent au niveau de l’ampoule tubaire après avoir subi un certain l’ensemble de l’œuf – qui reste contenu pendant le début de la
nombre de modifications lors de leur passage dans les voies 1re semaine du développement dans l’espace limité par la zone
génitales féminines (capacitation par élimination du plasma pellucide. Les cellules de l’œuf, dont la taille diminue au fur et
séminal à la surface des spermatozoïdes aboutissant à la à mesure des divisions, sont nommées blastomères.
formation de régions membranaires instables, acquisition et Vers le stade 12 à 16 cellules, l’œuf a la forme d’une petite
maintien d’une hypermobilité impliquant notamment une mûre et prend le nom de morula. La compaction de la morula
augmentation de la perméabilité calcique de la membrane). correspond à un début de différenciation cellulaire, lorsque ses
La fécondation, lorsqu’elle a lieu, se déroule en trois étapes cellules périphériques sont appelées micromères, car elles
principales : liaison des spermatozoïdes à la zone pellucide, semblent relativement petites par rapport aux cellules centrales
réaction acrosomique et fusion des gamètes. ou macromères.
Du fait de leur hyperactivité et grâce à l’action d’un certain Vers le 4e jour du développement apparaît au centre de l’œuf
nombre d’enzymes favorisant la dispersion des cellules de la une cavité liquidienne ou blastocèle. L’œuf, toujours contenu
granulosa (acrosine, b-galactosidase, hyaluronidase, etc.), les dans l’espace limité par la membrane pellucide, prend le nom
spermatozoïdes peuvent traverser la corona radiata et atteindre de blastocyste et comporte :
la zone pellucide. La liaison primaire des spermatozoïdes à • à sa périphérie, le trophoblaste (dont les cellules proviennent
certaines glycoprotéines sulfatées de la zone pellucide 3 (ZP3) des micromères) ;
est fondamentale, dans la mesure où elle constitue le support de • à sa partie centrale, le bouton embryonnaire (dont les cellules
la spécificité d’espèce de la fécondation et où elle déclenche la proviennent des micromères) et le blastocèle.
réaction acrosomique. Parallèlement au déroulement de la segmentation, l’œuf se
La réaction acrosomique, impliquant des mouvements de déplace au sein de la trompe (transit tubaire) pour gagner la
calcium, déclenche au niveau du spermatozoïde un processus lumière de la cavité utérine vers le 4e-5e jour de développement.
d’exocytose, conduisant à la fenêtration des enveloppes apicales, L’œuf se présente alors comme un blastocyste entouré de sa
à la libération des enzymes acrosomiales et à l’exposition de la membrane pellucide.
membrane interne de l’acrosome. Il en résulte une liaison Dans les heures qui suivent l’arrivée de l’œuf dans la cavité
secondaire du spermatozoïde à la zone pellucide (liaison à ZP2, utérine, l’éclosion du blastocyste correspond à la rupture de la
non spécifique d’espèce), la traversée de la zone pellucide par le membrane pellucide et à la sortie du blastocyste. Le blastocyste
spermatozoïde et, enfin, la fusion membranaire du spermato- devient « libre », présentant un bouton embryonnaire et un
zoïde avec l’ovocyte. blastocèle à sa partie centrale tandis que le trophoblaste borde
La fusion des gamètes est dès lors réalisée, impliquant toute sa périphérie. La position du bouton embryonnaire
l’ovocyte et un spermatozoïde. Cette fusion entraîne : permet de définir, topographiquement, le « pôle embryonnaire »
• une activation de l’ovocyte avec reprise et achèvement de la du blastocyste.
méiose, et expulsion du deuxième globule polaire ; Le premier contact du blastocyste avec la muqueuse utérine
• une décondensation du noyau du spermatozoïde ; marque le moment de l’implantation de l’œuf. Il survient à un
• des oscillations calciques qui déclenchent la réaction corti- moment sans doute variable, entre le 5 e et le 9 e jour du
cale. L’extrusion des granules corticaux de l’ovocyte aboutit développement (« fenêtre d’implantation ») soit, schématique-
à la libération dans l’espace périvitellin d’enzymes qui ment, vers la fin de la 1re semaine-début de la 2e semaine du
modifient la ZP2 et la rendent incapable de fixer des sperma- développement.
tozoïdes, ce qui assure un bloc à la polyspermie (il faut noter La muqueuse utérine est à ce stade une muqueuse de type
qu’il n’existe pas de bloc « membranaire » de l’ovocyte à la progestatif. Faisant suite à l’action des estrogènes pendant la
polyspermie dans l’espèce humaine) ; première phase du cycle, l’action de la progestérone sur l’endo-
• le stock de chromosomes haploïdes de l’ovocyte (22 autosomes mètre a conduit à la distension et à la sécrétion des glandes, à
et un gonosome X) se transforme en pronucléus féminin tandis un œdème du chorion et à un développement vasculaire
que le stock des chromosomes haploïdes du spermatozoïde (artérioles spiralées).

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1 2 3 4

Figure 1. Muqueuse utérine. À la fin de la 2e semaine, le blastocyte 10


s’implante dans la muqueuse utérine par le syncytiotrophoblaste. L’ecto-
blaste du disque embryonnaire borde la cavité amniotique, tandis que
l’entoblaste, deuxième couche épithéliale du disque embryonnaire, déli-
mite le lécithocèle. (D’après Tuchmann. Embryologie. Paris : Masson ;1997) 5 6 7 8
1. Mésenchyme doublant l’amnios : somatopleure ; 2. mésenchyme dou- Figure 2. Implantation du blastocyste dans la muqueuse utérine. Im-
blant l’entoblaste du lécithocèle : splanchnopleure ; 3. syncytiotropho- planté dans l’épithélium de la muqueuse utérine par le syncytiotropho-
blaste (lacunaire) ; 4. cytotrophoblaste ; 5. amorce du pédicule embryon- blaste, le bouton embryonnaire didermique constitue le stade initial de
naire ; 6. cavité amniotique ; 7. disque embryonnaire : ectoblaste ; l’embryon (d’après Tuchmann). 1. Cytotrophoblaste ; 2. blastocèle ;
8. disque embryonnaire : entoblaste ; 9. lécithocèle ; 10. cœlome. 3. bouton embryonnaire ; 4. ectoblaste ; 5. syncytiotrophoblaste ;
6. épithélium de la muqueuse utérine ; 7. glande utérine ; 8. cellules
conjonctives en voie de transformation déciduale ; 9. artère spiralée ;
10. veine dilatée.
L’implantation, qui marque par définition le début de la
nidation de l’œuf, se déroule habituellement au niveau du fond
utérin. Au niveau de la zone de contact entre l’œuf et l’endo-
mètre, en regard du pôle embryonnaire du blastocyste, les du syncytiotrophoblaste. Quelques heures plus tard, cette
cellules du trophoblaste commencent à donner naissance à des chambre devient la chambre sanguine maternelle où circule du
« cellules » plurinucléées ou syncytiotrophoblastes qui vont sang provenant des artères endométriales. La nidation est en
exercer une activité lytique sur la muqueuse utérine et permet- principe achevée en fin de 2 e semaine du développement
tre la poursuite de la nidation. C’est à partir de ce moment que (Fig. 2).
les cellules du trophoblaste élaborent l’hormone gonadotro- Parallèlement à la nidation, le bouton embryonnaire évolue
phine (chorionique). Parallèlement, les cellules du chorion de la pour donner naissance à l’embryon proprement dit et à une
muqueuse utérine subissent une « réaction déciduale » caracté-
nouvelle cavité liquidienne : la cavité amniotique.
ristique de la grossesse et l’endomètre se transforme – par
Dans l’espèce humaine, l’individualisation de deux feuillets
définition – en caduque (Fig. 1).
embryonnaires primitifs est pratiquement contemporaine du
moment de l’implantation. Une fois constitué, le disque
embryonnaire didermique apparaît comme une formation arron-
die, en pastille, comportant deux feuillets superposés de cellules
“ Point fort jointives (« épithéliales »). La superposition de ces deux feuillets
définit très précocement le premier axe (dorsoventral) de
l’embryon :
Au terme de la 1re semaine du développement, l’œuf • les cellules de l’ectoblaste – prismatiques – sont situées en
segmenté s’est transformé en blastocyste et a gagné la position dorsale (du côté de l’ancien bouton embryonnaire) ;
cavité utérine où il commence habituellement son • les cellules de l’entoblaste – plus aplaties – sont situées en
implantation. position ventrale (du côté de l’ancien blastocèle – qui prend
le nom de lécithocèle primaire).
En fin de 2e semaine du développement, la forme du disque
embryonnaire didermique se modifie du fait d’une croissance
Deuxième semaine de développement : différentielle. Une extrémité du disque devient plus large que
l’autre, définissant le deuxième axe de l’embryon : l’axe
disque embryonnaire didermique craniocaudal. Deux des axes de l’embryon étant ainsi établis, le
La 2e semaine du développement est marquée par la pour- troisième axe (droite-gauche) se trouve automatiquement défini.
suite et l’achèvement de la nidation ainsi que par la formation L’extrémité large du disque est en situation crâniale tandis que
du disque embryonnaire didermique à partir du bouton l’extrémité moins large est en situation caudale. Parallèlement
embryonnaire. à cette modification générale de la forme du disque embryon-
La nidation s’accompagne de la poursuite de la différencia- naire, deux structures ectoblastiques apparaissent en position
tion du syncytiotrophoblaste à la périphérie de l’œuf partout où axiale (« médiane ») à la partie caudale de l’embryon : le nœud
celui-ci est en contact avec la muqueuse utérine au sein de de Hensen et la ligne primitive (Fig. 3).
laquelle il s’enfouit progressivement. Les cellules trophoblasti- C’est également pendant la 2e semaine du développement
ques qui restent mononucléées constituent, par définition, le que le mésenchyme extraembryonnaire apparaît dans le terri-
cytotrophoblaste. En milieu de 2e semaine, des espaces intercel- toire extraembryonnaire (comme son nom l’indique) et qu’il se
lulaires confluent pour former une chambre lacunaire au sein creuse d’une cavité liquidienne, le cœlome externe.

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Figure 4. Chemin de migration et colonisation du disque embryon-


naire par des cellules mésodermiques. Entre les deux feuillets épithéliaux,
Figure 3. Du disque embryonnaire bilaminaire (épithélial) au disque l’ectoblaste et l’entoblaste. La mésodermisation du disque embryonnaire
trilaminaire (mésodermisation). À la fin de la 2e semaine, le disque est une étape essentielle de la formation de l’embryon (d’après Tuch-
embryonnaire passe du stade épithélial bilaminaire (ectoblaste et ento- mann). a. Zone du futur développement du cerveau ; b. zone de déve-
blaste) au stade où la mésodermisation est initiée par la formation de la loppement caudal. I, II, IIbis et III : orientation du flux migratoire de
ligne primitive ou strie initiale, premier signe d’un axe craniocaudal cellules ectoblastiques vers le mésoblaste. 1. Ectoblaste ; 2. mésoblaste ;
(d’après Tuchmann). 1. Amnios ; 2. ectoblaste ; 3. entoblaste ; 4. ento- 3. entoblaste ; 4. amnios ; 5. somatopleure ; 6. splanchnopleure ;
blaste du lécithocèle. 7. entéroblaste du lécithocèle.

expérimentaux menés sur l’animal, portant sur l’influence d’un


“ Point fort certain nombre de gènes, de facteurs de transcription, en
présence ou non d’inhibiteurs spécifiques.
Les gènes peuvent être d’expression très précoce, et la
Le disque embryonnaire didermique est constitué des spécification des axes dépend parfois du génome maternel
deux feuillets primitifs : (avant même l’expression du génome zygotique).
• l’ectoblaste (ou ectoderme primaire), en situation Ainsi, par exemple, dans la drosophile, on trouve dans la
dorsale, du côté de la cavité amniotique ; partie antérieure de l’ovocyte le gène bicoid (Bcd), responsable
• l’entoblaste (ou endoderme primaire), en situation du développement antérieur. La transcription de bicoid est
ventrale, du côté du lécithocèle primaire. régulée par le facteur de transcription maternel serendipity delta.
En fin de 2e semaine du développement, l’embryon a Elle est inhibée par Nanos dans la partie postérieure. Le gène
bicoid, accompagné de son partenaire Hunchback, active ou
acquis une identité positionnelle et ses trois axes
inhibe empty spiracles, Krümpel et knirps. On peut conclure que
(dorsoventral, craniocaudal et droit-gauche) sont ces facteurs de transcription contribuent à établir le gradient de
parfaitement définis. l’axe antéropostérieur.
Bicoïd/Hunchbel faiblement exprimé dans la partie antérieure,
augmente dans la partie caudale. Inversement, Nanos, fortement
Troisième semaine : disque embryonnaire exprimé dans la partie antérieure décroît dans la partie caudale.
tridermique Ce schéma de distribution asymétrique mène à une amorce de
polarisation antéropostérieure au cours du développement
Mise en place du mésoblaste et de la chorde précoce de la drosophile.
En début de 3 e semaine du développement, des cellules Des facteurs de croissance interviennent aussi dans ces
d’origine ectoblastique migrent en profondeur à partir de la mécanismes : ils s’expriment spécifiquement dans des territoires
ligne primitive pour coloniser toute la périphérie du disque précis. Le facteur de croissance fibroblastique (fibroblast growth
embryonnaire en s’interposant entre l’ectoblaste et l’entoblaste. factor) FGF-5 est exprimé dans l’ectoderme. Le FGF-8 est
Ces cellules constituent le mésoblaste et sont présentes sur toute restreint d’abord à des cellules dont le devenir est de former le
la périphérie du disque embryonnaire, sauf au niveau de mésoderme et l’endoderme. Puis il ne s’exprime plus que dans
membranes où ectoblaste et entoblaste restent accolés : la la région où la strie primitive va se former, à l’exception de la
membrane pharyngienne en position crâniale et la membrane région du nœud de Hensen. Les FGF-1 et FGF-2 sont exprimés.
cloacale en position caudale (Fig. 4). La localisation des acides ribonucléiques (ARN) du FGF-4 est
Au milieu de la 3e semaine du développement, des cellules restreinte à la partie antérieure de la ligne primitive, tandis que
ectoblastiques migrent à partir du nœud de Hensen pour des transcrits de FGF-3 sont détectables dans les cellules qui
constituer la chorde dorsale (ou notochorde). Les cellules quittent la ligne primitive pour devenir mésenchymateuses.
d’origine ectoblastique finissent, après plusieurs étapes, par Des mécanismes de plasticité cellulaire interviennent égale-
former un cordon plein situé en position axiale (« médian ») ment très précocement, par exemple lors de la conversion
dans l’épaisseur du disque embryonnaire entre l’ectoblaste en phénotypique de cellules épithéliales en cellules mésenchy-
situation dorsale et l’entoblaste en situation ventrale. La chorde mateuses [8].
ainsi constituée est une structure axiale par excellence de Des mécanismes de phosphorylation peuvent intervenir dans
l’embryon, tendue entre le nœud de Hensen et la membrane l’interconversion épithéliomésenchymateuse. Ainsi, in vitro, la
pharyngienne. transformation de cellules épithéliales en cellules mésenchyma-
La compréhension de l’acquisition des plans du corps dans teuses peut être provoquée par l’adjonction de protéines kinases
l’embryon a bénéficié de nombreux travaux analytiques et au milieu de culture [9].

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Figure 5. Formation des crêtes neurales, puis du tube neural. Les cellules mésodermiques contribuent à la formation de la chorde et du mésenchyme
para-axial (A). Le soulèvement du neurectoderme contribue à la formation des plateaux neuraux dans la future zone céphalique. Il aboutit à la formation des
crêtes neurales (B) qui conduit à la formation du tube neural (C) (d’après Tuchmann).

1 2

3 4 5 6 7 8
a b
9 10 13 7

c
11 5 12 14 15 d
Figure 6. Formation des crêtes neurales (a, b) puis de la gouttière neurale (c) et du tube neural (d). L’ectoblaste, appelé épiblaste à partir de ce stade, donne
naissance aux crêtes neurales (a), qui, en se refermant, forment une gouttière (b, c) puis un tube neural (d). Le mésoblaste para-axial, de part et d’autre de la
chorde, donne naissance aux somites et au mésoblaste intermédiaire. 1. Ectoblaste ; 2. cavité amniotique ; 3. mésoblaste ; 4. chorde ; 5. entoblaste ;
6. mésoblaste para-axial ; 7. mésoblaste intermédiaire ; 8. cavités intercellulaires dans la lame latérale ; 9. amnios ; 10. gouttière neurale ; 11. somatopleure ;
12. splanchnopleure ; 13. somite ; 14. cœlome interne ; 15. entoblaste de la vésicule ombilicale.

Apparition du neurectoderme et segmentation crêtes neurales. L’épithélium des crêtes neurales (ou neurolo-
du mésoblaste phoépithélium) dérive ainsi de l’ectoblaste (comme le neurecto-
derme) (Fig. 5, 6). Par convention, le reste de l’ectoblaste est
La fin de la 3e semaine s’accompagne d’importantes modifi- appelé épiblaste à partir de ce stade.
cations, parmi lesquelles il convient d’insister sur l’apparition Parallèlement, le mésoblaste subit une segmentation à la fois
d’une circulation sanguine embryonnaire qui va permettre de transversale et longitudinale.
modifier les conditions nutritionnelles de l’embryon grâce à La segmentation transversale aboutit à la mise en place :
l’installation d’échanges sanguins avec l’organisme maternel. • du mésoblaste para-axial, sous forme de deux colonnes
C’est également en fin de 3e semaine du développement que longitudinales situées de part et d’autre de la chorde dorsale ;
la chorde dorsale exerce un rôle inducteur sur l’ectoblaste de • du mésoblaste intermédiaire (ou cordons néphrogènes) de part
voisinage, c’est-à-dire sur les cellules ectoblastiques situées au et d’autre du mésoblaste para-axial ;
contact dorsal de la chorde, dans la région axiale de l’embryon • du mésoblaste latéral enfin sur toute la périphérie du disque
entre le nœud de Hensen et la membrane pharyngienne. embryonnaire.
Dans ce territoire, l’ectoblaste s’épaissit pour donner nais- Le mésoblaste para-axial commence à se segmenter longitu-
sance à la plaque neurale qui s’étale rapidement pour prendre dinalement dès la fin de la 3e semaine du développement, où
une forme en raquette. Par définition, l’apparition de la plaque apparaissent les premiers somites occipitaux près de l’extrémité
neurale marque le début de la neurulation – et les cellules de la crâniale du mésoblaste para-axial, au stade 9 de la classifica-
plaque neurale forment un « nouveau » tissu, le neurectoderme. tion Carnegie du développement embryonnaire humain (vers
Dès sa formation, le neurectoderme se développe rapidement et le 20e jour du développement) [10]. À ce stade, la gouttière
la plaque neurale se transforme en gouttière neurale dont les neurale est encore totalement ouverte. Ainsi que nous le
bords latéraux soulevés constituent un nouveau territoire, les verrons plus loin, la poursuite de la somitogenèse pendant la

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Tableau 1. Très rapidement après sa formation, chaque somite fait l’objet


Mise en place progressive des différents groupes de somites. d’une territorialisation sous l’effet de familles de morphogènes
Somites occipitaux 4 paires
provenant des structures de voisinage (chorde, tube neural,
épiblaste) [12].
Somites cervicaux 8 paires
Au plan morphologique, le somitocèle constitue au sein du
Somites thoraciques 12 paires somite une cavité liquidienne séparant le sclérotome (partie
Somites lombaires 5 paires ventrale du somite) du dermatomyotome (partie dorsale du
Somites sacrés 5 paires somite).
Somites coccygiens 8 à 10 paires Le sclérotome se différencie sous l’effet de facteurs de ventra-
lisation (morphogènes diffusibles provenant de la chorde
dorsale ou du plancher du tube neural, tel Sonic hedgehog ou
SHH). Les cellules du sclérotome sont alors ventralisées (évolu-
4e semaine du développement témoigne d’une segmentation tion phénotypique qui passe, notamment, par des modifications
métamérique du mésoblaste para-axial (Fig. 6). de l’expression de certains gènes comme ceux de la famille
Au même moment, une cavité liquidienne – le cœlome interne Pax) et migrent en direction ventrale vers la chorde dorsale. À
– apparaît dans le mésoblaste latéral pour occuper toute la chaque niveau métamérique se trouve ainsi constitué autour de
périphérie du disque embryonnaire. Du fait de l’apparition du la chorde dorsale un manchon cylindrique de cellules d’origine
cœlome, le mésoblaste latéral se clive en deux lames latérales, somitique, le corps vertébral primitif. La colonne vertébrale
dont l’une répond au versant dorsal de l’embryon (somato- primitive ainsi constituée va évoluer et devenir intermétaméri-
pleure intraembryonnaire) tandis que l’autre répond à son que. Une zone de clivage apparaît au milieu de chaque corps
versant ventral (splanchnopleure intraembryonnaire). vertébral primitif pour donner naissance aux disques interverté-
braux. Le reste du corps vertébral fusionne avec son voisin, puis
se transforme en cartilage pour former l’ébauche des corps
Quatrième semaine : embryon tubulaire vertébraux définitifs – donc en situation intermétamérique. Les
et formation du pôle céphalique cellules du sclérotome se différencient ensuite en différents
types de cellules conjonctives (en particulier chondrocytes ou
La 4e semaine est la dernière semaine de la période ostéocytes) au niveau des corps vertébraux ainsi que des
d’embryogenèse, et s’accompagne d’un changement de forme ébauches des arcs vertébraux et, au niveau thoracique, des
de l’embryon qui devient tubulaire à la suite de la croissance processus costaux. Après avoir servi d’axe à la formation de la
considérable des structures nerveuses ainsi que du mésoblaste colonne vertébrale, la chorde disparaît presque totalement.
para-axial. Le dermatomyotome (partie dorsale du somite) échappe à
Cette 4e semaine, parfois appelée période de délimitation de l’action des facteurs de ventralisation, mais subit l’action de
l’embryon, aboutit à ce que l’embryon tubulaire présente une facteurs de dorsomédialisation (provenant du toit du tube
forme allongée avec une convexité dorsale et deux nouveaux neural ou de l’épiblaste, tels des facteurs Wnt) et de latéralisa-
territoires : le pôle crânial (ou céphalique) et le pôle caudal. tion (provenant du mésoblaste latéral, telle bone morphogenic
protein 4 [BMP4]).
Somitogenèse Le devenir des cellules du dermatomyotome est double :
certaines migrent pour donner naissance au derme et à l’hypo-
La somitogenèse, qui a commencé par l’apparition des derme du tronc.
premières paires de somites en fin de 3e semaine, se poursuit et Les autres cellules s’engagent dans un programme de diffé-
s’achève pendant la 4e semaine. renciation myogénique, soit directement sur place (muscles
Parallèlement à une importante croissance en taille, le paravertébraux), soit à distance après migration hors du myo-
mésoblaste para-axial poursuit sa segmentation métamérique en tome de précurseurs musculaires. Tant que les précurseurs
direction caudale aboutissant à la mise en place progressive des cellulaires sont capables de migrer, ils expriment le gène Pax3.
différents somites depuis les somites occipitaux jusqu’aux La perte de la capacité de migration des précurseurs musculaires
somites coccygiens (Tableau 1). s’accompagne de l’arrêt de l’expression du gène Pax3 et de
l’expression séquentielle de gènes de spécification musculaire,
Évolution de la partie crâniale du mésoblaste para-axial
parmi lesquels la famille des facteurs myogéniques. Les myotomes
À l’extrémité crâniale du mésoblaste para-axial, on considère somitiques donnent ainsi naissance aux myoblastes qui sont à
habituellement qu’il existe, dans l’embryon humain, une zone l’origine des fibres musculaires striées de l’essentiel des muscles
– appelée mésoblaste préchordal – qui ne se segmente pas, mais squelettiques du corps (tronc et membres). Il faut bien noter
qui participe à la formation des muscles volontaires de la face que seuls les muscles de la tête échappent à cette règle, tandis
et du pharynx ainsi qu’à une partie des os du crâne (basisphé- que les muscles oculomoteurs et de la langue reçoivent une
noïde et orbitosphénoïde). contribution myoblastique à partir des myotomes occipitaux.
La fusion des somites occipitaux va donner naissance à l’os
occipital. Neurulation
Ainsi, la partie crâniale du mésoblaste para-axial intervient, Pendant la 4e semaine du développement, la poursuite de la
notamment dans le développement des muscles de la tête et du croissance du neurectoderme aboutit à la fermeture progressive de
cou : la gouttière neurale pour former le tube neural. Parallèlement, les
• les muscles de la face, du larynx et du pharynx se constituent crêtes neurales s’individualisent de part et d’autre du tube neural
à partir des myoblastes qui se différencient au sein des arcs en se séparant à la fois du neurectoderme et de l’épiblaste.
branchiaux. Ils sont innervés par les nerfs crâniens V, VII, IX
et X ; Tube neural
• les muscles de la langue se constituent à partir des myotomes La fermeture de la gouttière neurale débute au stade 10 de la
occipitaux ; classification Carnegie (vers le 22e jour du développement) à la
• les muscles auriculomoteurs proviennent de myoblastes qui partie moyenne de celle-ci, au niveau de la quatrième paire de
se différencient de part et d’autre de la membrane somites. De part et d’autre de cette zone de fermeture initiale
pharyngienne. existent deux neuropores crânial et caudal.
La fermeture se poursuit ensuite rapidement à la fois en
Évolution de la partie métamérisée du mésoblaste para-axial
direction crâniale et caudale, parallèlement à la croissance
Le reste du mésoderme para-axial s’organise en segments considérable du neurectoderme et à l’émergence des pôles crânial
métamériques, à la suite de l’apparition de sillons intersomiti- et caudal de l’embryon. Le neuropore crânial se ferme avant le
ques qui sont renforcés par des plans de séparation entre les neuropore caudal respectivement au stade 11 (vers 24-25 jours) et
somites [11]. au stade 12 de la classification Carnegie (vers 27-28 jours).

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Embryologie craniofaciale (I). Régulations cellulaires et moléculaires des étapes initiales de l’embryologie craniofaciale ¶ 28-085-U-30

r2
r1 4 r3 r4
5 r5 7 4 5
r6
3 r7
2 6

1
1
9
26 jours 28 jours

10 11 15 13 7 17

11
16
15
7
12

13

14 18
35 jours 50 jours
Figure 7. Développement embryonnaire du cerveau. Le développement embryonnaire du cerveau apparaît comme un facteur déterminant de la
morphogenèse craniofaciale. La croissance du proencéphale accompagne la flexion du cerveau au niveau d’isthmes et de la pontine, ce qui permet le
développement des hémisphères cérébrales donc de son enveloppe osseuse, le crâne (d’après Sadler [4]). r1 à r7 : rhombomères 1 à 7. 1. Proencéphale ; 2. site
du sulcus optique ; 3. pliure mésencéphalique ; 4. Ve nerf crânien ; 5. VIIe et VIIIe nerfs crâniens ; 6. pliure cervicale ; 7. mésencéphale ; 8. rhombencéphale ;
9. cupule otique ; 10. isthme rhombencéphale ; 11. pliure de la pontine ; 12. diencéphale ; 13. hémisphères cérébraux ; 14. télencéphale ; 15. myé-
lencéphale ; 16. métencéphale ; 17. futur cervelet ; 18. future pontine.

À la fin de la 4e semaine du développement, le tube neural formation ultérieure des hémisphères cérébraux dont la cavité
suit rigoureusement la convexité dorsale de l’embryon devenu centrale donne les ventricules latéraux ;
tubulaire. Le tube est totalement fermé et présente deux • à une vésicule impaire et médiane : qui constitue le
segments distincts : diencéphale à la base de la formation ultérieure du troisième
• segment médullaire, rectiligne, caudal, répondant à la chorde ventricule et de ses parois – à laquelle sont associés le
dorsale et qui va évoluer par la suite pour donner naissance développement des régions thalamiques et hypothalamiques,
à la moelle épinière ; des vésicules optiques et des voies optiques, de la neuro-
• segment encéphalique, crânial, situé au niveau du pôle hypophyse.
céphalique de l’embryon au-delà de l’extrémité crâniale de la Le mésencéphale reste une structure impaire et médiane,
chorde et qui va évoluer par la suite pour donner naissance centrée par la courbure mésencéphalique, séparée du rhom-
à l’encéphale. bencéphale par une profonde incisure (isthme du rhom-
Formation de l’encéphale (Fig. 7) bencéphale). Il est à la base de la formation du mésencéphale
et de l’aqueduc cérébral.
L’évolution de la partie crâniale du tube neural est marquée
Le rhombencéphale donne naissance, de part et d’autre de la
par l’apparition précoce de vésicules séparées par des sillons.
courbure pontique :
Dès la fin de la 4 e semaine existent ainsi trois vésicules
cérébrales primitives, toutes impaires et médianes : le prosencéphale • au métencéphale : vésicule impaire et médiane, qui donne
(ou cerveau crânial – ou cerveau antérieur), le mésencéphale (ou naissance à la protubérance et au cervelet ;
cerveau moyen) et le rhombencéphale (ou cerveau caudal – ou • au myélencéphale : vésicule impaire et médiane, en relation
cerveau postérieur). Chacune de ses vésicules possède une cavité au-delà de la courbure cervicale avec le segment médullaire
centrale, et une paroi périphérique constituée par le neurecto- du tube neural et qui donne naissance au quatrième ventri-
derme. La forme générale de la portion encéphalique du tube cule et au bulbe rachidien avec les neurones moteurs soma-
neural épouse la convexité dorsale du pôle crânial de l’embryon tiques et viscéraux ainsi que les neurones sensitifs somatiques
et présente deux courbures : et viscéraux.
• la courbure mésencéphalique au centre de la vésicule Les nerfs crâniens sont liés à l’évolution de ces différentes
mésencéphalique ; vésicules cérébrales (Tableau 2).
• la courbure cervicale à la jonction entre le rhombencéphale
et le segment médullaire du tube neural (Fig. 7). Pôle crânial et évolution des feuillets
Puis, la poursuite du développement encéphalique se poursuit embryonnaires
avec, dès la 5e semaine du développement, passage au stade de
cinq vésicules de l’évolution de l’encéphale – marqué notam- En fin de 4e semaine du développement, l’embryon tubulaire
ment par l’apparition de la courbure pontique au milieu de a acquis un nouveau plan corporel du fait d’une nouvelle dispo-
l’ancien rhombencéphale (dans un sens contraire à celui des sition des trois feuillets embryonnaires.
courbures mésencéphalique et cervicale). C’est à partir de cette nouvelle organisation que les feuillets
Le prosencéphale donne naissance : vont évoluer pour donner naissance, entre la 5e et la 8e semaine
• à deux évaginations paires et latérales : qui constituent le du développement, aux ébauches des différents organes du
télencéphale (ou vésicules télencéphaliques) à la base de la corps.

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Tableau 2.
Région de l’encéphale et nerf associé.
Région de l’encéphale Nerf associé
Télencéphale Olfactif (I)
Diencéphale Optique (II)
Mésencéphale Oculomoteur (III)
Métencéphale Trochléaire (IV)
Trijumeau (V)
Abducens (VI)
Facial (VII)
Vestibulocochléaire (VIII) 2
Myélencéphale Glossopharyngien (IX)
Vague (X) 1 3
Accessoire (XI)
Hypoglosse (XII) B
Figure 8. Des cellules migrent depuis la crête neurale vers des territoires
bien déterminés. Un groupe de cellules passe depuis le proencéphale vers
Au terme de cette période d’organogenèse, commence la période
le bourgeon nasofrontal (1) ; un autre depuis le mésencéphale vers les
fœtale, marquée par des phénomènes de croissance et de
bourgeons maxillaires (2) et un troisième depuis le rhombencéphale en
différenciation tissulaire qui se poursuivent jusqu’à la fin de la
direction des arcs branchiaux (3).
grossesse et bien au-delà.
A. Stade 9, vers 20 jours.
Pôle crânial B. Stade 15, vers 33 jours.
Le pôle céphalique, mis en place pendant la 4e semaine du
développement, constitue l’extrémité crâniale de l’embryon C des tissus conjonctifs ;
tubulaire. Totalement recouvert d’épiblaste, il correspond
C de l’appareil circulatoire et rénal ;
principalement à la zone de développement du tube neural
• l’entoblaste (endoderme) va donner naissance aux consti-
encéphalique et de ses différentes vésicules. Son sommet
tuants épithéliaux :
constitue le vertex. En fin de 4e semaine, deux épaississements
localisés de l’épiblaste correspondent, de chaque côté, aux C des fosses nasales et de la cavité buccale ;
placodes visuelles (ou optiques) et auditives (ou visuelles). C de la trompe d’Eustache et de la caisse du tympan ;
À sa partie ventrale, il comporte deux reliefs, le bourgeon C des amygdales, de la thyroïde, des parathyroïdes ainsi que
frontal et la région cardiaque séparés par une dépression, le du thymus ;
stomodéum (ou bouche primitive). C des voies respiratoires ;
Le bourgeon frontal, à la partie crâniale, totalement recouvert C du tube digestif et des glandes annexes, dont le foie et le
d’épiblaste, correspond au relief du prosencéphale et de ses pancréas ;
dérivés. C d’une partie de la vessie et de l’urètre.
La région cardiaque, à la partie caudale, correspond principa- L’organisation générale à ce stade est représentée sur la
lement à la future région thoracique et contient le tube cardia- Figure 9 [13].
que primitif.
Entre les deux, le stomodeum représente une dépression dont Crêtes neurales
le fond répond à la membrane pharyngienne. Cette membrane
est une zone où épiblaste et entoblaste restent accolés – au Formation et évolution générale des crêtes
niveau d’un territoire dans l’embryon devenu tubulaire –, neurales
l’extrémité crâniale de l’intestin pharyngien (partie toute
crâniale de l’intestin antérieur). Les crêtes neurales apparaissent de part et d’autre du neurec-
C’est dans ce territoire, autour du stomodéum, que va se toderme de la plaque puis de la gouttière neurale en fin de
former la région cervicofaciale à la suite de l’apparition pendant 3e semaine du développement.
la 4e semaine du développement d’un véritable organe Constituant d’abord le bord périphérique (principalement
embryonnaire : l’appareil pharyngien (ou appareil branchial). latéral) de la gouttière nerveuse, les crêtes neurales sont
L’appareil pharyngien est composite et associe des consti- constituées d’un épithélium (le neurolophoépithélium), qui
tuants épiblastiques, entoblastiques et mésenchymateux. Les dérive directement de l’ectoblaste.
crêtes neurales participent largement à la formation des consti- Dès ces premiers stades, l’organisation anatomique des crêtes
tuants mésenchymateux de l’appareil pharyngien (Fig. 8). neurales préfigure leur évolution ultérieure. Il est en effet
possible de distinguer, dès la fin de la 3e semaine du dévelop-
Principaux dérivés des feuillets embryonnaires pement :
• la partie crâniale des crêtes neurales, de part et d’autre de la
De façon globale, les dérivés des différents feuillets peuvent
partie crâniale de la gouttière neurale (à destinée encéphali-
être répertoriés de la façon suivante :
que) ;
• l’ectoblaste (ectoderme), donne naissance :
• la partie caudale des crêtes neurales, de part et d’autre de la
C au système nerveux central ;
partie caudale de la gouttière neurale (à destinée médullaire).
C au système nerveux périphérique ;
La partie crâniale des crêtes neurales est à destinée céphalique.
C à l’ectomésenchyme ;
Cette crête neurale céphalique est organisée (segmentée), avant
C à l’épithélium sensoriel des organes des sens ; même la fermeture de la gouttière neurale, en trois territoires
C à l’épiderme et ses annexes (poils, ongles, glandes cuta- présomptifs qui sont homologues du territoire des trois premiè-
nées) ; res vésicules cérébrales. Il est ainsi possible de décrire : une crête
C à la glande mammaire ; neurale prosencéphalique, une crête neurale mésencéphalique et une
C à l’hypophyse ; crête neurale rhombencéphalique. Parallèlement à la fermeture de
C à l’émail des dents ; la partie crâniale du tube neural, les cellules des crêtes neurales
• le mésoblaste (mésoderme) est à l’origine : vont migrer dans le territoire céphalique, suivant les cas, dans
C du squelette ; des territoires homologues du prosencéphale, du mésencéphale
C des muscles ; et de rhombencéphale et même plus précisément dans leurs

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Mésoderme latéral Mésoderme intermédiaire Mésoderme somitique Tube neural Cellules des crêtes neurales
Notochorde

Migration proximodistale Segmentation Migration dorsoventrale

Squelette appendiculaire Sclérotomes Arcs branchiaux

Squelette axial Migration postéroantérieure

Squelette crânien

Figure 9. Schéma d’organisation (d’après Karsenty [13]).

segments (rhombomères par exemple). Les cellules des crêtes Les premier, deuxième et troisième arcs branchiaux sont
neurales donnent naissance, comme nous le verrons plus loin envahis par des cellules provenant des rhombomères pairs r2,
dans le détail, à différentes populations cellulaires, en particulier r4 et r6. Les CCN ne migrent pas à partir des rhombomères
nerveuses. Surtout, il convient d’insister sur le fait que certaines impairs r3 et r5. Ainsi, la segmentation du cerveau postérieur
cellules issues des crêtes neurales céphaliques vont donner intervient et trouve sa correspondance avec celle des arcs
naissance dans ce territoire à des dérivés mésenchymateux branchiaux [16]. On assiste à la mort cellulaire programmée
(futurs fibroblastes, chondroblastes, ostéoblastes, adipocytes). Le (apoptose) de cellules de crêtes neurales dans les rhombomères
terme d’ectomésenchyme désigne l’ensemble des cellules issues 3 et 5, impairs. Ce sont essentiellement les explants pairs qui
des crêtes neurales encéphaliques, qui participent à la formation produisent des CCN. On peut s’interroger sur l’existence ou
des tissus conjonctifs de l’organisme dans le territoire céphali- l’absence d’un signal local provenant des rhombomères pairs en
que (il faut signaler qu’il n’existe pas d’équivalent de l’ectomé- direction des rhombomères impairs.
senchyme dans le reste du corps, où les tissus conjonctifs Expérimentalement, la greffe d’un rhombomère impair sur un
dérivent du mésoblaste). site de rhombomère pair (par exemple r3 inséré à la place de r4)
La partie caudale des crêtes neurales est homologue du segment entraîne la disparition de la plage cellulaire où était développée
médullaire du névraxe. Parallèlement à la fermeture du tube la mort cellulaire programmée. Le flux de CCN est à nouveau
neural, les cellules des crêtes neurales s’individualisent en deux déclenché. L’apoptose est précédée par l’expression du gène
cordons (latéraux et dorsaux par rapport au tube neural) qui Msx-1 dans tout le neuroépithélium dorsal et de Msx-2 dans les
subissent très rapidement une segmentation métamérique. À cellules qui vont entrer en apoptose [17]. La BMP4 régule Msx-2
chaque niveau métamérique, les cellules migrent ensuite selon et intervient dans les processus de contrôle de l’apoptose des
deux courants principaux : cellules dérivées des crêtes neurales [18].
• courant de migration périphérique ou dorsal (aboutissant à la Le processus migratoire est étroitement associé au développe-
mise en place des mélanocytes cutanés) ; ment des somites.
• courant de migration central ou ventral (aboutissant à la Au commencement de l’organisation en somites, on trouve
constitution du système nerveux périphérique ainsi qu’à la peu de cellules soit marquées par l’anticorps HNK1, soit
mise en place de certaines populations de cellules endocrines, identifiées en utilisant les chimères caille/poulet.
comme par exemple les cellules de la médullosurrénale). Les CCN sont trouvées en position dorsolatérale, uniformé-
ment distribuées selon l’axe craniocaudal. Ultérieurement, après
Aspects cellulaires et moléculaires la dissociation en dermatome et sclérotome, les cellules mar-
quées suivent un chemin limité à la moitié antérieure du somite.
Origine et mode de migration des cellules dérivées des crêtes
Dans la partie postérieure, les CCN restent groupées en position
neurales (CCN)
dorsolatérale dans le tube neural et sont détruites sur place par
Trois étapes majeures sont à l’origine de ces processus de apoptose (Fig. 10).
développement initiés par des cellules des crêtes neurales : Les cellules des crêtes neurales passent donc par les somites,
• la spécification et la délamination ; structures bien segmentées, avec une barrière nette entre chaque
• la prolifération et la migration ; somite et plus particulièrement dans la partie rostrale du
• la localisation finale et la différenciation terminale [14]. sclérotome qui joue le rôle de couloir balisé (Fig. 11).
Ces cellules sont fortement impliquées dans la formation et L’environnement influence les CCN. En effet, cette migration
le développement du squelette craniofacial [15]. s’effectue :
Spécification et délamination. Sous l’influence des signaux • sous le contrôle de molécules de la matrice extracellulaire
de l’environnement, les cellules des crêtes neurales (neurecto- (MEC) ou de molécules péricellulaires ;
derme) subissent une transition épithéliomésenchymateuse. • sous l’influence des interactions cellule/cellule.
Elles entrent en phase S. C’est la spécification. Des facteurs Contrôle moléculaire. Les CCN migrent au sein de matrices
comme Snail, Slug, BMP4/Noggin et des facteurs contrôlant la extracellulaires bordées par des membranes basales.
transition G1/S sont déterminants à cette étape. Des molécules-guides interviennent dans ces processus de
Les cellules des crêtes neurales se dissocient du tube neural à migration.
la suite de la disparition des jonctions intercellulaires caractéri- Il s’agit d’éléments de la MEC, de molécules d’adhérence
sées par la présence de cadhérines, c’est la délamination. Cette intercellulaire du type cadhérines, de sémaphores et récepteurs
phase est suivie de la phase de migration proprement dite à activité tyrosine kinase.
des CCN. Parmi les protéines de la MEC, on distingue :
Prolifération et migration. On assiste alors à la prolifération • des molécules permissives qui permettent l’adhérence et la
et à la migration de ces cellules embryonnaires en direction du migration des CCN ;
premier arc branchial pour ce qui concerne l’embryologie de la • des molécules neutres qui induisent une adhérence faible et ne
face. Les cellules se déplacent selon des trajets parfaitement favorisent pas la migration ;
définis. • des molécules inhibitrices (ou répulsives) qui empêchent direc-
Le schéma général est le suivant. tement la migration des CCN.

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Localisation finale et différenciation terminale. Les cellules


1 originaires des crêtes neurales s’accumulent en des sites précis
de l’embryon. Les chemins ont été analysés en termes de
« homing » (chemin de retour vers la maison), processus qui
a b vont à l’encontre de mécanismes opportunistes ou aléatoires.
Les cellules finissent par adhérer sur un site déterminé.
L’adhésion et l’étalement des CCN se font sous le contrôle, ou par
l’intermédiaire, de contacts focaux et de plaques d’adhésion où
4 l’on trouve des intégrines, des filaments d’actine organisés sous
la forme de fibres de stress, et d’autres molécules du cytosque-
5 lette, telles la vinculine, la taline ou l’a-actinine.
2
3 Par exemple, des myoblastes se déplacent rapidement sur des
6 plaques de verre recouvertes de laminine, mais s’étalent et ne
développent des contacts focaux que sur des surfaces recouver-
7 tes de fibronectine.
On arrive ainsi à la différenciation terminale de ces cellules,
Figure 10. Chemin de migration de cellules dérivées de crêtes neurales autrement dit, à l’acquisition du phénotype final, et au maintien
(tube neural) vers la portion antérieure du somite. Les cellules dérivées des de ce phénotype au cours de la vie.
crêtes neurales, puis du tube neural, migrent par la portion antérieure Les mécanismes cellulaires et moléculaires qui régissent la
(céphalique) de chaque somite en direction du mésoderme para-axial séquence d’événements ne sont pas encore bien compris. Il reste
(d’après Gilbert [2]). a, b. Voies de migration de cellules dérivées des crêtes beaucoup à faire pour expliquer :
neurales. 1. Tête ; 2. somite antérieur ; 3. somite postérieur ; 4. épiderme ;
• les mécanismes conduisant à la spécification (recrutement de
5. tube neural ; 6. notochorde ; 7. aorte dorsale.
certaines cellules au milieu d’une population cellulaire
d’aspect homogène) ;
• la sortie des berges des crêtes neurales (délamination) (méca-
nismes régulant le glissement cellulaire) ;
m
• le transit par passage au niveau rostral (antérieur) du somite ;
r1 • la migration des CCN vers les arcs branchiaux où s’achève
l’acquisition du phénotype terminal.
r2
Influence du microenvironnement sur la migration et
r3 différenciation des cellules dérivées des crêtes neurales. Le
r4 microenvironnement des CCN est essentiellement constitué par
des molécules de la MEC. Il comporte aussi des molécules
r5
associées aux surfaces cellulaires. Enfin gènes, facteurs de
r6 transcription et facteurs de croissance interviennent dans ces
processus [20].
r7
b1 Molécules de la matrice extracellulaire. Avant la migration, les
b2 cellules apparaissent dans une zone acellulaire, riche en hyalu-
b3 ronate et contenant des fibrilles matricielles, ce qui présuppose
r8
globalement une guidance cellulaire.
Un certain nombre de molécules jouent un rôle démontré
expérimentalement, dont la fibronectine. Les laminines ne
Figure 11. Les cellules dérivées des crêtes neurales prennent leur ori- semblent pas avoir d’action sur la migration cellulaire. Cette
gine dans les rhombomères pairs (r2, r4, r6) et migrent en direction des molécule est distribuée de façon diffuse dans le somite. La
arcs pharyngés. b1, b2 et b3 : 1er, 2e et 3e arcs branchiaux. ténascine a une distribution limitée à la moitié antérieure de
chaque somite, région majeure de migration des cellules. Elle
pourrait être un substrat favorisant la migration des cellules des
CN. La T-cadhérine, protéine d’adhésion calcium-dépendante, et
À titre d’exemple, on peut résumer certaines données relatives le collagène IX, qui est aussi un chondroïtine sulfate protéogly-
aux interactions entre les CCN et différents types de collagène cane, ont une expression limitée à la moitié caudale du somite.
de la façon suivante : Ces deux molécules pourraient constituer des facteurs inhibi-
• le collagène de type I : cette interaction est médiée par l’inté- teurs de la migration des CCN, favorisant une migration
grine a1b1, qui se lie à un fragment de la chaîne a1 (I) ; segmentée.
• le collagène de type IV : l’adhésion des cellules se fait avec le D’autres protéoglycanes interviennent dans ces processus,
domaine comprenant la région présentant une triple hélice et dont des protéines riches en chondroïtine sulfate [21].
le domaine non collagénique NC1 carboxyterminal. Ce L’aggrécane est le premier protéoglycane produit par la
phénomène demande aussi l’intégrité des chaînes disulfure et notochorde. Son expression est restreinte au mésenchyme
le pliage adéquat de la molécule ; périchordal, selon un patron segmenté qui suit celui de la future
• le collagène de type IX est présent surtout dans la partie chondrogenèse. Cette molécule bloque la migration des CCN.
caudale du somite. Le versican, un chondroïtine-sulfate protéoglycane de grand
Contrôle cellulaire. Les CCN migrent en chaînes linéaires, poids moléculaire, se trouve dans la partie caudale du somite.
gardant des contacts intercellulaires. Les interactions cellule- Les cellules des crêtes neurales apparaissent dans la fissure
cellule jouent donc un rôle essentiel. La connexine a1, molécule intersomitique, en suivant le bord antérieur du somite,
composante de communication intercellulaire de type jonction dépourvu de versican dans ce secteur. L’expression du versican
communicante (gap junction), module la vitesse de migration est inversement corrélée aux chemins de migration des CCN. Le
des CCN [19]. versican organise donc le chemin de migration des CCN qui
Les molécules de la MEC jouent donc un rôle clé dans ces traversent les somites. Il intervient dans la formation des
processus. Elles exercent une spécificité, où certaines séquences bordures qui bloquent de façon transitoire la migration des
ou domaines jouent un rôle déterminant. Cette migration CCN. In vitro, le versican inhibe l’interaction des cellules avec
s’achève par le regroupement de ces cellules dans un territoire la fibronectine, la laminine et le collagène de type I. Donc,
donné, prélude à leur différenciation terminale. Pendant la l’expression sélective du versican dans les barrières tissulaires
migration, les cellules perdent graduellement leur capacité peut être liée à un rôle fonctionnel dans le guidage des cellules
proliférative et leurs capacités de développement. migratoires vers leur destination finale. En fin de migration des

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Embryologie craniofaciale (I). Régulations cellulaires et moléculaires des étapes initiales de l’embryologie craniofaciale ¶ 28-085-U-30

cellules, il est complètement absent des tissus envahis par Tableau 3.


les CCN. Bone morphogenic protein (BMP) et tissus contenant des cellules dérivées
Molécules des surfaces cellulaires intervenant dans les phénomènes des crêtes neurales (CCN).
d’adhésion liés à la matrice extracellulaire. Ce sont essentiellement BMP2 CCN, primordia de la face,
les intégrines qui ont fait l’objet de recherches systématiques. précurseurs squelettiques,
Cependant, d’autres molécules transmembranaires peuvent mésenchyme dentaire,
jouer un rôle semblable, voire identique. odontoblastes, palais, langue
Les intégrines sont des glycoprotéines transmembranaires
présentant un ectodomaine (péricellulaire) d’adhésion, intera- BMP4 CCN, primordia de la face, squelette,
épithélium et mésenchyme dentaire,
gissant avec des protéines de la matrice extracellulaire, et un
préodontoblastes, palais, langue
endodomaine interagissant avec le cytosquelette. Elles consti-
tuent une famille d’hétérodimères. Les intégrines sont des BMP3 (ostéogénine) Ostéoblastes, cémentoblastes
molécules d’adhésion intercellulaire et d’adhésion cellule- et follicule dentaire, langue, palais
matrice extracellulaire. Elles assument aussi des fonctions de BMP5 Squelette, oreille, améloblastes,
récepteur. palais, langue
Quelques-uns de ces hétérodimères ne reconnaissent qu’un BMP6 Chondrocytes hypertrophiques,
seul ligand (l’intégrine a5b1 ne lie que la fibronectine) tandis ostéoblastes, pulpe dentaire, langue
que d’autres peuvent lier plusieurs molécules (l’intégrine BMP7 Épithélium orofacial, squelette,
a3b1 lie la laminine, le collagène de type IV et la fibronectine). (protéine ostéogénique 1 – OP1) yeux, stades initiaux dent
Ainsi, expérimentalement, il a été montré que l’injection BMP8 (OP2) Squelette, pulpe dentaire
d’un anticorps anti-sous-unité b1 des intégrines bloque la
Gdl5 (CDMP1) Ligament, pulpe
migration des CCN.
Gdl6 (BMP13) Suture coronaire du calvaria, oreille
De même, un anticorps dressé contre la séquence RGD (Arg-
moyenne, ligament et pulpe
Gly-Asp) [triplet d’adhésion] d’une protéine matricielle bloque
la migration des CCN.
Les intégrines sont associées au cytosquelette et constituent
un lien entre la MEC et les compartiments intracellulaires. Hox-8 (ou Msx-2) est exprimé d’abord dans l’épithélium oral,
L’expression localisée de ces récepteurs varie au cours des aux sites d’initiation des placodes dentaires, puis dans l’épithé-
événements morphogénétiques initiaux. On sait que les intégri- lium de l’organe de l’émail de la molaire. Il s’agit d’un détermi-
nes jouent un rôle important dans la morphogenèse et le nant dans la position de la dent et de sa forme finale. Les
développement. Cependant, l’étude de ce rôle est rendue plus interactions épithéliomésenchymateuses sont régulées par Hox-7
complexe du fait de la redondance de molécules adhésives. pour le mésenchyme et par Hox-8 pour l’épithélium.
Facteurs de transcription, de croissance et de signalisation. De
nombreux facteurs de transcription, de croissance et de signali-
sation sont impliqués dans le recrutement, la migration et

“ Points importants l’acquisition du phénotype terminal des CCN. Il s’agit essentiel-


lement des protéines de morphogenèse osseuse (BMP) et de
certains de leurs antagonistes, des facteurs de croissance
• Les intégrines sont associées au cytosquelette d’actine, fibroblastique (FGF) en particulier le FGF-2 qui promeut la
facilitant l’ancrage transitoire de la cellule pendant son différenciation squelettogénique des CCN [24] , de l’acide
déplacement (glissement-traction). rétinoïque et des protéines de signalisation de la voie Wnt.
• Elles sont impliquées dans la dynamique de locomotion Le Tableau 3 résume les relations entre certaines BMP et les
par leur activité de signalisation. tissus orofaciaux où leur mutation exerce des effets détectables.
• Les intégrines coopèrent pendant le déplacement de la Certaines mutations sont létales à des stades précoces du
cellule. développement. D’autres mutations sont compensées par
d’autres facteurs apparentés. Quelques exemples du rôle de BMP
au cours du développement de cellules dérivées des crêtes
neurales, d’après Nie et al. [25] :
La migration se produit en revanche in vitro sur des plaques • BMP4 code pour des molécules adhésives du type
de verre recouvertes de fibronectine, de laminine, de tenascine N-cadhérine et contrôle le changement de répertoire d’inté-
ou d’héparan sulfate protéoglycane (HSPG). La migration grines ;
s’effectue moins bien sur des plaques enduites de collagène. • BMP4 suffit à provoquer la délamination, suivie de la migra-
Gènes, facteurs de transcription et facteurs de croissance tion de CCN ;
Régulation par les homéogènes. La segmentation du système • BMP4 est exprimé par les rhombomères 3 et 5 d’où ne
nerveux des embryons de vertébrés est visible pendant une partent pas de CCN.
phase transitoire du développement du rhombencéphale où ce Deux antagonistes de BMP, chordin et noggin agissent de façon
processus donne naissance à des ondulations sur la face interne redondante pour limiter la signalisation due aux BPM. Ils
du tube neural, désignées comme rhombomères et apparaissant limitent la délamination des CCN et les protègent de l’apoptose
comme une succession de segments. Les gènes homéotiques induite par BMP pendant la migration et la différenciation [26].
appelés Hox chez la souris, présentent aussi une expression Sonic hedgehog est un autre antagoniste de BMP4. Un schéma
segmentée [22, 23]. d’expression montre que noggin est exprimé par les rhombomè-
Hox-2 est exprimé d’abord dans les cellules des crêtes neurales res 4 et 6, d’où migrent les CCN [27] (Fig. 12).
en migration, puis dans les cellules de l’ectoderme superficiel Origine des cellules dérivées des crêtes neurales. Marqueurs
correspondant. La distribution de ce gène correspond à un
des crêtes neurales
transfert d’information entre la crête neurale et l’ectoderme
superficiel. Les CCN forment une population qui se différencie au fur et
Hox-1-5 et 1-6 sont impliqués dans l’organogenèse du cerveau à mesure en plusieurs groupes de cellules différenciées.
postérieur et de la région branchiale. Ces événements suscitent un certain nombre de questions :
Hox-7.1 (ou Msx-1) est exprimé par de nombreux tissus • quant à la diversité cellulaire finale (hétérogénéité) à partir d’un
dérivés des crêtes neurales et dans des aires d’interactions même groupe de cellules originelles ;
épithéliomésenchymateuses pendant l’embryogenèse. • quant aux mécanismes de détermination d’un type cellulaire ;

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28-085-U-30 ¶ Embryologie craniofaciale (I). Régulations cellulaires et moléculaires des étapes initiales de l’embryologie craniofaciale

(
Caudal Crânial
CN apoptose Hox B5
?
? Msx-2 Hox A8
Hox A5
r2 BMP4 r4 Hox A4, B4, D4
Hox A1
Follistatine Hox A3, B3
Gènes
Krox-20 Rox B2
Hox
B1
Rhombomère Rhombomère Rhombomère Krox Krox
pair impair pair 20 20
Figure 12. Mécanismes moléculaires régulant les migrations de cellules Eux 1, Pax 2
dérivées des crêtes neurales par les rhombomères pairs et l’absence de tels
processus par les rhomblomères impairs. Les rhombomères pairs r2 et
r4 envoient des messages contrôlant l’expression de Krox-20, de follista-
tine et de BMP4 par le rhombomère impair, ce qui entraîne soit directe-
ment, soit indirectement (relais assuré par Msx-2) des processus d’apop-
tose des cellules dérivées des crêtes neurales (CN) [16, 17].

Rhombomères r8 r7 r6 r5 r4 r3 r2 r1
• quant à la différenciation et à l’établissement d’un « patron » Crête neurale
ou d’un « modèle » (patterning), qui résultent soit d’événe-
ments autonomes, soit d’interactions cellule/cellule au sein Ganglion sensoriel X IX VII/VIII V
d’un tissu.
Ces processus passent spécifiquement par la prolifération et la
croissance cellulaire, s’accompagnant de processus morphogé- Ganglion moteur X IX VII V
nétiques liés à la migration cellulaire et à la reconnaissance 0 1-4
intercellulaire. Somitomères S7 S6 S5 S4
La première question posée est la suivante : les cellules des
CN sont-elles pluripotentes ? Elles migrent très à distance et se Arcs pharyngés 5 4 3 2 1
répandent dans l’ensemble de l’embryon, pour s’établir dans
quelques territoires déterminés où elles se différencient en un
large groupe de cellules hétérogènes. Figure 13. Correspondance entre l’expression des gènes Hox, Krox Pax
En tant qu’outils ou modèles susceptibles d’apporter des et Eux et les voies de migration des cellules dérivées des crêtes neurales
éléments de réponse, on a proposé l’étude de chimères caille/ passant par les rhombomères (r1 à r8), les somitomères et les arcs
poulet ou le suivi d’immunomarquages mettant en œuvre des pharyngés. Les cellules dérivées des crêtes neurales migrent vers les
anticorps spécifiques tel l’anticorps NC-1/HNK-1, un anticorps somitomères et les arcs pharyngés. D’après Sadler [4].
monoclonal qui reconnaît deux gangliosides mineurs qui sont
exprimés spécifiquement par un certain nombre de neurones du
système nerveux central, tandis que d’autres anticorps sont Il est possible aussi que les cellules des crêtes neurales
dirigés contre des glycoprotéines de surface. Des marqueurs céphaliques donnent des populations cellulaires hétérogènes.
comme le Dil ont aussi permis de suivre les voies de migration Des cultures de cellules CN céphaliques migrantes donnent
des CCN. des populations hétérogènes : cellules gliales, plusieurs types de
Les résultats obtenus en culture tendent à montrer qu’il y neurones, des mélanocytes, du cartilage.
aurait apparemment un précurseur commun pour les cellules Quatre-vingts pour cent des cultures de cellules dérivées
des crêtes neurales et du tube neural. Certaines cellules des des CCN sont multiphénotypiques et contiennent entre deux et
crêtes neurales sont multipotentes. Il semble que la séquence de six types cellulaires distincts, essentiellement des cellules gliales
migration influence l’organisation dans le temps ou le décou- et des neurones. Cependant, on détecte du cartilage dans 3 %
page dans l’espace de dérivés possibles des crêtes neurales. des clones, avec quelques cellules de type fibroblastique. Ces
Il y a cependant un certain nombre d’évidences expérimen- cellules semblent provenir d’un progéniteur mésoectodermique.
tales qui suggèrent que les cellules migrantes des CN sont Trois hypothèses peuvent être prises en compte :
constituées par des populations hétérogènes d’emblée. Cepen- • les cellules peuvent être programmées selon un gradient
dant, les données sont parfois contradictoires : antéropostérieur très précoce et migrer selon des chemins
• en milieu de culture chimiquement défini, une population de précis prédéterminés, de façon à arriver au site approprié ;
cellules de crêtes céphaliques se différencie en neurones en • ou bien la spécificité de ces cellules s’acquiert pendant la
moins de 24 heures et sans division cellulaire préalable. Il s’agit migration, mécanisme qui mène les cellules à des sites très
donc de neurones sensitifs putatifs ; spécifiques ;
• des modifications apportées au milieu de culture montrent • ou bien, la spécificité n’est acquise qu’une fois atteint le site
qu’au sein de la même population cellulaire, on peut observer final.
la présence d’un autre type de précurseur neuronal, en Il semble acquis que l’acquisition de la spécificité soit un
particulier des lignées de cellules du système autonome. Mais phénomène plutôt précoce que tardif.
ces cellules doivent d’abord effectuer une ou plusieurs On a pu montrer de façon précise l’existence de sous-
divisions cellulaires avant d’exprimer finalement le phéno- populations à des stades précoces.
type de cellule à catécholamine ; Correspondance entre structures segmentées : rhombomè-
• par des méthodes immunocytochimiques et histochimiques, res, somites et arcs branchiaux (Fig. 13). La segmentation est un
on démontre la présence de sous-populations cellulaires mot clé, effectif dans les trois structures impliquées en cascade
distinctes, se traduisant par la présence d’acétylcholine dans la migration des CCN. Nous limitons l’exposé à la voie
estérase ; céphalique et nous ne faisons qu’évoquer l’existence d’une voie
• des résultats obtenus à partir de cultures unicellulaires, il troncale, qui ne contribue pas au développement craniofacial
apparaît clairement que les cellules dérivées des CN sont (Tableau 2). Cette segmentation suppose une spécialisation ou
constituées dès l’origine par un ensemble de cellules qui ont au une répartition particulière, aux limites de chaque rhombomère.
moins des potentialités inégales de développement. Initialement, Hoxb-1 et Krox-20 sont distribués uniformément.

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Embryologie craniofaciale (I). Régulations cellulaires et moléculaires des étapes initiales de l’embryologie craniofaciale ¶ 28-085-U-30

Malléus
Mésoderme r2 r2 Non Hox ncc Cartilage
de Meckel Incus
ba1
FGF-8
Ectoderme r3 r3 Sox9 Col2a1 Ossification
de surface endochondrale
Hoxa2
Cbfa1 (os dermique)
Stapès
Mésoderme r4 r4 Hoxa2 ncc Cartilage Apophyse styloïde
de Reichert
Petite corne
ba2

OV OV
r5 r5

Figure 14. Les cellules dérivées des crêtes neurales exprimées par le rhombomère r2 migrent vers le cartilage de Meckel du premier arc branchial ; celles qui
migrent à partir de r4 contribuent à la formation du cartilage de Reichert. L’expression de FGF-8 et de Hoxa2 est à l’origine de l’expression de Sox9 qui stimule
l’expression de chaînes entrant dans la composition de collagène de type 2, donc de cartilage intervenant dans l’ossification endochondrale, tandis que la
stimulation de Cbfa1 est à l’origine de la formation d’os membranaire (d’après Trainor et Krumlauf [23]). OV : vésicules otiques ; ncc : cellules de la crête neurale
(neural crest cells).

Tableau 4.
Puis, aux bordures de chaque rhombomère vient s’accumuler Dérivés des cellules des crêtes neurales regroupés par tissus.
Pax-6. Cette évolution dans la distribution matricielle et
Crêtes neurales céphaliques
cellulaire s’amplifie avec l’expression de vimentine, celle de
chondroitin-sulfate proteoglycan (CSPG) [28]. Dérivés ectomésenchymateux des proéminences faciales et des arcs
branchiaux : os, cartilage du squelette facial, éléments dérivés des arcs
Les CCN issues du diencéphale et mésencéphale antérieur
branchiaux (os hyoïde, osselets de l’oreille interne, dents : dentine,
migrent vers la face ventrale de l’embryon, suivant une voie cément, pulpe), os du crâne
subectodermale, dans la zone frontale où se développe le
Derme de la face et du cou, stroma et endothélium de la cornée
cerveau antérieur. À partir du mésencéphale postérieur, les CCN
Stroma des glandes salivaires, glandes lacrymales, thymus, thyroïdes,
se partagent entre CCN migrant vers la portion ventrale du
parathyroïdes et hypophyse
cerveau et CCN migrant vers le premier arc branchial.
Tissus musculaires lisses et striés de la face et du cou, muscles ciliaires,
Dès que commence à se développer la série des rhombomères,
muscles masticateurs, faciaux, laryngés
les CCN passent par la portion antérieure (rostrale) des somites
et poursuivent leur migration vers les arcs branchiaux. Vaisseaux sanguins (sauf endothélium), paroi des vaisseaux issus
de l’arc aortique
Les CCN issues des rhombomères 1 et 2 migrent vers le
premier arc branchial (arc maxillomandibulaire). Les rhombo- Cellules pigmentaires de la tête et du cou (mélanocytes, cellules
pigmentaires de l’iris). Système nerveux périphérique (neurones,
mères 3 et 5 ne contribuent pas à ces flux migratoires, les CCN
ganglions sensoriels, ganglions sympathiques et parasympathiques
entrant en apoptose, un phénomène corrélé à la surexpression
de BMP4 et conduisant à l’expression de Msx-2. Les CCN Crêtes neurales troncales
provenant du rhombomère 4 migrent en direction du deuxième Mélanocytes
arc branchial (arc hyoïde), tandis que des rhombomères 6-7 et Système nerveux périphérique (neurones, ganglions, chaînes
7-8, respectivement, partent des CCN qui envahissent les sympathiques et parasympathiques, cellules de Schwann, cellules
troisième (arc viscéral) et quatrième arcs branchiaux (Fig. 11). gliales)
En culture, sans juxtaposition avec les rhombomères pairs Tissu endocrinien (cellules chromaffines de la médullosurrénale,
adjacents, les segments impairs 3 et 5 produisent des CCN. cellules C à calcitonine des thyroïdes)
Après juxtaposition avec des rhombomères voisins, les CCN ne
migrent plus à partir des rhombomères impairs 3 et 5. En fait,
les cellules des rhombomères 3 et 5 entrent en apoptose.
Chaque paire de rhombomères exprime une combinaison
Quand il est transplanté d’une position rostrale en position
spécifique de gènes Hox. Avant l’établissement d’une barrière
caudale, l’expression des gènes est modifiée :
entre deux rhombomères, l’injection de cellules montre qu’un
• de façon dépendante de la nouvelle localisation du trans-
flux cellulaire se répand dans l’ensemble du territoire des deux
plant ;
rhombomères voisins. Quand la barrière entre deux rhombomè-
res du tube neural s’est bien différenciée, les cellules ne • selon la période où la transplantation est effectuée, soit avant,
franchissent plus cette barrière virtuelle et restent confinées soit après l’établissement des bordures entre rhombomères
dans le territoire injecté. segmentés. Les signaux inducteurs semblent provenir de l’axe
Aux rhombomères 3 et 5 correspond la localisation de neural lui-même [17].
l’expression de Msx-2 et de BMP4, un membre de la famille des Devenir de cellules dérivées des CN
transforming growth factor beta (TGF-b), dans les cellules dorsales
du tube neural. L’expression est donc dépendante de l’environ- Les cellules dérivées des CN donnent naissance à divers types
nement (Fig. 12, 13). cellulaires. Elles sont à la base de la formation du développe-
Quand un rhombomère est transplanté d’une position ment craniofacial [29]. Des différences existent entre le devenir
caudale vers une position plus rostrale, il exprime les mêmes des cellules neurales céphaliques et celui de cellules provenant
gènes Hox qu’avant transplantation. de crêtes neurales troncales (Fig. 14) (Tableau 4).

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28-085-U-30 ¶ Embryologie craniofaciale (I). Régulations cellulaires et moléculaires des étapes initiales de l’embryologie craniofaciale

“ Mise au point
Les cellules dérivées des crêtes neurales (CCN) sont des
cellules multipotentes. Il semble que les crêtes neurales
soient probablement constituées soit d’emblée, soit très
précocement, d’un ensemble cellulaire hétérogène. Issues
d’un progéniteur commun ou de plusieurs progéniteurs,
les CCN constituent une population transitoire impliquée
Figure 15. Vues latérale droite et de face d’un embryon humain au
dans la formation de la face des vertébrés et dans celle du
stade 16 (vers 37 jours), montrant le développement de l’appareil bran-
système nerveux périphérique. Elles migrent depuis la
chial au niveau de la future région cervicocéphalique et l’apparition de
crête ou le tube neural (rhombomères) vers la partie la cupule olfactive au niveau du bourgeon frontal.
rostrale du somite, puis vers les premiers arcs branchiaux,
en particulier vers le premier arc (ou arc mandibulaire) qui
intéresse spécifiquement la formation de la mandibule et
des maxillaires. Elles vont de toute façon restreindre leur
potentiel de différenciation (restriction du lignage), en
fonction de la voie empruntée, et garder une certaine
plasticité cellulaire avant d’acquérir leur phénotype final
au fur et à mesure qu’elles approchent de la cible
terminale. C’est au terme de cette migration que se
produit la cytodifférenciation terminale. Leur
différenciation est influencée par leur environnement. Les
cellules des crêtes neurales possèdent des potentiels de
différenciation limités. Elles migrent selon leur capacité Figure 16. Schémas de coupes frontales de l’appareil branchial d’un
acquise de sous-population spécifique. Elles donnent embryon humain, montrant l’organisation des arcs et des fentes autour
naissance à un grand nombre de cellules. Concernant la du champ mésobranchial (d’après [30]).
face, elles deviennent, par exemple, des chondrocytes,
des ostéocytes ou des odontoblastes.
branchial rigide a été transformé en une série d’arcs bran-
chiaux, mobiles de part et d’autre du pharynx.
Ces arcs se développent encore chez tous les vertébrés. Chez
■ Arcs branchiaux et leurs dérivés les gnathostomes, le premier arc donne naissance aux maxillai-
res et à la mandibule. Les autres arcs branchiaux forment les
branchies chez les poissons et beaucoup d’autres structures de
Appareil pharyngien et dérivés de la face la face et du cou chez l’homme.
et du cou Chez les poissons, le sang artériel est oxygéné par la branchie
et redistribué dans l’organisme par la portion dorsale de l’artère.
Structure et fonctions La fonction oropharyngée est double : elle est à la fois un
L’appareil branchial est un système transitoire dont l’archi- processus d’oxygénation du sang et elle est liée à l’alimentation.
tecture de base est affectée par la modification de l’extrémité Le nombre des arcs pharyngés est variable chez les poissons.
céphalique (Fig. 15). Chez l’homme, avec le développement des maxillaires et de la
mandibule vient s’ajouter une fonction masticatrice permettant
de mastiquer et d’avaler. Les muscles de l’expression faciale
proviennent du deuxième arc branchial, tandis que la langue et

“ Point important
le larynx proviennent des quatrième et sixième arcs branchiaux,
qui sont utilisés pour la vocalisation.
Chez l’homme, cinq (ou six) paires d’arcs pharyngés se
L’appareil branchial est composé d’arcs branchiaux, de forment selon une séquence crâniocaudale, de part et d’autre de
la cavité stomodéale.
poches épiblastiques et entoblastiques.
Pour l’embryon humain, les cinq arcs pharyngés jouent un
Les arcs sont séparés par des sillons : rôle correspondent aux premier, deuxième, troisième, quatrième
• visibles extérieurement : ce sont les poches et sixième arcs branchiaux.
épiblastiques ; Le cinquième arc ne se forme peut-être pas chez l’homme, ou
• visibles intérieurement : ce sont les poches peut former un rudiment éphémère qui régresse rapidement.
entoblastiques. Comme beaucoup d’autres structures du corps, les arcs
Chaque arc pharyngé, bordé extérieurement par de pharyngés se forment selon une succession craniocaudale :
l’épiblaste et bordé intérieurement par de l’entoblaste, • le premier arc apparaît au jour 22 ;
comporte un axe de mésenchyme vascularisé par un arc • les deuxième et troisième arcs apparaissent au jour 24 ;
aortique et innervé par un nerf sensitivomoteur. • les quatrième et sixième apparaissent au jour 29.
Le segment mésodermique est dérivé du mésoblaste latéral.
De plus, il reçoit des contributions des somitomères ou des
somites adjacents, provenant de la crête neurale et/ou du
Les arcs branchiaux donnent naissance à des structures mésenchyme para-axial.
squelettiques qui ne passent pas obligatoirement par des Chaque arc contient un support cartilagineux, une artère
précurseurs cartilagineux. Les cartilages qui leur sont associés aortique et un nerf spécifiquement associé à un nerf crânien :
assurent une fonction de soutien, mais ne sont pas impliqués V (premier arc pharyngé), VII (deuxième arc), IX (troisième arc)
dans l’ossification membranaire. Les poches vont soit s’effacer, et X (quatrième et sixième arcs) (Fig. 16).
soit donner naissance à des canaux. Le cartilage qui se forme au sein des arcs pharyngés est dérivé
La fonction respiratoire et nourricière a été fortement des crêtes neurales encéphaliques, à l’exception des cartilages
développée chez les agnathes, chez lesquels le panier des arcs 4 et 6 qui dérivent des bords latéraux du mésoblaste.

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Le premier arc est vascularisé par le premier arc aortique


(artère faciale) et innervé par une branche du V trijumeau.
14 15

1 I 7
2
a
I 4
a
5
II
8 5
16
“ Point fort
II
9 Premier arc ou arc maxillomandibulaire :
b
III
b III 10 • innervé par le trijumeau (le V) ;
c 11 12 • vascularisé par le premier arc aortique ;
6 • contribue à la formation des muscles masticateurs
c IV d IV (temporal, masséter, ptérygoïdien), du mylohyoïdien, du
d e 10 17
ventre antérieur du digastrique, du péristaphylin externe,
13
3 et du muscle du malléus ;
• formations squelettiques dérivées :
11 C cartilage ptérygo-palato-quadrate, impliqué dans la
formation des maxillaires,
18 C cartilage de Meckel, impliqué dans la formation de la
Figure 17. Arcs branchiaux et dérivés des poches ectobranchiales et mandibule,
entobranchiales. I à IV : arcs branchiaux. a à e : poches ecto- ou endo- C ainsi que l’incus, le malléus, le ligament antérieur du
branchiales. 1. Processus mandibulaire ; 2. poches ectobranchiales ; malléus, le ligament sphénomandibulaire.
3. crête épicardique ; 4. poches entobranchiales ; 5. conduit auditif ex-
terne ; 6. sinus cervical ; 7. cavité tympanique primitive ; 8. future trompe
d’Eustache ; 9. amygdale palatine ; 10. glande parathyroïde inférieure ;
11. thymus ; 12. glande parathyroïde supérieure ; 13. corps ultime bran- Deuxième arc pharyngé ou arc hyoïdien
chial ; 14. trompe d’Eustache ; 15. plancher du pharynx ; 16.foramen cæ- Le deuxième arc sert de support à la mandibule. Le cartilage
cum ; 17. glande thyroïde ; 18. intestin antérieur. du deuxième arc, ou cartilage de Reichert, a pour origine des
cellules dérivées des crêtes neurales et subit une ossification
Les éléments du viscérocrâne proviennent de l’évolution des endochondrale.
arcs pharyngés cartilagineux qui se développent à partir d’une Il est à l’origine :
.
condensation mésenchymateuse à l’intérieur de chaque arc. La • du stapès ;
condensation mésenchymateuse du premier arc provient de • de l’apophyse styloïde du temporal ;
l’ectomésenchyme, dérivé des crêtes neurales. • et de certaines parties de l’os hyoïde (petites cornes et partie
supérieure du corps de l’os hyoïde).
Structure au cours de l’embryogenèse et dérivés L’os hyoïde est stabilisé par des attachements musculaires
des arcs branchiaux (Fig. 15 à 17) venant s’insérer sur l’apophyse styloïde et sur la mandibule,
ainsi que par ses insertions musculaires sur le larynx et au
Premier arc pharyngé (ou arc branchial
niveau de la langue.
maxillomandibulaire) Le deuxième arc intervient dans la formation de muscles
Une fois que le premier arc pharyngé est développé, il est cutanés de la face (buccinateur, auriculaire, muscles frontaux,
remodelé pour donner naissance à un bourgeon maxillaire orbiculaire des lèvres et des paupières), du ventre postérieur du
contenant la barre ptérygo-palato-quadrate, et un bourgeon digastrique, du stylohyoïdien, et du stapédien.
mandibulaire contenant le cartilage de Meckel. Ces protubéran- Il est vascularisé par le deuxième arc aortique (artère carotide
ces donnent hémi-maxillaires et hémi-mandibule, qui fusionne- externe) et innervé par le nerf facial (VII).
ront ultérieurement au niveau médian. Les os qui se forment au
Troisième arc ou arc thyroïdien
sein de cet arc sont des os de membrane, donc ils ne passent
pas par le stade cartilagineux, ce qui les distingue des ossifica- Le troisième arc ou arc thyroïdien subit également une
tions endochondrales. Les cartilages ne contribuent donc pas à ossification endochondrale.
l’ossification, mais à assurer transitoirement une fonction Il participe à la formation du corps et des grandes cornes de
structurale. l’os hyoïde (partie inférieure de l’os hyoïde) et du muscle
Le premier arc, ou arc maxillomandibulaire, est centré dans stylopharyngien ainsi que du muscle constricteur supérieur du
sa partie mandibulaire sur le cartilage de Meckel qui disparaîtra pharynx.
ensuite, sauf à ses extrémités qui vont donner : Il est vascularisé par le troisième arc aortique (artère carotide
• le marteau et l’enclume, ainsi que deux osselets de l’oreille interne). Il est innervé par le glosso-pharyngien (IX).
moyenne qui se développent à partir de sa portion posté- Les arcs branchiaux suivants n’intéressent pas directement la
rieure ; formation de la tête. Nous les passerons simplement en revue,
• tandis que la mandibule et les muscles de la mastication se brièvement.
forment à partir du mésenchyme entourant le cartilage de
Quatrième arc : sans nom, moins bien différencié
Meckel. Une partie du cartilage de Meckel va donner le
ligament sphénomandibulaire. Le quatrième arc est à l’origine des cartilages du larynx et du
Dans la partie constituée par le bourgeon maxillaire : chaque muscle cricothyroïdien, des constricteurs du larynx, de la
prolongement contient en son centre un élément cartilagineux, musculature intrinsèque du larynx.
la barre ptérygo-palato-quadrate, résultant de la colonisation par Il est irrigué par le quatrième arc aortique et innervé par le
les cellules des crêtes neurales. nerf laryngé supérieur (branche du X, ou nerf vague).
Chez l’homme, comme chez d’autres mammifères, les maxil- L’épiglotte se développe au niveau de quatrième arc. Les
laires consistent presque entièrement en un os de membrane cartilages épiglottaux n’apparaissent pas avant le cinquième
qui entoure les cartilages de ce premier arc branchial, donc mois de la vie intra-utérine.
reçoivent peu de contribution du viscérocrâne.
La barre ptérygo-palato-quadrate renforce le bourgeon maxil- Cinquième et sixième arcs
laire du premier arc et, par ossification de membrane du tissu Chez l’homme, il n’y a peut-être pas de cinquième et sixième arcs
adjacent, se forment le maxillaire, le malaire, l’os zygomatique branchiaux distincts. Cependant les arcs aortiques correspondants
et l’apophyse zygomatique du temporal. apparaissent. La masse musculaire du cinquième arc donne

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naissance aux muscles intrinsèques du larynx, innervés par la parathyroïdes. Le FGF est un facteur crucial pour le développe-
branche laryngée inférieure ou récurrente du nerf pneumogas- ment de l’endoderme qui procure en retour des signaux direc-
trique (X). Les cartilages des quatrième et cinquième arcs teurs pour les CCN du mésenchyme sous-jacent et la régulation
deviennent la trame du larynx. Le cartilage thyroïde prend du développement du massif facial [32].
naissance à partir des quatrième et cinquième arcs. Les cartilages La première poche branchiale s’allonge et donne naissance au
cricoïdes, aryténoïdes, les anneaux de la trachée et les bronches récessus tubotympanique. La portion distale atteint le premier
se constituent à partir du sixième arc. sillon branchial et forme la cavité tympanique, future oreille
Le sixième arc est différencié de façon distincte tandis que moyenne, et l’antre mastoïdien. Le reste (partie proximale) forme
cinquième n’est que transitoire. le canal pharyngotympanique, la future trompe d’Eustache qui
Dans la région du sixième arc, une condensation mésodermi- s’ouvre dans le pharynx. La fusion des feuillets ectodermique et
que se forme à la 5e semaine, appelée bourgeonnement aryté- endodermique forme le tympan.
noïdien. Cette structure commence à devenir du cartilage vers La deuxième poche branchiale forme la fosse amygdalienne.
le début de la 7e semaine. Puis les cartilages thyroïde et cricoïde À son extrémité, l’épithélium endodermique forme l’amygdale
apparaissent, et enfin les cartilages cunéiformes et corniculés palatine, qui est infiltrée entre les troisième et cinquième mois
commencent à se former. par du tissu lymphatique, ce qui aboutit à la formation des
ganglions lymphatiques. Ce tissu persiste en partie et constitue
la loge amygdalienne.
La troisième poche branchiale est une zone où l’ébauche des
“ Point important thyroïdes et parathyroïdes apparaît. Le thymus, qui se forme
aussi dans cette poche, grossit jusqu’à la puberté, puis diminue
et s’atrophie. La glande parathyroïde inférieure naît aussi dans ce
Les quatrième et sixième arcs branchiaux contribuent à la récessus.
formation du larynx. Il s’agit des cartilages thyroïde, La quatrième poche branchiale, ou bourgeon thyroïdien, est
cunéiforme, corniculé, aryténoïde et cricoïde. Ces atrophiée chez l’homme. Elle contribue à la formation de la
cartilages ont pour origine les parties latérales du glande parathyroïde supérieure.
mésoderme et ne proviennent pas des crêtes neurales. La cinquième poche branchiale, ou diverticule de la quatrième
Le quatrième arc est irrigué par le quatrième arc aortique poche branchiale, forme le corps ultimobranchial qui participe à
la formation de la glande thyroïde. Cette structure est à l’origine
et innervé par le nerf laryngé supérieur (branche du X, ou
des cellules C ou parafolliculaires, sécrétant la calcitonine.
nerf vague).
Le sixième arc est innervé par le nerf laryngé inférieur Dérivés de l’appareil branchial
(branche du X, ou nerf vague).
Pax9, un facteur de transcription, est exprimé dans les
somites, les poches entoblastiques, le mésenchyme craniofacial
et les tissus dentaires. Les mutants nuls de Pax9 ont des
Sillons et poches branchiales (Fig. 16, 17) divisions palatines. Ils sont dépourvus de thymus, de glandes
parathyroïdes et du corps ultimobranchial, c’est-à-dire de dérivés
Devenir des sillons branchiaux ou pharyngiens ou poches majeurs des poches entoblastiques [33].
branchiales épiblastiques (ectoderme orofacial) (Fig. 17)
Les sillons branchiaux ou pharyngiens, ou poches branchiales Formation du plancher du pharynx, de la langue
épiblastiques sont observés dès la 5e semaine de la vie embryon- et des structures associées
naire. Ils vont disparaître ensuite pendant le développement de C’est à partir du plancher du pharynx que se forme la langue
l’embryon. (Fig. 18). La langue résulte de la prolifération mésenchymateuse
Les deuxième, troisième et quatrième sillons sont couverts par dans la partie ventromédiane de la première paire d’arcs
le deuxième arc branchial. Ces poches épiblastiques sont branchiaux (mandibulaire). Les muscles de la langue (myoblas-
progressivement enfouies et perdent toute connexion avec tes) proviennent des somites occipitaux. Ils dérivent du méso-
l’extérieur. Elles forment temporairement une cavité tapissée : le derme para-axial. Par migration rostrocaudale, les myoblastes
sinus caverneux, qui disparaît ensuite complètement. Il constitue envahissent le territoire situé sous l’endoderme pharyngé. Ce
un espace bordé par un épithélium squameux, le sinus cervical, processus se produit sous l’influence du tube neural et du
qui lui-même disparaît pendant l’extension de la flexion mésenchyme para-axial. Le TGF-a, l’epidermal growth factor (EGF)
cervicale. On décrit des vestiges du sinus cervical qui peuvent et le récepteur à l’epidermal growth factor (EGFR) sont impliqués
provoquer la formation d’un kyste branchial avec fistule dans la régulation de la myogenèse et en particulier sur
pharyngocutanée par où la salive fuit pendant la mastication. l’expression de la desmine, une protéine de structure musculaire
Le premier sillon branchial est le seul qui persiste partiellement. spécifique [34].
Il va former l’épithélium du conduit auditif externe et une Trois étapes conduisent à la formation de la langue : la
partie de la membrane tympanique. détermination du phénotype cellulaire, la différenciation et la
La régulation initiale se fait indépendamment de l’influence maturation tissulaire.
des CCN. Cependant, une fois établis, les domaines ectodermi- La langue est composée de deux parties : une partie anté-
ques influencent le déterminisme des CCN. Les signaux instruc- rieure et une partie pharyngée.
teurs qui se produisent migrent en direction du mésenchyme.
Formation des deux tiers antérieurs (Fig. 18, 19)
Le FGF-8 contrôle l’expression de deux gènes à homéoboîte du
groupe Lim, Lhx6 et Lhx7 qui influencent très spécifiquement le Stade initial (Fig. 18). La langue apparaît sur le plancher du
développement du premier arc branchial [31]. pharynx vers la 4e semaine sous la forme de deux bourgeons
linguaux, ovalaires et latéraux (bourgeons distaux de la langue) et
Devenir des sillons et poches branchiales endoblastiques d’un bourgeon médian, triangulaire (tuberculum impar).
(endoderme pharyngé) (Fig. 17) Stade de développement (Fig. 19, 20). Les bourgeons laté-
L’embryon humain possède cinq paires de poches endoblasti- raux augmentent de taille, puis convergent l’un vers l’autre. Ils
ques ou entobrachiales. Les quatre premières paires de poches envahissent le tuberculum impar. Ils forment les deux tiers
sont bien développées. La cinquième paire, un diverticule de la antérieurs ou corps de la langue. La fusion est marquée en surface
quatrième, est rudimentaire ou absente. Les poches branchiales par un sillon (sulcus médian) et en profondeur par le septum
endoblastiques sont des diverticules en forme de ballon. La médian fibreux.
première poche est située entre les premier et deuxième arcs Le tuberculum impar ne participe pas de façon significative à
branchiaux. Ces arcs entourent le pharynx primitif à l’intérieur la formation de la langue de l’adulte.
duquel se développent des structures comme la langue, les Le corps de la langue est innervé par la branche mandibulaire
amygdales, la trompe d’Eustache, la thyroïde, le thymus et les du trijumeau V.

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3
1
4 6
2 1
7 8
9
5 10

2 11 A

Figure 18. Stades initiaux de la formation de la langue. Les deux renflements linguaux latéraux et le tuberculum impar du premier arc branchial sont
impliqués dans la formation du corps de la langue, en avant du sulcus terminalis. La copula et le renflement épiglottique, originaires des deuxième, troisième
et quatrième arcs branchiaux, contribuent à la formation de la base (tiers postérieur) de la langue (d’après Tuchmann).
A. Vue sagittale. 1. Stomodeum ; 2. arc mandibulaire ; 3. poche de Rathke ; 4. pharynx ; 5. diverticule thyroïdien ; 6. cupule olfactive ; 7. langue ; 8. foramen
cæcum ; 9. épiglotte ; 10. orifice du sillon laryngotrachéal ; 11. trachée.
B. Vue supérieure (à gauche) et vue sagittale (à droite). 1. Foramen caecum ; 2. copula ; 3. bourgeons linguaux latéraux ; 4. bourgeon lingual médian
(tuberculum impar) ; 5. aryténoïde ; 6. tiers postérieur de la langue ; 7. orifice du sillon laryngotrachéal ; 8. lèvre inférieure de l’arc mandibulaire ; 9. épiglotte.

Formation du tiers postérieur de la langue. Le tiers posté- Les papilles de la langue apparaissent vers le 54e jour.
rieur – ou racine de la langue – se présente sous la forme de Ce sont d’abord les papilles caliciformes et foliées (sous l’effet
deux élévations situées en arrière du foramen cæcum. du IX), puis les papilles fongiformes ensuite (induites par le VII
Un deuxième renflement médian, la copula, ou éminence ou corde du tympan).
hypobranchiale, se forme aux dépens du mésoblaste des Les bourgeons gustatifs sont innervés par la corde du tympan
deuxième et troisième arcs branchiaux, ainsi que d’une partie (VII), les cellules caliciformes par le glossopharyngien (IX), tandis
du quatrième arc branchial. que le grand hypoglosse (XII) innerve les muscles intrinsèques et
Un troisième renflement médian, ou éminence épiglottique, extrinsèques de la langue.
située en arrière de la copula, est formé à partir du mésoblaste
Le développement de la bordure antérieure des papilles est
du quatrième arc.
sous la dépendance de Shh, Wnts, BMP2, BMP4, FGF-8, Noggin,
En arrière de cette éminence, on trouve la gouttière trachéo-
Lef1 et Sox2 [35]. EGF est exprimé sur l’ensemble du bourgeon :
bronchique ou orifice laryngé, flanqué de deux renflements
aryténoïdes. tant sur les parties antérieures que latérales. Le récepteur d’EGF
La base de la langue est innervée par le nerf glossopharyngien (EGFR) n’est présent que dans les parties basolatérales du
(IX). bourgeon [36].
La ligne de fusion des deux tiers antérieurs et du tiers
postérieur de la langue est marquée par un sillon, le sulcus Dérivés des arcs branchiaux : thyroïde
terminalis, en forme de V.
et parathyroïdes
La glande thyroïde est impliquée dans la production d’hor-
mones thyroïdiennes, produites par les cellules folliculaires

“ Point important
thyroïdiennes, et de calcitonine, produites par les cellules C
parafolliculaires.
La séquence de formation de la glande thyroïde est la
Le mésenchyme branchial forme le tissu conjonctif, les suivante (Fig. 20) :
vaisseaux lymphatiques et sanguins de la langue et • elle commence à se développer à partir du 24 e jour
certaines de ses fibres musculaires. L’essentiel de la (4 e semaine) à partir d’un épaississement entoblastique
musculature provient de myoblastes qui ont migré à partir médian présent sur le plancher du pharynx primitif, au
des myotomes des somites occipitaux. niveau du foramen cæcum juste en arrière du futur site du
tuberculum impar de la langue ;

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1
1

2 a

3
b

4 c

A B

Figure 19. Étapes de la formation de la langue.


1 A. Phase initiale à 4 semaines. a à d : 1er, 2e, 3e et 4e arcs branchiaux. 1. Bourgeon distal
lingual ; 2. bourgeon médian lingual ; 3. copula ; 4. éminence hypopharyngée.
B. Développement à 5 semaines. 1. Foramen cæcum.
C. Étape de formation à 6 semaines. Les deux tiers antérieurs distaux sont dus à
4
l’augmentation des bourgeons distaux latéraux, situés en avant du foramen cæcum.
3
Le tiers postérieur de la langue est produit par la copula et l’éminence hypopharyngée.
2 1. Formera les deux tiers antérieurs de la langue ; 2. formera le tiers postérieur de la
langue ; 3. foramen cæcum ; 4. sulcus terminal ; 5. amygdale palatine ; 6. épiglotte.

• on observe d’abord un épaississement qui forme une excrois- parafolliculaires, connues en tant que cellules C, et qui dérivent
sance, le diverticule thyroïdien. Au jour 26, ce diverticule des CCN, sécrètent de la calcitonine, une hormone de régula-
s’enfonce dans le mésoblaste sous-jacent ; tion du calcium.
• quand l’embryon croît, la langue se développe et le diverti- La thyroïde commence à fonctionner entre 10 et 12 semai-
cule descend en avant du cou et de l’intestin pharyngien. Ce nes. On observe alors les premiers follicules colloïdaux, qui
diverticule bilobé est relié à la langue par le canal thyréoglosse, peuvent incorporer de l’iode dans l’hormone thyroïdienne.
canal étroit qui s’ouvre dans la langue au niveau du foramen Pour leur part, les parathyroïdes inférieures proviennent de la
cæcum. Il persiste sous la forme d’une fossette ; troisième poche pharyngée qui se différencie entre la 5e et la
6e semaine. Le thymus et les parathyroïdes perdent leur
• le diverticule croît et, au jour 37, forme deux lobes, un
connexion avec le pharynx. Le thymus migre vers la partie
isthme et un pédoncule. Il atteint sa position définitive vers
caudale, entraînant les parathyroïdes dans sa migration. La
la 7e semaine du développement embryonnaire, en avant de
migration s’achève quand le thymus est arrêté par la surface
la trachée. Le canal thyréoglosse disparaît. La thyroïde atteint
dorsale de la glande thyroïde.
sa position finale, en avant de la trachée, juste en dessous du
Les parathyroïdes supérieures proviennent de la quatrième poche
cartilage cricoïde. Au 48e jour de grossesse, le rudiment de
pharyngée. Elles se différencient à la 5e-7e semaine. Les rudiments
glande commence à former des follicules. de glandes perdent leur connexion avec le pharynx, établissent des
L’ébauche thyroïdienne est formée par une masse solide de liens avec la thyroïde, qui migre en direction caudale. Des diffé-
cellules endodermiques qui se rompt et donne un réseau de rences de durée de migration font que les parathyroïdes supérieures
cordons ou de plaques d’origine ectodermique envahissant le sont en général situées au voisinage de l’axe médian et plus
mésenchyme voisin. À la 6e semaine, ces cordons sont fragmen- postérieurement que les parathyroïdes inférieures.
tés en petits groupes cellulaires et une lumière apparaît dans Cette succession d’événements est sous la dépendance d’un
chacun d’entre eux. Les cellules s’organisent en une couche facteur de transcription Titf1/Nkx2-1, exprimé tant dans la glande
unique encerclant cette lumière. À la 11e semaine, la colloïde fonctionnelle que par les cellules précurseurs. C’est aussi le cas
apparaît dans ces follicules, ainsi que la thyroxine. Les cellules pour trois autres facteurs de transcription Foxe1, Pax8 et Hhex,

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1 2

3 10
9

4
6
7
8

4e semaine Fin de la 5e semaine

1
1
5

6 5
7 11
8

Début de la 5e semaine 7e semaine


Figure 20. Schéma de la formation de la langue en coupe sagittale. Au niveau du foramen cæcum, le canal thyroglosse permet la migration des rudiments
de la glande thyroïde qui se met en place en avant de la trachée à 7 semaines. 1. Foramen cæcum ; 2. pharynx primitif ; 3. diverticule respiratoire ; 4. diverticule
thyroïdien ; 5. os hyoïde ; 6. trachée ; 7. œsophage ; 8. glande thyroïdienne ; 9. langue ; 10. le canal thyréoglosse disparaît ; 11. larynx.

Figure 21. Formation initiale de glandes salivaires. Tubule formé de Figure 22. L’extrémité distale de tubules menant à la formation de
cellules progénitrices de canaux et cellules acineuses. On note la présence cellules acineuses initiales (tête de flèche) est formée de cellules proaci-
de cellules en division cellulaire (astérisque). À gauche de la micrographie, neuses (astérisque), au bout de tubules préfigurant des cellules de canaux
une cellule claire est un précurseur de cellules myoépithéliales. Flèche : intercalaires (flèche).
extrémité d’un tubule.

impliqués aux stades initiaux de la morphogenèse. Leurcoexpres- Phase d’initiation


sion par les cellules de l’« anlage » thyroïdien constitue une Les glandes salivaires se développent aux 6e et 7e semaines
spécificité de ce tissu. À un stade ultérieur, Tshr, Nkx2-6, 2-3 et par prolifération de cellules épithéliales provenant de la cavité
2-5 viennent ajouter leur rôle potentiel à celui de Hnf-3b [37]. stomodéale.
Développement embryonnaire des glandes La glande submandibulaire initie sa formation à partir de
l’entoblaste du plancher de la bouche, tandis que la parotide
salivaires (Fig. 21-23)
provient de bourgeons d’épiblaste. Les sublinguales proviennent
Comme tout organe, le développement anténatal des glandes de multiples petits bourgeons d’entoblaste provenant du sulcus
salivaires passe par une phase d’initiation, puis de morphoge- paralingual. Ces cellules épithéliales prolifèrent et forment des
nèse et s’achève par une différenciation terminale [38]. tubes qui se développent dans le mésenchyme sous-jacent.

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Phase de cytodifférenciation terminale


Vers les jours 18-19, un matériel sécréteur apparaît au sein des
cellules terminales des tubules. On observe, chez les murins, la
différenciation de cellules proacineuses, à partir desquelles des
cellules acineuses forment un renflement terminal en massue.
Simultanément, les cellules proacineuses disparaissent et l’on
observe la formation de cellules de canaux intercalaires (au
20-21e jour).
Chez le rat ou la souris, à la naissance, les cellules acineuses
sont fonctionnelles à la naissance. Les cellules proacineuses ont
pratiquement disparu, ou sont en voie d’autodestruction, suite
au développement de vacuoles de type autophagosomes. Les
cellules des canaux intercalaires constituent un réservoir qui,
par glissement distal des cellules canalaires, assure le renouvel-
lement des cellules acineuses qui disparaissent par apoptose. Les
tubules proximaux n’ont pas encore achevé leur différenciation
terminale et ce processus demande jusqu’à 6 semaines, jusqu’à
la fin de la période de sevrage et de maturation endocrinienne,
chez le rat. Pendant cette période de maturation postnatale, les
Figure 23. Cellules acineuses de glandes salivaires (sous-mandibulaires)
en cours de différenciation (à gauche de la microphotographie) et cellules
tubules vont donner naissance à des canaux striés, qui ont une
proacineuses transitoires (à droite de la figure) à grains de sécrétion dense double fonction de réabsorption et de sécrétion [44]. Entre la
aux électrons. portion distale des canaux striés et les canaux intercalaires, on
voit se développer chez les murins les canaux granulaires. Ce
développement tardif se fait sous l’influence d’hormones et en
particulier de la testostérone. Ce n’est qu’une fois atteinte la fin
Au cours de ces premières étapes du développement embryon- de leur maturation sexuelle que rats ou souris présentent des
naire, la connexion se perd entre ces amas de cellules épithéliales tissus de glandes salivaires ayant atteint une cytodifférenciation
ou ces tubules et l’épithélium de la cavité buccale. On assiste à terminale complète.
la dégénérescence du tube épithélial connectant l’ébauche de Au cours de ces processus, pendant la période anténatale, les
glande salivaire à la cavité stomodéale. Il en résulte une double canaux collecteurs apparaissent et se développent, canal de
Sténon pour la parotide, canal de Wharton pour la glande
organisation vasculaire et nerveuse : un premier réseau vasculo-
submandibulaire. Ces canaux n’ont qu’un rôle fonctionnel
nerveux étant mis en place autour du rudiment, puis un
mineur, mais permettent de convoyer le produit de sécrétion
deuxième réseau, moins complexe, se développant ultérieure-
depuis les cellules sécrétrices acineuses et canalaires, jusque dans
ment autour du canal collecteur qui se forme ultérieurement, la
la cavité buccale. La salive participe alors à la formation du bol
glande étant devenue fonctionnelle.
alimentaire (insalivation), au contrôle des colonies bactériennes
Un bon nombre de travaux de dissociation, réassociation (effet de chasse) et aux processus de reminéralisation (pouvoir
homochrone et hétérochrone, ont pendant longtemps mis tampon et transporteur d’ions minéraux).
l’accent sur le rôle primordial du territoire mésenchymateux
dans le développement initial [39]. Ces données ont été corrigées
et une influence prédominante semble maintenant devoir être
Cet article a fait l’objet d’une prépublication en ligne : l’année du copyright
accordée au tissu épithélial pendant cette phase initiale.
peut donc être antérieure à celle de la mise à jour à laquelle il est intégré.
Phase de morphogenèse .

Chez le rat, la prolifération de cellules épithéliales se produit


vers le jour 14. Les cellules groupées forment un bulbe faisant
■ Références
saillie dans le mésenchyme. Au jour 15, on note une conden- [1] Slavkin HC. Developmental craniofacial biology. Philadelphia: Lea
sation de cellules mésenchymateuses. and Febiger; 1979.
La structure du rudiment de glande salivaire se résume à ce [2] Gilbert SF. Developmental biology. Sunderland, Massachusetts:
stade par la formation d’un canal principal et de bourgeons Sinauer Associates Inc; 1991.
terminaux. Des ramifications primaires, secondaires et tertiaires [3] Larsen WJ. Human embryology. Edinburgh: Churchill Livingstone;
1993.
apparaissent au jour 16. Ces processus de ramification sont dus
[4] Sadler TW. Langman’s medical embryology. Baltimore: Williams and
au cytosquelette [40] et à l’existence de glycoconjugués revêtant Wilkins; 1995.
la face externe de la membrane cytoplasmique (cell coat ou [5] Morris-Kay G, Tucket F. Early events in mammalian craniofacial
glycocalyx) et se révèle indépendant de l’expansion épithé- morphogenesis. J Craniofac Genet Dev Biol 1991;11:181-91.
liale [41]. Les divisions cellulaires intéressent essentiellement [6] Fergusson MW. The orofacial region. In: Wigglesworth JS, Singer
deux « proliférons » : l’un se situant au niveau des canaux chapter DB, editors. Textbook of fetal and perinatal pathology. Oxford:
primitifs, l’autre, plus distal, dans une région préterminale des Blackwell Scientific Publications; 1991. p. 843-80.
tubules. Les mitoses vont se produire activement pendant toute [7] Dieterlen-Lièvre F, Duprat AM, Le Douarin N. La biologie du déve-
la période embryonnaire et se poursuivre pendant la phase loppement : sources et perspectives. Med Sci (Paris) 1996;12(suppl):
postnatale, en se réduisant en nombre, mais sans toutefois 67-75.
disparaître complètement. Tandis que le mésenchyme contribue [8] Hay ED. An overview of epithelio-mesenchymal transformation. Acta
à la formation d’une capsule, on assiste à la différenciation Anat (Basel) 1995;154:8-20.
précoce de cellules de tubules et de cellules terminales [9] Newgreen DF, Minichiello J. Control of epitheliomesenchymal trans-
(proacineuses/acineuses) [42]. formation. I. Events in the onset of neural crest cell migration are
separable and inducible by protein kinase inhibitors. Dev Biol 1995;
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M. Goldberg (michel.goldberg@parisdescartes.fr).
Université Paris Descartes, UMR-S INSERM 747, Biomédicale des Saints Pères, 45, rue des Saints-Pères, 75006 Paris, France.
T. Davit-Beal.
Faculté de chirurgie dentaire-odontologie pédiatrique, Université Paris Descartes 1, rue Maurice-Arnoux, 92120 Montrouge et Université Pierre et Marie
Curie, UMR 7138 « Systématique, Adaptation, Évolution », 7, quai Saint-Bernard, 75005 Paris, France.
P. Barbet.
Laboratoire de pathologie pédiatrique, Hôpital Saint Vincent de Paul, Université Paris Descartes, 74, avenue Denfert-Rochereau, 75014 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Goldberg M., Davit-Beal T., Barbet P. Embryologie craniofaciale (I). Régulations cellulaires et moléculaires
des étapes initiales de l’embryologie craniofaciale. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Médecine buccale, 28-085-U-30, 2011.

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