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II / Les enjeux des stratégies et des politiques

énergétiques des Etats arabes :


A/ les conflits régionales :
Les États arabes sont confrontés à des conflits internes qui ont des répercussions
importantes sur leur secteur énergétique, menaçant la production et l'exportation
de leurs précieuses ressources énergétiques et remettant en question leur stabilité
économique et politique.
Depuis l’intervention américaine en Irak, l’instabilité du système des prix de l'or
noir ne cesse d’inquiéter. Le 11 juillet 2008, le prix du pétrole se situe près de
147,27 dollars le baril ($/b), soit cinq fois plus qu’en 2001. Après cette hausse
historique, il connaît une chute vertigineuse de plus de 60 %, et descend à moins
de 40 $ au début de l’année 2009, mais sa tendance actuelle est celle d’un
rebond qui retrouve les niveaux de 2007, au-dessus de 70 $/b. Plusieurs facteurs
se conjuguent pour expliquer l’inquiétude du marché pétrolier. La production
mondiale de pétrole stagne, la consommation augmente, et les tensions
politiques perdurent au Proche-Orient, une région qui constitue le véritable «
cœur pétrolier » du globe. Le prix du pétrole bascule en effet entre deux
logiques, tantôt concurrentielles, tantôt complémentaires : la logique du marché
et la logique des tensions géopolitiques. Si la logique du marché est
déterminante pour la formation des prix, l’impact capital des conflits du Proche-
Orient sur les marchés pétroliers incite à adopter une « approche géopolitique »
pour appréhender les problèmes de sécurité énergétique.1
Ceci donne une vision sur l’impacte des conflits interne sur la stabilité de la
sécurité énéretique dans la region arabe.
Le conflit le plus ancien dans ce cadre c’est le conflit arabo-israélien.
Lorsqu’on évoque le Proche-Orient et le conflit entre Israéliens et Palestiniens,
on aborde rarement le rôle qu’occupe l’électricité dans ce rapport de force. Or
cette forme d’énergie y joue un rôle incontournable puisque l’Etat hébreu a fait
de l’électricité un outil de conquête et de contrôle de territoires, non seulement
ceux souverains et reconnus d’Israël, mais également, à partir de 1967, ceux de
Cisjordanie et de la bande de Gaza. Dans les deux cas, la production et la
fourniture d’électricité est un instrument pour accompagner l’appropriation de
territoires grâce à l’implantation de populations juives, laquelle est accélérée par
l’accès aux commodités qu’offre l’électricité (éclairage, chauffage,

1
Brahim Saidy, Les problèmes politiques au Proche-Orient et le prix du baril de pétrole, Institut français des
relations internationales, 2010, p 1.
communication, sécurité). À ce titre, l’énergie électrique, dans cette région peut-
être plus qu’ailleurs, est donc une énergie géopolitique.2
Depuis la fondation de l'État d'Israël en 1948, le Moyen-Orient est un foyer de
crises permanent. Les pays arabes n'acceptent pas la présence d'un État juif en
Palestine. Ce conflit latent est réanimé par l'occupation israélienne des territoires
arabes, du Golan, de la Cisjordanie et du Sinaï durant la Guerre des six jours de
1967. Les grandes puissances interviennent massivement dans ce conflit : les
États-Unis en tant qu'ami indéfectible d'Israël et l'URSS en tant que défenseur
des pays arabes. Les belligérants reçoivent des quantités énormes d'armes de
leurs alliés respectifs. Pendant la guerre du Kippour de 1973, Israël est agressé
par l'Égypte et la Syrie qui veulent recouvrer leurs territoires occupés. Mais
Israël résiste victorieusement. La visite du président égyptien Anouar Al-Sadate
à Jérusalem, en septembre 1978, permet de déclencher le processus de paix au
Moyen-Orient. Le Premier ministre israélien, Menahem Begin, est prêt à rendre
les territoires occupés du Sinaï en échange de la paix avec l'Égypte. Mais les
autres pays arabes et l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) refusent
encore de suivre l'Égypte sur la voie de la paix. La chute du shah d'Iran et
l'avènement de la République islamique, en 1979, entraînent une nouvelle
déstabilisation de la région du Golfe où l'empereur d'Iran remplissait le rôle de «
gendarme des Américains ». L'invasion de l'Afghanistan par l'URSS, en 1979, et
la guerre entre l'Iran et l'Irak entre 1980 et 1988 ne font qu'augmenter les
tensions. Les conflits opposants Israël aux pays arabes d’une part et la chute du
Shah d’autre part suscitent deux chocs pétroliers qui ont durement touché les
économies occidentales et, notamment, européennes. Le choc pétrolier En effet,
pour contraindre les pays occidentaux à faire pression sur Israël, engagé dans la
guerre du Kippour, les pays arabes producteurs de pétrole réduisent l'exportation
de pétrole vers l'Europe et l'Amérique. Soutenus par les Soviétiques, les pays de
l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) déclenchent ainsi une
hausse sensible des prix du brut, à l'origine d'une crise globale de l'énergie.
L'arme du pétrole devient un instrument de lutte internationale contre Israël et
ses alliés. La réduction de la production et des mesures d'embargo sont prises
contre les pays jugés inamicaux qui sont directement dépendants de l'extérieur
pour près des deux tiers de leurs importations. D'octobre à décembre 1973, le
prix du baril de brut est multiplié par cinq. C'est le premier choc pétrolier.
Détonateur de la crise économique, il produit un double effet sur l'économie des
États occidentaux : la crise aggrave brusquement les tensions inflationnistes, qui
atteignent en Grande-Bretagne des taux de 20 % par an, et elle prélève une
partie des richesses des pays importateurs de pétrole causant un énorme déficit

2
David Amsellem, Israël-Palestine : une géopolitique de l'électricité, Hérodote 2014/4 (n° 155), pp 135 à 152.
dans la balance des comptes. Depuis le début des années soixante, la
consommation de pétrole n'a en effet pas cessé de croître au détriment du
charbon et du gaz naturel. Elle a pratiquement doublé entre 1950 et 1972 pour
atteindre plus de 60 % de la consommation générale d'énergie. Le choc pétrolier
rend alors la facture pétrolière d'autant plus lourde à partir d'octobre 1973. Les
dépenses accélèrent la crise économique qui frappe l'Europe occidentale et qui
se traduit d'abord par une récession qui met subitement fin à la croissance des
Trente glorieuses. La production industrielle recule, les secteurs économiques
traditionnels sont directement affectés : le textile, la construction navale, la
sidérurgie. Le commerce international fléchit et les faillites se multiplient. La
conséquence immédiate de cette dépression et de la politique d'austérité qu'elle
provoque est la montée massive du chômage qui frappe désormais les sociétés
européennes, montée entretenue par un second choc pétrolier qui survient en
1979. Certes, il y a de fortes disparités entre les différents pays. Quelques pays
s'en sortent mieux que d'autres.3
Prenant maintenant le cas du conflit syrien, Entre 2008 et 2010, la Syrie
produisait en moyenne 400 000 barils de pétrole par jour. La grande majorité de
cette production était réservée à la consommation locale, le reste (environ 140
000 barils/jour) était destiné à l’exportation. Plus de 90% des exportations
pétrolières syriennes étaient à destination des pays de l’Union européenne,
notamment l’Allemagne (32%), l’Italie (31%) et la France (11%). Ces
exportations représentaient environ 30% du PIB de la Syrie.
La situation géographique du pays, frontalier à l’Irak, à la Turquie et disposant
d’une large façade maritime, lui permettait d’être un couloir énergétique idéal
pour le transit de gaz du Moyen-Orient vers l’Europe. En 2009, l’émir du Qatar
proposait ainsi à Bachar El-Assad la construction d’un gazoduc reliant leurs
deux pays en passant par l’Arabie saoudite et la Jordanie afin d’acheminer le gaz
du gisement North Dome, situé dans le Golfe persique, vers l’Europe. Or, le
Qatar partage une partie de ce gisement avec l’Iran, un allié privilégié de la
Syrie. Pour cette raison, Damas a refusé le projet qatari et a signé en 2011 avec
Téhéran un accord pour la construction d’un gazoduc reliant l’Iran à la Syrie en
passant par l’Irak (Islamic gaz pipeline). Ces projets ont été gelés avec le début
de la guerre civile.
Les enjeux énergétiques de ce conflit se situent essentiellement à un niveau
régional. Ils permettent d’expliquer, en partie, le comportement des États alliés
ou opposés à l’actuel gouvernement syrien. En effet, le projet de gazoduc qatari
pourrait être relancé si les rebelles faisaient chuter le régime en place, ce qui
3
Étienne Deschamps, Les relations avec le Moyen-Orient et les chocs pétroliers, CVCE. European Navigator,
2016
explique que le Qatar ait pu apporter un tel soutien à la rébellion syrienne. En
outre, ce gazoduc serait aussi une aubaine énergétique pour l’Union européenne
qui souhaite le raccorder au gazoduc Nabucco (en projet), et ainsi réduire sa
dépendance vis-à-vis du gaz russe. Là encore, on pourrait y voir une des raisons
pour lesquelles les pays de l’UE souhaitent la fin du régime de Bachar El-Assad.
À l’inverse, l’Iran, qui a signé un accord pour la construction de l’Islamic gas
pipeline, souhaite que le régime se maintienne au pouvoir, tout comme la
Russie, qui envisage de relier l’Islamic gas pipeline au futur gazoduc, South
Stream, construit par Gazprom. D’un point de vue énergétique, au-delà de l’Iran
et du Qatar, ce sont finalement l’UE et la Russie qui s’opposent et l’on retrouve
cet affrontement sur la scène politique.4

4
DAVID AMSELLEM, Le facteur gazier dans le conflit syrien, les clés du Moyen-Orient, 2014

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