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es accords d’Abraham signés le 15 septembre accords d’Oslo. Tout en formalisant une reconnais-
géopolitique et un changement de paradigme majeurs ham (suivis par les accords de paix avec le Soudan et
dans le monde arabe, la cause palestinienne ne faisant le Maroc) prennent donc à revers l’initiative de paix
dorénavant plus office de ciment idéologique et Israël saoudienne de 2002. Les Saoudiens savent qu’ils cou-
n’apparaissant plus comme le principal ennemi. Chaque rent le risque d’être marginalisés. Pour autant, la nor-
gouvernement se concentre désormais sur ses intérêts malisation saoudo-israélienne ne fait pas encore
et sa sécurité nationale dans une région traumatisée par consensus en interne et devrait attendre la fin du règne
les révoltes arabes de 2011, les basculements rapides de du roi Salman. Elle devrait aussi dépendre de l’avenir
régimes et l’enracinement d’une menace terroriste de politique du prince héritier, Mohammed ben Salman
long terme. (MBS), qui s’est plusieurs fois exprimé en faveur d’un
La question se pose à présent de savoir si d’autres rapprochement avec Tel-Aviv.
pays arabes franchiront le pas de la normalisation. Des L’arrivée de la nouvelle administration Biden, dési-
pressions ont été exercées par les États-Unis sur Oman reuse de réévaluer ses relations avec le prince héritier
et l’Arabie saoudite. Mascate semble vouloir conser- saoudien (MBS ayant été mis en cause dans l’assassi-
ver des relations apaisées avec l’Iran et se tenir à dis- nat de Jamal Khashoggi, dans un rapport déclassifié
tance de la conflictualité régionale. Riyad semble fé- du renseignement américain) et de revenir dans l’ac-
brile et redoute qu’un rapprochement avec Israël cord sur le nucléaire avec l’Iran, n’augure pas d’une
n’entache sa position de leader du monde sunnite et nouvelle vague de normalisations sous médiation amé-
de gardien des lieux saints de l’islam. Le fait que les ricaine. Les conseillers Moyen-Orient de Joe Biden veu-
EAU aient été les premiers à assumer la normalisation lent rompre avec la politique étrangère de l’adminis-
en 2020, témoigne de son rôle croissant sur la scène tration Trump. Leur priorité n’est pas de rapprocher
régionale. La fédération se place au centre de l’échi- Israël des pays arabes, ni de soutenir un front anti-ira-
quier politique moyen-oriental et se présente comme nien. Ils ont déjà annoncé la réouverture de la repré-
un allié indéfectible de Washington, principal artisan sentation palestinienne à Washington et le rétablisse-
du rapprochement israélo-arabe. Les accords d’Abra- ment des aides humanitaires aux Palestiniens
bliques arabes, tant en raison de la « normalisation » gique » qui « renforcera l’axe de la Résistance » dans
de la place d’Israël au Moyen-Orient, que par la né- la région, la normalisation des relations avec l’État
cessité de se concentrer sur les problèmes intérieurs d’Israël ne pouvant être « pardonnée ».
immédiats. Quant à la Turquie, elle a été le premier État à ma-
Les Palestiniens sont conscients du désintérêt et de jorité musulmane à reconnaître Israël en 1949. Elle a
la lassitude d’une partie de la région à leur égard. Dans adopté une politique de neutralité vis-à-vis du conflit
un sondage du PCPSR (Palestinian Center for Policy and israélo-palestinien pendant la guerre froide. Les deux
Survey Research) de septembre 2020, 86 % estimaient pays se sont rapprochés et ont développé leurs rela-
que l’accord avec les EAU bénéficiait seulement à Is- tions économiques dans les années quatre-vingt-dix.
raël, 80 % ont défini la normalisation comme une « tra- Tendues depuis l’opération israélienne « Plomb dur-
hison », un « abandon » et une « insulte » et 70 % pen- ci » dans la bande de Gaza (décembre 2008 – janvier
saient que d’autres pays arabes allaient rapidement 2009), les relations entre la Turquie et Israël se sont en-
faire la même chose. Ces réactions désabusées vont de suite fortement dégradées en 2010 avec l’affaire de la
pair avec une baisse significative du nombre de Pales- flottille Mavi Marmara. Depuis lors, les relations bila-
tiniens croyant encore à la faisabilité de la solution à térales n’ont jamais retrouvé leur niveau d’avant la cri-
deux États. Ils n’étaient plus que 39 % en septembre se. Depuis qu’il a été élu président en 2014, Recep
dernier, contre 45 % trois mois avant. Tayyip Erdogan se veut même le héraut de la cause pa-
lestinienne. Il accueille sur son territoire des militants
Les puissances non arabes (Turquie et Iran) : du Hamas, il a convoqué le sommet extraordinaire de
l’Organisation de la coopération islamique après la re-
nouveaux chantres de la défense de Jérusalem connaissance par les États-Unis de Jérusalem comme
et des Palestiniens capitale d’Israël en 2017 et a accusé Tel-Aviv de « ter-
rorisme d’État » et de « génocide » après l’opération
e réalisme géopolitique des capitales arabes s’est militaire israélienne à Gaza, en 2018. Pourtant, la Tur-