Vous êtes sur la page 1sur 3

Cet article va te permettre de mieux comprendre la géopolitique de Moyen-Orient au travers

de trois acteurs clés (le Qatar, l’Arabie Saoudite et l’Iran) et te donner des exemples
originaux pour te distinguer aux concours ! Il y est question de thématiques variées, allant de
l’islamisme à l’impact des blocus économiques en passant par l’intégration régionale et la
Realpolitik.

Une rivalité historique entre le Qatar et l’Arabie saoudite

Les tensions ne sont pas nouvelles

Le traité de Darin (1915), auquel succède le traité de Djeddah de 1927 (entre les
Britanniques et la future Arabie saoudite) portait sur les terres de la dynastie saoudienne des
Ibn Saoud. Il assurait entre autres une protection britanique sur l’un de ses protectorats, le
Qatar. Mais celle-ci ne concernait en réalité que les “États de la Trêve”, lesquels formeront
plus ou moins les Émirats arabes unis en 1972. Or, l’Arabie saoudite (née en 1932) prit peu à
peu conscience de l’intérêt stratégique et économique du Qatar depuis la découverte du
pétrole et revendiqua alors son emprise sur ce petit pays, aujourd’hui 4ème producteur
mondial de gaz (4,5% en 2019) et 14ème de pétrole (2,1%).

De plus, le Qatar cherche à normaliser le mouvement frériste (Frères musulmans) et à


apparaître comme un nouveau pôle islamiste du XXIème siècle, considérant que depuis les
Printemps arabes de 2011 (qu’ils ont soutenus), leur islamisme constitue le devenir politique
des révoltes arabes. Or, depuis 1979, l’Arabie Saoudite (dépositaire des deux sites sacrés de
l’islam : La Mecque et Médine) craint d’être menacée par l’ascension d’une autre puissance
islamique qui défierait son leadership régional.

Un rapprochement Qatar-Iran qui agace l’Arabie saoudite

Ce que l’on vient de dire s’applique d’abord à l’Iran, ennemi juré de l’Arabie saoudite qui
mène dès les années 1980 une campagne de stigmatisation vis-à-vis de la puissance chiite.
Cette image d’une Iran menaçante fut ensuite adoptée par les autres pays du CCG (Conseil
de coopération du Golfe, une organisation régionale née en 1981 et regroupant l’Arabie
saoudite, les Émirats arabes unis, le Koweït, Bahreïn, Oman et le Qatar), les États-Unis et
Israël. Or, l’Iran et le Qatar semblent de plus en plus “alignés”. Économiquement, les deux
pays se partagent le gisement North Dome, le plus grand gisement de gaz naturel au monde.
Politiquement, les deux pays signent un accord de sécurité en 2011 qui déplut fortement à
Riyad. Aussi, le mouvement des Dévoués de l’islam (crée en 1946 en Iran) ressemble à une
réplique chiite des Frères Musulmans et lors des Printemps Arabes, les deux pays ont
soutenu les mouvements contestataires, à part en Syrie. L’Arabie saoudite peut néanmoins
compter sur des alliés solides comme les Émirats arabes unis qui ont par exemple durci leur
politique iranienne après le sauvetage financier de Dubaï par Abu Dhabi en 2008. En effet,
Abu Dhabi a une position très conflictuelle avec l’Iran depuis leur contentieux à propos de
plusieurs îles du Golfe.

Actualité : blocus

Ainsi, face à un Qatar qui joue le turbulent au sein des pays du Golfe, mais aussi pour s’en
prendre à l’Iran et au média Al Jazeera, MBS (Mohammed ben Salmane, prince héritier de
l’Arabie saoudite) convainc les autres pays du Quartet (Émirats arabes unis, Égypte, Bahreïn)
d’imposer un blocus au petit pays. En effet, en mai 2017, à la suite d’une cyberattaque,
l’agence de presse qatarie QNA avait publié de prétendues déclarations de l’émir du Qatar
dénonçant la politique anti-iranienne des pays du Golfe et leur reprochant d’avoir adopté
une version extrémiste de l’Islam.
Q.M. al Ansari, du SESRI, parle de deuxième bataille d’indépendance pour le Qatar. Il y aurait
un grand État et cinq micro-États : l’axe fort Riyad-Abu Dhabi, un Bahreïn sans politique
étrangère et suiviste, deux États neutres (Oman et Koweït) et le turbulent Qatar.
Nous verrons plus tard comment le Qatar a réagi à ce blocus inédit, levé en janvier 2021.

L’Iran joue habilement dans la région qui voit ses alliances se recomposer

Le défi iranien

Comme on l’a dit, l’Iran est perçue comme très hostile par Riyad et ses alliés.
En 1981, le CCG est crée dans un contexte de Guerre du Golfe et de menace d’exportation
de la révolution islamique, ce qui justifie alors leur soutien à Saddam Hussein. Leur alliance
est soutenue par les États-Unis, inquiets d’une déstabilisation régionale dont la puissance
chiite pourrait tirer profit. En 1984, l’alliance devient militaire avec le “bouclier de la
péninsule” (force armée conjointe du CCG) pour aider la dynastie sunnite du Bahreïn face à
des manifestations chiites, jugées comme instrumentalisées par Téhéran. Mais les dirigeants
du Qatar et de l’Iran n’ont jamais cessé de se rencontrer et l’Iran reconnaît que le Qatar a
maintenu une relative neutralité lors de la guerre Iran-Irak. La relative proximité entre l’Iran
et le Qatar est cependant à nuancer cependant : l’Iran profite des tensions entre le Qatar et
l’Arabie saoudite, elle divise pour mieux régner.

Un nouveau système d’alliances

La réalité d’un Moyen-Orient recomposé est une conséquence incontestable de ces tensions.
Alors que Riyad avait pour stratégie de mettre en place une coalition sunnite afin d’endiguer
l’Iran, ce bloc sunnite paraît divisé après 2017. Cela contraste avec un arc chiite relativement
structuré de Téhéran à Beyrouth, de Damas à Bagdad. L’Iran profite véritablement du blocus
contre le Qatar et envisage alors un nouvel axe Turquie/Iran/Qatar/Hamas : c’est ce que
Gilles Kepel appelle “l’axe fréro-chiite”. Mais pour véritablement comprendre cette
recomposition il ne faut surtout pas oublier Israël : trouver article

Le Golfe Persique se déchire et le Qatar s’adapte


Un CCG paralysé

La priorité du CCG était la sécurisation du Golfe, mais comme souvent dans l’histoire arabe,
l’unité n’était que de façade. Toutefois, elle fut réelle lors de deux évènements : lors de
l’opération “Tempête du désert” contre l’invasion du Koweït par l’Irak en 1991, même si à
l’issue de la guerre chaque pays se contenta d’accords bilatéraux avec les États-Unis ; et lors
de la coalition anti-terroriste contre Daesh en 2015, avec notamment un compromis entre
les deux frères ennemis que sont le Qatar et l’Arabie saoudite : la coalition fut pilotée par
Riyad et Washington mais les opérations étaient développées depuis la base qatarie d’Al
Ouleid. Mais depuis le blocus de 2017, le CCG est en plein effritement alors qu’elle était
considérée comme l’organisation régionale la plus intégrée après l’U.E. Les espoirs d’unité
du Golfe face à Daesh sont anéantis. Riyad entend profiter de cet effritement en jouant sur
deux tableaux stratégiques : profiter de son ascendant sur Le Caire pour que la Ligue Arabe
se range derrière elle et s’appuyer sur l’Organisation de la Conférence islamique. Il s’agit de
trouver un contrepoids de taille là où le Qatar n’a pas autant d’influence qu’au sein du CCG.

Les forces du Qatar

Le Qatar a très bien résisté au blocus. Dès le début de la crise, l’émir réagit paisiblement et
rappelle l’attachement du Qatar au droit international et notamment au principe de la
“responsabilité de protéger” (qui remplace le droit d’ingérence de l’ONU en 2005). Outre
son fond souverain, le pays s’en est aussi tiré grâce à deux alliés importants : l’Iran et la
Turquie, qui ont exporté massivement des denrées alimentaires. Le Qatar bénéficia aussi
d’un contingent de soldats turcs. De fait, l’axe Turquie-Qatar est l’un des plus solides au
Moyen-Orient et leur permet réciproquement de sortir de leur isolement régional. Le
rapprochement net a eu lieu en 2011 en raison de leur affinité avec les Frères musulmans ;
un accord militaire bilatéral a eu lieu en 2014.
Le Qatar et l’histoire montrent que les sanctions économiques sous forme de blocus ou
d’embargo ont peu d’effet, voire l’effet opposé : le Qatar a repoussé les limites
géographiques de ses filières d’approvisionnement, accéléré son autosuffisance
(développement de la plus grande usine de traite de vaches du Moyen-Orient) et diversifié
son économie. Le blocus, comme d’autres dans l’histoire, permet un réflexe d’union sacrée
(cf. Cuba).
Enfin, au travers de cette crise, on a vu comment le Qatar excellait et s’ouvrait en termes de
politique étrangère : par exemple, on a noté un rapprochement certain avec la Russie
(achats de S-400, actionnaire à 19% du groupe pétrolier russe Rosneft en 2018), où il est
même parfois question d’une OPEP du gaz (Russie, Iran, Qatar).

N’hésite pas à consulter nos derniers articles d’actualité géopolitique en cliquant ici ou là !

Vous aimerez peut-être aussi