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Dictées pour les 3ème

Flaubert, Trois contes , « la Légende de saint Julien l'Hospitalier ».

Le bois s'épaissit, l'obscurité devint profonde. Des bouffées de vent chaud


passaient, pleines de senteurs amollissantes. Il enfonçait dans des tas de feuilles
mortes, et il s'appuya contre un chêne pour haleter un peu.
Tout à coup, derrière son dos, bondit une masse plus noire, un sanglier.
Julien n'eut pas le temps de saisir son arc, et il s'en affligea comme d'un malheur.
Puis étant sorti du bois, il aperçut un loup qui filait le long d'une haie. Julien lui
envoya une flèche. Le loup s'arrêta, tourna la tête pour le voir et reprit sa course.
Il trottait en gardant toujours la même distance, s'arrêtait de temps à autre,
et, sitôt qu'il était visé, recommençait à fuir.

Marcel AYME, La Vouivre, 1943


Vers huit heures du matin, Arsène aiguisait sa faux lorsqu'il aperçut à quelques pas
de lui une vipère glissant sur l'herbe rase. Son cœur se serra d'une légère
angoisse, comme il lui arrivait parfois dans les bois, lorsqu'il entendait un bruit
dans les branches profondes d'un buisson. A l'âge de cinq ans, un jour qu'il
cueillait du muguet, il avait mis la main sur un serpent et l'aventure lui
avait laissé l'horreur des reptiles.

Fournel, Les Grosses Rêveuses

Elle était bien. Elle aimait la lueur dont le poste baignait son salon, et dans les
longues soirées d’hiver il lui semblait même parfois qu’il diffusait de la chaleur.
Elle avait d’abord regardé son poste en égoïste, presque secrètement , puis, dès
qu’elle s’était sentie plus solide, dès qu’elle avait eu la certitude de connaître tout
le monde, sur toutes les chaînes, elle s’était, elle aussi, mise à discuter avec les
gens du village.
Une rentrée en sixième

Ma mère nous avait prévenus qu'elle ne pourrait pas nous accompagner, parce que la
petite sœur n'avait pas de robe convenable.
Nous partîmes donc tous les trois, mon père, mon frère et moi. Je
marchais à la droite de Joseph, tandis que Paul s'accrochait à sa main gauche.
Mon cartable, en tirant mes épaules en arrière, me faisait une poitrine
avantageuse, et les talons neufs claquaient sur le trottoir, encore encombré par les
poubelles matinales.
Mon père me signalait au passage les noms des rues, pour me mettre en
état de retrouver mon chemin. Ma mère devait m'attendre à la sortie du soir, mais,
à partir du lendemain, il me faudrait naviguer tout seul entre le lycée et la maison,
ce qui m'effrayait un peu.
Guy de Maupassant, Contes du jour et de la nuit

Sur la montagne blanche, le tas de maisons pose une tache plus blanche encore.
Elles ont l'air de nids d'oiseaux sauvages, accrochées ainsi sur ce roc, dominant ce
passage terrible où ne s'aventurent guère les navires. Le vent, sans repos, fatigue
la mer, fatigue la côte nue, rongée par lui, à peine vêtue d'herbe ; il s'engouffre
dans le détroit, dont il ravage les deux bords. Les traînées d'écume pâle,
accrochées aux pointes noires des innombrables rocs qui percent partout les
vagues, ont l'air de lambeaux de toiles flottant et palpitant à la surface de l'eau.
Salavina, Trente ans de Saint-Pierre (1909)

Cette fois , je me tus…Ce tonnerre de Dieu m'inquiétait fort…Cloué, perplexe,


je fouillai du regard les flancs de la montagne. Soudain, comme des feux follets,
j'y vis courir des lumières en tous sens. Elles virevoltaient partout,
en vraies lucioles…Elles naissaient, montaient, descendaient, s'éteignaient…puis
reparaissaient plus loin et plus bas. Quel était ce sabbat d'un nouveau genre ? …Les
montagnards éperdus fuyaient dans la nuit, tandis que, formidables, rugissaient
maintenant les détonations de la Pelée. Un mince filet de cendre noire fusa dans
l'or de l'infini, éteignant à nos yeux la splendeur des étoiles.
Colette, Le Blé en herbe

Août finissait, et l'on dînait déjà à la lueur des lampes, les portes ouvertes sur le
couchant vert, où nageait encore un fuseau de cuivre rose. La mer déserte,
d'un bleu-noir d'hirondelle, dormait, et quand les dîneurs se taisaient, on entendait
le petit flux lassé et régulier des marées de morte-eau. Philippe chercha, entre les
Ombres, le regard de Vinca, pour éprouver la force de ce fil invisible qui
les liait l'un à l'autre depuis tant d'années et les préservait exaltés et purs, de la
mélancolie qui accable les fins de repas, les fins de saison, les fins de journée.
Jean-Louis Étienne, Le marcheur du pôle (1986)
Le 10 mai 1986, Jean-Louis Étienne touche au but.

Ça y est, je suis passé ! Enfin…il serait exact, et surtout plus noble, de dire que la
banquise vient de m'ouvrir sa porte blanche, pour accéder jusqu'à son centre,
le pôle Nord, que les enfants canadiens appellent le pas du Père Noël, car ils savent
bien qu'il y habite.
Et moi, en contemplant la blancheur insensée de cet univers fabuleux, je
suis tout prêt à croire qu'ils ont raison, que je vais croiser son traîneau au détour
d'une crête enneigée, et que nous nous saluerons au passage !
J.-M.G. Le Clézio

Celui qui n'avait jamais vu la mer (1998)

Il avait trois ou quatre frères plus âgés qu'on ne connaissait pas.


Il n'avait pas d'amis, il ne connaissait personne et personne ne le connaissait. Peut-
être qu'il préférait que ce soit ainsi, pour ne pas être lié. Il avait un drôle de visage
aigu en lame de couteau, et de beaux yeux noirs indifférents.

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